Mes petits chats,
C'est avec bonheur et une pointe de nostalgie que je publie ce soir la dernière partie de "Asgard Luxury Cruises". Le format et le point de vue sont un peu différents, j'espère qu'elle sera à votre goût comme toutes les autres. Je n'ai pas eu à coeur de la modifier, je l'avais déjà à l'esprit avec une parfaite évidente au moment de commencer cette histoire, comme l'introduction. Je suis donc restée fidèle à ma trame narrative...
Je vous remercie du fond du coeur pour votre fidélité sans faille, vos retours toujours enthousiastes, plein d'amitié et d'encouragement. Vous ne pouvez pas imaginer combien il est stimulant en tant qu'autrice de lire aussi son public :) Alors je le répète, bien humblement, merci et milles baisers.
Cette histoire a été une véritable récréation intellectuelle pour moi, un plaisir comme un bonbon à écrire avant de me replonger un autre récit beaucoup plus dense et complexe :) Je vous laisser déguster cette friandise pour terminer.
Je vous embrasse et vous souhaite une bonne lecture.
Bien à vous,
ChatonLakmé
TMZ est une entreprise de médias spécialisée dans l'information people, créée en 2005 appartenant au groupe Fox. Existant uniquement en format web, elle publie beaucoup de contenus un peu racoleurs.
Asgard Luxury Cruises
o0O0o o0O0o
Dix-septième partie
Assis en tailleur à la table basse du salon, Aidan passe une main dans ses cheveux. Il tire distraitement sur une mèche un peu plus longue qui caresse son front, le coude posé sur le plateau.
De l'autre main, le jeune homme joue avec le stylet de sa tablette dernier cri.
Le projet graphique, affiché sur l'écran dans un logiciel spécialisé n'avance pas vraiment. L'inspiration le fuit, il commence à perdre patience. Aidan a déjà passé de longues heures à tenter de comprendre comment Adobe Illustrator et Adobe Photoshop fonctionnent il n'a pas osé dire à son supérieur qu'il ne le maîtrisait pas quand ce dernier lui a confié ce projet.
— « Tu le connais déjà ? Parfait, tu nous feras gagner du temps. Notre planning est serré, notre client n'a pas arrêté de changer d'avis alors nous devons lui faire des propositions au plus vite. Je veux que tu nous proposes trois projets différents d'ici mardi matin. Est-ce que tu t'en sens capable ? »
Oui, bien sûr. Et vous ne serez pas déçu. Comme si le châtain avait pu refuser. On ne dit pas « non » à John quand il vous demande quelque chose et encore moins à une aussi belle opportunité de faire – enfin – ses preuves.
Depuis son entrée chez Digital Stories, Aidan a un peu déchanté.
Quand il a pris ce café avec Thor au Lauderdale Cafe il y a un peu plus d'un an, il s'est vanté de ce contrat passé avec Trend auquel il espérait être associé parce qu'il était sans doute leur plus grand fan. Il s'avère que cela n'a pas pesé lourd dans la balance face au premier designer de la boîte, un mec assez brillant qu'Aidan pourrait trouver canon s'il ne jalousait pas autant son talent.
Ces derniers mois, il a appris à manier les yeux fermés la luxueuse machine à café destinée aux clients dans le salon VIP et à sourire. Il est le visage charmant de Digital Stories, celui que tous ces gens importants voient en premier parce que le jeune homme les accueille dans le hall. John le lui a dit et Aidan suppose qu'il s'agit d'une sorte de compliment sur son travail c'est toujours bon à prendre, on ne le complimente plus sur son délicat late art depuis six mois.
Le châtain sourit toujours, jusqu'à en avoir mal aux muscles du visage même lorsque ce répugnant directeur d'un hôtel de luxe sur Miami Beach le reluquait sans même se cacher. Pendant la réunion au cours de laquelle le châtain était chargé de prendre des notes, Aidan est presque sûr de l'avoir vu s'empoigner l'entrejambe sous la table.
Au moment de rentrer chez lui le soir, le jeune homme a senti son ventre se tordre. Ethan était allongé dans le canapé, oisif et indolent. Pour la première fois depuis leur rupture, Aidan aurait aimé voir Thor pour qu'il lui dise les choses qu'il faut et le rassurer. Il se sentait sale. Dans le monde de son nouveau petit-ami, la laideur n'existe pas le malheur non plus, pas plus que le moindre petit désagrément. Alors il a ravalé son malaise, a répondu un « Oui, c'était une bonne journée » laconique quand Ethan l'a interrogé.
Ethan n'est pas Thor, il a d'autres qualités et d'autres atouts. Aidan en est persuadé après un an et trois mois de relation.
Le châtain tire un peu plus sur la mèche sur son front et jette un regard mauvais à sa tablette. Il n'avance pas toujours pas.
Aidan se sent frustré, contraint par sa méconnaissance du logiciel graphique. Il a appris à s'en servir de manière empirique et grâce à des tutos Youtube. Ethan l'a encouragé à accepter ce projet, il lui avait promis de l'aider en lui affirmant être doué en informatique. Son petit-ami est sans doute expérimenté pour pirater l'abonnement au câble de l'appartement voisin – Aidan n'en est pas fier mais il adore leurs nouvelles chaînes de cinéma et de série – beaucoup moins pour prendre en main un logiciel professionnel. Il a perdu patience après vingt minutes de tentatives de plus en plus molles.
Aidan serre les dents.
Trois projets d'ici mardi matin.
Il va probablement devoir faire encore une nuit blanche pour tenter de compenser son retard, comme les quatre derniers jours. Comme les trois prochains.
Il tire plus fort et étouffe un grognement de douleur entre ses dents serrées. Pourquoi n'y arrive-t-il pas ? Il trouvait ses premières idées plutôt bonnes et originales, il progressait bien pour quelqu'un qui n'avait jamais mis les mains dans les suites du logiciel Adobe. Il était enthousiaste et il sollicitait sans cesse l'avis d'Ethan sur ses travaux.
Aidan esquisse un rictus. C'est peut-être le problème. Son petit-ami a joué le jeu les premiers temps, flatté par l'importance qu'il accordait à son opinion, avant de réaliser que cela le dérangeait dans ses passe-temps oisifs, quand il regarde un épisode de téléréalité ou qu'il navigue sur son site marchant préféré pour s'acheter des vêtements.
Le châtain se mord les joues.
Il est injuste. Il sait que son manque de confiance en lui le rend parfois nerveux et mauvais Ethan se braque aussi, troublé dans ses plaisirs un peu égoïstes.
Thor savait canaliser ce trait de son caractère chez lui. « J'aime beaucoup ce que tu fais », « Tu as une telle imagination », « Tu penses à des choses que personne ne songeait à associer. » Aidan sait que son ex-compagnon ne parlait pas de sexe à ce moment-là – même s'il avait effectivement beaucoup d'imagination aussi – mais de lui. Ethan ne fait pas ça pour lui il ne sait pas le faire.
