Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Simon
Pairing et personnages pour ce chapitre : Shura x Angelo, Aphrodite x Mu, Simon
Rating : T à M (allusions sexuelles explicites)
Notes : Bonjour et merci à vous de continuer à dérouler le fil du Destin avec moi 😊
Merci pour les Messages privés et les ajouts dans les listes
Merci à :
Fealina07 : Hello, j'espère que tu vas bien ! Merci pour ton comm' ! Je suis contente que ce chapitre t'aies plu avec ton couple préféré. La suite ici, toujours avec eux, un chapitre un peu plus long et un peu moins « la vie en rose », si je puis dire… J'espère que tu aimeras !
Mini-Chan : Hello ! J'espère que tout se passe toujours bien pour toi ! Merci pour ta review. Je suis désolée, je vais sûrement te décevoir, mais je ne veux pas te faire de faux espoirs au sujet de l'adoption de Simon, c'est quelque chose que je n'ai pas envisagé dans les prochains et derniers chapitres, quasiment tous écrits. J'y ai pensé, mais d'une manière qui ne me convient pas, en écriture. Je ne sais pas si je suis très claire. Alors à moins d'un changement dans ma perception des choses, je n'aborderais pas ce sujet. Encore désolée !
Bonne lecture de ce chapitre un peu plus long que le précédent.
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Le Fil rouge du Destin
Chapitre Trente-six : Aucun héritage n'est plus riche que l'honnêteté.
(William Shakespeare)
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Même jour, en fin d'après-midi.
Sanctuaire, Maison du Capricorne.
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Angelo avait raccompagné Simon jusqu'aux quartiers des apprentis, et plus précisément à la cantine, où le goûter de churros et chocolat chaud promis par Shura avait été installé.
Simon rejoignit ses camarades avec enthousiasme, ce qui soulagea quelque peu le Quatrième gardien. Il n'y avait rien de mieux que la cuisine réconfortante de Shura pour l'aider à absorber l'impact des révélations faites cette après-midi-là et ce qu'il venait de vivre.
Lui-même avait besoin de son Shurizo, ces discussions avec Simon avaient été également difficiles pour lui. S'il avait tenu à gérer seul en refusant l'aide de Shura, à présent, il ne voulait qu'une chose, être dans ses bras et être rassuré sur le fait qu'il avait bien agi.
Malheureusement, alors qu'il pensait le trouver aux fourneaux à faire frire les churros, il n'y avait que Mu et Aphrodite qui s'attelaient à la tâche. Ce dernier lui expliqua que Shura avait tout préparé bien plus tôt, et qu'il les avait laissé s'occuper de cuire les churros et de réchauffer le chocolat au moment voulu.
Angelo songea que, peut-être, sachant que la journée avait été difficile, Shura l'attendait à la maison, prêt à le réconforter comme il en avait besoin…
Mais il ne pouvait pas aller vérifier avant d'avoir réglé une petite chose avec ses cadets.
*Tu ne l'as guère ménagé*, lui fit justement remarquer le Bélier par télépathie sans cesser ce qu'il faisait.
Il était intervenu sur l'esprit de Simon dès son arrivée, apaisant la confusion et la tristesse de l'enfant qui s'échappaient de lui sans aucun filtre ni contrôle, et sans jamais se faire remarquer de Simon ou des autres.
A part peut-être Kiki, à qui rien n'échappait vraiment, et qui lui avait effectivement jeté un coup d'œil rapide, tout en accueillant son ami.
*Je suis désolé, je ne sais vraiment pas y faire avec les gamins*, répondit-il tout penaud. *J'imagine que j'aurais dû préparer ce moment, j'ai seulement saisi l'occasion.
Il n'y avait peut-être pas de moment opportun pour une telle discussion*, essaya de le rassurer Aphrodite. *Ne t'en fais pas, on va garder un œil sur lui.
Merci, et désolé de vous le laisser dans cet état, mais je pense qu'il m'a assez vu pour aujourd'hui.
En effet*, approuva Mu. *Il ne t'en veut pas, mais il a besoin de digérer tout ceci loin de toi.
Ne t'inquiète pas pour lui, on s'en occupe*, lui assura Aphrodite.
*Merci. N'hésitez pas à m'appeler, si besoin.
Nous le ferons. Mais en attendant, coupe-toi complètement de lui, Angelo*, lui conseilla Mu un peu sur le ton d'un ordre. *Laisse-lui cette liberté de penser et de ressentir ce qu'il veut sans craindre que tu ne le perçoives ni ne t'en incommodes. Je peux t'y forcer, mais je préfère que ce soit toi qui le fasses.
Je le fais tout de suite, rassure-toi. Je vous le confie, je compte sur vous pour le reste.*
Il leur fit un dernier signe de tête et les quitta.
Sentant le regard de Simon sur lui, alors qu'il sortait de la cantine, il se tourna vers lui et lui fit un petit signe de la main. Avec soulagement, il vit ce geste lui être rendu par l'enfant, qui eut aussi un léger sourire.
Sans plus attendre, Angelo s'en alla d'un pas rapide, pressé de retrouver Shura.
Mais arrivé au Dixième temple, il ne trouva personne, à son grand désespoir et à sa grande frustration.
*Hey, Shurizo mio !
Oui, ˆGelo. T'es déjà rentré ? Tu ne restes pas goûter avec les apprentis ?
Non, j'suis chez toi, c'est pour ça que je t'appelle. Je pensais te trouver là, tu fais quoi encore chez Camus ?
Un truc à finir.
Et c'est bon, là, j'espère ?
Tu veux que je te rejoigne maintenant ?
Nan, y a dix minutes, cretino !
Ça va, j'arrive*, sourit Shura alors qu'il était déjà en route.
Dès qu'il avait senti le cosmos d'Angelo dans l'enceinte du Sanctuaire, il avait deviné la suite et dès que sa voix avait résonné dans sa tête, il avait pris congé de Camus.
*Grouille. T'es déjà en retard.*
- Qui est en retard ? demanda le Capricorne en arrivant juste derrière Angelo aussi rapidement qu'un courant d'air.
Angelo n'avait même pas entendu la porte s'ouvrir ou se refermer.
Il fit face à son Shurizo et l'attira contre lui en agrippant son t-shirt, les sourcils froncés mais le regard brûlant et le sourire en coin.
- Toi, et t'as intérêt à te faire pardonner pour ça.
- Je m'occupe de toi de suite, Àngel, mais sous la douche.
- Tu lis dans mes pensées, Shurizo mio.
Ils gagnèrent la salle de bain, entre baisers et éparpillement de vêtements qu'ils semaient au gré de leur effeuillage sur la route du plaisir.
Un peu plus tard, ils s'installèrent dans le salon autour d'un petit apéro.
Amalia Rodrigues remplissait la pièce de sa voix claire et mélancolique.
Depuis qu'Aldébaran leur avait fait découvrir le fado l'an passé, ils en écoutaient régulièrement en fin de journée, notamment cette grande interprète à la voix si profonde.
Mais Angelo n'avait pas trop l'esprit à la détente et à l'écoute passive.
Outre sa journée compliquée avec Simon, il y avait une question qui le taraudait, depuis une semaine, et il se décida enfin à la poser.
Enfin, il allait le faire, mais Shura le prit de court.
- Tu me racontes ce qui s'est passé avec Simon, aujourd'hui, ou tu préfères le garder pour toi ?
- Non, je comptais bien t'en parler, évidemment.
- Ce n'est pas une obligation.
- Mais c'est un besoin. C'est important. C'est juste que j'ai autre chose en tête, là, un truc que j'voulais te demander. J'veux m'en débarrasser, avant de parler de Simon.
- Bien, je t'écoute, ´Ge.
Alors qu'il était allongé sur le canapé, sa tête reposant sur les cuisses de Shura assit, Angelo écarta sa main qui caressait son torse nu avec nonchalance et se redressa pour s'asseoir.
Le Dixième gardien ne bougea pas.
Il avait senti l'agitation de son compagnon, mais avait à cœur de lui laisser le temps dont il avait besoin pour lui parler de ce qui le préoccupait.
Angelo finit par briser le silence, mais sans le regarder, les yeux rivés sur son verre qu'il faisait tourner dans sa main.
- J'peux savoir ce que tu fous avec Camus ?
- C'est-à-dire ? demanda Shura sans témoigner d'émotion particulière.
- Chaque fois que j'te cherche, tu peux être sûr que j'te trouve avec lui. Tu le vois plus que moi, en ce moment !
- Sachant qu'on passe toutes nos nuits ensemble, excepté les très rares fois où Simon est chez toi, c'est statistiquement impossible, ´Ge, affirma placidement le Capricorne.
- Je t'en foutrais des stats, moi ! s'emporta le Cancer en tournant vivement son visage vers lui. Tu réponds pas à ma question !
Shura soutint le regard d'Angelo, tout en sirotant une gorgée de son cocktail sans alcool.
- T'es jaloux ?
- Tchhh… Il nous vole du temps !
- T'exagères, le sermonna le Dixième gardien en caressant sa nuque du bout des doigts avec tendresse. Ce n'est pas comme si tu m'attendais à la maison pendant que je suis avec lui, toi aussi, tu as des occupations de ton côté.
- T'étais pas là quand j'suis rentré, rappela-t-il.
- Je pensais que tu resterais goûter avec Simon. Je me suis mis en route dès que je t'ai senti de retour et je t'ai rejoint en moins d'une minute. Tu crois que je ne suis pas attentif à ce genre de choses ? A toi ?
Angelo grommela, le nez dans son propre verre de retsina. (1)
- J'voulais que tu sois déjà là. Et tu me réponds toujours pas, pourquoi ?
- Je vais le faire, mais tu le gardes pour toi, d'accord ?
- Jusqu'à quand ?
- A jamais. Si tu ne t'en sens pas capable…
Le Cancer sembla réfléchir un moment, pesant le pour et le contre.
- Si c'est un gros truc sur Camus… rhaaaa allez, pour toi, je fermerai ma gueule, promit-il en posant son verre sur la table basse. Vas-y, balance. Je veux savoir ce que vous trafiquez, tous les deux, pour que tu rentres en sueur comme ça une fois sur deux...
- Je lui apprends à danser.
Angelo, qui avait eu la mauvaise idée de reprendre une gorgée d'alcool, faillit avaler de travers.
Il toussa un moment dans son coude, avant de retourner son visage vers Shura pour le fixer, les sourcils hauts levés sur son front.
- Cosa ?
- On ne dit pas quoi, mais comment ?
- Vabbè !
