Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Simo,
Pairing et personnages pour ce chapitre : Rhadamanthe x Kanon
Rating : T+

Note : Bonjour fidèles lecteurs et lectrices, merci d'être au rendez-vous !

Felina07 : Hello ! J'espère que cette fois-ci, tu commences enfin à aller mieux ! Si ce n'est pas encore le cas, ne te décourages pas, a croche-toi surtout ! Je te remercie encore sincèrement de prendre du temps, comme à chaque fois, même si tu n'es pas en forme. J'espère que ce nouveau chapitre, bien que long, pourra te divertir.

Mini-Chan : Coucou ! Je suis contente et soulagée d'apprendre que tu vas mieux. J'espère que tu auras pu faire tout ce que tu avais prévu, le week-end du 17 ! Une randonnée littéraire, ce doit être si intéressant ! Malgré la proximité de la Fare, je n'avais pas eu l'occasion d'aller au Parc du Lubéron. A cause de la canicule et des incendies, nous n'avons pas pu visiter la région. On avait pas beaucoup de temps non plus pour jouer les touristes, nous n'étions pas en vacances après tout ! Le peu de sorties que nous avions prévu ont été annulées, nous avions aussi une sacrée poisse ! Je ne sais pas si tu as pu voir le Castellas et s'il y avait quelque chose à voir et à faire, j'espère ne pas t'avoir fait perdre ton temps en t'envoyant là-bas ! Pour le chapitre, tu as tout à fait cerné mon intention concernant Rad et Kanon, l'accent sur la relation intellectuelle plus que sexuelle alors qu'ils sont dans un lit. Je l'explique d'ailleurs en dessous. Merci à toi, encore une fois, pour ton soutien et nos échanges très plaisants ! Le prochain chapitre sera pour toi, celui-ci est finalement consacré à Shaka, désolée pour le petit report ! Prends bien soin de toi et n'inquiète pas trop ta moitié d'orange XD !

Note importante : J'ai finalement décidé de poster le chapitre sur Shaka et Ikki, il est un peu long, j'espère que vous ne le sentirez pas trop ! C'était aussi l'occasion de revenir sur d'autres relations et d'autres liens, notamment l'amitié entre Shaka et Aphrodite.

Concernant le dernier chapitre, il y avait effectivement beaucoup d'infos, et c'était volontaire. Je voulais montrer le couple RhadKanon autrement que comme des mecs virils bourrés de testostérone qui se jette l'un sur l'autre à tout bout de champ. Là, dans un lit, nus, avec un fort désir l'un de l'autre, ils choisissent cependant de discuter calmement, de sujets profonds, et de se câliner en toute simplicité. Je n'ai (presque) rien contre les fics où ils se montent dessus après un simple échange de regards et sans dire un mot, mais dans ma fic, ils sont à un autre stade de leur relation.

Bonne lecture à tous !

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Le Fil rouge du Destin

Chapitre Quarante-trois : Le plaisir se ramasse, la joie se cueille, et le bonheur se cultive.
(Bouddha)

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Le Sanctuaire
Samedi 2 décembre 1989
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Lorsque la Déesse Athéna était présente au Sanctuaire, les repas étaient généralement pris dans une grande salle divisée en un coin repas et un coin salon détente avec télé, magnétoscope, chaîne hi-fi, baby-foot, flipper et depuis peu, deux bornes d'arcade.

Située entre les appartements de la Déesse, ceux des Popes et ceux des Bronzes, elle leur permettait de se réunir, de manger ensemble, de passer des moments conviviaux, de prendre le thé ou le café. Les Bronzes l'utilisaient souvent le soir. Il y avait même un rétroprojecteur pour diffuser des films sur le mur qui servait de grand écran, comme au cinéma.

Les autres Chevaliers étaient évidemment les bienvenus dans ces deux espaces, même si pour la détente, une majeure partie d'entre eux passaient plus de temps au kafeion, surtout quand les Bronzes n'étaient pas là.

Concernant les repas, les employés les préparaient toujours en grande quantité. Ce qui n'était pas consommé était ensuite mis à disposition dans les cuisines pour tout le monde, y compris le personnel.

C'était d'ailleurs la raison pour laquelle très peu de Chevaliers venaient se servir, ils leur laissaient généreusement profiter du fruit de leur travail. Ils se dépannaient très bien les uns les autres, si leurs frigos étaient vides ou leur motivation pour cuisiner au plus bas. Mais par respect tout de même et pour ne pas les vexer, ne pas leur donner le sentiment qu'ils n'appréciaient pas leurs efforts ou leur nourriture, ils allaient chercher parfois une boite ou deux en oubliant jamais de les remercier et les complimenter plus tard.

Ce matin-là, qui avait suivit l'anniversaire de Seiya, le petit-déjeuner fut pris un peu tardivement pour certains.
Ils se retrouvaient généralement à la même heure autour d'Athéna, personne n'était jamais en retard, mais cela fut plus difficile au lendemain de cette fête qui avait duré fort longtemps.

Heureusement, les Bronzes ne buvaient pas.
Même Ikki qui avait l'âge légal avait choisi une vie saine et sans alcool, à l'image de son compagnon qu'il admirait tant.

Seiya s'était même moqué de lui en faisant remarquer qu'il buvait plus quand il n'y était pas autorisé qu'à présent qu'il le pouvait.

Le Phénix n'avait pas trop apprécié qu'il fit dit passer pour un ivrogne et un voyou devant tout le monde et surtout, Shaka, car Arès tout, il n'avait jamais bu que quelques bières à faible teneur en alcool.

Le Sixième gardien l'avait rassuré et détendu en racontant comment Mu et lui s'étaient retrouvés complètement saouls, un jour où il avait été lui rendre visite à Jamir, alors qu'ils avaient 12 ans. Ils s'étaient persuadés, et aucun des deux ne savait pourquoi ni comment, que boire le vin cérémoniel de purification permettrait à Mu d'entendre Bouddha et à Shaka, qui l'entendait déjà, de le rencontrer vraiment.

La seule chose qu'ils avaient entendu et vu, c'était le Maître de Jamir se fâcher et crier sur eux comme il ne l'avait jamais fait auparavant.

Cette anecdote, et surtout le fait de la raconter sans gêne et même, avec amusement, par le Sixième gardien autant que le Premier, avait chassé définitivement la honte et l'inconfort d'Ikki. Il avait remercié son compagnon d'un baiser sur la joue qui avait surpris et rassuré bon nombre des personnes présentes.

Après deux mois de relation, Ikki semblait enfin accepter sa place aux côtés de Shaka, l'homme le plus proche des Dieux, certes, mais surtout, de lui.
Ce qui était un temps passé pour de la pudeur et de la discrétion en public s'était en fait révélé comme une attitude similaire en privé.

Cela avait donné lieu à quelques discussions chez les Ors.

Shaka était allé prendre conseil auprès de Mu et Aphrodite, ses plus proches amis, puis sur les recommandations de ce dernier, auprès de Kanon. Le cadet des Gémeaux avait, de son côté, déjà été sollicité par Ikki, qui ne confiait qu'à lui, peu importait le sujet. Mais sur l'invitation du Troisième gardien, le Phénix avait accepté l'idée de parler avec Angelo et Shura de tout ceci.

Il avait par contre refusé d'aborder le sujet avec Aphrodite et Mu, qu'il jugeait bien trop proche de Shaka.
Saga et Aioros avaient à leur tour eu vent de la situation, mais ils étaient restés à l'écart pour ne pas incommoder le Phénix.

Cela faisait déjà beaucoup de gens à s'impliquer dans une situation qui relevait de l'intime.

Personne ne révéla d'où vint l'indiscrétion, mais Milo finit par être mis au courant, et de ce fait, très rapidement, Camus, qui n'avait rien demandé, aussi, ainsi qu'Aiolia, qui, suivant les conseils de Marine à qui il s'était forcément confié, s'abstint d'aller trouver Ikki, malgré son envie de l'aider.

Alors oui, pratiquement tout le monde avait été au courant, même Aldébaran qui s'était trouvé à prendre le thé avec Shaka et Mu un jour où ils en discutaient ouvertement devant lui.

Mais Ikki ne l'avait jamais ressenti.

Il avait peut-être compris que certains étaient au courant et bien sûr, cela le gênait, en soi, mais il n'avait pas cette impression désagréable qu'on le regardait et murmurait dans son dos, qu'on se moquait de lui.

Bien au contraire.

Les Ors et Marine avaient tous agi comme des grands frères responsables et concernés.
Ce qui avait grandement soulagé le Phénix, vu ce dont il était question…

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Flash back

Le Sanctuaire,
Temple de la Vierge
Vendredi 10 novembre 1989

Aphrodite rejoignit Shaka dans le magnifique jardin d'hiver dont ils étaient tous les deux très fiers.
Un vrai havre de tranquillité, luxuriant et coloré.

- Salut, Shaka ! Namasté.

- Bonjour, mon ami, répondit le Sixième gardien en se levant. Namasté. Je t'en prie, installe-toi.

Ils se saluaient des deux façons, les mains jointes avec une légère inclinaison du buste, puis une embrassade.
Cela n'avait pas grand sens pour certains, mais tant pis !

- Merci beaucoup pour l'invitation. Ça sent tellement bon, comme toujours ! C'est le thé qui embaume comme cela ? demanda-t-il alors qu'ils s'asseyaient face à face autour de la petite table ronde bien garnie.

Il y avait également une petite desserte à côté.

- Oui, en effet.

- Un thé au beurre, mais sans beurre, cela me fascinera toujours. Par quoi l'as-tu remplacé, cette fois-ci ? (1)

- De la purée d'amandes. C'est mieux pour le porridge du petit-déjeuner.

Shaka retira un couvercle posé sur un saladier et les yeux d'Aphrodite s'illuminèrent.

- Ton fameux tsampa ! Tu sais que je ne mange plus que cela au petit-déjeuner, maintenant ? Enfin non, j'ai encore du mal à me passer de mes œufs brouillés.

- Tu as remplacé ton muesli traditionnel de ton enfance en Suède par le tsampa ? s'étonna Shaka.

- Oui ! Depuis quasiment un mois, Mu et moi passons toutes nos nuits ensemble, et comme il en mange comme toi tous les matins, il y en a toujours, que ce soit chez lui ou chez moi. À force de le partager, j'ai fini par le préférer à mon souvenir d'enfance lait caillé, muesli, fruits. Et puis, entre nous, il n'était pas si bon que cela, c'était plus une forme de nostalgie, peut-être…

- Je comprends.

- Par contre je triche un peu, j'ai ramené du beurre de yak de Jamir, enfin, du village en contrebas que Mu m'a fait découvrir, c'est beaucoup trop bon ! Alors je l'utilise, depuis. J'aime aussi vos variantes sans produits issus d'animaux, mais son goût est quand même exceptionnel…

- Je m'en souviens, oui.

- Oh, tu y as déjà goûté ?

- Oui, bien sûr. Nos Enseignements commandent de manger, boire et vivre tous nos interdits une unique fois avant d'y renoncer par conviction. Il est plus facile de se priver de ce dont nous n'avons pas fait l'expérience, que de ce que nous connaissons et avons apprécié une fois.

- C'est vrai, Mu me l'avait expliqué aussi. Vos Enseignements sont vraiment rudes.

- Ils sont justes, et permettent à l'Homme de se contenter de l'essentiel.

- Je le vois bien. Moi qui étais assez superficiel, j'ai changé et j'apprends beaucoup chaque jour à votre contact à tous les deux.

- Tu ne l'étais pas tant que cela, mon ami. Tu en rajoutais beaucoup. Cela n'a pas été très difficile pour toi de suivre certaines de nos recommandations.

- Je le reconnais. Mais pour la nourriture, c'est encore un peu difficile pour moi ! Et découvrir le beurre de yak, il y a dix jours, ne m'a pas aidé à aller dans le bon sens ! grimaça le Douzième gardien.

- Chacun son rythme. Et c'est pour cela que si tu le souhaites, je peux te préparer du tsampa traditionnel, il faudrait simplement que tu m'apportes le beurre. Je suis désolé, je n'ai pas tenu compte de ta nouvelle passion pour cette découverte culinaire. Je sais que tu aimes la façon dont je le prépare sans lui, donc je n'ai pas réfléchi davantage.

