Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur
: Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages pour ce chapitre : Rhadamanthe x Kanon, Hadès x Perséphone, Minos, Eaque, Valentine
Rating : T
Note : Bonjour à tous et merci d'être là pour terminer l'aventure, merci pour vos ajouts !

Fealina 07 : Merci, et surtout désolée pour l'attente ! Je fais au mieux, mais ce n'était pas évident avec l'installation en Centre et tout. Je suis contente que le précédent chapitre t'ait plu. J'espère que celui-ci aussi ! J'espère surtout que tu vas de mieux en mieux et que tu continueras sur cette lancée ! Courage ! C'est vrai qu'on est un peu poisseuse ! Merci encore pour ton soutien très précieux ! Prends soin de toi, c'est rassurant de te savoir bien entourée et gâtée ! Je le suis aussi. Pour cela, nous sommes très chanceuses ! :)

Mini-Chan : Merci pour ta lecture et ta review, ton enthousiasme, toujours et tes confessions! Pour te répondre, l'histoire des jumeaux de Letizia s'est construite au fil de mon écriture, alors que les éléments s'emboitaient parfaitement. Je n'avais pas cette idée en écrivant les premiers chapitres avec Letizia, mais quand je l'ai fait tomber enceinte grâce aux Déesses, j'ai calculé qu'elle accoucherait entre fin mai et mi juin, donc en plein dans les Gémeaux, et ça a fait tilt. Voilà ! Sinon, j'ai été ravie d'apprendre que tu repartais, et tu as un très beau projet, je croise les doigts pour toi et ta soeur, que l'Univers vous accorde de vous retrouver en toute sérénité. Le Venezuela vit une sacrée crise civile depuis sept-huit ans dont on ne parle absolument pas en Europe. C'est fou ce qui s'y passe. Surtout si tu y vas, sois bien prudente. J'imagine que c'est un peu ridicule de te dire cela, vu ton expérience, mais tant pis ! J'espère avoir de tes bonnes nouvelles bientôt ! Prends soin de toi !

/!\ Le chapitre était initialement trop long, je l'ai donc divisé en deux parties pour rendre la lecture plus agréable. Je ne devrais pas les poster avec trop de distance l'une de l'autre, si le wifi fonctionne toujours correctement ici et que je ne me fais pas voler mon ordinateur portable entre temps.

Merci de votre compréhension, et bonne lecture !

.


.

Le Fil rouge du Destin.

Chapitre Quarante-six : l'Adieu au Gémeau II
Bien que libres de penser et d'agir, nous sommes tenus, ensemble, comme les étoiles dans le firmament, avec des liens inséparables invisibles, mais oh ! combien sensibles et indestructibles.

.

.

Les Enfers
Giudecca, Palais d'Hadès.
Réception en l'honneur de Kanon
Dimanche 31 octobre – lundi 1er novembre 2004

.

- Ce qui est certain, mon cher Kanon, c'est que tu feras bien mieux honneur à ton nouveau titre et à ton Surplis que ton prédécesseur, assura Perséphone en adressant un sourire à l'ancien Gémeau nouvellement introduit Spectre.

Il n'était pas très à l'aise avec sa Protection, si sombre comparée à l'éclat de Gemini.
Si peu discrète également, avec un aspect sinistre.

À la place de toutes ces mains qui partaient de son dos, le transformant en une sorte de divinité hindou, il aurait bien aimé plutôt des ailes aussi belles et imposantes que la majestueuse Wyvern de Rhadamanthe…

Il avait aussi découvert que les Protections des Spectres étaient très caractérielles. Il en avait eu un aperçu avec celle de son Juge, mais en endossant celle du Meneur, il en avait lui-même fait l'expérience très concrètement.

La relation entre le Spectre et le Surplis était bien différente de ce que Kanon avait connu avec Gemini, voire même, avec Sea Dragon.

Rhadamanthe lui avait expliqué que l'âme du Spectre naissait ou renaissait dans un corps humain et y restait en sommeil jusqu'à la libération de son Etoile maléfique, terrestre ou céleste, qui marquait alors sa résurrection. Le Surplis modifiait ensuite le corps de la personne en qui résidait l'âme du Spectre pour l'adapter à ses besoins et lui fournissait aussi sa puissance de combat.

Ainsi, les soldats de l'armée d'Hadès n'avaient pas besoin de s'entraîner, ils étaient immédiatement opérationnels. Comme c'était essentiellement dans le Surplis que résidaient les Etoiles maléfiques et d'où provenaient tous les pouvoirs, le Spectre en tant que personne était surtout le moyen utilisé par la Protection pour combattre, contrairement aux Saints qui, eux, tiraient partie de leurs Armures, mais conservaient leurs pouvoirs même sans elles. Plus faibles, mais toujours présents, car ceux-ci étaient dans leurs âmes et non dans leurs Protection. (1)

Alors, Kanon avait dû tenir tête à son Surplis dès son premier essai, car bien évidemment, la Protection avait immédiatement essayé de prendre le contrôle.
Elle avait très vite été calmé par le puissant cosmos du Gémeau !

Et lorsqu'il l'avait à nouveau revêtu, quelques heures plus tôt lors des premiers moments de son intronisation officielle, elle avait pu constater que la mort n'avait en rien éteint le cosmos et la puissance de l'ancien Gémeau.

Elle l'avait accepté, ils allaient maintenant devoir apprendre à se connaître et à partager leurs pouvoirs.

Rhadamanthe le lui avait dit, Athéna également, des années plus tôt, mais Kanon en avait eu la preuve formelle en ce jour : il était et resterait Kanon des Gémeaux, même aux Enfers, même en Spectre portant un Surplis.

Il pouvait utiliser l'Another dimension ainsi que sa Galaxian explosion. Mais par respect pour sa Protection et son nouveau statut, il allait aussi devoir apprendre à utiliser les techniques du Meneur.

Alors autant s'habituer à l'avoir sur le dos, aussi désagréable cela lui fut-il pour le moment.
Il n'avait pas vraiment le choix, de toutes les façons, il devait la porter aux Enfers, d'autant plus en présence de ses Souverains.

Car il était, à présent, aux yeux de tous les habitants et créatures de ce Royaume, Kanon de l'Etoile terrestre du Meneur.

- Je m'y emploierai, Votre Majesté, je vous remercie pour votre confiance.

- En même temps, cela ne sera pas bien difficile, il a été complètement inutile lors de la dernière Guerre sainte, intervint Minos. La Vierge n'en a fait qu'une bouchée. Comme tous ceux que tu as envoyé en désobéissant à Pandore, Rhadamanthe, ajouta-t-il en fixant son frère.