Il fixe l'écran de sa tablette, le regard si fixe qu'il sent un léger malaise lui serrer la gorge.
Après quelques secondes, écœuré, Aidan repousse sa tablette et son ordinateur sur la table basse. Il a besoin de café et de manger quelque chose il réfléchit toujours mieux le ventre plein, surtout après plusieurs mauvaises nuits successives. Ethan est sorti acheter le petit-déjeuner mais il a dû trouver quelque chose de distrayant à regarder, il tarde à rentrer. Au même moment, une clé tourne dans la serrure de la porte de l'appartement. Le parquet craque légèrement. Aidan soupire de soulagement.
— « Ethan ? »
Les pas s'arrêtent. L'appartement redevient silencieux et le châtain fronce les sourcils.
— « Ethan ? C'est toi ? »
— « … Tu es encore dans le salon ? Je pensais que tu étais allé prendre une douche. »
— « Je me rendrai présentable après avoir mangé et bu un grand café. » Le jeune homme ébouriffe ses cheveux à deux mains. « Il y avait du monde chez Barney's ? Tu rentres tard. »
Ethan apparaît dans le salon. Il tient un support en carton avec deux grands gobelets d'une main et un sachet en papier kraft dans l'autre. Aidan se lèche légèrement les lèvres de gourmandise et tend une main vers lui. Son petit-ami roule des yeux en riant. Il le rejoint et pose son chargement sur la table basse avant de lui voler un baiser langoureux et humide. Le châtain frissonne agréablement. Il s'empresse d'ouvrir le couvercle des gobelets pour trouver sa boisson, renifle discrètement et fronce les sourcils.
— « … Il y a du lait dans mon caramel macchiato, tu sais que je suis intolérant au lactose… »
— « Pour le désagrément que cela peut provoquer… On ne dort plus ensemble depuis quatre jours et on ne fait plus l'amour non plus », marmonne son compagnon depuis la cuisine.
— « Je ne le fais pas de gaîté de cœur Ethan, je travaille », proteste le châtain en se tournant vers lui.
— « Oui, oui… » Son compagnon hausse légèrement les épaules. « Barney avait fait des rolls, je t'en ai pris un au pavot. C'est ce que tu préfères, n'est-ce pas ? »
Aidan le dévisage sans un mot, l'œil noir et les épaules raides. Plus d'un an de relation et son compagnon se trompe encore sur ce qu'il aime et ce qu'il ne supporte pas. Parfois, il a l'impression d'être transparent.
Le châtain inspire profondément et passe un bras sur le dossier du canapé.
— « … Tu peux aller faire changer mon café ? Nous sommes de très bon clients, je suis certain que Barney accepterait. »
— « Il y avait un monde fou au comptoir, je ne vais pas retourner là-bas bébé. Si tu ne veux pas gâcher, je le boirai à ta place », proteste Ethan.
Ce n'était pas vraiment la question.
Aidan inspire profondément, passe une main lourde dans sa nuque et prend sur lui.
Il a hâte de terminer son projet – peu importe l'issue et l'avis de John dans le fond parce que c'est un projet un peu chiant – et de retrouver la chambre commune. Ethan est toujours de meilleure composition quand ils font l'amour le châtain reconnaît que leurs moments d'intimité lui manquent aussi. Le sexe est bon avec lui.
Il ouvre le sachet en papier et prend la viennoiserie aux graines de pavot. Il préfère vraiment celle à la cannelle mais c'est une alternative acceptable. Ethan revient vers lui et lui tend une serviette en papier. Aidan le remercie d'un sourire aussi tendre que sa fatigue le lui permet. Il s'essuie la bouche et picore du bout d'un doigt les miettes tombées sur l'encolure de son sweat. Son compagnon va et vient dans le salon, allume la télé pour mettre une stupide émission people en fond sonore avant de retirer ses chaussures et de les laisser négligemment sur le tapis. Ils ont une entrée pour faire ça e un meuble pour les ranger. Aidan se mord les joues. Il prend sur lui.
— « Tu veux bien me donner tes tickets de carte bleue ? On est presque à la fin du mois, je dois faire les comptes », dit-il doucement.
— « … Est-ce que tu veux bien me laisser souffler et apprécier ton petit-déjeuner ? Je viens à peine rentrer et tu me parles déjà de choses désagréables », soupire Ethan.
— « Ce sont des choses nécessaires », le corrige Aidan d'un air peu amène.
Ethan a beaucoup de qualités que le châtain apprécie entre autres, il est mignon, sensuel, amusant et léger. Parfois trop. L'épargne, le caractère raisonnable et pragmatique des choses lui échappent. Après les premières semaines de leur histoire, son compagnon l'a obligé à s'emparer des comptes de leur ménage, à être raisonnable pour deux. L'argent brûle les doigts d'Ethan, surtout celui qu'il n'a pas. Aidan rêvait d'un peu d'aventure, d'inconsidéré, de déraisonnable. Il y a quelques mois, il a réalisé qu'il se comportait comme son père, homme précautionneux et prudent et ça lui a fait mal, comme si sa jeunesse lui avait été volée.
La mauvaise volonté affichée d'Ethan a lui donné ses tickets fait clouer une goutte de sueur glacée le long de son dos. En temps normal, son compagnon rouspète et se plaint mais il s'exécute. Quand il retarde l'inévitable, c'est qu'il a quelque chose à se reprocher et Aidan déglutit. Ils ont encore la traite de la voiture à régler, le prochain loyer de l'appartement à rassembler et ce remboursement du prêt que leur a consenti un de leurs amis pour les aider dans une mauvaise passe. Qu'est-ce qu'Ethan a fait ?
— « S'il te plaît, j'ai besoin de tes tickets », insiste le châtain.
Son compagnon roule ostensiblement des yeux.
Il se tortille un peu sur le canapé, récupère son portefeuille dans la poche arrière de son jean et l'ouvre. Le jeune homme en sort quelques bouts de papier froissés qu'il lui tend brusquement. Aidan le remercie poliment, inutile d'envenimer la situation. … C'était vraiment ce qu'il voulait faire mais le premier ticket de caisse le fait s'étrangler. À côté de lui, Ethan boit doucement son iced mocha blanc en de petites gorgées un peu précieuses, comme si de rien n'était.
Le châtain sent une sourde colère monter en lui.
— « … Tu as fait une carte bleue de presque trois cents dollars ce matin. Tu es allé acheter tes foutues baskets, c'est pour ça que tu es rentré tard », souffle-t-il d'une voix blanche.
— « Il n'y avait plus qu'une paire en vitrine et ne les insulte pas, c'est une édition limitée. »
— « On avait dit qu'on attendait le mois prochain pour ça », proteste Aidan.
