Résumé du chapitre précédent : Harry et Draco tâtonnent doucement dans leur nouvelle relation. Au cours du mois d'Avril, Lucius semble abandonner l'idée de réussir à attraper son fils à Ste-Mangouste et cesse ses apparitions dans le hall des admissions.
Andromeda fait savoir aux garçons qu'elle n'est pas dupe de leur manège et leur rappelle simplement de penser aux intérêts de Teddy.
Au mois de Mai, Terry Boot, à l'académie des Aurors depuis moins d'un an, est admis à l'hôpital, souffrant d'une malédiction de mort lente. Harry et Neville bouclent la salle d'examen comme si le danger n'était toujours pas passé. Michael Corner, prévenu par Hannah, rejoint Lazare et Draco dans la salle où est soigné son meilleur ami et décharge son angoisse et sa colère sur Harry, l'accusant d'être la raison pour laquelle Terry a rejoint les Aurors.


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Corner avait fini par s'asseoir en tailleur par terre, se rongeant furieusement les ongles avec le regard rivé sur le visage de son meilleur ami, toujours d'une pâleur livide sous la lumière blafarde des boules lumineuses. Le maléfice avait été levé mais les Guérisseurs étaient toujours affairés à tenter de réparer les dégâts sur ses organes internes. Boot avait perdu son uniforme, et sa peau était striée de lignes sinueuses et noires. Il avait cessé de gémir, les Médicomages ayant pu l'endormir pour le reste de la procédure. Il respirait avec une telle lenteur qu'il semblait mort.

Draco passa son poids sur sa jambe gauche, rechignant à conjurer une chaise comme Lazare et l'autre élève. Harry et Londubat étaient toujours droits comme des i, alertes. Connaissant Hannah, elle s'était probablement assise par terre aussi.

Harry quitta soudainement son immobilité pour ouvrir la porte et laissa entrer Weasley, qui lui accorda à peine un regard pour immédiatement se concentrer sur Boot. Il sembla attendre de le voir respirer, puis il se tourna vers Londubat, qui hocha la tête dans sa direction avant de le suivre dans le couloir, Hannah sur leurs talons.

Avec une lenteur infernale, une partie des lignes sombres s'estompèrent, ne zébrant plus la cage thoracique de Boot que de gris, comme si ses veines avaient été tracées à la cendre. Sa respiration se fit plus profonde et les plumes de diagnostic semblèrent s'agiter moins vite sur leurs parchemins. Il était en bonne voie, mais il allait être difficile d'établir l'étendue de ses séquelles avant la fin du travail des Médicomages et son réveil.

Draco regarda discrètement sa montre et serra les dents. Ils avaient dépassé l'heure du déjeuner et étaient bientôt attendus en cours, mais il rechignait à quitter la pièce, à la fois par besoin d'en savoir plus et parce qu'il se voyait mal laisser Harry avec Corner, qui allait probablement passer la journée ici.

« Vas-y. » Murmura Harry. Draco croisa son regard, nota son bref sourire encourageant, puis hocha la tête avec un soupir.

« Lazare. » Appela-t-il doucement dans sa direction, et son camarade se leva de sa chaise qui disparut derrière lui.

Draco baissa les yeux vers Corner mais celui-ci l'ignora, son regard anxieux focalisé sur Boot, ses longs cheveux noirs et sa main devant sa bouche obscurcissant son visage pâle. Il soupira à nouveau et après un dernier regard échangé avec Harry, il quitta la pièce derrière Lazare.

Londubat et Weasley étaient assis de part et d'autre d'une sorcière sanglotante, qui devait probablement être la mère de Boot et qui leva les yeux vers eux avec un mélange d'espoir et de panique.

« Nous ne sommes que des étudiants, Madame. » Énonça immédiatement Lazare. Ils avaient interdiction formelle d'adresser avis ou commentaires médicaux aux patients et à leurs proches. « Un Guérisseur viendra vous parler dès que possible. »

Le regard de la sorcière passa successivement de Lazare à Draco, cherchant peut-être quels mots lui permettraient de leur soutirer quelque chose. Il sut à la soudaine dureté de son visage à quel moment elle le reconnut.