- Aucun de nos hommes tombés au combat n'était inutile, répliqua sèchement Perséphone. Rhadamanthe a fait preuve de prudence et de bon sens en refusant d'accorder sa confiance aux Chevaliers renégats, l'Histoire lui a donné raison. Et face à des Chevaliers aussi puissants que Shaka de la Vierge gardant le Sanctuaire, il ne pouvait pas se permettre de lésiner sur les moyens. Rhadamanthe est le seul d'entre vous qui a pris les devants, plutôt que d'attendre aux Enfers que nos ennemis s'y présentent ! Si tu n'as rien de plus intelligent à dire, Minos, garde le silence, la prochaine fois.

- Votre Majesté, répondit-il affablement, les mâchoires si serrées qu'on pouvait entendre ses dents grincer.

Il s'inclina devant les Souverains, tous deux installés sur leurs trônes et dominant la salle où se déroulait la réception.

De petits groupes épars s'étaient formés de-ci, de-là, mais les Trois Juges et Kanon étaient restés devant l'estrade pour échanger avec leurs Maître et Maîtresse.
Heureusement qu'ils n'étaient pas dans la grande Salle du Trône, car l'immense escalier y menant aurait empêché toute discussion.

- Pour en revenir à ton rôle ici, Kanon, reprit la Reine, je pense sincèrement que tu seras au moins à la hauteur d'Atavaka, l'Etoile terrestre du meneur du 18e siècle.

- Il ira bien plus loin, assura calmement Hadès.

Il n'était pas intervenu précédemment car Il n'aimait pas parler de la Guerre sainte qu'Il avait perdue.

Mais le regard glacial et implacable qu'il avait posé sur Minos tout au long de l'échange avait témoigné de son adhésion totale à ce que Son épouse disait.
Et avait constitué un avertissement pour son Premier Juge : le mécontenter ou irriter Perséphone pouvait lui valoir très cher.

Mais alors qu'Il parlait de Kanon, et d'une manière qui surprenait quelque peu les Juges, Son regard s'était fait plus doux.

Cela avait toujours impressionné le Chevalier, depuis le premier jour où ses yeux avaient croisé ceux de la Divinité.

Hadès était d'une très grande beauté, lisse, parfaite, froide, mais sans être cruelle ou maléfique.
Cela tenait notamment à ce regard plein d'une sagesse millénaire, et surtout, si doux et triste, qu'Il posait souvent sur ce qui l'entourait.

Un regard qui ne s'animait qu'en la présence de Sa Reine en Son Royaume, rien d'autre ne semblait trouver grâce à Ses yeux.

Kanon se tourna vers Rhadamanthe, debout à ses côtés, sa main posée au creux de ses reins.
Il avait réussi à la passer les Dieux seuls savaient comment à travers deux des six bras droits du Surplis.

- Qui était cet homme ?

C'était un Spectre au statut très particulier. Notre Seigneur lui a permis de refuser de suivre les ordres de Pandore. Or, comme tu le sais, pendant les Guerres saintes, nous y sommes tous soumis.

- Et vous payez cher toute désobéissance. Je me souviens que tu m'en avais parlé, oui. Sa harpe et son fouet son redoutables.

Le Second Juge hocha la tête, puis reprit.

- Atavaka possédait également son propre petit domaine ici, ce qui peut être vu comme un privilège.

- C'en était un, il le méritait, assura Perséphone. Enfin, au début. Pardonne-moi pour l'interruption, Rhadamanthe, tu peux poursuivre, Je t'en prie.

- Merci, Votre Majesté, répondit-il avant de se tourner légèrement vers Kanon. Tandis qu'Asmita de la Vierge était considéré comme l'"homme le plus proche des dieux sur Terre", à l'image de Shaka, aujourd'hui, Atavaka était, quant à lui, considéré comme l'"homme le plus intelligent et le plus proche des Dieux, aux Enfers". Cela te correspond donc effectivement parfaitement. Tu n'es soumis aux ordres de personne, Caina est notre Domaine à tous les deux, et tu es l'homme le plus proche des Dieux. Et surtout de moi, qui le suis à moitié, ajouta-t-il en effleurant sa main discrètement de la sienne.

Kanon lui sourit et reporta son attention sur Hadès et Perséphone.

- Atavaka nourrissait de trop grandes ambitions et a été détruit par Asmita de la Vierge, l'informa le Maître des Enfers entre deux gorgées de vin, le surprenant.

Il le pensait indifférent à tout, et certainement pas prompt à retenir le nom des Chevaliers à travers les âges...

- Pas tous, l'éclaira Rhadamanthe en devinant sa pensée. Certains sont difficiles à oublier. Asmita, en particulier, car il a créé le chapelet aux 108 fruits du savonnier qui a bloqué la résurrection des Spectres, et affaiblit ainsi considérablement notre camp.

- Je comprends, oui. Et puis-je me permettre de demander ce qu'il est advenu du trop ambitieux Atavaka ? Pourquoi n'est-il pas revenu dans cette ère comme de nombreux autres Spectres ?

- Il est entré dans le Cercle de la Réincarnation et y est demeuré, il ne pourra jamais plus renaître, expliqua le Juge. La place t'attendait, depuis. Touit fait sens.

- Cela en est presque effrayant.

- Tu es effrayé ? le taquina le Juge avec un petit sourire en coin.

- Non, mais si c'était le cas ? répondit Kanon en plongeant ses yeux dans les siens sans retenue.

- Pourriez-vous ne pas badiner ainsi éhontément devant Nos Altesses ? demanda sèchement le Premier Juge.

Cela avait été plus fort que lui, il était vraiment mauvais perdant.

Le bonheur affiché de Rhadamanthe et Kanon le faisait bouillir de l'intérieur depuis plus de quinze ans, et cela ne se calmait pas.
L'installation définitive de Kanon n'allait certainement pas arranger les choses.

Il ne voulait pas être là, mais le choix ne lui avait pas été donné.
Et malheureusement pour lui, c'était plutôt son attitude qui n'était pas vraiment appréciée.

- À quel moment avons-Nous eu l'air ennuyé par cela, Minos ? intervint justement Perséphone en le regardant froidement. Veux-tu parler à Notre place, désormais ?

Le Griffon s'inclina immédiatement bien bas, ses longues mèches d'argent balayant presque le tapis.

- Je vous prie de m'excuser, j'ai simplement jugé cela inconvenant...

- Que cela le soit ou non, ce n'est pas à toi de le dire. Ne donne pas d'ordres en Notre présence comme si Nous n'étions pas à même de le faire !

- Bien, Votre Majesté. Je vous renouvelle mes excuses.

Hadès n'était pas intervenu, mais son regard à nouveau glacial posé sur son Premier Juge était suffisant comme réprimande et avertissement.
Dernier avertissement.

- Quoi qu'il en soit, reprit la Maîtresse des Enfers avec un petit sourire satisfait, cette Étoile terrestre te correspond en effet parfaitement, Kanon, Je suis d'accord avec Rhadamanthe. Et tu es bien plus plaisant qu'Atavaka, dans tous les sens du terme !

Kanon inclina élégamment le buste.

