Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur
: Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Letizia et sa famille.
Pairing et personnages pour ce chapitre : Kanon x Rhadamanthe, Aioros x Saga, Angelo, Milo, Aiolia, Eaque, Letizia et sa famille.
Rating : T

Note : Bonjour à vous ! Merci d'être au rendez-vous et désolée pour le temps passé depuis le dernier chapitre. Entre les problèmes de santé et la difficulté d'aborder cette fin, je n'ai pas réussi à respecter des délais raisonnables. Masi le voici enfin, le premier chapitre de la série marquant le pré-épilogue, va-t-on dire pour simplifier. Nous sommes donc presque 15 ans après le dernier chapitre. La nécessité de reposer un peu le contexte et le changement a considérablement rallongé le chapitre, du coup, je l'ai scindé en deux. Je vous laisse donc sur cette première partie de l'Adieu au Gémeau, et vous souhaite une bonne lecture !

Merci à :
Fealina07 : Hello ! J'espère que tu vas définitivement mieux, à présent ! Merci pour ta lecture et tes mots, qui m'ont beaucoup touché ! Je suis vraiment ravie d'avoir fait ce voyage avec toi et je te remercie de ton soutien tout le long de la publication ! Il reste encore quelques chapitres, cependant, mais qui ont un air de fin assez prononcé malgré tout ! Et je suis contente que tu aies aimé le dernier chapitre Angelo – Shura, vu que c'est l'un de tes couples préférés ! Ici, comme le titre l'indique, focus sur Kanon ! J'espère que tu passeras un bon moment également. Prends bien soin de toi surtout !

Mini-Chan : Coucou ! Quelle review, merci beaucoup ! Je suis très heureuse que tu l'aies tant apprécié et vécu ! Si j'ai pu faire passez un dixième de ce que j'ai ressenti en l'imaginant et l'écrivant, je me considère satisfaite ! Et tu as raison, oui, nous entrons dans la phase d'adieux, entre eux, entre eux et nous, vous et moi, en tous cas dans cette histoire. La suite… je ne sais pas ! Ma santé fait que je vis dans le court terme, je ne peux me permettre de faire de projets trop loin dans le temps, ni de m'engager, car je peux être bloquée très rapidement. Je rentre d'ailleurs prochainement à l'hôpital pour deux mois, normalement j'aurais suffisamment de wi-fi pour terminer la publication, mais voilà, il y a beaucoup d'incertitudes dans mon avenir à court terme ! J'espère que toi, tu es totalement remise, et peut-être déjà prête à repartir en mission ! Alors, quelle sera ta prochaine destination ? J'ai hâte de le savoir ! En attendant, bonne lecture de ce chapitre et surtout, prends bien soin de toi !

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Le Fil rouge du Destin.

Chapitre Quarante-cinq : L'Adieu au Gémeau.
Si le Destin dessine votre vie, c'est à vous d'en faire une peinture.

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Samedi 30 octobre 2004

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Kanon avait passé les deux derniers mois principalement au Sanctuaire, ne rentrant aux Enfers qu'après le dîner. Il avait ainsi pu profiter de ses camarades, amis et cadets, devenus sa famille, au cours des 17 années qui s'étaient écoulées depuis leur miraculeuse résurrection.

Alors que ces années avaient progressivement agrémenté le visage de ses compagnons d'armes de rides et ridules, éclairci, clairsemé, voire même, blanchi quelques chevelures, elles avaient à peine marqué leur passage sur le cadet des Gémeaux qui avait bénéficié du misopéthamenos d'Athéna cédé par Rhadamanthe.

Pour le corps de Kanon, à peine 15 mois s'étaient écoulés, légèrement plus d'une année.
C'était souvent le sujet de quelques plaisanteries, entre eux.

Ils avaient beaucoup ri, ces deux derniers mois, profitant au maximum de la présence de Kanon, dont la vie accordée à la surface arrivait à son terme en ce mois d'octobre 2004.

Rhadamanthe avait expliqué à tous qu'avant de pouvoir à nouveau revenir à la surface après être devenu un Spectre, Kanon allait devoir demeurer aux Enfers une année entière. Son corps devait s'habituer à son nouvel environnement et ne pas être « contaminé » par la surface. Une fois ceci acté, il aura alors la capacité de voyager entre les Royaumes, de manière espacée au départ, puis peu à peu, sans aucune restriction.

Cela en avait étonné certains, car il était assez connu que les Spectres rappelés par Hadès durant les Guerres ou en prévision de celles-ci, avaient toujours été immédiatement opérationnels et capable d'infiltrer la surface. À l'image des Renégats ou, exemple plus parlant encore, des Spectres qu'avaient dû affronter Shion, Dokho et leurs camarades au 18e siècle et qui, pour certains, étaient morts plusieurs fois mais s'étaient relevés grâce à Hadès. Seul le cosmos d'Athéna, dans un premier temps, puis la confection par Asmita de la Vierge du fameux chapelet des 108 fruits du savonnier des Enfers, avaient réussi à bloquer ce processus.

Dans le cas de Kanon, la situation était différente, car sa transformation n'allait pas être éphémère, son corps demeurerait tel quel aussi longtemps qu'il le souhaiterait dans l'éternité, désormais à portée.

Cette année sans retour à la surface était donc nécessaire.

Aussi, le cadet des Gémeaux avait-il décidé de rester au Sanctuaire les deux mois précédents sa mort pour profiter de sa famille, avant d'en être séparé.

Ce que, bien entendu, Rhadamanthe avait accepté et compris.
Kanon était ainsi même parfois resté des nuits complètes auprès des uns, des autres.

Ce jour-là, la veille de son départ définitif du Sanctuaire et alors qu'il faisait une partie de tavli avec Saga au kafeion, suivi par nombre de leurs camarades, même si on était en plein après-midi, Kanon fut surpris par l'arrivée d'un papillon des Enfers, qui se posa sur son épaule, tout près de son oreille qu'il effleura délicatement. Une bi

Le cosmos de Rhadamanthe était clairement perceptible, comme si le Juge des Enfers était venu lui-même murmurer à l'oreille de son compagnon.

- Un problème ? demanda Saga en voyant son cadet froncer les sourcils.

- Je ne sais pas encore, mais Rhad' me demande de venir dès que possible.

- Le marié s'impatiente ! se moqua Angelo, perché sur le bar, une bière à la main, une cigarette entre les lèvres. Il ne respecte même pas tes derniers moments de vivant !

- C'est ce qui est inquiétant, répliqua sérieusement Kanon. Il ne se serait jamais permis de me priver de la moindre minute avec vous, si ce n'était pas important.

- Alors vas-y, pourquoi es-tu encore là ? lui dit Saga.

Kanon se leva en hochant la tête.

- Je reviens au plus tôt.

- Tiens-moi au courant, lui rappela son aîné alors qu'il ouvrait déjà un portail.

Kanon lui fit un signe et disparut dans le vortex.

Aiolia s'installa en face de son Grand pope.

- On finit la partie, Excellence, ou tu es trop inquiet pour cela ? Tu pourras aussi t'en servir pour expliquer ta défaite…

- Je ne le serai jamais suffisamment pour ne pas te battre, répliqua le Gémeau souriant, tout en sortant un pion de son jan intérieur.

De son côté, lorsqu'il émergea du portail dans l'entrée de Caina, Kanon sentit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Il n'y avait pas de danger, mais malgré tout, tous ses sens étaient en alerte et il avait cette sensation étrange d'une présence mauvaise.

Il se précipita dans le salon en appelant Rhadamanthe, qu'il sentait aussi présent.

Son Juge était effectivement là, debout devant la table sur laquelle reposait un objet qui figea Kanon dans son élan, lorsqu'il l'aperçut.
Il eut même un imperceptible mouvement de recul.

Or, Kanon ne reculait jamais devant rien ni personne.

Rhadamanthe lui tendit la main, alors il s'avança sans hésiter pour la prendre.
Leurs doigts s'entrecroisèrent et le Juge serra fort la sienne.

Rien, en ce monde, ne pouvait détourner le regard de Kanon de celui de Rhadamanthe.
Pourtant, à cet instant, le cadet des Gémeaux n'arrivait pas à détacher ses yeux de l'épée qui se trouvait sur la table.

Une épée, oui, ancienne, sans fourreau, nue, absolument magnifique et terrifiante par l'aura qu'elle dégageait.

Kanon ressentait et combattait une peur primale, viscérale, qu'il ne s'expliquait pas vraiment.
Cet objet lui semblait familier, mais il était pourtant sûr de ne l'avoir jamais vu.

Il avait néanmoins une certitude, cette lame l'avait fait souffrir.
Longtemps.
Longuement.

En connaisseur des armes antiques, le Gémeau détailla celle qui le perturbait autant. Elle mesurait une trentaine de centimètres de long, avait une décoration forgée et une poignée en or. Elle avait servi, ce qui, malgré sa beauté et son esthétisme qui avaient traversé les âges, excluait un usage unique d'apparat.

C'était une épée de Prince ou de Roi, mais son propriétaire connaissait et avait foulé les champs de bataille, lui faisant boire le sang de ses ennemis.
Ceux des temps jadis, à n'en point douter.

Ce qui retenait aussi l'attention de Kanon, c'était la gravure qui courait le long de la lame. Les signes étaient aussi très anciens, et il les reconnut car Rhadamanthe le lui avait déjà écrit, une fois, à sa demande.

« Je sais que le crétois de ton époque, qu'on appelle Linéaire A, aujourd'hui, n'a pas encore été déchiffré, mais pourrais-tu m'écrire mon prénom et le tien ? Je brûlerai le papier immédiatement après. »

Après avoir jugé le pour et le contre, mesuré le risque, Rhadamanthe avait accepté.

C'étaient ces mêmes signes qui s'étalaient sur la lame fine à double tranchant, formant son nom : Kanon.
Celui qui était tatoué sur le cœur de son Juge, également.

Le Gémeau releva des yeux pleins d'interrogation vers lui.

- C'est mon épée, expliqua celui-ci d'une voix pleine de regrets et de douleur. Enfin, elle l'était. Tu as devant toi l'épée de Rhadamanthe, fils adoptif d'Asclépios et Prince de Crète.