- Je dois aller chercher mon dico d'italien ou tu reviens au Sanctuaire ?
- J'suis là, tu comprends parfaitement ce que je dis, depuis le temps, alors arrête de louvoyer ! répondit-il en lui pinçant vigoureusement le téton.
- ¡ Ay, diablos ! protesta vivement Shura sous la douleur, en lui claquant la main.
- Je dois aller chercher le dico d'espagnol, ou… ? le taquina Angelo.
Shura le renversa sur le canapé et lui mordit l'oreille en représailles.
- Ma ahi ! s'écria le Cancer avec un petit rire.
Shura voulut se redresser, mais Angelo le bloqua contre lui.
- Et si on signait la trêve et la fin de l'échange linguistique par un French kiss ?
- Très bonne idée, accepta l'Espagnol en donnant à son Italien le baiser français réclamé.
Puis, il se redressa, et Angelo le laissa faire, cette fois-ci.
Ils burent chacun un peu dans leurs verres, avant que le Quatrième ne reprît leur discussion.
- Alors, c'est quoi cette histoire de danse ?
- C'est bientôt l'anniversaire de Milo, et Camus veut lui faire une surprise.
- En dansant ?
- Oui, mais pas n'importe quelle danse, ´Gelo. Tu es bien placé pour savoir à quel point les danses latines sont sensuelles… entre autres. Elles sont une très bonne introduction à une soirée caliente entre amoureux, ça aussi, tu le….
Angelo bondit littéralement du canapé et se dressa face à Shura.
- Attends, attends, attends, stop ! Mais… quoi ? Tu lui apprends ce genre de danses pour lesquelles tu te transformes en bombe sexuelle atomique ?
- Je pensais qu'à tes yeux, je l'étais au quotidien.
- Bah justement, là, tu le deviens pour tout le monde ! protesta Angelo en croisant fermement les bras sur son torse. J'peux pas laisser passer ça !
Shura soupira légèrement.
- J'ai déjà donné des cours de salsa et de rumba à nos camarades, tu n'en as pas fait toute une histoire.
- Mais parce que c'était moi, ton partenaire ! répliqua-t-il en levant les bras au plafond. Personne n'a osé trop te regarder, même si les yeux ont traîné quand même un peu trop… Mais j'étais fier, t'étais magnifique, sexy, un appel au sexe, mais t'es à moi et à moi seul… Y a que moi qui te touchais, qui pouvait poser les mains sur ce corps parfait, qui pouvait te sentir onduler contre moi, pendant ces cours ! Là, tu permets la même chose à Camus… Ça va pas du tout !
- ´Ge, vraiment…
- Hey, je suis à deux doigts de monter le débiter en glaçons pour apéro, fais gaffe à ce que tu vas dire où j'utiliserai ton Excalibur pour le faire !
- Mais rassis-toi ! lui ordonna Shura, amusé, en le tirant par le short jusqu'à le faire atterrir à ses côtés sur le canapé. Cela n'a rien de sexuel, avec Camus, détends-toi.
- Tout devient sexuel, quand tu danses, Shurizo ! protesta-t-il, mais en laissant tout de même Shura l'enlacer de son bras libre. Absolument tout ! Les murs et les morts pourraient bander !
Le Capricorne ne put retenir un rire face à l'absurdité de cette réplique.
- Angelo, sérieusement…
- Je suis sérieux ! Je vais pas t'interdire de le faire, t'es libre, mais franchement, ça ne me plaît pas de te savoir collé-serré avec un autre… Même un bloc de glace comme Camus ! T'es bien capable de le faire fondre et même bouillir !
- Tu veux bien arrêter avec tes comparaisons et tes images absurdes ? lui demanda Shura en mordillant tendrement sa nuque.
Angelo frissonna, mais il n'était pas d'humeur à apprécier l'attention.
- Oui, bah au moins, tu comprends tout de suite ce que je veux dire ! Toi, collé à un autre que moi, j'aime pas, même si c'est un iceberg ! Déjà, quand t'as donné ton cours et que t'as dû montrer quelques pas et guider directement certains, ça m'a fait grincer des dents. Là… Je sais pas, vous savoir que tous les deux, faire ce genre de trucs, en secret… Tu crois que je le sens pas, ton rythme cardiaque qui s'accélère dans ces moments-là ?
- Ce genre de trucs n'est qu'une danse, ´Ge, une pratique sportive qui, effectivement, modifie les paramètres vitaux.
- Me prends pas de haut !
- Ángel… tenta-t-il de l'apaiser en posant sa main sur son cœur et son menton sur son épaule, appuyant encore son dos contre son torse. Ça n'a rien à voir avec les battements de cœur que toi, tu me provoques, parfois à ta simple vue.
- Cherche pas à m'amadouer, j'aime pas ça, point ! s'irrita-t-il en posant brutalement son verre sur la table basse, se détachant de Shura dans le mouvement. J'ai le droit, non ? Minchia !
Shura soupira.
- Tu veux que j'arrête ?
- Oui ! Non ! rectifia-t-il presque tout de suite. Je comprends pourquoi tu le fais. Et c'est Camus, aussi, je sais que vous deux, vous avez un lien particulier… Faut l'aider, le Mister Freeze, ok… Mais ça ne me plaît pas, c'est tout. Je veux que tu le saches, conclut-il, légèrement plus calme.
Shura reposa donc sa main sur sa nuque pour continuer à l'apaiser.
- D'accord. 'Gelo, c'est noté.
Un silence un peu tendu, puis…
- Vous avez bientôt fini, tu penses ?
- Il apprend très vite.
- Dis-lui d'assimiler encore plus vite, alors. Qu'on ait plus à avoir ce genre de discussion. Je déteste ça !
- Et si tu participais ?
- Cosa ? s'exclama le Cancer en se tournant vers lui. Non esiste !
- Et pourquoi pas ? Tu pourrais lui apprendre, toi aussi, tu danses presque aussi bien que moi, aujourd'hui.
- El giorno del mai ! refusa catégoriquement Angelo. On a aucune connexion, Camus et moi. On discute, on échange, mais on est pas particulièrement amis ou proches. Ce serait vraiment trop bizarre. Et puis, il ne serait pas à l'aise. En dehors de Milo, il ne l'est avec personne d'autre que toi, à part Saga qui n'est pas dispo, et encore… Non, il n'y a qu'avec toi qu'il peut… Oh ! réalisa-t-il soudain. Toi, sale petit…
Il attrapa Shura et le renversa dans le canapé en lui bloquant la tête avec une prise de bras.
- Mais arrête ! protesta le Capricorne en levant haut son verre pour ne pas le renverser sur eux, mais en riant.
- Tu voulais me faire dire qu'il n'y avait que toi qui pouvait l'aider ! Sale petit manipulateur de mes couilles !
- Alors, dans la pratique, oui, effectivement, c'est une de mes activités, mais je n'ai pas l'impression que cela te déplaise, bien au contraire !
- Spronzo di Spagnolo… grogna Angelo en lui mordant le cou découvert.
- L'enfoiré d'espanche t'aime aussi, Àngel, répliqua Shura entre ses dents serrées.
Le Cancer avait la morsure féroce.
Même si le Capricorne savait l'apprécier à des moments bien particuliers, il la sentait toujours passer.
Angelo grogna encore, puis se redressa, soupira et le libéra complètement.
- C'est pas juste. Tu fais vraiment ce que tu veux de moi, Shurizo mio…
Shura se redressa à son tour pour poser son verre et enlaça son grognon de compagnon, puis l'embrassa longuement.
- Tu veux une petite danse pour me faire pardonner ? murmura-t-il ensuite contre ses lèvres.
- Quel genre de danse ? souffla Angelo sans bouger.
Le Dixième gardien mordilla la lèvre inférieure du Quatrième.
- Une du genre toi, attaché à la chaise et moi… tu connais la suite.
- Ouais et je m'en lasserai jamais !
Angelo se dégagea pour se lever avec un sourire lubrique, mais soudain, se figea.
- Rassure-moi, celle-là, tu lui apprends pas, hein ?
- Il n'a pas besoin de mes leçons pour celle-là….
- Et comment tu sais ça ?
Shura se leva à son tour, puis le poussa jusqu'à l'une des chaises du salon sur laquelle il le fit basculer.
S'appuyant sur les accoudoirs, il se pencha alors à son oreille dont il mordilla le lobe, avant de souffler d'une voix basse et rauque au possible.
- Tu veux vraiment qu'on continue à parler de Camus ?
- Non, non, t'as raison, on a mieux à… faire, termina Angelo, alors que Shura se reculait en défaisant lentement sa ceinture.
Il avait râlé lorsqu'il l'avait vu remettre son jeans après leur douche coquine, se contentant lui d'un short, mais il s'en trouva à présent très satisfait, alors qu'il jouait avec la lanière de cuir épais de manière si sensuelle.
Son Capricorne était passé en mode séducteur-prédateur et cela prit immédiatement Angelo aux tripes.
Camus et tout ce qui n'était pas Shura disparut de son esprit.
Il suivit des yeux son amant qui se dirigeait d'une démarche souple et féline vers la chaîne-hifi, pour planter le décor musical à son petit spectacle, le fado n'était plus du tout approprié.
Ceci, sans cesser son petit jeu de main et sans le quitter du regard trop longtemps.
Angelo reconnecta ses neurones un instant pour se concentrer et baisser la lumière à distance.
Et alors que Shura revenait vers lui le jeans ouvert sur son boxer bleu nuit, d'un pas lent et mesuré, au rythme de la musique latine qui s'élevait, marquant le début de son show privé, Angelo se lécha les lèvres et sourit.
Docilement, il réunit ses mains dans le dos, les préparant à être attachées.
La seule pensée cohérente qui demeurait dans son esprit était de savoir combien de temps il allait tenir avant d'exploser, de pulvériser la ceinture autour de ses poignets et de sauter sur Shura.
Et même s'ils avaient déjà eu un moment très coquin sous la douche, rien ne garantissait que cela allait lui permettre de résister bien longtemps.
C'est ce qui rendait le tout si excitant.
Près d'une heure et demie plus tard, la preuve avait été faite qu'Angelo était incapable de résister.
Des lambeaux de la ceinture en cuir gisaient au sol, parmi des débris de ce qui fut autrefois une jolie chaise de salon…
Et qui, malgré la solidité de son bois centenaire, avait fini par céder sous la violence de la rencontre passionnée de leurs corps emportés par un désir fiévreux et absolu.
Un corps-à-corps brûlant qui s'était donc poursuivi au sol, sur le tapis, puis sur la table du salon, pour enfin se terminer contre le mur.