— « Je sais mais quand je suis entré pour me renseigner, la vendeuse m'a dit que le magasin n'en recevrait pas d'autres avant plusieurs semaines et elle était à ma taille. Ils ont même une offre promotionnelle en ce moment, 10 % de remise dès deux articles achetés. »
Le châtain plisse légèrement les yeux sur le ticket. Il a envie d'éclater de rire. Ou de pleurer de dépit.
— « Donc tu as dépensé 284,75 $ pour des baskets et un tee-shirt dont tu n'avais pas vraiment besoin… La réduction ne couvre même pas la différence de prix des chaussures, tu as payé plus cher. Ce que tu as fait n'a aucun sens », calcule rapidement Aidan. « … Où est le sac ? »
— « Quel sac ? »
— « Oh s'il te plaît ! Le sac avec ce que tu as acheté sans m'en parler ! »
— « … Je l'ai laissé dans l'entrée », maugrée Ethan.
Caché comme un enfant ramenant un paquet de bonbons qu'il n'avait pas le droit d'acheter. Aidan ricane mais il est déjà passé à autre chose. Le ticket suivant est… Oh Seigneur…
— « Tu as payé soixante dollars chez le pressing pour ma chemise ? Celle dont j'ai besoin pour ma présentation mardi ? Qu'est-ce que tu as demandé à Mrs. Collins ? Un traitement pour pure soie et lin d'Europe ?! »
— « … J'ai apporté mes tee-shirts aussi. »
— « Tes tee-shirts en coton ? Nous avons une machine à laver à l'appartement », dit le châtain d'un ton incrédule.
— « Ils sont en coton mélangé et Dora dit qu'il faut les emmener au pressing. C'est ce qu'elle fait avec les siens. »
Cette fois, c'est trop fort. Aidan repose son roll entamé en grimaçant de colère et d'exaspération. Il n'a plus faim. Ni soif, ni sommeil. Ça… flamboie trop en lui.
— « Dora est la patronne de son affaire. Elle gagne trois fois ton salaire, elle peut dépenser son argent comme elle veut mais le fait que tu fasses comme elle avec un argent que tu n'as pas est un problème. Je te rappelle que nous faisons compte commun Ethan… Où est ma chemise ? »
Son compagnon termine sa boisson en une longue gorgée. Il mange sa viennoiserie en quelques bouchées avant de se lécher les doigts. Le jeune homme balaye négligemment les miettes sur ses genoux avant de se lever, les emballages en main. Aidan trépigne d'agacement.
— « Ethan ? Où est-elle ? »
— « J'ai ramené mes tee-shirts mais ta chemise est toujours au pressing. Je ne veux pas la toucher », répond nonchalamment Ethan depuis la cuisine.
— « … Pourquoi ? Tu es passé devant pour aller acheter tes foutues baskets et il ferme à midi pour le week-end. Je n'aurai pas le temps d'aller la chercher lundi. »
— « Tu sais pourquoi. »
Aidan cligne des yeux, parfaitement éberlué. Quoi ? Il passe une main dans ses cheveux et tire sur les mèches sur sa nuque.
— « … Je ne comprends rien à ce que tu dis. »
— « Quand je l'ai amené chez Collins's, le col sentait la fleur d'oranger. »
— « Et ? »
— « Et ce n'est pas ton parfum. Ça ressemblait à celui que portait Mickaël la dernière fois qu'on l'a vu. »
Ethan lui jette un regard en coin – un regard entendu – mais le châtain ne comprend toujours pas. Enfin si, il saisit l'insinuation mais c'est tellement ridicule qu'il ne veut pas répondre. Il a juste oublié un autre trait de caractère de son compagnon cette obstination mêlée de mauvaiseté qu'il a parfois.
Aidan secoue lentement la tête, soudain profondément las.
— « Je ne te trompe pas avec Mick'. »
— « Tu l'as vu mercredi soir et tu es rentré très tard. »
— « Je t'ai dit que la soirée s'éterniserait et je t'ai prévenu quand on a quitté le restaurant. J'étais ici moins de quinze minutes plus tard. Je ne te trompe pas, je suis un homme fidèle. »
— « … Tu étais encore avec ce type quand on flirtait ensemble. »
Le châtain déglutit lentement. Ça, c'est un coup au cœur cruel et la blessure suinte à nouveau un peu du poison horrible de la culpabilité. Il a été tellement injuste quand il a quitté Thor comme il l'a fait détaché, assuré, l'air de celui qui sait ce qu'il fait. Quelle erreur. Il a rompu avec lui parce que –
— « Nous n'avons fait que flirter. »
— « On s'est embrassé et tripoté plus d'une fois dans les coins sombres quand on se voyait, tu ne te souviens pas ? », reprend Ethan l'air de rien. « Ton ex n'a rien remarqué, il était sans doute un peu benêt mais je suis moins naïf que lui. »
— « Ne mêle pas Thor à ça », siffle Aidan.
Son compagnon se contente de ricaner d'un air narquois. Le châtain se mord douloureusement les joues pour ne répliquer à son tour que Thor est meilleur que lui car son ex, lui, ne l'a jamais fait douter de ses capacités. Il n'a jamais été jaloux non plus parce qu'il avait confiance en lui. Aidan l'a bien mal récompensé. Il sent sa poitrine se serrer et une sourde nausée remonter dans sa gorge. La faute à la fatigue, à son travail et à… tout ce qu'il supporte et accepte depuis quinze mois en ayant l'impression de vieillir prématurément.
Ethan hausse les épaules.
— « Je n'ai pas particulièrement envie de prononcer son nom mais tu n'as pas été le dernier pour lui envoyer ces photos de nous et le provoquer il y a un an quand il faisait notre croisière dans les Caraïbes… On aurait pu partir pendant douze jours merveilleux et tu as tout gâché. Il t'a eu comme un enfant. »
Aidan se sent rougir d'humiliation. De honte. Il a tellement honte d'avoir fait ça, d'avoir été aussi petit et mesquin. Thor ne méritait pas qu'il le traite de cette manière même à cause d'une photo de lui, sublime en costume avec un homme au moins aussi séduisant
Ethan l'ignore, il sifflote une chanson à la mode tandis qu'il jette leurs emballages dans la poubelle de recyclage comme si tout était normal et qu'il ne venait pas de se tromper sur sa boisson préférée sans lactose, d'avoir dépensé inutilement trois cent cinquante dollars dont ils ont besoin et de l'accuser de lui être infidèle.
Soudain, Aidan est très fatigué.
Et étrangement lucide.
