Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur
: Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Simon
Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros, Dokho x Shion, Angelo x Shura, Mu x Aphrodite, mention ou présence de tout le monde.

Rating : T

Note : Merci à mes fidèles lectrices er commentatrices, Mini-Chan, Fealina 07 et Adaline's blue pour les reviews et Mps.

Fealina 07 : Coucou ! ma pauvre, j'espère que depuis quinze jours, tu as pu te remettre de ta grippe et que tu vas mieux. Si ce n'est pas le cas, je te souhaite un bon rétablissement et plein de courage ! Et vive le thé (miel – citron c'est encore mieux pour se soigner) ! Pour le chapitre précédent, merci pour ta lecture et ta review ! Non, pas de rejet de la part de Simon. Dans ma vision des choses, Angelo est l'adulte qui s'est le plus occupé de lui, a passé le plus de temps avec lui, lui a accordé le plus d'attention, dans sa vie, depuis toujours. A l'orphelinat, il n'était qu'un enfant parmi d'autres, au Sanctuaire, pour les autres, un apprenti parmi les autres. Mais il est l'élève d'Angelo et cela fait toute la différence. Donc il s'est énormément attaché à lui, figure du maître et aussi, sûrement, ce qui se rapproche le plus d'une figure paternelle.

Mini-Chan : Haai ! Si on ne m'a pas menti, cela veut dire bonjour en afrikans ! Je voulais te faire un petit clin d'œil pour te remercier de ta fidélité et de l'enthousiasme de tes commentaires, qui me font toujours sourire ou même rire. Comment ça va en Afrique du Sud ? J'ai perdu le compte, mais tu y es encore pour quelques semaines, non ? Tu avais dit que tu n'étais pas sûre de passer les fêtes là-bas, il me semble… Sinon, merci encore pour ta review ! Soulagée que tu n'aies pas été déçue de ne pas avoir la conversation que tu imaginais entre Simon et Angelo. J'ai pris une autre direction ! Contente que tu restes avec moi pour la suite malgré cela ! C'est un chapitre qui a été très difficile à écrire, émotionnellement parlant, comme je l'ai déjà dit. Mais à mon sens, il était nécessaire. Angelo a un côté humain, sensible et prévenant qu'on ne découvre que dans Soul of Gold, mais ce n'est pas une suite canon, elle a été faite pour vendre des figurines, et même si l'histoire est intéressante et les interactions entre les personnages très précieuses, l'animation est pourrie au possible, ce qui a rebuté plus d'un. C'est dommage. Ca reste un bel aperçu de ce qu'auraient pu être les Ors revenus à la vie,, même si en accéléré. Et c'est un peu de voir Saga et Aioros se regarder, dans Soul of Gold, qui m'a donné envie d'écrire sur eux… Prends bien soin de toi, j'espère que la suite te plaira.

Il y a longtemps que je ne l'ai pas fait, mais je tiens à le faire ici car je sais que tu passeras, un jour, ma chère et si précieuse Yuy, et même si tu n'es pas encore là, tu es là… MERCI, et tu sais tout ce que ce mot contient, de moi à toi, de toi à moi 😊

Bonne lecture à tous !

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Le Fil rouge du Destin

Chapitre Trente-sept : Le couple heureux qui se reconnaît dans l'amour défie l'univers et le temps. Il se suffit à lui-même, il réalise l'absolu.
(Simone de Beauvoir)

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Domaine sacré d'Athéna
Le Colisée
Anniversaire de Dokho et fête de départ
Vendredi 20 octobre 1989

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Dès le lever du soleil de ce vendredi 20 octobre, la journée c'était annoncée belle et prometteuse.

Une excitation avait été perceptible très tôt sur le Domaine sacré, alors que dès les premières heures, de nombreuses personnes avaient commencé à s'affairer de-ci, de-là, pour ce jour exceptionnel.

Car il était rare qu'un homme fêtât sa 263e année d'existence…

C'était en effet l'anniversaire de Dokho de la Balance, appelé affectueusement et respectueusement Vieux Maître par beaucoup de Chevaliers, encore aujourd'hui, malgré ses demandes répétées de se limiter à son prénom.

Il était vrai que Dokho représentait le Maître zen et sage par excellence, selon la tradition asiatique, notamment japonaise. Il était le rōshi et non le sensei, bien qu'il fût les deux pour Shiriyu. (1)

Il avait au moins réussi à éviter les Votre Éminence, Votre Excellence, Votre Seigneurie, qui allaient très bien à Shion, mais qu'il jugeait trop pompeux pour lui, voire, inappropriés, car il n'était pas Grand pope. Il supportait cependant les Seigneur Dokho, et Mon Seigneur, qu'on lui servait au Treizième ou durant les cérémonies officielles et autres audiences et réceptions.

La grande excitation qui avait parcouru le Domaine dès l'aube venait donc de cette grande fête d'anniversaire qui allait se tenir en son honneur, ce qui réjouissait tout le monde. Mais elle était aussi empreinte de tristesse, contre laquelle chacun combattait, car cette journée était également celle d'un au revoir, celle de son départ, car Shion et lui s'en allaient enfin vivre la plus belle aventure de leur vie.

Alors oui, tout le Domaine était heureux pour eux.
Mais ils allaient laisser un vide immense.

Et pour certains, terrifiant.

Même si une grande confiance avait été placée en Saga et Aioros, et absolument personne ne doutait d'eux.

Sauf eux-mêmes, en vérité.
Mais la confiance de l'un en son compagnon portait l'autre.

Sans pour autant contester le jugement de son Grand pope ni de sa Déesse, Saga ne se sentait toujours pas légitime à la succession de Shion, mais l'amour et la foi qu'avait Aioros en lui lui donnaient l'assurance qui lui faisait défaut. Plus que celles d'Athéna et de ses pairs, il savait que ce serait là la source quotidienne dans laquelle il allait puiser les ressources pour mener cette mission à bien.

De son côté, Aioros avait encore parfois le sentiment de manquer de sagesse, d'expérience, de la maturité nécessaire à cette lourde charge.

Seul, il se serait senti écrasé.
Avec Saga à ses côtés, il se sentait porté.

Et ils étaient tous deux soutenus et supportés par l'ensemble des personnes désormais sous leur autorité et leur responsabilité.

Car une semaine précédant l'anniversaire de Dokho, avait eu lieu la cérémonie de Passation de pouvoir, qui avait officiellement intronisé Saga et Aioros nouveaux Grands popes du Domaine Sacré, gardiens de l'autorité et porte-parole d'Athéna, guides spirituels de chaque Chevalier et garants de la Paix et de la Justice sur Terre.

C'était d'ailleurs ce dont parlaient présentement les anciens et les nouveaux Popes, alors que les premiers avaient rejoint les seconds qui s'étaient quelque peu éloignés de la fête pour s'installer sur les gradins du Colisée.

Au centre de celui-ci, une immense tente de réception avait été disposée, aux toiles transparentes qui se fondaient dans le paysage et s'harmonisaient avec lui, permettant de profiter du décor extérieur, naturel et magnifique, tout en protégeant les personnes et les installations du vent, de la poussière ou en cas d'averses éclair. (2).

Après un passage au buffet gargantuesque que chacun avait alimenté d'un plat, d'une boisson, d'un fromage ou d'un simple aliment de son pays ou de sa préférence, ou encore, en hommage aux Chevaliers du passé, Saga et Aioros avaient pris leurs verres et leurs assiettes garnies et s'étaient assis sur les gradins pour observer tout ce petit monde dont ils avaient désormais la charge.

Réussissant à s'éclipser, Shion et Dokho les avaient rejoints avec leurs propres verres pour échanger encore un peu avec eux, tranquillement, loin du brouhaha inhérent à toute fête ou repas avec tant de personnes.

Des discussions étaient menées et la musique était audible, mais cela restait au ne même plus agréable de converser sans bruit de fond immédiat. De là où ils se trouvaient, ce n'était plus qu'une rumeur, un murmure lointain ponctué de quelques notes de harpe ou d'un rire plus puissant.

- Demain est le grand jour, nous retirerons les roues arrière de vos vélos et vous laisserons pédaler seuls !

- Quelle image appropriée, Vieux Maître ! s'amusa Aioros. Avez-vous d'autres choses à nous dire ? Vous nous avez déjà tant éclairé, pourtant...

- Oui, jamais un Pope, avant nous, n'avait eu un chemin aussi balisé devant lui, ajouta Saga. Nous vous en sommes plus que reconnaissants et le serons, à jamais.

- Les Popes avant nous n'ont jamais vraiment eu l'occasion de le faire, mais cela fait partie de notre devoir, rappela Shion. Il en sera de même pour vous. Repérer votre ou vos éventuels successeurs et les préparer à cette tâche sacrée vous incombe. Qu'Athéna décidé pu nous de se réincarner dans le futur, son Domaine doit rester prêt et ne pas sombrer dans l'abandon.

- Oui, Votre Emi… Oui, Maître Shion, corrigea Saga face au froncement de sourcils de celui qui, effectivement, avait été son Maître, autrefois.

Avait-il même seulement cessé de l'être, un jour ?

Non, car Saga s'était toujours battu, même possédé, avec son enseignement et son exemple comme armes, force et courage, malgré son immense et douloureuse culpabilité d'avoir ôté la vie d'un tel être d'exception qu'il aimait et respectait profondément.

- Nous venions simplement partager encore un peu de temps avec vous, car il me semble que nous vous avons déjà tout dit, à la Cérémonie de Passation de pouvoir, répondit Dokho à la question initiale d'Aioros.

- Nous nous souvenons très bien de tous vos bons conseils, Vieux Maître, assura Saga. Ils resteront gravés en nous, à jamais.

Aioros hocha la tête en signe d'assentiment.

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Flashback

Une semaine plus tôt
Sanctuaire, Palais du Grand pope
Samedi 14 octobre 1989

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Aioros et Saga, main dans la main, se tenaient à l'entrée du Treizième temple, sous la colonnade extérieure qui l'entourait de toute part.
Les yeux levés sur la frise qui courait au sommet des murs du sekos, qui n'était visible que de ce point de vue, les deux hommes s'imprégnaient des lettres qui y étaient gravées, formant la devise des Grands popes :

"Si j'avance, suivez-moi.

Si je meurs, pleurez-moi.

Si je recule, tuez-moi." (3)

Shion et Dokho s'avancèrent alors vers eux depuis l'intérieur du Palais.

Ils avaient comme eux revêtus un chiton long, réservé aux hommes de haut rang, qui descendaient jusqu'aux pieds. Au cours de la cérémonie, Aioros et Saga se verraient remettre le lourd manteau de Pope, le bleu nuit pour le Gémeau et le vert profond pour le Sagittaire, ainsi que leurs casques, leurs bijoux et autres attributs

Ils avaient été confectionnés en partie à partir de celui que Shion avait hérité de son Maître et prédécesseur.
Par souci d'équité entre les deux nouveaux représentants d'Athéna, aucun des attributs originels des Popes n'avait été légué tel quel à l'un des deux successeurs.

