JE SUIS SUR WATTPAD
¤¤¤¤ - Chapitre 3 - ¤¤¤¤
===Le Petit Chaperon Rouge===
Tremblant, Draco recula de quelques pas maladroits, et s'apprêtait à courir quand Potter lui agrippa le bras. Il tira de toutes ses forces pour récupérer son membre, de plus en plus terrifié. Une catastrophe allait se produire, il le sentait, c'était imminent ! Il ne devait pas être ici ! Il ne devait surtout pas se tenir près d'elle ! Il fallait qu'il parte ! S'il restait, il allait encore… il allait…
Harry lui saisit les deux épaules pour l'obliger à lui faire face. Le Serpentard paniquait sans aucune raison apparente, et le brun craignait qu'il fasse une bêtise… comme déclencher une tempête de neige, par exemple. Mais il continuait à se débattre, ne se laissant pas regarder…
Tout à coup, Galahad saisit violemment le sorcier par derrière, ses bras épais entourant la silhouette maigre plus efficacement qu'une corde. Cela libéra les mains du Gryffondor qui saisirent le visage dangereusement pâle pour observer ses yeux…
Il n'avait donc pas halluciné : il y avait bel et bien des éclats de miroir dans ses iris ! C'étaient eux les responsables de leur teinte si singulière… Et ses débris étaient en train de se briser sous ses yeux ! Petit à petit, il voyait des fissures se former, et de la poussière de verre scintiller vers ses pupilles… Cette vision lui donna un mauvais pressentiment. Très mauvais. Comme une tâche noire au milieu d'une étendue de neige immaculée. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ?!
Arthur reçut un léger coup à l'arrière du crâne, et rougit en réalisant sa trop grande promiscuité avec le blond.
« Lâchez immédiatement ma grande sœur !
- Comment osez-vous attaquer le Roi Arthur ! rugit Tristan, près de la jeune femme.
- Ce n'était qu'une boule de neige, soupira la dénommée Anna, exaspérée. Et maintenant, laissez ma sœur tranquille ! Vous êtes peut-être un roi, mais elle, c'est une reine ! La seule et unique souveraine d'Avalon, le Royaume d'Été ! Alors pas touche ! »
Un long silence accueillit ses paroles…
« QUOI ?! » firent tous les hommes présents.
Neville venait de revenir au campement en compagnie de Caradoc, et ils laissèrent tous deux tomber les fagots de branches qu'ils portaient. Il ne savait plus où poser le regard ni sur quelle information s'attarder… Malfoy était prisonnier des bras de Galahad, Harry se tenait bien trop près de lui, le Serpentard avait une petite sœur rousse, il était la reine du Royaume qui les avait envoyés le tuer, et cette contrée s'appelait Avalon ?! La véritable terre d'Avalon ! L'île mythique où fût forgée Excalibur et où le Roi Arthur allait mourir ?!
Draco aurait voulu plonger le visage dans ses mains tant il avait mal à la tête. Il ne comprenait plus rien. Il était toujours autant terrifié, un sentiment d'urgence menaçant de le rendre fou. Il devait partir, et vite ! Cependant, le chevalier le maintenait fermement, l'empêchant d'esquisser le moindre geste… Il pouvait se libérer. Il le savait… Mais il devrait grièvement le blesser pour cela, et le blond n'était pas certain que cela soit une bonne idée s'il souhaitait redorer son image. Pourtant, sa magie commençait à s'activer contre sa volonté… C'était mauvais, très mauvais !
« Parfaitement ! enchaîna le petit bout de femme, jambes écartées, main sur la hanche et grosse branche sur l'épaule. Si je me suis enfuie du palais pour la ramener avec moi, affrontant le froid, la neige et les loups, ce n'est pas pour vous laisser la kidnapper sous mes yeux sans rien faire ! Donc, vous allez gentiment ôter vos sales pattes de malotru, ou je vous flanque un coup de bâton en pleine face ! Compris ? »
« Elle ne manque pas de culot » pensa Harry, un rire nerveux au bord des lèvres. Cette fille ne devait pas avoir plus de dix-sept ou dix-huit ans, mesurait un mètre cinquante tout au plus, et avoisinait les quarante kilos tout mouillé. Pourtant, elle se tenait droite et fière, menaçant un roi et ses douze chevaliers armés jusqu'aux dents avec un simple bout de bois. L'inconscience avait ses limites.
« Aïe ! Sorcière ! »
Tout se passa très vite. Une légère couche de gel avait envahi les bras de Galahad, pénétrant sa cotte de mailles et piquant sa peau. Celui-ci relâcha sa prise pour dégainer son épée, et enfin libre, Draco amorça sa fuite. Harry n'eut pas le temps de penser, agissant par pur réflexe : d'un bras, il para le coup mortel de son chevalier avec Excalibur, et de l'autre, enroula la taille du sorcier pour le ramener contre lui. Tristan attrapa la jeune Anna qui cherchait à porter secours à sa "sœur", et Neville se précipita pour asséner un coup de bouclier magique à Galahad, le faisant chuter sans le blesser. Perceval, qui venait de revenir de la chasse, laissa tomber ses proies au sol afin d'accourir vers le blond, le récupérant des bras du roi.
« Laissez-moi… murmura faiblement Malfoy, d'une voix désespérée. Il faut que je m'éloigne… Je dois partir… Vite… S'il-vous-plaît… »
Cette supplique, inconcevable dans la bouche du "Prince des Serpentards", choqua profondément les deux Gryffondors. Perceval enlaça tendrement l'élu de son cœur, et de nouvelles larmes roulèrent sur les joues pâles.
« Elsa ! hurla Anna, se débattant rageusement dans la poigne de Tristan. Lâchez-moi, sale rustre ! Espèces de sauvages ! Mufles ! Malappris ! »
Arthur fit signe à son vassal de la relâcher, et celui-ci s'exécuta à contrecœur, non sans avoir récupéré le gourdin improvisé au préalable. La jeune fille manqua de chuter dans la précipitation, se jetant aux côtés de sa "sœur" pour la prendre dans ses bras. Mais Draco la repoussa si fort qu'elle bascula en arrière en poussant un cri de douleur. Il allait à nouveau s'enfuir si Perceval ne le tenait pas encore par la taille.
Harry décida qu'il était temps de mettre fin à cette folie. Il s'agenouilla près du Serpentard apeuré et reprit fermement son visage humide dans ses mains pour le fixer droit dans les yeux.
« Calme-toi ! ordonna-t-il sèchement, effrayé de voir encore plus de brisures et de craquelures dans ses iris d'argent. Regarde-moi ! »
Ses pupilles voyageaient dans toutes les directions sans jamais se poser nulle part, paupières largement écarquillées. Il n'était plus lui-même, en pleine crise de panique et de larmes, les éclats de miroir semblaient de plus en plus nombreux, de plus en plus divisés… Et lui aussi se mit à paniquer.
« Malfoy ! l'appela-t-il, la gorge nouée, espérant le faire revenir à lui en invoquant son véritable nom. Je suis là ! Regarde-moi !
- Pousse-toi ! »
Anna tira la cape du roi en arrière, et gifla violemment sa "sœur". Tous retinrent leur souffle.
« Elsa Viviana Morgana Camlann d'Avalon ! le gronda-t-elle avec toute la hargne dont elle pouvait faire preuve. Tu vas me faire le plaisir de te reprendre et te montrer digne de ton titre de reine, et fissa ! Tu as un Royaume à diriger ! Et c'est pas une petite tempête de neige éternelle qui va t'en empêcher, pas vrai ? Tu as déjà vécu bien pire ! Mon mariage désastreux, par exemple. Ou cet idiot de roi Urien qui a cru pouvoir te voler nos terres en te faisant la cour ! Ou ce stupide Merlin, qui voulait te contrôler en prétendant vouloir t'apprendre à maîtriser tes pouvoirs !
- Anna… souffla Draco en se tenant la joue.
- Ce n'était pas de ta faute, poursuivit la jeune fille plus doucement. C'est moi… Depuis le temps, j'aurais dû apprendre à régler mes problèmes toute seule. J'ai trop pris l'habitude de me reposer sur toi… C'est moi qui voulais épouser ce goujat de Kay, avant de comprendre qu'il cherchait seulement à t'atteindre à travers moi… J'aurais dû le savoir. J'aurais dû m'occuper de lui moi-même, et pas venir te voir la queue entre les jambes pour que tu répares mes bêtises à ma place…
- Anna…
- C'est vrai, il m'a frappé quand je l'ai provoqué. Je voulais le mettre devant le fait accompli, qu'il avoue enfin ses véritables intentions… Mais on a des gardes pour ça ! J'aurais pu les appeler pour qu'ils me défendent ! Je n'aurais jamais dû courir me réfugier dans tes jupons, comme je le faisais toujours quand on était petites. Tu es officiellement devenue reine, maintenant. Tu as autre chose à faire que de t'occuper de moi. Déjà que tu as pris la place de maman pour m'éduquer à la mort de nos parents… Ça suffit ! Je dois grandir ! Tu ne devrais plus avoir à t'occuper de moi !
- Anna… tenta à nouveau le blond d'une voix tremblante.
- Je ne sais pas ce que ce… butor t'a dit pour t'énerver à ce point, mais on va arranger tout ça. Je peux t'aider ! En venant jusqu'ici, j'ai appris que je savais plutôt bien me défendre ! Les leçons de notre maître d'arme ont finalement porté leurs fruits : j'ai réussi à faire fuir un loup à coups de bâton ! Tu te rends compte ? Tu peux être fière de moi ! Kay n'a qu'à bien se tenir ! Je vais lui flanquer une de ces raclées ! Il va…
- Anna ! insista Draco, de plus en plus inquiet. Qui dirige le Royaume si tu es là ? »
La jeune fille se figea, les yeux grands ouverts. Elle balbutia quelques borborygmes incompréhensibles, l'air coupable, et Harry ferma les paupières. Il y avait beaucoup trop d'informations dans ce long discours, et il ne savait plus où donner de la tête. Et puis il y avait le miroir brisé dans les iris de Malfoy… Quelque chose lui disait que ce n'était vraiment pas de bon augure. Il était perdu…
Ainsi, le Serpentard était réellement une reine avec un véritable Royaume. Et pas n'importe lequel : Avalon ! Rien que ça !... À côté, être le Roi Arthur devenait bien moins sensationnel. Mais surtout, un profond malaise l'avait pris à la gorge en apprenant cela. Il avait le sentiment qu'il devait à tout prix protéger le blond et le ramener le plus vite possible sur son île. C'était comme… vital ! S'il ne le faisait pas, si la souveraine ne regagnait pas son trône… Il voyait le chaos. Un fléau s'abattrait… Terrible… Dramatique… Comme une vision prophétique de l'Enfer.
Et il ne comprenait pas pourquoi !
« Je crois que nous avons à peu près tout ce que nous voulions savoir, fit-il au bout d'un moment, la voix enrouée par l'angoisse. Perceval, rafraîchissez-moi la mémoire, je vous prie : comment se nommait ce fameux gouverneur du Royaume d'Été nous ayant supplié d'occire la "Reine des Neiges" dans son château de glace ?
- Le duc Kay de Glastonbury, sire. »
Anna poussa un couinement plaintif, mains devant la bouche, alors que Draco ferma douloureusement les yeux. Il eut l'impression qu'un énorme rocher venait de s'abattre sur ses épaules et remercia silencieusement Perceval de toujours le maintenir contre lui, lui évitant de s'effondrer sans aucune grâce. En quelques minutes, il avait appris être à la tête d'un pays, et l'avait immédiatement perdu dans la foulée… à cause de sa propre négligence. Il s'était enfui ! Laissant la voie libre à son traître de beau-frère qui fomentait un coup d'État. Merlin ! Cette reine était stupide idiote et pathétique !