- Mais pourquoi mon nom y est-il gravé ? Qu'est-ce que cela veut dire ?

- Il est dit que ce qui est appelé aujourd'hui langue minoenne, qui regroupe tous les dialectes de cette période, n'a rien à voir avec le grec ancien qui allait apparaître plus tardivement. Mais ce n'est pas tout à fait exact, il y a quelques similitudes. Le mot kanon en fait partie. Tu te souviens de ce dont nous avions parlé, au moment où je me suis tatoué ton nom sur mon cœur ?

- Oui, bien sûr. Contrairement à moi qui pouvait sans problème me tatouer une Wyvern sur le corps, toi, en tant que Premier général de l'armée d'Hadès, tu ne pouvais pas avoir une quelconque référence à un Chevalier d'Athéna. Pour contourner cela, tu as pris mon nom non pas en tant que tel, mais pour sa signification, en tant que principe, ce qui te permettait de contourner l'interdiction sans manquer de respect à ton Seigneur.

En effet, en grec, kanon était à l'origine la manière dont on appelait les tiges de roseau. Cette plante étant réputée pour sa droiture, le fait qu'elle ne pliait et ne se rompait pas, a fait que le terme a désigné ensuite une règle, un modèle à suivre, un principe inaltérable. C'était cette signification qui avait été conservée, à travers le temps.

Rhadamanthe avait pris pour exemple le Kanun, le Livre des lois de l'Empire ottoman, et appris au Gémeau que dans tout le monde arabe, d'ailleurs, dont la langue dérivait beaucoup du grec ancien, le kanun, c'était la loi, la règle à suivre.

Dans le monde occidental, également, il avait rappelé à Kanon des éléments de langage qui y faisaient référence, comme le canon de beauté, règle et modèle idéal à suivre.

Grâce à cela, Kanon avait enfin compris pourquoi Shion avait fait ce choix de prénom : en baptisant l'un des deux futurs Gémeaux ainsi, il avait espéré conjurer quelque peu la malédiction, en impliquant la droiture et le respect des règles dans son nom.

- Si je comprends bien, ce n'est donc pas mon nom, c'est seulement la notion de loi qui est gravée sur ton épée. C'est totalement logique, te connaissant.

Et c'était ce qui lui avait servi à faire passer son tatouage comme tout à fait approprié aux yeux d'Hadès et des Spectres.

Si pour Rhadamanthe, c'était bien le nom de son âme-sœur qui étalait ses lettres élégantes au niveau de son cœur, tout le monde acceptait de prétendre que non, c'était une coïncidence, et que c'était surtout le principe de loi auquel Rhadamanthe s'était toujours astreint et à qui il avait ainsi rendu hommage, après des millénaires…

- En effet, confirma le Juge. C'est celle avec laquelle je rappelais et au besoin, faisais respecter la loi. Nous pouvons cependant voir un signe du Destin, dans le fait que tu portes justement ce nom. Un autre parmi tous ceux qui nous lient déjà.

- Alors pourquoi suis-je si mal à l'aise en sa présence ?

- Parce qu'elle a été corrompue, grogna Rhadamanthe.

Son visage, qui s'était adouci lorsqu'il avait évoqué le Destin, s'était de nouveau assombri.
Kanon, qui regardait à nouveau l'épée, releva le visage vers son compagnon.

- Corrompue ? Par qui ou quoi ?

Mais le Gémeau avait deviné avant même que son Juge ne formulât sa réponse.

- Minos.

Rhadamanthe fixait d'un regard à la fois hanté et furieux l'arme sous ses yeux, le poing libre serré tout autant que ses mâchoires.
Kanon posa sa seconde main sur sa joue et le força à le regarder.

- Il s'en est servi contre moi, n'est-ce pas ?

Il n'y avait que cette raison qui pouvait expliquer la rage de Rhadamanthe, qu'il contenait pourtant bien que difficilement.

Mais Minos devait sûrement ressentir à distance son envie de le trucider une nouvelle fois.

- Le jour de ton Jugement en tant que Milétos, alors que tu aurais dû gagner l'Ile des Bienheureux où je t'aurais retrouvé, il l'a planté dans ton âme pour la retenir en un lieu des Enfers sous sa gouvernance.

Kanon ne put réprimer un frisson qui le traversa et le glaça.
Quel degré de rancœur et de jalousie fallait-il pour arriver à commettre une telle infamie ?

Sa main libre se crispa sur son torse, alors qu'une douleur fantôme le faisait grimacer.
Rhadamanthe le prit immédiatement dans ses bras et le serra fort.

Kanon n'était pas faible et n'avait nul besoin d'être réconforté ou rassuré.
Pourtant, à cet instant, il ressentait plus que jamais les bras de son Juge comme son éternel refuge, où il était heureux de pouvoir se nicher, apaisé par sa chaleur et sa présence.

Par son amour inconditionnel et incommensurablement.

Cela le frappa une nouvelle fois, le faisant presque vaciller : cet homme exceptionnel l'avait aimé, espéré et attendu pendant pas moins de trois millénaires, soit près de trente siècles !

C'était réellement vertigineux.
Il nicha son visage contre son cou et inspira profondément.

- Je suis désolé de n'avoir pas su te protéger, souffla Rhadamanthe d'une voix pleine de regrets et de douleur.

- Comment aurais-tu simplement pu ? murmura le Gémeau toujours contre son cou. De ce que j'ai compris, il n'y avait que Minos et toi pour juger les âmes, alors, et tu n'étais pas encore très expérimenté.

- C'était ton âme, j'aurais dû la reconnaître dès ton arrivée.

- Pas en plein milieu des Enfers alors que tu apprenais encore ton nouveau rôle, face à Minos dont il a été donné, dès le départ, le pouvoir de détecter et identifier chaque âme pénétrant les Enfers. Tu n'avais aucune chance. Nous n'avions aucune chance, amour. Nous séparer de notre vivant ne lui avait pas suffit, il tenait une nouvelle occasion de se venger de nous. Tu n'étais pas encore armé face à cela. Comment aurais-tu pu croire qu'après avoir déjà détruit sur Terre toute chance de vivre notre relation et notre amour, et t'avoir chassé de Crête, il s'en prendrait encore à nous et de la pire façon ? C'était un Roi bon et juste, suffisamment pour être nommé Premier Juge à sa mort. Même s'il était épouvantablement jaloux de toi et à très mal et injustement agi à ton encontre, tu étais en droit de penser que ce qu'il avait fait de votre vivant suffisait pour toutes vos vies. Pourquoi te serais-tu méfié de lui ? Non, vraiment, tu n'as rien à te reprocher, réaffirma-t-il en le regardant dans les yeux, une main caressant sa joue avec tendresse.

Rhadamanthe déposa un baiser appuyé sur son front, encore et toujours impressionné par sa lucidité et sa compréhension.

- J'aurais voulu t'épargner toutes ces souffrances, mia anapnoi.

- Je ne m'en souviens pas, rappela Kanon. Et quand bien même, si c'était le prix à payer pour te retrouver, je ne changerais rien, même si on me le proposait cent et mille fois.

- C'est terrible à dire, mais je partage ta pensée.

- Et je comprends, le rassura le Gémeau avec un doux sourire. Tu sais, reprit-il après un très court silence, je ne t'ai jamais posé cette question, car j'avais peur de ne pouvoir supporter la réponse, en plus de te mettre dans une situation embarrassante, mais… si on te proposait de revenir en arrière et de retrouver…

- Non, le coupa Rhadamanthe fermement. Je te l'ai dit et chaque jour, cette évidence et cette certitude sont plus fortes : tu es la meilleure incarnation de ton âme, Kanon, et je suis si heureux que ce soit toi, que nos retrouvailles aient eu lieu dans cette ère. Nous avons tous deux souffert mille tourments, mais nous nous sommes retrouvés et l'Eternité s'offre à nous. Et très rapidement, effacera la douleur pour ne laisser place qu'à des souvenirs heureux ou apaisés.

- J'ai l'impression que vous êtes très amoureux, Monsieur le Juge, minauda Kanon en entourant complètement son cou de ses deux bras.

L'émotion était si forte qu'il avait besoin de jouer un peu pour ne pas se laisser submerger.
Rhadamanthe entoura sa taille et l'enlaça plus fermement, pressant tendrement et amoureusement leurs corps l'un contre l'autre.

- Comment pourrait-il en être autrement, alors que tu es à mes côtés et que tu es tout ce que j'ai toujours désiré ?

Kanon reposa sa tête au creux de son cou dont il embrassa la peau tendre et chaude à portée de lèvres.

- Je t'aime aussi.

- Évidemment, comment pourrait-il en être autrement ? le taquina son Juge infernal, faussement hautain.

Le cadet des Gémeaux rit en se redressant pour l'embrasser avec tendresse.

- Tu as visité les Trois Royaumes, les Océans et Mers de Poseidon, la Terre s'Athéna et le Souterrain d'Hadès, tu as pu constater que je n'avais aucun égal, ajouta le Spectre avec aplomb. Tu ne pouvais que m'aimer.

- En effet, sourit le Chevalier en entrant dans son jeu. Et tu m'as attendu si longtemps, cela n'aurait pas été correct de te rejeter sans te laisser la moindre chance…

- Cela n'a jamais été une option, souffla-t-il contre ses lèvres, avant de l'embrasser.

C'était bien beau de flirter, mais ils n'étaient pas si tranquilles que cela. Même s'il appréciait son échange avec Rhadamanthe, plein d'amour, de tendresse et de complicité, la lourde et sombre présence de l'objet maudit ne s'était pas pour autant atténuée. Derrière eux, sur la table, il envoyait toujours ses émanations funestes autour de lui, gâchant quelque peu le moment.

Alors Kanon se détacha à contrecœur et se tourna vers lui.

- Tout ceci ne me dit pas pourquoi elle est là, fit-il remarquer en désignant l'épée d'un signe du menton.

- Le Seigneur Hadès est venu me l'apporter, c'est pourquoi je t'ai fait appeler et je m'en excuse. J'aurais dû commencer par cela, désolé.

