OBSERVATIONS & DEDUCTIONS
(janvier 845)
Mike Zacharias
Erwin reste silencieux durant la première partie du voyage de retour vers la forteresse. Il nous précède de plusieurs mètres, comme s'il voulait rester seul. Quand Livaï et moi réussissons enfin à le rattraper, il se laisse aller. Erwin se met rarement en colère mais ici, sa rage est pleinement exprimée.
Il se met à tempêter contre le culte du Mur, les accusant de vouloir nous intimider, faire pression pour nous détourner de notre but. Cela me paraît évident, ils ont toujours été les ennemis de notre régiment. Il ne fallait pas s'attendre à une chaleureuse poignée de mains... Ouais, Hanji, y a vraiment que toi pour penser à un truc si tordu !
Elle nous révèle, les cheveux au vent, qu'elle a essayé de lui faire peur en le faisant reculer au bord de la plate-forme, mais il n'a pas bronché. Ces types sont des fanatiques, tu ne les effraieras pas comme ça. Mais tu avais raison, il faut les surveiller. Erwin approuve en précisant que le prochain recrutement devra se dérouler avec prudence ; les dossiers des aspirants seront épluchés dans le détail afin de s'assurer qu'aucune taupe ne se promène... J'ouvrirais l'oeil et je reniflerais tout ce qui a l'air suspect.
Mais Erwin a davantage de flair que moi pour découvrir les profils douteux. Il l'a déjà fait avec l'espion de Rovoff.
Nous laissons nos chevaux se reposer à un carrefour. L'herbe est rare et courte mais cela ne les arrête pas et nous les laissons arracher brutalement à coups de dents les quelques touffes éparses. Livaï demande à son tour qui était exactement ce type, et quelle place il tient dans la hiérarchie du culte. Je me le demande... mais il a été mis au courant de notre petite escapade sur le Mur avant même que la garnison ne nous en parle, c'est mauvais signe. Erwin arrête nos divagations et affirme que cet homme n'est rien, qu'il sert quelqu'un de plus puissant que lui, qui reste dissimulé ; une personne - ou un groupe de personnes - dont les intérêts vont à l'encontre des nôtres mais qui, pour une raison inconnue, n'a encore rien fait contre nous.
Il faut rester sur nos gardes et éviter de parler à tort et à travers. Ici, entre la forteresse et Shiganshina, personne ne nous entend.
Livaï annonce très sérieusement que si des espions se glissent dans le bataillon, il les trouvera et leur fera leur fête. Erwin le calme et répond qu'il ne le laissera pas se transformer en assassin pour le compte du bataillon ; qu'à la surface, on a d'autres moyens de se protéger contre ce genre de chose. Livaï renifle, tourne bride tout en ajoutant qu'un bon coup de lame est la meilleure façon de se débarrasser des fouineurs. Mais le regard que Livaï lui jette en dit assez : si Erwin le lui ordonne, il tuera ceux qui veulent nuire au bataillon. On en arrivera peut-être pas là, calme-toi.
Mais ce Révérend Nick avait l'air de vraiment te détester, Erwin ; Livaï et moi on te collera au train tant qu'on sera pas sûrs que tu risques rien. Discute pas, chef. Livaï m'approuve du menton et Hanji nous appuie en affirmant que ce serait plus prudent.
Nous reprenons notre route et bientôt les clôtures du paddock apparaissent devant nous. Nous dessellons nos chevaux et nous dirigeons vers l'écurie pour distribuer le grain et quelques friandises. L'air sent bon l'hiver mais je ne me sens pas tranquille ; Erwin ne l'est pas non plus. La venue de cet homme m'apparaît comme un sinistre présage... Avec sa soutane noire, il ressemblait à un oiseau de malheur... Pourvu qu'il le garde dans ses manches. Il sera sans doute présent quand les travaux débuteront. On sera vigilants.
On va passer une soirée bien tranquille. Dans un mois, les couloirs de la forteresse vont de nouveau résonner du pas des gradés et des messagers, et nous réinvestirons les baraquements. Des tas de nouvelles têtes, et celles de nos camarades, qui me manquent, comme à chaque fois.