« Notre mission prend une tournure surprenante, déclara Harry à ses soldats, tous assemblés autour de l'étrange scène. J'espère que ceci vous servira de leçon, Seigneur Galahad, poursuivit-il à l'adresse du chevalier, lui offrant son aide pour se relever. Apprenez à faire un peu plus confiance au jugement de votre roi.
- Oui, majesté, répondit-il d'un air misérable, serrant la poigne sûre en se redressant. Je ne mérite pas votre miséricorde…
- Allons donc, il n'est pas l'heure de s'apitoyer. Nous avons un royaume à libérer, et une malédiction à lever. N'est-ce pas, Reine Elsa ? »
Surpris, Draco leva les yeux vers son ancien ennemi. Devant lui, une main tendue… et un sourire confiant. Potter venait-il réellement de proposer son aide afin de reconquérir ses terres ? Il hésita une fraction de seconde, encore hébété par les révélations, ses sentiments incontrôlables… et les vifs souvenirs de sa vie de monarque dans un gigantesque et magnifique palais empli de richesses…
Tout cela surgissait de nulle part. Tout allait trop vite… Il avait l'impression d'être étranger… d'être… quelqu'un d'autre… Et pourtant, cela lui était si familier. Il se rappelait sa chambre somptueuse, la douceur de ses draps de soie ou le moelleux de son lit… Il revoyait les jardins fleuris, les sculptures de cuivre ou d'argent, l'architecture grandiose… Et tout cela lui appartenait ? Il n'arrivait pas à trier toutes ces données dans sa tête. C'était trop… beaucoup trop… Les images se superposaient à celle du manoir Malfoy sans les remplacer… C'était comme… se souvenir de deux vies… et avoir la sensation qu'elles étaient aussi réelles l'une que l'autre.
Un rire nerveux le prit quand les doigts du brun se refermèrent autour des siens. Il chancela une seconde, nauséeux et épuisé, mais réussit à se stabiliser sur ses jambes flageolantes. Perceval s'était relevé avec lui, près à le rattraper au moindre problème, vite suivi par la petite Anna, l'air coupable.
« Grande sœur… » hésita-t-elle en s'approchant.
Le blond recula vivement lorsqu'il sentit sa main frôler son bras, et le mouvement sembla blesser la jeune femme, les yeux brouillés de larmes difficilement contenues. Cependant, il ne pouvait pas se permettre de se tenir trop près d'elle. Il le sentait encore. C'était… dangereux. "Il" était dangereux pour elle ! Et il ne comprenait toujours pas pourquoi…
« Pardon… gémit-elle piteusement en reniflant. Je fais toujours tout de travers… Je n'ai pas réfléchi… Je voulais juste que tu reviennes… Que tout redevienne comme avant…
- Anna…
- Ne m'en veux pas, je t'en supplie… Je suis perdue sans toi…
- Anna, je t'ai fait du mal, n'est-ce pas ? »
Les prunelles humides de l'adolescente se voilèrent d'incompréhension pendant quelques secondes, avant de soudainement s'éclairer.
« Tu veux parler de "ça" ? sourit-elle en essuyant ses joues rosies par le froid et son nez coulant. C'est rien du tout ! J'ai rien senti ! Le loup m'a fait bien plus mal !
- Ce n'est pas la première fois que vous parlez d'un loup, mademoiselle, intervint Neville, soupçonneux. Je m'étonne que vous ayez pu en réchapper si facilement. Surtout qu'ils se déplacent toujours en meute…
- Tout va bien ! Je l'ai fait fuir en l'assommant avec ma branche. Je suis plus forte que j'en ai l'air !
- Tu saignes ! » réalisa brusquement Draco le cœur battant, tirant sur le manteau rouge de sa petite sœur.
Personne n'avait remarqué la grande tâche plus sombre qui s'étalait lentement sur la pèlerine, les deux teintes se confondant aisément dans l'obscurité de la nuit, seulement éclairée par la lumière du feu à quelques mètres de là. Le blond sentit une boule se former dans son estomac, sa magie crépitant au bout de ses doigts… Quand une fine couche de gel commença à envahir le tissu grenat, il lâcha rapidement le vêtement et fit de nouveau plusieurs pas en arrière.
Les mains tremblantes, il se frotta le visage pour reprendre contenance… Si seulement il avait sa baguette magique ! Il mourrait d'envie de partir en chasse, et figer dans la glace la maudite bête qui avait osé s'en prendre à la chair de sa chair ! Et cet attachement si fort et si soudain envers la rousse, pourtant inconnue, le perturba grandement… Mais il ne pouvait pas s'en empêcher : il aimait cette fille plus que tout au monde ! Il le sentait au fond de lui, au point de lui poignarder la poitrine et lui tordre les tripes.
« C'est rien, juste une petite morsure de rien du tout, dédramatisa Anna en voulant rejoindre le blond pour l'apaiser.
- Retirez votre pardessus, exigea Perceval en retenant la jeune femme. Si vous me permettez, je vais vous soigner.
- Mais non, tout va bien je vous dis ! s'énerva-t-elle d'être ainsi séparée de sa propre sœur.
- Anna… gronda soudainement Draco, le visage toujours dans les mains. Fais ce qu'on te dit ! C'est un ordre ! »
Grommelant, elle s'exécuta de mauvaise grâce, et frissonna de froid une fois privée de l'épais feutre doublé de fourrure. Le guerrier la guida vers le brasier, à la fois pour sa chaleur et sa lumière, fronçant les sourcils devant la manche de sa chemise blanche devenue intégralement rouge sang. Le sorcier déglutit en voyant cela, mais n'osa pas les accompagner. En effet, une épaisse couche de verglas commençait à s'étendre sur le sol autour de lui.
Harry sentit l'air devenir de plus en plus glacial, et grimaça en voyant la mine anxieuse de Malfoy. Visiblement, il tenait beaucoup à sa "petite sœur", même s'il venait tout juste d'apprendre son existence. Ce fait troublant ne cesserait pas de le surprendre, il en faisait lui-même les frais : bien qu'il sache ne jamais avoir vécu avec ces chevaliers, il avait l'impression de tous les aimer et les connaître sur le bout des doigts. Soupirant, il posa une main réconfortante sur l'épaule de son ancien ennemi. Et étrangement, celui-ci ne se dégagea pas.
Pendant ce temps, Perceval découpa méticuleusement l'étoffe de laine pour faire apparaître une large blessure suintant toujours d'hémoglobine. Draco ne put retenir un petit cri aigu et se mordit les lèvres d'angoisse. Avec la magie du vrai monde, il aurait pu la soigner d'un sortilège : cela ne fonctionnait pas ainsi dans cet univers… Et cela ne faisait que l'affoler plus encore !
« La plaie est récente, analysa le soldat qui s'improvisait médecin. Quand avez-vous été attaqué ?
- Une heure ou deux avant de trouver votre campement, bougonna Anna.
- L'animal doit toujours être dans les parages ! s'exclama Tristan en dégainant sa lame.
- Ce démon a certainement pisté l'odeur du sang afin de revenir se venger ! approuva Caradoc en l'imitant, vite suivi par tous les autres.
- Mais puisque je vous ai dit que je l'ai fait fuir !
- C'est profond, poursuivit Perceval en sortant quelques onguents et bandages de son sac. Mais non mortel ni handicapant. Vous garderez cependant une cicatrice.
- La taille de la mâchoire me semble anormale, étudia à son tour Galahad en s'approchant, les yeux plissés. De quelle dimension était ce monstre ? Vous semblait-il plus grand que de coutume ? Peut-être n'avez-vous pas d'élément de comparaison…
- Nous avons quelques loups dans notre ménagerie royale, réfléchit Anna, se prenant au jeu. Elsa m'a toujours interdit de m'en approcher, alors c'est un peu difficile à dire… Mais maintenant que vous le dites, c'est vrai qu'il était bizarre.
- "Bizarre" comment ? insista Harry, tout à coup plus méfiant.
- Je ne sais pas trop… Il avait peut-être les pattes plus grosses… Il était plus velu sur le poitrail que vers les reins. Il avait de grands yeux…
- Le plus étonnant est que vous ne semblez pas ressentir la douleur, hésita Perceval en fixant l'adolescente. Une telle blessure devrait vous faire crier de souffrance à chaque friction. Pourtant, vous marchiez et vous déplaciez de façon tout à fait ordinaire. Nous n'avions rien remarqué avant que votre charmante sœur fasse montre d'un grand sens de l'observation.
- Je ne sens presque rien, confirma-t-elle, perplexe. Je n'avais pas eu le temps de regarder avant d'arriver vers vous. Je croyais que c'était bénin, ça ne m'a pas inquiété plus que ça… Peut-être le froid m'a anesthésié ?
- "Anes-quoi" ?
- Ça ne marche pas comme ça, protesta Draco, la colère dominant petit à petit sa peur. Il t'aurait fallu être congelée pour être à ce point insensibilisée. Avait-il la tête plus petite ? Et des oreilles plus grosses qu'un loup ordinaire ?
- Et de très grandes dents. Mais comment le sais-tu ?
- Un loup-garou », répondit Harry en comprenant là où Malfoy voulait en venir.
Le "Survivant" dégaina Excalibur et se plaça devant le sorcier en un geste protecteur. Ce fût le signal : tous les soldats se mirent en position de combat, prêts à en découdre. Ils encerclèrent le feu de camp, tout autour de la petite clairière. Neville serra le poing et frappa le sol de son bouclier magique qu'il venait de faire apparaître. Arthur, Lancelot et Elsa glissèrent lentement vers la jeune Anna, aux aguets, et le blond attrapa fermement le bras valide de sa petite sœur pour la tirer derrière lui.
Ni les Gryffondors ni le Serpentard n'étaient certains de leur analyse : personne ne pouvait garantir qu'un lycanthrope de leur monde ressemblait à un de celui-ci… Pourtant, la description et l'affirmation ne semblèrent pas choquer les chevaliers ou la jeune fille. Ils allaient donc partir sur ce principe, en espérant ne pas avoir de mauvaise surprise…
Restait à savoir comment débusquer la bête… Elle était forcément là, tout près. Mais pourquoi ne les avait-elle pas attaqués quand ils n'avaient pas encore conscience de sa présence ? Cela n'avait pas de sens… Évidemment, il avait fallu que la pleine lune arrive cette nuit ! Si seulement Harry avait sa baguette, il aurait su comment se…
« Je crois… intervint faiblement la reine dans le silence oppressant, coupant court aux pensées du roi. Je crois que je vois quelque chose…
- Où ?
- Là-bas, sur la droite… Ça se déplace à gauche…
- Je ne vois rien…
- Vous êtes une sorcière ! cracha soudainement Caradoc. Faites donc votre office !
- Ne parlez pas comme ça de ma sœur ! protesta la jeune rousse.
- Tais-toi, Anna ! ordonna Draco, attentif. Êtes-vous donc aveugles ? Il est passé derrière le rocher, là ! » déclara-t-il en faisant se tourner tous les chevaliers dans la direction indiquée.
Potter, lui, préféra se concentrer sur le blond. Si seulement Hermione se trouvait avec eux, elle aurait tout de suite compris pourquoi seul Malfoy était capable d'apercevoir les mouvements de la créature. Qu'est-ce qui lui échappait… ? Qu'avait donc cet "homme-souveraine" de différent ?
