Voilà un long chapitre, pour me faire pardonner de ces quelques jours sans MAJ ! Coeur sur vous


Chapitre 12.

Le voyage intérieur avait été cette fois, bien plus semé d'embuches. Avec la potion, l'immersion avait été si simple. En un claquement de doigts, Hermione s'était retrouvée dans ce couloir infini bordé de centaines de milliers de portes.

Cette fois, la voix de Sybille Trelawney, un poil différente de celle qu'elle avait l'habitude de côtoyer d'ailleurs, l'avait emmené dans un parc, puis dans une grotte, un château, pour descendre un nombre incalculable de marches jusqu'à atteindre l'entrée de ce dédale de couloirs. Pire encore, une fois arrivée jusque là, la médium n'avait même pas pu l'accompagner. Or, cette fois, plus de fil d'Ariane pour l'aider à se repérer.

Hermione errait ainsi depuis, ce qui lui semblait des heures, au milieu d'un enchevêtrement d'allées sans fin. Elle ne se souvenait que du chiffre noté sur la porte. Mais bon sang, combien y en avaient-ils ?

Etait-ce seulement possible qu'elle ait pu vivre tant d'existences avant celle-ci ? Hermione se secoua vite la tête, chassant d'avance les pensées qui lui venaient à l'esprit. Rien ne servait de commencer à se poser de pareilles questions, au risque de perdre de vu son objectif premier.

Au commencement de son hypnose, le professeur Trelawney avait évoqué la possibilité de se faire accompagner de « guides » pour son périple. Or, et sans grande surprise, aucune « entité » n'était apparu à elle, ce qui rendait l'exercice d'autant plus difficile. Dans le fond, Hermione n'était pas vraiment surprise. Qu'on la laisse se débrouiller toute seule pour réparer ses propres erreurs avait été son lot quotidien depuis toujours.

Mais elle commençait peu à peu à s'inquiéter. Combien de temps pouvait-elle rester dans cet état de stase ? Elle l'ignorait, mais son instinct lui disait de ne pas traîner la patte. Alors, elle se mit à accélérer le pas très sérieusement, arpentant les galeries de son esprit comme une petite fourmi au milieu d'une immensité qui la dépassait. Il n'y avait aucun bruit ici, et tout pouvait prendre une dimension très angoissante.

Il lui semblait même commencer à s'essouffler lorsqu'enfin, elle se figea.

Au détour d'un croisement, il ne lui avait fallu que tourner la tête un quart de seconde pour comprendre qu'elle était au bon endroit. D'une démarche feutrée, Hermione s'approcha lentement de ce qu'elle avait cru apercevoir au loin. Le couloir était toujours aussi blanc, l'ambiance pesante, le silence lourd et les chiffres s'alignaient sans aucune cohérence. Elle n'avait ni chaud, ni froid, et pourtant, frissonnait d'anticipation.

Lorsqu'elle arriva, son souffle se coupa. Elle constata, avec un mélange d'effroi, de stupéfaction et de confusion, que l'entrée menant vers l'existence qu'elle convoitait était la seule entrouverte… et qu'il s'en échappait un pêle-mêle de liens se tissant autour des poignées et sous les interstices de plus de dix portes après elle. Des liens à l'allure bleutée. De la magie.

xXx

Soudain, Sybille s'arrêta. Elle soupira un long instant, et Snape se redressa un peu avant de froncer les sourcils vers sa collègue. Il attendit, un peu, avant de s'agacer pour de bon.

Une heure qu'elle menait Granger par le bout du nez, narrant des passages complètement ubuesques faits de prairie, de grottes souterraines et de château étrange et voilà que maintenant, cette folle s'arrêtait alors qu'elle venait enfin d'amener la Gryffondor là où ils le voulaient.

« Qu'est-ce que vous foutez ? finit par s'emporter Snape, saisi d'agacement.

_ On attend, répondit calmement Sybille en croisant ses mains sur ses genoux soigneusement pliés.

_ Vous vous foutez de moi j'espère ?! beugla le potionniste. »

Derrière le paravent, alors que Pompom ravitaillait son armoire à pharmacie, cette dernière hésita à intervenir. Mais Sybille lui avait promis de ne pas le faire. Alors, elle s'était contenté de verrouiller l'infirmerie et de prendre son mal en patience.

Snape quant à lui, fulminait et commençait à se demander s'il ne fera pas mieux de stupefixer cette débile pour fourrer de force sa potion dans la bouche de cette fichue Miss Je Sais Tout. Seulement, un procès de plus ne serait franchement pas le bienvenu dans sa position au sein de la communauté magique.

« Je ne peux pas accompagner Miss Granger dans cette partie de l'hypnose. C'est à elle de faire son chemin, seule.

_ Pourtant, vous l'avez fait lors de l'expérience, accusa-t-il avec suspicion.

_ Oui, car c'était expérimental. Jusqu'alors, je n'étais jamais allé dans le couloir des vies avec les sujets.

_ Et comment diable pouvons-nous savoir si votre truc a fonctionné ?

_ La patience et la confiance, approuva Trelawney en hochant la tête dans le vide. »

Connerie, gronda Snape en son for intérieur.

D'exaspération, il se détourna une seconde d'elle en levant son visage, prêt à lui tomber dessus comme la misère sur le monde. Comment diable pouvait-il faire confiance à une Gryffondor d'ailleurs ? Si tant est que cette hypnose regress-machinchose ne soit pas qu'un truc imaginaire.

« Très bien, je vais y entrer, moi, exigea-t-il, prêt à user de légilimencie pour avoir sa réponse.