Les manteaux avaient été retissés, le casque et les bijoux fondus pour en produire de neufs.

Ce fut donc très simplement mais non moins toujours élégamment vêtu que Shion avait passé ses deux derniers jours en tant que Pope.
Et cela avait bien prouvé qu'il n'avait besoin d'aucun ornement pour imposer le respect, son autorité naturelle et son charisme faisaient l'affaire.

Et il en était de même pour Saga, en vérité.

Il avait une aura de leader qu'on avait envie de suivre sans discuter.
Aioros suscitait aussi l'adhésion, mais pas sous la même forme, c'était plutôt son côté solaire qui séduisait.

Aioros envoûtait, Saga hypnotisait.

- Les préparatifs se terminent, la procession va bientôt pouvoir se former et descendre, mais nous voulions la devancer et venir voir comment vous alliez, leur expliqua Shion pour clarifier leur présence.

En effet, les deux Chevaliers étaient un peu surpris de les voir arriver seuls.
Ils étaient censés attendre là le cortège qui devait les escorter jusqu'au Colisée où étaient réunis tous les occupants et les employés du Domaine sacré.

Or, leurs prédécesseurs étaient sortis seuls.

- Pas trop stressés ? demanda Dokho à son tour.

Les deux futurs Popes échangèrent un regard entendu.

- C'est un mélange de stress et de sérénité qui nous étreint le cœur, répondit Saga.

- A parts égales, précisa Aioros.

- Ce qui est normal. Nous voulions vous donner quelques dernières recommandations plus personnelles, avant de rejoindre le Colisée où tous nous attendent.

- Nous vous en remercions et nous vous écoutons, assura humblement l'aîné des Gémeaux en s'inclinant, en même temps qu'Aioros.

- Redressez-vous, voyons, nous sommes égaux, désormais.

- Jamais, Votre Éminence, affirma résolument Saga. Même en mille ans, ce ne sera jamais le cas.

Shion posa sa main sur l'épaule de son héritier, qui se redressa.
Il n'était pas certain que ce fût sa volonté ou celle de Shion qui l'eut conduit à le faire.

- Nous vous écoutons, répéta alors Aioros, s'étant lui aussi redressé.

- N'oubliez pas de ne jamais travailler plus de douze heures et de ne sauter aucune pause déjeuner, que vous mangiez ou non, même s'il est important de se nourrir. Chacun son régime, et le jeune est préconisé. Mais vous devez marquer une coupure dans vos journées, peu importe à quoi vous l''occupez, c'est essentiel.

- Pour la santé de votre couple, poursuivit Dokho, ne restez jamais plus de cinq jours sans faire l'amour, et pas plus de trois sans un câlin, même très sage. Étreignez -vous, touches-vous. Le travail intense et votre connexion permanente ne doivent pas mettre de distance entre vous, physiquement.

- Faire œuvre de chair n'est pas obligatoire, évidemment, mais trouvez des moyens de partager votre intimité, d'une façon ou d'une autre, nuança l'ancien Bélier. Vous êtes la source principale d'énergie de l'autre, ces moments sont nécessaires à votre maintien.

- Vous avez le droit de déléguer certaines tâches, vous avez des compagnons très compétents dans de nombreux domaines différents, et dévoués. Ce n'est ni une faiblesse, ni un aveu d'échec de faire appel à eux.

- Bien au contraire, assura Shion. Faites simplement preuve de discernement dans la répartition des tâches, soyez conscients de ce que vous demandez à chacun. Restez à leur écoute. Et ne laissez jamais votre orgueil ou votre fierté diminuer la qualité des tâches effectuées. Nous sommes tous au service d'Athéna.

- Oui ! acquiescèrent-ils en chœur.

- Il y aura des tensions entre vous, des désaccords, et même, des disputes, leur rappela Dokho. C'est normal et parfois salutaire, quand la tension s'accumule, il faut que cela sorte. Mais ne vous endormez jamais chacun de votre côté, ni sans vous expliquer ou vous excuser, quoi que cela vous coûte, ainsi qu'à votre égo.

- Mais si l'un de vous a besoin d'un moment seul loin de tout, accordez-le-lui, et accordez-le-vous sans culpabiliser. C'est parfois nécessaire. L'important, c'est de parler, de communiquer, entre vous. Même si c'est pour dire que vous ne souhaitez pas discuter de ce qui ne va pas pour le moment. Verbaliser vos émotions. Oui, vous êtes liés au point de sentir les émotions de l'autre. Mais nous restons humains et sensibles, parfois idiots, et les mauvaises interprétations et les malentendus ne vous seront pas épargnés.

Dokho hocha la tête, avant de reprendre.

- Beaucoup pense que les thermes privés sont un luxe. Non, c'est une nécessité, là encore. Utilisez-les au moins deux fois par semaine, accordez-vous ce temps, seul ou ensemble. Le corps a besoin de se délasser pour que l'esprit puisse fonctionner convenablement. L'énergie ne circule pas si des nœuds se sont formés sur les canaux principaux.

- Et entretenez votre corps, également. Au début, ce sera difficile de vous dégager du temps, mais continuez de vous entraîner. Non uniquement dans votre chambre…

- Shion ! le taquina Dokho.

Saga et Aioros avaient aussi réagi à ce propos, bien que discrètement.

Shion avait cette fascinante et troublante capacité de dire certaines choses qui pouvaient être perçues de manières différentes, sans que personne ne parvint à déterminer à quel sens il songeait.

Il était totalement impossible qu'il l'ignorât, il en jouait, même, plutôt.

Apparemment, pas cette fois-ci.
Quoique, qui pouvait vraiment l'affirmer ?

- Je ne parle pas de ce genre d'exercices, bien évidemment, soupira-t-il. Il nous arrive à tous de faire quelques tractions ou quelques pompes dans notre chambre, en nous levant, le matin, par exemple. Nous avons tous une barre de traction au-dessus d'au moins une de nos portes pour cette raison. Mais ce ne sera pas suffisant. Il faut aussi que vous vous entraîniez avec vos camarades, entre vous, avec les apprentis, ceci, pour maintenir le lien.

- Ce sont des conseils qui vous serviront de base, mais ils ne font pas tout, prévint Dokho.

- Vous construirez votre propre histoire. Ne cherchez pas à nous imiter, mais à faire mieux que nous. Sans pression, faites seulement de votre mieux et vous arriverez à ce résultat.

- Bien, Votre… Maître Shion, Vieux Maitre. Merci à vous. Et ce mot est faible, tant et si bien que j'ai presque honte d'en user.

- Ne dis pas de bêtises, mon enfant, le sermonna Shion avec une affection qu'il s'autorisait enfin à témoigner sans retenue.

- Merci pour tout, leur dit également Aioros. Vous allez terriblement nous manquer. Le Domaine sans vous ne sera plus le même.

- Non, évidemment, répondit Shion. Mais avec vous et grâce à vous, notre absence ne pèsera ni trop lourd, ni trop longuement.

- Nous mettrons tout notre cœur et toute notre âme pour parvenir à ce résultat.

- Nous le savons. Au terme de cette cérémonie, vous serez officiellement les Grand popes du Domaine sacré d'Athéna. Vous devriez emménager au Treizième, et nous étions prêts à nous installer chez Dokho, au Septième, en attendant notre départ, dans une semaine. Vous ne le souhaitez toujours pas ?

- Non, Maître Shion. Nous prendrons nos quartiers lorsque vous serez partis, pas avant. C'est notre souhait à tous les deux, confirma Saga en serrant la main d'Aioros qu'il n'avait jamais lâché.

- La Déesse Athéna a accepté, nous n'avons pas notre mot à dire. Les appartements du Pope vous appartiendront donc, a ce moment-là. Saga, tu pourras changer tout ce que tu souhaiteras. N'hésite pas. C'est valable pour vous deux, mais ce sera peut-être plus que nécessaire pour toi, Saga. Même si j'ai déjà changé beaucoup de choses. Enfin, disons plutôt que je les ai remis à leur place.

- Tu en as aussi brûlé une partie, rappela Dokho.

- C'était pour être sûr. Il a souillé le Domaine sacré d'Athéna et Sa Chevalerie, je te rappelle.

Shion ne manifestait quasiment jamais de colère, mais celle qu'il avait eu bien du mal à dompter en apprenant tout le mal causé par le Lémure resurgissait parfois dans une réplique acerbe.

- Tu as bien fait, mon aimé, ce n'était pas un reproche, le rassura immédiatement Dokho en passant un bras autour de sa taille. Il ne reste rien de cette époque honnie, poursuivit-il en regardant leurs successeurs, et c'est Angelo qui s'est occupé de l'aménagement intérieur, avec beaucoup de goût, mais avec nos indications. Nous allons laisser beaucoup d'éléments derrière nous. Sentez-vous donc libres de récupérer, garder ou jeter. En somme, de faire vos propres choix.

Les mots du Grand Pope et du Vieux Maitre n'étaient jamais choisis au hasard, leur portée allaient souvent au-delà du sens premier.

- Un grand merci à vous.

- Merci infiniment.

- Notre Déesse arrive, annonça Shion, alors que le cosmos d'Athéna se faisait de plus en plus présent, depuis l'intérieur du Treizième. Il est temps de rejoindre le Colisée, vos camarades vont se joindre à nous, Maison après Maison et vous escorter jusque-là.

- Lorsque la Cérémonie sera terminée, vous devrez profiter de la réception et vous amuser, d'accord ? leur dit Dokho.

- C'est promis, répondit le Gémeau. Merci à tous les deux, nous ne vous le dirons jamais assez. Nous ferons tout pour être à la hauteur de vos exigences et du modèle que vous nous avez transmis.

- Nous ferons honneur à votre héritage, nous le préserverons et l'enrichirons davantage, promit Aioros à son tour, la gorge nouée d'émotion.

- Nous n'avons pas de doute à ce sujet. Nous partirons sereins.

Les deux couples aux Destins plus grands qu'eux-mêmes s'étaient étreints tour à tour, et ce fut sur cette belle et touchante vision que la Déesse Athéna était sortie du Palais au bras de Seiya, et tous deux encadrés par les quatre autres Bronzes, Shun et Ikki à gauche, Shiriyu et Hyoga à droite, portant dans leurs bras les divers éléments qui allaient bientôt être remis à Saga et Aioros pour les introniser Grand popes.

Fin du flashback

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Dokho avait assuré qu'ils partiraient sereins, quant au devenir du Sanctuaire et du Domaine, et c'était le cas.

Mais Shion n'était pas totalement en paix pour autant.
Cela allait être plus compliqué pour lui, ils l'avaient tous anticipé.

Et là encore, en ce jour qui marquait leurs adieux, l'ancien Bélier ne respirait pas la quiétude totale.

Ce n'était certes pas facile pour lui de quitter ce lieu qu'il avait toujours connu et aimé, auquel il avait rattaché son sort durant deux siècles et demi.

Il avait tout vécu, ici.
Mais le meilleur l'attendait désormais, ailleurs.

Et seule cette promesse du merveilleux qu'il avait à vivre avec Dokho lui avait permis de s'investir dans ce départ dont il rêvait, pourtant, paradoxalement.