Sans un mot, il gobe le bout de sa viennoiserie, rassemble ses affaires et les ramène dans leur chambre. Il glisse la tablette et l'ordinateur dans la même housse de transport avant de récupérer un sac de voyage au fond de leur dressing. Le châtain y entasse quelques vêtements, le contenu épars de sa trousse de toilettes. Ça suffit. En emménageant avec Ethan dans cet appartement un peu au-dessus de leurs moyens, il a appris à prioriser les choses, principalement les dépenses mais aussi la saine utilisation de son temps et l'organisation de ses loisirs. Cette fois, la première chose sur sa liste est toute trouvée.
Il sort de la chambre, son sac en bandoulière à l'épaule et les housses dans une main. Allongé sur le canapé, Ethan tourne la tête et le regarde d'un air stupéfait.
— « Où vas-tu ? »
— « Je ne sais pas encore mais je ne reste pas ici. Je dois terminer mon projet, il est important pour moi et je n'y arriverai pas en étant à l'appartement avec toi. »
— « … Tu me quittes pour une foutue histoire de pressing et de baskets ? », siffle son compagnon d'un air mauvais.
— « Ne sois pas aussi mélodramatique. Je ne te quitte pas, j'ai juste besoin d'un peu d'air. » Aidan le fusille du regard. « Thor n'était pas un benêt – il ne l'a jamais été – et même si je t'aime, j'ai encore assez d'orgueil pour ne pas accepter tes accusations. Je ne t'ai pas trompé et je dois travailler dans un endroit plus sain. Tu n'as qu'à y réfléchir pendant que tu te débrouilleras pour régler nos dernières créances du mois. Je serai de retour dans quelques jours. »
Aidan traverse le salon jusqu'à l'entrée sans un regard. Ethan se lève précipitamment et lui emboîte le pas.
— « Si tu t'attends à ce que je te fasse des excuses, tu vas attendre longtemps. Je n'ai rien à me reprocher ! Et tu dois me laisser la voiture, j'en ai besoin lundi matin pour aller travailler ! »
Le châtain sort en claquant la porte.
Il prend l'ascenseur jusqu'au parking souterrain de l'immeuble et jette ses affaires sur le siège passage de la Audi. Aidan se glisse derrière le volant et crispe ses doigts sur le cuir. Cette foutue voiture de location leur coûte une fortune parce qu'encore une fois, il s'est laissé convaincre par Ethan qu'une sportive allemande était tellement mieux qu'une petite voiture de ville, plus abordable et raisonnable. Bien sûr qu'il va la prendre même si Ethan en a besoin que son petit-ami aille se faire voir avec toute sa jalousie et sa légèreté.
Le châtain se sent immensément stupide et futile.
Aidan sort la voiture du parking et la lance sur NW 58th Avenue, trouvant un maigre réconfort dans le ronronnement puissant de son moteur de quatre cent cinquante chevaux. C'est un luxe inutile pour des citadins pur jus qui parcourent à peine vingt mille kilomètres par an mais : « Aller Aidan, on choisit celle-là ? Elle est tellement plus belle que les autres. Tu sais que Channing Tatum conduit la même ? Je l'ai lu sur TMZ. » Le châtain se demande encore comment il a pu penser que c'était un argument valable.
Aidan roule vers le nord et il esquisse un rictus amer.
Toute l'année passée a été un savant mélange entre un extrême contentement et une gêne, quelque chose qui gratte un peu comme un petit caillou glissé au fond d'une chaussure. Il est tombé amoureux d'Ethan parce que le jeune homme lui promettait autre chose, une vie facile et libre, un quotidien fait de douces folies et d'inconsidérations. De déraison. Le strict contraire de la vie qui était devenu la sienne avec Thor et qui avait commencé à le paralyser lentement depuis des mois.
Aidan a à peine trente et un ans, il aurait dû passer son temps à s'amuser et faire la fête comme pendant ses années de fac des folies par dizaines avant de devenir un homme responsable et raisonnable plus tard.
Puis Thor est entré un jour dans ce café sur NW 8th Street où il travaillait et peaufinait son late art, avec son allure sexy mais rassurante, son bon travail stable, sa belle maison réconfortante à Fort Lauderdale et sa toute sa belle… maturité.
Le châtain s'est vu changer, commencer à préférer les soirées tranquilles chez eux plutôt qu'une nuit de folie dans une boîte à la mode avec ses amis trentenaires. Préférer le cadre apaisant et domestique de la maison avec son compagnon de quarante-cinq ans.
Quinze ans d'écart.
Une éternité.
Aidan a eu peur de ces changements, peur de voir Thor commencer à vieillir et perdre sa jeunesse à ses côtés pour des brunchs chez eux les dimanches et du sexe tranquille en missionnaire dans leur lit.
Arrêté à un feu rouge sur W 49th Street, il se frotte vigoureusement le visage.
Il a eu tellement tort.
Il s'est si mal comporté.
Aidan le sait. Ou plutôt il l'a compris en emménageant avec Ethan. Son petit-ami l'a changé aussi. Il l'a obligé à devenir raisonnable et mâture entre deux parties de sexe un peu risquées et chaudes dans une cabine d'essayage ou devant la fenêtre de leur chambre, face à celles de leurs voisins.
Il a été obligé parce que son compagnon se montre souvent aussi frivole qu'un adolescent et que c'était fatiguant. Angoissant. Dérangeant. Thor gérait ces choses pour lui, il lui rendait la vie facile.
Aidan gémit et pose son front contre son volant.
Tout est un tel bordel, un tel mélange de choses contradictoires que le châtain se demande s'il est vraiment aussi doué que son ex-compagnon le lui disait tendrement à l'oreille.
Stupide. Stupide, stupide, stupide.
Le jeune homme se redresse et jette un regard alentour. Il cligne des yeux.
L'agence d'événementiels de Thor se trouve à quelques centaines de mètres, dans une rue cossue parallèle à Hollywood Boulevard.
Le feu de signalisation repasse au vert, le jeune homme bifurque et roule lentement. Quand il passe devant la société, il tend légèrement le cou pour observer la façade. Aidan remarque immédiatement qu'elle s'est agrandie, que l'enseigne a été changé et son cœur se gonfle de chaleur en reconnaissant la suggestion qu'il avait faite à Thor quelques semaines avant leur rupture.
Thor.
Thor.
Il plisse légèrement les yeux, observe l'intérieur du bâtiment par les grandes fenêtres.
Aidan a soudain envie de le voir. Viscéralement. Juste voir son sourire, voir comment son ex-compagnon se porte, voir son air doux quand il lui disait des choses gentilles ou tendres. Les choses qu'il faut, les choses qui font plaisir.
Le châtain se mord les joues.
En trois années de relation, Thor n'a jamais changé. Il a toujours été solide, confiant et rassurant. Paradoxalement, il l'a aidé à grandir et à se révéler en parvenant à le convaincre qu'il était autre chose que tous ses anciens copains – des connards égocentriques – étaient parvenus à enfoncer dans sa jolie tête. Il a l'esprit vif, il est intelligent, il peut faire des choses intéressantes. Comme son projet.