- Mais c'est parfait comme cela, inutile de faire quoi que ce soit de plus ! assura Aphrodite en les servant d'ailleurs tous les deux. Et j'ai vu que tu avais fait des œufs pour moi, en plus, c'est vraiment très gentil à toi.

Le Sixième gardien avait découvert les plats, à présent, et le petit-déjeuner s'annonçait sain et copieux, comme toujours chez lui, avec un vrai voyage entre sa terre d'origine, la région de l'Himalaya, celle d'Aphrodite, la Suède et le Grand Nord, et leur pays d'adoption, la Grèce. Même le Canada était présent, d'ailleurs.

Outre le fameux tsampa et le thé au beurre, il y avait des petits pains frits en forme de galette du Tibet, de la confiture, du sirop d'érable que les Popes avaient généreusement ramené de Toronto en quantité et qui remplaçait le miel pour ceux qui n'en consommaient pas, du jus d'oranges fraîchement pressées, et pour le salé, des œufs brouillés, du fromage, des petits chaussons fourrés, des concombres, des tomates, sans compter les nombreux fruits à disposition dans la grande corbeille.

- C'est normal, répondit le Sixième gardien. J'ai été en chercher hier au Treizième, j'en ai profité pour prendre du fromage, aussi. Ici, tu as des crudités pour tes tartines. (2)

- Merci encore, Shaka, mais vraiment, il ne fallait pas. Je te l'ai dit cent fois, si je viens prendre le petit-déjeuner avec toi, ce n'est pas pour te faire travailler davantage et encore moins, cuisiner des produits que tu ne consommes pas.

- Ne t'en fais pas, Ikki mange aussi des œufs, le matin, avec son bol de riz.

- Oh, il est là, on devrait l'attendre alors, non ? Je n'ai vu que deux couverts, j'ai pensé que nous étions seuls.

- Nous le sommes, à table, car il a déjà pris son repas. Il doit rejoindre le chantier des nouveaux bâtiments, il termine de se préparer à l'intérieur.

- Je n'ai même pas fait attention… C'est vrai qu'il travaille là-bas, maintenant. C'est une bonne chose, comme cela, il rentre tous les soirs ici te retrouver !

Shaka secoua la tête.

- Nous dînons généralement ensemble, mais il ne passe pas toutes ses nuits ici. Parfois, il va dans les quartiers des Bronzes, quelques autres, dans ses appartements au Treizième. Il aide aussi Elias à la taverne, à Rodario, le soir et dort sur place, car il lui prête une chambre.

- Mais pourquoi ? Cela ne lui prendrait que quelques minutes de revenir !

Le Sixième gardien ne répondit rien, car le cosmos d'Ikki se faisait sentir à présent, comme il les rejoignait.
Il entra peu après dans le jardin.

- Bonjour, Aphrodite, le salua-t-il en lui faisant la bise.

- Salut, Ikki ! Tu sens bon ! Tu vas bien ?

- Merci. Oui. Et toi ?

- Aussi ! Shaka vient de me dire que tu avais déjà pris ton petit-déjeuner, c'est dommage. Tu n'as pas le temps pour un thé ou un café ? Où juste un jus de fruits ?

- Désolé, on m'attend sur le chantier. Une autre fois. Bon appétit et bonne journée.

- D'accord... Bonne journée et bon courage !

- Merci. À plus tard.

Ikki posa la main sur l'épaule de Shaka et sortit.
Aphrodite regarda son ami, incrédule.

- Qu'y-a-t-il ? finit-il par lui demander.

- C'était quoi cette main sur l'épaule ?

- C'est-à-dire ?

- Mais enfin, pas un baiser, même sur la tête, la joue, rien ? C'est comme cela qu'il te souhaite une bonne journée ? Ou c'est parce que je suis là ? Dis-moi que c'est parce que je suis là et qu'il est trop timide…

- Ta présence ne change rien, Aphrodite, révéla Shaka en reposant sa tasse de thé dont il avait pris une gorgée. C'est comme cela à chaque fois.

- Vous ne vous embrassez pas ? s'étonna le Douzième gardien en reposant son verre de jus d'oranges.

- Non.

- Jamais ?

- En dehors de nos moments intimes, non.

- Mais enfin… pourquoi ? Tu n'aimes pas cela ?

- Si.

- Il n'aime pas cela ?

- Je pense qu'il apprécie sincèrement et y prend du plaisir. Mais seulement dans nos moments intimes.

Aphrodite se laissa aller dans sa chaise, stupéfait.

- Alors là, je tombe des nues ! Comment c'est possible ? Et tu l'acceptes sans rien dire ?

- Je ne vais pas le forcer, Aphrodite, répondit calmement Shaka.

- Il te repousse ?

C'était totalement impossible que quelqu'un repoussât Shaka, il ne le concevait même pas.

- Non, mais je vois bien que cela le gène, souvent. Alors, j'ai décidé de ne plus le lui imposer.

Le Douzième gardien se redressa et posa sa main à plat sur la table un peu sèchement.

- Mais voyons, c'est ridicule ! S'il aime ça quand vous faites l'amour, il devrait aussi aimer ça en dehors aussi ! Il est gêné ? Il a peur de ne pas pouvoir se contrôler parce qu'il a envie de plus ?

Shaka secoua encore la tête.

- Mais vous vous aimez !

- Tu sais, mon ami, il ne suffit pas de s'aimer et de se l'avouer pour que tout aille bien.

- Ça ne va pas, entre vous ? se désola Aphrodite. Je croyais que tout était parfait…

- Tout ne peut être parfait, à l'image des êtres humains imparfaits mais perfectibles que nous sommes. Même dans les couples les plus en harmonie. Dans notre cas, disons que Ikki… a du mal à gérer la différence qu'il perçoit entre nous.

- À quel sujet ? L'âge ? L'expérience ?

Le Sixième gardien s'accorda une courte réflexion.

- Je ne sais pas comment qualifier cela. Le rang, peut-être ? Nos statuts ?

- Quoi, il a un complexe de supériorité ? grimaça le Poissons. Je croyais qu'il avait accepté l'idée de se faire prendre, il a changé d'avis ? Ce serait idiot. Je sais que c'est un fort caractère, mais bon… C'est normal qu'il te laisse le guider, du moins, dans un premier temps.

- Il n'est pas revenu en arrière, ce n'est pas dans sa nature d'agir de la sorte. Il a accepté les aspects les plus concrets et physiques de notre relation, et que l'union de nos corps ne pouvait se faire que de cette façon. Le problème ne vient pas de là. Enfin si, mais non de la façon dont tu l'entends.

- Je ne comprends plus rien… soupira Aphrodite avant de croquer dans sa généreuse tartine.

- Ikki se sent inférieur à moi. Plus que cela, il me met tellement sur un trône de pureté qu'il ose à peine me toucher, souvent. Quand nous unissons nos corps, nous sommes dans une sorte de transe, tout est merveilleux car il semble libéré de ses pensées parasites. Mais ce moment passé, il reprend ses distances et se sent même parfois coupable. J'ai beau le rassurer, lui décrire comme je me sens bien à ses côtés et à quel point j'aime ce qu'il me fait, son attitude reste égale.

Aphrodite reposa sa tasse de thé, sidéré par ce qu'il entendait, encore une fois.

- Mais Shaka, vous ne pouvez pas continuer comme cela ! S'il se met tant de barrières en dehors du sexe, s'il se laisse bloquer par la culpabilité après l'amour, votre relation n'évoluera jamais ! Tu en es conscient, non ?

- Bien évidemment et je partage ton avis. Je lui laisse un peu de temps, encore, nous sommes ensemble depuis seulement un peu plus d'un mois. S'il n'a pas de déclic de lui-même, je le provoquerais. Je ne veux effectivement pas d'une relation dans laquelle nous ne pouvons pas nous épanouir et vivre pleinement notre amour, cela n'apporterait que douleur et frustration inutiles.

Le ton de Shaka alerta Aphrodite.

- Tu ne vas pas le quitter, quand même ?

- J'espère ne pas avoir à en arriver là, mon ami. Mais s'il n'est pas capable de ne voir que Shaka, l'homme qui l'aime, c'est que l'amour qu'il éprouve pour moi ne m'est pas adressé en tant qu'homme. S'il ne peut faire abstraction de toute l'aura qui m'entoure, nous courons à l'échec. Toute réincarnation de Bouddha que je suis censé être, je n'ai nul besoin d'un adorateur. Encore moins d'Ikki dans ce rôle.

Le Douzième gardien soupira.

- Je comprends. Mais tu m'as toujours dit que ce que tu appréciais chez Ikki, c'est qu'il te traitait comme tous les autres aînés, tout en étant un peu plus proche de toi que de nous.

- En effet. Mais dès que nous sommes devenus plus intimes, il a commencé à avoir cette attitude envers moi. Il retient ses gestes presque à chaque instant. Je suis armé contre la frustration, car de la frustration naît la violence et la colère, l'un des trois grands poisons avec l'ignorance et l'avidité, contre lesquels Bouddha nous met en garde. Mais c'est différent pour Ikki, car même s'il a un très haut niveau de méditation et a fait un travail remarquable sur lui-même pour se débarrasser de sa rage et de la violence dans laquelle il a grandi sur l'Ile de la Reine Morte, je ne suis pas certain qu'il puisse gérer ce genre de frustration qui détruit de manière sournoise et insidieuse.

- Quand une histoire débute, on est dans l'euphorie, dans le désir insatiable, on veut s'aimer, on veut se prendre, ne jamais être séparé ou alors juste le temps de susciter une frustration jouissive qui sera apaisée dans un corps à corps passionné. Mais ce que tu me décris, c'est encore autre chose…

Aphrodite se mit soudain à pouffer, sous le regard incrédule de Shaka.

- Je suis désolé, mais… tu l'as tellement ébloui lors de votre première fois qu'il a eu la confirmation d'être face à un être supérieur ! C'est comme tu le disais à chaque fois de tes amants occasionnels, tu leur offres un plaisir tel qu'ils ne connaîtront jamais plus, ensuite, et ce sera difficile à gérer pour eux. Comment veux-tu qu'Ikki, du haut de ses dix-huit ans et sans grande expérience, aucune même avec un homme avant toi, puisse se remettre de cela ?

- Je ne pensais pas que cela poserait problème, puisque dans notre cas, nous nous aimons et que l'expérience est renouvelée.

- Mais justement, mon cher Shaka ! À chaque fois, il se dit que tu es bien trop au-dessus de tout. C'est normal qu'il te prenne pour un Dieu, si tu lui fais connaître le paradis à chaque fois !

- C'est aussi ton cas avec Mu, cela ne t'empêche pas de le toucher et d'oser même prendre son corps, parfois. Pourtant, tu disais aussi qu'il était trop pur, pour toi.

- Mais je n'ai pas dix-huit ans, Shaka, et j'aime le sexe, rappela Aphrodite. Alors le sexe avec l'homme que j'aime, surtout lorsqu'il est aussi doué, tu imagines bien que je suis parfaitement en capacité de faire abstraction du reste ! expliqua-t-il encore avec un léger rire.

Shaka s'autorisa un petit sourire.

- J'en suis conscient.

- Et puis, tu sais, cela fait aussi partie de mon histoire avec Mu. Il est une âme et un cœur purs, mais je suis le plus beau de tous les Chevaliers d'Athéna et au-delà. Ma beauté est pure et parfaite. Je me suis servi de cela, au moins au début, en disant à Mu que c'était un honneur et un privilège pour lui de pouvoir disposer de ce corps sublime. Tout comme ça l'était pour moi d'avoir suscité l'intérêt de quelqu'un d'aussi pur que lui. Mais au final, il m'a patiemment montré que j'étais plus qu'un corps, j'étais un être à part entière et que c'était mon être tout entier dont il était amoureux. Y compris mon passé entaché, mon âme souillée, même ce corps qui s'était fourvoyé avec le Lémure. Ce corps sale et avili, indigne de lui, il me l'a rendu pur par son amour et son regard.