Lorsque Shura le libéra, Angelo reposa ses jambes à terre, mais elles le trahirent en refusant de le soutenir, tremblantes, et il glissa le long du ledit mur jusqu'au sol.
Shura s'accroupit face à lui, prit son visage en coupe entre ses mains et lui donna un profond baiser, qui lui vola le peu de souffle qui lui restait.
Lorsque le Dixième gardien s'écarta, le Quatrième le couva d'un regard brumeux, souriant et haletant, à la recherche d'air autant que de ses esprits qu'il avait perdu dans les limbes du plaisir violent qui l'avait emporté.
- Je vais te faire couler un bain, ça t'évitera les courbatures, lui dit le Capricorne en l'embrassant sur le front, avant de se relever.
Se sentant encore incapable de prononcer le moindre mot, Angelo hocha simplement la tête, souriant toujours largement.
Le clouer au mur avait cet étrange effet de lui clouer le bec pour un petit moment, après l'avoir fait grogner et même crier, lorsqu'il était incapable de se retenir et que mordre les doigts de Shura contre ou dans sa bouche devenait risqué pour leur intégrité…
Il le regarda s'éloigner, dévorant des yeux son corps nu recouvert d'une fine pellicule de sueur qui le rendait brillant.
Un sentiment de fierté l'envahît et le fit sourire, lorsqu'il vit les traces rouges qui zébraient le dos, les fesses et même l'arrière des cuisses musclés du Capricorne, souvenir des moments où tout avait été si intense qu'il n'avait pu que le griffer au sang en s'accrochant à lui comme pour ne pas perdre pieds.
Après cinq bonnes minutes, Angelo se sentit capable de se relever et le fit.
L'inconfort le gagner doucement, il était collant et poisseux, ses muscles commençaient à refroidir et le tirer. Il gagna la salle de bain où la baignoire se remplissait, mais il l'ignora pour rejoindre plutôt la douche où Shura se lavait.
Il entra et l'enlaça avec tendresse en se collant à son dos.
- Je t'aime, lui dit-il simplement en posant son menton sur son épaule, ses mains se nouant sur son ventre.
- Moi aussi, lui répondit Shura en posant les siennes par-dessus. Comment tu te sens ?
Il était un peu inquiet face au comportement d'Angelo, peut-être légèrement plus quémandeur que d'habitude, plus dans l'abandon, comme à la recherche de l'oubli.
Qu'avait-il bien pu se passer, plus tôt dans la journée ?
- Plein, heureux, comblé, fou amoureux, et épuisé, répondit le Cancer.
Malgré son inquiétude, Shura laissa échapper un petit rire en coupant l'eau.
- Va t'installer dans le bain. J'ai mis de l'huile essentielle d'eucalyptus, ça va détendre tes muscles.
- Que tu viennes avec moi, c'est ça qui me détendrait.
- Non, je vais plutôt nettoyer le salon et préparer le dîner.
- On le fera après ensemble, tu n'vas pas t'occuper de tout, tout seul, pendant que j'me prélasse, pépère, et puis quoi, encore ? protesta-t-il vivement. On est deux à avoir foutu le bordel dans l'salon, on rangera ensemble. T'as fourni plus d'efforts que moi, en plus, tu m'as soulevé et porté longtemps, alors t'en as autant besoin que moi de ce bain, Shurizo mio.
- Je vais bien, assura-t-il en se tournant pour lui faire face, mais san quitter ses bras encore. Je n'ai pas de mal à tenir sur mes jambes, moi.
- T'es fier de me mettre dans cet état, hein ? grogna Angelo en mordillant la peau tendre se son épaule.
Là où il avait déjà apposé la marque de ses dents, tel un sceau sacré que lui seul pouvait retirer et renouvelé, à l'infini.
Shura le repoussa doucement, piqua un baiser sur ses lèvres et sortit de la douche.
- Évidemment que je le suis. Tu as l'air si heureux et satisfait, je ne peux que l'être. Quant à toi, tu mérites d'être rudoyé de cette façon de temps à autres.
- Mais c'est quand tu veux, mi amore, répondit le Cancer en sortant à son tour. Je vais certainement pas m'en plaindre ! Rudoie-moi comme ça tous les jours, même, je pourrais facilement le supporter !
- On apprécie davantage les choses lorsqu'elles sont rares, expliqua Shura, alors qu'Angelo lui frottait les cheveux avec une serviette pour les sécher. Ce ne serait pas aussi bon, si cela arrivait trop souvent.
- On devrait vérifier ta théorie, par exemple, pendant une semaine ou deux.
- Ce n'est pas nécessaire, crois-moi, répliqua Shura en terminant de s'essuyer le corps.
- Quoi, tu tiendrais pas le rythme ?
- J'en suis parfaitement capable et tu le sais. Mais… bien tenté, Àngel, le félicita-t-il avec ironie en embrassant sa joue.
- Tchhh…
Déçu que sa provocation n'ait pas eu l'effet escompté, Angelo se glissa dans son bain dont il coupa l'eau, car il avait atteint la bonne hauteur.
La température était parfaite.
Un soupir de contentement lui échappa.
- Une bonne baise, un bon bain et bientôt, un bon dîner, je suis vraiment le roi du monde… ou l'escroc du siècle !
Ah ! On y était ! songea Shura.
Il s'assît sur le rebord de la baignoire.
A un autre moment, il l'aurait sûrement frappé pour ce genre de propos.
Mais il avait perçu quelque chose dans la voix de son compagnon de toujours qui l'avait alerté, une tristesse, une douleur, une culpabilité…
Cela allait de paire avec toute son attitude de ces dernières heures, même s'il semblait n'y avoir aucun rapport, de prime abord.
C'était infime, car il tentait violemment de le lui cacher.
Mais liés comme ils l'étaient désormais, plus rien ne pouvait plus échapper à Shura.
Il savait qu'il s'était passé quelque chose avec Simon qui avait profondément impacte Angelo.
Leur soirée et leurs petits jeux n'avaient que temporairement occulté le reste, mais maintenant qu'ils étaient redescendus, il fallait affronter la réalité.
Ce qu'Angelo était précisément en train de faire… dans sa tête.
Mais Shura refusait de le laisser seul avec lui-même, pas dans un moment pareil.
- Tu veux qu'on en parle maintenant ? demanda-t-il en posant sa main sur sa joue avec tendresse.
Il était inutile pour Angelo de faire comme s'il ne comprenait pas à quoi sa moitié d'orange faisait allusion.
Aussi, il frotta son visage contre la paume chaude, puis y déposa un baiser appuyé.
- Viens dans le bain avec moi et je te raconterai tout.
- Tu le feras, même après, 'Gelo.
- Mais je veux le faire maintenant, en te sentant autour de moi, appuyé contre toi. Je veux tes bras qui me serrent fort, Shurizo mio. J'en ai besoin.
Comment Shura pourrait-il résister à une telle demande ?
La réponse était simple : c'était impossible.
Angelo se montrait rarement si vulnérable.
Il se leva donc et se glissa derrière Angelo, qui s'était décalé pour lui laisser la place.
- Là, c'est parfait, soupira le Cancer, alors qu'il sentait le corps de son Capricorne l'entourer et l'envelopper.
Il se cala contre le torse puissant, sa nuque épousant l'arrondi de son épaule, et posa ses mains sur ses bras qui l'étreignaient.
Le silence s'imposa quelques instants, que Shura perçut comme le calme avant la tempête.
Quoi qu'il se fût passé avec Simon, il sentait que c'était très important.
Il se demandait même si Angelo ne lui avait pas parlé de Deathmask.
Cela seul pouvait expliquer la violence des émotions qu'il avait senti chez son compagnon, et qui l'avait fait intervenir en lui proposant de les rejoindre, à deux reprises.
Angelo avait refusé, et il s'était quelque peu calmé ensuite.
Mais il n'avait pas retrouvé sa sérénité, loin de là.
Et s'il avait tout fait pour étouffer la somme de ses émotions violentes pour ne pas alerter Shura, ce dernier en avait tout de même eu l'écho qui vibrait dans son cosmos.
Encore à cet instant.
La voix du Quatrième gardien brisa soudain le silence.
- J'ai emmené Simon au Mont Pelion.
La révélation fit le même effet à Shura que si un miroir avait été brisé ou si une vitre avait explosé à quelques centimètres de lui.
Oui, il s'était attendu à quelque chose d'assez énorme, mais…
Ça ?
Vraiment pas.
Comment aurait-il pu ?
- Pardon ?
- T'as bien entendu, Shurizo.
- Et tu l'avais prévu ? Tu devais aborder la situation avec Elrik, normalement, comment as-tu pu en arriver au Mont Pelion ?
- On l'a fait, on a parlé d'Elrik. Mais ça a dérivé sur autre chose. C'est arrivé comme ça, au détour d'une discussion sur les pouvoirs des Chevaliers, les liens de certains avec le monde des morts, toi…
- Moi ?
- Oui, toi et ton respect des défunts... Je crois que j'ai bien fait, enfin, j'espère… Simon n'a pas l'air traumatisé, même s'il a pleuré, et il est rentré avec moi, mais… quand il va repenser à tout ça, je sais pas ce que ça va donner, Shurizo… Je l'ai laissé prendre le goûter avec les autres, sous la vigilance de 'Dite et de Mu, mais est-ce que je devrais lui dire de venir dormir à la maison, cette nuit ? Il va peut-être faire des cauchemars… Sûrement, même… Il a réussi à guider quelques âmes, mais…
- Comment ? s'exclama Shura, encore plus interloqué. Il a guidé des âmes ? Au Mont Pelion ?
- Oui, il y tenait. Mais on a pas forcé, rassure-toi, on a juste essayé, j'ai fait très attention. Mais elles voulaient pas, parce que j'étais là, alors on est parti ailleurs.
Shura se mordit la lèvre, et choisit de ne pas critiquer la décision d'Angelo.
Il n'avait pas tous les éléments pour se faire et il ne voulait surtout pas en rajouter, encore moins le blesser ou l'accabler.
Il le sentait déjà sur le fil.
Il déposa plutôt un baiser entre ses mèches argentées pour le soutenir.
- D'accord, corazon. Reprends depuis le début, s'il-te-plaît.
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Quelques heures plus tôt.
Mont Parnon.