« L'argent ! hoqueta-t-il soudainement.
- J'y ai pensé, grimaça Neville, craintif. Mais nous n'avons pas de lames en argent.
- Non. Malfoy, ce sont tes yeux !
- Quoi ?
- Je crois que tes iris n'en ont pas seulement la couleur. Tu as littéralement des yeux remplis d'argent ! C'est le point faible des loup-garous, c'est pour ça que tu es le seul à pouvoir le voir ! »
Le blond le regarda comme s'il était devenu fou.
« Potter… souffla-t-il comme s'il expliquait à un moldu obtu que la magie existait. On ne peut pas avoir de métal dans les yeux… Cela gênerait légèrement la vision, tu ne crois pas ?
- Mais toi, si » le contredit Anna, circonspecte.
Les trois garçons firent volte-face pour l'observer, attendant qu'elle développe.
« Tu as oublié ? C'est de famille, tu sais bien ! Chaque premier né de la lignée royale directe se découvre un métal dans les iris. Seigneur, tu as dû te cogner la tête tellement fort ! Tu ne te souviens plus des yeux cuivrés de papa ? Mais à part un signe distinctif pour repérer l'héritier légitime, ou un argument pour faire refondre toutes les statues du palais dans le bon matériau à chaque couronnement, ça n'a jamais servi à rien. C'est la première fois que j'en vois une quelconque utilité. »
Harry reporta son attention sur le blond perplexe. Il était fasciné par cette découverte, et regardait l'éclat d'argent, rendu plus hypnotisant à la lueur du feu. Il se demandait si les brisures de miroir étaient également normales, quand il décida que ce n'était pas le moment des questions. D'un geste, il intima le sorcier à se focaliser sur la forêt alentour : ils avaient un loup-garou à faire sortir du bois !
Draco ne savait pas comment prendre la nouvelle… Depuis son arrivée, il n'avait pas eu l'occasion d'observer son reflet, et se demanda si d'autres éléments de sa personne étaient différents… Comment avait-il pu ignorer qu'il avait du métal dans les iris ?! Il n'avait pourtant pas eu l'impression que sa vision avait changé. Certes, Potter n'avait plus l'air d'avoir besoin de lunettes, mais cela était loin d'être aussi extravagant.
« C'est étrange… fit-il soudainement.
- Pour l'amour de Dieu ! s'emporta Bohort, légèrement tremblant. Nous nous apprêtons à combattre un loup-garou sans posséder les armes adéquates ! Vous êtes la seule à pouvoir nous aiguiller, alors pourriez-vous nous donner des indications claires ? Je vous en prie, Reine d'Avalon !
- Il ne cesse de se mouvoir sans chercher à attaquer, expliqua ladite "reine", faisant fi des paroles discourtoises. Ce n'est pas normal… Peut-être est-il blessé et attendait probablement que nous dormions avant de s'en prendre à nous ? Le fait que nous ayons eu vent de sa présence si tôt ne faisait certainement pas partie de son plan.
- Ça fait des plans, les loup-garous ? demanda Anna, curieuse. Je pensais qu'ils n'étaient que des bêtes féroces attaquant tout ce qui se trouve à leur portée… Pas comme des vrais loups, plus subtiles…
- Cela dépend desquels, j'imagine, éluda Malfoy, ne souhaitant pas avouer qu'elle avait raison, mais qu'il n'avait pas d'autres explications à proposer.
- Ou alors il n'est pas intégralement transformé, suggéra Harry. Cela expliquerait qu'il soit capable de réfléchir… et de laisser en vie une jeune femme seule et sans défense. »
C'était bien beau, mais Draco n'en avait rien à faire : ce monstre s'en était pris à sa précieuse petite sœur ! Il se surprit à prier toutes les fibres de son âme que la blessure ait été soignée à temps, afin de lui éviter la désagréable surprise de devenir elle-même lycanthrope ! Il ne pourrait pas le supporter. Et le fait qu'elle ne sente pas la douleur de sa plaie n'était pas engageant : cela signifiait que le poison du lupus faisait déjà effet…
Le sorcier était épuisé autant mentalement que physiquement par cette journée cauchemardesque, il n'arrivait toujours pas à digérer toutes les informations qu'il avait apprises, le sentiment d'urgence qui l'avait pris à la gorge depuis l'arrivée d'Anna lui contractait encore le cœur… Et la situation s'éternisait ! Si seulement il maîtrisait sa glace, il aurait pu régler le problème d'un geste précis avec un froid mortel ! Cependant, il ne pouvait pas prendre un tel risque avec toutes les personnes présentes autour de lui… Et la créature qui ne cessait de courir en tous sens…
« Fais chier ! »
Soudain, Potter s'élança seul vers la forêt, ignorant les cris de protestation de ses chevaliers. Immédiatement, Londubat saisit le bras du blond pour l'entraîner à la suite du roi. Malfoy aurait voulu s'indigner, mais sa voix resta bloquée dans sa poitrine. La peur lui vrilla les entrailles : il n'était pas un Gryffondor ! Il n'était pas du genre à foncer tête baissée vers le danger !
« À gauche ! » hurla-t-il tout à coup en voyant son ancien ennemi passer juste à côté de la bête, tapie derrière un arbre.
Arthur se tourna vivement et aperçut enfin le métamorphe au moment où il prit la fuite. Il se lança à sa poursuite, au grand désarroi de Draco, contraint par Neville de le suivre. Derrière eux, quelques autres chevaliers leur emboîtaient le pas, trop loin cependant pour les secourir si jamais la créature acculée décidait de faire volte-face et les charger… ce qui se produisit.
Et le sorcier paniqua. Criant d'effroi, il tendit les mains en avant dans un vain geste de protection, un rayon d'énergie jaillit de ses paumes, fonçant vers le roi… et le dépassant pour s'écraser en plein milieu du poitrail du loup-garou. Le choc stoppa sa course et le propulsa sur plusieurs mètres avant d'être arrêté par un arbre.
Il ne réalisa pas tout de suite ce qui venait de se produire, d'abord décontenancé par le visage sidéré et effrayé de Lancelot, couvert de givre. Puis, il remarqua les stalagmites et la couche de verglas à ses pieds, ayant emprisonné les bottes de Neville. Quelques flocons tournoyaient encore dans les airs quand Perceval arrêta sa cavalcade près d'eux, à bout de souffle.
« Seigneur Lancelot ! gronda gravement le chevalier en posant une main rassurante dans le dos de Draco. Vous ne pouvez entraîner ainsi une reine vers le péril ! Cela ne vous ressemble pas ! Que vous est-il donc passé par la tête ?!
- Il était le seul à savoir où il était… tenta de se justifier le Gryffondor, encore médusé.
- Non ! » hurla la voix de Potter non loin.
Celui-ci, après la surprise du rayon magique passé, s'était élancé vers le corps du monstre… et s'était figé. Ses chevaliers l'avaient rejoint, et Caradoc avait été sur le point d'abattre son arme pour achever la bête quand son roi s'était interposé, et avait paré la lame avec Excalibur en hurlant.
Malfoy s'approcha, ignorant volontairement Lancelot, toujours immobilisé par sa glace, et Perceval, qui fût contraint de la briser avec sa propre épée pour libérer son compagnon. Et il hoqueta.
Devant lui se trouvait son ancien professeur de Défense Contre les Forces du Mal, à moitié lycanthrope : Remus Lupin. L'homme était censé être mort durant la bataille finale, à Poudlard ! Il n'aurait jamais dû pouvoir être inclus dans le sortilège des Contes et Légendes !
« Sire ! fit Tristan en pointant son épée vers la gorge de la bête. Nous devons occire ce démon avant qu'il ne s'en prenne à d'innocents plébéiens !
- Je vous l'interdit ! Voyez, il n'est pas totalement loup ! Il peut se contrôler !
- Il a mordu Anna ! rappela Elsa, la colère refaisant surface.
- C'était une erreur, il doit y avoir une explication. Il aurait pu la tuer, mais il l'a laissée en vie. C'est la preuve qu'il est plus homme que lycan !
- Potter, fais taire ce petit garçon à la recherche de figure paternelle et agis en roi ! Lupin est mort ! Cette chose n'en a que l'apparence !
- La ferme !
- Tu n'es pas rationnel ! Nous ne sommes pas chez nous ! Il n'est pas Remus Lupin et il n'est pas un ami de ton père ! Ce monstre doit mourir !
- Sale hypocrite ! Tu tiendras le même discours quand ce sera le tour de ta sœur ?! Si on suit ta logique, elle aussi devra périr !
- Si tu touches à un seul de ses cheveux… !
- Alors ne me dis pas de l'abattre ! »
Le sorcier bouillonnait de rage. Ce maudit roi n'écoutait pas la voix de la raison, il était seulement tourmenté par toutes les pertes tragiques qui avaient jalonné son enfance. C'était bien triste, certes, mais n'avait rien à voir avec la situation actuelle ! Ses décisions hâtives pouvaient avoir des conséquences funestes ! Quant à Anna, il…
« Écoute… soupira Harry, tentant de retrouver son calme. Je comprends ton jugement, je dirai même que c'est la conclusion la plus judicieuse. Tout le monde serait d'accord avec toi, c'est ce qu'il y a de mieux à faire… Mais pas pour moi. Pour les mêmes raisons que je n'ai pas cherché à t'éliminer, quand je t'ai trouvé dans ton château. »
L'argument fit mouche : Draco se statufia, le regard figé sur le vert intense des prunelles de Potter. Allait-il vraiment comparer le cas d'une prétendue "méchante reine" avec celui d'un lycanthrope ?... Le Serpentard détestait reconnaître une certaine logique dans le procédé. Particulièrement quand son côté honnête, profondément enfoui au fin fond de son esprit, lui hurlait qu'une "méchante reine" avait un potentiel bien plus dangereux, et donc méritait bien plus de mourir… Mais cela, il préférait le nier.
« Que veux-tu faire ? grogna-t-il finalement, vaincu. Nous ne pouvons décemment pas laisser cet… "individu" en liberté. Tu veux qu'il nous accompagne, n'est-ce pas ?
- Et bien… euh…
- Comptes-tu recueillir tous les moutons noirs de la société ? rit nerveusement le blond. Tes vassaux ont déjà eu du mal à m'accepter, cela n'est même pas encore tout à fait le cas, et tu cherches déjà à les confronter à une autre sorte de vilenie ?
- Majesté, hésita Caradoc, le dos couvert de sueurs froides. Ai-je bien saisi vos propos ? Vous souhaitez que nous voyagions avec ce démon… vivant ?
- Qu'est-ce que je disais…
- Cela vous apprendra à voir au-delà des apparences ! improvisa Arthur, en désespoir de cause. Le Seigneur Galahad s'est lui-même retrouvé pantois en apprenant que la soi-disant "maléfique sorcière des neiges", pour laquelle il semblait vouer une haine féroce, était en réalité la souveraine légitime d'Avalon, victime innocente de la traîtrise de ses pairs !
- Et qui est un homme, murmura presqu'imperceptiblement la "souveraine".
- Nous vous obéirons, majesté, déclara Galahad en bombant le torse, soucieux de rattraper ses erreurs. Quelle que soit votre décision, nous nous plierons à votre volonté. Si vous choisissez d'épargner cette bête féroce, alors nous la traiterons avec tous les égards dûs aux invités royaux.
- Vous n'êtes pas sérieux, mon ami ! s'offusqua Caradoc.
- Douteriez-vous de notre bon roi ? menaça Tristan, le visage sombre.