- Ikki n'est pas capable de faire ce cheminement, Aphrodite, se désola Shaka. Comment lui prouver qu'il est digne de moi ? Je n'apprécie d'ailleurs guère cette notion, qui sommes-nous pour juger un de nos semblable digne ou non ?

- Et de fait, tu ne pourras pas, Shaka.

Les lèvres de la Vierge eurent un léger frémissement, presque imperceptible.

- Alors, notre relation est vouée à l'échec. J'aurais dû le prévoir et mieux anticiper, cela aurait évité quelque souffrance et de faux-espoirs. Mais je l'avais dit, l'échec d'une relation reste une expérience à acquérir, cela enrichira mes connaissances et me rapprochera de la vérité de l'existence humaine. J'espère seulement qu'Ikki s'en remettra et ne m'en tiendra pas rigueur.

- Oh là, doucement, mon ami, n'enterre pas votre amour si vite ! s'affola le Douzième gardien.

- Nos sentiments demeureront, car je nous crois sincèrement liés. Mais la possibilité de vivre notre amour semble compromise… Mon cœur se serre violemment à cette idée, Aphrodite, c'est donc ainsi que commence un chagrin d'amour ? C'est si…

- Shaka, l'interrompit son aîné en posant sa main sur la sienne, écoute ce que j'ai à te dire, avant de tirer des conclusions si hâtives.

- Tu as dit que je ne pourrais pas prouver à Ikki qu'il est digne de moi. Sans un moyen de combattre cette idée, notre relation n'a aucune chance.

- Tu as une leçon à apprendre de la manière dont tu réagis, actuellement : l'amour rend idiot.

Shaka haussa un sourcil, peu habitué à être insulté, directement ou non.

- Je te demande pardon ?

- Je suis désolé, mais tu as vraiment une attitude aux antipodes du calme et de la réflexion qui te sont propres, par nature. Et tu es aussi aveugle que je ne l'étais, alors je n'ai pas de leçon à te donner, c'est la vie qui le fait.

- Pourrais-tu être plus explicite ?

Aphrodite libéra la main de Shaka et se resservit du thé encore chaud.

- Tu es entouré de couples dont l'un des membres se considère indigne de l'autre et le met sur un piédestal. À commencer par nos Popes : Saga vis-à-vis d'Aioros, Angelo par rapport à Shura, Milo envers Camus, Kanon et Rhadamanthe, et maintenant moi avec Mu. Si nos relations fonctionnent, ce n'est pas parce que l'autre nous a prouvé que nous étions dignes d'être aimés d'eux, non. Ils ont essayé, ils essayent encore. Mais si cela se passe si bien, c'est parce que nous avons accepté que nous ne serions jamais dignes d'eux, mais que cela n'avait pas tant d'importance que cela. Car ce qui compte vraiment, c'est qu'ils ont décidé que nous étions les seuls à pouvoir les rendre heureux. C'est cela qu'Ikki doit accepter. Qu'il est ton choix, que tu ne seras heureux avec personne d'autre que lui. Et s'il t'aime vraiment, qu'il ne veut que ton bonheur, il comprendra et acceptera qu'il n'a pas à être aussi pur que toi ni digne de la perfection qu'il t'attribue, mais qu'il a seulement à t'aimer. Te rendre heureux l'élèvera à ton niveau.

- La question reste la même… comment l'amener à cela ?

- Laisse-nous lui parler. Il s'entend bien avec Kanon, il lui confie plus de choses qu'à n'importe qui, exception faite de toi. Mais c'est à lui qu'il a parlé de ses sentiments pour toi en premier. Je suis certain qu'il saura le guider. Après tout, ils sont un peu dans la même situation. Rhadamanthe est un demi-dieu, un vrai. Je ne dis pas que ce n'est pas ton cas, Shaka…

- J'entends bien, ne t'en fais pas. Je ne suis pas un Dieu, entier ou à demi, pas plus que Bouddha n'en est un. Nous ne sommes que des hommes éveillés. Et mon éveil est encore incomplet, je chemine encore et toujours sur la Voie.

- Tu es quand même plus avancé et plus proche des Dieux que n'importe quel être au monde.

- Certes. Mais je t'en prie, poursuis.

Aphrodite acquiesça.

- Kanon et Rhadamanthe ont beau être aussi puissants l'un que l'autre, Kanon se prend quand même parfois en pleine figure la réalité de l'être exceptionnel qu'est son compagnon. Ça m'écorche la bouche de le dire, mais c'est vrai. Rhadamanthe n'est pas juste le Spectre qui nous a fait chier pendant la Guerre sainte, c'est… bon, je vais pas faire la liste de tout ce qu'il est, ou je vais vraiment perdre ma mâchoire et ma langue et mes dents, mais il y aurait de quoi avoir de sérieux complexes. Pourtant, ils sont en parfaite harmonie, c'est impressionnant comme le tout qu'ils forment est sans défaut.

- Je te l'accorde. Mais leur histoire est aussi exceptionnelle qu'ils le sont tous les deux. Kanon n'est pas un être humain quelconque, Aphrodite, que ce soit son âme ou son incarnation actuelle.

- Non, bien évidemment. Tout comme Ikki ne l'est pas, Shaka, mais à une autre échelle. Il est l'unique porteur de l'Armure du Phénix de l'Histoire. Il peut revenir à la vie de manière totalement inexplicable. Son Armure se régénère seule dans un Volcan. Et il reste certainement des choses à découvrir à son sujet. Est-il seulement conscient de cela ?

- Il l'est, mais cela n'est pas suffisant face à ce que je suis et ce que je représente. A ses yeux, je veux dire, précisa-t-il avec humilité.

- Bien sûr. Laisse donc Kanon lui parler, je suis sûr que cela vous aidera. Après cela, il te collera tellement que tu en seras à ton tour embarrassé !

Shaka eut un léger sourire qu'il dissimula en prenant une gorgée de thé.

- Je n'ai jamais été quelqu'un de très tactile, tu sais. Pourtant, j'ai sans cesse envie de le toucher, de sentir sa peau contre la mienne. C'est si frustrant de ne pas pouvoir le faire, même si je parviens à me défaire de ce sentiment. Et si bon, lorsqu'il m'y autorise. Si douloureux, lorsqu'il se laisse faire mais se reprend ensuite, se crispe et s'écarte.

- Tu découvres tout ce que l'amour peut créer comme émotions et sentiments simplement en liant deux êtres.

- C'est fascinant et en même temps, perturbant.

Aphrodite lui sourit avec tendresse.

- Tu l'es aussi, Shaka. Fascinant, je veux dire. Dans la manière dont tu découvres tout, et dans tes réactions.

- Je suis idiot, j'ai bien entendu la première fois.

Il n'y avait ni reproche, ni vexation dans le ton du Sixième gardien.

- Ce n'était pas une insulte, je t'assure. C'est une bonne chose, en vérité, Tu deviens plus humain encore ! Ton image lisse se fissure un peu et c'est tant mieux.

- Tu le sais bien qu'elle n'est qu'illusion, mon ami.

- Oui, enfin, elle ne repose pas sur rien non plus. Mais en effet, tout comme Mu, tu es bien moins innocent qu'il n'y paraît ! Il faut qu'Ikki découvre aussi cet aspect-là de ta personnalité.

- Il en a un aperçu concret depuis que nous sommes en couple.

- Oui, mais il pense sûrement que tes connaissances viennent du fait que la sexualité est un enseignement, dans ta culture, qu'on vous transmet très jeune pour vous apprendre à unir l'Homme et le Divin, le physique et le spirituel, à atteindre une communion sacrée avec l'autre. Ce qui est différent de ton expérience acquise par tes aventures d'un soir.

- Il connaît mon passé, Aphrodite, je ne lui ai jamais rien caché à ce sujet. Ikki s'est montré curieux sur de nombreux éléments de mon mode de vie qui lui semblaient paradoxaux, voire en contradiction avec les préceptes bouddhiques.

- Vraiment ?

- Oui. Notamment sur la chasteté plutôt préconisée, le détachement et le renoncement à sa femme et aux enfants comme le premier Bouddha, ou encore, la condamnation de l'homosexualité par le Dalaï-Lama, entre autres.

- A ce sujet, Mu m'a dit que le Dalaï-Lama n'était que le chef spirituel des bouddhistes du Tibet, son autorité et ses Enseignements ne sont pas reconnus ni suivis par tous les bouddhistes au monde.

- En effet. C'est ce que j'ai expliqué à Ikki. Jamir n'est pas sous l'autorité du Dalaï-Lama. Notre Maître ne reconnaît que celle d'Athéna. J'ai expliqué cela à Ikki, et d'autres choses. Nous avons donc déjà eu de longues et précieuses conversations sur ces sujets précis et ma position par rapport à cela. Tout comme tu en as eu avec Mu, et même tous les trois, ensemble.

- En effet. Mais tout ceci ne fait pas de toi une mauvaise personne, Shaka, juste un homme avec des besoins et une approche différente de la philosophie de vie qu'est le Bouddhisme, qui suit son propre chemin pour atteindre l'éveil, parmi tous ceux proposés et enseignés. Tout comme Mu. Mais il est possible que Ikki le voit comme l'attitude de quelqu'un au-dessus de la masse qui tente des expériences pour mieux comprendre le genre humain…

Shaka soupira, alors Aphrodite reposa à nouveau sa main sur la sienne un court instant, avant de reprendre sa position.

- Tu sais, quand je dis que Ikki doit voir un aspect moins innocent de ta personne, je ne pensais pas seulement à ce que tu avais pu faire. Je parlais de voir au sens propre, pas simplement avoir la connaissance de ce passé.

Le cadet posa un regard perplexe sur son aîné.

- Je ne suis pas sûr de te suivre… Tu voudrais qu'Ikki me voit avoir des aventures avec d'autres hommes ? Qu'il nous regarde ?

- Mais bien sûr que non, Shaka, voyons ! s'esclaffa le Douzième gardien. Par Athéna, quelle idée !

Le Sixième gardien soupira de manière peu habituelle, témoignant son soulagement.

- J'avoue que tu m'as fait craindre le pire... De quoi s'agit-il, alors ?

- Je vais te confier quelque chose, et tu vas comprendre où je veux en venir. La première fois que j'ai pris Mu, j'étais très fébrile et angoissé. J'étais inexpérimenté, je n'avais connu que deux mâles alpha, avant lui, qui ne m'avaient jamais laissé le choix ni demandé mon avis. Je me disais que je ne pourrais jamais lui donner autant de plaisir qu'il m'en donnait depuis des semaines… L'idée aussi que je souillais en profondeur ce corps si pur me trottait dans l'esprit et me perturbait, me rendait sûrement maladroit… Et puis, alors qu'on le faisait, il s'est mis à afficher toute une palette d'expressions si… comment dire…? Tu vois, si la luxure avait un visage, elle aurait eu le sien, cette nuit-là.

- Je vois, oui.

- Il était si avide du moindre de mes gestes, de mes mouvements, si affamé sous mes baisers, si perdu dans le plaisir que j'ai eu le sentiment d'être vraiment quelqu'un d'important, se souvint Aphrodite avec émotion. J'étais maître de son plaisir, c'est moi qui le rendais comme ça, moi et moi seul. Il n'y avait que moi qui pouvait le rendre si heureux et comblé, c'est ce qu'il me transmettait, car il y avait comme une sorte d'étonnement à ressentir tout cela. Et cela allait au-delà du sexe, parce qu'il y avait une réelle communion entre nous. Moi aussi, j'en étais capable, je pouvais créer cela, nous faire arriver à cet état parfait d'union totale et libre. Rien que de t'en parler, j'en ai encore des frissons.

Il avait montré son bras nu qui, effectivement, s'était couvert de chair de poule.

- Je pense comprendre ce que tu veux dire.

- Maintenant, il faut que ce soit Ikki qui comprenne que votre couple est un et indivisible. Il forme un tout qui est parfait et pur. Peu importe que cette pureté et cette perfection soient amenées à 70% par l'un et 30 % par l'autre, cela s'efface quand vous êtes ensemble.

- Qu'il comprenne et accepte, Aphrodite. Le nœud du problème est dans l'acceptation, car il a parfaitement compris le reste et ce qui se passe, au moment de l'union de nos corps. Je vais donc suivre ton conseil et demander à Kanon de lui parler. Mais pourrais-tu le faire, toi aussi ?