Mais à la veille de celui-ci, ce n'était pas si aisé.

Même s'il ne remettait nullement en doute sa décision et qu'elle était aussi ferme que définitive, il savait, et Dokho aussi, que cela allait s'avérer difficile pour lui, par la suite, d'être entre la joie et l'appréciation de la liberté nouvelle qu'il n'avait jamais vraiment connue, et le manque de ses proches, de repères, aussi…

Autant Shion avait-il apprécié, de temps à autres, une dizaine de jours de vacances loin de tout, en lâchant difficilement prise, cependant, ainsi que quelques week-ends de villégiature, autant la retraite complète était un autre concept qu'il allait aussi devoir apprendre à gérer au quotidien.

Oui, il était fatigué et se sentait en léger décalage avec cette époque, mais tout quitter presque du jour au lendemain, même s'il s'y préparait depuis de longs mois…
Ce n'était pas anodin, pour lui.

Cependant, il était prêt à tout surmonter pour avoir enfin cette vie tant rêvée, avec le grand amour de sa vie depuis plus de deux siècles.

La plus grande déchirure pour l'ancien Bélier allait sûrement être sa séparation avec Mu, et avec Kiki, également.
Car d'une certaine manière, ils étaient sa famille, d'une façon différente de celle que constituait la Chevalerie d'Athéna.

Un même sang ancien coulait dans leurs veines, un même héritage qui risquait d'ailleurs de s'éteindre avec eux. Tout reposait sur les épaules de Kiki.

Et s'il avait élevé et entraîné plusieurs enfants au Sanctuaire, comme Saga et Aioros pour cette ère, nés tous deux au Sanctuaire, les futurs Gémeaux « déposés » mystérieusement directement dans leurs Temples et le prochain Sagittaire né lui aussi dans son Temple, sa mère, employée du Domaine, y accouchant alors qu'elle le traversait, il avait été lié comme jamais à ce petit Bélier né et égaré dans les montagnes de Jamir qu'Ariès l'avait enjoint de trouver.

Shion aperçut d'ailleurs ce bébé devenu ce si grand et fier Chevalier du Bélier qui sortait de la tente pour peut-être prendre l'air, lui aussi.
Il s'excusa donc auprès de Dokho, Saga et Aioros et s'en alla le rejoindre.

En le voyant venir à sa rencontre, Mu eut un grand et doux sourire.

- Maître Shion, l'accueillit-il en inclinant respectueusement le buste.

- Je peux me joindre à toi ?

- Avec grand plaisir. Je voulais un peu de calme, ils sont tous si bruyants et agités, aujourd'hui. Je pense qu'ils essaient de ne pas trop penser au vide que votre absence va laisser.

- C'est ce que Dokho et moi avons conclu. Cela a été ainsi toute la journée. Une joie excessive pour cacher la tristesse intrinsèque.

- Nous sommes tous heureux pour vous, Maître, assura Mu, alors qu'ils s'installaient sur des gradins. Sincèrement. Vous le mériterez tellement ! Mais il est vrai que vous allez terriblement nous manquer.

- Tu ne m'en veux toujours pas, alors que le départ est pour ce soir ?

- Bien sûr que non, Maître. Ce que je vous ai dit, lorsque nous en avons discuté pour la première fois, il y a quelques mois, je pourrais vous le redire à l'identique, aujourd'hui, car ma pensée n'a pas varié. Et mon cœur non plus.

- Il est vrai que nous avons longuement parlé, ce soir-là et j'ai été grandement soulagé et touché par tes paroles. Je le suis, présentement, de savoir que tu aurais les mêmes, si je te le demandais. Et je suis surtout si heureux de partir avec la confirmation de ce que j'avais pressenti, concernant Aphrodite et toi.

- A ce stade-là, Maître Shion, c'était plus une prédiction qu'un pressentiment, fit remarquer Mu avec une adorable petite moue.

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Flash back

Treizième temple, terrasse,
Juin 1989, au soir de l'annonce du retrait de Shion et Dokho.
(4)

- Je ne t'ai entraîné que deux années, au final. Si j'avais su ce qui m'attendait, je t'aurais fait venir au Sanctuaire plus tôt. Mais je pensais que tu étais mieux à Jamir, que tu aurais plus d'amour et de présence là-bas qu'ici. Tu as été le premier futur Or de ta génération que j'ai rappelé, car je savais que tu serais mon successeur, Ariès t'avait choisi dès ta naissance. Aiolia a grandi ici et il était pressenti pour être le futur Lion, mais il avait encore du chemin.

- Il est vrai qu'à mon arrivée, je me suis senti un peu seul. Je crois que je faisais un peu peur aux autres enfants. Mais Shaka m'a rejoint très peu de temps après, puis Aldébaran. Saga et Aioros étaient très gentils et attentionnés avec moi. Surtout Saga, car Aioros s'occupait d'Aiolia. Et puis, j'étais près de vous, cela seul comptait.

- Je n'ai pas été assez présent pour toi, Mu, mon enfant, j'aurais tellement aimé être plus disponible !

- Maître, durant les cinq premières années de ma vie à Jamir, vous vous êtes téléporté tous les soirs pour passer du temps avec moi au moment du coucher. Vous dîniez parfois avec moi, également. J'ai habité avec vous, ici, dans vos quartiers. Vous m'avez entraîné, vous m'avez appris l'essentiel, durant ces deux ans. J'ai été heureux, Maître Shion. Si cela n'avait pas été le cas, votre perte n'aurait pas été si douloureuse.

Shion laissa échapper un léger soupir.

- Tu étais si jeune et pourtant déjà si adulte dans le regard que tu portais sur le monde.

- Le cœur qui s'est brisé ce jour-là était pourtant celui d'j enfant.

Une lueur de tristesse traversa le regard sans âge du Grand pope.

- Je suis désolé, Mu.

- Vous n'avez pas à l'être, le rassura-t-il avec un tendre sourire. Vous m'avez donné toutes les armes pour m'en sortir seul. C'est juste que vous étiez tout pour moi. Je vous aimais tellement, Maitre Shion... Dans ce ciel immense où les étoiles d'Athéna reprenaient peu à peu leurs places, vous étiez la plus brillante de toute, l'Etoile polaire qui guide toutes les autres. Et nous, nous étions les circumpolaires qui tournaient autour de vous. Et puis, soudain, en ce jour tragique, le ciel s'est assombri. Vous perdre, perdre Saga que j'aimais tout aussi profondément et qui brillait dans le ciel comme dans mon cœur à vos côtés, fut une véritable tragédie. Recevoir Ariès des mains d'un homme dont tout mon être hurlait qu'il n'était pas vous en a constitué une autre.

- Je ne peux qu'imaginer ta douleur.

- Elle était immense, je ne vous l'ai jamais caché. Mais en acceptant l'héritage du Bélier, j'ai lu votre vie, votre passé, ceux de nos prédécesseurs. Je me suis alors senti de nouveau proche de vous. J'ai ressenti votre présence à mes côtés. Et j'ai su que je devais vivre, grandir, devenir plus fort, car le mal était en ce monde et mon rôle était un jour de l'affronter. Pour Athéna, qui allait revenir, j'en étais persuadé, mais avant tout, pour vous.

- Et tu l'as fait, brillamment, murmura Shion, très ému.

- Êtes-vous réellement fier de moi, Maître ? demanda Mu d'une toute petite voix presque enfantine.

- Comment peux-tu me poser une telle question ? N'est-ce pas la première chose que je t'ai dit, à notre retour ?

- Si, mais…

- Mais ?

- Vous vous sentiez coupable de m'avoir, selon vos termes, « abandonné ».

- Et alors, je t'aurais dit cela uniquement pour me faire pardonner ? Mu, je ne suis pas un menteur, ni un manipulateur.

- Toutes mes excuses, Maître Shion, ce n'est pas ce que je voulais insinuer.

- Je le sais bien. Je te taquinais seulement un peu. Mais je te le redis, mon enfant : je suis tellement, tellement fier de toi, qu'Athéna en soit témoin ! Tu es un grand Chevalier, un grand Homme, un grand Maître et excellent père pour Kiki. Tu ne marches pas simplement sur mes pas et ceux de nos prédécesseurs, tu embellis encore davantage la route empruntée par les Béliers depuis le premier d'entre nous. Et tu es le fils que n'importe quel père rêverait d'avoir.

Mu détourna ses yeux embués de larmes.

- Vous allez me manquer, Maitre.

- Toi aussi, assura-t-il en posant sa main sur le bras de son élève adoré. Tu l'as toujours su, n'est-ce pas, mon enfant ?

- Que vous alliez quitter le Domaine prochainement ? Oui, je l'ai compris très tôt.

- C'est-à-dire ?

- Le jour de notre résurrection, quand votre regard a croisé celui du Vieux Maître.

- C'est tôt, en effet. M'en as-tu voulu, à un quelconque moment ?

Le Bélier releva les yeux vers son Maître et sourit.

- Vous en vouloir d'être heureux et de vouloir l'être davantage encore ? Vous en vouloir d'aimer et d'être aimé profondément ? Vous en vouloir de saisir la chance d'avoir enfin une vie bien à vous, de pouvoir la partager avec votre âme sœur ? Vous en vouloir d'avoir eu suffisamment confiance en moi pour prendre cette décision sans craindre pour notre relation ? Maitre, dites-moi, quels griefs pourrais-je donc avoir contre vous ?

Shion sourit à son tour, touché en plein cœur.

- Merci, mon enfant. Tes mots me réchauffent le cœur et l'âme.

- Merci à vous, Maître Shion. Votre présence et votre absence ont fait de moi celui que je suis, aujourd'hui.

- Bien que j'aie été plus absent que présent.

- L'avez-vous vraiment été, Maître Shion, ? Absent, je veux dire. Car en vérité, j'ai aussi été élevé et protégé par votre moitié, lorsque j'étais aux Cinq Pics. Un homme qui vous aime profondément depuis toujours, le seul de qui je pouvais admettre qu'il vous aimait plus que moi. Il m'a aidé à devenir le Chevalier que vous espériez que je serai. Que vous aviez vu en moi. Il vous a maintenu vivant avec nous. Je sentais votre présence à chaque instant passé avec le Vieux Maître. Je me suis très tôt fait la réflexion qu'une partie de votre âme était à mes côtés à travers Ariès, et qu'une autre était auprès du Vieux Maître.

- C'est assurément le cas, concéda Shion avec un doux sourire. Et c'est toujours le cas. A travers Ariès ou notre lien d'âmes et de cœurs, tu sais que je serai toujours là pour toi, n'est-ce pas ?

- Oui, Maître, et la réciproque est vraie.

- Bien sûr. Notre canal demeurera ouvert, n'hésite jamais à me contacter. Tu fais partie de cette nouvelle vie et de cette seconde chance, je veux avoir de tes nouvelles régulièrement. Je ne t'ai pas vu grandir, je veux te voir…

- Vieillir ? osa-t-il le taquiner.

Il n'avait jamais eut l'impudence de l'interrompre, mais la tentation avait été trop forte.