- Je vous remercie, Votre Majesté.

- Si je puis me permettre, Votre Majesté, puis-je ajouter quelque chose ? demanda soudain prudemment Eaque.

- Parle, répondit Hadès.

Et là aussi, l'avertissement dans le ton de Sa voix était perceptible.
Eaque hésita d'ailleurs un très court instant, avant de poursuivre.

- Ma précédente incarnation, dont j'ai gardé l'enveloppe depuis des siècles, était un Népalais, comme vous le savez tous, je partageais donc la culture d'Atavaka. Ce n'est qu'un détail, mais je tenais à rappeler qu'il était également un Yaksha, il possédait ainsi une double personnalité à leur image : soit une version sainte et inoffensive associée aux bois et aux montagnes, soit une version maléfique qui hantait les étendues sauvages, qui détournait et dévorait les voyageurs imprudents. Ne retrouvons-nous pas là une résonance avec notre cher Kanon des Gémeaux ? Le Surplis a certainement gardé cela de son précédent porteur, il doit être ravi de couvrir le nouveau. En même temps, face à un corps pareil, qui ne le serait pas… ajouta-t-il à voix basse.

Rhadamanthe choisit de l'ignorer, tout comme Kanon.

Et même si le Garuda avait parlé d'un ton bas, les Souverains des Enfers l'avaient inévitablement entendu.
Mais, à l'image du couple concerné par la provocation, Ils firent comme si cela n'avait pas été le cas.

- Tu n'auras qu'à le lui demander, mais ce n'est pas le soir pour se faire, lui dit Perséphone avant de reporter son attention sur Kanon.

Qui, décidément, appréciait vraiment beaucoup la Maîtresse des Enfers.

Il se retint cependant de trop le montrer en modérant son sourire, car Hadès ne le quittait pas des yeux.
Il s'était habitué, depuis le temps, mais cela restait impressionnant.

Kanon avait cette chance d'être apprécié de la Reine des Enfers et ce, depuis leur toute première rencontre.

Elle avait également lourdement contesté et puni Minos pour ses actions à leur encontre, avait-il appris un jour, et Elle les protégeait Rhadamanthe et lui de la moindre petite pique que le Premier Juge leur adressait.

Ayant été également très fortement réprimandé par Hadès à quelques reprises, sans compter sa mise à mort après avoir découvert l'emprisonnement de l'âme, Minos ne s'y risquait plus trop. Mais encore une fois, il avait toujours le bonheur affiché de Kanon et Rhadamanthe en travers de la gorge.

C'était vraiment, pour le couple qu'il avait tant œuvré à séparer, la plus belle des vengeances de le voir fulminer ainsi et peiner à retenir ses interventions.

Et de savoir que son tourment serait éternel…
Leur joie et satisfaction étaient indescriptibles.

Milo avait suggéré un jour à Kanon qu'il pourrait, à terme, devenir Juge lui aussi et supplanter Minos.
Ce n'était absolument pas dans les projets du couple et Kanon n'en avait même pas parlé à Rhadamanthe.

Mais malgré tout, cela restait dans un coin de sa tête.

Certes, la place de Juge des Enfers était attribuée à des hommes qui s'étaient illustrés de leur vivant par leur grande probité, leur sens de la justice et leur inflexibilité.

Mais Minos avait tant changé durant tous ces millénaires ! Même si ses Jugements étaient irréprochables, il en faisait de moins en moins, et son comportement en dehors laissait fortement à désirer.

À côté de cela, Kanon était devenu exemplaire durant ces dix-sept années après sa résurrection.
Et il était apprécié de tous, aux Enfers.

Le remplacement ne serait pas bien difficile…

Kanon n'était pas animé par une soif de vengeance, encore une fois, celle que Rhadamanthe et lui lui infligeaient en étant simplement heureux était largement suffisante.
Il ne rêvait pas non plus de grandeur et ne se prétendait aucunement apte à accomplir cette lourde tâche, pour le moment.

Simplement, de ce qu'il avait pu observer depuis plus de 16 ans, Minos était une véritable plaie, même pour les Enfers, et se débarrasser de lui pourrait être une bonne chose, peut-être...

Enfin, ce n'était pas dans ses projets, ni ses envies.
Il avait déjà beaucoup à faire pour, au moins, les deux prochaines décennies.

Ceci étant dit, l'Eternité ouvrait tout un champ des possibles.

.
.

Plusieurs heures plus tard
Caina

.
Le héros du jour et son compagnon avaient pris congé de la réception en son honneur, qui, apparemment, si elle avait eu un début, n'avait pas vraiment de fin délimitée.

Les allers et venues s'étaient déjà enchaînés, chacun faisant sa vie, s'occupant de ses tâches et revenant profiter du banquet, de la musique, des discussions, et bien évidemment, de Kanon.

Jusqu'au moment où Rhadamanthe s'était dit que c'était suffisant et qu'ils avaient besoin d'être un peu seuls, tous les deux.

Kanon n'avait plus aucune notion du temps, et il le lui confirma d'ailleurs, alors qu'ils venaient de s'installer sur le canapé après une rapide toilette rafraîchissante.

- Je n'ai pas de sensation de fatigue ni de sommeil, mais j'imagine que beaucoup de temps a passé depuis que je suis descendu, non ?

- Oui, confirma Rhadamanthe. Un Spectre éveillé n'a pas besoin de dormir, de se reposer ou de manger durant les premières 24 heures, afin qu'il puisse se consacrer pleinement au combat, notamment. Ensuite, l'enveloppe humaine peut en ressentir la nécessité. Il n'est pourtant pas obligatoire d'y répondre dans l'immédiat. Selon la puissance du Spectre et de son Surplis, il peut demeurer plusieurs jours à quelques semaines, voire des mois, sans manger, boire ni dormir.

- Vraiment ?

- Vraiment. Mais cela est tout de même déconseillé. Nous devons prendre soin de nos corps, même si nous pouvons en changer. Hadès accorde une grande importance à la vie. C'est bien pourquoi Il supporte si peu de voir les humains la gâcher en perversion et en turpitudes.

- Je vois. Il est donc passé plus de 24 heures, depuis mon départ du Sanctuaire, déduit-il en regardant la pendule murale.

Elle donnait l'heure, mais il ne savait pas de quel jour.
Sa vie humaine s'était arrêtée le 31 octobre 2004.

- Pour être plus précis, environ 41 heures sont passées, Kanon, révéla le Second Juge.

- Nous faisons la fête depuis si longtemps ? s'étonna-t-il. Je n'ai vraiment rien remarqué !

- Tes sens sont un peu perturbés, pour le moment. Mais en effet, cela fait presque deux jours que les Enfers célèbrent ton arrivée en se relayant sur les postes importants. Enfin, pas tout le monde, évidemment.

Kanon posa sa tête sur l'épaule de Rhadamanthe, alors que leurs mains se rejoignaient et s'entrecroisaient sur sa cuisse.