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- Tu le sais, tu as dû finir par le comprendre, gamin, la vie est infiniment plus riche que nous le laissent croire nos seuls yeux. Elle est constituée d'une partie tangible, perceptible par nos cinq sens, mais également d'une partie invisible. De la même façon, nous sommes composés d'un corps physique et d'aspects invisibles, subtils. Nos cellules sont imprégnées d'une conscience, une énergie immortelle qui continue d'exister bien après la mort clinique. C'est ce qu'on appelle communément l'âme. Et l'une des manifestations de cette âme, c'est le cosmos.
- Et c'est grâce à ça que j'arrive à voir les âmes des gens qui sont morts, c'est ce que vous m'avez appris, Maitre Angelo.
- Exactement.
Ils faisaient une petite pause, assis sur des rochers.
Angelo avait un peu poussé l'entraînement, après le déjeuner, pour ne pas qu'ils ralentissent et se laissent aller à une envie de sieste digestive.
Le vieux Kostakis les avait régalés, ils étaient sortis de table, aussi pleins que tentés par le canapé qu'ils auraient bien pu se partager, et que l'Ancien leur avait généreusement proposé.
Simon avait courageusement suivi le rythme, sans protester, jusqu'à ce qu'Angelo ne leur accordât cette pause.
- Mais les autres ne les voient pas, reprit l'enfant. Pourquoi moi, j'y arrive ?
- Vous avez tous une ou plusieurs capacités particulières. Yuri peut générer et manipuler l'eau et la projeter à grande puissance. Alexei communique avec les animaux et peut les commander. On sait pas encore s'il sera Chevalier un jour et à quoi ça pourrait bien lui servir, est-ce que c'est plus un don ou un pouvoir… L'avenir le dira. Et toi, tu as l'âme d'un Chevalier, et le potentiel d'un Or, mais pas n'importe lequel : celui du Cancer, le Quatrième gardien du Sanctuaire d'Athéna. Avec quelques autres, on a la capacité de communiquer avec le monde des morts. Mais les Cancers sont les seuls à pouvoir s'y rendre et y envoyer les âmes de cette façon.
- C'est qui, les autres, et ils font quoi, Maître Angelo ?
Le Cancer eut un petit sourire.
- Il s'en est jamais servi en combat, il a juste vérifié qu'il en était capable, mais Shura a une technique qui s'appelle l'Eclipse Calibur. Grâce à elle, il peut rassembler l'énergie des défunts en la puisant directement aux Enfers, pour créer une lame de karma et lancer une attaque spécifique aux Chevaliers du Capricorne. (2)
- Pourquoi il l'utilise pas ? s'étonna Simon. Elle a l'air trop forte, comme attaque !
Angelo sourit encore plus
- Perce qu'il est comme ça, il aime pas déranger les défunts. La mort, la paix des âmes, le respect des disparus et tuttti quanti, c'est sacré, pour Shura.
- Et pas pour toi ? Et est-ce que tu les as dérangés, les morts, Maitre Angelo, quand tu t'es battu, avant ? Je vais devoir le faire, moi, si je deviens le Chevalier du Cancer, un jour ?
Le Quatrième gardien grimaça.
Il avait un peu tendu le bâton pour se faire battre…
Il se leva et fit quelques pas, avant de revenir vers Simon, qui baissa les yeux.
- Pardon, Maître, je n'aurais pas dû demander.
- Quelle est la première chose que je t'ai appris, Simon ? lui demanda la Cancer en s'accroupissant pour être à sa hauteur et chercher son regard. La première chose que je t'ai dit de retenir, dès notre première leçon ?
L'enfant réfléchit un court instant.
- Vous m'avez fait promettre de toujours poser toutes les questions que j'avais dans la tête, de jamais en laisser une pourrir et me manger le cerveau.
- Essato ! Alors, ne t'excuse jamais de poser une question.
- D'accord, Maitre Angelo. Mais si la question ne vous plaît pas ? Si elle vous fâche ?
- Alors, je te le dirais et je t'expliquerais pourquoi. e capito ?
- Ho capito, répondit docilement Simon, comme Angelo le lui avait appris.
Quand il parlait italien, il devait lui répondre en italien.
Ce n'était pas une obligation, mais Angelo appréciait, alors Simon le faisait, car il aimait faire plaisir à son Maître qu'il adorait.
Et il reçut effectivement une tape affectueuse sur la tête et un sourire du Cancer.
Mais il redevint vite sérieux.
- Tu me poses toutes ces questions parce que tu as entendu quelqu'un parler de moi, de comment je me battais, avant ? Ou quelqu'un t'a dit quelque chose, directement ?
Le petit garçon tritura nerveusement ses doigts.
- Il y a deux jours, je me suis disputé avec Nikolaï. On a failli se battre.
- Tu ne te bats jamais, gamin, qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Angelo en s'installant en tailleur, la position accroupie n'étant pas très confortable, mais voulant rester à sa hauteur et face à lui.
- Il a dit que vous vous étiez fait soigner, mais qu'avant, vous étiez fou et que vous découpiez des enfants pour les manger, comme le Dieu Cnossos. Ça m'a mis en colère.
Nikolaï, âgé aujourd'hui de 10 ans comme Kiki, avait grandi au Sanctuaire, il était arrivé cinq ans plus tôt, il n'était pas étonnant qu'il se rappelât les rumeurs.
Deathmask avait terrorisé plus d'un enfant du Domaine.
Mais ils avaient tous eu pour consigne de ne pas parler du passé sans la présence d'un adulte, après que Shion et Athéna les aient réunis pour leur expliquer tout ce qui s'était passé. Et si Achille, qui avait grandi avec Nikolaï et était son cadet d'un an, avait respecté la règle, apparemment, ce n'était pas son cas.
Enfin, plus maintenant.
Angelo ne laissa rien paraître sur son visage et continua d'un ton égal.
- Et pourquoi il t'a dit ça ?
Il sembla au Cancer que son élève rougissait légèrement.
- Il a dit qu'il en avait marre de m'entendre toujours dire que vous étiez un Maître génial, et il a dit aussi que je j'étais naïf et… embêtant… parce que je parle tout le temps de vous et que c'était trop, que…
- Que quoi ? l'encouragea Angelo avec douceur, le voyant hésiter à poursuivre.
Simon se mordit la lèvre.
- Allez, gamin, vaut mieux que ce soit toi qui me l'dise, si je vais lui demander directement, ça peut mal finir pour lui.
Comme Simon était la bienveillance incarnée, et qu'il ne voulait pas que Nikolaï ait des ennuis, même s'il avait été prêt à se battre contre lui quelques jours plus tôt pour défendre son Maître, il préféra tout dire.
Et c'est exactement ce qu'avait prévu Angelo, qui avait cerné l'enfant depuis un moment, déjà.
- Il a dit que là, vous étiez gentil, parce que je faisais tout bien comme il faut, mais que le jour où je ferai pas bien, vous me feriez du mal. Il a dit que la folie, ça se guérit pas et quand on a mangé des enfants, on veut toujours y regoûter. Et qu'un jour, vous m'emmèneriez au Puits des Morts et vous reviendriez sans moi en disant que j'étais tombé dedans par accident, mais qu'en vrai, vous m'auriez mangé la tête après l'avoir fait bouillir dans les lacs de feu et de souffre des Enfers, et le corps aussi.
Angelo essaya de se retenir de toutes ses forces, il puisa la plus infime parcelle d'énergie en lui pour cela, mais ce fut trop, beaucoup trop pour lui.
Il se laissa tomber en arrière dans la terre rocailleuse, les bras en croix, et libéra un rire puissant qui ricocha sur les rochers et fit presque soulever la poussière autour.
Une fois calmé, il se redressa face à Simon, qui le regardait avec des yeux ronds, perplexe.
- Cazzo di merda ! laissa-t-il échapper. J'aurais voulu que Shura entende ça ! Je lui raconterai, ce soir, on va bien se marrer ! Oh, par Athéna !
- C'est pas vrai, hein, Maitre Angelo, j'ai eu raison de m'énerver ?
- Avant de te répondre, dis-moi, vous étiez dans vos quartiers ou y avait un adulte, avec vous ?
- On était aux arènes d'entraînement par binômes, Mu était un peu plus loin, mais il est venu nous séparer en nous suspendant dans le vide ! C'était presque drôle !
- Comme ça ? demanda Angelo sans bouger, mais en le faisant flotter dans les airs.
Simon explosa d'un rire joyeux qui fit éclater une bulle de bonheur dans la poitrine d'Angelo, le surprenant quelque peu.
Il le reposa rapidement et reprit son sérieux, le sujet était quand même grave.
- Qu'a dit Mu, alors ?
- Il a dit à Nikolai qu'il devait respecter les Chevaliers et les règles établies par la Déesse Athéna et le Grand pope Shion, et qu'il serait puni pour ne pas l'avoir fait.
- Et à toi, il a dit quelque chose en particulier ?
Simon hocha la tête.
- Il m'a dit de ne rien vous dire, de ne pas vous poser de questions, parce que vous me parlerez un jour de votre passé et des Chevaliers du Cancer, quand ce sera le bon moment.
Angelo n'était pas étonné que Mu ait agi comme cela, il protégeait l'enfant avant tout.
Mais qu'il ne lui ait rien dit…
C'était plus étonnant.
Il aurait pu aussi conseiller à Simon de lui demander des comptes.
Car tout le monde savait qu'Angelo était décidé à parler à Simon un jour ou l'autre.
Mais il lui avait laissé le choix du moment.
Et celui-ci était visiblement arrivé.
Angelo se leva et s'épousseta, puis fit quelques pas pour réfléchir, s'éloignant, revenant, avant de s'immobiliser devant son élève.
Sa décision était prise.
- Simon, c'est une discussion très importante qu'on doit avoir, tous les deux.
L'enfant se redressa bien droit, conscient de la gravité du moment car son Maître l'appelait rarement par son prénom.
Et si au début, c'était par distance et détachement, le ton avait lequel il disait « gamin », aujourd'hui, avait des notes d'affection dont il n'était pas pourvu, auparavant, et qui faisait chaud au cœur du petit orphelin.
Tout comme ce surnom de P'tit Crabe qu'il lui donnait, depuis peu.
- Je vais t'emmener quelque part. Ca pas être agréable, j'te préviens, mais il faut qu'on le fasse, il est plus que temps. Lève-toi, prends le sac à dos et viens près de moi.
- Oui, Maître Angelo.
Simon se colla à la jambe d'Angelo qui posa une main sur son épaule.
Il les fit transiter si rapidement par les Enfers que l'enfant ne s'en rendit quasiment pas compte.
Ils se retrouvèrent sur un flanc de montagne qui ressemblait à celui qu'ils venaient de quitter, mais sans les forêts de sapins autour.