- Tu as bien fait, cela a l'air important. Surtout s'Il s'est déplacé en personne.

- Exactement. Je ne voulais pas que tu la trouves ici en rentrant cette nuit ou demain, alors que la journée va déjà être très chargée pour toi. La dissimuler en attendant était hors de question, je ne veux rien avoir à te cacher, même temporairement. Je ne pouvais pas non plus m'en débarrasser seul, nous devons le faire ensemble.

- D'accord. Et on procède comment ? On la met dans la cheminée ? On l'enterre dans la partie la plus gelée du Cocyte ?

- Ce ne serait pas suffisant, répondit le Juge en se détachant complètement.

Il alla chercher une étoffe dont il revint envelopper l'épée.
Ne plus l'avoir sous les yeux apporta un premier léger soulagement à Kanon, même s'il sentait toujours son aura presque maléfique.

Le Juge s'éloigna encore un peu pour appeler sa Wyvern et s'en revêtir sans blesser Kanon.

- Allons-y, annonça-t-il enfin en revenant entourer très précautionneusement la taille de son Gémeau pour le serrer contre lui, l'épée tenue dans l'autre main.

Une fraction de seconde plus tard, ils se retrouvèrent au sommet d'un talus, un fleuve sombre coulant en contrebas.

Kanon connaissait bien les Enfers, désormais, il sut donc immédiatement où ils se trouvaient et de quel Fleuve il s'agissait, parmi les nombreux traversant le Royaume d'Hadès.

Le Léthé coulait avec lenteur et silence : c'était, disaient les poètes, un fleuve d'huile dont le cours paisible ne faisait entendre aucun murmure. Il séparait les Enfers de la Surface du côté de la Vie, de même que le Styx et l'Achéron les en séparaient du côté de la Mort.

Le Juge et le Chevalier descendirent prudemment jusqu'à son bord.

- Tu dois jeter l'épée dans le Léthé, le Fleuve de l'Oubli, l'informa Rhadamanthe.

- Moi ?

- Oui. La prendre te sera douloureux, mais je suis là, je ne te lâcherai pas, je protège ton âme.

Le Juge avait effectivement gardé son bras enroulé autour de sa taille et lui tendait de l'autre main l'épée maudite.

Si les flots étaient silencieux, Kanon entendait malgré tout des voix, comme la première fois que Rhadamanthe l'avait emmené ici pour le mettre en garde contre ce lieu.

Car s'il y tombait et qu'une simple goutte entrait dans sa bouche, sa mémoire serait complètement effacée, et il n'aurait d'autre choix que de repartir dans le Cycle des réincarnations.

Rhadamanthe n'était pas prêt à le perdre une seconde fois.
Et c'était Kanon qu'il voulait, nul autre que lui.

S'il le perdait aujourd'hui, il perdait tout, jusqu'au sens de son existence et de ses combats.
Il n'aurait alors plus qu'à plonger lui-même dans le Léthé.

Le Fleuve appelait continuellement les âmes des défunts pour les conduire à l'oubli et ce, même si ceux qui se présentaient à Lui avaient déjà fait ce choix.

Kanon les voyait de l'autre côté de de la rive, nombreux à attendre leur tour pour y boire.
Mais Rhadamanthe et lui étaient seuls, de ce côté-ci.

Il se rappela d'ailleurs qu'ils ne devaient pas trop s'attarder, même s'il ne risquait rien avec son Juge à ses côtés. Mais sa présence en tant qu'être vivant au Royaume des Morts, même si elle était reconnue et acceptée depuis le temps, perturbait toujours certains lieux en particulier. Il pouvait rester sans problème à Caina, isolé par la barrière de Rhadamanthe, mais à l'extérieur, cela pouvait devenir problématique.

Kanon referma donc sa main sur la poignée de l'épée et il se sentit immédiatement comme avalé par la noirceur du monde, un millier de lames de glace le traversant de part en part.

Son âme trembla, littéralement.
Il n'avait jamais été aussi conscient de son existence qu'en cet instant où il avait l'impression qu'elle allait quitter son enveloppe d'incarnation

Rhadamanthe passa complètement derrière lui et l'enlaça fermement, appuyant son dos contre son torse. Il n'avait pas mis son casque, aussi put-il également coller son front contre l'arrière de sa tête.

Kanon eut même l'impression que les ailes immenses de Wyvern se repliaient autour d'eux comme un cocon protecteur, à l'image du cosmos puissant de son porteur.

Son âme s'apaisa, son corps entier se calma.
Il inspira profondément, prit un peu d'élan, son corps accompagné dans ses mouvements par celui de son Juge, puis il balança l'épée dans le Fleuve.

À l'approche de l'arme vers sa surface, le miroir d'eau se fendit en deux et s'écarta pour l'accueillir et l'engloutir dans ses profondeurs.
Il se referma ensuite dessus toujours sans un bruit.

Cela avait duré le temps d'un battement de cil.
Pas une ride n'avait troublé son cours.

Le Léthé était de nouveau lisse, lent et silencieux.
Comme si absolument rien ne s'était passé.

- Maintenant, tu es prêt à devenir un Spectre à part entière, murmura Rhadamanthe sans bouger, gardant toujours Kanon contre lui.

Lui aussi semblait relativement soulagé.
Il respirait mieux depuis qu'il avait vu l'épée disparaître et sa présence, son aura sombre, avec elle.

- Quel rapport ? demanda Kanon en posant ses mains sur celles de son Juge, nouées sur son ventre.

- Tu apprendras vite qu'il n'y en a pas toujours, aux Enfers. Ou que la cohérence peut nous échapper, car nous n'avons pas toujours toutes les données.

- Je suis prêt à l'accepter, je le constate déjà fréquemment. Quand il s'agit des Dieux, de toute façon, cela n'a bien souvent pas grand sens pour les pauvres mortels que nous sommes.

- Cela n'en aura pas forcément davantage, quand tu seras un Spectre, anapnoi.

- Je l'avais compris. Mais est-ce que, par exemple, le fait que ton épée était aux mains d'Hadès ait un sens ? J'imagine que c'est Lui qui m'a libéré pour que je puisse renaître… Pourquoi ? Pourquoi il y a 46 ans ? Était-ce à l'appel d'Athéna ? Cela me semble étrange, Il aurait plutôt eu tout intérêt à garder l'un des futurs Chevaliers qui se dresseraient face à lui captif, non ? À moins que…

Rhadamanthe sourit, alors que Kanon se tournait dans ses bras pour lui faire face.

Les pensées du Gémeau allaient souvent aussi vite que ses paroles. Il posait des questions auxquelles il finissait par répondre seul, dans le même temps.
Il confirma néanmoins la conclusion qui s'était imposée, mais qu'il n'avait pas encore formulé.

- Il t'a libéré et chargé la Déesse Kèr de modeler ton âme avant de l'envoyer au Sanctuaire pour le détruire de l'intérieur. Voir même, tuer Athéna.

- Modeler mon âme ?

- Oui. Après avoir passé tant de millénaires aux Enfers, à la merci de Minos, elle était contaminée. Bien que Minos t'ait enfermé quelque part sur son Domaine entouré d'une barrière te rendant invisible et imperceptible, ton âme a absorbé une large quantité de douleur, de ressentiment, de haine, de désespoir, qui ne t'appartenaient évidemment pas en totalité. Elle s'en est nourrie tout en luttant contre cet amas de souillure humaine. En l'état, tu ne pouvais pas être envoyé à la surface. Sans compter le fait que tu étais appelé sous le signe des Gémeaux. Alors, Kèr a dû modeler ton âme pour en séparer les divers éléments et en extraire le mal sous forme d'une étoile, celle de la malchance. Ce qui a donné au final trois entités.

- Pourquoi pas deux, directement, une bonne et une imprégnée du mal ?

- C'était son but, initialement, mais Elle a échoué. Tout simplement parce que c'était ton âme, Kanon, celle destinée à être un Chevalier d'Athéna. Elle a toujours appelé les âmes les plus pures pour la servir et protéger la Terre et les humains. Il était impossible de modifier complètement son essence. Elle a donc intégré le mal extrait sous forme d'étoile dans l'une des deux âmes, en tant que Lémure, avant de vous laisser gagner le Sanctuaire.

- Je n'étais pas si pur, rappela sombrement Kanon. J'ai mal agi sans avoir le Lémure en moi.

- Tu ne pouvais pas ne pas garder des traces de ton emprisonnement aux Enfers. Il a suffi de quelques éléments pour te faire basculer, principalement la manière dont tu étais traité enfant. Quand Kèr t'a rendu visite au Cap Sounion pour savoir si le Lémure était en toi, Elle a conclu de votre échange que tu n'étais pas mauvais, mais simplement rongé par un puissant complexe d'infériorité. (1)

- Je l'avais prise pour une gamine, à ce moment-là et je l'ai chassé sans ménagement, se souvint Kanon. Je n'étais pas une bonne personne, la jalousie et la colère me rongeaient, je voulais tout détruire, en retournant Saga contre Shion et le Sanctuaire qui l'avait privilégié.

- Ce dont Elle était consciente. Ici, aux Enfers, nous connaissons parfaitement l'être humain et ses faiblesses, ses modes de fonctionnement. Il n'est pas impossible qu'Elle ait anticipé cette possibilité que la jalousie et le ressentiment se transformerait un jour en haine plus féroce. Ce schéma chez les Chevaliers des Gémeaux se répète depuis tant de générations, Kanon.

- Il est heureux que Saga et moi y ayons mis un terme. Apollo et Artémisia sont aussi proches et complices que mon frère et moi, aujourd'hui. Chacun donnerait sa vie pour l'autre. Gemini est tellement heureuse d'avoir enfin des successeurs qui ne lui feront jamais verser de larmes. Notre Déesse aussi, d'ailleurs.

- Tant mieux. Tu pourras ainsi commencer ta nouvelle vie ici plus sereinement.

Kanon hocha la tête avec un sourire.