- Disons plutôt, vivre pleinement ta vie d'adulte.

- C'est promis, Maître. Vous verrez tout cela, n'ayez crainte. Car je veux aussi être témoin de votre bonheur. Comme tout enfant avec son père, ajouta-t-il en se mordant la lèvre.

Shion ne put se contenir plus longtemps et prit Mu dans ses bras pour le serrer contre lui avec émotion.

- Je t'aime, mon fils.

Cette fois-ci, les larmes de Mu coulèrent sans retenue, en silence.

Ces mots n'avaient jamais été prononcés.
Ils vibraient certes dans tous leurs échanges, mais les entendre résonner leur donnait une nouvelle dimension, une intense profondeur.

- Moi aussi, je vous aime, père.

Shion s'écarta après quelques minutes, mettant fin à l'étreinte avec difficulté.
Ses mains, qu'il avait mis en coupe autour du visage de son hériter, s'y attardèrent encore un peu, puis il recula.

Il déposa un baiser appuyé sur le front de Mu, avant de le libérer complètement.

- Je te laisse entre de bonnes mains.

En effet, Aphrodite venait d'entrer sur la terrasse et se rapprochait lentement d'eux, n'osant les interrompre et guettant la possibilité de pouvoir les rejoindre.

- Maître, vous vous méprenez, nous ne sommes qu'amis...

- Je sais, répondit Shion d'une manière bien énigmatique.

Tout comme son sourire et son regard sans âge qui semblait pouvoir se balader indifféremment sur la ligne du Temps.

- Le Mont Etoilé est un endroit très mystérieux, tu sais. Que je contemple le ciel étoilé de mes yeux ouverts, ou endormi et projeté vers cet autre ciel et à travers la Voie Lactée, il n'est pas toujours évident de faire la distinction entre ce qui est, ce qui sera, ce qui pourrait être, voire, ce qui devrait être. Le Destin des Chevaliers y trace des danses perpétuelles dont il n'est pas toujours aisé de saisir le mouvement, le pas, le tempo.

- Vous avez vu quelque chose nous concernant, dans les étoiles ? Enfin, j'imagine que vous ne pouvez ou ne devez pas m'en parler, pardonnez-moi ma question…

- Il ne m'est pas interdit de te parler du zodiaque, il n'est jamais trop tard pour une leçon.

- Sur le zodiaque ? s'étonna Mu, intrigué par la réponse de son Maître.

Celui-ci hocha la tête, puis désigna un point dans le ciel où toutes les constellations qui le composaient étaient visibles pour les Ors sans aucun effort, un peu plus difficilement pour les autres Chevaliers, sauf exception.

Marine n'était pas Chevalier de l'Aigle pour rien…

- Le lien du Bélier et des Poissons est inscrit dans les étoiles depuis des millénaires, Mu, commença a expliquer Shion, alors que Mu regardait la partie de la voute céleste concernée. Le point « gamma », le nœud ascendant solaire, celui qu'occupe le Soleil lors de l'équinoxe de printemps, se trouve actuellement à 8° au sud d'Omega Piscium. Cependant, à cause du phénomène de précession des équinoxes, ce point se trouvait dans le Bélier pendant les deux derniers millénaires avant notre ère, c'est-à-dire, au moment où le premier zodiaque a été établi. En conséquence, le Poissons est toujours considéré comme le dernier et douzième signe signe du Zodiaque, mais si on se réfère au fait que l'année commençait alors vers l'équinoxe de printemps, il est en fait désormais le premier. Ce qui veut dire que selon qu'on regarde le ciel actuel ou le ciel antique, vos positions s'inversent et les étoiles qui composent vos constellations pourraient presque se confondre… se fondre les unes dans les autres. A l'image de ceux qui les incarnent, aujourd'hui, ou qui n'en sont pas loin.

Mu reporta son attention sur son Maître en haussant un sourcil, quelque peu confus.

Venait-il de faire une allusion scabreuse ?

Son visage, toujours levé vers le ciel, était on ne pouvait plus sérieux.
Mais lorsqu'il regarda enfin son disciple, la petite lueur espiègle et taquine qui y brillait en disait long.

Après, c'était un Bélier, lui aussi, leurs caractères n'étaient pas bien différents.

Ils aimaient tous deux déstabiliser leurs interlocuteurs en ayant des propos à double sens, sachant qu'on voudrait leur en attribuer un d'office, le plus sérieux et innocent, sans pouvoir s'empêcher de penser à l'autre, refusant d'envisager qu'ils ne le connaissaient peut-être pas.

Mais tout de même…

Après avoir tapoté affectueusement l'épaule de son disciple, le Grand Pope s'éloigna sans lui donner plus d'éléments pour trancher.
Celui-ci s'interrogeait encore, alors qu'il rejoignait son camarade du Douzième temple qui avait attendu patiemment de son côté.

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Fin du flashback

.
- Je ne suis pas devin, Mu. Je te connais, simplement, je connais ton cœur. Tu nourrissais déjà des sentiments pour Aphrodite, et tu avais cette volonté de te rapprocher encore de lui.

- J'étais effectivement déterminé à cela, mais je n'étais pas encore réellement conscient de ce que je ressentais pour lui.

- Ta volonté de l'inscrire autrement dans ta vie était suffisante pour me faire dire que quelque chose de plus profond et complexe pouvait advenir. Tu obtiens toujours ce que tu désires, mon enfant. Il te fallait simplement prendre conscience que c'était lui, que tu voulais, comme amant, puis comme partenaire de vie.

- Je devais aussi le convaincre que tel était mon souhait, d'une part, et qu'il pouvait être partagé. Ses murailles étaient solides.

- Rien ne résiste à la ténacité du Bélier.

Mu sourit à son Maître de manière entendue.

- Enfin, je connais bien un certain tigre qui peut lui donner du fil à retordre, s'amusa-t-il, en une référence explicite à Dokho qui portait cet animal dans son nom comme dans son dos.

Shion eut un petit rire.

- Je crois qu'il tient plus du byakho que du tigre du Bengale. (5)

- Qui sait, il a peut-être trois cents ans d'avance sur sa transformation du fait du misopéthamenos de notre Déesse...

- C'est une théorie intéressante, il faudra que j'en parle avec lui.

Encore une fois, Mu se demanda si son Maître était sérieux ou s'il était toujours dans la plaisanterie.
Mais il ne doutait pas que le sujet serait abordé avec Dokho, seul le ton que la discussion allait prendre était une énigme.

Il aperçut ensuite Angelo qui s'avançait vers eux, aussi ne poursuivit-il pas la conversation.
En même temps, il n'y avait plus rien à dire sur ce sujet.

- Pardon de vous déranger, leur dit-il en arrivant à leur hauteur. Je voulais profiter que vous soyez ensemble pour vous parler de ce qui s'est passé hier avec Simon et l'Armure. J'aurais plus l'occasion d'avoir votre avis après, Seigneur Shion. C'est possible ?

- Il est vrai que nous n'avons guère eu la possibilité d'évoquer ce sujet, qui a son importance. Assis-toi, Angelo, tu ne nous déranges pas.

- Merci. Ce n'est sûrement pas le meilleur moment, mais vu qu'y en aura sûrement pas d'autre avec vous, et que j'aurais quand même aimé avoir votre avis avant votre départ… C'est pas que j'ai pas confiance en toi, Mu, ajouta-t-il en regardant son cadet, mais vous, Seigneur Shion, vous l'avez connu, l'Armure des Chiens de Chasse, vous en saurez peut-être plus.

Lorsque Saga m'a rapporté ce qui s'est passé hier, j'ai d'abord été surpris. Mais en y réfléchissant, il n'y a pas tant de raisons que cela de l'être.

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Flash-back

La veille
Jeudi 19 octobre 1989
Maison du Cancer

Alors que jusque-là, seuls des gémissements et des bruits humides résonnaient dans la cuisine, un « pop » familier éclata soudain et mit immédiatement les deux hommes en alerte.

Angelo, à genoux devant Shura, se releva prestement et fit face à l'intrus, cachant de son corps Shura qui, se tournant vers le meuble contre lequel il était appuyé, se rajustait en refermant son pantalon et en descendant sa chemise le plus bas possible sur la bosse qui le déformait.

- Kiki ! gronda Angelo en s'essuyant la bouche d'un mouvement rageux, les sourcils froncés. On t'a déjà tous dit 1000 fois de ne pas débarquer comme ça chez les gens sans prévenir ! Tu dois te téléporter devant la porte des appartements ! Je pensais que t'avais compris, depuis quelques temps !

- Je sais, pardon, mais là, c'est urgent, je devais venir te chercher ! se défendit vivement l'apprenti Bélier. Mais je sais que vous faites des trucs de grands, parce que vous avez mis la barrière sur vos cosmos qui dit que vous êtes là mais sans être là, alors j'ai les yeux fermés ! Regarde ! Je vois rien du tout !

- Vabene… Alors, qu'est-ce qui se passe ?

- Tu peux ouvrir les yeux, maintenant, lui dit Shura toujours légèrement en retrait derrière son compagnon.

- Simon est blessé, il faut que tu viennes, Angelo. Maître Mu et Aldébaran ne sont pas là, on a besoin de toi pour déplacer le rocher qui lui est tombé sur la jambe. y a que toi qui peux !

- Micchia ! s'exclama Angelo. Pourquoi tu ne l'as pas fait, toi ? Tu pourrais déplacer le Sanctuaire entier sans ciller et le replacer exactement au même endroit !

- Milo a dit que c'était peut-être très moche en dessous et il voulait pas que je voie ça. Je lui ai dit que j'étais un futur Chevalier et que j'avais pas peur, et que je pouvais soutenir Simon comme ça, mais il m'a dit d'aller te chercher et de te ramener.

- Il a oublié la peignée incroyable que tu t'es prise par Isaac au Sanctuaire sous-marin et l'état dans lequel t'as vu les Bronzes pendant cette Bataille ? Enfin bref, c'est pas le propos, vas-y, téléporte-nous avec Shura.

- Je vous rejoins à pieds, indiqua celui-ci.

Angelo hocha simplement la tête.
Il se serait bien moqué de son compagnon quelque peu indisposé, s'il n'avait pas été préoccupé par l'état de son élève.

Sur place, Milo gardait les apprentis à distance, Camus avait refroidi une partie de la jambe de Simon pour calmer la douleur, Marine le tenait appuyé contre elle et Aiolia attendait, prêt à le soigner dès qu'il serait dégagé.

Ce qui ne tarda pas.

Angelo ne réfléchit même pas, dès son arrivée et après évaluation express de la situation, il envoya valdinguer le rocher et le réduisit en miettes, faisant tousser toutes les personnes à proximité en créant un nuage fort désagréable à respirer, avant de s'agenouiller à côté de son élève.

L'Armure qui recouvrait Simon le quitta et se replaça en totem, à côté d'eux.
Impossible de savoir si c'était dû au fait que Simon était désormais dégagé et n'avait plus besoin de protection, ou bien si elle avait réagi à la présence du Cancer.