- Bien sûr, Shaka. Je dirai aussi à Angelo de lui toucher un mot, si tu veux, car s'il y en a bien un de qui on pourrait penser qu'il est peu digne de son compagnon, à tort ou à raison, c'est bien lui !

- Nos situations sont différentes, néanmoins, Angelo et Shura ont eu une première vie ensemble où ils ont dû étouffer leurs sentiments. Cette seconde chance est inespérée, ils ne peuvent pas se permettre de la laisser passer.

- C'est aussi votre cas, Shaka. Vous n'avez pas eu le temps et l'occasion de développer les sentiments qui ont éclos dès votre première rencontre. Vous pouvez le faire, aujourd'hui.

- Mais nous n'avions encore rien vécu, Ikki et moi, nous n'avions même pas encore mis de mots sur ce que nous ressentions l'un pour l'autre, aussi fort que cela ait été.

- Ce qui ne l'a pas empêché de s'isoler après la Guerre sainte, vivant son deuil au cœur du volcan de l'Ile Canon où il régénère son Armure. Shun m'a parlé de toute cette période, cela a été difficile pour lui, avec Seiya grièvement blessé, les nombreux cauchemars qu'il faisait suite à la possession d'Hadès, entre autres. Heureusement que Hyoga et June étaient là, mais il aurait voulu qu'Ikki soit près de lui ou accessible. Mais personne ne pouvait l'atteindre, Shaka, il n'aurait rompu son isolement que si ses frères ou Athéna avaient été en danger. Mais il l'a fait dès qu'il a senti ton cosmos au Sanctuaire. Que tu reviennes à la vie l'a également fait remonter à la surface. Tout cela pour dire que lui aussi est pleinement conscient de cette nouvelle chance à ne pas gâcher. Différemment d'Angie, je le conçois, mais suffisamment tout de même.

- Je te l'accorde.

- Et puis, Angelo et Ikki ont un peu le même caractère.

- Ikki est bien plus respectueux.

- Évidemment, sourit Aphrodite. Il a plus de qualités qu'Angelo, c'est certain. Mais ce sont tous deux des esprits libres et rebelles. Même si Angelo est complètement dépendant de Shura, aujourd'hui.

- Il l'a toujours été.

- Oui, c est vrai, mais c'était plus subtil, avant. En un sens, je suis content qu'il doive partir avant Shura. Il n'aurait pas tenu une semaine sans lui. Cela va être très difficile pour Shura, surtout que nous partirons tous les deux en même temps. Mais il tiendra plus longtemps, il a son devoir envers Athéna et Saga qui le feront rester debout, même mort à l'intérieur. Angelo aurait aussi eu Marine et Simon, mais est-ce que cela aurait suffit ?

- La question ne se pose pas, Aphrodite.

- Oui, tu as raison.

- Pour ma part, sois assuré que je soutiendrai Mu de toutes mes forces, après ton départ. Cela va être très difficile pour lui et je pèse mes mots.

- Je ferai en sorte d'être insupportable la dernière année, comme cela, il sera soulagé de se débarrasser de moi ! plaisanta le Douzième gardien.

- Tu sais bien que cela ne fonctionnera pas.

- Oui. Alors autant que nous en profitions jusqu'à la dernière seconde. J'aurais au moins cette chance de mourir dans les bras de l'homme que j'aime. C'est lui qui recueillera mon dernier souffle.

- C'est déjà décidé.

- Il n'y a même pas eu besoin d'en discuter, c'était une évidence dès le départ. Enfin, je ne l'imposerai pas à Mu si c'est trop difficile pour lui, nous réévaluerons à l'approche de l'échéance fatidique. Mais oui, je voudrais mourir dans ses bras, ses lèvres contre les miennes, sentir son souffle et sa chaleur jusqu'à la dernière seconde. Avec, si possible, de l'autre côté, Angelo dont je tiendrai la main. Et à travers nos mains liées, je sentirai aussi Shura car il sera dans ses bras, forcément. Et comme tu seras aussi assurément près de Mu, je percevrai également ta présence.

Aphrodite se mit soudain à rire.

- Que se passe-t-il ? s'étonna Shaka, ne comprenant pas d'où venait son amusement alors qu'il décrivait une scène très belle et touchante.

Assez triste, aussi.

- 0On parlait de cela avec Angie, l'autre jour, et bon, tu le connais, il a toujours des idées douteuses et perverses. Il me disait qu'il hésitait pour ces derniers instants, il ne savait pas trop, niveau timing, mais il aurait aimé être en train de faire l'amour avec Shura et de partir vraiment sur leur dernière jouissance commune. Je trouve cela tellement glauque, en vérité ! Et je riais, parce qu'il me disait « mais imagine qu'on se loupe, Beauté, je vais laisser Shura avec une trique de tous les diables et personne pour le soulager ! »

Contre toute attente, Shaka laissa échapper un petit gloussement.

- Quelle idée !

- Il était sérieux, en plus ! assura Aphrodite en riant lui aussi.

- Rassure-moi pour Shura, il ne va pas le faire ?

- Je pense qu'ils vont le faire, mais bien avant l'heure fatidique. Comme chaque couple, je suppose… Mais pour la dernière heure, au moins, pour ma part, je veux juste être dans les bras de Mu, près d'Angelo et Shura et ce baiser aux dernières secondes. Juste ses lèvres contre les miennes comme dernier souvenir, et ses yeux, aussi. Ils seront sûrement un peu plus roses, d'ici une quinzaine d'années. C'est court, au final, hein… dix huit ans... Ça va passer vite. J'ai déjà la certitude que j'aurais voulu passer une vie bien plus longue avec lui… Je n'ai jamais eu autant envie de vivre longtemps… de vivre, simplement…

- Aphrodite…

Le Douzième gardien, dont la voix s'était presque faite murmure et le regard baissé et voilé, releva la tête vers son ami.

- Je sais, on doit vivre le moment présent pleinement et ne pas perdre de temps avec un passé révolu et un avenir dont on ne sait rien. C'était juste une réflexion qui est venue au cours de la discussion.

Shaka ne répondit rien, lui offrant son soutien discret à travers son cosmos.

Le silence se fit alors, tandis qu'ils terminaient de manger, mais se resservaient du thé.
Puis, le Sixième gardien reprit la discussion pour ne pas rester sur ces notes de tristesse.

- Je te remercie, Aphrodite pour tes conseils et tes éclaircissements.

- Je t'en prie ! J'espère que tout va vite s'arranger ! Je ne sais pas comment tu as tenu si longtemps en l'embrassant si peu ! Moi, je ne pourrais pas !

- Oui, mais toi, selon tes propres termes, tu es un dépravé.

- Oh ! s'offusqua Aphrodite mais avec un petit rire. Shaka !

- C'est toi qui le dis.

- Cela sonne autrement dans ta bouche !

- Je te prie de m'excuser, dans ce cas.

- Mais non, ça me fait plaisir que tu te le permettes ! le rassura son aîné. J'aime bien quand tu me taquines. Mais tu sais, je ne suis pas le seul qui réclames des baisers, Mu en initie beaucoup, lui aussi !

- Je n'en doute pas. Tu as été assez explicite à ce sujet, en me décrivant sa tête de dépravé pendant l'amour.

- Je n'ai jamais dit cela ! s'offusqua encore Aphrodite mais toujours en riant. Shaka, par Athéna ! Ne lui dis jamais une telle chose, je t'en supplie !

- Tu as ma parole.

Aphrodite soupira de soulagement.

Je te crois. Après tout, tu ne me dis jamais rien de ce qu'il te confie sûrement à mon sujet ou à notre sujet.

- Non, en effet.

Aphrodite plissa les yeux par-dessus sa tasse de thé dont il venait de prendre une gorgée.

- Mais… il te parle beaucoup de moi ? demanda-t-il en la reposant.

- Autant que toi de lui.

- Vraiment ? Et c'est positif ou il se plaint ?

Shaka but une longue gorgée de sa propre boisson chaude sans quitter Aphrodite des yeux.

- Tu ne répondras pas à cette question, finit par deviner ce dernier.

- Car tu connais déjà la réponse, mon ami.

Le Douzième gardien sourit à son tour.

- J'espère que si un jour, il a vraiment à se plaindre de moi, mais qu'il n'ose pas m'en parler, tu m'avertiras.

- Aphrodite, tu crois vraiment qu'une telle chose pourrait se produire ? Mu sera toujours honnête avec toi, même si cela doit te blesser. Il choisira toujours la vérité qui blesse plutôt que le mensonge qui tue. Il ne laissera jamais le mensonge ou les non-dits s'installer entre vous.

- Oui, il déteste cela, c'est vrai.

Shaka observa son ami qui avait pris un air rêveur et dont les yeux étaient incroyablement doux, tandis qu'il parlait de son compagnon.

- Aphrodite, dis-moi, ai-je une expression particulière lorsque je parle d'Ikki, moi aussi ?

- Comment cela ? demanda le Douzième gardien en se concentrant à nouveau sur son cadet.

- Ton regard s'adoucit considérablement quand tu évoques Mu et tu sembles soudain comme dans une autre dimension. Pourtant, tu es bien là. Je me demandais si le fait d'aimer profondément une personne amène à ce changement physique, que j'ai aussi remarqué chez d'autres.

- Oui, bien sûr ! Je crois que le plus flagrant, c'est chez Angelo. Quoi que, on commence à bien le voir chez Camus, aussi, depuis quelques temps. Pour ma part, en tous cas, j'en suis encore au stade où penser à Mu, prononcer son nom fait toujours battre mon cœur plus vite. On est sur notre petit nuage depuis qu'on s'est déclaré, il y a deux mois, on vit des moments très forts, on en ressent les vibrations et l'écho des heures durant. C'était aussi un peu le cas les mois précédents, mais d'accepter et d'avouer ses sentiments a quand même fait monter l'intensité d'un cran. Ou même deux.

- Je ne peux pas en dire autant pour Ikki et moi.

- Pas encore, car vous ne vous autorisez pas encore à vous aimer pleinement et sans culpabilité ni doute. Mais quand ce sera le cas, tu verras, Shaka, tout sera différent. Et ne t'inquiète pas, on va faire en sorte que cela arrive rapidement. D'ailleurs, Kanon ne devrait pas tarder à remonter des Enfers, on pourrait lui demander de passer, s'il n'est pas trop pressé, si tu es d'accord ?

- Oui, bien sûr. Il est peut-être déjà là… Oui, je sens sa présence au Troisième. Je vais l'inviter.

- Parfait ! se réjouit le Douzième gardien.

- Il arrive, annonça Shaka après un court instant.

Effectivement, Kanon les rejoignit peu après.

Il n'était pas Saga, son aura était différente de son aîné, mais il avait ce même charisme à la fois solaire et intimidant, qu'il était impossible de ne pas remarquer ou d'ignorer, à son approche ou son entrée quelque part.

Il les salua chaleureusement et s'installa, et Shaka lui proposa de partager leur petit-déjeuner, même s'ils avaient tous deux terminé de manger.
Le cadet des Gémeaux accepta volontiers un petit bol de tsampa.

- Il faudrait que je fasse goûter ceci à Rhadamanthe, avec un peu de chance, il renoncera à son affreux black pudding écossais, commenta-t-il après les deux premières cuillères avalées.

- Black pudding ? releva Aphrodite. Cela me dit vaguement quelque chose…

- C'est une espèce de mélange de boudin noir et de gruau d'avoine, parfois façonné en saucisse.

- C'est si horrible que cela ? demanda Shaka en le voyant si dépité, et Aphrodite grimacer également.

Les deux aînés échangèrent un regard : Shaka ne devait pas savoir ce qu'était le boudin noir.

Camus en avait déjà cuisiné, certains connaissaient et l'appréciaient car on le trouvait dans leur pays natal, comme l'Espagne et l'Italie, mais il était très peu, voire pas du tout connu en Extrême-Orient.

Et par respect, jamais aucun d'eux n'avait proposé à Shaka ou Mu d'y goûter, d'ailleurs.
L'occasion n'avait même pas été donnée, en vérité.