- Rentrons chez nous, à présent, avant que tu ne remontes au Sanctuaire, ajouta ensuite Rhadamanthe. Si tu veux bien, j'aimerais que tu m'accordes encore une quinzaine de minutes.

- Évidemment, accepta le cadet des Gémeaux sans avoir besoin d'y réfléchir.

Il sentait son Juge particulièrement ému, même s'ils semblaient tous deux discuter normalement, comme à leur habitude.
Et pour qu'il lui fît cette demande dans un moment pareil, alors qu'il vivait ses dernières heures à la surface, c'était qu'il avait vraiment besoin d'être avec lui.

Ils rentrèrent donc à Caina, et après avoir enlevé son Surplis, Rhadamanthe les mena jusqu'à leur chambre où ils s'étendirent sur le lit, enlacés.

- J'aimerais apporter une précision que je n'ai pas fait tout à l'heure, agape mou.

Kanon releva les yeux vers son Juge

- Je t'écoute.

- Tu le sais, jusque très récemment, Hadès n'avait jamais vraiment prêté une grande attention au Royaume souterrain, Il avait toujours laissé Ses trois Juges le diriger et Lui faire leur rapport plus ou moins régulièrement. Depuis la dernière Guerre sainte, Ses venues et Ses visites sont plus fréquentes, même si nous gardons l'autorité qu'Il nous a donné. Et qu'Il ne s'attarde pas.

- Oui, tu m'avais expliqué tout ceci, il y a plusieurs années, déjà, alors que tu t'étonnais de Le voir si souvent quitter Elysion.

- C'était vraiment surprenant. Hadès déteste les humains, car Il les trouve faibles, plein de perversion, incapables de sentiments purs et de respect. Ce ne sont que des êtres soumis à leurs pulsions et incapables de les contrôler, de Son point de vue. Seuls ceux qui se démarquent trouvent grâce à Ses yeux.

Kanon hocha la tête.

Il avait lui-même été très surpris d'apprendre la véritable nature d'Hadès.

Pour lui et beaucoup, le Dieu des Enfers était le Mal absolu, un Être supérieur forcément malfaisant qui aspirait à imposer le mal partout, jaloux d'avoir hérité des souterrains du monde et voulant asseoir Sa domination pour se venger.

Or, il n'en était rien !

Le but même de la Guerre sainte et la raison de la Grande Éclipse qu'Il avait déclenché étaient différents de ce que tous avaient toujours cru, de ce que racontait même l'Histoire !

Si Hadès avait souhaité faire s'abattre les Ténèbres à la Surface, Il ne les avait pas prévus éternelles. Ce ne devait être qu'une période pour terrifier les humains, mais sans nécessairement détruire toute vie sur Terre. Il aurait rétabli son cycle bien avant.

Perséphone, « la porteuse de fruits et Déesse de la Végétation », n'aurait d'ailleurs jamais permis qu'il en fût autrement.

Mais entre-temps, Ses Juges et Ses Spectres auraient effectivement gagné la surface pour faire se tenir une sorte de Grand Tribunal.

Tel avait été Son but ultime : juger les humains bien avant leurs morts pour tenter de réguler, voire d'annihiler toute cette perversion qui, après le Jugement, faisait se remplir les Prisons des Enfers.

Et vraiment, Hadès détestait au plus haut point les mortels pour cela, Il ne les supportait pas et c'était d'ailleurs aussi l'une des raisons qui le faisait demeurer à Elysion, où Il n'avait pas à poser le regard sur tous les péchés du monde à chaque pas qu'Il faisait dans son Royaume.

Alors certes, évidemment que l'idée de ce Grand tribunal des vivants n'était pas acceptable, car qui disait Jugement dernier, disait forcément mort, cela impliquait donc effectivement de tuer les gens pour présenter leurs âmes aux Juges, donnant ainsi une leçon terrifiante aux plus chanceux qui n :'auraient pas été appelé à comparaitre.

Mais le dessein n'était pas mauvais, il était même noble.
Seule la méthode envisagée l'était.

Et il était impossible de dire, dans cette situation, que la fin justifiait les moyens !

- J'ai mis un temps à m'habituer, reconnut Rhadamanthe. C'est tout de même appréciable de Le voir régulièrement dans Son Palais, ici, même s'Il sort très peu. C'est de cela dont je voulais te parler, Kanon. Il ne savait pas, pour ton âme. Ce n'est qu'un détail pour toi, peut-être, mais…

- C'est important pour toi que j'en sois conscient, compléta-t-il.

Il connaissait son Juge par cœur.

- En effet. Ton âme a commencé à s'animer lorsque Athéna a entrepris la préparation de Son retour sur Terre, sentant Elle-même Hadès s'agiter.

Kanon ne put retenir un gloussement, ce qui lui valut un haussement de sourcil de son Juge.

- Désolé, mais je trouve ça difficile à imaginer, Hadès qui « s'agite… »

- Oh ! Rh bien, concrètement, Il envoyait régulièrement des messages aux autres Dieux pour se plaindre des humains, accusant Athéna de ne pas savoir les gérer. Bien que de nombreux Dieux s'étaient retirés des affaires des mortels, Athéna, qui a toujours été considérée comme leur Protectrice et la plus proche d'eux, était souvent jugée trop laxiste avec eux, même dans cette ère. Et par le passé, chaque fois que le Seigneur Hadès s'était plaint ainsi et de plus en plus fréquemment, cela avait annoncé le déclenchement d'une nouvelle offensive de Sa part.

- D'accord, je comprends mieux. Je suppose que la préparation d'Athéna à cette éventualité consistait en l'appel des âmes de ses futurs protecteurs pour qu'ils s'incarnent.

- Exactement. La tienne est donc devenue quelque peu… bruyante. Et il a été impossible à Minos de la dissimuler plus longtemps à notre Seigneur, alors que l'empreinte d'Athéna Lui était clairement perceptible. Il l'a donc sommé de le conduire à ton âme. Eaque et moi avons d'abord pensé qu'il s'agissait de celle d'Albafica des Poissons. Tu connais l'obsession de Minos pour cet ancien Chevalier.

- Oui, nous l'avions évoqué, tous les deux. Je me souviens que Minos avait demandé à garder son âme pour… je ne veux même pas y penser ! grimaça le Gémeau, écœuré.

- Cela lui a été refusé.

- Heureusement ! Et grâce à toi, en grande partie.

- Je m'y suis plus fermement opposé qu'Eaque, qui n'a que peu argumenté dans mon sens, au départ. Mais s'il est fortement influencé par Minos, il me craint bien plus, alors il a fini par mettre son veto, également.

- Il te provoque souvent, mais il connaît tes limites et veille à ne jamais les dépasser, car en effet, il redoute vraiment ta colère.

Le Garuda aimait jouer avec le feu et le plus brûlant des Enfers était bien Rhadamanthe. Surtout lorsque Kanon était impliqué.

Ces dernières années, il avait plusieurs fois tenté le diable, enfin plutôt la Wyvern, en faisant des allusions ou carrément des propositions indécentes à Kanon, assurant même qu'avec le temps, il aurait fatalement envie de se divertir et de changer de partenaire, au moins pour quelques nuits.

Cela avait failli dégénérer sévèrement un matin où Eaque était venu chercher Rhadamanthe directement chez eux, alors qu'il aurait pu simplement le joindre télépathiquement ou au moyen d'un papillon des Enfers. La barrière que Rhadamanthe avait mis en place autour de Caina dès le début de sa relation avec Kanon était impénétrable, mais ils avaient tout de même une sorte de canal d'urgence entre Juges.

Ils étaient encore au lit, car il était vraiment très tôt, ils venaient à peine de se réveiller et se câlinaient plus ou moins sagement avant de se lever, lorsque Rhadamanthe était soudain sorti du lit pour aller écarter les rideaux et ouvrir la fenêtre de leur chambre.

Eaque se tenait là, de l'autre côté de la barrière invisible contre laquelle il avait délibérément cogné pour alerter son invocateur.

Kanon ne le voyait pas, mais l'entendait parler.
Il demandait à Rhadamanthe de le suivre pour retrouver d'urgence Minos qui les attendait au Tribunal de la Première Prison.

Il n'y avait pas d'horaires aux Enfers, Rhadamanthe s'était adapté à ceux de Kanon, mais chacun vivait comme il l'entendait. Ce n'était donc pas étonnant que Minos fut déjà à la tâche. Et comme Rhadamanthe avait dû soumettre à son aîné quelques cas difficiles sur lesquels Eaque et lui n'étaient pas d'accord et que son rôle était de trancher dans ces situations, Rhadamanthe s'était attendu à son appel.

Mais pas aussi tôt, il l'avait sûrement fait exprès.

Les propos d'Eaque avaient étayé cette hypothèse commune aux deux amants, car il avait dit à Rhadamanthe qu'il allait bien s'occuper de Kanon, en attendant son retour, et qu'il pouvait même prendre son temps, pour lui laisser le temps de pleinement le satisfaire.

Rhadamanthe était très patient, mais il y avait certaines choses qu'il ne supportait pas d'entendre, et ce genre de propos en faisait partie, surtout quand elles étaient dites et répétées à toute occasion.

C'était une insulte à Kanon, et il était hors de question de laisser passer cela.

La colère l'avait gagné en un instant, mais avant que son Juge n'eût à répondre, Kanon l'avait rejoint, puis glissé ses bras sous les siens pour pouvoir poser une main sur son ventre nu, sous le nombril, pas assez bas pour être vulgaire, ni assez haut pour être innocent.

Les yeux d'Eaque y furent irrémédiablement attiré.

Le bas du corps de Rhadamanthe se dérobait à son regard, mais il devait bien se douter qu'il ne portait aucun vêtement.
La seconde main de Kanon, était remontée sur le torse, à plat, sous le cœur tatoué à son nom.

Le Gémeau fixait le Garuda avec un petit sourire par-dessus l'épaule de son Juge, alors qu'il frottait amoureusement son nez sous son oreille.
Il avait alors dit à un Eaque visiblement très excité par cette vision, que c'était plutôt Minos qui allait devoir attendre qu'ils aient terminé.

Ce, avant de refermer la fenêtre et le rideau.