_ Non, trancha Sybille. Non, c'est impossible, vous risquez de l'extraire prématurément et on ignore les dégâts que ça pourrait faire !

_ Parce que vous avez déjà essayé ? se targua-t-il d'un ton moqueur.

_ Figurez-vous que oui, d'où mon interêt pour votre potion en premier lieu, répondit la voyante en remontant une énième fois sa monture sur son nez. »

Nerveux, Snape se contenta de serrer les dents. Merde, si sa présence ne servait à rien, qu'est-ce qu'il fichait encore là finalement ?

xXx

Hermione mit du temps à admettre la réalité des choses, non par difficulté que par peur. En son for intérieur, son être tout entier lui hurlait qu'il n'y avait rien de normal à ce à quoi elle était en train d'assister.

Alors, elle prit garde à éviter les effluves magiques sortant de l'entrebâillement de la porte. Si elle devait être tout à fait honnête, ce spectacle était assez hypnotisant à sa façon.

Malgré son état de transe, le cerveau d'Hermione tournait tout de même à plein régime. Si on suivait le plan de départ, le but ici était de couper un lien qu'elle ou lui aurait pu former. Cela n'avait été qu'une théorie pouvant expliquer ses crises de somnambulisme, et dans le fond, Hermione avait espéré l'invalider. Constater au contraire, qu'elle venait de se vérifier la mettait dans un état de confusion, de doute et d'angoisse.

Hermione remarqua que, plus elle approchait de la porte, plus des voix chuchotées lui parvenaient. Ces dernières ne transpiraient de rien de mauvais, et elle n'osait en entendre d'avantage en percevant quelques mots. Ces derniers lui provoquèrent même des rougeurs sur les joues avant qu'elle se ressaisisse.

Ce lien contaminait toutes les vies suivantes et s'étalait à perte de vue.

xXx

« C'est long, commenta Snape. Vous êtes certaine que ça marche et que vous ne l'avez pas envoyé dans le coma ?

_ D'ordinaire, c'est assez rapide, mais cette fois, nous ignorons de quelle façon Miss Granger peut procéder pour couper ce lien qui vous uni. »

Snape releva sa lèvre en une moue dédaigneuse, s'apprêtant à protester avant de voir les paupières de la jeune femme papillonner. Alors, il se redressa comme un ressors.

« Miss Granger ? »

Hermione cligna plusieurs fois des yeux vers le professeur Trelawney avant d'ouvrir la bouche, et de la refermer.

« Alors ? demanda cette fois Snape avec une drôle de curiosité, dépourvue d'animosité, pour une fois. »

Des tas de questions se bousculaient dans la tête du maître des potions, et fort heureusement, il parvenait à cacher son tourment derrière son masque habituel d'impassibilité.

« J'étais dans ce couloir, finit par raconter Hermione, un peu désorientée. Le même que la première fois.

_ Vos vies antérieures.

_ Oui, confirma-t-elle auprès de la professeure de divination. Sauf que cette fois, il m'a été très difficile de retrouver la bonne porte. Je me souvenais du numéro, mais il y en avait tellement et je n'avais personne pour me guider. »

Hermione soupira de fatigue, s'enfonça dans son lit avant de se masser le front. Elle ne voyait même pas le regard du potionniste, impatient. Elle était juste épuisée.

« J'ai l'impression d'avoir passé des heures à la trouver, mais quand je suis arrivée, la porte était entrouverte. »

Cette fois, ce fut Sybille qui parut la plus surprise.

Ses yeux s'écarquillèrent comme deux soucoupes derrière ses lunettes triple épaisseur.

« Vous êtes sure ? demanda la sorcière d'une voix hésitante.

_ Je sais ce que j'ai vu, rétorqua Hermione, un peu plus vive. Des vagues magiques s'échappaient de l'interstice et s'étalaient aux autres portes suivantes. J'ai donc supposé que nous avions raison, à propos du lien. »

Depuis le début, Hermione n'osait pas regardé Snape en face. Son visage continuait de rougir comme une tomate, mais c'était comme s'il n'y avait que le maître des cachots qui discernait le malaise sur ses traits.

« Et donc ? laissa-t-il trainer une nouvelle fois avec suspicion. »

Cette fois, Hermione se tourna avec plus de conviction vers Snape et le regarda droit dans les yeux, sans faiblir.

« Alors j'ai fermé la porte et ça a rompu toutes les effluves magiques qui s'en échappait. »

Snape resta stoïque, et Hermione de même avant qu'il ne plisse les yeux vers elle. Etait-ce possible ? Il n'avait rien senti. Cela aurait dû être le cas, non ? A moins que ce ne soit normal. Après tout, cela la concernait elle, en premier lieu.

« Le lien venait donc de vous, conclut-il.

_ Je suppose, répondit la Gryffondor.

_ Et de ce fait, vous supposez aussi que vous allez arrêter vos frasques nocturnes ?

_ Je ne le faisais pas exprès ! »

Snape de contenta de grogner avant de s'en aller, sans rien demander de plus. Hermione ne le montra pas avant qu'il sorte de son champ de vision, mais une fois que ce fut fait, son visage s'affaissa et elle laissa échapper une mine blessée.

Elle avait l'impression que depuis son arrivée à l'infirmerie suivant cette nuit catastrophique aux abords du lac noir, Snape se montrait hargneux, distant et agacé. Elle détestait ses sous entendus, à propos du fait que tout cela soit volontaire.