Mais Simon ressentit immédiatement quelque chose de très puissant qui le fit se rapprocher encore de son Maître.
- Quelque chose ne va pas, gamin ?
Il lui demandait, mais il connaissait la réponse.
- Je ne sais pas, Maitre Angelo… Je crois que… j'ai peur…
- C'est normal. Tu vois des petites lumières ?
Simon fit prudemment un tour complet sur lui-même.
- Non…
- Pourtant, elles sont là.
- Mais pourquoi je ne les vois pas ?
- C'est à cause de moi, répondit Angelo dans un filet de voix. Elles se cachent, elles ont peur de moi. Ce que tu ressens, c'est leur peur.
- Pourquoi elles ont peur, Maître Angelo ?
Le Cancer posa sa main dans le dos de son élève pour le guider et s'avança dans la vaste plaine rocailleuse.
- Autrefois, ici, s'élevait un petit village du nom de Makrini. Il y avait 168 habitants et un réfugié, quand il a disparu.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? On dirait que ça a brûlé… On est sur un volcan, Maitre ? J'ai déjà vu, dans les livres et à la télé, sur les volcans, la terre elle est toute noire, comme ici…
- Non, ce n'est pas un volcan, répondit Angelo en continuant d'avancer. On est sur le Mont Pelion, en Thessalie. Il y a bientôt dix ans, j'ai été envoyé ici par le Grand pope de l'époque.
- Le méchant ?
- Oui, le démon. Il y avait quelqu'un que le Grand pope démon n'aimait pas, et qui s'était caché dans ce village. Il m'a ordonné de le trouver et de le tuer.
Simon s'arrêta.
Angelo s'accroupît à ses côtés et poursuivit, sans le regarder, les yeux rivés sur le terrain vague où même les herbes sauvages avaient refusé de repousser.
- Et je l'ai fait. Je l'ai tué, lui, et tous les habitants de ce village. Je n'ai épargné personne.
- Mais… pourquoi ? réussit difficilement à demander Simon.
- Parce que j'en avais envie, répondit le Cancer toujours sans bouger. Alors, pour cacher mon crime et me protéger, et protéger le Sanctuaire, Shura est venu me chercher. Disons plutôt qu'il m'a chassé d'ici, parce que je commençais à faire n'importe quoi… Je détruisais tout, je manquais de respect aux gens que je venais moi-même de tuer. Je respectais rien, ni personne, la vie des autres ne valait rien, à mes yeux. Une fois que je suis parti, Shura a prié pour les âmes des défunts, il leur a demandé pardon pour mes crimes. Puis, il a dû brûler le village pour effacer les traces, pour qu'on croit à un incendie accidentel. Il n'a pas pu enterrer les corps à cause de ça, et depuis, les morts n'ont jamais pu trouver le repos et les âmes errent sur cette terre dévastée qu'elles ne peuvent se résoudre à quitter, accablées de douleur et de colère.
Angelo se releva et se tourna vers Simon, qui pleurait en silence, les yeux agrandis de tristesse et d'effroi braqués devant lui.
Il continua tout de même son récit, détournant le regard pour pouvoir le faire sans craquer, et s'éloigna même de quelques pas en avant vers ce qui était, autrefois, la place principale du village.
- Il y a deux ans, quand on est revenu avec Shion, notre Grand pope, et qu'Athéna m'a purifié de tout mal, je suis revenu ici avec Shura. Je voulais m'excuser et accompagner ces âmes qui n'avaient jamais trouvé le repos, depuis que je les avais arrachées à leur vie paisible. Mais elles ont refusé. Simon, reprit-il après une très courte pause et en lui faisant face, il faut que tu saches qu'il y a beaucoup d'endroits comme celui-ci, que j'ai laissé derrière moi, et je n'ai pu guider aucune de ces âmes, elles m'ont toutes rejetées. Ce qui est normal. Je suis quelqu'un de bien, aujourd'hui, grâce à Athéna, à Shura, et tout le monde. Je deviens meilleur aussi grâce à toi, et ça, je l'avais pas vu venir. Mais je n'étais pas quelqu'un de bien, avant, j'ai fait beaucoup de mal, beaucoup trop. On m'appelait Deathmask, à cette époque, et ce nom m'allait parfaitement, il n'avait rien d'exagéré. Je n'ai jamais mangé d'enfants, mais j'en ai tué. Même Cancro ne me supportait plus et le jour de ma mort, elle m'a aussi rejeté. Je regrette ce que j'ai fait, poursuivit-il après un court silence, mais je ne peux pas changer le passé, Simon. Je te jure que je le voudrais vraiment, mais je n'ai pas ce pouvoir. Je dois faire avec, comme tout le monde, au Domaine. Est-ce que tu y arriverais, toi, à accepter tout ça ? A accepter ce passé et ces péchés dont j'ai été lavé et absous, mais dont je porte toujours la responsabilité et la culpabilité, en moi ?
Simon se laissa tomber par terre et continua à pleurer, mais de gros sanglots le secouaient, à présent.
Angelo ne bougea pas, ne fit aucun mouvement vers lui.
Son cœur était tellement serré dans sa poitrine qu'il arrivait à peine à respirer.
Il ne voulait pas alerter Shura, mais bien évidemment, il échoua lamentablement.
*Angelo, qu'est-ce qui se passe ? Tu as besoin de moi ? Je vais chercher Mu ou Kiki pour me téléporter, où êtes-vous ?
Non, Shurizo mio, ça va aller, t'en fais pas.
Ça ne va pas du tout, qu'est-ce que tu racontes !
Non, mais ça va aller mieux dans pas longtemps, je te le promets. Je peux gérer, laisse-moi faire, fais-moi confiance.
C'est le cas, mais…
Mio amore…
Très bien, je reste ici, mais tu n'hésites pas, si besoin, d'accord ?
Promis.
Je t'aime.
Moi aussi. Mais arrête de t'inquiéter. *
Angelo respira doucement pour se relaxer, comme Shaka leur avait appris à le faire.
Face à lui, Simon finit lui aussi par se calmer, et se relever. en s'essuyant les yeux sommairement.
- Je te ramène, ou tu veux que je demande a Mu ou Kiki de venir te chercher ? proposa Angelo avec le ton le plus doux qu'il pouvait user, en lui tendant un mouchoir. C'est pas grave, tu sais, si tu veux plus que j'sois ton Maître, quelqu'un d'autre s'occupera très bien de toi. Tu recevras Cancro quand…
Simon craqua et courut jeter ses bras autour des jambes d'Angelo, le surprenant au point de presque le faire reculer d'un pas.
- C'est vous, mon Maître ! s'écria-t-il entre deux reniflements douloureux. Vous êtes gentil et vous connaissez plein de choses que vous m'apprenez très bien ! Vous êtes l'amoureux de Shura et vous l'aimez très fort ! Vous êtes le Chevalier d'Or du Cancer et vous êtes très puissant ! Vous êtes mon Maître Angelo et je ne connais que vous ! Je connais pas l'autre, je l'ai jamais vu !
Le Quatrième gardien tapota maladroitement la tête de Simon du plat de la main, tentant tant bien que mal de contenir son émotion.
Shura allait finir par débarquer sans plus lui demander son avis, si cela continuait.
- C'est pas si simple, gamin…
- Si !
- Non, insista Angelo en s'accroupissant pour être à sa hauteur. Tu ne peux pas fermer les yeux, et faire comme si cet homme n'avait pas existé, parce que tu ne l'as pas connu. Un jour, normalement, tu recevras Cancro. Et avec elle, tout l'héritage des Chevaliers du Cancer, chaque histoire de chacun d'entre nous. Je suis Maitre Angelo pour toi, mais n'ai été Deathmask du Cancer, et tu devras faire face à ce sombre passé. A ce monstre que j'ai été et à tout le mal que j'ai causé, toutes ces vies que j'ai pris, car c'est sa vie qui appartient à l'Histoire officielle. Tu n'y couperas pas, Simon, car même si elle t'apprécie énormément, Cancro ne t'épargnera rien, il le faut.
- Alors, préparez-moi !
Angelo fut pris de court.
- Je… je ne sais pas comment faire ça… avoua-t-il, confus.
Simon regarda son Maître, puis le vide et la désolation là où se dressait un village vivant et paisible, autrefois.
Il d'avança lentement et marcha parmi les ruines, Angelo sur ses talons, intrigué mais surtout attentif aux mouvements des âmes autour d'eux.
Car les petites lumières commençaient à se manifester, d'abord deux ou trois, puis rapidement, une dizaine, une quinzaine.
- Simon, gamin, c'est assez pour aujourd'hui, on va…
- On va les guider, le coupa l'enfant avec une autorité qu'il n'avait jamais témoigné face à aucun adulte.
Encore moins, son Maître, dont il n'avait d'ailleurs jamais coupé la parole non plus.
- Quoi ?
- Si je suis là, elles voudront bien, Maître, expliqua Simon le le regardant. Et en le faisant, je verrai, je saurai ce que vous leur avez fait…
- C'est absolument hors de question, c'est beaucoup trop dangereux et tu n'es pas prêt pour ça.
- Mais vous êtes là, il ne peut rien m'arriver de mal, insista l'enfant avec courage. Vous allez me protégez, vous êtes mon Maître. J'ai confiance en vous, Maître Angelo.
Le temps sembla se figer, alors qu'Angelo était happé dans le passé.
Son ancien disciple Mei, sur le bord de l'Etna, prêt à plonger dans le volcan pour récupérer l'Armure d'Argent de la Chevelure de Bérénice.
Vous allez me protéger et m'aider, Maître ?
Tu descends, tu la récupères et tu deviens Chevalier ou tu crames et tu crèves seul comme un chien au fond du volcan. Y a pas d'autres option.
Vous êtes le pire Maître, j'en suis persuadé !
J'ai été à bonne école ! Avanti !
Et d'un coup de pied, Deathmask envoya le pauvre adolescent de 16 ans dans le cratère fumant…
- Maître Angelo ?
*´Ge ?
Ça va, je gère, je te jure. Fais-moi confiance, Shurizo* demanda-t-il pour la deuxième fois, convainquant le Capricorne inquiet.
D'accord.*
- Maître ? redemanda Simon pour la deuxième fois aussi, en osant venir lui prendre la main. Je suis sûr qu'on peut y arriver, ensemble. Elles le veulent, elles aussi, on ne peut pas les laisser comme ça ! Vous les entendez, non ?
Non, Angelo ne les étendait pas.
Enfin si, en se concentrant, mais…
Elles ne s'adressaient pas lui, mais à Simon, dont elles avaient senti le cosmos qui brûlait d'un feu nouveau, en cet instant, et en qui elles avaient reconnu un guide potentiel.