Cela avait calmé Rhadamanthe, qui ne s'était plus du tout préoccupé d'Eaque ou de Minos, pour ne se concentrer que sur son Gémeau dont il avait été à cet instant si fier et plus amoureux que jamais.

Kanon sortit de ses pensées et se focalisa sur leur conversation présente.

- Vous aviez donc pensé que l'âme enfermée était celle d'Albafica, malgré le refus d'Hadès que Minos ne la conserve.

- Il ne me semblait pas impossible qu'il ait défié notre Seigneur en pensant qu'Il ne s'en rendrait pas compte, au vu de Sa faible implication physique dans Son Royaume. Minos n'a pas le droit de retenir les âmes pour son usage personnel, mais lorsque une incarnation a été particulièrement vicieuse, il est arrivé à Hadès de fermer les yeux.

- D'une certaine façon, Minos est une Prison à lui seul… grimaça Kanon.

- En effet. J'ai fini par le voir ainsi, moi aussi. C'est pourquoi je ne m'étais pas vraiment intéressé à l'intervention de notre Seigneur, ce jour-là. Enfin, au début. Car lorsque tu as été libéré, je l'ai senti. Il y a eu comme un écho. Je me suis dirigé vers la Troisième Sphère et Tolomea, brûlant d'un sentiment d'urgence, mais j'ai été arrêté avant de l'atteindre. Hadès m'a ordonné de regagner Caina. J'ai hésité à le faire.

- À suivre son ordre ? s'étonna Kanon. Toi ?

- C'était la première fois, confirma Rhadamanthe. Mais je n'ai pas eu le choix, mon Seigneur a légèrement augmenté son cosmos et mon genou droit s'est dérobé sous moi. J'ai donc suivi son ordre, forçant mon corps à agir à l'encontre de ce que mon cœur lui demandait de faire. Je ne savais même pas pourquoi. Et je n'ai jamais rien su, jusqu'à notre rencontre.

- Hadès avait donc reconnu mon âme comme celle que tu cherchais ? C'est pour cela qu'Il t'a empêché de me rejoindre.

- Oui. J'avais fini par lui en parler. Il fallait qu'Il sache que quand tu te présenterais au Tribunal, je réclamerai la possibilité de te garder avec moi en tant que Spectre. Il s'est ensuite souvent enquis des résultats de mes recherches.

- Oh vraiment ?

- Vraiment. Une fois, bien avant cette ère, dans un moment de pure folie, j'ai même osé Lui demander s'Il n'avait pas délibérément exigé de Minos ou d'Eaque de te juger sans m'en parler, pour que je ne sois pas distrait de mes fonctions en ayant mon compagnon à mes côtés.

Kanon ouvrit de grands yeux sous la surprise.

- Comment as-tu pu faire cela, quelle audace !

Rhadamanthe eut un petit rire.

- Je voulais tant te retrouver que, parfois, cela me faisait perdre un peu le sens des réalités.

- C'est peu dire… Je suppose qu'Il n'a pas apprécié ta question quelque peu accusatrice. Comment t'en es-tu sorti, amour ?

- Si Perséphone n'avait pas été là, Il m'aurait peut-être tué. Je ne l'accusais de rien, cependant.

- Cela y ressemblait néanmoins beaucoup !

- Certes, reconnut-il.

- Il n'a pas répondu, j'imagine.

- Sa réaction et Sa colère formaient une réponse suffisante.

- C'est vrai… Donc, Il savait qui j'étais.

- Oui. Et Il a compris dans le même temps pourquoi Minos t'avait gardé. Il a très mal supporté ce côté encore si humain de Son Premier Juge. Il l'a tué, comme tu le sais puisque je te l'ai déjà raconté. Et sa résurrection a été extrêmement longue et douloureuse, à l'inverse du processus habituel de rappel des âmes, presque immédiat et indolore.

- Tant mieux ! s'enthousiasma Kanon. Je ne cesserai jamais de me réjouir de cela, même si je ne devrai pas.

Rhadamanthe dégagea son front des quelques mèches qui s'y attardaient en un geste plein de tendresse.

- Tu es celui qui en a le plus le droit au monde, agape mou. Et je partage pleinement ce sentiment, ajouta-t-il avant de l'embrasser.

Après cet échange simple mais qui, malgré les années qui passaient, faisait toujours battre leurs cœurs un peu plus vite, ils se sourirent avec la même douceur.

Puis Kanon reprit leur discussion.

- Tu m'as dit que tu avais su, à notre rencontre. Mais tu avais fait le lien avec l'âme libérée par Hadès, également ?

- Immédiatement. Alors que je luttais encore pour savoir si tu étais vraiment mon âme ou si j'étais simplement tombé amoureux de toi de manière violente, inopinée, mais passagère, les éléments du puzzle s'étant mis en place m'ont confirmé mon impression première. Au-delà de l'attirance physique, il y avait bien eu une connexion d'âmes. Celle libérée de Minos, 28 ans plus tôt, ne pouvait être que celle qui se retrouvait face à moi en tant que Kanon des Gémeaux, mon adversaire, mais aussi, celle que j'avais tant attendue et espérée. Quelle cruelle ironie !

- A qui le dis-tu !

- Après la Guerre, j'avais résolu de demander à mon Seigneur la possibilité de te parler, et à terme, te garder à mes côtés. Mais Zeus a ordonné de vous enfermer dans le Cylindre et les négociations d'Athéna ont commencé pour votre retour. Alors, j'ai patienté et prié.

- Tu ne m'avais pas tout raconté dans les détails.

- Je n'en ai jamais vraiment eu l'occasion, Kanon. Je crois aussi qu'à partir du moment où nous nous sommes retrouvés, j'ai simplement voulu laisser tout le reste derrière nous.

- C'est compréhensible. C'est comme moi, après m'être souvenu de notre première vie, je n'ai gardé que les moments avec toi. La fin brutale de notre bonheur et la brusque séparation, je les ai mis dans un tiroir que je n'ouvre jamais.

- Tu fais bien, assura le Juge. Et même le reste, tu peux l'archiver. Ce qui compte aujourd'hui, c'est nous deux, Kanon et Rhadamanthe.

- Je sais, répondit le Gémeau alors que leurs doigts s'entrecroisaient pour presser fort leurs paumes ensemble. Mais ce sont tout de même des souvenirs précieux. Même s'ils ne m'appartiennent pas vraiment. Je suis conscient qu'au fil du temps, je vais oublier beaucoup de choses. Mais tant que je peux garder le moindre moment passé avec toi, je n'y touche pas.

- D'accord, concéda Rhadamanthe avec un petit sourire.

- Et je veux notamment me souvenir encore longtemps de tes incroyables yeux lapis-lazuli et de la manière dont Milétos vibrait de tout son être, quand tu les posais sur lui.

- Ce n'est plus le cas, aujourd'hui ? Tu n'aimes pas la couleur actuelle de mes yeux ?

- Cela fait combien d'années que tu me dis et me répète que tu n'as pas pour habitude de poser les questions dont tu connais déjà les réponses, amour ?

Le Juge répondit par un petit rire, avant de lui voler un baiser appuyé.

Un silence plein de tendresse les enveloppa ensuite, dont ils profitèrent sans se quitter des yeux durant une quinzaine de minutes, encore.
Ils ne mesurèrent ce moment que grâce à l'horloge qui leur donna l'heure et une idée du temps qu'ils avaient passé ensemble.

Trop peu, mais en même temps, vu la situation, trop malgré tout.

Rhadamanthe s'en excusa, Kanon lui assura que ce n'était rien, avant de se lever tous les deux.
Un dernier long baiser, puis le Gémeau regagna la surface, tandis que le Juge allait lui-même reprendre son travail.

Enfin, c'était ce qu'il avait laissé Kanon croire, mais en réalité, il préparait l'arrivée de son compagnon dans leurs rangs.

Il y aurait bien évidemment une intronisation officielle en présence des Souverains du Royaume souterrain, Persephone et Hadès, ainsi que de tous les Spectres présents.

Tous n'avaient pas été rappelés après la Guerre sainte, seuls ceux qui avaient d'autres fonctions que guerriers de l'armée d'Hadès et étaient nécessaires au bon fonctionnement des Enfers l'avaient été.

Notamment les subordonnés directs des Juges, tels les Lieutenants de Rhadamanthe, qui avaient fini par se lier d'une forme d'amitié avec Kanon, à différents degrés, et qui prévoyaient de participer avec enthousiasme à ces célébrations en son honneur.

Celle officielle, donc.
Et une seconde entre eux était aussi prévue.

Ils n'étaient pas à proprement parlé amis, car le respect et la loyauté que ces quatre hommes témoignaient à leur « Seigneur Rhadamanthe » étaient absolus. Comme beaucoup aux Enfers, ils considéraient que le Second Juge était le meilleur d'entre tous, par sa puissance autant que par son intégrité et son éthique.

Les millénaires passés dans le Royaume souterrain n'avaient en rien souillé son âme, il n'y avait pas une once de malice chez lui, à l'inverse de Minos toujours plus machiavélique et pervers, ou du fourbe et sournois Eaque.

Comme si les vicissitudes des humains avaient fini par déteindre sur les Premier et Troisième Juges au fil du temps, mais qu'elles avaient glissé sur le Deuxième, qui n'avait jamais varié dans sa mission auprès d'Hadès et des défunts.

Autant celle-ci que celle qu'il s'était lui-même donnée, il y avait bien longtemps : retrouver son âme-sœur, l'autre moitié de lui-même.
Une attitude exemplaire qui avait forcé l'admiration des Dieux à travers les âges, tout comme de ses pairs.

Et lui avait également assuré la fidélité et la loyauté parfois jusqu'au-boutistes de ses Lieutenants.

Valentine de la Harpie, l'Étoile céleste de la Lamentation, le premier d'entre eux, avait été l'élève et le meilleur ami de l'hôte de Rhadamanthe, lors d'une précédente incarnation à la surface, et ce durant une décennie complète, de ses dix à ses vingt ans. Il avait naturellement répondu à sa demande, arrivé aux Enfers, de demeurer à ses côtés et de le servir. Il avait été le premier à accepter Kanon, car il avait toujours su ce que représentait son âme pour son Seigneur. Témoin de sa quête pendant des siècles et sachant que ce n'était qu'une goutte d'eau dans un océan d'attente et d'espoir parfois douloureux, Valentine n'avait pu que se réjouir de les voir enfin réunis.