Aidan jette un œil fébrile à l'écran de son portable. Onze heures, un samedi matin. Thor a dû rentrer de la salle de sport, il est chez lui dans la maison qui a été leur chez eux.
Le châtain n'hésite pas, il met son clignotant et s'engage sur la I 95 Express en direction de Fort Lauderdale.
Il veut le voir. Il en a besoin.
Aidan conduit jusqu'au Fort Lauderdale Country Club, la poitrine un peu serrée par l'excitation et l'appréhension.
Après quinze minutes, il arrête lentement la Audi sur le trottoir devant la Maison.
Le châtain coupe le contact.
Elle est toujours identique à celle qu'il a quitté il y a plus d'un an. La façade blanche avec le perron à colonnes, les larges fenêtres, le garage avec la belle berline sportive dans laquelle ils ont déjà fait l'amour plusieurs fois. La voiture est garée devant, Thor est chez eux – chez lui maintenant.
Aidan déglutit.
Il sort de la Audi, prend machinalement son sac de voyage et la housse de son ordinateur portable. Le châtain voulait aller se réfugier chez Neil et son mari, le riche entrepreneur de West Palm Beach, mais est-ce que Thor l'accepterait à nouveau ? Il serait capable de l'héberger pour l'aider, le blond est un homme bien. Il a toujours été un homme bien bien meilleur que lui.
Le jeune homme appuie sur la sonnette, inspire profondément.
Plus de mensonges, juste la vérité et des excuses pour son comportement. S'il explique les choses, Thor pourrait être compréhensif et compatissant c'est ce dont Aidan a besoin, un peu égoïstement. Se faire réconforter et dorloter.
La porte s'ouvre.
Le châtain ouvre la bouche mais ses excuses meurent sur ses lèvres.
Ses reins picotent agréablement.
Torse-nu, simplement habillé d'un pantalon de nuit tombant bas sur ses hanches, Thor le dévisage avec une surprise presque touchante. Aidan voit le fin duvet doré sur son ventre, les poils un peu plus fournis qui plongent sous son vêtement, la forme sculpturale de ses muscles. Il déglutit un peu. Son ex-compagnon est plus beau encore que dans ses souvenirs – et il pense souvent à lui ces derniers temps – et toujours aussi foutrement désirable. Le jeune homme sait que c'est un corps qui sait merveilleusement bien faire l'amour. Son regard l'effleure, le caresse il s'attarde distraitement sur le renflement à l'avant du pantalon. Aidan sait quelles merveilles se cacher en dessous et ses reins flambent.
Thor a l'air d'avoir à peine quitté le lit – pas de séance de sport donc – et cet imprévu dans son emploi du temps toujours réglé fait rugir quelque chose dans son ventre.
Pourquoi l'a-t-il quitté au juste ?
— « Aidan ? »
— « Salut Thor. »
Le châtain esquisse un sourire un peu timide parce que, eh bien c'est le cas. Revoir Thor – aussi sculpturalement beau – le fait se sentir un peu petit. Il remonte machinalement la lanière de son sac sur son épaule son ex suit le mouvement du regard sans un mot avant de froncer imperceptiblement les sourcils.
— « … Qu'est-ce que tu fais ici ? Est-ce que tout va bien ? »
Oh. Oh.
Aidan se sent rougir de plaisir. Thor semble s'inquiéter pour lui, comme s'il était encore important à ses yeux. Le jeune homme sait que son ex n'a pas le cœur feu follet, il est sincère et prudent dans ses affections il veut être certain et c'est la raison pour laquelle ils ont flirté pendant des mois avant de sortir ensemble. Aidan pensait être sur le point de mourir de frustration tant il désirait faire l'amour avec lui.
Un an et trois mois, c'est peu quand on aime d'une manière aussi absolue que la sienne. Il aime Ethan mais il a toujours de la tendresse pour Thor. … Beaucoup de tendresse. Le blond semble attendre une réponse et Aidan esquisse une grimace.
— « … C'est compliqué. »
— « Avec ton nouveau petit-ami ? Tu es toujours avec Ethan ? »
Le châtain grimace un peu plus fort, il sent que ça fait des choses laides au dessin sensuel de sa bouche. Il hoche lentement la tête. Il est si fatigué, il a envie de dormir. Il sait que le lit de la chambre d'amis est bon, doux et moelleux. Il pourrait –
— « Si les choses vont mal avec lui, pourquoi es-tu venu ici ? Chez moi ? », insiste Thor.
Aidan cligne des yeux et se lèche les lèvres. Son ex-compagnon reste pourtant froid à sa tentative et le châtain se sent un peu honteux de sa manigance.
— « … Je conduisais pour aller chez Neil et je suis passé devant ton agence. … J'ai eu envie de te voir », avoue-t-il doucement.
— « Tu conduis ? Tu as une voiture ? », s'étonne le blond.
Le jeune homme désigne la Audi derrière lui d'un signe de tête et Thor acquiesce lentement.
— « Joli modèle. J'en conclus que les choses se passent bien pour toi chez Digital Stories . »
Aidan hausse les épaules d'un air nonchalant. Oh oui, ça va. Il est content. Plutôt mourir que d'avouer qu'il vit un peu au-dessus de ses moyens par orgueil et faiblesse.
— « Je travaille sur un gros projet mais je n'avance pas et la date du rendu approche. … Je ne parvenais pas à réfléchir chez no – à l'appartement alors je suis parti. »
Thor croise les bras sur son torse et hausse un sourcil. Son geste gonfle les muscles de ses avant-bras, il s'appuie contre le chambranle de la porte et son corps décrit une courbe attirante et sensuelle devant lui. Aidan a envie de se lover contre lui, de chercher sa chaleur et de sentir l'odeur de sa peau nue. Elle est affolante quand elle a le parfum de la passion et des étreintes brûlantes.
— « Tu ne travailles pas très bien quand tu es stressé. Tu as du talent, j'ai vu des choses que tu as postées sur Insta. Tu devrais avoir confiance en toi. »
— « Tu me suis encore sur les réseaux ? », s'étonne agréablement le châtain.
— « J'ai reçu des notifications il y a six mois avant de désactiver celles qui étaient liées à ton compte. J'avais un peu oublié, tu sais que je ne suis pas très à l'aise avec ces outils. »
Aidan accuse le coup. C'est désagréable à entendre. Lui ne va pas voir le profil de Thor mais c'est parce qu'il sait qu'il n'y poste rien pas parce qu'il ne s'intéresse pas à sa nouvelle vie. Le châtain peut tenter de s'en convaincre en tout cas.
Il esquisse un sourire charmant. Charmeur.
— « Si tu aimes mon travail et que cela ne fonctionne pas avec DS, tu pourrais peut-être m'embaucher pour gérer la communication », plaisante-t-il avec malice.
— « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. »
Aucune hésitation, ton sans réplique. Aidan trouve ça blessant. L'assurance tranquille de Thor le désarçonne aussi un peu. Il n'avait pas imaginé leurs retrouvailles – pas réellement – mais s'il l'avait fait, elles ne se déroulaient pas ainsi, avec cette froideur polie. Bon sang, les deux hommes sont restés ensemble trois ans. Ça compte !
Il se mord les joues.
— « Ça ne t'est jamais arrivé d'avoir des regrets ? », demande-t-il doucement.
L'attitude de Thor change immédiatement, le châtain sait qu'il a joué trop serré. Son ex-compagnon se crispe et il fronce les sourcils.
— « Ne joue pas à ça Aidan. »
— « Tu ne m'as pas répondu. »
— « J'en ai eu mais je sais aussi m'arrêter quand ça me torture alors que je n'ai aucune raison de m'en vouloir. Tu as fait des choix, j'en ai fait aussi. La vie continue. »
Aidan fait un petit pas en avant, juste vers lui. Thor ne cille pas mais le châtain lit dans son regard bleu qu'il ne doit pas faire plus. Son regard si bleu. Il se souvient de l'éclat fauve de ses prunelles quand elles le fixaient pendant qu'ils faisaient l'amour. Brûlantes, avides.
Il baisse les yeux sur le corps à demi-nu de son ancien amant. Le châtain sait que Thor ne porte pas de sous-vêtements la nuit et il n'aimait rien tant le matin que de glisser une main dans son pantalon pour toucher et exciter son sexe magnifique. Aidan a la gorge un peu sèche.
— « Tu dis que j'ai du talent, tu as toujours su ce qu'il fallait dire pour me rassurer. … C'est ce que j'ai besoin d'attendre maintenant, ça ne va pas très fort pour être honnête. Thor, j'aimerai – »
— « Thor ? Qui est à la porte ? »
Soudain, tout ça ressemble à une scène de soap opera.
La porte s'ouvre un peu plus, un autre homme apparaît dans l'embrasure. Aidan l'observe d'un air un peu stupide. … Il n'a jamais pensé à ça, cela ne lui est même jamais venu à l'esprit. Un Autre. Thor est fidèle et prudent et –
Il se mord les joues.
C'est l'homme de la photo, le brun en smoking qui ressemblait à un foutu acteur de cinéma le brun sur la photo que Thor a publié il y a un an et trois mois. Aidan ne l'a jamais oublié parce qu'il l'a immensément haï. Un homme presque aussi nu que le blond à cet instant, seulement habillé d'une robe de chambre négligemment attachée autour de la taille – les ombres qu'il aperçoit entre les plis lui susurrent qu'il pourrait être complètement nu en dessous – et une main posée sur la hanche nue de Thor. Ça pourrait être ridicule, l'étoffe tombe un peu sur son épaule droite, mais l'Autre a juste l'air aussi beau qu'en smoking. Aidan voit ses doigts – ses longs doigts blancs – se glisser légèrement sous la couture de son pantalon. Le blond lui jette un regard en coin, un sourire un peu languide aux lèvres. Il se mord douloureusement les joues.
— « … C'est une connaissance, Loki », répond doucement Thor.
Aidan a envie de répliquer vertement qu'il est un peu plus qu'une simple connaissance et qu'ils ont baisé à l'endroit exact où l'Autre est probablement en train de prendre son petit-déjeuner.
Il a envie de provoquer ce grand et beau brun à l'air arrogant mais ce qu'il lit dans son regard très vert lui fait ravaler ses paroles. Il y a du dédain, de l'amusement, de l'insolence. L'Autre – il refuse de dire son prénom – sait déjà qui il est et il semble trouver la situation très distrayante, recevoir ainsi l'ex sur le pas de la porte comme un simple vendeur ambulant d'aspirateurs.
Aidan sent sa nuque chauffer d'humiliation.
Loki se coule contre le flanc de Thor, ses doigts se glissent sans pudeur plus bas dans son pantalon, probablement à la naissance de sa fesse droite tandis qu'il pose sa joue sur l'épaule solide. Thor sourit toujours, il tourne légèrement la tête et frotte son nez dans ses cheveux sombres – c'est forcément une coloration, personne ne peut avoir les cheveux naturellement aussi noirs. C'est tendre et très intime.
Le châtain se sent parfaitement de trop, parfaitement pas à sa place.
La Maison n'est plus la sienne mais la Leur.
En une année, les gens ont le temps de prendre des décisions et la vie continue.
Aidan frotte sa paume moite sur sa cuisse. Loki plisse légèrement les yeux et frotte doucement sa joue contre Thor d'un air de chat câlin et sensuel.
— « Si vous avez fini alors viens me rejoindre s'il te plaît. Notre week-end ne fait que commencer », susurre-t-il.
Le blond rit doucement et hoche la tête. Loki enveloppe sa nuque d'une main et l'embrasse chaudement.
Aidan cligne des yeux, les oreilles brûlantes aussi à présent. C'est tellement outré que le jeune homme pourrait rire à ce scénario un peu ridicule. Il pourrait si Thor ne souriait pas aussi tendrement à l'Autre et s'il semblait avoir envie de le suivre en refermant la porte sur Eux, sans un seul regard pour Aidan toujours sur le seuil.
Thor rit encore à un mot que Loki crie depuis l'intérieur de la maison avant de le regarder à nouveau.
Le châtain se sent un peu pathétique ainsi, avec ses affaires sur le perron de cette Maison. L'idée qu'un Autre puisse occuper le lit au premier étage le remplit d'une jalousie brûlante et de colère.
Son ex-amant l'observe avant de sourire imperceptiblement. C'est gentil mais à nouveau distant et seulement courtois le genre de sourire qu'on offre à un inconnu pour se montrer socialement adapté et Aidan ravale sa colère. Trois ans. Ils ont été ensemble pendant trois ans et à un moment, quelque part, il a même songé au mariage. Le blond est le genre d'homme qu'on est fier de présenter à ses parents, à la fois gêné et heureux. Aidan aurait été fier si tant est que Joshua et Anne Pereira aient quelque chose à faire de la manière dont leur fils cadet gère sa vie.
— « Je pense que tu comprendras que je ne peux pas t'accueillir ici. Et avant que tu ne maudisses Loki parce qu'il serait là à ta place, je te rappelle que tu le seul responsable de ce qui t'arrive.
— « … Il habite avec toi ? », déglutit le châtain.
— « Loki a son propre appartement à Ponce-Davis, nous sommes tout autant chez l'un que chez l'autre. »
Ponce-Davis, un beau quartier haut de gamme à côté de la marina. Parfois, quand Aidan déjeune dans le quartier des bureaux de Digital Stories, il contemple les annonces des agences immobilières ; juste pour rêver un peu parce qu'il n'est pas sûr d'avoir un jour ce genre de moyens financiers. Et l'Autre a un appartement là-bas. Il a de l'argent, il ne galère pas comme lui à payer des factures trop élevées.