Quand Camus était invité à proposer une spécialité française pour les banquets ou les repas, il choisissait le gratin dauphinois ou le bœuf bourguignon plutôt que le boudin.
Et s'il fallait rester dans la charcuterie typique, les nombreux pâtés et rillettes des régions remplissaient leur office sans choquer ni écœurer personne...

- Je ne suis pas une petite nature, répondit Kanon, et j'ai l'estomac bien accroché, mais certaines choses me révulsent vraiment en ce qui concerne la nourriture. Et en premier lieu, le sang des animaux. C'est ce qu'est le boudin noir, Shaka, un mélange de sang et de graisse de porc ou de bœuf, de mouton, plus rarement. Cela dépend où il est fait.

- Je vois, commenta sobrement leur cadet. Je comprends et partage ta révulsion, ne put-il néanmoins s'empêcher d'ajouter.

- Les Écossais le mélangent avec un gruau de céréales et le mangent au petit-déjeuner.

- Les Ecossais sont vraiment extrêmes, grimaça le Poissons. Et ton Rhadamanthe l'est tout autant, à garder les pires habitudes alimentaires de sa dernière incarnation terrestre.

- Tu sais, le boudin noir est en fait originaire de Grèce, lui révéla Kanon avec un petit sourire.

- Je n'en ai jamais vu, ici, ce n'est pas plutôt français ou italien ? Ils ont un truc avec le sang, les Italiens, Angelo m'a parlé d'un gâteau au chocolat et au sang… C'est écœurant !

- Ce n'est plus très courant de le trouver ici, de nos jours, mais c'est mentionné dans des écrits anciens, notamment dans l'Odyssée d'Homère, où il est question d'une saucisse de sang et de gras.

- C'est immonde, peut-on parler d'autre chose avant que je ne rende ce délicieux petit-déjeuner que je n'ai même pas commencé à digérer ? demanda le Douzième gardien en se servant un peu d'eau alors qu'il pâlissait à vue d'oeil. Tu vas me faire regretter d'avoir proposé que tu nous rejoignes.

- Oui, pardonnez-moi, tous les deux. Je vois que tu n'es pas très à l'aise non plus, Shaka, je suis désolé.

- Je viens de me souvenir qu'il existe une ville au Tibet où ce genre d'aliment est une spécialité.

- Au Tibet ? s'étonna Aphrodite en reposant son verre qu'il avait vidé d'une traite. Tu es sérieux ?

- Oui, à Lhassa plus précisément. C'est une saucisse qui est composée d'un mélange de yak et de sang de mouton, et si l'on en croit les amateurs, cela lui donne un goût unique et vraiment étonnant.

- Ce qui me surprend, moi, c'est qu'on puisse manger ce genre de chose au Tibet. Il fait partie d'une région tellement proche de la nature et soucieuse du vivant…

- Je partage l'étonnement d'Aphrodite, appuya Kanon.

- Cela dépend des villes et même, des pays. Le Tibet dispose de milliers de plantes et végétaux comestibles et plus facilement accessibles que la viande, c'est l'une des raisons pour lesquelles il existe tant de plats végétariens. Mais tous les régimes alimentaires sont possibles, cela résulte ensuite des choix et des revenus de chacun. Pour ma part, je ne porte aucun jugement sur la manière de se nourrir des autres, je considère simplement que la nature et notre planète nous offrent suffisamment de ressources pour pouvoir vivre en bonne santé, sans avoir besoin de sacrifier d'autres créatures auxquelles a également été donné le don de la vie. Mais puisque ces pauvres animaux qui n'ont rien demandé ont été tout de même tués, autant ne rien gâcher et utiliser tout ce qu'ils ont à offrir.

- C'est… une façon de voir les choses, répondit Kanon en fronçant les sourcils, n'ayant jamais réfléchi de cette manière.

Le Douzième gardien semblait lui aussi quelque peu perplexe, ne s'attendant visiblement pas à une telle réflexion de la part de son ami du Sixième.

- Mais passons, et changeons de sujet, comme l'a si justement suggéré Aphrodite, reprit Shaka.

- Oui, et vous vouliez me demander quelque chose, si j'ai bien compris.

- En effet, Kanon. Aphrodite, accepterais-tu de résumer la situation, j'avoue être quelque peu confus et je crains de ne pas réussir à me faire comprendre. Je complèterai, au besoin.

- Bien sûr, Shaka ! Et n'hésite pas à me corriger, si je me trompe ou m'égare.

- D'accord. Merci.

Le Douzième gardien se tourna vers leur aîné et lui résuma brièvement mais brillamment la discussion qu'il venait d'avoir avec leur cadet du Sixième.
Celui-ci n'eut d'ailleurs rien à ajouter.

- Il se trouve que j'ai déjà parlé à Ikki, hier après-midi, leur confia alors le Gémeau, provoquant leur surprise. J'étais passé voir comment avançait le chantier à la fin de la journée, prendre des nouvelles des employés, et Ikki a demandé à me parler. Ce que je peux affirmer, c'est qu'Ikki est parfaitement conscient de la situation, Shaka, et elle le préoccupe vraiment. Il cherche des solutions de son côté, lui aussi.

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Flash back

La veille
Domaine sacré
Chantier de construction

- Les gars sont bien pressés, aujourd'hui, fit remarquer Kanon en regardant le petit groupe d'ouvriers s'éloigner.

- Ils se réunissent au kafeion pour écouter la radio et regarder la télé, ils attendent de savoir ce qui se passe en RDA. Tu sais, l'ouverture des frontières, le Mur de Berlin, tout ça… C'est pas facile d'avoir des infos, alors que c'est évident qu'il se passe des trucs importants.

- Et c'est justement pour cela qu'on le saura assez vite. Il faut juste être un peu patient.

- C'est ce que je leur ai dit. Mais ils disent que je suis jeune, que je peux pas comprendre. C'est pas que je comprends pas, c'est juste que j'm'en fous. La vie de millions de gens va changer, mais pas la mienne, ni celles des gens proches, alors vraiment…

- Tu vis pourtant dans ce monde, Ikki.

- Parfois, j'me demande.

Kanon se répondit rien et l'observa simplement, alors qu'il vidait la moitié de sa bouteille d'eau en une gorgée.

- Tout se passe bien avec Shaka ?

- T'es au courant de quelque chose ? répondit Ikki, sur la défensive.

- Non, je posais simplement la question, j'en profite puisqu'on est seul. Pourquoi, il y a un problème ? Celui dont tu m'avais parlé, il y a quelques temps, ne s'est pas réglé ?

Ikki jeta un œil autour de lui pour s'assurer qu'il n'y avait vraiment plus personne. Il ne voulait visiblement pas que leur discussion fût entendue par d'autres, sa relation avec Shaka n'était pas connue de beaucoup, en dehors des Chevaliers.

Certains Bronzes l'ignoraient même encore.

- J'espérai justement pouvoir te parler une nouvelle fois à ce sujet. Est-ce que tu as un peu de temps ?

- Bien sûr, Ikki. Tu veux prendre un café chez moi ? Ou autre chose ?

- C'est gentil, mais si ça te dérange pas, j'préfèrerai qu'on reste dehors.

Kanon se concentra un court instant.

- Les arènes d'entraînement sont vides, cela te va ?

Ikki hocha la tête, et ils en prirent donc la direction, en silence.

- Tu te souviens bien de notre dernier échange ? demanda le plus jeune, une fois arrivés, en s'installant sur le premier gradin tout en bas.

Kanon s'assit sur une colonne renversée face à lui et fit remonter ses souvenirs à la surface.

*- T'es aussi puissant que Rhadamanthe, mais en tant que… personne, tu penses qu'il est supérieur à toi, non ?

- Bien sûr, Ikki, et sur de nombreux points. Il est fils de Zeus, mais au-delà de cela, il accumule des millénaires de sagesse et d'expérience. Et déjà, lors de notre première vie, c'était un être exceptionnel, reconnu de tous et même des Dieux, héros civilisateur et faiseur de lois. Pourtant, c'est aussi un homme, et avec son caractère, ses défauts, ses petites manies qui peuvent m'agacer. Comme Shaka, je suppose.

- Oui, bien que j'ai très peu de choses à lui reprocher.

- Il ne s'agit pas forcément de reproches, mais plus d'adaptation. On ne peut pas en vouloir à quelqu'un d'être comme il est, surtout si on l'aime. On doit l'accepter, au nom de cet amour. Enfin, cela dépend, évidemment, il y a certaines exceptions qui imposent de faire chacun des concessions. Est-ce que tu développes une sorte de complexe d'infériorité envers lui ?

- Pas au quotidien. Je sais bien qu'il est loin au-dessus de moi, j'ai accepté que je ne le rattraperai jamais. J'apprends à ses côtés et j'essaie juste d'être digne de lui et de faire en sorte qu'il ne regrette pas de m'avoir donné une chance.

- Alors, où est le problème ?

- Nous partageons des moments intimes très fort, mais nous n'avons pas été au bout. Enfin, Shaka dit que ce n'est pas une obligation, que le plaisir le plus intense peut se trouver simplement dans le partage et le moment présent, non dans la recherche d'un assouvissement et d'un soulagement. Et je suis d'accord avec lui. Seulement, je voudrais m'unir à lui, vraiment, ressentir pleinement cette fusion…

- Ne faire qu'un avec lui.

- Oui, dans ma chair. Pas seulement de cœur et d'âme, même si c'est déjà très beau, comme moment, à chaque fois. Le bonheur et la paix qui se dégagent de ces instants sont indescriptibles. Mais je voudrais le vivre autrement, physiquement, pour que ce soit complet.

- Et qu'est-ce qui vous en empêche, Ikki ?

Le Phénix avait alors semblé éprouver un peu plus de gêne à répondre qu'il n'en avait montré jusque-là, alors qu'il avait abordé un sujet très personnel.

Mais c'était lui, Kanon, son interlocuteur, il savait qu'il ne l'aurait fait avec personne d'autre.
Il savait être, de loin, le Chevalier d'or avec lequel le Phénix s'entendait le mieux et se sentait le plus proche.

En dehors de Shaka, bien évidemment.

Kanon était celui qui l'avait aidé à mettre les mots exacts sur ce qu'il ressentait vraiment pour le Sixième gardien, au-delà de l'admiration et du respect.

- Comme tu le sais, je n'ai aimé qu'Esmeralda, avait fini par expliquer Ikki. Après elle, j'ai connu une ou deux filles, juste comme ça, comme elles étaient plus âgées et que je faisais aussi plus vieux, on a été au bout. Mais je n'ai jamais rien fait avec un autre homme.

- Je vois. Tu as encore du mal à envisager le côté le plus physique de votre relation, le plus « homosexuel », si ont peut dire.

Ikki avait grimacé.

- C'est puéril, hein, Kanon ?

- Non. C'est un lâcher-prise et un abandon qui n'est pas forcément évident, il ne va pas de soi. Surtout quand on a un certain ego et beaucoup de fierté…

- Mais toi, avec Rhadamanthe… tu y arrives ? T'as aussi de l'égo et de la fierté, mais tu le fais, non ? Ou c'est lui qui y arrive avec toi ?

- Les deux, Ikki. Mais notre cas est différent. Notre histoire, notre amour ne sont pas tout jeunes. Nos âmes se sont tellement espérées et attendues, tout l'aspect physique passe au second plan. Bien sûr qu'il y a une histoire d'ego, c'était un peu le cas au début, de mon côté. On se laisse prendre, d'accord, mais on est concrètement au-dessus et on mène la danse, pour pas perdre totalement la face ou le contrôle. Puis, au fil du temps, ça n'a plus aucune espèce d'importance, qui fait quoi. Cela devient parfois un jeu, de la taquinerie, avec au final toujours deux vainqueurs, peu importe qui prend l'autre. Parfois, vous aurez envie que ce soit l'un et d'autres fois, l'autre, dès le départ ou au fur et à mesure des caresses. La seule chose qui comptera sera de vous unir, de partager ce moment.

Ikki avait serré les poings.

- Pourquoi je ne ressens pas déjà cela ?