- Je suppose que Minos est retourné à son bureau ou au Tribunal assez rapidement. Je n'ai pas spécialement fait attention à lui, mais je ne crois pas l'avoir revu, après notre échange avec Perséphone et Hadès devant l'estrade.

- Non. Il n'était de toute façon pas le bienvenu, dès le départ, rappela Rhadamanthe. Sa position seule exigeait sa présence. Mais je tenais aussi à ce qu'il soit là.

- Tu voulais qu'il assiste une nouvelle fois à notre bonheur de nous retrouver totalement et définitivement, devina Kanon.

Rhadamanthe ne répondit pas.

Ce n'était pas son genre d'avoir ce type de sentiments, il en était un peu honteux.
Mais oui, évidemment qu'il ressentait une joie presque malsaine à triompher enfin de Minos qui les avait tant fait souffrir.

- Je comprends, amour, le rassura Kanon en serrant sa main plus fort. Je partage cette espèce d'exaltation d'avoir pu finalement le vaincre totalement. Voir tous les efforts qu'il a fait pour nous séparer être réduits à néant définitivement, et savoir qu'il va devoir vivre et nous côtoyer en étant témoin chaque jour du bonheur dont il a voulu nous priver, alors qu'il est lui-même si seul, et qu'il subit déjà cela depuis plus de 16 ans… ce ne peut être que jouissif. Qui pourrait nous reprocher d'éprouver cela ?

- Tu as raison, reconnut le Second Juge, soulagé par les mots justes de son précieux compagnon. Merci, Kanon. Je t'aime, ajouta-t-il en détachant leurs mains pour pouvoir plutôt le serrer dans ses bras.

- Je t'aime aussi.

Il le garda un moment contre lui en passant sa main entre les mèches d'or qui encadraient son visage, s'attardant volontairement sur la peau douce sous ses doigts au passage.

- Comptes-tu les laisser repousser à une longueur égale à celle de jadis, à présent que tu es ici de manière pérenne ?

La mode des cheveux longs des années 80 était passée depuis des années, beaucoup d'entre eux qui les portaient ainsi avaient fini par les couper, les raccourcir ou au moins, les désépaissir.

C'était le cas de Milo, Camus et Kanon, à l'inverse de Saga, qui, étant moins souvent à l'extérieur du Domaine, n'avait pas éprouvé la nécessité de le faire, ni l'envie.

Tout comme Aphrodite, d'ailleurs.
Sa chevelure faisait partie de son identité, il avait toujours été hors de question de l'en « amputer », selon ses propres termes.

Quant à Mu et Shaka, ils les portaient indifféremment longs ou courts, depuis plus de dix ans, au gré de leurs envies.

- Tu le voudrais ? répondit Kanon en s'écartant légèrement pour prendre lui aussi une de ses mèches de cheveux entre ses doigts.

Ils descendaient juste sous ses oreilles, désormais, et Rhadamanthe adorait le voir replacer quelques rebelles derrière l'une d'elle.
Un tout petit geste qui suffisait à faire s'accélérer les battements de son cœur.

Selon son état d'esprit ou la situation, cela pouvait être d'attendrissement et d'amour, ou bien alors, d'excitation et de désir.

- J'aime les deux, mais je reconnais que tes longues mèches cascadant sur ton corps me manquent, parfois. La manière dont ils formaient un rideau autour de nous, quand tu es au-dessus de moi et penché sur mon visage, nous isolant encore plus de tout ce qui n'est pas nous, à quelque chose de merveilleux et de magique qui va au-delà de l'érotisme de la situation déjà bien élevé.

Kanon se mordit légèrement la lèvre inférieure, amenant inévitablement le regard soudain plus intense de son Juge dessus.
Et le baiser brûlant qu'ils échangèrent alors était la suite logique de ce geste, invariablement la même conséquence depuis plus de 16 ans.

- Alors, je vais arrêter de les couper, décida le Gémeau en s'écartant à peine de ses lèvres.

- L'Eternité nous est acquise, agape mou, rappela le Juge trois fois millénaires. Tu auras tout le temps d'expérimenter encore et toujours toutes les longueurs et les coiffures que tu voudras.

- C'est vrai. Et de jouer avec, tout en observant tes réactions et récoltant le fruit de mes provocations.

- Exactement, souffla Rhadamanthe, avant de reprendre ses lèvres pour un nouveau long baiser passionné.

Un autre suivit encore après une courte pause et un échange de regards, avant que Kanon ne reposât sa tête contre le cou de Rhadamanthe avec un soupir de contentement.

- Il est temps de changer de tête, justement, c'est l'occasion. Je ne me souviens plus très bien quand je les avais coupés à cette longueur, la première fois… Ce n'était pas pour la cérémonie du PACS de Milo et Camus, en France, il y a trois ans ? (2)

- Non, la première fois, c'était bien plus tôt, en l'an 2000. À cause de Milo, toujours, et d'Aphrodite.

- Oh, oui, cela me revient ! Ils avaient mis le chantier au Sanctuaire avec leurs théories absurdes sur le passage au nouveau millénaire ! se souvint Kanon avec un petit rire. Ils disaient qu'il fallait tous qu'on renonce à quelque chose, qu'on le laisse dans l'époque précédente…

- Alors, tu as coupé tes cheveux.

- Comme on fait pour les défunts, oui. Ils se coupaient bien leurs cheveux à l'époque pour marquer le deuil, je ne me trompe pas ?

- Oui, comme Achille à la mort de Patrocle.

- Et moi, enfin, Milétos, à l'annonce de ton décès.

- Tu t'en souviens ? s'étonna Rhadamanthe en caressant distraitement son épaule qu'il avait entouré de son bras.

- Vaguement, oui.

- Se couper les cheveux représente la perte d'une partie de soi, expliqua le Juge. Ce même sentiment qui peut nous saisir à la disparition d'un être cher. Milétos avait de magnifiques boucles blondes qui encadraient son visage, héritées à n'en point douter de son père Apollon. Mais il devait souvent les raccourcir, car ses moutons avaient tendance à…

- … les mâchouiller et tirer dessus, compléta Kanon avec un sourire. C'était même toi qui, parfois, les lui coupait.

- Exact.

- Mais quand la nouvelle de ton décès lui est parvenu, il n'était plus berger, rappela le Gémeau. Grâce à la flotte que tu lui as confié pour qu'il puisse s'enfuir en sécurité loin de Minos, il a été très bien accueilli par Astérios en son pays. Il a même renommé sa ville Milétos en son honneur. (3)

- Je ne l'ai pas envoyé n'importe où, tu sais. Je ne doutais aucunement du fait qu'il allait être très bien reçu, j'y ai veillé. J'avais conquis une partie de l'Asie Mineure principalement pacifiquement, en amenant l'ordre et les lois au sein de peuples et de villes qui peinaient à former une société cohérente pour prospérer. Il se disait de moi que j'utilisais aussi bien la règle que l'épée, les tables de lois que mon armée.