L'amour, l'admiration et le respect que Kanon témoignait à Rhadamanthe avait très rapidement suffi à le gagner à sa cause.

Les trois autres avaient suivi, avec les efforts de Kanon qui avait su trouver les points d'accroche pour commencer à tisser des liens.

Avec Sylphide du Basilic, Étoile céleste de la Victoire, lui aussi extrêmement fidèle à Rhadamanthe, le Gémeau s'était servi de son expérience avec Aphrodite. En effet, lui aussi était un être très solitaire à cause de son aura de poison. Seuls les trois autres Lieutenants et son Seigneur pouvaient se vanter d'être proches de lui. Et depuis une quinzaine d'années désormais, Kanon aussi.

L'exemple d'Aphrodite avait également porté ses fruits avec Queen de l'Alraune, l'Étoile céleste démoniaque. Son surplis représentant une mandragore était de loin l'un des plus beaux des 108 Spectres. Bien plus, aux yeux de Kanon, que celui du Papillon, réputée à travers tout le Royaume notamment pour ses couleurs si rares pour un Surplis. Mais moins que Wyvern évidemment…

De prime abord, Queen était le Spectre de qui Kanon aurait pu être le moins proche, mais grâce à Aphrodite à qui le Gémeau avait demandé de créer ou d'adapter des plantes qui pourraient survivre aux Enfers, Queen s'était finalement ouvert à lui. Avec l'accord de leurs Dieux respectifs, le Spectre de la mandragore avait même été autorisé à visiter le jardin d'Aphrodite. Ces deux-là s'étaient bien entendus, ils avaient en commun d'avoir été un temps plus proches des plantes que des autres représentants de leur espèce, à part Valentine, Gordon et Sylphide, pour le Spectre, Angelo et Shura pour le Chevalier d'or.

Quant à Gordon du Minotaure, l'Étoile Céleste de l'Emprisonnement, cela avait l'un des plus simples à acquérir à sa cause. En effet, il possédait une hache dans son bras droit, dont il était très fier, et il le considérait même comme un ami à part entière. Un peu comme Shura et son Excalibur, même si le Capricorne était bien trop cartésien pour personnifier son arme, aussi fier était-il d'elle.

Tous les quatre morts à l'aube de la vingtaine ou celle-ci à peine atteinte, ils avaient apprécié l'humilité de Kanon, qui ne les prit jamais de haut. Il les respectait, les admirait aussi, saluait leur puissance, même s'il leur était nettement supérieur.

La petite fête qu'ils organisaient entre eux en l'honneur de Kanon n'était donc pas une soirée entre amis à l'image de celles du Sanctuaire, chez les uns ou les autres, régulièrement organisées.

Il était prévu que cela serait moins solennel que les célébrations officielles, mais la hiérarchie ne serait pas oubliée pour autant. Cependant, ils étaient heureux de pouvoir partager cela avec leur Seigneur et son compagnon, de lever leur verre à eux et leur bonheur. Rhadamanthe avait récupéré plusieurs jeux grâce à Angelo et Simon, livrés directement et discrètement via le Puits des Morts, ce qui promettait de bons moments. Il avait eu quelques doutes sur certains d'entre eux, et sachant qu'Angelo était toujours aussi prompt à faire des blagues, même si leurs relations s'étaient grandement améliorées, il restait médiant. Par contre, il avait toute confiance en Simon.

Le nouveau Chevalier du Cancer relevait vraiment le niveau !

Kanon ne pouvait évidemment pas s'attendre à cette soirée, Rhadamanthe y avait veillé. Et les Spectres informés avaient plus qu'intérêt à garder le silence et ne pas gaffer. Les colères du Second Juge étaient aussi terrifiantes que sa morale était élevée. La surprise devait et allait être totale, ce qui ravissait d'avance les cinq hommes qui s'étaient occupés de sa préparation.

Mais avant cela, le Chevalier d'or des Gémeaux allait devoir faire ses adieux aux siens, au Sanctuaire, à sa chère Gemini.

Et c'était d'ailleurs l'une des raisons qui avaient motivé l'organisation de cette petite soirée entre eux : aider Kanon, lui changer les idées, le réconforter, et lui montrer qu'il avait aussi une famille aux Enfers, autre que Rhadamanthe.

Il le savait, évidemment, depuis le temps, même si les liens étaient tout autres.
Mais avant d'en avoir une nouvelle démonstration, Kanon devait faire ses adieux à la surface.

.

Le lendemain en fin de journée,
Le Sanctuaire,
Dimanche 31 octobre 2004

.

Kanon s'accroupit devant Gemini, plus étincelante que jamais.

Elle brillait fort pour ses adieux à son porteur, les deux visages du casque pleurant des larmes silencieuses, ce qui n'était pas arrivé depuis fort longtemps !

Depuis leur résurrection, ils étaient parfaitement identiques.
Le rictus cruel de l'un d'eux avait disparu au profit d'un léger doux sourire commun aux deux côtés.

Des notes de tristesse et de joie mêlées résonnaient, car elle était à la fois heureuse pour Kanon qui allait vivre pleinement avec l'amour de sa vie, mais triste de le voir partir. Elle lui communiquait des reproches en l'accusant de trahison, en l'accusant de l'abandonner et de lui préférer un Surplis… tout en lui envoyant énormément d'amour et de gratitude.

- T'es pire qu'une gonzesse ! se moqua Angelo.

Il se prit simultanément une tape sur la tête de la part de Marine, un écrasement de pied de Shaina et une note stridente de Gemini à son encontre.

Artémisia entoura l'Armure de son bras.

- N'écouta pas ce gros macho sicilien, lui dit-elle.

- Oh! attention à ce que tu dis, la bouffeuse de pesto, tu pourrais finir suspendu dans les airs la tête à l'envers !

L'adolescente tira la langue au Cancer, alors qu'Apollo se plaçait en défense devant sa sœur.

- Je maîtrise pas du tout l'Another dimension, mais je pourrais quand même essayer sur toi si tu t'en prends à ma sœur, juste pour te voir coincé quelque part loin d'ici.

Angelo éclata de rire en feintant de donner des coups de poings à l'adolescent, qui para avec sérieux.

- C'est qu'il sait se défendre, le deuxième bouffeur de pesto ! Mais crois-moi, j'ai plus peur de ta mère que de toi, t'as de qui tenir ! Tu peux partir tranquille, Kanon, la relève est assurée !

- Je n'en doute pas, assura le Gémeau en se redressant. Gemini, je te confie Artémisia et Apollo. Veille sur eux comme tu as su si bien veiller sur Saga et moi. Je compte sur toi.

L'Armure répondit avec une note claire et très émouvante.
Le cœur lourd et avec une émotion qu'il ne parvenait plus à cacher, Kanon se tourna ensuite vers les deux adolescents.

- Je vous ai déjà longuement parlé, depuis votre arrivée, mais je tiens à répéter certaines choses. Vous le savez, j'aurais aimé avoir plus de temps avec vous deux, vous former encore et vous voir évoluer et grandir admirablement au quotidien. Je devrais le faire de loin, et sachez que je garderai toujours un œil sur vous. Je vous confie Gemini avec assurance et fierté.

- Merci, Maître, répondit Artémisia. Tu vas beaucoup nous manquer, mais on sait que tu ne seras jamais bien loin et qu'on te reverra souvent, alors ça va. On prendra soin de Gemini et on fera honneur à l'héritage des Gémeaux.

- On protègera le Sanctuaire et Athéna, et la Terre.

- J'ai confiance en vous. Je sais que cela n'a pas été évident pour vous de débarquer ici et de laisser loin une famille très aimante. Vous avez fait preuve de beaucoup de courage. Merci d'avoir fait ce choix, pour Notre Déesse et le bien de notre planète.

Il les enferma dans une longue accolade à trois, sous les yeux attendris de leurs pairs.
Et surtout des Grands popes.

Ils se souvenaient tous les deux du jour où ils avaient appris leur arrivée.

.

Flashback

Le Sanctuaire,
Bureau des Grands popes,
Treizième temple
1
er juin 1990

.
- Tu es bien assis ? Tu es tout seul ou Saga est avec toi aussi, j'espère ?

- Oui, Izïa, Saga est là, j'ai mis le haut-parleur pour qu'il t'entende. Tu peux tout nous dire, on t'écoute ! Comment ça va ?

- Sergio vous a déjà dit que l'accouchement s'était bien passé et on va très bien, tous les trois. Ils ont huit jours maintenant, et c'est toujours le cas. Ce sont des petites crevettes, mais en bonne santé, ils sortiront de la couveuse demain. J'ai hâte !

- Formidable, Letizia, nous sommes vraiment contents et soulagés. Félicitations de la part de tout le monde, ici, encore une fois.

- Merci, Saga !

- Et les prénoms, alors ? demanda Aioros. Sergio nous a dit que tu voulais nous les annoncer toi-même pour tout nous expliquer.

- Oui ! Alors, on tenait vraiment à appeler notre fils Apollo, parce que nous sommes persuadés, Sergio et moi, que tu y es pour beaucoup dans ce miracle.

Cela émut profondément le Sagittaire, qui reçut un sourire satisfait de son Gémeau à cette révélation.

- Mais je t'avais dit que c'était surtout une idée de Kanon.

- C'est toi qui as rendu cela possible. Et tu comptes beaucoup pour moi, tu le sais. C'était une évidence et pour Sergio aussi, vraiment.

- Je suis énormément touché. Merci, Izïa.

- Je sais que ce prénom lui portera chance.

- Je lui souhaite, en tous cas. Et pour votre fille, c'est le prénom de ta mère, je suppose, Lucia ?