- Ton ego. Encore une fois, le lâcher-prise et l'abandon ne vont pas de soi chez tout le monde. Même si tu en as envie, ton corps peut encore résister. Je suis certain que Shaka t'apprend déjà pas à pas à t'abandonner à lui.

- Il est vraiment très patient.

- Et cela te fait culpabiliser, avait-il deviné.

- Oui, évidemment.

- Tu ne dois pas. Ce genre de sentiments te crée de nouveaux blocages. Aie simplement confiance en Shaka et en votre lien. S'il l'avait voulu, tu aurais déjà craqué, tu sais. S'il prend autant son temps, c'est qu'il t'aime et te respecte plus que tout. Ne gâche pas ses efforts en perdant du temps et de l'énergie à t'en vouloir.

- D'accord, je vais essayer.

Et parle-lui en toute honnêteté, Ikki, dis-lui exactement ce que tu m'as dit. Vous pourrez ainsi travailler ensemble à faire avancer la situation. S'il y a bien une personne avec qui tu peux te permettre cette transparence et cette honnêteté, c'est bien lui.

.
- Oui, je me souviens très bien, répondit Kanon. Je suis désolé, cela fait bien deux semaines que nous avons eu cette discussion, mais je n'ai pas eu l'occasion de te demander comment les choses avaient évolué. Où en es-tu, alors ?

- Nous l'avons fait, annonça Ikki tout de go. Jusqu'au bout, je veux dire. Et pas qu'une fois. Après, je veux dire. Enfin, d'autres nuits...

- J'ai compris, et je suis ravi de l'apprendre, se réjouit Kanon en essayant de ne pas sourire trop fort à la manière dont les choses avaient été dites par son cadet. Mais il y a un autre problème, apparemment ?

Ikki soupira, puis se leva pour venir s'asseoir aux côtés de Kanon.

- Shaka me dit aussi souvent que je peux… prendre les rênes, il est prêt a s'offrir à moi. Mais… je n'y arrive pas, la simple idée me bloque.

- Pourquoi donc ?

- Parce qu'il est tellement pur… tellement… au-dessus de tout. Je crois que je suis encore un peu trop dans l'admiration. Quand je le touche… je suis encore parfois saisi par sa beauté et la lumière qu'il dégage. Il m'arrive même d'hésiter à aller au bout de mon geste.

- Je comprends, Ikki. Je le vis encore parfois avec Rhad', tu sais.

Le Phénix le regarda avec un tel scepticisme que cela fit rire Kanon.

- Évidemment que dans mon cas, cela ne dure pas, s'expliqua-t-il. Mais il m'arrive de le regarder et de ne plus voir simplement Rhad', l'homme que j'aime profondément, mais Rhadamanthe, le Juge des Enfers trois fois millénaires, le héros qui a établi de nombreuses lois sur lesquelles reposent encore celles qui régissent notre société actuelle. C'est vertigineux, Ikki. Mais rapidement, l'essentiel reprend sa place : il est aussi et surtout mon compagnon, mon âme-sœur, l'homme que j'aime et qui m'a choisi, attendu, cherché et aimé, tout ce temps. Et qui considère qu'il ne pourrait pas être heureux sans moi. C'est ce qui compte le plus, au final. C'est pareil pour Shaka.

- Je suis conscient de cela.

- Mais tu dois maintenant l'accepter. Ou renoncer à lui.

Ikki leva un regard hagard vers Kanon.

- Renoncer à Shaka ?

- Votre relation ne pourra pas fonctionner si la situation reste en l'état, tu en es bien conscient, non ?

- Parce que je ne peux pas encore le… euh… le prendre ?

Kanon retint un gloussement.

Ikki avait paru soudain, pour la première fois, peut-être, comme un adolescent et même pas comme le jeune adulte qu'il était déjà.

Le contraste était saisissant.
Et drôle.

Mais ce n'était vraiment pas le moment de rire et vexer le fier Phénix, il n'avait que lui pour se confier ainsi, Kanon en était bien conscient.

- Non, Ikki, et tu le sais, cela ne fait pas tout. Shaka a été initié très jeune à une sexualité qui peut très bien se passer de pénétration, quelle qu'elle soit, et il choisit de la pratiquer ou non. Il l'a fait avec toi, le temps que tu sois prêt à aller plus loin. Mais si tu lui demandais, votre relation pourrait être totalement platonique sans qu'il n'en éprouve aucune gêne.

- Comme Shun et Hyoga, laissa échapper le Phénix.

Kanon haussa un sourcil.

- C'est-à-dire ?

Ikki se mordit la lèvre, puis choisit de répondre honnêtement.

- Ils pensent que je ne le sais pas et ne le vois pas, ils ont bien trop honte pour m'en parler. Et ça se comprend, même si je les jugerais jamais et je les condamnerais pas non plus. Mais ces deux-là, ils s'aiment d'un amour incroyablement pur. Comme du cristal. Mais qui n'admettra jamais la moindre transgression à la morale.

- J'avais quelques doutes, mais comme il y avait June…

- Mon frère n'est ni un menteur, ni un tricheur, Kanon, le défendît immédiatement Ikki. Ça peut paraître dingue, parce que nous, on aime profondément quelqu'un et on imagine pas aimer une autre personne. Mais Shun est sincèrement amoureux de June.

- Je n'en doute pas, Ikki, vraiment, le rassura le Gémeau en posant sa main sur son bras un court instant.

- Garde ça pour toi, s'il te plaît, par contre. C'était juste une réflexion en passant.

- Tu peux compter sur moi, évidemment. Et ta réflexion est pertinente. Même si, dans le cas de Shaka et toi, certains gestes vous resteraient permis.

- Je ne pense pas que je pourrais vivre ce genre d'amour, en fait. Pas maintenant. J'ai trop envie… euh… Je veux dire…

- J'ai saisi, tu n'as pas à exprimer cela à haute voix, le tranquillisa Kanon avec un sourire bienveillant.

Il essaya, encore une fois, de ne pas sourire trop fort ou rire, carrément.

Ikki perçut du coin de l'œil, même s'il avait détourné légèrement le regard après ses paroles explicites et spontanées.

- Mais ce que je voulais te dire en premier lieu, Ikki, ce que tu dois réaliser, c'est que ce n'est pas une histoire de réussir à le prendre ou non, mais plutôt ce que cela veut dire de toi, ce refus sous prétexte qu'il est trop pur.

- Comment cela ?

- Si tu n'arrives pas à voir Shaka autrement que sur un piédestal, tu ne pourras pas le laisser être l'homme que tu aimes et qui t'aime. L'admiration peut participer à l'amour et à une relation, mais elle ne doit pas les dominer et devenir une forme d'adoration. Tu comprends la différence ?

- Je crois.

- Shaka est l'homme le plus proche des Dieux, mais il n'en reste pas moins un homme. Il est la réincarnation de Bouddha, mais qui est Bouddha, si ce n'est un homme qui s'est éveillé ? Je ne dis pas qu'il n'est pas exceptionnel, bien sûr, qu'il l'est. Mais il n'est pas que cela. Il est tellement plus que cela, et toi seul peut le voir vraiment, car il ne laissera personne d'autre que toi le voir ainsi. Et parce qu'il n'y a que toi qui peut le révéler et le faire s'épanouir de cette façon, si humaine, par ton amour, par votre lien. Tu as cette clé, tu es cette clé. L'homme qui garde la Sixième Maison et celui qui t'accueille dans sa vie et dans son lit sont une seule et même personne, Ikki. N'en efface pas une par trop d'attention pour l'autre. Et surtout, donne-toi le temps, sans culpabiliser. Laisse-toi guider par Shaka, encore une fois. Cela vous a réussi, jusqu'à présent, non ?

- Oui. C'est en suivant tes conseils et en lui parlant que nous avons pu aller au bout.

- Refais-le, dans ce cas. N'aie pas honte de t'en remettre complètement à lui pour te montrer la voie. N'aie pas peur qu'il ne s'impatiente ni ne te juge, tu sais, au fond, qu'il ne le fera jamais. Laisse parler ton cœur, Ikki, arrête de réfléchir et de tout analyser. Le reste viendra ensuite, cette méthode a déjà fait ses preuves. Au début, tu hésiteras peut-être encore à aller au bout de tes gestes, tu les interrompras une fois sur deux, une fois sur trois. Puis, tu hésiteras, mais tu iras quand même au bout, à chaque fois. Et à un moment donné, tu le feras naturellement, tu n'y penseras même plus.

- J'espère que cela sera possible, mais je ne vois toujours pas comment je pourrais être digne de lui malgré tout. Il faut quand même l'être, même s'il pense le contraire, non ? Moi, je n'ai rien accompli, je ne me suis pas distingué, en aucune façon…

- Non, c'est vrai, tu ne l'as pas battu, lors de la Bataille du Sanctuaire, c'était juste un coup de chance, ironisa Kanon sans méchanceté aucune.

- Je l'ai entraîné vers la mort, mais il y a échappé et nous a maintenu tous les deux dans un entre deux. Mu nous a ensuite ramené. S'il n'avait pas tenu à me sauver, il aurait pu revenir seul.

- Personne ne l'avait encore jamais poussé dans ses retranchements, Ikki. Et il n'avait encore jamais vu un être humain évoluer aussi vite, entre votre première rencontre sur l'Ile de la Reine morte qu'il avait effacé de ta mémoire, et votre face-à-face dans la Maison de la Vierge. Et si l'on remonte encore plus loin, ton premier exploit, c'est d'avoir conquis l'Armure du Phénix. Alors ne dis plus jamais que tu n'as rien accompli, Ikki.

- Est-ce suffisant, vraiment ?

- Oui, pour Shaka, et quand bien même ce ne serait pas le cas, ce n'est pas le plus important. Ce qui rend une personne digne d'amour, ce n'est pas la somme de ce qu'elle a fait, Ikki. Seule la justice s'intéresse aux actions, la morale, disait Schopenhauer, ne s'intéresse qu'aux intentions. L'amour aussi. On doit juger ceux qu'on aime sur leurs convictions, leurs ambitions, leurs désirs, leurs aspirations, les qualités qu'ils se prêtent, les défauts qu'ils se reconnaissent, les sentiments qu'ils n'avouent pas toujours et dont il ne faudra jamais attendre de preuve, mais qui pourtant, seront données. Tout ce qu'on vit et partage avec eux. Car en vérité, qui sommes-nous pour juger, après tout ? Il est préférable de ne pas s'y essayer. Prendre les autres tels qu'ils se donnent, les aimer pour ce qu'ils ne sont peut-être pas, mais qu'ils voudraient être. Les aimer sans preuve, parce qu'on a trop besoin d'eux et que c'est suffisant, les aimer dans l'absolu sans considération terre-à-terre. Tu n'as jamais laissé personne te dicter ta conduite. Aux yeux de qui penses-tu ne pas pas être digne ?

- Seul Shaka compte pour moi.

- Et te l'a-t-il dit d'une manière ou d'une autre ?

- Jamais. Mais c'est évident.

- C'est ce que tu penses. Cela a de l'importance pour toi, mais aucune pour Shaka. Il veut simplement être avec toi et te rendre heureux, ce qui lui permettra de l'être, lui aussi. Ce n'est pas également ton désir ?

- Si, bien sûr. Mais…

Apparemment, il fallait rajouter une couche sur les trois précédentes…

- Ikki, tu sais que tu ne pourras pas le rattraper, tu l'as dit toi-même. Mais cela n'a aucune espèce d'importance, je te le répète, vraiment, tu peux me croire. Déjà, parce que tu n'en sais rien, tu ne connais pas l'avenir et contre toute attente, tu ne mesures pas réellement ton potentiel, tout en te sachant différent des autres et en étant conscient de ta force. Tu es l'un des plus puissants Bronzes et tu as des capacités impressionnantes. Mais encore une fois, ce ne sont que des détails. On parle de deux hommes, de deux âmes, qui forment un tout. Quelle importance si lui est plus ceci et toi moins cela, ou l'inverse, puisque, ensemble, vous formez un univers parfait et harmonieux ? Il t'a choisi, toi seul peut le rendre heureux, il n'y a même pas à discuter ou réfléchir à cela, en vérité. Ne fais pas l'erreur qu'a commis Saga au départ en repoussant Aioros, ne se croyant pas digne de lui. Ne perds pas un an comme lui, et comme Angelo avec Shura. Fonce, comme Aphrodite avec Mu. Tout ce que tu désires se trouve de l'autre côté de ta peur et de tes doutes.