Hermione en oublia même le professeur Trelawney à côté d'elle qui la fit sursauter lorsque cette dernière se releva de sa chaise en un grincement peu engageant.

« Ne vous inquiétez pas, le professeur Snape est toujours un peu soupe au lait. »

Soupe au lait, reprit Hermione en se retenant de lever les yeux au ciel. Quel doux euphémisme.

« Permettez-moi tout de même d'émettre des doutes sur l'origines de mes épisodes de somnambulisme, grogna Hermione en croisant les bras sur sa poitrine.

_ Si vous le souhaitez, vous pouvez rester à l'infirmerie pour le confirmer, ou non. »

Sybille vit Hermione prendre une profonde inspiration avant de secouer la tête.

« Non. Non, ça ira. »

xXx

Snape tapotait la table en bois de la Grande Salle avec agacement, ce geste nerveux l'empêchant de secouer la jambe sur le même rythme.

Cela faisait plusieurs jours qu'ils étaient sortis de cette énième expérience malheureuse, mais Snape n'arrivait pas à se sortir des tas de choses de la tête.

Premièrement, il était certain que cette foutue Gryffondor avait menti. Jusqu'à quel niveau ? Il l'ignorait. Mais il n'avait pas réussi à se défaire de cette impression depuis qu'il avait quitté l'infirmerie. Quant à douter de Sybille, il n'irait pas jusque là. Étonnamment, à sa façon, elle l'avait convaincu. Mais Hermione avait semblé cacher quelque chose et, bien qu'il la connaisse dans le fond assez peu, il y mettrait cette fois sa main au feu.

En second lieu, il se demandait si le fait qu'il n'ait « rien senti » était normal. Et ce constat le mettait dans un drôle d'état, entre colère, paranoïa et confusion. Autant dire que personne n'osait le contrarier, que ce soient ses étudiants comme ses collègues.

Tout ce temps, il s'était efforcé d'ignorer Hermione Granger. C'était qu'il était lui-même inquiet de sa réaction s'il venait à lui tomber dessus, ce qui finirait fatalement par arriver. Si seulement il avait su que ce serait justement durant son premier cours de la matinée, il ne serait jamais sorti de son lit.

Il avait passé une nuit abominable, peuplée de cauchemars, toujours les mêmes. Granger, morte dans ses bras, rien ne changeait à cette vision, et il se surprenait même à sentir des spasmes de sanglots l'envahir dans son sommeil, comme si sa perte continuait de l'affecter. Cela ne faisait dans le fond, que renforcer son ressentiment lorsqu'il la croisait le lendemain. Pourquoi sa présence, ou plutôt son absence, lui faisait aussi mal ? Comment avait-elle pu le laisser avec un tel sentiment ? Cette idiote n'avait aucune idée du mal qui le traversait. Ne serait-ce que de l'imaginer mourir de nouveau le plongeait dans un état second, qui n'avait encore rien à voir avec ce qu'il n'avait jamais connu. Et c'était tellement injuste. Ne méritait-il pas la paix, alors qu'il avait enfin fait le deuil de Lily Potter ? Le pire, c'était que Lily ne l'avait jamais aimé. Hermione, si. Cela ne rendait les choses que plus douloureuses encore.

Autant dire que ce petit mélange s'apprêtait à détonner. Il n'avait fallu qu'un détail, un si petit détail.

Ce jour-là, et c'était assez rare, Snape avait décidé de tenir un cours de deux heures de théorie. Pas de chaudron ni de mélange douteux en perspective. Au moins, cela donnerait un répit à Longdubat. Et même si l'envie n'y était vraiment pas, il s'était lancé dans une longue diatribe assommante à propos des poisons ordinaires, naviguant entre les rangs, manuel à la main, sa voix uniquement interrompue par le bruit des plumes sur les parchemins. Il ne lui avait fallu pas moins d'une demi heure pour se stopper dans sa leçon.

Il était passé devant sa paillasse. Il évitait tellement de le faire depuis quelques temps, mais ses pas l'avaient portés mécaniquement à cet endroit et ce n'est que le bruit d'un espèce de ronflement qui l'avait arrêté net.

Sans réfléchir, il se tourna d'un coup vers l'origine de ce bruit et manqua de hurler en voyant Hermione Granger là, accoudée devant son bouquin et tapant sa meilleure sieste du matin. C'est à cet instant précis que tout ressorti, en une toute petite seconde.

La voir assoupie de la sorte, c'était comme si cela venait de confirmer ses doutes. Hermione ne s'endormirait jamais devant une leçon, et moins encore dans une salle de classe. A moins de ne pas dormir, ou pas d'un sommeil réparateur. Alors, cela signifiait qu'elle passait toujours des nuits mouvementées... car elle n'avait pas coupé le lien. C'est alors que tout explosa : le poids du mensonge, de la souffrance, l'injustice, la douleur.

Elle l'avait trahi.

« Non mais c'est pas vrai ! explosa-t-il. »

Hermione sursauta involontairement, d'abord par ce cri venu des enfers qui venait de brandir devant elle, mais aussi par le bruit de deux mains venant s'éclater sur sa table et qui avait provoqué un véritable tremblement de terre.

« Je le savais, gronda-t-il. Je le savais ! Vous m'avez menti !

_ Menti ?! reprit Hermione, encore groggy.

_ Vous n'avez pas fermé la porte. Avouez-le ! »

Hermione avait la bouche close et le regard fixe. Cette fois, elle était bien réveillée, et plus vraiment seule pour affronter ses démons visiblement. Soudain, ce fut comme si plus rien n'existait, ni cette classe, ni ses camarades, ni Poudlard. Elle se contenta juste de détourner le regard avec honte. Elle savait exactement de quoi il parlait.

