UN ECLAT DANS LE NOIR
(octobre 844)
Hanji Zoe
Endors-le, Moblit ! Ce gros bébé doit faire un bon dodo !
Ah, je vois que Livaï nous en a quand même laissé quelques-uns. On le suit à la trace, depuis plusieurs kilomètres ; bien sûr que c'est lui, tous ces titans qui traînent sur le côté droit du convoi ! Ils sont bien plus nombreux que la dernière fois. Heureusement, avec cette machine à tuer, on a presque rien senti, à l'arrière ! He, le minus, pas la peine de tout déchiqueter sur ton passage, laisses-en un peu ! Je pourrais faire quelques observations bien à l'abri dans la mine comme ça !
On y est presque, je reconnais ce bouquet d'arbres. Tout juste, on descend d'une colline avant de replonger en direction du lac. Le reste du convoi passe au large et va se poster un peu plus loin, en attente. Keith et Erwin m'attendent près de l'entrée. Recommandations de dernière minute, je suppose. Mon escouade presse le pas afin de ne pas laisser le bataillon immobile trop longtemps. C'est le début d'après-midi, le timing est parfait. Il leur reste une demi-journée pour explorer les alentours. J'aimerais bien savoir ce qu'ils vont découvrir pendant que je serais sous terre à casser des cailloux.
Keith me rappelle les consignes de sécurité : pas de sortie si des titans sont dans les parages, je dois attendre demain que le bataillon revienne ; nos donateurs s'attendent à un max de minerai, alors que j'y aille de bon coeur ! Economiser l'eau et la nourriture, parce qu'on a le strict minimum. J'indique le lac au major en soulignant qu'on peut toujours en prendre ici, si elle est comestible. Je vois pas pourquoi elle le serait pas... Il me fait les gros yeux, et devine que je cherche le moindre prétexte pour m'aventurer dehors... Relax, je ferais rien de dangereux, promis ! Et puis, on a le soporifique au cas où.
Keith s'éloigne pour reprendre la tête du bataillon et celui-ci s'avance de nouveau quelques minutes plus tard. Erwin et ses hommes restent dans les parages le temps que le chariot de réappro remonte la file. Erwin m'informe que si je les vois pas revenir d'ici demain après-midi, je devrais commencer à m'inquiéter ; et que si dans deux jours, j'ai aucune nouvelle, je devrais tenter de rentrer par mes propres moyen au Mur Maria, et annoncer à tous la destruction du bataillon. Brrrr, c'est flippant ce que tu dis...
Je baisse les yeux sur Livaï en train de se ravitailler en gaz et en lames dans le chariot. Avec celui-là, aucune chance que ça tourne mal ! Pense pas à des trucs déprimants, Erwin ! Imagine plutôt ce qui se cache derrière ces collines au loin ! Tu adores explorer, pas vrai ? Tu auras la meilleure part de tout ça, moi je vais devoir rester là-dedans tandis que toi et tes copains vous pourrez gambader dans les champs ! Surtout, tu me le diras si tu croises des déviants intéressants, hein, dis ? Eh Livaï, comporte-toi bien, tu es le protecteur de l'expédition qui va mettre au jour de nouveaux territoires, soit fier et digne !
Il me fait un signe de la main ennuyé tout en me tournant le dos, et remonte sur son cheval en s'aidant d'un rocher bas. Il s'éloigne à la suite de ses camarades et je fais un signe d'adieu à Erwin. Je me sens un peu... émue... Malgré tout le boulot que je vais devoir abattre ici, cela ne m'occupera pas l'esprit au point de me faire oublier ce qui les attend là-bas... Peut-être un danger mortel, autre chose que des titans...
J'arrive enfin à me mettre dans la tête que je les reverrais peut-être jamais... et ça me rend si triste que pour la première fois, la perspective de pouvoir étudier des titans à l'abri ne me rend pas plus heureuse...
Erwin ! T'as pas intérêt à me laisser ici ! Revenez me chercher ! Si vous mourrez, je vous tue ! Enfin, je veux dire... Tu vois ce que je veux dire !
Les derniers échos de mes cris se perdent au loin tandis que les lignes arrières du bataillon disparaissent au-delà des collines...