Il prit une grande inspiration et plongea son regard dans celui de Simon.
L'enfant était bouleversé, mais déterminé.
Le ramener au Domaine en laissant les âmes en détresse derrière eux sans avoir tenté quoi que ce fut serait encore plus destructeur, pour lui.
Le doute l'assaillit.
Avait-il bien fait de l'emmener ici, de tout lui raconter ou presque, de le faire ici, justement ?
C'était trop tard, désormais, il fallait limiter les dégâts et le risque de traumatisme.
Et le meilleur moyen, c'était de permettre à Simon d'aider les âmes.
- On va faire un essai. Mais au moindre problème, on se tire d'ici, tu m'obéis sans discuter, e capito ?
- Oui, Maître ! Ho capito !
- Bene. Asseyons-nous en tailleur, mets-toi en face de moi, et tu vas me donner tes mains. Parfait. Maintenant, ferme les yeux, et concentre ton cosmos comme on te l'a tous appris, fais-le brûler doucement...
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Fin du flashback
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- On a réussi à guider une dizaine d'âmes, mais elles étaient de plus en plus nombreuses, extrêmement agitées et indécises, et cela a drainé beaucoup de cosmos à Simon, alors je nous ai sortis de là. J'voulais pas le ramener tout de suite au Sanctuaire, je lui ai acheté une glace, même si y avait le goûter qui l'attendait ici, et on a marché le long de la plage. Mais il a rien dit, il a pas posé de question, rien. Moi non plus. C'était un peu bizarre, mais pas tendu, et il avait pas peur de moi. Quand je l'ai laissé à la cantine avec les autres apprentis, il m'a dit au revoir comme d'habitude.
Le silence retomba après le récit d'Angelo, à peine troublé par le clapotis de l'eau suscité par les mouvements de leurs mains qui se caressaient, consciemment ou non.
- Est-ce que j'ai bien fait ? finit-il par demander dans un murmure, la voix étranglée par l'émotion.
Il avait tellement tout d'un enfant qui cherchait l'approbation des adultes, tout en redoutant la critique, que le cœur de Shura se serra à lui couper le souffle.
Il referma ses bras avec encore plus de force autour du corps d'Angelo, le pressant contre lui.
- Est-ce que tu penses avoir mal fait ?
- Je ne sais pas, c'est pour ça que je te demande.
- J'ai une autre question pour toi. Notre petite séance, tout à l'heure, était totalement improvisée, mais tu as été plus demandeur que d'habitude. Tu voulais que j'y aille encore plus fort, à la limite de te blesser. Est-ce que tu voulais être puni, ˆGelo ? Est-ce que tu t'es servi de moi pour ça, pour te faire du mal ?
- Non ! protesta-t-il vivement en s'accrochant aux bras qui l'enserraient puissamment. J'me suis pas servi de toi, j'te le jure ! Et je n'ai pas vraiment eu mal... C'est juste… que j'en avais besoin et que ça tombait bien.
- Je ne vois pas la différence.
- Est-ce si important ?
- Je ne veux pas que tu te serves de moi pour te punir et te faire du mal, 'Gelo, je le répète, alors évidemment que ça l'est. Je suis là pour toi, pour te soutenir, aujourd'hui, demain, dans dix et quinze ans, mais pas de cette façon, c'est hors de question. Tu ne peux pas me demander ce genre de choses.
Angelo embrassa les bras à portée de ses lèvres, des baisers papillons ou appuyés, comme un milliard d'excuses à son compagnon qu'il n'avait pas voulu contrarier.
- Je suis désolé, Shurizo mio. Ce n'était ni conscient, ni réfléchi. J'ai mis tout ça de côté pour profiter de toi, de nous. Quand je suis arrivé chez toi et que t'étais pas là, j'étais énervé et frustré. Puis, t'es arrivé et tu nous as foutu sous la douche, j'ai plus pensé à rien. Après, encore, le fait que t'aies pas été là m'est revenu et ça m'a ramené au fait que t'étais souvent avec Camus. Donc, plutôt que de te parler de ce qui s'était passé avec Simon, j'ai d'abord voulu mettre ça au clair. Et ça a dérivé sur la danse, avec la tournure que ça a pris, sur la fin… Mais après, c'est revenu, quand je me suis retrouvé attaché, à ta merci, délicieusement torturé… Quand tu m'as fait l'amour tellement passionnément, en me rudoyant, comme tu dis, mais en m'aimant, surtout, si fort, comme à chaque fois, ça tournait dans ma tête : je te mérite pas. Je mérite pas d'être aimé, heureux et comblé comme ça… Mais j'le suis et ça m'a fait me sentir coupable. Parce que je suis peut-être pas un bon gars, j'y arriverais jamais vraiment, si j'ai fait du mal à Simon même malgré moi.
- C'est pour ça que tu as eu ces mots, en entrant dans le bain, « Je suis le roi du monde, ou l'escroc du siècle », demanda Shura, radouci.
- Ouais, c'est ce que j'ressens. Le sexe avec toi est comme une drogue, Shurizo. Je plane totalement, mais la descente peut être terrible, après. Tu me fais monter super haut, et après, c'est la chute à travers tous les cieux que tu m'as fait traverser et j'arrive direct en Enfer où j'me reprends tous mes péchés dans la tronche.
- Ne me dis pas que tu ressens ça à chaque fois ? s'horrifia Shura.
- A ce point, bien sûr que non. C'est surtout quand la séance de shoot a été intense ou qu'il y a un contexte, comme cet après-midi.
- Et tu voudrais qu'on fasse ça tous les jours ? Si c'est pour être malheureux ensuite…
- Je n'suis pas malheureux, Shurizo mio. Je suis heureux et j'me sens illégitime à l'être, mais je ressens ça depuis le début, depuis le jour où t'as accepté d'être avec moi comme ça. J'l'ai accepté. Seulement parfois, ça ressort un peu. Ce qui est normal, non ? Le contraire serait plus alarmant.
- Certainement, concéda le Capricorne.
- Mais pour ce qui est de Simon, je sais vraiment pas si j'ai bien agi.
- Viens, on va sortir du bain déjà et discuter de tout ça tranquillement.
- Autour d'un verre ?
- Et d'un bon repas, vu l'heure. Et si t'allais nous chercher tes pizzas préférées à Rome, pendant que je range et nettoie le salon ? proposa-t-il alors qu'Angelo sortait du bain le premier.
- C'est une excellente idée !
Il prit le peignoir de Shura pour l'aider à s'y glisser, se contentant d'une serviette pour lui, vu qu'il allait déjà se rhabiller pour aller chercher le dîner.
Mais il prit encore un moment pour enlacer Shura et le serrer fort dans ses bras, sans un mot.
- Comme d'habitude, ta pizza ? lui demanda-t-il ensuite.
- Oui, sauf si Samuele a élaboré une nouvelle recette qui pourrait me plaire, je te fais confiance.
- Certo ! Je fais vite, lui dit-il en l'embrassant rapidement sur la joue.
Il fila ensuite dans la chambre s'habiller, avant de rejoindre Rome via Air Puits des Morts…
C'était quand même bien pratique.
Shura, quant à lui, rassembla le matériel nécessaire pour ranger le salon, débarrasser les débris de la chaise qui n'avait pas tenu, ramasser les vêtements en séparant ceux qui avaient survécu et les pauvres tissus victimes de leur amour passionné et impatient, nettoyer le tapis, la table, le mur…
Il changea également le disque sur la platine, troquant le rythme sensuel des musiques latines contre un autre non moins sensuel, mais plus tranquille.
Et bientôt, la voix de l'italien Zucchero s'éleva, et la douce Senza una dona déroula ses paroles dont Shura ne comprenait pas grand-chose, mais dont il aimait bien la mélodie. (3)
C'était surtout l'un des artistes préférés d'Angelo.
Cette ambiance musicale était parfaite pour accompagner les pizzas, apportant, elle aussi, avec le repas, une petite touche d'Italie dans leur soirée mouvementée.
C'était ce dont Angelo avait besoin, au terme de l'après-midi qu'il avait passé.
Et en prévision des discussions qu'ils allaient encore avoir.
Shura ne lui avait même pas encore parlé de la lettre qu'il avait trouvé.
Aurait-il le temps et l'occasion de le faire ou cela serait-il un peu trop pour Angelo ?
Il ne savait pas encore.
La seule certitude qu'il avait, c'était que la journée était loin d'être finie, mais il devait tout faire pour aider Angelo à se sentir mieux.
Il prit le temps de joindre Aphrodite par télépathie pour lui demander comment s'était passé le goûter avec Simon. Le Douzième gardien étant avec le Premier, Shura leur demanda conseil à tous les deux : devait-il encourager Angelo à faire venir Simon pour dormir avec eux ou lui seul ?
Mu le rassura, Simon était avec eux au Premier temple et partagerait sa chambre avec Kiki, exceptionnellement, pour prévenir tout risque de cauchemar. Ils allaient justement en informer Angelo, lorsque Shura les avait contactés.
Cette nouvelle réjouit le Capricorne, qui les remercia.
Il pourra ainsi s'occuper entièrement de son compagnon, lui donner toute son attention et avoir la sienne également, sans le voir être perturbé par l'état de Simon.
Le connaissant, le Cancer aurait pris sur lui et tout nié de son mal-être pour se concentrer sur son élève qu'il était persuadé d'avoir traumatisé.
Or, Aphrodite et Mu le lui avaient assuré, ce n'était p s le cas.
Simon était grandement perturbé, mais c'était somme toute assez logique.
L'inverse aurait été plus inquiétant.
Ce fut donc un peu plus serein que Shura accueillit le retour d'Angelo, une bonne demi-heure après son départ.
La pizzeria où ils avaient leurs habitudes, à Rome, était très prisée et il y avait toujours énormément de monde, peu importait l'heure.
Cela ne dérangeait jamais le Cancer de faire la queue et de patienter dans ce cas précis, et c'était l'une des rares fois où c'était le cas.
La raison était simple, durant ce temps d'attente, il retrouvait souvent des habitués avec qui il pouvait discuter de tout et de rien, prendre des nouvelles du pays.
Ces dizaines de minutes lui faisaient toujours du bien, et c'était la raison qui avait motivé Shura à l'envoyer là-bas pour leur dîner.
Alors que le Cancer déposait les pizzas bien chaudes sur la table qu'avait préparé Shura, celui-ci déboucha une bouteille de Prosecco pour accompagner leur repas. Rien de tel qu'un un vin effervescent aux bulles rafraîchissantes pour aider à nettoyer le palais entre chaque bouchée bien garnie.