Et pour cause : bien sûr, ses soucis nocturnes ne s'étaient pas arrêté et elle avait demandé même l'aide de Ginny pour lui lancer un Incarcarem avant qu'elle ne s'assoupisse, et ce chaque soir depuis. Ses nuits perdant peu à peu tout côté réparateur, autant dire qu'elle avait accumulé une sacrée dette de sommeil, et ce, sans compter sur les cauchemars. Des cauchemars où il mourrait noyé, quand elle ne se réveillait pas courbaturée d'avoir lutté contre les sorts l'empêchant de somnanbuler.

Hermione avait honte de ce mensonge, mais elle avait réussi à se convaincre que cela ne la concernait elle, et qu'elle seule.

« Comment est-ce que vous avez pu me faire ça, souffla-t-il. »

Hermione leva soudain un regard surpris vers son professeur de potions.

Il paraissait blessé. C'était sans doute la première fois qu'elle le voyait de cette façon, si on enlevait celle où il avait failli y passer.

Snape tiqua tout haut et se contenta de s'en aller en claquant la porte, au beau milieu de sa classe.

Dire qu'il était excédé était un pur euphémisme, et il n'avait vu que la fuite pour éviter de l'étrangler devant tout le monde. Dans le fond, il n'était pas aussi idiot pour ignorer que sa colère cachait des sentiments bien plus profonds, comme la trahison, et la tristesse. Mais c'était bien plus commode de se planquer derrière une rage inconsidérée. Avec le temps, Snape avait appris que passer pour un connard était bien plus confortable que de passer pour un martyr.

A son départ, Hermione avait enfin réalisé que la classe entière la regardait, d'un air déconfit. Snape n'était encore jamais parti de la sorte d'un de ses cours, même sous son rôle confirmé d'espion auprès de Voldemort. Alors, la Gryffondor ne se sentait que plus honteuse encore.

Pourquoi avait-il fuit de la sorte, plutôt que de lui filer une retenue, une punition, n'importe quoi ?! Etait-il possible qu'elle l'ait réellement blessé ? A moins qu'il ne se contente d'aller voir McGonagall pour lui dire qu'il ne pouvait plus être son professeur, ou quelque chose dans ce style.

Cette idée venant d'émerger dans sa tête la fit se lever d'un bond. Hermione s'en alla à son tour, sans tenir compte des chuchotements curieux de ses camarades. Elle ignorait par quelle direction il était parti, alors, sans réfléchir, elle prit le chemin le plus court pouvant l'amener vers le bureau directorial. Le château était grand, il aurait pu passer par tant de chemins différents, mais à son avantage, en cette matinée de classe, les couloirs étaient surtout vides. Alors, Hermione tendait l'oreille avant de distinguer le bruit de ses pas et de voir sa silhouette marcher à vive allure vers Dieu sait où.

« Professeur ! l'appela-t-elle. »

Snape l'entendit, bien sûr, à son plus grand désarroi. Et il ne put s'empêcher de s'arrêter par simple réflexe avant de se pincer l'arête du nez.

« S'il vous plait, l'implora-t-elle en arrivant à sa hauteur à une rapidité telle qu'elle en était essoufflée. S'il vous plait, ne faites pas ça.

_ Pas quoi ? aboya-t-il. Je vous rappelle que c'est moi qui ait été trompé dans toute cette histoire. »

Que lui voulait-elle au juste ? Snape s'apprêta à soupirer une énième fois avant de l'envoyer sur les roses, mais il tomba sur ses prunelles brillantes de larmes naissantes, et une fois encore, il ne put que s'en sentir irrité.

« Ne… N'en parlez au professeur McGonagall. Je ferais de mon mieux, mais ne m'excluez pas, s'il vous plait.

_ Quoi ? »

Il n'y comprenait plus rien cette fois. En quoi Minerva avait-elle un rôle quelconque dans tout cela ?

« Vous allez demander à ne plus être mon professeur. N'est-ce pas ? demanda-t-elle, la voix chevrotante. »

Snape resta stoïque, ou plutôt figé sur place. Il était simplement parti sans réfléchir. Bien sûr, il n'en dirait rien, mais il saisissait à quel point son geste pouvait être sujet à de multiples interprétations. C'est en clignant des yeux qu'il remarqua enfin ses mains tremblantes, comme si elle faisait face à un véritable drame. Et Snape n'en saisissait pas vraiment la nature. Pourquoi se mettre dans cet état pour si peu ? En plus, il n'y avait même pas pensé. Alors, en bon Serpentard, il décida de saisir l'opportunité face à lui.

« Qu'est-ce que cela peut bien vous faire Granger ? Dans le pire des cas, vous aurez réalisé le rêve de tous vos camarades. »

Snape se détourna alors d'elle en un mouvement de cape savamment exécuté.

« Mais vous ne pouvez pas faire ça ! s'exclama la jeune femme d'une voix suraiguë. »

Cette fois, lorsqu'il l'observa de nouveau, il haussa un sourcil si haut qu'il fut sur le point de la trucider.

« C'est déloyal ! Je m'endors durant votre classe, et vous… vous m'abandonnez ?! Je sais que vous n'attendez qu'à ce que je sorte de votre champ de vision, je sais que vous m'en voulez pour tout ça, mais je n'y suis pour rien vous entendez ? Mon seul tord a été de ne pas couper le lien !