Angelo fronça les sourcils, échangea un regard avec ses camarades autour, mais il lut le même questionnement dans leurs yeux.
Apparemment, la présence de l'Armure était un mystère pour tout le monde.

Il décida de mettre cela de côté pour le moment, Simon était sa priorité.

La jambe saignait, évidemment, mais il n'y avait pas d'os apparent.
Si fracture il y avait, elle était fermée et non ouverte, fort heureusement.

La protection de métal lui avait évité le pire.

L'enfant le regardait avec de grands yeux humides, mais ne pleurait pas et serrait courageusement les dents.
Le froid de Camus avait dû grandement l'aider, mais il l'avait diminué pour qu'Aiolia put le soigner, ce qu'il était présentement en train de faire.

- Bah alors, P'tit crabe, tu lui as fait quoi, à ce pauvre rocher, pour qu'il te tombe dessus comme ça et t'écrabouille la pince ?

- C'est pas moi… qui vient de le pulvériser… Maître Angelo, répondit-il entre sourire et grimace. J'ai rien fait… du tout !

- Je devais bien le punir de t'avoir amoché comme ça. Tu crois que ses copains rochers vont se venger en m'attaquant ?

Simon rit en se redressant.

- Doucement, j'ai presse fini, lui dit Aiolia, les mains autour de sa jambe.

- Ce n'était pas très prudent d'enlever le rocher si brusquement, fit remarquer Marine à Angelo. Il y aurait pu avoir un syndrome d'écrasement.

- J'ai supposé que Kiki était venu me chercher tout de suite, il aurait pas eu le temps de se faire, ma grande.

- Cela met généralement quatre à six heures à se former, indiqua Shura qui venait de les rejoindre.

- Tu vois, on était bien large !

- Heureusement, pour cette fois.

- Tout va bien, assura le Lion à son tour en se relevant.

- Mais on va quand même t'emmener à la Clinique pour ne rien laisser passer, intervint Saga en les rejoignant à son tour, faisant s'incliner tout le monde à son passage. Je te fais confiance, Aiolia, c'est juste qu'il faut garder une trace de son suivi médical.

- Je ne suis pas vexé, le rassura-t-il en se redressant. J'allais moi-même dire qu'il valait mieux quand même qu'un médecin vérifie avec des examens. Je répare et ressoude à l'instinct, même si je vois distinctement les fractures et les blessures dans ma tête. Mais je ne suis pas aussi précis qu'une imagerie médicale ou qu'un docteur.

- Moi, j'te fais plus confiance qu'aux toubibs, lui dit Angelo en portant Simon dans ses bras. Mais on doit quand même l'emmener, au moins pour l'ordonnance d'anti-douleurs. Kiki, tu nous téléportes… euh… on doit aller où, Grand Pope ?

- A la Clinique de la Fondation.

- Si c'est possible, Excellence, j'aimerais les accompagner, demanda Shura.

Saga retint une grimace.

Si le « Grand pope » d'Angelo sonnait presque comme un surnom affectueux ou taquin, il avait un peu plus de mal à s'entendre appeler « Excellence », surtout par ses camarades.

Après la Cérémonie de passation des pouvoirs, les nouveaux Grands popes s'étaient adressés à leurs pairs pour leur rappeler qu'il n'était pas nécessaire d'être aussi formel avec eux qu'ils ne l'avaient été avec Shion et Dokho, lorsqu'ils étaient en privé ou entre eux, en dehors de tout cadre officiel.

Ils y tenaient pour ne pas instaurer de distance entre eux.

Mais là, devant les apprentis à portée de voix, Saga n'avait pas trop le choix et ne pouvait pas reprendre Shura.

Il hocha ainsi silencieusement la tête en signe d'assentiment.

- On va â Tokyo ? s'enthousiasma Kiki.

- Non, ici, à Rafina.

- Oh zut, je voulais voir Seiya et tout le monde à l'orphelinat !

- Une autre fois, Kiki. Et puis, tu peux y aller quand tu veux, non ? lui rappela Saga.

- C'est mieux d'avoir un prétexte quand on dérange les gens ! affirma-t-il avec un rare aplomb.

- Tu as le droit d'avoir juste envie de les voir, tu ne les dérangeras pas si tu préviens tout le monde suffisamment tôt pour qu'on puisse tous s'organiser. Tu le sais, non ?

- Oui, Grand Pope Saga.

- Bien. Et concernant la Clinique à Rafina, tu n'y es allé qu'une seule fois, si je me souviens bien, tu sauras y retourner ?

- Oh oui ! C'est la belle Clinique au bord de la mer, avec le grand port. Tu veux regarder dans ma tête pour être sûr que je sais où c'est ?

- Je te fais confiance, répondit Saga en posant sa main sur son épaule avec un doux sourire. Choisis un endroit où tu ne risques pas de surprendre les gens par ton arrivée.

- Le toit, ça irait ?

- Ce sera parfait.

- D'accord ! Vous me dîtes quand c'est bon pour partir !

- Euh, vous êtes sûrs que ça craint rien ? intervint le Cancer, sceptique. Faudrait pas faire faire le grand plongeon à quelqu'un qui voulait juste prendre l'air…

- Le toit est grillagé, comme sur tous les bâtiments un peu sensibles, indiqua Marine.

- Ah, très bien, alors !

Saga se tourna vers Angelo et lui tendit une pochette à documents.

- Demande à voir le Docteur Papadakis, je l'ai déjà informé de votre venue. Tu as ici les papiers de Simon. Il est indiqué que tu es son tuteur légal, tu as tout autorité pour prendre les décisions qui s'imposent et signer. La prise en charge est totale, tu n'auras rien à régler.

Portant toujours Simon sur son bras gauche, le Quatrième gardien récupéra le dossier d'une main presque rageuse, les sourcils froncés.

- Attends une minute, depuis quand je suis son tuteur légal, c'est quoi, cette histoire ?

- Depuis le premier jour où tu as accepté d'être son Maître, Angelo, répondit calmement Saga, alors qu'il sentait la tension monter d'un cran.

Comme tout le monde, d'ailleurs.
Milo éloigna même les autres apprentis encore un peu du groupe.

- Et vous comptiez m'en informer quand, au juste ? Il a jamais été question de ça !

- C'est ton élève, il est sous ta responsabilité, c'était une évidence, pour nous.

- Pas pour moi ! s'énerva-t-il franchement. Et c'était pas ma question !

- Ne lui parle pas sur ce ton, ´Ge, c'est notre Grand Pope, désormais, intervint Shura.

- Et ça m'enlève le droit de m'énerver et de ne pas être d'accord avec lui ?

- Bien sûr que non, mais tu dois lui parler sur un autre ton, surtout en présence des apprentis, et pour ce qui est du moment, ce devra être plus tard. Il faut emmener Simon.

- Oui, calme-toi, Angelo, ce n'est clairement pas le moment de faire une crise, assura gentiment Marine pour l'apaiser à son tour en posant sa main sur son épaule. Pense à Simon.

Le Cancer soupira et relâcha ses épaules.

- On en reparlera, Grand Pope, je déteste qu'on fasse des trucs dans mon dos.

- Tu sais très bien qu'il ne s'agit pas de cela, se défendit Saga. Mais nous en discuterons ultérieurement. C'était une décision commune, mais je te prie de nous excuser si nos actes t'ont offensé, ce n'était bien évidemment pas le but.

- Ouais, j'me doute, mais bon… On en reparlera, je veux des explications. Désolé, gamin, ajouta-t-il en baissant les yeux sur Simon, dans ses bras. On va y aller, serre encore un peu les dents.

- Ça va, Maître Angelo, le froid de Camus me fait du bien. Je peux attendre.

- T'es un bon p'tit gars. Avant qu'on parte, histoire que j'me retrouve pas comme un con devant le toubib, je peux savoir vite fait ce qui s'est passé ? Et accessoirement, pourquoi Simon l'avait, elle, sur lui ? demanda-t-il en désignant l'Armure d'Argent des Chiens de Chasse, toujours en totem sur le côté.

Il ne l'avait pas revu ainsi depuis près de 20 ans.
A peine l'avait-il aperçu portée par le jeune Astérion, qui en avait hérité quelques années plus tôt, plus de quinze ans après la mort de son maître.

Des images du petit refuge de montagne où ils vivaient lui revinrent, sa petite pièce principale et ce mur de pierre froid et dur contre lequel il dormait, attaché par un anneau au sol, sous la garde de l'Armure face à lui.

Porté, le casque avait semblé donner deux cornes à Maître Luigi, mais la tête du totem, plus chimère que chien, avait été encore plus effrayante à ses yeux d'enfant.
Elle le terrifiait et le fascinait à la fois, elle, le symbole d'un pouvoir qu'il rêvait d'acquérir.

- Les apprentis s'entraînaient par groupe sur la falaise, était en train de répondre Marine, l'arrachant au passé. Il y a eu un éboulement et Simon a chuté de plusieurs mètres. L'Armure est apparue de nulle part et l'a recouvert avant son atterrissage, lui évitant sans aucun doute de graves dommages. Il est tombé de très haut.

Angelo leva les yeux vers le haut de la falaise, puis se tourna vers Kiki.

- Tu sais pourquoi elle a fait ça ?

- Je pourrais lui demander, mais je ne parle jamais aux Armures sans l'autorisation de Maître Mu et c'est toujours en sa présence.

- Bon, ça attendra son retour, alors. Merci, adressa-t-il à l'Armure après une courte hésitation.

Elle émit une note grave et unique, qui mêlait tant de sentiments que personne ne sut vraiment comprendre le message.

Généralement, même sans le lien des Béliers avec elles ou chacune avec son porteur, tout le monde pouvait à peu près deviner le ton des notes, dans la joie, l'amusement, le reproche, la contrariété, la vexation, selon le taux d'expressivité de chacune.

Beaucoup d'entre elles étaient susceptibles…

Mais là, c'était incompréhensible.
Enfin, sauf pour Kiki.

Et Angelo, bien sûr.
Celui-ci grimaça, puis regarda encore Kiki, pour lui donner le signal du départ, cette fois.

Mais l'apprenti Bélier l'interrogea avant.

- Dis Angelo, tu la connais bien, non ? demanda l'enfant, visiblement intrigué, les yeux toujours rivés sur l'Armure.

- C'est juste un fantôme du passé, répondit le Cancer un peu sèchement. Allons-y, on a suffisamment fait attendre Simon.

- Oui, d'accord !

Et après s'être incliné respectueusement devant Saga, il disparut en emportant Angelo, Shura et Simon avec lui.

Fin du flash-back

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- Alors, vous savez ce qui se passe avec l'Armure des Chiens de chasse ? Tu l'avais déjà récupéré, Mu, elle était ici ? Kiki m'a dit que non, mais il savait peut-être pas, tout simplement...

- Non, elle n'était pas au Sanctuaire, confirma le Bélier. Kiki ne s'est pas trompé. Il connaît toutes les Armures présentes sur le Domaine, y compris celles de mon atelier. Celle-ci lui était totalement étrangère, car elle dormait en Autriche.