- C'est vrai que ton nom était connu, apprécié, ton illustre personne souvent citée en exemple, ou invoquée en prière et pour appeler la chance à soi. Alors quand ton décès a été rapporté, beaucoup de villes et villages ont marqué le deuil. Milétos a coupé ses belles boucles blondes que tu aimais tant. Il en a jeté une partie dans la mer et en a brûlé une autre. Cela a été difficile pour lui, tu sais. Je sens en moi qu'il avait longtemps eu cette impression que tu ne mourrais jamais et que vous vous retrouveriez.

- Il n'avait pas tort.

- D'une certaine façon, non. Mais à ce moment-là, il pensait t'avoir perdu dans cette vie qu'il vivait. Mais il avait espoir de te retrouver dans les suivantes. Seulement, savoir que tu n'existais plus dans ce monde était terrible, pour lui. Il aurait même pu se couper un bras ou une jambe, plutôt que ses cheveux, tant le sentiment de perte était immense. A travers le temps et l'espace, je le sens encore.

Rhadamanthe serra Kanon contre lui un instant et posa un baiser appuyé sur sa tempe.

- Cela ne vous arrivera plus jamais.

- Non, en effet.

- Tu as donc coupé tes cheveux pour marquer le passage au nouveau millénaire, reprit le Juge après un court silence. Tu tenais donc tant que cela à l'époque précédente ?

- Pas du tout ! Je ne voyais tout simplement pas ce que je pouvais laisser d'autre. Je ne suis pas matérialiste, je n'avais rien à quoi j'étais particulièrement attaché, je ne l'ai jamais été que des gens. Exception faite de ce que tu m'as offert toutes ces années, et il était hors de question que je renonce à l'un d'eux. Comme les cadeaux de Saga.

- Ce ne sont que des objets, pour ma part, je peux t'en offrir davantage.

- Non, justement, répliqua Kanon es s'écartant légèrement pour pouvoir le regarder dans les yeux. Chacun marque un moment important, même lorsque tu m'en as offert sans aucune occasion, juste pour me faire plaisir. Ce ne sont pas uniquement des objets, ce sont comme des mots, à chaque fois, qui me disent ton amour pour moi. C'est aussi comme cela que je considère ceux que je te fais.

- Je sais. Je disais cela pour que tu ne culpabilises pas, si un jour tu dois te séparer de l'un d'eux, volontairement ou non.

- J'ai toujours fait en sorte que cela n'arrive pas. Mais si un jour je perds quelque chose… et bien, j'aurais toute l'éternité pour le retrouver !

- Et si c'est ici, de nombreuses personnes pour t'y aider.

Kanon sourit, puis reposa sa tête sur l'épaule de Rhadamanthe, qui l'entoura de nouveau de son bras, caressant la peau nue à portée du bout de ses doigts.
Après un court silence apaisant, il laissa échapper un léger soupir.

- Comment te sens-tu ? lui demanda son Juge avec douceur.

- Plutôt bien. J'ai mangé par réflexe et curiosité plus que par faim, donc je ne la ressens pas pour le moment. Et je ne suis pas fatigué non plus.

- Et qu'en est-il, moralement parlant ?

Kanon haussa élégamment les épaules.

- Je ne vois pas encore de différence avec les autres jours. Je n'y ai pas trop pensé, étrangement, alors que depuis ces dernières heures, tout me rappelle que c'est ici chez moi, désormais. Pas seulement Caina, mais les Enfers en entier. Je crois que le manque s'installera plus tard, quand l'envie de remonter ne pourra être satisfaite, jour après jour.

- Je serai là, ne l'oublie pas. Peu importe le moment où tu auras besoin de moi, où tu te sentiras seul, quoi que tu éprouves, tu dois venir me trouver, si tu penses que cela te fera du bien de m'avoir à tes côtés.

- Comment pourrait-il en être autrement ?

- Tu pourrais vouloir être seul. Kanon, il est aussi possible que tu m'en veuilles, à un moment donné.

- Comment ? s'exclama le Gémeau en se redressant.

Cette idée ne lui avait jamais traversé l'esprit.

- Peut-être pas maintenant, mais le manque de tes proches peut générer ce genre de pensée et de ressentiment à mon égard.

- Mais c'est impossible, Rhad', amour, voyons ! Je ne dois rester ici qu'une année, en plus, avant de pouvoir remonter les revoir, et Angelo ou Simon vont escorter ceux qui le veulent au Puits des Morts pour que je puisse passer un moment avec eux. Toi aussi, tu me l'as proposé.

- Il n'y a pas que tes proches. La surface, le soleil, le vent, la nature… il ne faut pas sous-estimer tout cela.

- C'est toi qui me sous-estimes. Je peux tenir un an et plus, si nécessaire. Et sans t'en vouloir !

- Je ne te sous-estime absolument pas, agape mou. Je sais que tu peux le faire. Cela ne t'empêchera pas de m'en vouloir, un jour, de devoir le faire.

- Alors ce sont mes sentiments pour toi que tu sous-estimes. J'ai fait mon choix, Rhad', mon amour, dans la vie et dans la mort, à jamais. Cette vie ici, aux Enfers, est la mienne depuis 16 ans et demi. Je l'aime, je suis heureux, tu me rends heureux, pleinement. Et même si un jour, pour une raison ou une autre, on me privait définitivement de la surface, ce ne serait jamais pire que de me priver de toi. Alors, ne dis plus ce genre de choses, s'il te plaît, tu veux bien ?

Le Juge regarda longuement cet homme qui était vraiment tout pour lui, et le serra à nouveau contre lui en déposant de tendres baisers entre ses mèches d'or et de soie.

- Promets-moi de toujours me parler, quoi que tu aies à dire, quoi que tu ressentes.

- C'est déjà le cas, mais je te réitère cette promesse, répondit Kanon en lui rendant son étreinte.

Ils restèrent ainsi un moment enveloppé de silence et d'amour.

Les yeux de Kanon étaient posés sur leurs deux Surplis en totem, face au canapé, chacun dans sa niche creusée dans le mur du fond, à quelque distance l'une de l'autre.

Rhadamanthe avait aménagé celle du Meneur à l'image de celle de sa Wyvern, un socle soutenant les Protections et un rideau les dissimulant aux regards lorsqu'il était fermé.

Kanon se fit encore une fois la réflexion que Wyvern était magnifique, en totem aussi bien que sur son Juge.

Le Meneur, lui, ressemblait réellement à une sorte de démon en méditation ou en prières, sorti tout droit d'un des nombreux Védas hindous. (4)

Gemini en totem avait aussi 4 bras dressés, même si deux d'entre eux étaient en réalité les jambières, une fois portée. Ces quatre membres étaient une référence à l'androgyne décrit et présenté par Platon, dans son Banquet. Mais même si c'était l'une des Armures les plus énigmatiques de la Chevalerie d'Athéna, la vision n'était pas dérangeante, bien au contraire.