Un silence de réflexion intense suivit les mots du cadet des Gémeaux.

- Je vais y réfléchir et méditer longuement sur tes paroles. Merci, Kanon.

- Je t'en prie. N'hésite pas à venir me trouver. Je suis là pour ça, entre autres.

Ikki hocha la tête.

- Je t'offre un verre au kafeion ou au Treizième ? À moins que tu ne sois attendu aux Enfers.

Kanon jeta un œil à sa montre en se levant.

- Rhadamanthe a beaucoup de travail en ce moment, je peux bien prendre encore une petite heure. Allons au kafeion voir s'ils ont réussi à avoir quelques nouvelles sur la situation. Tu ne te sens peut-être pas concerné, Ikki, mais ce qui se passe actuellement va changer considérablement et durablement la face du monde. La Paix relative induite par la Guerre froide est lourdement menacée. Ce qui place Athéna en première ligne, par l'intermédiaire de Saori Kido qui intervient déjà beaucoup auprès des divers gouvernements impliqués. Nous devons nous tenir prêts.

Le Phénix acquiesça dans un mot, et suivit son aîné jusqu'au kafeion où régnait une belle agitation.

Fin du flash back
.

- Il semblait en effet plus taciturne que d'habitude, mais il ne m'a absolument rien dit de votre discussion, hier soir.

- Vu sa main sur ton épaule, ce matin, je suppose qu'il ne s'est rien passé, cette nuit…

- Aphrodite, intervint Kanon, cela ne nous regarde pas.

- Ce n'est pas de la curiosité mal placée, on essaie seulement de les aider, se justifia-il. Mais comme je l'ai précisé, vu son geste dépourvu de toute affection de ce matin, tu n'as pas besoin de répondre pour cette nuit.

- Il y avait beaucoup de tendresse, dans son geste, le défendît Shaka. Et cela compte pour moi.

Aphrodite serra la main de son ami.

- Excuse-moi, c'était cruel et injuste de ma part, comme réflexion. Mais j'aurais espéré qu'après une telle conversation avec Kanon, qui a été parfait, évidemment, il aurait pu évoluer, et votre situation avec.

- Elle date d'hier soir, rappela le cadet des Gémeaux. Il a besoin d'un peu de temps pour réfléchir et trouver comment agir.

- J'aimerais lui proposer d'aller à Jamir, ce week-end, mais je ne sais pas ce qu'il en est de ses engagements sur le chantier. Je suppose qu'il sera libre demain dimanche, mais dans l'idéal, j'aurais voulu que nous y restions jusqu'à mardi ou mercredi.

- Nous pouvons le libérer, Shaka, tu n'as pas à t'en soucier. S'il est d'accord, nous trouverons quelqu'un pour le remplacement, nous ne manquons ni de main-d'œuvre, ni de volontaires. À commencer par moi, certains jours.

- Moi aussi. C'est juste que je risque de distraire et ralentir les autres, ce n'est pas évident de garder le rythme et la concentration aux côtés d'un homme aussi beau que moi, expliqua Aphrodite très sérieusement et avec sa modestie légendaire.

Kanon et Shaka échangèrent un regard et un petit sourire.

- Certes, Aphrodite. Ne t'en fais pas, nous n'aurons sûrement pas à faire appel à toi, car comme je le disais, il y a beaucoup de possibilités, ce n'est qu'une question d'organisation. J'en parlerai à Saga et Aioros, mais je sais déjà qu'ils accepteront, Shaka.

- Je ne doute pas de votre compréhension, mais vous demander de tout réorganiser à la dernière minute n'est pas correct.

- C'est moi qui te le propose. Et cela fait partie de nos capacités en constantes évolutions, que de savoir s'adapter aux imprévus. Occupe-toi simplement de demander à Ikki, moi, j'en parle aux Popes.

- D'accord.

- Je pense à quelque chose, par contre, intervint le Douzième gardien. Si je peux me permettre, Shaka, je crois que Jamir n'est pas l'endroit où vous devriez vous rendre.

- Je me disais que nous y serions plus tranquilles.

- Oui, mais c'est un endroit sacré où les gens te voient presque comme une personne sacrée, toi aussi. Ils te respectent énormément.

- Comme tous les Chevaliers qui y séjournent. Ils ne traiteront pas Ikki différemment de toi, de Mu ou de moi.

- Ils nous traitent tous avec beaucoup de respect, mais Dokho, Shion, Mu et toi, vous êtes vraiment à part, pour eux. A un autre niveau. Il me semble donc plus pertinent que tu emmènes Ikki dans un endroit où vous seriez tous deux des personnes « normales », si je puis dire. Même pas des Chevaliers, tu vois. Des amis en public, un couple dans l'intimité de votre lieu de résidence.

- Je suis tout à fait d'accord avec Aphrodite, l'appuya Kanon.

- Aldébaran pourra sûrement te prêter son appartement au Brésil. C'est bientôt l'été, là-bas, il ne fait pas encore trop chaud, vous pourrez faire de belles balades.

Shaka secoua la tête négativement.

- Aller à Jamir pour méditer et en profiter pour régler nos problèmes personnels, cela peut justifier une absence, mais ce que tu me décris, Aphrodite, ce sont des vacances. Je ne vais pas partir comme cela et mettre en difficulté le Sanctuaire pour cette raison égoïste.

- Mais qu'est-ce que tu racontes ? répondit Kanon. Tu as le droit de prendre quelques jours de vacances, quand tu le désires et pour des raisons que tu n'es même pas obligé de donner ! Nous avons suffisamment confiance pour savoir que tu n'abuserais pas, ni aucun d'entre nous. Tu viens encore de le prouver. Et tu ne nous mets pas en difficulté. J'ai beaucoup aidé Saga et Aioros ces dernières semaines, je connais la situation du Domaine et crois-moi, tes taches peuvent facilement être redistribuées, des permutations avec d'autres sont possibles, et Ikki est remplaçable sur le chantier. Je ne te dirais pas tout cela, si je n'étais pas sûr de moi, car je ne suis pas le Grand pope et bien évidemment, je vais confirmer cela avec eux. Je les vois dans une heure, justement, tu auras ta réponse en fin de matinée, ajouta-t-il en regardant sa montre.

- Je te remercie grandement, Kanon.

- C'est normal, Shaka. Il est important que chacun de nous aille bien, moralement et physiquement. La résolution de problèmes personnels ne doit pas être remise à plus tard ni minimisée. À terme, cela affecte tout le reste. Même si nous sommes tous suffisamment professionnels et matures pour en faire abstraction et assurer nos missions, si le cœur n'y est pas, les choses finiront par se compliquer à un moment ou un autre.

- Je comprends. Je vais donc demander à Aldébaran s'il lui est possible de nous prêter son appartement jusqu'à mardi.

- Jeudi, rectifia Kanon. Il faut laisser du temps à Ikki, Shaka. Du temps, et de l'espace.

Le Sixième gardien rendit son sourire à son aîné.

- Tu sais, intervint alors Aphrodite, pour que cela soit vraiment efficace, tu devrais peut-être réfléchir à un plan.

- Un plan ? répéta Shaka.

- J'ai l'impression que toi, tu y as déjà réfléchi, fit remarquer le cadet des Gémeaux avec un petit sourire en coin.

Le Douzième gardien lui fit un clin d'œil, avant de se tourner vers son ami du Sixième.

- Voilà comment je vois les choses : tu devrais aller à Jamir dès aujourd'hui, si possible, et jusqu'à demain soir, voir lundi matin, mais seul. Tu expliqueras bien à Ikki que tu vas faire une session spéciale de méditation, donc, que tu ne pourras pas communiquer avec lui.

- Pour créer le manque, devina Kanon.

- Exactement, mais pas que.

- Deux jours ne suffiront pas à ce que je lui manque, Aphrodite, protesta Shaka.

- Oh ! Détrompe-toi ! Quand on aime si fort, le manque s'installe dès les premières heures. Ce n'est pas ton cas ?

- Ikki est différent. Il peut passer plusieurs jours loin des gens qu'il aime.

- Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne lui manquent pas, intervint Kanon.

- Exactement. Donc, tu va lui manquer, et je serais prêt à me raser la tête si on finissait par découvrir que ce n'est pas le cas. Mais tu vas faire plus que cela, Shaka, tu vas l'asticoter et faire monter le désir, voire même, la frustration.

- Tu viens de dire que je ne pourrais pas communiquer avec lui, fit remarquer Shaka.

- Justement. Durant ce temps passé à Jamir, tu lui enverras de courtes phrases télépathiques, car en effet, tu seras censé ne pas pouvoir communiquer.

- Quel genre de phrases ?

Aphrodite sourit avec un air quelque peu machiavélique.

- Il faut y aller crescendo. Tu commenceras sobrement par un simple « tu me manques », par exemple. Et tu couperas tout de suite le lien, sans lui laisser le temps de réagir et encore moins, de répondre. Après quelques heures, tu continueras avec quelque chose comme « il m'est impossible de ne pas penser à toi ». Ou tu peux inverser l'ordre, à toi de voir. Après, tu as l'embarras du choix, mais encore une fois, tes phrases et tes pensées devront être de plus en plus suggestives, voire même, explicites sur la fin. Ton odeur ou bien ta chaleur me manque, j'ai l'impression de te sentir avec moi ou carrément autour de moi, ce sera à lui d'interpréter ce que tu veux dire par-là…

- Aphrodite…

Quoi, Kanon ? répondit-il en se tournant vers son aîné. Il faut bien le secouer un peu, notre oiseau de feu, il n'allumerait pas une cigarette, dans l'état actuel des choses !

Certes, reconnut le Gémeau avec un petit sourire. Mais tu n'es pas obligé d'entrer à ce point dans les détails.

- Je donne simplement des idées à Shaka. Est-ce que cela te dérange, mon ami ?

- Non. Et ne t'en fais pas, Kanon, je suis habitué. Avant que tu n'arrives, Aphrodite me décrivait déjà la tête de dépravé de…

- Shaka ! le coupa le Douzième gardien. Tu avais dit que tu ne le répéterais pas !

- Tu m'as demandé de ne rien dire à Mu, je ne pensais pas que cela te dérangerait que Kanon l'entende.

- Tu n'as pas suffisamment de pudeur pour être gêné, Aphrodite, tu ne me feras pas croire cela, intervint le Gémeau avec un petit rire.

Le Poissons fit une petite moue, puis sourit finalement.

- Tu n'as pas tort ! Quoi qu'il en soit, pour en revenir à toi, Shaka, tu ne devras vraiment pas faire le timide avec Ikki, dans ce que tu lui transmettras. Parle-lui de ses doigts sur ta peau, de goût de la sienne sur ta langue, de son souffle à tes oreilles… Je sais que tu n'as pas besoin de grand-chose pour trouver exactement quoi lui dire pour le faire réagir, mon ami. En plein milieu de la nuit, envoie-lui une pensée suffisamment forte pour le réveiller. Et bien sûr, chacune accompagnée d'images furtives de vous deux, en laissant infuser dedans tout ton amour pour lui, le désir et le manque. Ensuite…

- Ce n'est pas fini ? le taquina le cadet des Gémeaux. Tu sors l'artillerie lourde, là.

Il le faut ! répliqua Aphrodite en tapant légèrement du plat de la main sur la table.

- Je disais donc, ensuite, lorsque vous vous retrouverez au Brésil, où Mu vous téléportera sûrement, ne lui laisse pas le temps de parler, d'hésiter, ni même de respirer. Plaque-le contre le mur le plus proche et embrasse-le comme si votre vie en dépendait, coupe-lui le souffle, grille ses neurones dans ce baiser. S'il ne le fait pas lui-même après que tu l'aies tant asticoté, d'ailleurs. La suite…

- Vous appartiendra, le coupa Kanon une énième fois. Je crois qu'à ce stade, Shaka pourra gérer seul.