— « … C'est sérieux entre vous ? »
— « Oui Aidan, c'est très sérieux. » Thor soupire légèrement. « Tu devrais aller voir Isaac, je crois qu'il vient d'emménager dans un appartement plus grand à South Beach. Je suis certain qu'il sera ravi de t'accueillir. »
— « Comment sais-tu qu'il vient de déménager ? », demande Aidan avec suspicion.
Bon sang, Isaac et lui ne sont même pas vraiment amis et Thor ne suit plus son profil Insta. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond ?! Le blond hausse les épaules.
— « Il sait que je suis à nouveau en couple mais il a été ravi de me prévenir pour m'inviter à tester la literie », répond-il en se frottant le visage d'une main.
— « Il t'a – » Aidan déglutit, les deux hommes sont en couple. « Il t'a fait des avances ? »
— « Il a essayé dès que nous nous sommes séparés. J'ai toujours refusé mais Isaac est un homme très obstiné. »
Ce sale petit –
Le châtain cligne des yeux. Il a vraiment envie de vomir.
Il sait qu'Isaac a toujours envié la présence de Thor à ses côtés. Au début de leur histoire, son ami fréquentait aussi un homme plus âgé, plutôt nanti mais tellement moins séduisant que Thor que toute comparaison aurait été ridicule. D'un regard, Aidan l'avait soupçonné de bander mou et Isaac de parvenir à jouir uniquement parce qu'il songeait aux vêtements de créateur et aux baskets de luxe qu'il arracherait à son généreux amant.
Il se raidit, l'œil noir.
Petit enfoiré cachottier.
C'est un code d'honneur implicite entre eux, on peut espérer mais pas toucher, question de respect. Cela pourrait être un peu plus acceptable s'il était question de sentiments mais le châtain connaît son ami. Isaac ne pense pas à l'amour, seulement au plaisir.
— « Son nouvel appartement à proche du quartier où tu travailles, ça te faciliterait les choses le matin pour – »
— « Je ne veux rien avoir à faire avec ce sale connard prétentieux à la langue de vipère », siffle-t-il avec rage.
Thor hausse un sourcil avant d'esquisser un sourire un peu plus franc.
— « Je partage ton avis mais j'aurais aimé que tu me le dises quand on était ensemble plutôt que de faire semblant de croire qu'il était un designer de génie. …Tu es un homme bien Aidan, avec beaucoup de qualités, mais tu devrais grandir un peu. » Il s'éloigne du chambranle de la porte, enroule ses doigts sur la poignée. « Je te souhaite le meilleur mais je ne peux rien faire pour toi. Bonne journée. »
— « … Bonne journée, Thor. »
Le blond hoche la tête. Il ferme lentement la porte avant de s'arrêter. Il lui jette un regard dans l'embrasure.
— « … Tu as un peu d'argent sur toi ? »
Aidan a envie de rire tendrement et de pleurer en même temps. Il a seulement trente dollars dans son portefeuille, sa carte bancaire est restée dans la chambre mais il sourit.
— « J'ai ce qu'il faut, merci. Au revoir Thor. … Je suis content pour toi. »
C'est faux mais le blond sourit, referme finalement sur Eux, dans la Maison.
Aidan redescend l'allée jusqu'au trottoir, il remonte dans la Audi et s'enferme avec soin. Il fixe un long moment la rue devant lui avant de soupirer. Le châtain attrape son portable sur le tableau de bord et ouvre son répertoire Alors qu'il s'apprête à appeler NeilX – peut-être le plus sensé de ses amis d'université et le seul à lui avoir dit combien il faisait une erreur en quittant Thor – l'appareil vibre dans sa main.
Ethan.
Il hausse un sourcil et décroche sans envie. Il vient de comprendre quelque chose de très important. Fuir ses problèmes est inutile car le retour de la Fortune peut être encore plus douloureux. Bonjour maturité. Il a vraiment joué au con.
— « Ethan, je – »
— « Je suis passé par le parking et tu as pris la Audi ?! Je n'y crois pas, comment est-ce que tu peux être aussi égoïste ?! J'en ai besoin lundi ! »
Aidan fronce douloureusement les sourcils tandis qu'il crispe ses doigts sur le boîtier.
— « Je paye les traites de la voiture, elle est à moi. »
— « Je l'ai choisi ! »
— « Je vais aller m'installer chez un de nos amis pour le week-end et je ne serai pas disponible, Ethan », répond-il en l'ignorant.
— « Mais tu seras de retour lundi, n'est-ce pas ? Aidan, j'ai besoin de la voiture. »
Le châtain roule des yeux d'un air vaguement exaspéré.
— « Le bus passe en bas de l'immeuble, tu pourras aller travailler à Pinewood en quinze minutes à peine. »
— « Tu te fous de moi ? Je ne vais pas prendre les transports en commun, on roule en voiture de sport allemande ! Je – »
— « Grandis un peu, Ethan. Bonne journée. »
Aidan raccroche brusquement mais il sourit. Il se sent un peu mieux.
Le jeune homme jette un dernier regard à la Maison avant de mettre le contact et de s'éloigner. Il ne s'attarde pas à tenter d'apercevoir quelque chose à travers les fenêtres du rez-de-chaussée Thor a raison, tout est affaire de décisions. Aidan a pris les siennes il y a quinze mois.
Il songe à l'Autre, brun et beau.
Trop tard, plus de place pour les regrets.
C'est aussi ça grandir et quelque part, le châtain lui en est un peu reconnaissant.
Thor referme la porte et se dirige vers la cuisine.
Loki, vêtu de la robe de chambre qui tombe plus que jamais sur son torse, est en train de boire un grand verre d'eau. Son pantalon de nuit est négligemment sur la rampe de l'escalier, le blond l'attrape en passant pour le plier. Un boxer sombre tombe sur le parquet et il ricane, posant le tout sur le dossier d'une des hautes chaises installées autour de l'îlot central.
— « Je me demandais comment tu avais pu perdre tes vêtements en chemin vers la porte de la maison… »
— « Il est miraculeusement tombé quand j'ai entendu la voix de ce gamin à la porte. »
— « Et ton boxer ? »
— « C'est arrivé quand je l'ai entendu pleurnicher pour essayer de se réinstaller chez nous. »
Thor lisse distraitement le coton du bout des doigts.
— « Tu es venu à la porte en étant complètement nu… »
— « C'est exact et je suis persuadé qu'il le sait aussi. »
Le jeune homme hausse un sourcil arrogant et le blond éclate de rire. Il rejoint son compagnon, l'entoure de ses bras et l'embrasse profondément. Loki pose le verre derrière lui un peu à tâtons, enroule ses bras autour de son cou avant de bondir dans ses bras d'un souple coup de reins. Il serre ses cuisses autour de ses hanches, Thor le soutient en glissant ses mains sous la robe de chambre. Ses fesses sont délicieusement nues et le corps de Loki est déjà chaud et dolent contre lui.