« Michael Corner est avec lui. » Lui dit-il doucement pour la rassurer, même s'il était probable qu'elle le sache déjà.

Elle hocha difficilement la tête, ses yeux bruns débordant de larmes, puis elle cacha à nouveau son visage derrière ses mains avec un sanglot.

Weasley leur adressa un regard sévère, à des lieux de l'adolescent dégingandé qu'il avait connu à Poudlard et de l'ami goguenard de Harry qu'il avait croisé chez Andromeda, comme si son uniforme l'avait forcé à entrer dans la peau d'une personne plus dure, plus distante, à l'image de ce qu'il avait ressenti émaner de Harry toute la matinée. Londubat avait ce même air sérieux, mais son regard était plus doux, semblant avoir plus de difficulté à prendre du recul sur ses propres émotions.

« Est-ce que vous pouvez demander à quelqu'un de venir rapidement ? Ça fait des heures que Madame Boot est là. » Demanda Weasley avec fermeté. Lazare tourna la tête vers Draco en réfléchissant probablement à la même chose que lui. Aucun des trois Médicomages dans la pièce ne pouvait se permettre de quitter le chevet de Boot maintenant.

« On peut aller chercher le Guérisseur Denver. » Proposa Draco, parlant d'un des titulaires spécialistes du service, qui, avec un peu de chance, était quelque part à l'étage et pas à la cafétéria. Lazare hocha la tête.

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Après avoir partagé la situation avec Andrew Denver, qui était un de leurs tuteurs, et que celui-ci eut accepté d'aller au moins voir ce qui se passait dans la salle qu'occupait Terry Boot, Lazare et Draco rejoignirent Hannah qui patientait devant leur classe avec un visage pâle et les yeux rouges.

« Alors ? » Demanda-t-elle en se levant sitôt qu'ils apparurent dans le couloir.

« Son état a l'air de s'améliorer, mais difficile d'en dire plus. » Commenta Lazare d'un ton plus sérieux que d'habitude.

Hannah pinça les lèvres et croisa lâchement les bras sur sa blouse en baissant les yeux.

« Tu as réussi à en savoir plus sur ce qui s'est passé ? » Interrogea Draco, supposant qu'elle avait dû essayer de soutirer des informations à Londubat.

« Non. » Soupira-t-elle. « Et toi ? » Fit-elle en relevant le regard vers lui avec espoir.

« Non plus. » Il préféra ne pas énoncer ses suppositions. Il risquait de déclencher une panique inutile si quelqu'un l'entendait émettre l'hypothèse que le Ministère ait été attaqué. Il déglutit et eut le réflexe de plonger la main dans sa poche pour tenir sa baguette. Les sous-sols de Ste-Mangouste étaient bien protégés, mais probablement moins que le Département de la Justice Magique. Si les Mangemorts avaient réussi à y pénétrer, il ne donnait pas cher des enchantements de protection qui les isolaient ici du reste du monde.

La porte de leur classe s'ouvrit et ils s'installèrent dans la petite salle, excusant l'absence de Corner du mieux qu'ils le purent auprès de leur professeure. Comme lui, Hannah posa sa baguette sur son bureau et Lazare leur envoya des regards interrogateurs depuis la place qu'il occupait à la droite de Draco. Il les imita avec scepticisme, puis suivit avec eux leur cours d'anatomie en silence, la faim au ventre.

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Hannah repoussa une mèche qui s'était échappé de son chignon et qui barrait son visage fatigué. Draco tendit la main pour prendre le dernier pain au raisin du comptoir scintillant de la cafétéria.

« Je prends quelque chose pour Michael ? » Leur demanda-t-elle.

Leurs cours terminés, ils avaient décidé de prendre le temps d'acheter à manger avant de remonter au quatrième étage plutôt que de quitter l'hôpital. Draco ne savait pas trop ce qui motivait vraiment Lazare à les accompagner, sinon une possible solidarité avec eux. Il était tellement nonchalant d'habitude qu'il avait du mal à l'imaginer souhaiter soutenir Corner, dont il avait tendance à beaucoup se moquer.