_ Comment est-ce que vous pouvez dire ça ? chuchota-t-il d'un ton menaçant. »

Dire qu'il n'avait même pas réfléchi à l'instant où elle s'en irait d'ici, loin. Cette Gryffondor venait de l'achever, en bon et due forme.

« Est-ce que vous savez au moins ce que ça me fait de vous croiser tous les jours dans ces couloirs, gronda-t-il, la mâchoire serrée. De vous voir, vous entendre, vois sentir tout en sachant que… »

Snape soupira alors que Hermione restait indubitablement silencieuse, se contentant de l'observer avec pudeur et embarras. Le potionniste ferma les paupières avant de souffler par les narines, un air empli d'un rire sans joie.

« Vous connaissez mon histoire Miss Granger, même si ça m'écorche de l'admettre, lâcha-t-il avec dégoût. J'ai dû faire face à de nombreux deuils, j'espérais que cela soit terminé et voilà que désormais, alors que plus rien ne m'y destinais, je doive faire celui de quelqu'un de vivant. »

Une lueur de surprise s'afficha dans les prunelles d'Hermione tandis que Snape laissa échapper sa blessure, le temps d'une seconde.

« Ou morte, acheva-t-il d'une voix plus étranglée qu'il ne l'aurait voulu. Et vous osez penser que j'attend votre départ avec une forme d'impatience quelconque ? La vie me devient insupportable à vos côtés et risque de l'être tout autant éloignée de votre présence. Pour quelle raison est-ce que vous, et le reste du monde s'amuse à faire de mon existence un enfer sur Terre ?!

_ Professeur, je…

_ Pourquoi est-ce que vous n'avez pas rompu le lien ? la coupa-t-il. »

Hermione déglutit, puis détourna le regard, mais Snape lui accrocha le bras pour l'empêcher de le faire.

« Pourquoi ? répéta-t-il plus vivement, sur le point de hurler de nouveau.

_ Parce que j'en étais incapable ! finit-elle par lui répondre, droit dans les yeux. »

Snape resta silencieux, et suspicieux. Hermione Granger, admettre qu'elle ne pouvait pas faire quelque chose ? Un jour à marquer d'une pierre blanche.

« Vous ne savez pas ce que c'était, la responsabilité que cela représentait, argumenta-t-elle d'une voix tout aussi teintée d'émotion, le regard brillant.

_ Vous deviez le faire !

_ Pourquoi ça ? C'est ce qui fait qu'on se croise encore et encore, c'est ce qui fait que vous êtes devenu mon professeur ici, je ne vois pas pour quelle raison je couperais ce lien juste pour une question de sommeil !

_ Mais qu'est-ce qui vous prend ?!

_ J'ai entendu la promesse que nous nous sommes faites. »

Snape cligna des yeux avant de la lâcher, un peu effrayé.

« Enfin, quelques mots… chuchota-t-elle. Et ça n'avait rien de mauvais. C'était tout… sauf mauvais. »

Cette fois, l'homme resta cloué sur place. Jamais encore qui que ce soit ne lui avait jamais parlé de cette façon, avec ce type d'émoi dans la voix et dans les pupilles.

« C'était… de l'amour, finit-elle par murmurer, la gorge serrée.

_ Miss Granger… chuchota Snape d'un ton désapprobateur.

_ C'était pur, et si sincère, s'avança Hermione à une distance peu raisonnable.

_ Vous ne pouvez pas continuer à maintenir quelque chose qui s'est éteint parce que vous le trouvez beau !

_ C'est parce que vous ne savez pas comment c'était, vous ne savez pas comment je me sentais !

_ Vous croyez ? tiqua-t-il, désabusé. Je vous vois toutes les nuits morte glacée Hermione, toutes les nuits !

_ Alors vous pourriez faire le choix de me voir vivante, acheva-t-elle avec un panache qu'elle ne se connaissait pas. »

Sans réaliser la folie qu'elle entreprenait, Hermione s'approcha d'un pas, pressant sa main sur celle d'un maître des cachots perdu et déstabilisé. Pourquoi paraissait-il soudain si fragile ?

« Je suis vivante, répéta-t-elle en un murmure, les yeux droits dans les siens. Je sais que je ne suis pas elle. Nous aimerions tous les deux que ce soit le cas, mais dans le fond, n'est-ce pas de son héritage dont nous parlons ?

_ Pourquoi est-ce que vous dites cela ? demanda-t-il avec un peu plus de douceur, d'un ton si bas qu'elle du tendre l'oreille.

_ Le lien est la dernière chose que…

_ Je ne parle pas de ça. Vous êtes la même Hermione. Quelle différence entre votre vous d'avant et celui d'aujourd'hui ? Entre votre côté buté, tête brûlée, je-sais-tout, et si…

_ Si ça peut vous rassurer, vous n'êtes pas si différent non plus, marmonna-t-elle en croisant soudain les bras devant sa poitrine d'un air ronchon. »

Ils se regardèrent pour la première fois avec un prisme bien différent de celui qu'ils avaient pu abordé jusqu'alors. Hermione n'avait plus rien d'une élève, pas plus qu'il n'était un professeur. En réalité, personne ne pouvait se cantonner à cela. Et ce qui les horripilait chez l'un comme chez l'autre trouva tout à coup un sens. C'était comme si l'irritation qu'ils se portaient n'avait toujours été qu'un voile, et qu'ils en étaient conscients sans vraiment l'être.