Angelo approuva ce choix, puis donna à son compagnon des nouvelles des personnes qu'il avait croisé et des petits potins de quartier.
Cela lui avait fait du bien, c'était confirmé, mais malgré tout, Shura remarqua qu'il n'était pas si enthousiasme et enjoué que d'habitude, après sa petite escapade.
Angelo avait surtout besoin de parler et d'être rassuré par rapport à son attitude et à ses choix vis-à-vis de Simon.
Et ce fut ce que Shura s'évertua à faire, durant l'heure et demie qui suivit.
Son analyse fine de la situation, son honnêteté et son pragmatisme légendaire aidèrent grandement Angelo à y voir plus clair et à retrouver une certaine paix.
Shura ne le ménagea pas et ne lui cacha rien, lui donnant clairement son avis.
En effet, il trouvait un peu prématuré d'avoir conduit Simon au Mont Pelion et de l'avoir mis au contact particulièrement de ces âmes en perdition.
Mais cela était fait, inutile de s'appesantir là-dessus, Angelo devait avancer, et aider Simon à le faire.
Ne pouvant pas revenir sur un acte passé, le mieux était d'agir au présent pour en limiter les conséquences et en tirer le meilleur, même si cela paraissait de prime abord impossible.
C'est ainsi que l'on préservait le futur.
Un peu plus tard ce soir-là, alors qu'Angelo était installé sur le canapé à fumer une cigarette, Shura le rejoignit avec leurs mazagrans qu'il posa sur la table basse. (4)
Il glissa également entre les deux tasses la lettre d'Angelo, qu'il avait récupéré au passage.
Le Cancer la regarda longuement, puis tourna ses yeux vers Shura, qui avait pris place à côté de lui.
- Tu l'avais caché où ?
- Elle était là où tu l'avais mise, j'ai simplement déplacé l'album en réorganisant ma bibliothèque, peu de temps après notre retour à la vie. Et toi, tu as oublié où elle était.
- Tu l'as trouvé quand ?
- Ce matin.
Angelo tira sur sa cigarette, la tendit à Shura qui fit de même, avant de la lui rendre.
- Tu l'as lu.
- Oui.
Ce n'était pas une question, mais Shura avait tout de même tenu à confirmer, alors qu'Angelo reposait ses yeux sur la l'enveloppe.
Il coinça le cylindre fumant en fin de vie entre ses lèvres et la prit, l'ouvrit, relut la lettre qu'elle contenait, tout ceci en silence et sous les yeux de Shura qui buvait une première longue gorgée de café frappé.
Puis, il la reposa sur la table, écrasa son mégot dans le cendrier sur l'accoudoir et prit sa tasse de pour boire à son tour.
- Je l'ai pas mis dans l'album au pif. J'me suis pas vu le faire, mais j'y pensais très fort, quand je me trouvais là à essayer de te cacher ce que je faisais en tournant le dos à la bibliothèque. Ça a dû jouer. Mais je savais plus à quoi ressemblait ton album, je l'avais quasiment jamais eu entre les mains. Et franchement, il est tout fin, il se remarque même pas. J'aurais jamais deviné que c'était ça en regardant vite fait en passant.
- Si tu l'avais trouvé, tu l'aurais jeté ou tu me l'aurais donné ?
- J'sais pas trop.
- T'aurais préféré que je ne la lise pas, crut deviner Shura.
- Ça non plus, j'sais pas, Shurizo, répondit Angelo en haussant les épaules. Quelque part, ce paquet de niaiseries, ça appartient à un autre temps. Ça n'apporte rien, aujourd'hui.
- Ça m'éclaire sur tes sentiments, à l'époque, et sur ton comportement, ce jour-là, répliqua Shura en posant sa main libre sur sa nuque pour la caresser du bout des doigts. Le choix de la mettre à cet endroit, déjà. Tu as pensé que j'aurais certainement voulu revoir nos photos et nos souvenirs, si tu disparaissais, mais personne ne sait comment il réagira face à une perte aussi tragique.
- C'était juste une supposition. T'aurais bien fini par la trouver, ta bibliothèque, c'est pas qu'un meuble, pour toi, t'y mets souvent le nez.
- Je ne sais pas si je t'aurais survécu assez longtemps pour cela, ´Ge.
Angelo rouvrit les yeux qu'il avait fermé sous la délicieuse caresse des doigts de Shura sous les mèches recouvrant sa nuque.
- Comment ça ?
- Ces heures qui ont séparé ton combat du mien, où tu n'existais plus, m'ont permis de prendre consciente d'une chose importante : je ne peux pas vivre dans un monde où tu n'es plus, 'Ge. Si cela arrivait, si je ne peux mettre fin à mes jours, par devoir envers le Sanctuaire ou Athéna, le chagrin s'en chargera pour moi.
Angelo se mordit si violemment la lèvre qu'il la perçât et qu'une goutte de sang perla.
- Michia… murmura-t-il en détournant la tête.
Mais Shura reposa sa tasse pour pouvoir prendre son visage et le ramener à lui.
Il lécha doucement le sang sur sa lèvre, puis posa son front contre le sien.
- Peu importent Saga, Aphrodite et même Athéna, aucun ne saurait être plus fort que mon chagrin pour me maintenir en vie et m'empêcher de te rejoindre, tu dois l'accepter comme je l'ai fait.
Angelo s'écarta pour mieux le regarder dans les yeux.
- Hey, fais pas le con, Shurizo mio ! S'il nous arrive rien d'ici à ce qu'on atteigne notre date de péremption fixée par les Dieux, il te restera trois ans après ma mort. Tu dois les vivre, chaque jour pleinement, tu m'entends ?
- Et toi, tu m'as écouté, 'Ge ? Cela ne dépendra pas de moi. Le chagrin peut me tuer, je ne plaisante pas. Tu te souviens que je suis un Don Juan de pacotille ? Tu me le répètes assez souvent…. Je ne te dis pas une belle phrase romantique pour faire battre ton cœur plus fort et plus vite, c'est juste une analyse rationnelle issue d'une expérience vécue. Tu es mort, je t'ai perdu, je sais ce que cela fait, j'ai la certitude que je ne pourrais le supporter très longtemps.
- Mais tout était différent, alors ! protesta Angelo, entre désespoir, peur et amour profond. Quand ça arrivera, tu seras entouré et soutenu.
- Je perdrai aussi Aphrodite, rappela Shura en reprenant sa tasse de café.
- Mais tous les autres seront là, normalement, à part Kanon. Enfin, il traînera sûrement dans le coin, même en Spectre. Ils te laisseront pas tomber. Et puis, y aura Simon, aussi. Il sera officiellement Chevalier du Cancer, il aura besoin de toi pour tenir son rôle, surtout au début. T'es celui qui me connaît le mieux, ce sera encore plus le cas, dans 18 ans. Et ce sera sûrement difficile pour lui.
- Oui, il t'aime déjà tellement !
- Peut-être que ce sera beaucoup moins, quand il aura appris vraiment tout le passé de Deathmask. C'est peut-être déjà le cas.
- Il te pardonnera, comme nous. Cela ne l'empêchera pas de t'aimer, comme moi.
- Je mérite pas que vous m'aimiez autant, grimaça Angelo, le nez dans sa tasse. Surtout toi.
- Va falloir faire avec.
- Ok, mais toi, tu dois me promettre de te battre, Shurizo mio. Ne laisse pas le chagrin t'enterrer. Je ne pourrais pas partir avec cette idée que tu ne t'en remettras pas, aussi flatteuse soit-elle. Ce monde aura encore besoin de ta lumière.
- Tu es la mienne. Sans toi, je ne sais vraiment pas si je pourrais avoir la moindre étincelle en moi.
- Promets-moi d'essayer.
- Je ne…
- Shura ! le coupa Angelo en reposant brutalement sa tasse sur la table basse, le faisant presque sursauter.
Le regard farouche brûlant de détermination autant que l'emploi de son nom qu'il n'utilisait jamais secoua le Capricorne et fit mourir sa protestation entre ses lèvres.
- Je te le promets.
- Bravo ragazzio, le félicita-t-il en lui ébouriffant les cheveux avec un grand sourire.
Mais il reprit vite un air grave, et combla la faible distance entre eux pour presser ses lèvres sur son front, puis son nez, et enfin, contre leurs jumelles.
Le baiser qui suivit fut doux et lent, très tendre, alors qu'ils s enlaçaient avec la même tendresse.
- Ça se trouve, tu me supporteras plus dans 10 ans, murmura Angelo en s'écartant légèrement.
- Je t'ai supporté 17 ans alors que tu étais en partie Deathmask, tu penses vraiment que je vais me lasser de toi, alors que tu es enfin devenu celui que j'ai toujours pressenti et désiré ? Hmmm… Tu as peut-être raison, en fait…
- Hey !
- Réponse dans 10 ans ! le taquina encore Shura en se dégageant totalement.
- Je vais faire en sorte que tu ne puisses jamais te lasser de moi, ni aujourd'hui, ni dans 10 ou 18 ans ! répondit-il en le ramenant contre lui pour le plaquer contre son torse. Je m'y emploie déjà depuis plusieurs mois, mais je vais apparemment devoir redoubler d'efforts.
Shura frotta son nez au sien.
- Je le sais bien, assura-t-il avant de lui voler un chaste baiser.
Il s'écarta ensuite mais sans trop s'éloigner, et ils terminèrent leurs cafés dans un silence confortable, car le disque qui tournait avait joué toutes ses pistes.
- On va se coucher ? proposa Shura en ramassant les tasses pour les emporter à la cuisine.
- Je vais rester encore un peu, si ça ne te dérange pas. Je te rejoins après.
- D'accord, accepta le Capricorne en embrassant le sommet de son crâne.
Il était rare qu'Angelo demanda à rester seul, aussi n'insista-t-il pas.
Ils étaient encore tous les deux dans cette phase de leur relation où ils avaient du mal à ne pas être ensemble, surtout la nuit, où ils voulaient s'endormir et se réveiller chaque nuit et chaque matin aux côtés de l'autre.
Ils avaient passé tant d'années à le rêver sans jamais le vivre, ou à moitié, lorsqu'ils trouvaient un prétexte pour dormir ensemble en amis.
Cela ne voulait pas dire qu'Angelo allait passer la nuit sur le canapé.
Au pire, il pouvait rentrer dans son Temple.
Non, il voulait simplement un peu de temps pour lui, que Shura, bien évidemment, lui accorda.