- Vous êtes d'accord aussi ?!
- Il n'y a pas à consentir ou non, intervint Perceval en s'approchant avec Lancelot, enfin libéré. Nous avons juré fidélité à notre roi, qu'importe nos principes. À moins que votre serment soit si fragile qu'il puisse être brisé par votre orgueil ? »
Celle-ci, Malfoy ne l'aurait pas tenté. Impressionné par son audace, il se mit à observer le chevalier sous un nouveau jour.
Caradoc inspira longuement avant de saluer respectueusement son monarque et de tourner les talons, furieux. Le débat était clos, au grand soulagement de Potter. Le Lupin de ce monde était sauf : il n'aurait pas supporté de le voir mourir une seconde fois…
Galahad et Tristan entreprirent de transporter le loup-garou inconscient, non sans l'avoir solidement attaché au préalable, par "mesure préventive". Une fois certains que tout se passerait sans encombre, Harry et Neville rentrèrent ensemble vers le campement, discutant de la bonne marche à suivre avec leurs trois invités imprévus : denrées, couchages, places sur les chevaux… et surtout sécurité pour la nuit, étant donné que la pleine lune était loin d'être terminée.
Draco aurait souhaité les rejoindre, mais fût retenu par Perceval, manifestant son désir de marcher un peu en sa compagnie… Chose plutôt agaçante, puisqu'ils avaient déjà chevauché ensemble une bonne partie de la journée. Le blond s'en serait bien passé… Cependant, la mort dans l'âme, il accepta poliment.
« J'ai été très impressionné par votre courage » avoua le chevalier, les yeux brillants.
Le sorcier resta interdit. De quel "courage" parlait-il ? Il avait cherché à s'enfuir une bonne partie de la soirée, et s'était fait traîner de force vers le danger…
« Une rose frêle et délicate telle que vous, si calme face au péril, affrontant et courant vers le combat sans jamais faillir. Vous êtes, à vous seule, une dure leçon pour tous les chevaliers que nous sommes. J'ai honte de n'avoir su me montrer à la hauteur. J'ai assisté à toute la scène, et ai bien cru votre dernière heure arrivée lorsque ce monstre s'est retourné pour fondre sur vous. Et j'étais si loin… Je n'aurais pu vous porter secours, et cela a fait mon cœur s'arrêter de battre. »
« C'est l'instant floral » pensa avec réticence le blond, en référence à l'hellébore qu'il portait encore dans sa coiffure : il n'avait toujours pas osé l'en retirer. Il devait absolument réfléchir à un moyen de repousser cet homme trop insistant tout en restant dans ses bonnes grâces… Ce qui était impossible !
« Pourtant, je vous supplie de pardonner mon manque de foi, car vous n'aviez visiblement pas besoin de mon assistance, ni de celle d'aucun autre. Vous seule avez terrassé la bête, tout comme vous seule pouviez la voir. Il n'est guère étonnant que vous ayez pu quitter votre Royaume et traverser mers et montagnes sans l'aide de qui que ce soit. Vous possédez l'apparence de la plus magnifique des sirènes, donnez l'illusion d'être plus fragile que du cristal, mais faites montre d'une force incommensurable, autant par votre caractère que par vos pouvoirs exceptionnels. Je vous admire. »
Quand cet homme allait-il enfin se décider à déclarer franchement sa flamme, que Draco puisse le rejeter proprement et simplement ?! Ses mots étaient tellement gênants ! Lui ? Un Malfoy ? Une "rose frêle et délicate" ?! Une "magnifique sirène" ? "Courageux" de surcroît ?! C'était du délire ! Il naviguait en pleine féérie ! Et ironiquement, c'était effectivement le cas… Si seulement il possédait d'autres alliés, ou quelques-uns de ses amis à ses côtés, il ne se serait pas gêné pour calmer les ardeurs de ce soupirant en mal d'amour ! Merde ! Lui aussi était un homme !
« Si je n'avais pas déjà prêté serment à mon roi, je plierais immédiatement le genou devant vous. En désespoir de cause, je vous fais donc cette promesse : tant que cela ne nuit pas à mon souverain légitime, soyez assurée que ma lame est vôtre. Vous pourrez toujours voir en moi un ami fidèle et un fervent défenseur de votre vertu. Je vous protégerai de ma vie, s'il le faut !
- Vous parlez de votre roi, justement, et il me semble que vous l'oubliez un peu vite, ne put plus se retenir le Serpentard, extrêmement mal-à-l'aise. Il était celui en première ligne, face à la créature. N'aviez-vous donc pas peur pour lui ? Ne me faites pas croire que vous ne songiez qu'à ma sécurité, alors que votre monarque courrait un plus grave péril.
- Ses compétences martiales et ses ressources presque divines ne sont plus un mystère pour personne : ce lycanthrope n'aurait pas pu lui faire la moindre égratignure. De cela, je ne doute plus depuis fort longtemps. Ce sont pour ces raisons, sa si noble quête, et son habileté à attirer la dévotion de tous, qui m'ont convaincu de lui jurer allégeance. Je ferai un bien piètre vassal si je n'avais pas eu confiance en ses capacités face à un adversaire si faible. »
Draco ne savait plus très bien comment prendre cette tirade… Donc, pour Potter il n'y avait aucun problème, puisque le loup-garou était un ennemi de "seconde zone", et qu'il était visiblement un "héros indestructible". Mais pour lui, la "faible femme", le fait d'avoir paniqué et jeté un sortilège bas-de-gamme sans le vouloir était assez exceptionnel pour mériter la promesse… "d'avoir un protecteur" ? Quelle frustration ! Ils avaient beau être chacun un roi et une reine, uniques dirigeants de leur nation respective, ils ne pouvaient en aucun cas être considérés comme égaux aux yeux d'autrui… Il avait l'impression d'être de retour à Poudlard, ou rien ni personne ne pouvait égaler le si "grand et exceptionnel Potter" ! C'était à pleurer…
« Très bien, cracha Elsa sans parvenir à masquer sa colère. Je refuse votre offre, chevalier.
- Qu… !
- Votre "roi" serait bien peiné si vous deviez perdre la vie en sauvegardant la mienne, et je ne voudrais pas vous rendre coupable d'un manquement quelconque à votre serment. »
Perceval sembla tant choqué qu'il s'arrêta quelques instants. Draco ne l'attendit pas ni ne jeta un regard dans sa direction, continuant à avancer d'un pas décidé. Mais bien vite, il entendit un pas précipité, signifiant la remontée affolée du soldat pour le rejoindre.
« Si je vous ai offensée d…
- Le jour où je possèderai de "bonnes compétences martiales", des "ressources presque divines", une "noble quête", et une "habileté à attirer la dévotion de tous", vous me renouvellerez vos voeux, coupa le sorcier. À ce moment-là, peut-être vous donnerai-je une autre réponse. Jusque-là, contentez-vous d'agir en parfait vavasseur envers votre roi, et cessez vos élans de galanterie à mon égard. Je suis la Reine d'Avalon, Duchesse d'Arendelle, Protectrice du Royaume d'Été, Gardienne de l'Île Fortunée, Seigneure des Neuf Sœurs, et Prêtresse des Vents et Marées. Vos attentions sont, certes, charmantes, mais je n'ai pas le temps pour de telles futilités. »
Sur ses mots, il retira l'hellébore de sa chevelure, et la plaqua de force contre le torse de Perceval, l'obligeant à la reprendre. Puis, il accéléra le pas pour distancer le chevalier, le cœur serré : il venait de perdre l'un de ses rares alliés… et il regrettait déjà ses paroles.
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Anna, qui n'avait pas vu revenir sa sœur en compagnie d'Arthur et Lancelot, voulut se jeter dans ses bras en l'apercevant finalement. Elsa la repoussa à nouveau, inquiet de sentir cette "urgence" resurgir sans aucune raison. La jeune rousse avait voulu les accompagner dans la forêt, mais avait été retenue par des chevaliers restés garder le campement en leur absence. Elle avait eu très peur, et son discours sincère serra le cœur de Draco… Pourtant, cela ne le convainquit toujours pas de s'approcher d'elle pour la rassurer, bien au contraire. La question étant : pourquoi ? Que s'était-il donc passé entre elles deux pour qu'il cherche tant à l'éloigner ?
Le loup-garou, à moitié transformé et toujours inconscient, fût attaché un peu à l'écart, et un tour de garde fût mis en place pour le surveiller toute la nuit. Le sorcier vit enfin arriver le moment tant attendu où il pourrait se retirer pour dormir, et il soupira de soulagement en apprenant qu'une tente lui avait été réservée.
« Puis-je vous entretenir quelques instants, majesté ? »
Draco retint un grognement en se retournant vers la voix, et déglutit en reconnaissant Caradoc. L'homme ne l'aimait pas. Et contrairement à Galahad, il n'avait pas eu l'air de réviser son jugement en apprenant son identité. Anxieux, il hocha la tête pour signifier son accord, et le suivit un peu à l'écart. Il n'allait pas l'attaquer, n'est-ce pas ? Son roi le lui avait interdit…
Ils s'arrêtèrent à la lisière de la clairière, hors de portée de voix, et le blond fût légèrement rassuré d'être tout de même visible par le reste des chevaliers. Cependant, si quoi que ce soit lui arrivait, qui allait se porter à son secours ?... Il ne pouvait clairement plus compter sur Perceval…
« Me permettez-vous de vous parler sans détour ? demanda directement le soldat, nerveux. Mes propos pourraient vous paraître grossiers, et je sais me rendre coupable de crime de lèse-majesté en discourant de la sorte à une personne de sang royal… Particulièrement la souveraine d'un royaume aussi puissant qu'Avalon. Mais je ne puis plus me taire. Pardonnez mon audace. Je subirai sans résister n'importe quel châtiment de votre choix pour expier ma faute. »
Draco était de plus en plus inquiet. Ce mélange de culot et de respect ne lui plaisait pas du tout. Qu'avaient donc tous ces chevaliers à lui imposer leurs sentiments et leurs avis sans s'inquiéter que cela lui plaise ou non ? Pourquoi Caradoc n'allait-il pas directement ennuyer son roi au lieu de venir le voir, lui ? On ne dérange pas le Roi Arthur, mais avec la Reine d'Avalon, aucun problème ? Il y avait quelques stalagmites qui se perdaient…
« Soyez concis, maugréa-t-il finalement.
- Je me méfie de vous, attaqua le chevalier sans préambule. Vos pouvoirs magiques font de vous une sorcière apostat. Nous étions partis pour vous détruire, et tout à coup, notre roi décide d'approcher votre palais sans nous, et revient en votre compagnie en clamant votre innocence sans aucune explication ? S'il avait su qui vous étiez, il nous l'aurait dit, mais cela n'a pas été le cas ! Vous-même n'avait soufflé mot ! Tout aurait été bien plus simple si la vérité avait éclaté plus tôt. Alors pourquoi ce mystère ?
« Et voilà que notre candide Perceval au cœur pur se meurt soudainement d'amour pour vous ? D'un simple regard ? Vous êtes, certes, d'une grande beauté, mais le doute qui planait sur votre personne aurait dû le refroidir ! Et en plus, notre roi et Lancelot affirment que vous êtes un homme ? Même en vous observant présentement, je ne peux y croire. Aucun homme ne porterait des cheveux si longs avec une telle coiffure, aucun homme ne posséderait ce visage imberbe et gracieux, une peau si lisse, un corps si menu, des jambes si longues et fines, des lèvres si rouges et charnues… C'est de la déviance ! Cela ne fait qu'ajouter à votre hérésie ! Vos yeux envoûtant, d'une teinte éthérée, apparemment mêlée à du véritable métal, ne font que confirmer cette opinion. La seule explication étant que vous avez ensorcelé notre roi et les Seigneurs Lancelot et Perceval, rendus fous de désir par votre belle tournure. Apparence probablement due à un maléfice d'illusion quelconque.