- Ce sera son deuxième prénom, oui. Le premier m'a été soufflé dans un rêve, il y a deux mois. Vous allez me prendre pour une folle, mais je vous assure que c'est arrivé comme je vais vous le décrire. Je rêvais que je traversais un bois quelconque et soudain, une biche est apparue devant moi. Elle s'est approchée et a posé sa tête sur mon gros ventre. Et j'ai clairement entendu « Diane ».

- Diane ?

- Oui ! Mais notre Diane est votre Artémis, et c'est à la Grèce que je dois cette naissance. Notre fille s'appelle donc Artémisia Lucia. Voilà, vous savez tout ! Apollo et Artémisia, en référence aux Dieux jumeaux grecs vénérés par les anciens, Apollon et Artémis ! En plus, ils sont nés sous le signe des Gémeaux, c'est fou, non ?

Saga et Aioros échangèrent un regard, le premier clairement inquiet.

- C'est vraiment un très bel hommage, tout le monde va être touché et ravi pour vous, assura le Sagittaire.

- Dans ce cas, dépêchez-vous de venir avant qu'ils ne soient en âge de visiter eux-mêmes le pays où ils ont été conçus !

Les deux Popes éclatèrent de rire, malgré leur légère inquiétude.

- D'accord, promis, nous viendrons vous voir, on s'organisera, répondit Aioros.

- On va aussi refaire une cérémonie de mariage digne de ce nom, je veux ma réception de princesse ! Peut-être pas cette année, mais d'ici deux ans.

Sergio et Letizia avaient dû se marier un peu en urgence pour éviter aux enfants de naître hors mariage, ce qui était très mal vu en Italie, encore aujourd'hui. Letizia était assez indépendante et rebelle, mais certaines choses étaient sacrées et cela, elle le respectait scrupuleusement.

Mais comme elle l'avait dit, elle ne renonçait pas à réaliser et vivre son mariage comme elle l'avait toujours imaginé. Pas plus que Sergio n'avait renoncé à le lui offrir.

. On sera là.

- Evidemment ! Quitte à ce que je vienne vous chercher !

- Ce ne sera pas nécessaire, rit Aioros. Je veux voir cela de mes propres yeux.

- Parfait, c'est ce que je voulais entendre.

- Et est-ce que ça va aller, du coup, avec deux nourrissons et le restaurant à gérer ?

- C'est une nouvelle vie, j'ai de nouvelles priorités. Le resto est très important et je ne l'abandonne pas, mais je lèverai le pied et laisserai les autres gérer pour un moment. Je garderai un œil dessus, mais un seul.

- Mais il n'y avait que toi, en cuisine, qui va te remplacer ? Valentina va quitter Gênes ?

- Non, elle a toujours dit qu'elle ne s'occuperait du restaurant que le jour où je serai morte, avec aucun enfant pour hériter de l'affaire familiale.

- Toujours dans les extrêmes…

- C'est Valentina, tu connais ma sœur !

- Alors qui va te remplacer ?

- Sergio ! J'ai apporté quelques modifications sur la carte, qu'il puisse proposer ses propres recettes.

- Les gens viennent principalement pour te cuisine familiale transmise de mère en fille depuis plus de 100 ans, Izia. Même aux touristes, le restaurant est présenté de cette façon.

- On ne perdra pas de clients, pas beaucoup. La cuisine de Sergio est très appréciée, il est à un autre niveau que moi, c'est un Chef étoilé, ne l'oublie pas.

- Pardonne-moi d'insister, mais ce n'est pas ce que les gens cherchent, en venant au Ciao famiglia.

- Ce ne sera peut-être pas ce qu'ils espéraient en arrivant, mais ils ne perdront pas au change. Et je serai en cuisine chaque fois que je le pourrais. C'est l'avantage de vivre au-dessus et à côté du restaurant !

- Bien. Je me doute que vous avez déjà réfléchi à tout.

- A une grande partie, en tous cas. Le reste ne peut pas se prévoir. Nous avons appris à gérer les imprévus et à réagir à tous types de situation. Et nous sommes bien entourés. Cela devrait nous suffire.

- Certainement. Je n'ai pas vraiment d'inquiétude pour vous, en vérité. En tous cas, si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes là. N'hésitez pas.

- Oui, vraiment, appuya Saga.

- Merci beaucoup, à tous. Oh, Trésor, je vais devoir vous laisser maintenant, je suis désolée !

- Bien sûr, le compteur tourne.

- L'heure surtout. L'infirmière vient de me faire signe, elle doit prendre mon lait. Je suis un distributeur de nourriture, maintenant, ne l'oubliez pas !

- On te laisse remplir le plus beau rôle de ta vie.

- Oh oui, et les petits biberons ! Passez le bonjour à tout le monde et n'oubliez pas de leur relayer mon message, je vous attends pour vous présenter mes amours !

- Promis. Le bonjour à tout le monde de notre part, également.

- Ce sera fait. À bientôt !

Après avoir coupé la communication, Saga et Aioros se firent face.

- Tu en penses quoi ?

- La même chose que toi, certainement, répondit l'aîné des Gémeaux. Ce n'est pas une coïncidence. Ni le fait qu'elle ait des jumeaux, ni les noms donnés, ni que leur naissance soit sous le signe des Gémeaux.

- Athéna nous a dit qu'Elle n'appellerait plus d'âme de Chevaliers, pour cette ère. Sinon, je me serai vraiment inquiété.

- Je ne suis pas si optimiste que toi, 'Ros. Tu devrais Lui en parler. Quant à moi, je vais voir avec Kanon et surtout, Rhadamanthe.

- Tu as raison, il vaut mieux être prudents, reconnut le Sagittaire. Nos remerciements n'ont peut-être pas suffi aux Déesses…

- Je ne sais pas, avec les Dieux, il faut s'attendre à tout, soupira Saga. Nous verrons cela demain, n'y pense pas trop pour le moment. Rentrons, il se fait tard, lui proposa-t-il en lui tendant la main.

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Fin du flash back

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Saga n'avait même pas eu besoin d'interroger Rhadamanthe.
Le lendemain de cette conversation téléphonique Grèce-Italie, Athéna était venue d'Elle-même trouver ses Grands Popes pour leur expliquer la situation.

- Oui, les enfants de Letizia allaient être appelés à succéder à Kanon à la garde de la Troisième maison des Gémeaux.

C'était un coup d'Artémis, évidemment.

La Déesse avait expliqué que cela l'avait beaucoup amusé de contrecarrer les plans de sa sœur Athéna, qui avait toujours ressenti de la peine à devoir appeler des jeunes gens pour se battre à Ses côtés et en Son nom. N'ayant pas réussi à faire punir Athéna par leur père Zeus pour son attachement presque blasphématoire et souvent problématique à la Terre et aux mortels, Artémis y avait trouvé-là une petite vengeance tout à fait satisfaisante.

Surtout qu'Elle s'était assurée que la fille porterait un nom en son honneur, même si Elle devrait servir Athéna, au final…

Rhadamanthe s'était platement excusé, car il avait assuré à Kanon que les Déesses ne demanderaient rien.
Mais personne ne lui en avait tenu rigueur au Sanctuaire.
Car personne ne pouvait prévoir l'humeur changeante d'une Déesse aussi puissante, redoutable et caractérielle que la Chasseresse.

Décision avait été prise de ne rien dire à Letizia et d'attendre l'appel de Gemini, ils l'avaient espéré le plus tard possible.
Si le premier avait eu lieu à leurs 10 ans, ce ne fut donc qu'au deuxième, à leurs 14 ans, quelques mois plus tôt, que les jumeaux y répondirent.

Avec leurs parents, ils avaient souvent passé des vacances en Grèce, depuis leur naissance.

En précision du Destin qui les attendait peut-être, Athéna et les deux Popes y avaient veillé pour maintenir et renforcer le lien entre eux, les invitant et les hébergeant pour diminuer leurs dépenses. Comme Letizia n'était pas du genre à profiter, ils avaient convenu que pour chaque séjour en Grèce, ils recevraient un ou plusieurs Chevaliers en Italie, à Corniglia, la même année.

Ce marché avait été largement approuvé des deux côtés.

Le petit village perché des Cinque Terre vit ainsi défiler des Chevaliers tous plus beaux et impressionnants les uns que les autres, au fil des ans, et même habitués au bout d'un temps, les habitants célébraient toujours leurs venues avec enthousiasme.

Le taux de cœurs brisés monta en flèche, dans la région.

C'était le prix à payer pour maintenir le lien entre Letizia, les jumeaux et le Sanctuaire. Et ce n'était en rien une contrainte ni une manipulation, ils s'adoraient tous et étaient ravis d'être toujours plus proches.

Quatre ans plus tôt, les enfants, alors âgés de 10 ans, ayant été appelé par Gemini, il avait fallu expliquer à Letizia pour qu'elle pût comprendre ce qui leur arrivait. Cela avait été difficile, Aioros et Saga l'avaient fait une première fois ensemble, à la Villa, en toute simplicité.

Puis, dans un second temps, ils lui avaient montré leurs pouvoirs, notamment l'Another dimension qui les avait conduits au Sanctuaire.

Letizia avait alors découvert le Domaine d'Athéna, les arènes, les quartiers, les Temples, tout. Elle avait retrouvé les Chevaliers qu'elle avait tous appris à connaître et apprécié au fil du temps et qui étaient devenus ses amis, mais qui l'avaient accueilli cette fois-là en Armures, la laissant bouche bée devant un tel spectacle.

Athéna l'avait ensuite exceptionnellement reçu devant son autel et Letizia avait senti ses jambes se dérober face a l'immense statue, mais aussi, la Déesse réincarnée.

L'Italienne était une fervente chrétienne, cela lui avait fait un véritable choc.
Elle n'avait absolument pas remis en cause sa religion, ni sa foi, celle-ci lui avait d'ailleurs permis de reconnaître et d'accepter le divin en la personne de Saori Kido.

Mais elle avait été profondément bouleversée.

Si elle avait plutôt bien pris toutes ces révélations, sachant qu'il allait lui falloir tout de même un temps d'assimilation, l'idée que ses enfants appartenaient à ce monde n'était pas passée aussi facilement. Elle avait oscillé entre plusieurs sentiments : celui d'avoir été piégée, et quelque part, trahie, car on lui avait permis d'avoir deux merveilleux enfants, mais on voulait les lui reprendre, comme s'ils n'avaient jamais été sa famille.