Hermione rougit en baissant la tête. Elle n'avait pas connu beaucoup d'hommes. Il y avait eu Viktor, Ron, et quelques garçons en vacances. Elle savait ce que c'était de tenir à quelqu'un, mais ignorait la signification réelle des mots passion, et amour véritable. Et elle l'avait entrevu durant sa vision, elle devait l'admettre.

« Je pense que nous ne savons pas ce que nous faisons, murmura-t-il. »

Quand elle leva le regard, elle vit qu'il était traversé des mêmes émotions qu'elle. Alors, Hermione s'empourpra plus encore. Sans le savoir, Snape en faisait de même et n'osait même pas la regarder face à face.

« Il faut résoudre ce problème avant que vous ne partiez, finit-il par lâcher d'une voix basse.

_ Je sais, marmonna-t-elle. Mais, peut-être que ce n'est pas tant un problème. »

Hermione leva des pupilles timides vers le maître des potions qui afficha une moue surprise.

« Si ? demanda-t-elle d'une petite voix. »

L'homme soupira et se mit à fixer un point invisible derrière elle.

« Miss Granger, reprit-il, comme pour s'assurer de maintenir une certaine distance. »

Il était si nerveux.

Elle le rendait nerveux. Comment était-ce possible ?

« Je n'en reviens pas d'avoir une conversation pareille avec vous… Avec… quelqu'un ! balbutia-t-il avec hésitation en agitant ses mains dans les airs.

_ Oh, ne me dites pas que ça ne vous ai jamais arrivé. »

Snape leva un sourcil avant de la regarder enfin dans les yeux, la défiant de le contredire dans cette conversation pleine de non-dits.

« Je n'y crois pas une seconde, acheva-t-elle en croisant les bras devant sa poitrine.

_ Oh mais bien sûr voyons, je suis du genre à recevoir des lettres transie d'amour trois fois par semaine. Bien sûr que ça ne m'est jamais arrivé ! Vous avez vu ma tronche ? »

Hermione ne put s'empêcher de pouffer, juste pour sa perte de sang froid soudaine et ce vocabulaire qu'elle n'avait pas l'habitude d'entendre de sa bouche. Mais au vu de son air, il ne partageait clairement pas son hilarité.

« Vous êtes mon élève, commença-t-il à argumenter.

_ Cette année supplémentaire est exceptionnelle. Je n'aurais pas dû l'être.

_ Vous allez me faire croire que ça aurait pu arriver en vous croisant sur le chemin de traverse ?

_ Personne ne peut savoir, balança-t-elle en haussant les épaules.

_ Il n'y a que vous pour vous enticher d'un de vos professeurs, bien plus vieux que vous, qui vous a toujours méprisé et qui vous a connu quand vous aviez des dents longues comme le corps d'un Basilic.

_ Hé ! reprit-elle. Ce n'est pas très gentil.

_ Parce que je suis gentil d'habitude ? demanda-t-il d'un ton ironique.

_ Ça vous arrive. »

Snape leva les yeux au ciel, sans tenir compte de l'approche de la jeune femme face à lui.

« Vous l'avez été quand vous m'avez sorti de l'eau.

_ Assistance à personne en danger, marmonna-t-il dans sa barbe.

_ Et les problèmes que vous avez évité à Neville, ou Luna avec les Carrow l'année dernière ?

_ Je n'ai rien fais du tout, et en plus, vous n'étiez même pas là, en quoi ça vous concerne ?

_ Non, vous étiez trop occupé à m'espionner à travers le miroir pour vous assurer que j'allais bien pendant qu'on fuyait dans la forêt, le taquina-t-elle.

_ Je faisais en sorte que Potter soit sur la bonne voie. »

Une fois encore, elle n'y croyait pas un mot. Elle était certaine de ne pas avoir rêvé en sentant un espèce de regard peser sur elle quelques nuits, ou lorsqu'elle était occupée à essayer de comprendre. Et pour cause : Snape s'était surpris à l'espionner plus d'une fois, et à grogner quand elle ne réussissait pas à comprendre ses plans. Merde ! Elle était assez intelligente pour ça non ?

« Miss Granger… Je suis désolé mais c'est impossible, lâcha-t-il d'une voix qu'il voulait assuré et qui pourtant, tremblait sans qu'il ne le contrôle. Vous vous faites des idées sur ma personne, je le crains et… et l'image que j'ai pu vous renvoyer après la guerre, et après cette vision…

_ Je vous fais confiance, et vous le savez très bien. »

Dans quelle sorte de mouise s'était-il encore fourré ? Il avait l'impression de revivre l'instant ayant précédé la catastrophe de cet iceberg percutant ce paquebot de malheur. S'il n'arrêtait pas cette conversation tout de suite, il finirait par… par…

Agacé par lui-même, Snape enragea, déterminé à éloigner la jeune femme de lui, quitte à employer la force physique.

« Ecoutez… commença-t-elle en humidifiant rapidement ses lèvres. »

Snape ferma les paupières. Il était vraiment dans une merde noire.

« Je n'insisterais pas sur cette voie, d'accord ? mesura-t-elle. Et mon but n'a jamais été de vous mettre mal à l'aise. »

C'est ainsi qu'il leva ses yeux vers le plafond, figé par la nervosité.

« Mais je dois encore terminer cette année pour continuer mon cursus, et nous sommes d'accord pour dire que vous devez, pour cela, au moins avoir la force de tenir mon regard plus de cinq minutes sans avoir envie de m'étriper ou de vous enfuir, non ? »

Ce fut presque comme si un interrupteur venait de s'enclencher en lui, alors qu'il reprit un peu contenance. Il pouvait le faire.