Peut-être car elle brillait de mille feux ?

Sachant que Kanon avait du mal avec l'aspect de son Surplis, Rhadamanthe l'avait rassuré : si les Protections modelaient normalement le corps d'incarnation du Spectre pour l'adapter à ses besoins, fonctions et pouvoirs, le Juge ne doutait pas de la capacité du puissant Gémeau à renverser le processus qu'il avait, dans un premier temps, bloqué.

Puisqu'il cohabitait avec l'Etoile maléfique qui lui prêterait ses pouvoir le moment venu, si nécessaire, il n'était pas difficile d'imaginer la Protection se redéfinir selon la volonté et les aspirations de son nouveau puissant porteur.

Kanon ne voulait pas la modifier en profondeur, il respectait son essence et veillait à ce que le Surplis n'eut jamais le sentiment d'être rejeté ou dévalorisé par son nouveau gardien.

Mais il ne s'en cachait pas, six bras de chaque côté, il trouvait cela un peu excessif
Cela avait sûrement correspondu et reflété l'exubérance et l'ambition de son prédécesseur Atavaka, mais elle ne représentait en rien Kanon.

Pour le moment.

C'était l'une des raisons pour lesquelles Rhadamanthe ne doutait pas qu'avec le temps, le Meneur finirait par changer d'aspect sous l'influence de la puissance du cosmos et de l'âme de Kanon, pour renvoyer l'image exact de ce qu'il était : un être plein d'humilité et de sagesse, de noblesse et de beauté intérieure comme extérieure.

Il l'imaginait sans peine devenir une sorte de Shiva Nataraja, la forme du Dieu Shiva en danseur cosmique. Dans son cercle de feu et avec ses quatre bras, Shiva dansant représentait l'âme universelle et éternelle irradiant toute l'énergie.

Cela irait si bien à Kanon.
Plus que cette espèce de double Asura qu'était le Meneur pour le moment. (5)

Et puis, Gemini, de ses quatre mains, à l'image de Shiva et de nombreux autres Dieux hindous, formait des mudras importants : Chandra Kala, le Doigt de Lune, appelant à l'offensive, Mushti, le Poing, l'appel au combat, Padama kosha, le Bouton de lotus, l'appel au calme, à la paix et à l'harmonie avec la nature, et enfin Karana, la Cause, l'appel à l'amour de soi et des autres en extériorisant tous les démons, intérieurs et extérieurs.

A travers Kanon, son influence future et certaine sur le Surplis du Meneur, qui baignait déjà dans l'hindouisme, ne semblait pas du tout incohérent au Juge.

Le Gémeau avait confiance en son compagnon, alors même si l'amour absolu qu'il lui portait pouvait faire craindre un manque d'objectivité de sa part, il croyait avec lui que cela lui serait possible de modeler la puissante Protection.

Comme tout le reste, il allait falloir y travailler et être patient.

Et s'il avait bien appris quelque chose des Enfers, au cours de cette dernière décennie, c'était bien que Patience et Travail étaient définitivement les maîtres mots du Royaume d'Hadès.

Soudain, alors qu'ils étaient chacun perdu dans leurs pensées, mais sans jamais s'isoler et en maintenant toujours le lien et le contact entre eux, une présence et un puissant cosmos envahirent la pièce, traversant la barrière autour de Caina sans aucune difficulté, et sans la détruire ni l'altérer pour autant.

Ils se séparèrent immédiatement pour se redresser et mettre un genou à terre.

*Relevez-vous, chers enfants*, résonna une voix autour d'eux et dans leur tête.

C'était celle de Perséphone.

- Votre Majesté, répondirent-ils d'une seule voix en s'exécutant.

*Rhadamanthe, je voudrais que tu conduises sans délai Kanon au Molino. (6)

- Bien, Votre Majesté, nous venons immédiatement, conformément à Votre volonté, répondit le Juge.

*Je vous y attends*

La présence disparut et Rhadamanthe appela immédiatement à lui sa Wyvern, qui le recouvrit en silence.

- Je dois aussi… ? demanda Kanon en regardant le Surplis.

- Non, pas pour le moment, le rassura-t-il avant de le reprendre prudemment dans ses bras pour les téléporter, sans plus attendre.

Ils arrivèrent devant une belle bâtisse que Kanon n'avait encore jamais vu.
Elle ressemblait à un temple grec classique, mais avec une sorte d'enclos en pierre l'entourant qui le différenciait cependant.

Cela rappelait à Kanon les descriptions des Sanctuaires de Demeter et de Coré, donc Perséphone, dont les rites secrets et mystérieux qui s'y déroulaient étaient toujours protégés ainsi des profanes par des enceintes, des murs ou des enclos.

C'était bien plus léger ici, l'enclos était bas et le temple visible, mais ce ne pouvait pas être une coïncidence non plus.

- Où sommes-nous ? questionna-t-il son Juge malgré tout.

- Au Molino, à l'arrière de Giudecca.

Kanon se retourna et reconnut, en effet, derrière eux, l'architecture courbe du Palais d'Hadès qu'il n'avait jamais vu que de face, jusqu'à présent.

- Je croyais qu'il n'y avait que le Mur des Lamentations et le passage vers Elysion, derrière le Palais !

- Nous sommes bien à l'extrémité des Enfers et seule Giudecca donne accès à Elysion, expliqua Rhadamanthe. Mais il y a aussi des bâtiments annexes dans cette dimension. Celui-ci est le Molino, le Domaine privé de Perséphone. Il n'est connu que de rares personnes, c'est pourquoi nous nous sommes empressés de rebâtir le Giudecca après la Guerre sainte, afin qu'il le dissimule, comme il l'a toujours fait, par son imposante structure.

- C'est pour cela que tu as eu l'air surpris un instant, quand la Déesse Perséphone t'a demandé de m'y conduire...

- Oui, confirma le Juge. C'est assez inattendu.

- C'est bon signe ou je dois m'inquiéter ?

- Il n'y a qu'un moyen de le savoir, répondit-il en lui prenant la main. Allons-y, ne La faisons pas attendre plus avant.

- Oui, bien sûr.

Rhadamanthe et Kanon montèrent les marches d'un pas rapide, puis passèrent l'immense porte ouverte pour arriver dans un hall richement décoré, où Perséphone les attendait.

Elle s'était changée depuis la cérémonie, et portait à présent un "simple" péplos vert sombre maintenu à l'épaule par une fibule en or au motif de coquelicot.
Ses longs cheveux roux étaient rassemblés en deux bandes pour former un chignon sur sa nuque, attaché par un long ruban de la même couleur que son péplos.
Un fin diadème d'or couronnait le tout.