Angelo tiqua à cette précision.

- En Autriche ? C'est une coïncidence ? Elle était pas loin de l'orphelinat de Simon ?

- C'est au Mont Bricken que le jeune Astérion, son dernier porteur, s'est entraîné et l'a récupéré, rappela Shion. Et c'est là qu'elle est retournée, pour une raison qui lui est propre.

- Et pourquoi elle est venue d'un coup, alors, si elle repose là-bas depuis la mort d'Astérion, y a quoi, deux ans ?

- Oui, acquiesça Mu. Elle est réapparue pour protéger Simon, en toute logique.

- J'avais compris, merci bien, grimaça Angelo. Mais pourquoi elle a fait ça ? Ne me dîtes pas que c'est son futur porteur et qu'il aurait dû la récupérer chez lui, en Autriche ? Franchement, si c'est ça, ce serait la pire blague de l'Histoire de la Chevalerie d'Athéna ! Vous ne pensez pas ?

- Je laisse à Mu le soin de te répondre, Angelo, car je n'ai guère eu le temps de m'entretenir avec elle, contrairement à lui.

- C'est une Armure très complexe, expliqua le Bélier actuel. Tout comme le sont les sentiments que tu lui inspires.

- Moi ? s'étonna le Cancer.

- Elle te gardait en tant que totem, quand tu étais l'élève de son porteur, c'est ce que j'ai vu.

Angelo laissa échapper un rire sec.

- Pour m'empêcher de m'enfuir, oui ! Elle m'aurait bouffé, si j'avais essayé.

- Non, c'était pour te protéger, Angelo, le corrigea Mu. Mais portée par ton Maître, elle n'avait d'autre choix que de te blesser. Jusqu'au jour où ton cosmos a surpassé le sien et où tu es pleinement devenu le Chevalier du Cancer, la soumettant de fait à ton autorité.

- Et donc ? C'est du passé, tout ça, j'ai plus aucun lien avec elle, depuis ce jour-là, pourquoi elle est venue ?

- Je suppose qu'elle a protégé Simon comme elle aurait voulu te protéger, toi.

- Tu veux dire qu'elle se rattrape, d'une certaine façon ? intervint Shion.

- Oui, Maître, c'est l'impression que j'ai eu de ma lecture. Est-ce possible, selon vous ?

- Cela ne m'étonnerait guère, comme je vous l'ai dit, il y a peu.

- Mais comment aurait-elle su ? demanda le Cancer, plus que confus face à ces informations.

- Je pense qu'elle n'a jamais cessé de veiller sur toi, Angelo, à travers ton cosmos, répondit Shion. J'ai souvent senti sa présence, au Sanctuaire, durant les deux ans qui ont suivi ton retour et ton intronisation à la garde de la Maison du Cancer.

- Je peux le confirmer, j'ai vu beaucoup d'images de ta vie même au-delà de cette période, alors que j'étais moi-même absent du Sanctuaire. Et je peux même te dire qu'elle a étendu cette veille aux personnes auxquelles tu tiens le plus, au fil du temps.

- C'est un peu flippant, ton histoire, Mu… C'est comme si j'avais eu des caméras braquées en permanence sur moi, c'est ce que tu me dis ?

- Cela ne fonctionne pas de cette façon. Elle ne te "voyait" pas, elle sentait, plutôt. Notre cerveau peut l'interpréter en images, mais elles ne reflèteront pas la réalité.

Angelo grimaça, à peine convaincu.

- Bon, admettons... Elle peut faire ça ? Je veux dire, les Armures peuvent faire ce genre de choses avec des gens auxquelles elles ne sont pas liées ?

- Elle est liée à toi, Angelo, répondit Mu. Si le reste est une supposition ou une interprétation de ma part, au pourcentage élevé de probabilité exacte, ceci est une certitude absolue.

- C'est pour cela que Kiki m'a demandé si je la connaissais ? se souvint Angelo.

Mu hocha la tête.

- Probablement.

- Bon, d'accord, on sait pourquoi elle a fait ça… Qu'est-ce que ça signifie, pour la suite ? Est-ce que Simon va devenir son porteur, avant d'atteindre le niveau pour Cancro ? Attention, j'le rejetterai pas, si ça devait arriver… C'est juste que ce serait vraiment un sale coup tordu. J'le mérite sûrement, mais...

- Angelo… le coupa Shion avec douceur.

Le Quatrième gardien se tut immédiatement.

De toute façon, il n'aimait pas donner l'impression de s'autoflageller, ni de radoter encore et toujours sur la culpabilité, la rédemption, la légitimité de son bonheur ou la juste survenue de ses malheurs, ce qu'il méritait ou non…

- Tu n'as rien à craindre à ce sujet, assura Mu. L'Armure ne le réclame pas, elle ne l'appellera donc pas. Elle n'a aucune prétention envers Simon, si ce n'est celle de le protéger, lorsque tu ne le peux.

- D'accord, j'ai compris. J'avoue que ça me rassure un peu. J'ai une dernière question, si vous permettez, après, je vous laisse tranquille...

- Profites-en, Angelo, si je peux te répondre. Ceci étant dit, Mu est parfaitement à même de te fournir toutes les réponses dont tu as besoin. Ses connaissances sont aujourd'hui supérieures aux miennes.

- Que dites-vous, Maître Shion, vous avez accumulé plus de deux siècles d'existence et de savoirs ! protesta vivement le Bélier en se tournant vers son mentor. Je ne pourrais même jamais simplement vous égaler !

- Tu te sous-estimes grandement, comme toujours, se désola Shion en tapotant affectueusement la cuisse de son disciple. Les années me donneront raison, tu verras. Il apparaîtra très rapidement que vous n'aurez pas besoin de me joindre, du fait de ta présence, de tes pouvoirs, de ta grande sagesse et de tes connaissances.

- C'est vrai que c'est assez impressionnant, reconnut Angelo.

Il avait parlé de manière très spontanée.

- Quelle est ta question ? lui demanda Mu, ne souhaitant pas s'étendre sur le sujet.

- Je me demandais pourquoi Cancro n'a pas protégé Simon… J'ai pensé que c'était par rapport à ce qu'il aurait pu percevoir en la portant, mais elle est capable de bloquer la transmission, non ? Je vous pose la question, parce qu'elle a rien voulu me dire. Vous avez pas une idée ?

Les deux Béliers échangèrent un regard.

- Cancro a peut-être laissé les Chiens de chasse agir par… courtoisie ? proposa Mu.

- C'est une blague ? ricana Angelo. Elles se font des politesses ?

- Évidemment, confirma très sérieusement Shion, faisant perdre son sourire à Angelo.

- A la vitesse de la Lumière ? Parce que la décision s'est prise en une fraction infinitésimale de seconde, on est bien d'accord ?

- Les Armures communiquent sur un plan astral qui est différent du nôtre, Angelo, expliqua Shion. Le temps qu'il m'a fallu pour te dire ces mots est suffisant, dans leur dimension, pour se raconter mes deux siècles d'existence et chacun des jours qui les a composés en détails.

- Pero… siffla Angelo, très surpris. (6)

Shion n'étant définitivement pas du genre à exagérer ses propos, Angelo ne put que recevoir cette information et tenter de se représenter le fait dans son esprit…

En vain, cela le dépassait totalement.

Kiki apparut soudain dans un pop mêlé d'un éclat de rire, juché sur les épaules d'Aphrodite.

- Grand Pope Shion, la Princesse Athéna m'a dit d'aller vous chercher parce qu'on va emmener les gâteaux du Vieux Maître pour souffler les bougies !

- D'accord, Kiki, mais je ne suis plus Grand Pope, je te l'ai déjà dit plusieurs fois.

- Mais je ne vais pas vous appeler Maître de mon Maître Mu, c'est trop long ! protesta-t-il. Est-ce que Seigneur Shion, ça irait ?

Shion et Mu échangèrent un regard, avant que l'ancien Pope ne reportât son attention sur l'enfant face à eux, presque à sa hauteur, qui lui rappelait tant son élève, bien qu'il n'ait pas eu la chance de le connaître à cet âge-là.

- Et que dirais-tu de m'appeler Grand-père ?

Quoi ? Mais non, je ne peux pas ! s'alarma presque le pauvre Kiki en faisant aller son regard d'un Bélier à l'autre.

Sentant le moment important, ce que confirma un bref échange de regards avec Mu, Aphrodite fit descendre Kiki de ses épaules.
Il se retrouva alors face à son Maître, qui posa une main sur son épaule.

- Puisque tu es mon fils de cœur et que je suis celui de Maître Shion, s'il t'y autorise, tu le peux, Kiki.

Les yeux du petit atlante s'agrandirent d'émotion.

- Je suis… votre fils ?

Mu hocha la tête, soudain trop ému pour articuler un son.

Sa conversation avec Aphrodite remontait à plusieurs mois, où ils avaient évoqué cette idée de signifier clairement à Kiki qu'il le considérait comme son fils.
L'occasion ne lui en avait pas été donné, depuis, et il ne l'avait pas créé non plus.

Et elle se présentait enfin, en ce jour si important et déjà bien chargé en émotion.

Kiki entoura la taille de Mu, qui le serra d'un bras contre lui. Son autre main se tendit vers Aphrodite, qui s'avança pour la nouer à la sienne, tandis que dans le même temps, Shion se rapprochait d'eux, sur son autre flanc, pour ébouriffer les cheveux de l'enfant.

- En voilà une bien belle petite famille de Béliers ! se moqua Angelo, mais avec une grande tendresse.

Assez inhabituelle chez lui, témoignerait-elle de sa vive émotion face à une scène aussi touchante et intense dans tout ce qu'elle laissait deviner et comprendre, plus puissante que de grandes effusions ?

A n'en point douter.

Il se détourna d'ailleurs des trois Béliers qui représentaient à eux seuls la ligne du Temps, et rejoignit Aioros, Saga et Dokho, qui descendaient justement des gradins.

- C'est l'heure du gâteau, Vieux Maître ! annonça-t-il à ce dernier. Mais vous devriez peut-être aller chercher le reste de la famille, il ne manquait plus que vous, là-bas, ajouta-t-il en désignant le groupe qu'il venait de quitter d'un pouce en arrière. On part devant, on prévient que vous arrivez.

- Merci, Angelo, lui dit Dokho en posant sa main sur son épaule, avant de s'en aller à la rencontre des Béliers passé, présent et futur, et d'Aphrodite.

Le Cancer entraîna Saga et Aioros vers la grande tente principale.

- Tout va bien ? demanda Saga.

Il avait perçu les fluctuations de cosmos caractéristiques de vives émotions ressenties, même chez le Cancer.
Ce qui était un peu inattendu, avec cette configuration de personnes.

- Shion a proposé à Kiki de l'appeler Grand-père et Mu lui a dit qu'il était son fils, alors je pense que pour Kiki, c'est le plus beau jour de sa vie !

- Quelle joie ! s'exclama Aioros, ravi de cette nouvelle.

- Le départ des uns signifie aussi un nouveau départ pour d'autres. Mu se sépare de son père et accepte enfin d'en être lui-même un pour Kiki. Ton émotion est compréhensible, Angelo.