Oui. Après tout, Granger n'avait jamais été que son élève, une petite Miss Je Sais Tout insupportable.

Snape se redressa et enfin, la regarda. A cet instant, il ne put s'empêcher d'occulter son statut d'étudiante. Depuis la vision, il n'arrivait plus à la percevoir de cette façon. Il avait l'impression de l'avoir connu bien avant Poudlard, et elle était son égale à l'époque.

Désormais, ses yeux pétillaient d'une noirceur hypnotique et d'une absence totale de ce dédain habituel qu'il tenait envers ses élèves. Plus les secondes s'égrainaient, plus cette impression d'être davantage face à un homme que face à son professeur s'accentuait et bientôt, ce fut à Hermione de se racler la gorge en remuant sur place, avant d'émettre un léger souffle pas vraiment amusé cette fois.

« Et que proposez-vous d'autre pour la suite ? demanda-t-il d'un ton un peu plus moqueur. »

Comment cette situation avait-elle pu s'inverser en si peu de temps ? Hermione eut envie de se maudire, car elle aurait été capable de gémir au simple son de sa voix sur elle, ces tonalités qui venaient de la caresser, comme pour la narguer.

« On pourrait… On pourrait… bégaya-t-elle. »

Jamais encore elle n'avait cherché ses mots de la sorte. Ainsi, un léger rictus se forma sur le coin des lèvres du potionniste qui jubilait sans aucun doute d'avoir reprit l'ascendant sur cette conversation, qui avait soudain perdu pour lui une partie de sa gêne.

La déstabiliser était bien assez bon pour lui faire oublier le reste.

« Couper le lien ? reprit-il de sa voix de baryton.

_ Non, protesta-t-elle un peu plus mollement.

_ C'est surement à cause de lui que nous nous sentons ainsi, sans parler de vos insomnies. Nous avons perdu tout sens du discernement !

_ Peut-être pas, répondit-elle avec hésitation.

_ Ne me dites pas que je suis votre type Miss Granger. »

Il avait l'impression d'enfin maîtriser la situation, et quelque part, cela le rassurait assez pour qu'il puisse retrouver tout son flegme légendaire.

« Arrêtez avec vos questions, vous me troublez ! »

Ou peut-être avait-il été trop confiant ? Ainsi, il leva un sourcil et hocha lentement la tête.

« Ça n'a aucun sens, et c'est inapproprié. Entendons-nous sur le fait que nous n'aurions jamais été dans ce genre de situation si je n'avais pas eu le malheur de vous choisir pour cette foutue expérience.

_ Non, peut-être pas. Enfin, personne ne sait, mais…

_ Alors on peut supposer que ce n'est pas réel. »

Ces mots la blessaient, sans qu'elle ne comprenne en premier lieu pourquoi. Après tout, il avait raison, d'une certaine façon. C'était une hypothèse. Alors pourquoi sentir dans sa chair, dans ses entrailles même ce sentiment dingue qu'elle avait besoin de lui ? Rien n'était explicable, mais cela en devenait surhumain de lutter contre ça.

Depuis toute cette histoire, chaque fois qu'elle le croisait, son estomac se nouait, son coeur pulsait dans sa poitrine. Elle se sentait nerveuse, déstabilisée, plus maitresse d'elle-même et au vu du ressentiment qu'il avait pu lui communiquer, il devait se sentir dans le même état de confusion. Hermione n'était pas la dernière des idiotes, cette attitude cachait forcément quelque chose. C'était déjà le plan d'approche qu'il avait adopté durant toutes ces années, pour se protéger. Et, peut-être était-ce en lien avec leur magie, ou cette vie antérieure, mais Hermione se targuait désormais de pouvoir lire en cet homme avec un peu plus de netteté.

« En attendant, reprit-elle contenance. C'est là. »

Une fois encore, Hermione se passa une langue nerveuse sur le bout de sa bouche, ce qui fit s'agiter Snape qui avait l'impression de virer dingue.

« Alors je vous le redemande : que proposez-vous ?

_ Nous tenir éloigné l'un de l'autre, affirma-t-il. Attendre que l'année se passe et ne plus jamais nous croiser de notre existence.

_ Désolée, mais je ne peux pas me permettre ce genre de fantaisie.

_ Suis-je si irrésistible ? ironisa-t-il. »

Franchement oui, avait-elle envie de répondre au tac au tac. A la place, son regard en dit bien assez long.

« Alors je romprais le lien moi-même, balança-t-il d'une voix plus grave après de longues secondes d'un silence équivoque.

_ Bon courage, répondit-elle d'un ton tout aussi bas.

_ Vous ne m'en croyez pas capable ? demanda-t-il en faisant un petit pas vers elle. »

Avec automatisme, Hermione baissa les yeux sur sa bouche. C'était terrible, si terrible ! Ses souvenirs se mélangeaient à la réalité, rendant le tout confus et ne ressortant d'elle qu'un désir qu'elle ne parvenait à refouler.

Elle ouvrit la bouche, pour chercher à protester ou à lui assener une réplique de plus, mais aucun son ne parvenait à sortir de sa gorge. Alors, ce fut à Snape de se sentir étreint par cette situation, ses iris automatiquement dirigées vers ses traits féminins, son regard vers cette bouche qui le tentait tant, lui qui n'avait jamais connu qu'amour à sens unique. S'il avait su que se sentir désiré de la sorte pouvait être si bon, plus encore par une femme bien assez intelligente, belle et impétueuse. Hermione Granger se montrait face à lui sous une facette si nouvelle, qu'il avait l'impression de ne jamais l'avoir connu réellement. En tout cas, toute supériorité hiérarchique avait disparu, d'un côté comme de l'autre. Par une force surnaturelle, Snape la considérait comme une égale, et Hermione de même.