C'était certes une très belle Déesse, mais pour Kanon, Elle n'égalerait jamais Athéna, ni par Sa beauté, ni par Sa présence, ni par Son aura.
Devant Perséphone, pourtant puissante Maîtresse des Enfers redoutée de tous, il ne ressentait pas le dixième de ce qu'il ressentait face à Sa Déesse.

Parce que oui, son choix de vivre auprès de Rhadamanthe aux Enfers avait fait de Perséphone sa Reine, mais Athéna resterait à jamais sa Déesse.

Ce qui ne l'empêchait évidemment pas de lui témoigner le plus grand des respects.

Ils mirent un genou à terre, mais Perséphone les releva tout de suite, et sans même lever le petit doigt.

- J'ai interrompu un délicieux moment de calme et de sérénité, vous m'en voyez sincèrement navrée.

- Nous sommes à Votre disposition, Ma Reine, que pouvons-nous faire pour Vous ? répondit le Second Juge en inclinant le buste respectueusement.

- Suivez-moi, ordonna-t-Elle avec un doux sourire.

Rhadamanthe reprit la main de Kanon et la pressa tendrement pour le rassurer, puis ils emboîtèrent le pas à la Déesse.

.Celle-ci les conduisit à travers différents couloirs, dont les décors et l'architecture donnaient à Kanon l'impression de traverser une forêt enchantée.

C'était à la fois magnifique et terriblement triste, car tout était figé : il n'y avait aucune vie entre les branches des arbres, aucun chant d'oiseau, aucun souffle de vent.

Le regard des animaux sculpté était vide, les fleurs et les fruits n'avaient ni odeurs, ni goûts.
La lumière qui les éclairait n'était pas celle du soleil.

Rhadamanthe serra sa main plus fort et il le regarda en lui souriant pour le rassurer : il allait bien.

Perséphone s'immobilisa enfin devant une porte qu'Elle ouvrit en les invitant à la suivre à l'intérieur.

C'était une pièce qui faisait bien deux fois la taille du salon de Caina, déjà très spacieux, baignée de la douce lumière de nombreux chandeliers posés ça-et-là. Les fleurs et les plantes ici étaient réelles, séchées en harmonieux bouquets enrubannés ou fraîches, bien qu'éphémères.

Cela sentait divinement bon, également.
De toute évidence, il s'agissait du boudoir de la Reine.

Ils n'avaient pas été plus loin que l'entrée et s'étaient immobilisés devant un magnifique et luxueux tapis, à première vue de la luxueuse laine d'alpaga voire, de cachemire.

Les deux hommes se trouvaient quelque peu gênés d'être dans un lieu si privé et appartenant à une femme, ils avaient donc baissé très vite les yeux et les gardaient rivés au tapis dont ils pouvaient observer tous les détails à loisir.

Sentant son Juge dans un état proche du sien, Kanon comprit que même lui n'avait jamais été admis dans cet espace.

Il se demanda furtivement ce que penserait Hadès de leur présence dans le boudoir de sa Reine… avant de se moquer de sa propre bêtise : évidemment qu'Il était déjà au courant !

Perséphone leur fit signe d'approcher, alors qu'Elle tirait un rideau vert émeraude, couleur dominante de la pièce, découvrant ainsi un très grand psyché.

L'encadrement du miroir était magnifiquement sculpté sur le thème de la nature, avec des entrelacs de végétaux, de fruits et de fleurs à l'art si précis et réaliste que les divers éléments donnaient l'impression de pouvoir être cueillis ou croqués. Le même artiste semblait avoir été à l'œuvre dans les couloirs et décor qu'ils avaient précédemment traversés, mais il y avait logiquement bien plus de chaleur et de vie dans cette pièce.

Kanon se défit de ses chaussures, Rhadamanthe de son Surplis, et même ainsi, ils essayaient de se faire le plus léger possible comme pour ne pas trop imprimer leurs pas sur le tapis à la douceur et au moelleux incomparable, dans lesquels ils s'enfonçaient.

- Les premiers temps de ma captivité ici, alors que j'étais retenue à Giudecca, mes amies et ma mère me manquaient énormément, commença à raconter la Reine des Enfers, recentrant l'attention sur Elle alors qu'ils l'avaient rejointe. Le chant des oiseaux, le bruit des ruisseaux ou de la mer, la douce mélodie de la pluie, le murmure du vent, également... Pour alléger ma peine, le Seigneur Hadès, que je ne considérai pas encore comme mon époux, m'a offert ce miroir. Ce qui fut à la fois un apaisement et une intensification de mon tourment.

Elle se tourna vers Kanon, qui avait relevé les yeux quand Elle avait pris la parole, tout comme Rhadamanthe.

- Vous montrait-il Vos proches ? osa demander le Gémeau.

- Tu es très perspicace, Kanon, sourit la Maîtresse des Enfers. En effet, c'est un miroir d'immersion. Il me permet de voir la Surface, d'entendre ce qui s'y passe, mais sans pouvoir intervenir, bien évidemment. Je suis la seule à y avoir accès, pour tout autre personne, il n'est qu'un miroir reflétant ce qui lui est présenté. Un tel objet pourrait facilement être détourné à de mauvaises fins, alors Je l'ai ainsi protégé et scellé, y compris de mon Seigneur. Je suis l'épouse d'Hadès, mais je reste la fille de Demeter et la Terre est très précieuse, à Mes yeux. Je dirai même, intouchable.

- Je n'ai aucun doute à ce sujet, Votre Majesté.

Évidemment que l'ancien Gardien du Troisième temple avait immédiatement songé que ce miroir pouvait être utilisé pour espionner la surface et même, le Sanctuaire. Athéna et sa barrière le protégeait, désormais, mais aux temps où Elle n'était qu'un bébé…

Enfin, Elle avait tout de même su le protéger, lui, de la noyade au Cap Sounion alors qu'Elle venait à peine de naître.

La question ne se posait pas, de toute façon, Kanon avait confiance en Perséphone.

- Lorsqu'un Dieu ou une Déesse souhaite me parler, m'informer de quelque chose, bien que Je ne puisse répondre, Ils s'adressent au miroir. Je sens ses vibrations ou que Je sois aux Enfers et Je rejoins cette pièce séance tenante. De nos jours, il n'y a plus qu'une seule personne qui s'en sert vraiment, c'est ma sœur Athéna.

- Athéna ? ne put s'empêcher de s'exclamer Kanon. Toutes mes excuses, Votre Majesté.

- Je t'en prie, Je comprends ta surprise. Nous sommes proches, toutes les deux, comme tu le sais, et ce, malgré Son différend avec Mon cher époux.

- Je ne pensais pas qu'Elle pouvait s'adresser directement à Vous, Votre Majesté.

- Grâce à toi, nous avons pu plus facilement échanger de courriers durant Mon temps ici. Mais ce miroir nous sert toujours. C'est la raison pour laquelle Je t'ai fait venir, Kanon. Athéna m'a prévenu qu'il se passe quelque chose d'important aujourd'hui au Sanctuaire.