Il lui accordait toujours, même si une part de lui hésitait.
Il savait que cette demande d'Angelo était motivée par une perturbation, voire, une souffrance, même minime. ´
Angelo était encore hanté par les crimes de Deathmask.
Plus il devenait quelqu'un de bien, et plus la culpabilité le gagnait.
Il ne se laissait pas dévorer par elle, fort heureusement, et tout le monde y veillait, Shura en tête du cortège.
Il n'était donc pas étonnant qu'à l'issue de cette journée, il se trouvait quelque peu submergé par les fantômes du passé.
Et comme Angelo tenait aussi parfois à mener ce combat contre eux seul, il en avait besoin, Shura prenait sur lui, même si tout son être ne souhaitait qu'une chose, rester auprès de lui et le soutenir, encore et toujours.
- La lettre, tu peux la jeter au passage, lui dit Angelo en la lui tendant.
Et en le sortant de ses pensées.
- Hors de question.
Shura la lui avait presque arrachée des mains, le surprenant.
- Mais… pourquoi ?
- Parce que.
Angelo eut un petit rire à cette réponse enfantine qui contrastait totalement avec l'air sérieux de Shura.
- J'adore quand tu fais le sale môme ! Arrête tes caprices et jette-moi ça !
- Je ne veux pas, elle est à moi, je la garde, point.
- Mais tout ce que je t'ai dit là-dedans, tu le sais déjà, je te l'ai redit même plusieurs fois, je vois pas l'intérêt !
Shura grommela quelque chose, amenant Angelo à se redresser et se tendre vers lui.
- Qu'est-ce que tu baragouines, maintenant ?
Le Capricorne regarda l'enveloppe qu'il avait dans sa main, l'autre tenant les anses des deux tasses vides.
- C'est dans cette lettre que tu me l'as dit pour la première fois.
- Que je t'ai dit quoi ?
- Laisse tomber, c'est ma lettre, j'en fais ce que je veux, décréta le Dixième gardien, mettant fin au débat, tout en gagnant la cuisine ouverte sur le salon.
Angelo réfléchit un moment, puis un grand sourire illumina son visage, alors que la réponse lui apparaissait enfin clairement.
C'était la première fois qu'il avait dit à Shura qu'il l'aimait.
Ce ne pouvait être que cela !
- T'es vraiment un Don Juan de pacotille, se moqua-t-il avec tendresse. Le romantique qui s'assume pas, j'adore autant que le môme capricieux, tu sais ! Heureusement que tu t'es sauvé, je t'aurais renversé sur le canapé, sinon !
- On a fait assez de galipettes pour aujourd'hui, tu ne crois pas ? A moins que la petite soirée aux notes d'Italie ait réveillé le gêne sicilien macho, et que tu aies besoin de réaffirmer ta virilité et ta place de mâle dominant ?
- Le quoi ? s'esclaffa le Cancer en se levant du canapé pour gagner lentement la cuisine.
- Le gêne italien macho qui fait dire à la nation entière que l'homosexualité n'existe pas dans le pays, puisqu'il n'y a que des vrais hommes, des mâles alphas, et qu'un homme, ça aime une femme, et c'est tout. (5)
- Oui bon, on ne peut pas être parfait partout, non plus ! se défendit l'Italien en question en s'appuyant contre le bar. Mais tu sais bien que c'est pas ce que je pense et que je m'en fous, de qui fait quoi, puisque c'est toi. C'est souvent les gens autour qui se posent des questions, surtout les hétéros. Toi et moi, on suit juste nos envies du moment, c'est tout. En plus, on le fait suffisamment de fois pour varier régulièrement, comme ça, aucun des deux ne se sent jamais frustré… n'est-ce pas ?
- Bien sûr, tu as tout à fait raison, je te taquinais juste parce que tu parlais de me renverser sur le canapé.
- J'y peux rien, tu me fais autant craquer quand t'es en mode sexy prédateur qu'en amoureux coincé !
- Amoureux coincé, vraiment ?
Angelo combla la distance qui les séparait encore.
Comme Shura était en train d'essuyer les tasses qu'il venait de laver, il l'enlaça par derrière et le colla dos contre son torse, ses lèvres dans son cou.
- Pas coincé dans ce sens-là ! Tu sais très bien ce que je veux dire…
- Oui, oui, j'ai compris, assura Shura en se dégageant.
Il déposa un baiser sur sa joue et alla ranger les tasses dans le meuble, avant de revenir vers lui.
Ce sont ses lèvres qu'il embrassa, alors, tendrement.
- Je vais me coucher, annonça -t-il en allant récupérer une bouteille d'eau dans le frigo pour la nuit. Bonne nuit, Àngel.
- Je te rejoindrai avant que tu t'endormes, mio amore, on se dira bonne nuit à ce moment-là. Hors de question que tu fermes tes jolis yeux sur autre chose que ma sale gueule, alors qu'on dort ensemble dans le même pieu.
- D'accord, Monsieur le faux modeste, sourit Shura.
- Comment ça, le faux modeste ? demanda le Cancer en lui prenant la bouteille d'eau pour boire une longue gorgée.
Le Capricorne passa tendrement sa main droite entre les mèches d'argent indisciplinées.
Et récupéra sa bouteille d'eau de la gauche.
- Tu sais très bien que ta belle gueule d'ange déchu et d'écorché vif, autant que le mystère de ta tignasse couleur de lune, ou son histoire, si elle est connue, en font craquer plus d'un et plus d'une…
Angelo laissa échapper un petit ricanement entre amusement et gêne.
- Non, j'sais pas, je les vois pas, y a que ton regard qui compte, Shurizo mio, assura-t-il, cette fois avec un sourire séducteur.
- Et voici donc le retour du Casanova baratineur !
- Je l'ai peut-être dit sur ce ton-là, mais le fond est véridique ! se défendit Angelo, alors que Shura s'écartait à reculons de lui.
- Je n'en doute pas, le rassura-t-il, redevenant sérieux. Je vais au lit, indiqua-t-il ensuite en quittant la cuisine, Angelo sur les talons. Prends le temps dont tu as besoin, je vais lire un peu. Et au pire, je te promets de ne pas faire plus que somnoler, tant que je ne te sentirais pas contre moi.
Le Cancer hocha la tête avec un regard entendu et satisfait.
Et sur un dernier sourire et signe de main, Shura s'éloigna dans le couloir menant à leur chambre.
- Hey, Shurizo ! le rappela soudain Angelo.
La Dixième gardien s'immobilisa et se tourna à demi vers lui, l'interrogeant sur regard.
- Tu crois que je devrais me les teindre ? demanda Angelo en attrapant une poignée entière de mèches argentées.
La question était si saugrenue qu'elle fit rire Shura.
- Bien sûr, le bleu marine t'irait très bien ! répondit-il en disparaissant dans le couloir, son rire doux résonnant encore, alors qu'il n'était plus visible.
Angelo eut un petit sourire en secouant vigoureusement sa tignasse hirsute.
Quelle drôle d'idée n'avait-il pas eu, la réaction de Shura était logique.
Puis, retrouvant son sérieux, il sortit du Dixième Temple et grimpa sur le toit où il s'allongea, juste au-dessus du Capricorne sui surplombait l'entrée. .
Les yeux rivés au ciel paré de millions d'étoiles et une nouvelle cigarette entre les lèvres, il s'abandonna à la nuit.
Dans la profonde quiétude du Domaine sacré baigné par le cosmos d'Athéna, chaud et réconfortant, il put entreprendre de se débarrasser de ses démons intérieurs, pour pouvoir ensuite rejoindre Shura sans l'inquiéter ni perturber son repos.
Et terminer de s'apaiser dans ses bras car en vérité, lui seul était capable de cet exploit.
Depuis toujours et à jamais, dans cette vie et toutes les autres.
.
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A suivre
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Notes :
1. Retsina : vin blanc ou rosé léger dans lequel on ajoute de la résine de pin au cours de la fermentation. La résine stabilise le vin, lui permettant de mieux résister à la chaleur. Elle lui donne un goût particulier, âpre et franc, qui, au premier contact, désoriente le consommateur non averti. Le retsina doit être bu très frais. On pense que cette recette vient des temps antiques, lorsque l'étanchéité des amphores à vin était assurée par un badigeonnage interne de résine. Le goût donné au vin aurait été ensuite reproduit par habitude gustative. On notera qu'à l'époque antique, le vin était pratiquement toujours additionné d'épices et herbes diverses destinées à l'aromatiser.
2. L'Eclipse Calibur (et sa variante Eclipse Calibur danse violente) n'est pas évoquée dans la première partie de l'œuvre mais dans Episode G- Assassin (chapitre 61). Je n'ai pas tout lu de cette série que je n'aime pas, mais cela m'arrangeait bien d'avoir cette technique de Shura ici.
3. Senza una donna : chanson sortie en 1987, dans le 4e album du chanteur, Blue's. Rééditée en anglais en 1990 sous le titre Without a woman avec le chanteur Paul Young.
4. C'est leur petit rituel du coucher évoqué au chapitre 18, la dégustation de ce café frappé qu'ils ne consomment que durant ce moment partagé du soir, à base d'espresso, de jus de citron frais et, variante personnelle très locale, de raki.
5. Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, mais c'était le cas dans les années 80 et encore longtemps après, cette "façon" de penser était courante, habituelle. Il était impossible qu'il y ait des homosexuels dans leur pays, car les Italiens étaient de vrais hommes et un homme, un vrai, ça aime les femmes, ça ne joue pas le rôle d'une femme. Je rappelle que l'Italie est le dernier pays européen à avoir adopté l'union civile homosexuelle en 2016, c'est assez récent. Et le gouvernement Meloni est en train de retirer peu à peu tous les droits durement acquis. Quant au projet de loi sur les discriminations, il est toujours bloqué au Sénat. C'est terrifiant... Ce n'est pas le seul pays, ni le pire, j'en suis consciente, et on a des progrès à faire en France aussi, bien évidemment.
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Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il ne vous a pas paru trop long et que vous avez aimé le lire.
Il a été difficile à écrire pour moi, émotionnellement parlant. J'espère avoir réussi à vous transmettre le plus de choses possibles et positives.
Le prochain chapitre qui réunira tout le monde ou presque autour de Dokho et Shion, est un gros morceau, il ne sera peut-être pas totalement prêt dimanche prochain (26 nov), même si partiellement écrit et "balisé".
Je ferai au mieux, comme toujours.
D'ici là, merci à vous et bonne continuation.
Prenez soin de vous et de vos proches
Lysanea