- En effet, confirma ce dernier. Je te remercie, Aphrodite, je vais réfléchir à ta stratégie de séduction.

- À ce niveau-là, on peut même parler de plan de bataille. Si tu le mets en pratique…

- ... Ikki fera tout ce que tu désires, l'interrompit le Douzième gardien.

Le but est qu'il fasse ce que lui, désire, rappela Shaka. Qu'il ose, tout du moins, en arrivant à me voir tel que je suis et non, ce que je représente. Jamais être la réincarnation réelle ou supposée de Bouddha ne m'avait paru si lourd à porter.

Kanon et Aphrodite échangèrent un regard.
Il était rare de voir Shaka presque démuni.

- C'est le but de mon plan, que tu dois bien évidement peaufiner et ajuster à votre couple. Qu'il te voit en homme, en amoureux, en amant qui l'aime et le désire ardemment. Que tu as beau être au-dessus de tout, dans de nombreux domaines et des plus essentiels et vertueux, avec lui, tu es, comme tout homme amoureux, soumis à la passion et au désir, voire même faible, face a tout ce que l'état amoureux provoque en toi. Ce que le fait de l'aimer fait de toi.

- En ce sens, ce n'est pas un mauvais plan, je le reconnais, souligna Kanon. Avec Ikki, cela peut avoir son effet et son efficacité.

- Puisque la méthode en douceur, avec compréhension et patience, ne marche pas et renforce encore le sentiment que tu es parfait, peut-être que celle-ci, un peu plus égoïste et où tu le ménages un peu moins…

- Voire pas du tout…

- … donnera plus de résultats, termina le Douzième gardien ne fusillant du regard son aîné qui venait encore d'intervenir. Il a besoin d'un vrai déclic, Kanon.

- Je ne dis pas le contraire, malgré mes interventions. À toi de voir, Shaka. Tu es celui qui le connaît le mieux et qui est le plus à même de déterminer ce qui pourrait ou non fonctionner.

Le Sixième gardien ferma les yeux quelques instants, dans un silence que ses aînés respectèrent.

- Très bien, finit-il par déclarer en les regardant tour à tour, je vais attendre l'aval de nos Popes et demander à Aldébaran le prêt de son appartement. Si j'obtiens tout ceci, j'irais à Jamir où je réfléchirai à l'application de tes idées, Aphrodite. Merci pour ton implication.

- Mais je t'en prie, avec plaisir !

- Merci également, Kanon.

- Je t'en prie, il n'y a vraiment pas à me remercier, Shaka. Ou considérons que tu l'as fait, en m'offrant ce délicieux tsampa, et ton tout aussi savoureux thé au beurre.

- Sans beurre, précisa Aphrodite. Surprenant, hein ?

Kanon avait effectivement haussé un sourcil, surpris.

- C'est vrai que tu ne consommes aucun produit d'origine animale, et le beurre en fait bien évidemment partie ! Qu'est-ce qui donne cette texture, alors ?

- De la purée d'amandes, répondit Shaka.

- C'est vraiment étonnant !

- Connaissant ton amour de la cabosse, je suis certain que tu as goûté le gâteau au chocolat du côté végane du buffet, à l'anniversaire de Milo, je me trompe ? lui demanda Aphrodite.

Kanon sourit.

- Je plaide coupable. Il y en avait vraiment beaucoup, c'est pour cela que je me suis permis de me servir.

- C'était pour tout le monde, Kanon, rappela Shaka, évidemment que tu pouvais en manger et autant que tu le souhaitais.

- Je sais, mais comme certains d'entre vous ne mangez que cela, nous sommes beaucoup à considérer qu'il vaut mieux vous les réserver. Mais là, j'avoue, j'ai craqué… Et j'en ai même repris, comme il en restait à la fin et que nous n'étions plus très nombreux. C'est toi qui l'as fait, Shaka, si je comprends bien où veut en venir Aphrodite ?

- Oui, répondit-il simplement avec son humilité habituelle.

- Avec de la courgette ! s'exclama justement le Douzième gardien.

- Tu n'es pas sérieux ?

- C'est une recette sans œufs, sans lait et sans beurre, expliqua Shaka. La courgette, la poudre d'amandes et la fécule de tapioca donnent le même rendu, voire meilleur, et évite le recours à des produits issus de l'exploitation des animaux.

- Et bien, si tu es d'accord pour partager tes secrets de cuisine, je serai ravi d'avoir ta recette ! Il était excellent, et je n'ai absolument rien senti comme légume.

- Ce sera avec plaisir, Kanon. Je te l'écrirai. Et je pourrais même te prêter mon carnet qui contient toutes les recettes que j'ai testé et validé.

- Et inventé, aussi, précisa Aphrodite.

- J'accepte avec plaisir. Je vais pouvoir surprendre Rhadamanthe.

- Parce qu'il sait être surpris, celui-là ? ne put s'empêcher de s'interroger le Douzième gardien. Désolé...

- Évidemment, même si, je te l'accorde, ce n'est pas toujours facile.

- Tu ne t'ennuies vraiment jamais, avec lui ?

- Et comment cela serait-il possible, Aphrodite ? demanda le cadet des Gémeaux avec un petit rire. Si quelqu'un dans notre couple peut s'ennuyer avec l'autre, ce serait plutôt lui.

- Tu es très intéressant, Kanon.

- Je sais, répondit-il sans fausse modestie. Mais face à quelqu'un qui connaît déjà tout et a participé à l'élaboration du monde tel que nous le connaissons aujourd'hui, n'importe qui pourrait se sentir insignifiant et peu digne d'attention. Heureusement qu'il n'y a pas que cela. C'est l'ensemble de ma personne qui me rend précieux à ses yeux, pas uniquement ce que je peux dire ou mes connaissances.

- Vous formez un très beau couple, lui dit Shaka. Et je vois que toi aussi, tu as le regard qui change lorsque tu parles de celui que tu aimes.

- Quand nous parlons de notre moitié, nous le faisons avec le cœur et l'âme. Celle-ci est toujours plus perceptible à ce moment-là au fond des yeux. Ce n'est donc pas étonnant.

- C'est un fait.

- Bien que j'apprécie ce temps avec vous, je vais devoir y mettre un terme et vous quitter. Sauf si vous avez encore besoin de moi, je peux négocier quelques minutes supplémentaires ?

Les deux cadets échangèrent un regard et un sourire.

- Nous te libérons, Kanon, répondit Aphrodite.

- C'est très gentil d'être venu, merci beaucoup. Et merci également d'être là pour Ikki.

- C'est mon rôle, répliqua Kanon en se levant. Et je suis plus qu'heureux de pouvoir être là pour chacun d'entre vous. Je vous aide à débarrasser avant de partir, que puis-je emporter ?

- Ne dis pas de bêtise, le sermonna le maître de maison. Nous n'avons pas encore terminé, qui plus est.

- Tu es sûr ?

- Bien évidement.

- Très bien, dans ce cas. Je te tiens au courant dès que j'ai parlé aux Popes, Shaka. À plus tard, prenez soin de vous.

- À plus tard, le saluèrent-ils encore.

Kanon posa ses mains sur chacune de leurs épaules, les pressa avec tendresse, puis quitta le jardin d'hiver.

- La situation va s'arranger, Shaka, j'en suis persuadé, maintenant. Je n'ai même pas besoin de parler à Ikki, ni de solliciter Angelo, mais nous le ferons quand même pour enfoncer le clou, au besoin. Tu verras, tu connaîtras bientôt le bonheur et l'extase de cette forme-là de connexion avec ta moitié ! Et tu pourras lui offrir ta plus jolie tête de dépravé !

Il se mit à rire, mais Shaka ne se vexa pas, et lui offrit au contraire un sourire reconnaissant.

- Nous avons déjà ce genre de connexion lorsque c'est moi qui le prends. J'en éprouve un très grand plaisir que les mots manquent pour décrire avec exactitude. Être pris est-il si différent que cela, Aphrodite ?

- Disons que quand tu mènes la danse, tu as le contrôle de la situation, tu es concentré pour apporter du plaisir à l'autre, ne pas le blesser, ce genre de choses. Alors que quand tu es pris, tu t'en remets complètement à l'autre, tu t'abandonnes totalement. Tu veilles aussi à son plaisir, tu n'es pas inactif, évidemment, c'est un partage, un échange. Mais tu n'es pas autant dans le contrôle. Ce qui ne veut pas dire que tu ne peux pas le reprendre, notamment par certaines positions. Tu connais mieux le kâma-sûtra que moi, je n'ai rien à t'apprendre à ce sujet…

- Je vois ce que tu veux dire, oui.

- Il te reste à présent à le vivre, et si tout se passe comme prévu, à votre retour du Brésil, tu pourras me dire que j'avais raison !

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Fin du flash back.

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Aphrodite avait vu juste, en effet, en tous cas sur le fait que la situation allait s'arranger rapidement entre Shaka et Ikki.
Cela avait pris le temps de leur escapade brésilienne et à leur retour, il apparut vite évident qu'une nouvelle étape avait été franchie pour eux et dans leur relation.

Ikki ne s'était pas installé chez Shaka et il lui arrivait encore de ne pas passer la nuit avec lui, mais il ne le fuyait pas.
C'était juste l'expression de son caractère résolument indépendant et libre.

Mais peu importait à Shaka qui le respectait totalement, parce qu'il savait que le lieu où Ikki revenait toujours, c'était à ses côtés.
Il lui avait donné quelque chose dont le Phénix n'avait jamais voulu, avant lui, avant eux : un point d'ancrage, un port d'attache.

Un refuge.

Où il pouvait être lui-même, un jeune homme amoureux d'un autre homme, avec qu'il développait une relation faite de découvertes et d'acceptations, de passion et de désir, de réflexions et de discussions, d'adoration et d'admiration, mais plus fort qu'elles, un amour qui se renforçait et s'épanouissant de jour en jour.

Et qu'Ikki ne se retenait plus d'exprimer publiquement ou en privé.
La pudeur et la retenue qu'il avait parfois venait simplement de son éducation japonaise.

Et il ne quitta plus jamais Shaka sans un baiser, peu importait où il était déposé, à la grande satisfaction de leurs aînés et camarades.

Mais aussi et surtout, du principal intéressé.

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A suivre

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Notes :

1. Le thé au beurre est une boisson typique consommée dans l'espace himalayen, au Bhoutan, en Chine, en Inde et au Népal et surtout au Tibet. Elle est faite à partir de thé, de beurre de dri (femelle du yak), et de sel. Principale boisson du Tibet, il réchauffe en hiver, rassasie lorsque l'on a faim, et aide à supporter la fatigue. Il apporte hydratation et lipides, évitant les gerçures de lèvres dues aux hivers froids des hauteurs. Mais consommé trop fréquemment, il serait responsable de l'hypertension des tibétains les plus âgés. Offert aux invités, il est considéré impoli de le refuser.

2. Le petit-déjeuner suédois comprend un smörgas, une tartine riche en fer surmontée de rondelles de tomate ou de concombre, étalée sur une tranche de pain complet ou de biscottes types Wasa et agrémentée de beurre, jambon ou fromage. Il existe aussi en version « mer » avec une composition essentiellement faite de Kalles Kaviar et de tranches d'œufs durs. Et ici, le caviar diffère légèrement par sa consistance très moelleuse faite d'œufs de cabillauds fumés, de flocons de pomme de terre, d'huile et surtout de sucre.


Merci d'avoir lu ce chapitre.

Le prochain sera consacré à Angelo et Shura, et sera posté dimanche prochain (3 mars) dans la journée.
Nous ferons ensuite normalement un saut dans le temps pour les deux chapitres d'après qui devraient être les derniers. Comme toutes les idées ne sont pas encore écrites et les scènes, pas totalement organisées, cela pourrait faire plus de deux chapitres restant, je vous préviendrai. Je ne veux pas bâcler la fin, car après tant de chapitres, je me suis vraiment attachée à eux, et je veux leur offrir un bel épilogue, une belle fin, un bel au revoir, aussi déchirant que cela sera, dans la fic autant que pour moi !

J'espère que vous resterez jusqu'à la fin, dernières escales en vue !

Bonne continuation, prenez bien soin de vous et de vos proches.

Lysa