- Désolé, Grand Pope Saga, j'ai pas été si loin dans mon analyse. J'ai juste vu trois Béliers coincés enfin se décorner…

- Angelo ! protesta Aioros.

- J'ai pas raison ? C'était un vrai sac de nœuds ! Regardez-les, c'est clairement une famille, et ils ont attendu le dernier moment pour se donner les bonnes appellations !

- L'important, c'est qu'ils se sont toujours comportés comme telle, assura Saga. Ils le savaient, au fond d'eux.

- Mais cela fait parfois du bien de dire les choses et de les entendre, intervint Aioros. C'est important pour Kiki, en tous cas.

- Pour Mu aussi, certainement, vu sa réaction, leur dit Angelo. Ca lui a cloué le museau !

Les trois hommes se turent, car ils arrivaient à l'intérieur de la tente où tout le monde se préparait à l'entrée de Dokho.

Ce qui ne tarda pas, car son groupe suivait de près celui de Saga, Aioros et Angelo.
Ce fut évidemment le signal pour commencer à chanter le fameux « Joyeux anniversaire ».

Il eut droit à la version anglaise, grecque et, belle surprise, Shiriyu et Shunrei la chantèrent en chinois.
Ils lui souhaitèrent ainsi le bonheur, la santé, et un avenir lumineux, selon les paroles de cette dernière version.

Dans la tradition chinoise, on souhaitait aux personnes âgées de vivre jusqu'à cent ans.

Mais Dokho les ayant largement dépassés, il tourna la formule en une sorte de blague qui fit rire tout le monde. Il avait aussi fait l'impasse sur la dégustation des nouilles de longévité, jugeant que le peu qu'il avait mangé dans sa précédente vie lui en avait déjà suffisamment donné ! Il les offrit aux apprentis, transférant le vœu à la jeune génération.

De même, lorsque les trois grands gâteaux furent apportés et posés sur la table principale du buffet, sous de nouveaux chants et les applaudissements, Dokho se tint au-dessus d'eux, mais sans souffler encore sur les trois bougies en forme de nombre qui formaient le chiffre 263, pour les années qu'il affichait au compteur de ses vies.

Avec la facétie que tous avaient appris à lui connaître, au cours des deux ans écoulés, et qu'il affichait depuis le matin, il inversa la place des deux derniers gâteaux, transformant le 63 en 36, et ôta le 2 du premier, qu'il souffla avant de la reposer sur le côté.

Satisfait du 263 transformé en 36, dont il annonça fièrement qu'il se sentait plus cet âge-là, à l'aube de son nouveau départ avec le grand amour de sa vie, car l'amour justement conférait une seconde jeunesse ou une forme d'éternité que les années et la vie ne sauraient altérer, il fit un vœu et souffla les deux bougies restantes.

Les applaudissements retentirent alors, et se calmèrent à peine, lorsqu'on lui tendit le couteau pour couper les gâteaux.

Joueuse et surprenamment taquine, Athéna prit la main de Shion et la posa sur celle de Dokho qui s'apprêtait à couper la première tranche, conférant au geste la symbolique du traditionnel découpage de gâteau des cérémonies de mariage de certains pays. Le fait de tenir ensemble le couteau représentait ainsi leur union, le compromis auquel ils acceptaient de se soumettre et une nouvelle vie qui commençait.

Après tout, cette fête d'anniversaire était aussi une fête de départ, et de nouveau départ.
Non d'adieu, ils avaient bien insisté là-dessus, c'était seulement un au revoir.

Les deux amoureux partaient comme pour une lune de miel à durée indéterminée… ou presque.

Connaissant le nombre d'années qui leur restait à vivre, qui leur avait été accordé, et déterminés comme ils l'étaient à en vivre désormais chaque seconde ensemble et heureux à faire tout ce que leurs deux premières vies n'avaient pas permis de réaliser, celle-ci ci s'annonçait plutôt permanente.

C'était, en tous les cas, ce qu'ils espéraient et ce que, malgré la tristesse de la séparation, tout le monde souhaitait pour eux.
C'était tout ce qu'ils méritaient.

Enfin.

La réception se poursuivit une petite heure encore, durant laquelle Shion et Dokho terminèrent de dispenser leurs derniers conseils, encouragements, vœux, créèrent encore des souvenirs, marquèrent toujours un peu plus les esprits et les cœurs.

Mais le moment de la séparation arriva, et ils furent tous deux accompagnés jusqu'à la plage par absolument tout le monde : la Chevalerie au complet, les quelques soldats encore en fonction, le Domaine n'ayant plus besoin d'être gardé, désormais, les employés du Domaine, les apprentis, et même quelques personnes représentant Rodario.

Le Grand pope avait toujours représenté une figure essentielle et même sacrée, à travers les âges, bienveillant protecteur et bienfaiteur.
Les visites régulières au petit village étaient un rituel auquel Shion ne s'était jamais dérobé, et elles avaient repris dès son retour, après treize années d'irrégularité.

Saga et Aioros s'étaient engagés à poursuivre et maintenir la tradition, c'était l'une des premières promesses qu'ils avaient faite.

Depuis la plage, qui leur avait été interdite depuis 24h, Shion et Dokho découvrirent alors, enfin, La Gloire d'Athéna, le catamaran qui leur avait été offert à l'occasion de cette retraite tant méritée. La marée ayant bien montée, et grâce à son tirant d'eau lui permettant de naviguer à faible profondeur, le voilier était resté proche, tous pouvaient donc l'admirer, encore une fois.

Car profitant de la marée basse, l'échouage du bateau avait donné l'occasion à ceux qui l'avaient souhaité de visiter le voilier sans mettre les pieds dans l'eau, tout au long de la journée. (7)

La cagnotte constituée par les dons et participations diverses et variés, parfois étonnantes, comme celles d'Asgard ou de Julian Solo, avait été plus que conséquente, mais bien évidemment pas au point de pouvoir acheter un tel voilier, c'était donc Athéna, enfin, Saori Kido et la Fondation Graad, qui s'étaient occupés du reste à charge.

Shion les téléporta directement à bord avec Saga, Aioros, Kanon et Milo.

Si tout le monde avait participé d'une façon ou d'une autre au projet du « catamaran de la liberté », ces deux derniers s'étaient occupés plus particulièrement de tous les aspects techniques et logistiques du bateau, de son achat à sa livraison, en passant par son aménagement intérieur, guidé par Angelo pour ce point précis.

- Il fait un peu plus de 13 mètres, il est donc légèrement plus long que celui sur lequel vous vous êtes entraînés à naviguer, cette dernière année, expliquait d'ailleurs Kanon alors qu'ils leur en faisaient la visite rapide. Vous remarquerez aussi que ce nouveau modèle de catamaran, très récent, a des vitres verticales, et non plus horizontales, ce qui fait gagner de la place pour l'aménagement intérieur.

- D'ailleurs, à ce sujet, il devait y avoir trois cabines, mais après concertation, on a préféré transformer l'espace de deux en une seule pour installer une salle de bain privée avec baignoire, expliqua Milo en leur montrant l'installation en question.

- D'après Julian, c'est exceptionnel, précisa Kanon, il n'y a pas deux modèles comme celui-ci. Vous serez vraiment bien, à bord.

- Cela nous semblait important que vous ne vous sentiez pas à l'étroit, après avoir vécu dans de grands appartements si longtemps, ajouta Aioros, alors qu'ils remontaient sur le pont.

- Le vaste monde est notre maison, désormais, rappela Shion. Il n'y aura aucune limite à notre horizon, sa ligne pourra être sans cesse repoussée. Il est impossible que nous nous sentions à l'étroit.

- Bien au contraire, nous aurons besoin parfois de nous retrouver comme dans un cocon, que tous les deux, face à l'immensité de nos possibilités, poursuivit Dokho e, posant sa main au creux des reins de Shion. Cet infini est quelque peu vertigineux.

- Et c'est exactement ce que nous donne déjà comme sentiment ce magnifique voilier. Nous apprécions grandement vos efforts, vous avez tous fait un travail incroyable de conception et d'aménagement pour correspondre au mieux à nos besoins.

- C'est très touchant de réaliser à quel point vous nous connaissez bien, ajouta Dokho. Shion a raison, vous avez répondu à nos besoins, nos envies, respectez nos goûts, sans que nous ne vous les exprimions réellement.

- C'était la moindre des choses, assura Saga.

- Nous avons toujours pensé que nous étions ceux qui veillions sur vous, mais en vérité, vous l'avez tout autant fait, s'émut Shion. Je ne sais comment vous remercier pour ce cadeau inestimable, qui va bien au-delà de ce voilier.

- Soyez heureux, vivez pleinement chaque jour, c'est tout ce qui pourrait nous faire plaisir, assura l'ainé des Gémeaux.

- Et donnez-nous de vos nouvelles de temps en temps, si possible, demanda Milo.

- Évidemment. Vous ne vous débarrasserez pas de nous aussi facilement, répondit Dokho.

- Il est déjà prévu que nous revenions fêter la nouvelle année avec vous, rappela Shion. C'est dans quelques semaines, seulement.

- Vous savez déjà où vous serez, à ce moment-là ? les interrogea Aioros.

Shion se tourna vers lui.

- Avec les quelques informations techniques et logistiques que vous avez accepté de nous donner sur le bateau, sans trahir la surprise, nous avons effectivement commencé à tracer un itinéraire approximatif, car nous voulons aussi laisser la place à l'aventure.

- Il est important pour nous de commencer par les Cyclades, découvrir ou redécouvrir les Grèces du présent et du passé, et d'avancer jusqu'aux côtes du Levant, poursuivit Dokho. Peut-être entrerons-nous dans les tes terres, selon les autorisations de naviguer des pays en question. Il faut cependant rester prudent et discret, même si notre soif de découvrir le monde est immense.

- La situation géopolitique change, le monde est en train de basculer, rappela Shion. Le rideau de fer continue de tomber, de nombreux peuples réclament leur autonomie et leur souveraineté, et sont prêts à se constituer en nations. Les frontières vont évoluer, parfois disparaître, d'autres se créer, de nouveaux accès vont s'ouvrir. Nous suivrons cela pas à pas et avancerons en fonction.

- Saga, Aioros, vous nous avez donné l'envie de voir l'Egypte de nos propres yeux et de s'en nourrir, comme vous l'avez fait. Aussi, nous avons songé à nous y rendre et remonter le Nil pour une belle croisière, si nous obtenons les autorisations, bien entendu.

- Si vous allez jusqu'aux sources, que ce soit le Nil blanc ou le Nil bleu, vous allez forcément être coincés par les cataractes, à un moment ou un autre… leur révéla Aioros.

Shion eut un petit sourire à ce propos.

- Je me réserve le droit de faire une petite entorse à notre aventure de temps à autre en trichant un peu, avoua-t-il. Je téléporterai le voilier au-delà de nos obstacles pour pouvoir poursuivre la navigation, au besoin.