« Cela éclaircirait également le discours décousu de Lancelot. Lorsque nous ramassions du bois pour le feu, il m'a soutenu vous connaître depuis moult années. Pire : il affirme avoir été élevé par des gens de votre famille, près d'un lac. Ce serait là d'où viendrait son nom. Il vous aurait alors rencontré plusieurs fois durant vos jeunes années, et vous auriez même joué ensemble à des jeux d'enfants, comme des batailles de neige en plein été…
« Et puis soudainement, cette jeune fille sort de nulle part, affirmant être votre sœur et que vous êtes en réalité la reine légitime d'Avalon… Une "reine", et non un "roi" ! Mais si cela est la vérité, je le répète : pourquoi ne nous avoir rien dit depuis le début ? Pourquoi ce silence ? Vous ne faites rien pour endormir notre méfiance. Ajoutez à cela l'arrivée d'un lycanthrope, vos yeux d'argent soi-disant signe de votre royauté, votre conversation incompréhensible avec notre Roi Arthur au sujet d'un certain "Lupin"…
« Tout ceci est pure folie ! Et vous êtes le centre de tous ces événements rocambolesques. La conclusion la plus logique serait donc que vous ayez ourdi un complot démoniaque afin de mieux nous manipuler et endormir notre méfiance. Peut-être même n'êtes-vous qu'un imposteur ayant pris les traits de la véritable reine d'Avalon ! Mais cela non plus, je ne peux y croire. Je ne peux me résoudre à penser que notre Grand Roi Arthur puisse être si facilement mystifié par une inconnue, qu'importe la splendeur de son vernis ou qu'elle soit mâle ou femelle.
« Alors je vous en conjure… Je viens à vous de manière tout à fait transparente, vous révélant mes soupçons, et prenant un grand risque, que mes doutes soient fondés ou non… Je ne peux agir comme Perceval et ne voir que votre belle figure. Ni comme Lancelot et inventer une vie où vous seriez mon amie. Ni comme Galahad et me mettre des œillères simplement parce que notre roi nous l'ordonne. Ni comme Tristan et ne jamais oser poser de questions, de peur d'offenser une personne royale. Ni comme Bohort, et me cacher derrière des camarades plus forts. Je viens à vous, l'origine de toute cette quête, dans le but d'obtenir enfin des réponses à mes questions.
« Je ne vous supplie pas de me conter toute votre histoire. Aussi rustre sois-je, j'ai acquis la seule certitude que vous deviez taire un secret. Je ne sais lequel, et n'aurait pas l'outrecuidance de vous le demander. Mais par pitié, donnez-moi une raison. Une seule raison pour croire en vous. Et alors je jure de me battre jusqu'à la mort pour sauvegarder votre honneur, préserver votre vertu, et vous rendre vos terres si injustement volées. »
Caradoc se tut enfin, et Draco resta de marbre. Il maintint difficilement une expression neutre, bien que son esprit était sujet à un violent tumulte. Au début, il avait eu envie de s'insurger face à la défiance obstinée du chevalier, particulièrement sa manière offensante de décrire son aspect physique… Cependant, il ne pouvait nier la justesse de son point de vue ainsi présenté… Même sa mauvaise foi légendaire ne pouvait combattre cette rationalité à toute épreuve. À sa place, il aurait très certainement eu des conclusions identiques, et n'aurait même pas pris la peine de confronter l'origine de tous ses maux pour les vérifier. Et alors qu'il pensait être en présence d'un détracteur, ses derniers mots l'avaient achevé, démontrant au contraire qu'il ne demandait qu'à être de son côté.
Pourtant, que pouvait-il lui répondre ? Il n'allait tout de même pas raconter la vérité, le résultat risquait d'être pire encore… Et qu'est-ce qui avait pris Londubat d'inventer pareilles sottises ! Il aggravait la situation ! Des amis d'enfance ? Élevé par des membres de sa famille au bord d'un lac ? Et pourquoi pas suggérer qu'il serait la Dame du Lac en personne, tant qu'il y était !
« Comme vous l'avez si bien dit, il y a certains mystères que je ne peux pas vous révéler, articula lentement le blond, pesant chacun de ses mots. Il y a également de nombreux souvenirs qui m'ont été enlevés… pour une raison que je ne peux pas non plus élucider. Mais j'ai bon espoir qu'ils me reviennent petit à petit. Comme lorsque ma sœur s'est présentée : je me suis alors souvenu de qui je suis et d'où je viens… De même, ma nature nouvellement… "masculine", provient de ce bouleversement que je suis bien incapable de vous expliquer… J'ai conscience que cela n'aide pas à vous convaincre, mais je peux vous assurer que tout ce que je sais, tout ce que je suis, votre roi et Lancelot en ont connaissance également. Ils savent pourquoi je suis ainsi, ce que j'ai traversé et que nous ne pouvons pas éclaircir, autant les uns que les autres… D'une certaine façon… magique, nos âmes à tous trois sont liées, et nos langues sont scellées. C'est comme si nous nous connaissions sans nous connaître. Je vous promets qu'à chaque remembrance retrouvée, ils seront les premiers tenus au courant. »
Il avait opté pour des demi-vérités, et espérait que cela suffirait pour le chevalier… Lui-même aurait bien ri devant une réponse si évasive, et il se demandait pourquoi le soldat ne sortait pas tout de suite sa lame pour le transpercer. Malgré tout, même en creusant au plus profond de son esprit, il ne voyait pas quoi dire de plus… Et Merlin savait à quel point il souhaitait convaincre le soldat pour s'en faire un allié !
« Je vous crois, répondit tout à coup Caradoc, à la surprise totale du sorcier. Il est certain que vous cachez plus que vous ne dévoilez, mais si vous m'assurez que mon roi a connaissance de tout et a choisi de vous secourir, alors je ne peux que me plier. À regrets, certes, mais tout de même. S'il n'est pas trompé par une quelconque félonie, je me dois de me fier à son jugement. Je vous demanderais juste de ne point tourmenter le Seigneur Perceval. Il est de ces personnes possédant une éternelle âme d'enfant et un cœur pur dans un corps d'homme mature. Il vous désire de toutes les fibres de son être, mais vous et vos secrets allaient le briser. Il ne serait pas…
- N'est-ce pas plutôt à lui que vous devriez dire cela ? gronda dangereusement la "reine", l'argent dans ses iris s'assombrissant. Faites attention, Seigneur Caradoc. Même si je me trouve dans une position délicate, l'outrecuidance a ses limites, et vous êtes en train de les franchir allègrement.
- B… Bien sûr, bredouilla précipitamment le chevalier, scandalisé lui-même par son audace et intimidé par son aura glaciale de reine. Je vous supplie de pardonner cette étourderie, vous êtes si conciliante que j'en ai oublié qui vous êt…
- Suffit, le coupa Draco en soupirant. Était-ce tout ? N'avez-vous donc aucune autre curiosité à satisfaire ? Car j'aimerai beaucoup aller me coucher. La journée a été fatigante.
- Na… Naturellement ! s'exclama-t-il, ne sachant plus sur quel pied danser. Quel maroufle je fais ! Je vous ai déjà trop longtemps retenue !
- Ai-je donc réussi à vous convaincre ? Allez-vous tenir votre promesse de "sauvegarder mon honneur", "préserver ma vertu", et "rendre mes terres injustement volées" ?
- J'en fais le serment ! déclara solennellement le chevalier Caradoc en bombant le torse.
- Je compte donc sur vous, sourit Draco, n'arrivant pas à croire qu'il avait réussi à se le mettre aussi facilement dans la poche : il hésitait entre Poufsouffle et Gryffondor. Bonne nuit, chevalier.
- Bonne nuit à vous, Majesté », fit-il en s'inclinant bassement.
Très fier de lui, le blond retourna vers le campement pour intégrer son couchage, à deux doigts de pousser un rire hystérique : il l'avait fait ! Le plus réticent s'était rangé à sa cause et allait diffuser la "bonne parole" auprès de ses collègues ! Tout n'était pas perdu ! Il allait peut-être pouvoir…
« Une dernière question si vous me le permettez, votre majesté.
- Faites vite, grinça le Serpentard, frustré d'avoir été coupé dans son élan.
- Que signifie "poteur" ? »
[===]
« Tu as dit quoi ?! »
Harry et Neville se trouvaient dans la tente royale afin de débriefer leur première journée dans l'univers des Contes et Légendes, et Londubat venait de raconter sa conversation avec Caradoc.
« J'ai paniqué ! s'excusa Lancelot, penaud. Il fallait que je trouve vite un truc à dire pour le convaincre de croire en nous ! C'est la première idée qui m'est venue à l'esprit !
- Mais tu es fou ! Comment on va faire maintenant qu'on sait qu'il est la "reine" d'Avalon ! Dans quel monde le fils d'un roi est élevé dans la famille royale d'un autre pays ? Parce que c'est bien ce qu'est le vrai Lancelot, non ? Il faut vite en parler à Malfoy pour qu'on accorde nos versions, il aura peut-être une idée de comment rendre ça plus crédible.
- En fait, je… Je ne saurai pas t'expliquer pourquoi, mais… Personnellement, je trouve ça plausible.
- T'es sérieux ?
- Écoute… En réalité, je me vois, ado, en train de jeter des boules-de-neige sur une petite fille blonde, sous le soleil cuisant de l'été… Je le vois presque, ce lac… Et une gentille vieille dame qui nous appelle pour le déjeuner.
- C'est un joli tableau, je te l'accorde, hésita Potter, suspicieux. Mais…
- C'est comme si c'était "vrai" pour moi, insista Neville, soucieux d'être cru. Ce n'était peut-être pas Malfoy… je veux dire, la "princesse héritière d'Avalon qui a des pouvoirs de glace et des yeux en argent". C'était peut-être une autre petite fille blonde, et on ne lançait peut-être pas de la neige, mais…
- Tu crois que c'est un souvenir de Lancelot ?
- Je pense, oui… »
Harry observa longuement son ami plongé dans ses pensées. Il semblait entré en lui-même, cherchant la vérité sur cette possible réminiscence de son personnage… Et d'un côté, il l'enviait. Lui aussi aimerait se rappeler des moments de la vie du Roi Arthur.
« Comment ça t'est venu, exactement ? demanda-t-il, curieux. C'est arrivé d'un coup ? Ou alors t'y as longuement réfléchi pour que ça sorte ?
- Où veux-tu en venir ?
- Je me demande ce qu'il faut faire pour se remémorer quelque chose…
- Je n'ai pas vraiment forcé, si c'est ce que tu veux savoir… En fait, c'était instinctif. Caradoc m'a demandé si je connaissais la "Reine des Neiges" avant aujourd'hui, et c'est la première histoire qui est sortie.
- C'était bien ? sourit Potter, surexcité. Je veux dire… c'est un bon souvenir, non ? »
Neville se demanda pourquoi Harry était aussi heureux de la situation : ses yeux verts pétillaient comme ceux d'un enfant le jour de Noël. Cela le fit réfléchir… Lui n'était pas certain d'apprécier de voir une autre vie prendre le pas sur la sienne. Surtout une si belle enfance avec Malfoy. Car cette petite fille lui ressemblait… Et elle avait des iris en argent pur, reflétant le monde comme un miroir. Il s'en souvenait bien, à présent. Oui… C'était elle. C'était Elsa. Et… il l'adorait !