Ainsi, elle prit une inspiration, son cerveau se mettant hurler qu'il fallait se sauver de toute urgence, mettre de la distance pour ne pas céder.

Mais c'était si magnétique, si irrésistible qu'ils lâchèrent les armes en même temps. Snape se jeta sur les lèvres de la jeune femme avec tout autant d'intensité qu'elle le fit à son tour. Il n'y avait là aucune douceur, pas plus de regret vis à vis de leurs statuts ou de la folie qu'un tel geste pouvait représenter. Car tout serait pire après ! Mais comment trouver la force de lutter contre ça ?

Hermione gémit avec automatisme. Elle avait la sensation qu'un flot de lave incandescente venait de descendre dans son estomac et se libérer dans son corps tout entier. Elle eut presque honte de sentir d'ores et déjà son sexe pulser entre ses jambes alors que son corps se collait au sien avec cette même passion dévorante. Pour rien au monde, l'un comme l'autre n'aurait voulu arrêter cela.

Snape s'était jeté sur ses lèvres comme un véritable animal assoiffé, et c'est avec un drôle de sentiment que leurs langues trouvèrent le contact l'une de l'autre. Merlin, c'était si indécent, bien pire encore que tout ce qu'ils auraient ou imaginer jusqu'alors. Snape la plaqua contre le mur et elle gémit dans sa bouche avant de fondre.

Hermione songea à quel point elle pouvait détester ce type de baiser, d'ordinaire, et comment à cette seconde précise, elle pouvait en réclamer plus encore. Cet homme venait de s'insinuer en elle avec une volupté rare, si rare qu'elle avait l'impression de ne plus être elle-même.

Alors que sa grande main s'accrochait au mur derrière elle, Hermione se rattrapa à la nuque du potionniste. Elle prit appui sur lui, comme pour contenir la passion de ce ballet qui se jouait, s'arquant imperceptiblement afin de ne plus laisser aucune parcelle de peau nue de sa présence.

C'était si étrange et singulier, comme s'ils s'étaient contenus une vie toute entière, comme si se sauter dessus de la sorte était de l'ordre de l'incontrôlable, ce qui était finalement le cas. L'impulsion fit pourtant place à la découverte, et leur baiser baissa en ferveur pour devenir plus lent, sans pour autant perdre de sa flamme.

Hermione avait beau se répéter qu'elle était actuellement en train d'embrasser Snape, le professeur Snape lui-même, elle n'arrivait à raisonner autrement qu'en le nommant Severus.

Ce Severus qui l'avait percuté, qui l'avait fait danser, rire, horripilé, sauvé, celui auprès duquel elle avait choisi de mourir. Elle aurait pu s'en aller, elle aurait pu prendre ce canot, mais n'avait pu se résoudre à se séparer de lui, et maintenant, il était là. Ce serait une folie, une si grande folie de ne pas en profiter.

Snape quant à lui, se sentait soulevé d'un poids si grand. Il avait ce sentiment étrange que la lutte était terminée, et qu'il pouvait enfin se laisser aller à l'évidence qui s'était imposée à lui. Merde, c'était pourtant Granger, la Granger qui était son étudiante, une amie de Potter, et une alliée de choix durant la guerre. Elle était celle qui n'avait pas eu tant d'importance que cela dans le passé, et qui pourtant, en avait désormais tant. Mais elle était surtout cette Hermione qui l'avait menacé de lui intenter un procès, celle qui lui avait fait voir la vie autrement alors qu'il avait vécu un enfer, elle était celle qui ne l'avait jamais abandonné, quoiqu'il en dise.

Et c'était peut-être, sans doute même une grande folie, mais l'embrasser à cet instant représentait un réel soulagement. Pire encore, ce baiser était la chose la plus agréable qu'il ait connu. S'il devait être tout à fait honnête, ce geste rendait les choses plus évidentes encore.

Pourtant, il avait embrassé d'autres femmes. Lily lui avait offert son premier, et, transi d'amour pour elle, ce dernier avait été le meilleur à son goût malgré l'inexpérience franche dont ils avaient fait preuve.

Mais cet instant bousculait toutes ses convictions. D'un geste délicat, il sentit ses douces lèvres quitter peu à peu les siennes.

« Granger, murmura-t-il, d'un ton un peu désapprobateur en se détachant de juste quelques millimètres d'elle.

_ Vous allez me renvoyer ? demanda-t-elle d'un ton tout aussi bas. »

Mue par une sorte d'angoisse soudaine, elle avait levé ses grands yeux vers lui. Alors, Snape ne put qu'ouvrir et fermer la bouche comme un crétin, toujours accoudé au dessus de son corps et dans une proximité plus qu'inconvenante.

« Non, conclut-il enfin au bout de quelques secondes.

_ Vous allez rompre le lien ? »

Il prit une profonde inspiration. Loin d'être idiot, il savait que reparler de ce sujet était l'opportunité unique de mettre tout ce qui venait de se passer sur le compte de ce « lien magique ».

« Je… je ne sais pas, je crois que… »

Mais le sorcier n'eut pas le temps de terminer sa phrase lorsque le bruit d'une détonation, sorti de nulle part explosa dans ses oreilles et les rendit soudain aussi sourds qu'aveugles.