Draco hésitait lui-même à prendre quelque chose en plus pour Harry, ayant passé l'après-midi à l'imaginer debout près de la porte à veiller à la sécurité de son camarade sans boire ni manger. Il ne savait pas s'il était autorisé à se nourrir à son poste, et, si c'était le cas, si quelqu'un avait pensé à lui apporter quelque chose.

« Vas-y. Au pire je le mangerai s'il n'en veut pas. » Répondit Lazare, semblant arriver à la même conclusion que Draco. Hannah prit un sandwich supplémentaire avec un hochement de tête et il l'imita.

Ils quittèrent la cafétéria après leurs achats, mangeant en gravissant lentement les escaliers en bois en silence jusqu'à atteindre le quatrième étage. Au bout du couloir, Harry et un Auror plus âgé étaient debout, tournés dans leur direction avec la baguette à la main, et Draco put les voir distinctement se détendre comme s'ils avaient anticipés de devoir se battre dans l'hôpital. Le malaise qui ne l'avait pas quitté de la journée s'amplifia.

« Harry Potter est plus petit que ce que j'imaginais. » Murmura soudainement Lazare, et Hannah lui envoya un coup de coude pour le faire taire.

« Crétin. » Souffla Draco derrière l'ancienne Poufsouffle. Il était certain que les deux Aurors portaient un charme d'amplification sonore, pour les avoir entendu arriver aussi vite. Il eut confirmation en voyant les lèvres de Harry s'étirer une seconde en un bref sourire en coin, ayant perçu son insulte à l'encontre de Lazare.

L'Auror qui l'accompagnait était de taille moyenne, à peine plus grand que Harry. Il ne devait avoir que dans la cinquantaine, mais ses courts cheveux étaient déjà complètement gris. Ses yeux renfoncés dans leurs orbites étaient d'un bleu vif qui, en plus de son visage ciselé à la peau fine et marquée par les années, lui donnait un air glacial. Draco se souvenait l'avoir vu derrière Harry sur les photos de la cérémonie d'anniversaire de la bataille de Poudlard.

« Hannah Abbott, Draco Malfoy, Lazare des Courrières. » Les présenta successivement Harry à l'un de ses mentors, qui hocha brièvement la tête dans leur direction. Si Lazare fut surpris qu'il connaisse son nom, il n'en montra rien. « Auror Sparrow. » Termina-t-il avec un geste bref en direction du sorcier.

Alors qu'ils le saluaient poliment, Draco nota l'absence de Madame Boot et supposa qu'elle avait pu entrer dans la salle d'examen. Sparrow leur déverrouilla la porte et Lazare et Hannah se glissèrent dans l'ouverture, mais il resta dans le couloir avec hésitation. Il doutait que sa présence soit d'un quelconque réconfort à Corner et à Madame Boot, et s'il était tout à fait honnête, il était plus venu pour Harry que pour Terry.

Le temps qu'il lui fallût pour se décider suffit aux deux Aurors pour s'échanger un regard, et Sparrow suivit les deux étudiants dans la pièce avant de refermer la porte derrière lui.

« Charme d'acuité ? » Demanda Draco à voix basse lorsqu'ils furent seuls dans le couloir, au cas où un volume sonore plus important risque de lui abîmer les tympans.

« Quelque chose comme ça. » Sourit Harry, son visage se détendant visiblement. Draco l'observa lever sa baguette pour annuler le sort, contrôlant son envie de le toucher et de l'embrasser. Ils ne se voyaient jamais en dehors de chez Andromeda, et maintenant qu'il semblait quitter son masque d'Auror, il lui était difficile de ne pas aller vers lui comme il avait l'habitude de pouvoir le faire.

« Tu as pu manger ? » Lui demanda-t-il en le contournant pour aller s'asseoir sur l'une des chaises le long du mur.

« Oui, Susan m'a relevé peu après que vous soyez partis. » Répondit doucement Harry en tirant sur sa robe d'uniforme pourpre pour l'imiter sans trop la froisser.

« Tu as le droit de t'asseoir ? » S'étonna Draco en tournant légèrement les genoux vers lui.