« Lancelot était un enfant heureux, j'imagine, réfléchit-il sérieusement. Mais je crois… je crois qu'il était plus âgé que la petite fille avec laquelle il s'amusait. Et il me semble qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un jeu non plus…
- Comment ça ?
- Je ne sais pas… C'est difficile à dire, je n'ai que des flash de son point de vue… Des images qui se succèdent sans lien les unes avec les autres. Je peux juste te dire qu'il l'aimait beaucoup, comme sa précieuse cousine, et qu'il était fasciné par ses pouvoirs.
- Tu penses qu'il a vraiment cru faire partie de la famille royale d'Avalon ?
- Aucune idée… J'imagine que j'en saurai plus avec le temps. Ça ne fait qu'une journée que nous sommes là, c'est normal de ne pas encore tout savoir. Et on ne peut pas vraiment s'appuyer sur notre connaissance de la Légende Arthurienne telle qu'écrite dans nos livres d'Histoire… La "Reine des Neiges", reine d'Avalon ?! Tu te rends compte ?
- Le Professeur Binns n'en reviendrait pas s'il savait, rit Harry, de plus en plus exalté. Tu crois qu'on vit la réalité ? Qu'on est en train d'expérimenter ce qui s'est réellement passé ?
- Nous sommes dans des Contes et Légendes, précisa Neville, sceptique. Même si pour tous les sorciers de la vraie vie, le Roi Arthur et ses chevaliers ont réellement existé, ce n'est pas le cas de la "Reine des Neiges", au même titre que "Cendrillon" ou "Blanche-Neige"... Le Ministre nous l'a dit : les histoires s'entremêlent, et ne se dérouleront pas comme prévu.
- Hermione, sort de ce corps…
- Mais c'est la vérité. Je ne m'attendais juste pas à ce que ce soit si différent… C'est plutôt terrifiant. J'étais content d'être Lancelot Du Lac, parce que je savais ce qui allait se passer. Je savais que j'allais vivre cette année en tant que meilleur chevalier du monde, gagnant tous les combats sans jamais faillir ! Je ne craignais rien. Et il me suffisait de ne pas toucher à Guenièvre, voire la fuir s'il le fallait, pour faire un sans faute. Mais finalement, on ne peut plus se fier à ce qu'on sait… Il pourrait se passer n'importe quoi !
- Et croiser n'importe qui, confirma Potter en se rallongeant sur sa couche, les yeux perdus sur le plafond en toile de la tente. Si j'avais su que je reverrai Remus…
- Harry…
- Ça veut dire que Sirius est quelque part, lui aussi. Et mes parents…
- Je savais que tu dirais ça… Harry…
- Et Dumbledore ! T'imagines ? Et si c'était lui, Merlin ?
- Harry, nous ne sommes là que pour un an, souviens-toi. Ne t'attache pas trop, parce qu'il te faudra encore leur dire adieu à la fin… Et puis, ce ne sont pas vraiment "eux" ! Ils n'ont pas tes souvenirs, ils n'auront pas connu ton père, ils n'auront pas le même vécu… Rien que le "Remus" d'ici : il fait des transformations incomplètes ! Ça n'a aucun sens ! Le Professeur Lupin était un loup-garou à part entière, pas vrai ?
- Je sais, grommela Potter, réticent. Je sais que tu as raison… Mais je ne peux pas m'empêcher d'y penser. Et tu ne peux pas me reprocher d'être heureux de les revoir.
- Non, c'est vrai, mais…
- Tu dis avoir peur de ne pas savoir ce qu'il va se passer. Mais moi, au contraire, j'adore ça ! On peut vivre cette vie rêvée sans que rien n'ait été écrit à l'avance ! C'est génial ! En plus, il n'y a aucune conséquence ! Si quelque chose tourne mal, et qu'on meurt, on retournera simplement dans la Grande Salle ! Tu ne trouves pas ça fantastique ? C'est presque dommage de ne rester qu'un an. Surtout qu'on ne perd rien : il ne se sera déroulé qu'une seconde ou deux lors de notre retour à Poudlard. C'est comme… un prolongement de la vie.
- Je suis sûr que Hermione trouverait des tas d'arguments pour te mettre en garde contre le danger potentiel de tout ça… Et Ron serait forcément d'accord avec toi, et serait tout autant excité. Mais moi, tout ce que je peux te dire, c'est que je n'ai pas du tout envie d'expérimenter la mort. Que ce soit dans cette vie ou la vraie. Alors si je pouvais tout faire pour l'éviter ou la repousser au maximum…
- Tu es "Lancelot Du Lac" ! Neville ! On a déjà eu cette conversation en allant vers le château de glace de Malfoy : tu cours vers l'adversité parce que c'est dans ta nature ! C'est comme ça que tu es ! Un vrai Gryffondor ! Ton "toi" dans la vraie vie l'a juste oublié à cause de ton manque de confiance. Mais souviens-toi, lors de la bataille de Poudlard ! Tu te sentais vivant, pas vrai ? Enfin en accord avec toi-même ! De toute façon, tu seras obligé d'agir ainsi, ici.
- Et toi ? attaqua directement Londubat, grognon. On en parle de toi ? Monsieur je-veux-vivre-une-vie-normale-et-ne-plus-être-le-"Survivant" ? Admire ta vraie nature : le plus grand héros de tous les temps, grand monarque, chef de guerre, roi d'un immense royaume, unificateur des peuples, source d'inspiration pour tous, leader né, souverain charismatique… Tu en veux plus ? J'ai encore des tas de qualificatifs à te donner.
- Ça va, j'ai compris l'idée…
- Franchement, il n'y a que toi pour croire que tu n'as pas le potentiel de dirigeant. Te voir aujourd'hui, si sûr de toi en donnant des ordres, ça m'a donné des frissons ! Une fois rentré, tu pourras recréer la Table Ronde sans problème ! Les chevaliers des temps modernes vont se bousculer aux entretiens d'embauche ! Un peu comme du temps de l'Armée de Dumbledore, d'ailleurs.
- T'es en train de comparer l'AD aux Chevaliers de la Table Ronde ? sourit Harry. C'est ridicule.
- Je sais. Mais ça n'empêche que tu peux le faire.
- Je te prendrai comme mon premier vassal, alors.
- C'est un honneur, Sire. »
Ils se regardèrent à la lueur de la bougie, et éclatèrent de rire en même temps. Ils étaient heureux de s'être retrouvés ensemble dans ce monde, l'expérience n'en était que plus belle. Et même s'ils ne vivraient pas que des épopées joyeuses, ils comptaient bien en profiter le plus possible.
Le cœur léger, Harry souffla la bougie pour plonger dans les bras de Morphée. Certain que le lendemain serait à nouveau une aventure palpitante.
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Après s'être savamment extirpé de la question épineuse de Caradoc, et avoir ignoré les regards de chiot abandonné de Perceval, Draco pénétra enfin dans la tente "galamment prêtée par Lancelot"... Quel sacrifice ! Londubat était certainement très heureux de pouvoir faire une "pyjama party" avec son grand ami Potter ! Grand bien leur fasse ! Lui-même n'était pas un adepte des batailles de polochons et autres conversations nocturnes, comme le feraient des lycéennes en manque de ragots. À la manière des adolescents, ils allaient probablement se lever tard, des cernes creusés sous les yeux de ne pas avoir assez dormi. De vrais aventuriers du dimanche !
Il ne put s'agacer plus longtemps et se figa sur le seuil… Face à lui, Anna était assise en tailleur sur un fin matelas, serrant sa couverture comme une peluche, le regard déterminé braqué sur lui. Apparemment, il allait devoir partager son abri…
« Il faut qu'on parle » fit-elle durement, les lèvres pincées.
Malfoy inspira longuement avant de soupirer, las. Allait-il devoir discuter avec toutes les personnes présentes dans le campement avant d'enfin pouvoir trouver le sommeil ?
« Je suis fatigué… » précisa-t-il sans grande conviction.
Il hésita quelques secondes à dormir à la belle étoile… avant de finalement se résigner, l'épuisement l'emportant sur sa peur de se tenir près de la jeune fille. Ce n'était pas une bonne idée, il en était certain. Cependant, une petite partie de lui espérait trouver des éclaircissements à son malaise. Malgré tout, par sûreté, il tira sa couche le plus loin possible de la rousse… Mouvement rendu inutile par Anna, déplaçant immédiatement la sienne pour la coller à celle de sa sœur.
« Que fais-tu ? grogna le Serpentard, irrité.
- Ça fait longtemps qu'on n'a pas dormi ensemble, sourit-elle en s'installant, retrouvant sa bonne humeur. Tu te souviens ? Je venais toujours me glisser dans tes draps, en plein milieu de la nuit, quand on était petites. Parce qu'il n'y avait pas de monstres sous le lit, avec toi.
- Il ne risque pas d'y en avoir ici, ne put s'empêcher de rétorquer le blond, se souvenant malgré lui de ces fameux moments. Ces matelas sont directement posés à même le sol. Au pire, tu peux craindre les insectes. Du moins, ceux qui vivent en hiver.
- Je sais. Je suis juste contente d'avoir retrouvée ma grande sœur… T'imagines même pas l'état dans lequel j'étais quand je t'ai vu courir sur la mer gelée pour gagner le continent… C'est le printemps, normalement. Alors quand une tempête de neige s'est mise à cogner sur les carreaux de la salle d'étude, j'ai su qu'il t'était arrivé quelque chose. Idiote que je suis, je ne pensais pas que tu irais directement confronter Kay seule à seul après ce que je t'avais raconté. J'avais bêtement pensé que tu le ferais juste expulser par les gardes… J'ai paniqué, et je me suis lancée à ta poursuite pour que tu reviennes. Arendelle sans toi, c'est juste… impossible. Je ne pouvais pas vivre une journée au château en te sachant dehors. Je refuse !
- Et tu es partie en attrapant seulement un manteau au passage, fit remarquer Draco, exaspéré, en s'asseyant sur son couchage. Ça ne t'est pas venu à l'esprit que tu pouvais avoir besoin de t'équiper ? Avec de meilleures bottes, par exemple… Ou même des vivres !
- Tu étais partie sans rien, toi ! Et puis je pensais te rattraper avant… expliqua Anna, embarrassée. Finalement, j'ai trouvé un gentil commerçant sur le trajet. Il m'a indiqué le chemin et donné deux trois trucs dans une sacoche, comme un pot de confiture et quelques biscuits… et ce pardessus rouge ! Il était très joli avant que je le tâche.
- Alors tu n'avais même pas pris de quoi te couvrir, soupira-t-il, dépité. Et où est-il, ce sac ?
- Je l'ai perdu quand le loup m'a attaqué… Mais on s'en fiche de moi ! Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Kay ? Pourquoi as-tu déclenché ce blizzard ? Tu restes toujours si calme d'habitude, qu'importe la situation… C'en est même agaçant ! Comment a-t-il fait pour te mettre dans un état pareil ? »
Draco ne savait pas quoi répondre… Il n'en avait aucune idée ! Il avait juste le vague souvenir d'une rage si féroce qu'elle lui avait coupé le souffle. Et puis d'un désespoir profond… La certitude qu'il ne pourrait plus jamais revenir dans son pays… Devoir rester seul… Loin des gens… Pour ne plus faire du mal à son peuple… et à sa famille.