- Car ce qui est certain, c'est que nous serons arrivés dans l'hémisphère sud, où c'est l'été, actuellement et pour les prochains mois, révéla Dokho. L'Afrique du Sud ou sa côte sud-est, les îles de l'Océan indien, on sera quelque part par-là, certainement, à la fin de l'année.

- Alors avec le décalage horaire, vous pourrez faire le Nouvel an là-bas et aussi ici, avec nous.

- Nous verrons bien, Kanon, c'est une idée qui se défend. Mais soyez assurés de notre présence ici pour le décompte final.

- Même bien avant dans la journée, promit Dokho.

- Ce sera toujours chez vous, revenez quand vous voulez, nous vous accueillerons toujours avec plaisir, rappela Saga, appuyé par les hochements de tête vigoureux de ses cadets.

Shion et Dokho les remercièrent encore très chaleureusement, puis se firent face.
Comme c'était difficile de se dire même un simple au revoir !

L'ancien Bélier ramena les Chevaliers sur la plage où ils retrouvèrent tout le monde qui les attendait pour un ultime au revoir au couple légendaire des Chevaliers du Passé.

Il y eut énormément d'émotion, encore une fois, des larmes contenues et d'autres versées, des rires nerveux et d'autres spontanés, des blagues et petites boutades, des taquineries et derniers conseils, encore, des accolades et des vigoureux frottages de dos, des coups de tête affectueux et des serrages d'avant-bras puissants.

Les bagages avaient été chargés en amont par une équipe dédiée, aussi, Shion et Dokho ne s'attardèrent-ils pas davantage.
Ils avaient déjà eu un tête-à-tête avec chacun, de long à très long, c'était selon, ils avaient multiplié les rappels, avaient étirés le temps autant qu'ils pouvaient.

Mais le moment était venu, le soleil se couchait, symboliquement, ils devaient partir en même temps.
Ils ne craignaient pas de naviguer de nuit, ils savaient lire les étoiles.

Ils saluèrent enfin à la cantonade et Shion les téléporta sur leur voilier.

Dokho gagna le cockpit pour s'occuper de la navigation, tandis que Shion restait debout à la poupe du bateau, face à sa grande famille et aux bras qui s'agitaient…

Face à la plage…
A la rive…

Au Domaine qui disparaissait peu à peu à sa vue, en même temps que les voix enthousiastes s'éteignaient.

Lorsque Dokho le rejoignit, l'enlaçant tendrement par derrière, seule la statue immense d'Athéna se détachait encore faiblement sur l'horizon qui rougeoyait face au soleil couchant, visible de leurs seuls yeux de Chevaliers.

Sur la plage, lorsque le voilier ne fut plus qu'un point dans l'horizon tout aussi rougeoyant où la mer et le ciel se confondaient, Aioros et Saga, côte à côte, se prirent la main et échangèrent un regard lourd de sens.

Puis, un sourire entendu, un accord tacite.

Le cœur gonflé de multiples sentiments, mais la même détermination dans le regard, ils se tournèrent ensuite vers la foule derrière eux, dont chacun formait un élément de ce Domaine sacré dont ils avaient dorénavant la charge et la responsable complète et totale.

D'un même mouvement, tout le monde s'inclina, alors que les deux Grands Popes se séparaient pour rejoindre Athéna, en avant de cette foule, et se placer chacun à côté d'Elle.

Kanon et Aiolia se relevèrent et tendirent chacun à leur aîné leur propre casque de Grand pope, récupérés entre-temps, ainsi que leurs manteaux, dont ils s'étaient délestés pour être plus à l'aise au cours de la soirée.

Après avoir été remerciés, les cadets regagnèrent leur place respective, tandis que les aînés se revêtaient de leurs attributs comme de leur nouveau rôle.

Ensemble, Athéna, Saga et Aioros fendirent l'assistance qui, peu à peu, se releva et constitua en escorte derrière eux ; les cinq bronzes ou Chevaliers divins, les Ors, les Trois Argents et les six autres Bronzes, puis les apprentis et les employés.

Les Armures étaient venues chacune revêtir leur porteur qui se relevait, le spectacle était assez saisissant.

Ce que Rhadamanthe put constater, le seul se tenant suffisamment à l'écart pour ne pas gêner, mais assez proche pour sentir toute l'énergie et la vague d'émotion qui parcourait l'assemblée.

La Trinité sacrée fut ainsi accompagnée jusqu'au pied du Sanctuaire et laissée à son ascension du Grand escalier sacré, alors que le Domaine revêtait son manteau de nuit et que le ciel s'illuminait d'étoiles, le Bélier et la Balance brillant comme jamais.

Les autres regagnèrent la grande tente de réception pour en partie ranger et nettoyer, et en partie être ensemble et partager encore un moment de réconfort et de soutien.
Une page venait de se tourner dans la vie de chacun, plus lourdement pour certains d'entre eux, mais ils étaient là les uns pour les autres.

C'était ce qu'avait réussi à créer Shion et Dokho au cours de ces deux dernières années et dès les premiers mois qui avaient suivi leur résurrection miraculeuse.

La rancœur, la colère, les griefs, leurs passés douloureux auraient pu les séparer et détruire la Chevalerie d'Athéna et le Domaine entier.
Mais Shion avait su établir une cohésion de groupe, leur montrer la voie du pardon, leur prouver que des liens existaient toujours, ou pouvaient être créer.

Parce qu'il avait lui-même eu à porter le poids de certaines de ses décisions, avait dû recevoir la colère et les reproches de certains, avait dû gérer la somme des sentiments négatifs ou positifs qui se mêlaient en eux et entre eux, au même titre que n'importe lequel d'entre eux, il avait su leur montrer la voie sans prétention, sans se mettre au-dessus d'eux, sans donner de leçon.

Et ainsi pardonner, se pardonner, se reconstruire, bâtir ensemble, consolider.

Pour maintenir une Paix durement acquise, chèrement payée.

Shion avait fait du Domaine ce qu'il était en ce jour, aidé bien évidemment de Dokho, et soutenu par Athéna.

Puis entretenu par la volonté et les efforts de chacun.

C'était un formidable héritage qu'il laissait derrière lui et toutes les personnes présentes au Domaine se firent la promesse de continuer de marcher dans les traces qu'il avait laissé explicitement pour eux, avec tout l'amour et la bienveillance qu'ils lui avaient connu et qu'il n'avait jamais de leur témoigner, jusqu'à la dernière seconde.

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A suivre...

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Notes :

1. La température moyenne en octobre à Athènes est d'environ 19.3°C et les précipitations sont en moyenne de 44.1mm. La nuit les températures chutent à 15.6°C et la journée elles peuvent atteindre 23.4°C. La ville connaît aussi, en printemps et en automne, des averses diluviennes assez impressionnantes mais courtes.

2. Rōshi (老師?), est un titre honorifique japonais qui signifie « vieux [vénérable] maître ». Il pourrait s'agir de la contraction de rōdaishūshi, « maître ancien de la tradition ». Dans le bouddhisme zen (en particulier Rinzai, ce titre est surtout conféré aux moines qui ont réalisé une grande compréhension du dharma, et qui en ont fait une expérience directe, nommée satori, c'est-à-dire qui se sont éveillés à leur véritable nature et se sont réalisés au travers de la voie du zen.

3. La phrase exacte est : "Si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi." Et elle est signée Henri de la Rochejaquelin. Mais, Athéna étant la Déesse de la Stratégie militaire et guerrière (et non de la Guerre, comme Elle est malheureusement si souvent présentée de manière erronée), et surtout, Elle est la Déesse de la Sagesse, j'ai préféré retirer la notion de vengeance, qui n'est guère une bonne conseillère, ni un très bon guide. Il vaut mieux (selon moi) pleurer ses défunts que de chercher à les venger.

4. Cf chap 14-15

5. Byakho : en japonais, Tigre blanc, (Bái Hǔ en chinois). Le Byakko est un tigre blanc portant sur son front le caractère 王 (signifiant roi), qui représente son identité de roi des bêtes. Son apparence est basée sur ces rares tigres du Bengale à la fourrure blanche (causée par une absence du pigment phéomélanine). Le Byakko est l'un des Quatre Symboles du mysticisme chinois - les quatre créatures mythologiques qui constituent les quatre directions cardinales (le Tigre blanc de l'Ouest, le Dragon azur de l'Est, l'Oiseau vermillon du Sud et la Tortue noire du Nord). Ainsi, les Quatre Symboles (appelés Shijin au Japon) sont associés à des concepts spécifiques. Dans le cas présent, le tigre blanc représente la couleur blanche, l'élément métal, la saison de l'automne, la planète Vénus et la vertu de la droiture. Il fait également partie du système de constellation chinois. En tant que tel, le Tigre blanc est un être céleste, une série de constellations stellaires, qui occupent le quart ouest du ciel. Dans le système de constellations grec, l'arrière du tigre est situé dans Andromède et les Poissons, son milieu dans Arès et le Taureau et son avant dans Orion. Tout comme le kitsune, un renard normal qui devient un yokai, un tigre ordinaire devient un Byakko après avoir vécu 500 ans, d'où la réflexion de Mu. Lorsqu'il atteint ce grand âge, sa queue devient blanche et il devient un yokai. En tant que tel, il a la capacité de contrôler le vent et de régner sur les autres bêtes. Cependant, dans la légende chinoise, le Byakko n'apparaît que lorsque l'empereur au pouvoir est exceptionnellement vertueux ou que le monde est en paix. Plusieurs éléments me font penser à Dokho, dont le nom signifie lui-même tigre en chinois, je le rappelle au passage.

6. Pero : interjection en italien marquant la surprise et l'étonnement, qu'on pourrait traduire par « ah quand même ! ».

7. Dans le domaine maritime, l'échouage est une manœuvre délibérée consistant à laisser le navire se poser sur le fond de la mer, généralement en tirant parti d'une marée descendante. L'échouage s'oppose à l'échouement, qui est, lui, un accident de navigation. Dans les mers à marée, on appelle port d'échouage un port où la hauteur d'eau est insuffisante à marée basse pour que les navires continuent à flotter : ceux-ci reposent donc à marée basse sur le fond. Ces ports ne sont accessibles que lorsque la marée est suffisamment haute. L'échouage est également une technique utilisée pour caréner la coque d'un navire. Dans l'Antiquité, l'échouage était la principale technique de mise à terre de l'équipage et des marchandises. Carthage, par exemple, possédait un port d'échouage, qui était en fait une vaste lagune sableuse. J'imagine un peu la même chose ici.

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Merci d'avoir lu ce chapitre et peut-être aussi ces longues notes ! J'espère qu'il vous aura plu.
Pour tout vous dire, j'avais écrit bien plus de scènes, mais je ne voulais pas étirer encore la fic en dédoublant le chapitre, alors j'ai fait un tri !

Le prochain chapitre nous fera faire un bond de quelques semaines, jusqu'à l'anniversaire de Milo, le 8 novembre.
Vous y êtes tous conviés, j'espère vous y voir !

Bonne semaine à vous, normalement à dimanche prochain.

Prenez soin de vous et de vos proches.

Lysanea

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