— « Si on utilisait plus agréablement notre matinée à présent ? Je reprends la mer dans quelques jours, ça arrivera trop vite à notre goût Thor », souffle sensuellement le brun en ondulant doucement contre son bas-ventre.
Le jeune homme acquiesce en souriant. Il glisse ses mains un peu plus bas pour bien le tenir, caresse la chair ferme et douce de ses fesses tout en appuyant habilement sur ses reins pour le rapprocher un peu plus de son sexe. Loki frémit voluptueusement.
Thor les entraîne hors de la cuisine et marche vers l'escalier pour regagner leur chambre.
Sur la console de l'entrée, son portable sonne doucement. Le blond tourne légèrement la tête alors que son amant suce doucement son cou.
— « Ignore-le », chuchote le brun en lui mordillant l'oreille.
— « Ça pourrait être important… »
— « Si c'est encore une photo de Steve tenant Becca dans ses bras avec un mot extatique de James disant combien ils sont au comble du bonheur, je hurle », grommelle Loki.
Thor s'esclaffe. Il aime bien Becca – le diminutif de Rebecca, l'héroïne du premier film américain d'Alfred Hitchcock parce que les goûts de Steve en cinéma sont ceux d'un centenaire – une jolie chatte de gouttière aux poils longs adoptée dans un refuge de Charlotte qui rend ses deux parents très heureux.
Il embrasse son amant et donne un coup de bassin pour frotter leurs sexes sensibles ensemble. Loki gémit doucement. La robe de chambre tombe de ses épaules sur le parquet en un petit bruit mou. Il est glorieusement nu dans les bras de son amant et c'est décadent.
— « Il pourrait s'agir de Natasha et de Bruce qui nous donnent des nouvelles de sa grossesse… »
Le blond voit son amant hésiter. La petite Ally Banner n'a encore que la taille d'une petite courge mais elle est la faiblesse de Loki depuis que le couple lui a annoncé qu'il sera son parrain.
Thor sourit tendrement alors que le brun se mord les lèvres.
— « … Je suis persuadé qu'un bébé de l'amour conçu naturellement se porte toujours très bien. Maintenant, emmène-nous là-haut et fais-moi passionnément l'amour matelot. »
— « Je t'ai déjà dit de ne pas faire de jeu de rôle, je n'aime pas ça », grimace le blond.
Loki ricane et ondule lascivement contre lui.
— « Je pourrais éventuellement te croire si tu ne bandais pas aussi fort quand je t'appelle « mon capitaine ». Aller matelot, mets du cœur à l'ouvrage. »
Thor roule des yeux.
Il avoue, il a un peu honte. Avec Loki, il a l'impression d'avoir atteint l'apogée de sa sexualité et il se fout parfaitement d'avoir quarante-six ans maintenant.
Il embrasse langoureusement son amant.
Il adore ça mais il reste un homme de valeur, comme Loki. C'est une des raisons pour lesquelles Odin et Freya l'ont immédiatement adopté avec grand enthousiasme.
— « On ne le fera jamais quoi que ce soit de sexuel quand tu portes ton uniforme, je n'oserai pas te toucher… »
— « C'est exactement la raison pour laquelle je suis éperdument amoureux de toi, Thor », sourit tendrement Loki avant de gémir doucement. « Aller, allons-y maintenant… »
Le blond sourit tendrement. Lui aussi, il est éperdument amoureux du brun. C'est l'autre raison pour laquelle ses parents apprécient tant Loki et rêvent un peu pour eux d'un mariage à bord du Naglfari Freya est surexcitée par cette idée.
En bas des escaliers, le jeune homme presse les fesses de Loki pour lui demander de descendre de ses bras. Il pourrait sans doute le porter jusqu'à leur chambre mais il ne trouve pas ça prudent. Avoir son amant dans ses bras, avide d'amour et de plaisir, le distrait.
Le brun dénoue ses longues jambes, lèche sensuellement ses lèvres avant de nouer leurs doigts ensemble et de le tirer à sa suite. Thor se laisse entraîner, les yeux rivés sur le dos blanc et ciselé de son amant, le relief parfait de ses fesses.
Il a hâte de faire rougir la peau sous ses baisers et le frottement délicat de sa barbe.
Il s'avère que le message a bien été envoyé par Bucky.
La photo représente Steve, assoupi sur leur canapé. Becca est étalée de tout son long sur lui, les pattes et le ventre à l'air. C'est adorable et le message est rempli de smiley.
Natasha se contente de répondre avec une émoticône de bonhomme exaspéré qui vomit. Sa grossesse l'emplie de joie mais aussi de beaucoup de nausées.
Clint est plus enthousiaste. Il écrit que Cameron et Hope adorent déjà Becca et qu'ils ont hâte de la rencontrer aux prochaines vacances d'été, quand la famille Barton toujours séparée fera un arrêt à Lake Norman sur la route de la forêt nationale Daniel Boone, Kentucky. Le blond et Mariana ont décidé de se donner encore un peu de temps pour savoir où ils en sont, la procédure de divorce a été arrêtée.
Thor et Loki ignorent le message. Ils font délicieusement l'amour et ils n'ont jamais assez de temps pour cela quand ils sont ensemble. Le Naglfari fait sa relâche de mi-saison pendant un mois, le brun habite presque dans la maison de Fort Lauderdale depuis lors mais ce n'est jamais assez quand on s'aime.
… Loki répond quand même d'un ton laconique une heure et demi plus tard, alors que son amant prend une douche et qu'il vient de le quitter sous l'eau brûlante. Il a le corps dolent, son orgasme pulse délicieusement dans son corps alangui tandis qu'il remonte dans la chambre avec le portable de Thor et s'allonge sur leur lit. Sa réponse est moqueuse, sans smiley parce que le brun s'y refuse.
Plutôt avaler sa casquette de capitaine que d'avouer à James Barnes-Rogers qu'il craque complètement sur Becca et son ventre tout blanc et doux.
Cette fois, c'est bel et bien fini, pour chacun des personnages de cette histoire avec un peu d'humour parce qu'ils forment quand même tous une joyeuse bande.
Le nom du chat de Steve et Bruce est un clin d'oeil à l'univers Marvel. Dans le comics, Bucky a une soeur appelée Rebecca :)
Très chères Marry, jjunee, audelie, Thalie. P, Lune Sombre, Pinky-Sunset, encore tous mes remerciements pour m'avoir si gentiment donné un peu de votre temps. Vous allez me manquer :) Je vous souhaite le meilleure et espère vous retrouver prochainement !
Bien à vous tous et toutes,
ChatonLakmé