« Je ne sais plus, répondit-il sincèrement. Tout est flou… Je crois que mon cerveau s'est… "bloqué". Je ne peux pas t'expliquer pourquoi, mais il y a beaucoup d'événements dont je ne me souviens plus… Rien de définitif, rassure-toi. Quelques bribes me reviennent, par moment. Il me faut juste un peu de temps.
- C'est pour ça que tu me fuis, alors ? »
Le sujet était lancé. Il allait peut-être enfin avoir des réponses à ses questions ! Mais il avait également peur de savoir… Car si son sentiment était justifié, cela signifiait qu'il ne pourrait effectivement plus remettre les pieds dans son royaume. Quelque chose de grave s'était produit. De cela, il en était certain.
« Anna, commença-t-il, tendu. Comme je t'ai dit, ma mémoire est… incomplète. Et tu ne m'as pas répondu, tout à l'heure. Je t'ai fait du mal, n'est-ce pas ? »
Draco retint son souffle, angoissé. Il savait qu'il n'aurait logiquement pas dû s'inquiéter pour cette parfaite inconnue, dont le lien de parenté était celui d'une autre. Il incarnait cette "reine", mais il n'était pas elle. Pourtant, son cœur était si serré qu'il semblait sur le point de se briser, et des larmes s'accumulaient déjà dans ses yeux, contre son gré. Il ne voulait pas redevenir cette chose tremblante, emprisonnée volontairement dans un palais rempli de courants d'air pour expier ses fautes. Et un mot de cette jeune fille naïve et immature pouvait le faire replonger !
« Ce n'était rien ! dit-elle enfin. Ce n'était pas de ta faute ! Ne me dis pas que c'est à cause de ça que tu… Si j'avais su que tu ne te souvenais pas… Je t'ai couru après, sur la mer gelée, et tu me criais de partir. Mais je ne voulais pas ! Alors tu as juste… lancéunrayonmagiquesurmoi, termina-t-elle le plus rapidement possible, un ton plus bas. Mais ce n'était rien ! Vraiment ! Une simple pichenette !
- Une "pichenette" ?! s'emporta-t-il en se redressant, fou de rage. J'ai assommé un loup-garou adulte avec ce même trait de glace ! J'aurai pu te tuer ! C'est pour éviter ça que je me suis enfui ! C'est pour cette raison que je ne me mets jamais en colère ! Mes sentiments rendent ma magie incontrôlable !
- Ah ! Tu vois que tu te souviens, tenta de dédramatiser Anna.
- Je ne plaisante pas ! C'est très grave ! Qu'est-ce que tu as eu ? Tu as perdu connaissance ? Tu as été gelée ?!
- J'ai juste eu un peu froid…
- "Un peu froid" ?! Comment ça, "un peu froid" ?! Ne me dis pas que tu as continué à me poursuivre sans aller te réchauffer ! Es-tu folle ?! Où est-ce que je t'ai touché ? À la tête ?
- À la poitrine… Mais je…
- Montre-moi ! »
Draco allait déshabiller de force la jeune fille avant de se raviser, prenant soudainement conscience de la situation : il avait oublié l'espace d'un instant qu'il était un homme.
« Pardon, maugréa-t-il, le visage plongé dans ses mains tremblantes. C'est seulement… C'est juste que… Je suis… J'ai…
- Tout va bien, Elsa, voulut le rassurer Anna en posant une main hésitante sur son épaule. Je sais que tu ne me feras jamais le moindre mal. J'ai confiance en toi. Tu vas revenir au palais, mettre Kay à la porte avec un grand coup de pied dans le derrière, calmer la tempête de neige, et reprendre ton rôle de reine. Il n'y aura aucun problème, parce que c'est comme ça que ça doit se passer. Et tout le monde sera content, pas vrai ? »
Cette candeur était affolante… Comment cela "il n'y aura aucun problème" ? Avait-elle conscience de la catastrophe dont il était à l'origine ? Pour un simple coup de sang ? S'il avait été un sujet d'Avalon, il aurait milité pour sa destitution ! Mieux valait ne pas avoir de monarque, que de subir une reine capable de figer le royaume et d'anéantir les récoltes de l'année !... Et arrêter le commerce… et fermer les frontières… Comment parvenait-il à visualiser si clairement tous les impacts négatifs qu'une telle situation pouvait engendrer pour une nation dont il était censé ne rien savoir ?! Pourtant, il le voyait très nettement. Et c'était un cataclysme planétaire ! Pourquoi ? Aucune idée.
Cependant, il ne parvenait pas à détruire ses espoirs… Sa niaiserie crédule était rafraîchissante… et attendrissante. C'était ce qui lui plaisait tant chez elle, et ce qu'il avait toujours cherché à préserver. Là non plus, il n'avait rien de plus que ce vague sentiment… Il savait pourtant que c'était une mauvaise idée : la réalité reviendrait bien vite briser les illusions de cette gentille sotte. Mais il ne pouvait se résoudre à éteindre cette pureté en elle… Et en observant l'adolescente, Draco fût frappé par l'élan d'amour qui le submergeait. Elle était sa si précieuse petite sœur, l'être qu'il aimait le plus au monde… Il savait qu'il pourrait mourir pour elle. Même en tant que Malfoy, il n'hésiterait pas une seconde !... Alors imaginer qu'il avait pu la blesser…
« Je suis fatigué, fit-il finalement, trop choqué par les sentiments qui l'assaillaient pour réfléchir. Il y a plusieurs jours de marche pour rentrer à Avalon, nous aurons largement le temps d'en rediscuter… Allons nous coucher. »
Anna hocha vigoureusement la tête, un immense sourire aux lèvres. Elle poussa d'autorité le blond afin qu'il s'allonge, tira pour assembler leurs deux couvertures, et se lova contre le torse de sa grande sœur comme un petit enfant se pelotonne dans les bras de sa mère. Ces gestes semblaient curieusement habituels pour le Serpentard, amusé, et il décida de se laisser faire. Cependant, il n'était pas certain de pouvoir dormir ainsi malgré son épuisement, ayant trop peur d'encore perdre le contrôle de sa magie… Les conséquences seraient…
« Elsa ? appela la rousse, coupant ses réflexions. Depuis quand es-tu devenue un homme ? »
[===]
Le lendemain, Harry et Neville furent réveillés par des bruissements de tissus et des chocs métalliques : les chevaliers levaient le campement. Impossible de connaître l'heure, mais les rayons du soleil ne perçaient pas encore l'épaisseur de la tente… Baillant à s'en décrocher la mâchoire, Arthur décida qu'il n'était pas conseillé pour sa prestance royale de faire la grasse matinée, et se leva difficilement, courbaturé.
Une journée à porter une armure, même s'il avait pu la quitter assez vite après avoir visité le château de glace, n'était pas un exercice agréable, et il remercia silencieusement son personnage d'avoir entraîné son corps par le passé à sa place. Ce qui, en soit, était plutôt étrange : il possédait le physique de Harry Potter, mais avec les habitudes d'Arthur… La veille, il avait découvert qu'il était plus musclé… Pas outrageusement, non. Juste assez pour le remarquer. C'était subtil, un léger volume sur les biceps, les avant-bras plus marqués, et des abdominaux mieux dessinés… Et cela lui avait plu. Il avait même envie de retrouver cette silhouette une fois de retour à Poudlard ! Neville s'était également aperçu qu'il possédait une allure plus athlétique, et en était très fier.
Tout à coup, alors qu'il s'étirait, il entendit la voix d'un homme inconnu… pour Arthur. Mais Harry, lui, ne la reconnaissait que trop bien. Frénétique, il prit à peine le temps d'enfiler sa chemise de lin écru avant de se précipiter dehors, vers l'agitation.
Il était là, toujours attaché à un poteau de bois, à présent intégralement humain : Remus Lupin. Son ancien professeur de Défense Contre les Forces du Mal, et oncle de substitution, jetait des regards paniqués autour de lui, fixant les lames dégainées des chevaliers qui l'entouraient. Les épaisses couvertures qu'ils lui avaient donné pour le froid trainaient sur la terre gelée, tombées suite aux mouvements agités du lycanthrope éveillé. Ses vêtements étaient déchirés après sa nuit tumultueuse, et son visage était sale, maculé de boue… Mais à part quelques égratignures, il ne semblait pas blessé.
« Paix, mes amis, fit Harry en s'approchant, la main tendue en signe de quiétude. Cet homme n'est plus loup, il ne nous fera rien.
- En êtes-vous sûr, majesté ? hésita Bohort.
- Certain. Je connais bien ce genre de créature : passée la pleine lune, ils deviennent aussi inoffensifs que n'importe quel individu. Et celui-ci est désarmé, cerné par des soldats surentraînés : s'il n'est pas stupide, il ne tentera rien. Vous pouvez le libérer.
- Sire, peut-être devrions-nous d'abord… essaya Caradoc, nerveux.
- J'ai dit : libérez-le. »
Le ton était sans appel. Galahad fût le premier à rengainer pour obéir, toujours honteux de son comportement envers la reine d'Avalon. Perceval l'imita, non sans jeter des regards impatients vers une certaine tente, un peu à l'écart… Pourtant, Potter resta interdit…
Quelque part, il avait espéré sans y croire. Il avait pensé que peut-être, le lupin devant lui était le véritable Lupin. Que son âme, d'une façon ou d'une autre, avait été prise dans le sortilège des Contes et Légendes. Mais en l'observant, il ne voyait qu'un simple manant ordinaire pour ce monde, peu habitué à la compagnie martiale, et terrifié par leur possible jugement. Remus se serait tenu fièrement. Remus aurait argumenté… Remus l'aurait reconnu.
« Je vous remercie… murmura l'ancien prisonnier, confus. À qui dois-je une telle clémence ?
- Vous vous trouvez en présence du Roi Arthur Lucius Castus Pendragon et de ses chevaliers, déclara fièrement Tristan, rentrant lui aussi son épée dans son fourreau. Courbez l'échine devant le Grand Monarque de Loegrie, Duc de Camelot, Unificateur des peuples du Royaume de Logres, Parangon du monde chrétien, Vainqueur du Combat des Titans et Seigneur de Guerre du monde connu !
- Je ne mérite pas une telle mansuétude, couina Lupin en s'étalant sur le sol glacé en signe de soumission, mettant Harry extrêmement mal-à-l'aise. Ma vie vous appartient, Monseigneur ! Je suis votre humble serviteur !
- Relevez-vous ! fit précipitamment le Gryffondor en aidant l'homme fatigué à s'asseoir. Je ne demande rien.
- Mais moi, si. »
Tous se retournèrent, et les yeux de Perceval se mirent à pétiller de bonheur : Draco était arrivé. Il se tenait en toute majesté devant le groupe, l'air accusateur braqué sur le loup-garou repentant. Ses habits blancs en mauvais état, largement salis par une journée de chevauchée, étaient totalement oubliés face à la prestance écrasante qu'il dégageait. Et l'espace d'un instant, Harry se dit qu'il avait bien plus l'allure et le charisme d'un roi que lui ne le serait jamais… C'était inné. Ce qui était aussi énervant que subjuguant !
« Pourquoi avoir attaqué une jeune fille sans défense, et vous être ensuite enfui ? cracha la reine avec tant de dédain et de venin que tous se tassèrent dans un coin. Pourquoi avoir tourné autour d'un campement rempli de chevaliers aguerris ? Que faites-vous, ici, si loin de toutes habitations ? Parlez !
- Pardonnez-moi, votre Grâce ! gémit pitoyablement l'homme, la face écrasée contre la boue. Je paierai pour mes péchés ! Je ne suis qu'un misérable… !