- Important et grave ? s'inquiéta l'ancien Chevalier qui le demeurait dans son cœur et son âme. Que se passe-t-il, Votre Majesté ?

Il avait redouté ce cas de figure et avait prié qu'il n'arrivât jamais : que quelque chose se produisit en son absence et durant le temps où il lui était impossible de remonter.
Jamais il n'aurait cru que cela pourrait se présenter si peu de temps après son départ !

Mais Perséphone le tranquillisa immédiatement.

- Il n'y a absolument rien de grave, Kanon, rassure-toi. Cela a un rapport avec toi et ton départ. Je t'offre exceptionnellement la possibilité d'y assister. Tu peux le refuser, car ce que tu y verras pourra t'apaiser ou bien te tourmenter, comme ce fut le cas pour moi, au tout début. Le choix t'appartient.

Le Gémeau tourna son regard vers son Juge qui lui sourit en lui prenant la main pour la serrer fort.
Tout, en lui, lui envoyait ce message : je suis là, quel que soit ton choix.

Alors, Kanon accepta et se rapprocha du miroir avec Rhadamanthe, qui ne l'avait pas lâché, bien évidemment.

La Maîtresse des Enfers lui tendit la main.
Kanon mit la sienne par-dessus sans la toucher, et il sentit le cosmos puissant de la Déesse parcourir sa paume, puis tout son bras.

Le miroir brilla et attira son regard où il se fixa.

.

.

A suivre

.

.

Notes :

1) Tout ceci est expliqué dans le Saint Seiya Taizen, la magnifique Encyclopédie Saint Seiya aux illustrations colonisées par ordinateur et qui donne énormément de détails sur le Lore Saint Seiya. Je n'ai pu voir que des bribes en anglais, j'espère qu'il y aura une édition française un jour, mais faut pas trop rêver… Comme je l'ai déjà dit, je m'inspire beaucoup de Saint Seiya The Lost Canvas, bien que ce ne soit pas canon. TLC adopte globalement le principe du Taizen, bien que les personnages de Teshirogi aient déjà l'apparence physique adéquate avant même d'être Spectres, ce qui ressemble alors à un processus de réincarnation. Les Spectres y ont aussi des noms humains séparés de leurs noms de Spectres, qui peuvent alors être vus comme des pseudonymes. Le Spectre du Garuda de TLC s'appelle donc bien "Eaque" lorsqu'il est au service d'Hadès, mais il est révélé que l'hôte humain porte en réalité le nom de "Suikyō". Ce qui n'est pas le cas dans la série originale.

2) Le Pacs (Pacte civil de solidarité) a été institué en France par la loi du 15 novembre 1999. Les étrangers peuvent se Pacser en France du moment qu'ils y vivent ensemble. Camus étant moitié français et moitié russe, je pars du principe que cela ne pose pas problème. Quant à y résider, pareil, en 2001, Camus et Milo sont censés avant 34-35 ans, Hyoga 28, il a donc depuis un moment repris la charge du Temple du Verseau. Ce n'est pas déconnant de les imaginer vivre une partie de l'année en France et le reste au Sanctuaire, chez Milo, Hyoga s'étant installé au 11e.

3) Milet (en grec ancien Μίλητος / Mílêtos) est une ancienne cité grecque d'Ionie. Le site archéologique est situé sur la côte sud-ouest de la Turquie, à quelques kilomètres au nord de Balat, qui a été l'une des capitales du beylicat de Menteşe au XIVe siècle. Le site de Milet est à plus de cinq kilomètres à l'intérieur des terres à cause du comblement de la baie par les alluvions apportées par le Méandre. Elle fut fondée au début du XIe siècle av. J.-C., légèrement après l'hypothétique invasion dorienne, ce qui en fait avec Éphèse et Clazomènes l'une des plus anciennes cités grecques d'Ionie. Il y a plusieurs versions de la fondation de Millet et du personnage de Milétos, je me base essentiellement sur Ovidé et ses Métamorphoses même si, évidemment, il fait souvent des récits très romancés et parfois assez éloignés des mythes grecs. Les historiens grecs sont les meilleures sources et heureusement, Ovidé s'en inspire quand même souvent.

4) Ce sont les livres du Sama-véda, Yadjour-véda et de l'Atharva-véda. Les Védas sont sacrés, car directement issus du cosmos. Ils sont suivis de poèmes épiques, de romans et de pièces de théâtre avec les personnages humains, des demi-dieux, un peu comme dans l'Iliade

5) Les Asura (ou ashura, shura) sont des différents selon les pays et les croyances. On les représente avec trois têtes et six bras. Au Japon, ils sont les gardiens et protecteurs de la loi et du Bouddha. Mais ce sont des êtres démoniaques dans la mythologie de l'hindouisme. Ils apparaissent originellement comme un groupe particulier des deva (parfois appelés sura) avant de devenir dans l'Inde brahmanique leurs ennemis (divins en Iran, démoniaques en Inde). Pour le bouddhisme tibétain, les asuras sont des êtres jaloux, paranoïaques et belliqueux. Comme dans la mythologie indienne, ils jalousent l'énergie divine et complotent, bataillent contre les dieux. Ils sont parfois appelés anti-dieux.

6) Pour le nom de ce bâtiment, je me suis inspirée du Moulin Stucky / Molino Stucky, ancien moulin à farine florissant, puis usine de pâtes historiques sur l'île de la Giudecca, qui a été rénové et transformé en Hôtel (le Hilton Molino Stucky Venice) en 2007. Il bénéficie d'un emplacement incroyable sur les rives de l'île de Giudecca en face de Venise.
Je rappelle ou vous informe pour ceux qui ne le sauraient pas, que le Palais d'Hadès, Giudecca, est inspiré de l'île Italienne de la Giudecca, une des îles de la lagune de Venise qui se trouve immédiatement au sud et dont elle n'est séparée que par le Canal de la Giudecca. Cette île est indissociable de la Sérénissime L'île est en réalité constituée d'un groupement de huit îles qui dépend administrativement du quartier du Dorsoduro. Elle est réputée pour son long quai au nord, qui permet de faire une très jolie promenade avec une vue incroyable de Venise. Kurumada l'a sûrement choisi car la dénomination de Giudecca dérive du mot giudicare (« juger » ; giudizio, « jugement », vén. zudegà), par référence à l'utilisation de l'île comme lieu d'exil pour les aristocrates dissidents au début du 9e siècle. Il y avait même une prison pour femmes sur l'île.

.

.


Merci d'avoir lu cette première partie de la deuxième partie du chapitre consacré aux adieux au Gémeau :)
'espère que vous n'avez pas été trop frustr-é-e-s par la fin ! e posterai la suite dans le courant de la semaine, normalement, mercredi ou jeudi.

Bonne continuation, prenez soin de vous et de vos proches, et à très vite !

Lysanea

.