Letizia n'avait blâmé ni Aioros, ni Athéna. Cela avait seulement été difficile pour elle de se débattre avec ce sentiment.

Mais encore une fois, comme elle était une personne très croyante qui s'en remettait beaucoup à Dieu et au Destin, que l'existence d'Athéna en ce monde n'avait pas signifié pour elle que Dieu, Jésus et toute la Bible étaient un mensonge éhonté, elle avait fini par accepter la situation.

Athéna lui avait également assuré que ses enfants auraient le droit de refuser d'endosser le rôle qui leur avait été arbitrairement attribué, sans aucune conséquence pour personne.

Ce qui avait terminé de rassurer la mère de famille..

Elle était donc rentrée en Italie avec la lourde tâche d'expliquer tout ceci à son mari Sergio. Comme elle le connaissait parfaitement bien, elle lui avait laissé le choix de savoir ou non de nombreux points, et il avait effectivement préféré ignorer beaucoup de détails.

Il avait notamment refusé de visiter le Domaine ou de connaître la véritable nature de Saori Kido, qui était restée pour lui simplement la Présidente de la Fondation Graad et la patronne du parrain de ses enfants.

Lorsqu'ils étaient repartis en Grèce les trois années suivantes en vacances, Sergio avait plusieurs fois laissé Letizia et les Jumeaux aller au Domaine sans les accompagner, occupant autrement ses journées avec un ou plusieurs Chevaliers devenus amis, depuis le temps.

Cette année-là, donc, alors qu'Artémisia et Apollo venaient d'avoir 14 ans, Gemini les avait appelé, tous les deux, pour la seconde fois. Ils l'avaient vu à de nombreuses reprises les quatre années précédentes, sur Kanon ou en totem, sans jamais la toucher.

Au cours de l'été, quelques mois plus tôt, sous les yeux de Saga, Aioros, Kanon, Letizia, Mu, Kiki et Athéna, les deux gantelets d'or s'étaient détachés et avaient chacun recouvert une main de chaque jumeau. Ainsi, il n'y avait aucune interprétation possible ils étaient tous deux les futurs gardiens de la Troisième maison du Sanctuaire, qu'ils défendraient, si besoin, en faisant le choix, le jour J, de celui qui l'endosserait pour combattre.

Mais il y avait encore bien du chemin à faire.

Alors oui, certes, ils étaient déjà âgés à 14 ans, leurs prédécesseurs étaient déjà des Chevaliers accomplis.
Mais les époques étaient différentes.

S'ils acceptaient leur mission auprès d'Athéna, ils auraient le temps de s'entraîner et d'apprendre.

Après le départ de Kanon, il resterait encore un Gémeau au Sanctuaire pour de nombreuses années encore, au besoin, en la personne de Saga.
Leur Maître autant que leur Grand Pope.

Et si Artémisia et Apollo étaient encore présents en ce jour d'octobre où Kanon faisait ses adieux, c'était bien parce qu'ils avaient accepté leur mission.

Après leurs vacances d'été en Grèce, ils n'étaient retournés en Italie que pour dire au revoir correctement à la famille et aux amis.
Tout en laissant leurs parents se dépêtrer avec les explications et les reproches sur le « pourquoi laisser deux adolescents seuls à l'étranger, même si c'est avec Aioros ? » etc.

- Kanon, je suis désolé, mais il va falloir y aller, intervint Rhadamanthe, resté en retrait jusque-là. Tu dois avoir gagné les Enfers avant que le soleil ne se couche pour conserver ton corps.

Le cadet des Gémeaux le savait, ce rappel était plutôt destiné aux autres qui l'entouraient et avaient bien du mal à le laisser partir.

Surtout les plus jeunes.
Notamment Elrik, âgé à présent de 23 ans, qui adorait son Oncle au possible, et dont Simon tenait fermement la main pour lui apporter tout son soutien.
Ils étaient nombreux, en vérité, à se soutenir de cette faon, parmi les jeunes et les moins jeunes.

Kanon sourit à son compagnon et vint se placer à ses côtés.

Un peu plus tôt, il avait pris le temps d'une dernière accolade et de quelques mots avec chacun des membres du Domaine sacré.
Cela avait été très long, mais nécessaire.

- Nous nous reverrons dans un an ici, je remonterai dès que cela me sera autorisé et possible. En attendant, je ne dirai pas que vous êtes les bienvenus aux Enfers, mais…

- Vous pouvez lui rendre visite, assura Rhadamanthe. Le Seigneur Hadès n'est pas comme vous, Princesse Athéna, il faudra donc simplement prévenir à l'avance que je puisse l'en aviser et obtenir Son accord. Bien que ce soit une évidence, je vous rappelle tout de même de ne pas débarquer en nombre.

- Ah ! c'est dommage, je prévoyais déjà un p'tit banquet de fin d'année au Puits des Morts ! intervint Angelo avec un ricanement.

Ce qui déclencha des soupirs et des rires nerveux.

- Je suppose que c'est un trait d'humour douteux dont tu es spécialiste, répondit Rhadamanthe. Ceci étant dit, en tant que Chevalier d'or du Cancer, tu peux y faire ce que tu veux, comme tu le sais déjà. J'en appelle donc à ton bon sens et à une forme de respect que je t'ai vu développer avec étonnement pour les règles, pour ne pas chercher à y organiser ce genre d'événement. Mais s'il te fait défaut, je ne doute pas que ton entourage saura te raisonner.

- Il te taquine, tu le connais, lui dit Kanon en lui prenant le bras.

Les relations s'étaient bien améliorées au fil des années entre Rhadamanthe et les Chevaliers avec lesquels il avait eu le plus de mal, au départ.
Le Juge hocha donc simplement la tête.

- On se revoit sûr dans une semaine, Nono, je viendrai chercher mon cadeau d'anniversaire ! intervint alors Milo.

- Je l'ai déjà confié à Camus.

- Alors je viendrai l'ouvrir devant toi !

- Tu n'as pas besoin de prétexte pour descendre, le rassura Kanon.

- Après une simple petite semaine, ce n'est peut-être pas vain, fit alors remarquer le Juge.

- Et tu vas m'en empêcher, alors ? le provoqua le Scorpion avec un petit sourire taquin.

- Tu es le bienvenu, et quand tu le souhaites. Et le message est passé, Kanon et nous tous avons bien compris qu'il allait terriblement te manquer.

Percé à jour, Milo ne put que s'incliner.

Sans laisser la possibilité à qui que ce fût de relancer une discussion, alors que le soleil se couchait déjà, Rhadamanthe ouvrit un portail vers les Enfers.

Ce fut le signal, tous les Chevaliers se mirent en rang autour d'Athéna en une fraction de seconde pour saluer solennellement leur frère d'armes, en clamant haut et fort un remerciement à Kanon des Gémeaux, fier, noble et puissant Chevalier d'or, vaillant Protecteur d'Athéna et de la Terre !

Pour se faire, les Armures d'or qui avaient été transmises à la nouvelle génération retrouvèrent leurs premiers porteurs de cette ère, auxquelles elles s'ajustèrent.

Kanon, profondément ému par ce spectacle, regarda tout le monde dans les yeux une dernière fois, s'inclina face à Athéna, les Shion et Dokho, Aioros et Saga, puis resta fixé sur lui, alors qu'il entrait dans le portail à reculons, précédé par Rhadamanthe.

Il savait que son aîné n'attendrait pas un mois avant de descendre aux Enfers s'assurer que tout se passait bien, mais cela restait difficile.
Ils étaient devenus si proches que ne plus le voir tous les jours allaient constituer une véritable épreuve, à n'en point douter !

Étant Grand pope, porte-parole et garant de l'Autorité de la Déesse Athéna, Saga ne pourrait pas se permettre de descendre trop fréquemment aux Enfers, le Domaine d'Hadès.

Même s'ils étaient en paix depuis 17 ans, cela restait délicat.

Ils s'y étaient préparés tous les deux à cette séparation.

Mais à cet instant où le portail se refermait sur Kanon, les dissimulant chacun à la vue de l'autre, ils sentaient déjà les coups de pelle qui allaient creuser le vide dû à l'absence de l'autre, entre eux.

Ils ne savaient pas encore si leur connexion allait demeurer après la « mort » de Kanon.
Mais ils redoutaient ce vide-là aussi, plus puissant, qui naîtrait si, soudain, ils n'étaient plus capables de sentir, l'un, l'autre, la présence de son jumeau, et jusqu'à son état.

Aioros glissa sa main dans celle de Saga pour le soutenir, et Elrik vint poser une main sur son épaule, l'autre toujours fermement tenue par Simon.
Il n'y avait pas qu'eux, tout le monde entourait Saga, jusqu'à Athéna qui lui prit exceptionnellement la main.

Saga se ressaisit.

Il y avait encore quelque chose qu'il devait faire pour son frère, il n'y avait pas de temps à perdre en lamentation.

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A suivre...

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Notes :

1) L'histoire des Gémeaux du 20e siècle et de l'implication de la Déesse Kèr est détaillée dans le Saint Seiya : Origin, et je crois aussi dans le Taizen, à vérifier pour ce dernier.

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Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu !
La seconde partie est quasiment finie, j'en suis à la relecture et correction. Je devrais donc pouvoir la poster rapidement.

Cependant, j'ai actuellement les deux pieds cassés, je dois donc entrer dans un centre de rééducation cette semaine. (L'étoile de la malchance qui frappe les Gémeaux, je suis du 1er décan ?)

Je compte prendre mon ordinateur pour pouvoir continuer à publier durant les deux prochains mois dans ce centre, mais je ne sais pas encore ce qu'il en sera de la connexion et du WiFi.J 'espère ne pas avoir de problème à ce niveau pour ne pas avoir à vous faire attendre deux mois pour la suite !

Je vous dis donc avec espoir au week-end prochain !

Prenez soin de vous et de vos proches.

Lysanea

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