- Réponds !
- Calme-toi. »
Harry s'approcha du blond et lui saisit l'avant-bras. Par ce geste et son regard, il souhaitait à la fois retenir son ancien ennemi, le tranquilliser, et lui signifier son soutien… Draco inspira longuement, les yeux ancrés dans les siens, en proie à un fort tumulte intérieur… Et là, le brun comprit : sa colère était loin d'être objective, elle ne répondait pas non plus à une idéologie méprisable… Non, il était simplement dans une rage extraordinaire contre l'homme ayant attenté à la vie d'une personne qu'il aimait plus que tout. Et cela le rendait tellement humain.
Et puis, soudainement, Malfoy détourna les yeux en se mordant la lèvre. Il essayait de reprendre le contrôle, les épaules toujours frémissantes de rage.
« Répondez à ses questions, ordonna posément Harry, se tournant à nouveau vers l'homme sans lâcher le blond. Elles sont légitimes. C'est à sa jeune sœur que vous vous êtes attaqué.
- Sa sœur ?! s'exclama Lupin, confus. Mais…
- Monsieur le marchand ?! »
Tous se tournèrent vers Anna, qui venait de sortir de la tente. Ravie, et surtout inconsciente, elle se précipita vers le loup-garou pour lui serrer les mains.
« Vous êtes là ?! sourit-elle, alors que tous s'étaient figés. Merci pour le manteau ! Même si je l'ai tâché, il m'a été très utile ! Bon, j'aurais apprécié avoir un bout de fromage, ou du saucisson, mais les gâteaux m'ont permis de…
- Anna ! s'emporta Elsa, éberlué. Qu'est-ce que tu fais ?!
- C'est lui ! C'est l'aimable monsieur dont je t'ai parlé, hier soir ! Sans lui, je serais morte de froid, dans la montagne. Ou de faim. Au choix.
- Il est le loup-garou qui t'a mordu ! précisa Draco, articulant chaque mot pour bien se faire comprendre.
- Ah ? fit-elle en se tournant le lycan, sans pour autant le lâcher. Ce n'est… pas très gentil, j'imagine. Mais où est votre roulotte ? Vous vous souvenez où vous l'avez laissée ?
- Anna ! insista Draco. Éloigne-toi de lui ! Immédiatement !
- Pourquoi ? Il n'est plus loup, que je sache. Tout va bien, sinon, vous ne l'auriez pas détaché, n'est-ce pas ? Et puis, sa caravane est importante ! Il est un marchand itinérant, tout ce qu'il possède est dedans ! Ne vous inquiétez pas, monsieur. Nous allons vous aider à la retrouver. Ces gens sont de très bonnes personnes, et…
- Anna !
- Elsa ! rétorqua la jeune fille, agacée. Cet homme m'a sauvé ! Il est normal que je veuille l'aider en retour !
- Il t'a aussi attaqué !
- Il aurait pu me tuer et ne l'a pas fait ! Vous me l'avez assez répété, hier soir : je n'aurais pas pu en réchapper si le loup-garou avait réellement voulu me faire du mal.
- C'est juste, sourit Harry, touché par l'altruisme de la rousse. Et il est étrange qu'il soit resté à tourner autour de notre campement sans chercher à le pénétrer, alors qu'il en aurait eu l'occasion à de nombreuses reprises, lorsque nous étions tous concentrés ailleurs… Et puisque vous dites le connaître, j'ai comme l'impression qu'il vous a suivi… Ai-je raison, monsieur ? »
Le visage de celui qu'il avait cru être son ancien professeur était plus pâle qu'un mort. Il était terrifié, persuadé qu'un "oui" ou un "non" pourrait signer son exécution. L'air affable de l'adolescente et du roi ne faisaient pas le poids face à la colère grandissante de la "Reine des Neiges", une couche de gel de plus en plus épaisse sous ses pieds, et une légère brise glaciale soulevant lentement ses longs cheveux d'or blanc.
Cependant, ce fût Neville qui désamorça la situation : aussi surprenant que soit le geste aux yeux de Harry, il suffit à Lancelot de poser une main sur son épaule pour décrisper légèrement la souveraine. Puis, un léger sourire et quelques mots rassurants achevèrent de le détendre. Draco expira fortement, dents serrées, et sa magie cessa.
« Répondez, gronda-t-il, mécontent.
- J'étais… J'étais simplement inquiet pour la jeune demoiselle, bafouilla l'homme, le regard suppliant. J'étais loin de me douter qu'elle était une personne royale… Je ne… Je ne suis pas d'ici… Je voyage beaucoup… C'était la première fois que je venais sur ces terres. Je préfère rester loin de la civilisation… comme vous vous en doutez… Mais ! Mais ! Je ne crains pas la pleine lune ! C'est pour cela que je n'avais pas peur de lui faire du mal ! Je peux me contrôler ! C'est juste que… je ne dois pas me montrer… Sinon, les gens m'attaquent… Je leur fais peur… Ce… Ce que je peux comprendre…
- Vous mentez ! s'exclama "Elsa", furieux. Vous l'avez mordue !
- C'était un accident ! cria l'homme d'une voix rendue aiguë par la peur, les mains levées devant le visage comme pour se protéger. Je n'ai jamais mordu personne avant elle ! Je le jure sur ma vie ! D'habitude, pour calmer la soif du lycan, je me contente de tuer quelques petits animaux, rien de plus… Et là, j'ai cru… J'ai cru que j'étais bien caché. Mais cette petite futée m'a vu. Alors j'ai voulu lui faire un peu peur… pour qu'elle s'enfuit. Juste s'enfuir ! C'est comme ça que tout le monde réagit. Mais elle, elle a attrapé une branche et m'a frappé ! Avant que je comprenne ce qu'il s'était passé, le mal était déjà fait… J'avais le goût de son sang dans la gueule… alors… Alors, c'est moi qui me suis enfui… »
Le silence s'installa dans la clairière, uniquement brisé par les couinements terrifiés de l'homme, persuadé d'être mis à mort prochainement. Draco poussa un léger râle en détournant les yeux, les paupières douloureusement fermées et les bras serrés autour de son corps… Il aurait préféré ne rien connaître de l'histoire, afin d'exécuter le monstre pour satisfaire son besoin de vengeance… À présent, cela était devenu bien plus difficile à justifier aux yeux de tous ces Gryffondors… Il avait envie de frapper quelqu'un !
« Je regrette, poursuivit le misérable, en larmes. Tout est de ma faute, votre Altesse… Je n'aurais pas dû vouloir lui faire peur… J'ai très mal réagi… Je n'ai compris mon erreur que trop tard… La culpabilité m'a dévasté ! J'avais été inquiet pour cette jeunette. Je l'avais suivi pour lui porter secours, au cas où. Mais finalement, c'est moi qui suis devenu la source de ses maux… Je ne pouvais pas… Je ne pouvais pas l'abandonner… Je ne suis pas un lâche. Alors… Alors je suis resté près de votre campement. J'ai été rassuré qu'elle vous trouve. Je comptais passer toute la nuit dans l'ombre, à attendre l'aube…
- Que comptiez-vous faire, ensuite ? demanda Harry, déchiré de voir son ancien professeur, pour qui il vouait un respect sans borne, dans un tel état de détresse. Vouliez-vous nous suivre ? Pensiez-vous que nous ne vous remarquerions pas ?
- Je ne sais pas, Messire… Je ne sais pas… Je n'avais rien prévu… Avant que je ne puisse y réfléchir, vous avez remarqué ma présence. Et cette noble reine pouvait voir le moindre de mes mouvements… Cela ne s'était jamais produit auparavant ! J'étais perdu. Je pensais mourir, hier soir… C'est pour cela que j'ai cessé de fuir, et que je me suis retourné vers vous… Je croyais recevoir un coup d'épée… Simple… Rapide… Efficace… Je n'aurais presque rien senti… Mais vous m'avez épargné… Et je ne comprends toujours pas pourquoi…
- Parce que vous n'êtes pas un méchant homme, sourit Anna. Ce n'était pas de votre faute, vous n'avez pas fait exprès. N'est-ce pas, Elsa ? »
Draco se détourna, la gorge nouée et le dos tendu. Les paroles de sa sœur faisaient douloureusement écho à la discussion qu'ils avaient eu la veille au soir… Lui non plus "n'avait pas fait exprès"... Cela ne le rendait pourtant pas moins coupable.
« Quel est votre nom ? demanda Arthur.
- Ysengrin, majesté. Humble camelot sans attache ni famille… Je viens d'une lointaine contrée appelée "Fabliau", où vivent en harmonie de nombreux métamorphes de toutes sortes. Là-bas, nous ne craignons pas les instincts sauvages liés à nos transformations. Nous apprenons à nos enfants à coexister avec leur animal intérieur, comme une seconde nature. Ce parfait équilibre nous permet de rester conscient, même sous forme de bête, et ainsi contrôler nos pulsions.
- Est-ce seulement possible ? ne put se retenir Caradoc, choqué.
- Je vous l'assure, messire chevalier. La preuve en est mon comportement de cette nuit. Comme vous l'avez vous-même souligné, j'aurais pu tuer cette jeune fille, mais ai préféré fuir.
- C'est super ! s'exclama Anna. Vous devez rester avec nous ! Si jamais je deviens lycanthrope à cause de la morsure, j'aurais besoin de vous pour m'apprendre tout ça !
- C'est tout ce que ça te fait ?! s'écria Draco, incapable de garder le silence. Tu risques de devenir un monstre à cause de lui, et tu l'invites à nous rejoindre ?! Avec le sourire ?! »
Harry agrippa à nouveau le bras du blond, et maintint sa prise malgré ses gestes brusques pour se dégager. Il comprenait sa réaction : l'abnégation joyeuse de l'adolescente était un poison pour un adulte protecteur et responsable tel qu'il semblait l'être. Cependant, il ne pouvait pas lui permettre de laisser libre court à sa colère. Surtout quand cela signifiait un retour de blizzard…
« Calme-toi… lui dit-il doucement, comme pour apprivoiser un niffleur farouche. C'est frustrant, je te l'accorde, mais elle a raison : nous ne pourrons pas savoir si Anna a été contaminée avant la prochaine pleine lune. Et si c'est le cas, elle aura besoin du savoir de cet homme. Il n'existe aucun remède à la lycanthropie. Et on ne sait pas s'il existe un équivalent de la potion tue-loup, ici. Grâce à lui, elle pourra au moins avoir un semblant de vie "normale"... Il sera son… "Professeur Lupin". »
L'allusion n'était pas subtile, mais elle permit à Draco de comprendre le message : si cet homme était le même que le Remus Lupin du vrai monde, comme semblaient le suggérer les explications du Ministre de la Magie, alors il serait un excellent enseignant. Patient, courtois, pédagogue, soucieux… Anna ne pourrait rêver mieux.
Malfoy poussa un grognement de rage entre ses dents, brisant sa glace d'un coup de talon dans le sol, et dégagea son bras d'un coup sec.
« Très bien ! siffla-t-il, menaçant, un doigt accusateur pointé sur le marchand apeuré. Mais au moindre problème, au moindre soupçon, je vous ferai regretter d'avoir osé respirer le même air que moi. »
Ysengrin couina de terreur en observant la silhouette fine s'éloigner pour rejoindre sa tente. Harry et Neville soupirèrent de concert, conscients qu'ils allaient devoir surveiller les sautes d'humeur de la "maléfique sorcière en colère"...
L'expédition s'annonçait mouvementée.