« Je ne suis plus en poste. »

Draco jeta un coup d'œil à sa montre puis le fixa sans comprendre. Il était dix-huit heures passées, et compte tenu du fait qu'il avait passé la nuit au Ministère, il aurait effectivement dû être rentré depuis longtemps.

« Je voulais attendre que Terry se réveille. » Précisa-t-il.

« Où est-ce qu'ils en sont ? » Interrogea Draco.

« Je ne suis pas sûr. Mais il n'a plus de lignes noires et il n'y a plus que deux Guérisseurs à l'intérieur. »

Draco hocha pensivement la tête, le regard attiré par les mains de Harry qui s'agitaient sur ses jambes. Il le vit croiser les bras sur son uniforme comme pour les contrôler et il sourit en compatissant intérieurement. Lui aussi semblait avoir du mal à se retenir de le toucher.

« Tu as prévenu Andromeda ? » Demanda-t-il en réalisant soudainement qu'elle devait s'inquiéter de leur absence.

« Oui, je lui ai dit qu'il était possible que tu sois en retard aussi. »

Draco se détendit et s'appuya sur son dossier, soulagé. Il avisa la bosse de la poche de sa blouse et en sortit le sandwich qu'il avait pris pour Harry.

« Tu le veux ? C'était pour toi. »

Harry tourna la tête avec un sourire affectueux dans sa direction, et le lui prit des mains, touchant délibérément ses doigts dans un contact qui lui sembla interdit et étrangement érotique.

« Merci. Tu as eu le temps de manger, toi ? »

« A l'instant. » Acquiesça Draco en croisant les bras pour ne pas l'attraper par la nuque et l'embrasser juste devant la salle où un de ses collègues était encore sous traitement. « Ça a été avec Corner ? » Demanda-t-il doucement.

Harry carra les épaules en mordant dans son sandwich, mais hocha subrepticement la tête.

« C'est assez injuste ce qu'il t'a dit. Et tu n'as même pas fait de discours à la cérémonie. »

« Je n'ai pas tellement envie de parler de ça. » L'arrêta Harry malgré sa bouche pleine en regardant droit devant lui. Draco leva le menton pour regarder le plafond, un sentiment désagréable d'empathie pour lui lui serrant le cœur.

« Tu veux parler de ce qui est arrivé à Boot alors ? » Dit-il assez cruellement en réaction.

« Tu sais que je ne peux rien dire, Draco. » Grogna Harry en tournant un regard fatigué dans sa direction alors qu'il baissait les yeux sur lui. Draco leva une main pour se frotter le front avec agacement, puis fronça les sourcils.

« Est-ce que le bouclier anti-apparition est toujours en place ? »

Harry souffla en détournant le regard.

« Non. »

« Et si je rentre dans la salle, il y aura combien d'Aurors sans compter Boot ? »

« Un seul. »

« Et personne en faction si tu t'es vas, n'étant plus en poste. »

Harry haussa les épaules et mordit à nouveau dans son sandwich.

« Donc quoiqu'il se soit passé, c'est terminé. » Résuma Draco en guettant sa réaction, mais Harry se contenta de mâcher en fixant la porte verte de la salle de consultation en face d'eux.

« J'espère que tu réalises à quel point c'est insupportable de ne pas savoir. »

« J'en suis bien conscient. » Déclara Harry d'une voix égale. « J'espère que tu réalises à quel point c'est insupportable de ne rien pouvoir dire. » Ajouta-t-il en miroir sans le regarder.

Draco souffla en décroisant les bras, et posa ses coudes sur ses cuisses pour poser sa tête dans ses mains. Il avait du mal à le plaindre sur ce sujet. C'était lui qui détenait toutes les réponses à ses questions et il espérait qu'il ne le croyait pas capable de répéter les informations qu'il lui confirait s'il respectait moins scrupuleusement les règles.

« Est-ce que ça a un rapport avec mon père ? » S'acharna-t-il.

« Tu peux arrêter ? » Aboya Harry en tournant à nouveau la tête vers lui, l'air à la fois furieux et désespéré. « Je comprends que tu veuilles savoir, mais je ne peux rien y faire. »

Draco soutint son regard avec la mâchoire crispée, puis écarquilla les yeux en le voyant toucher son oreille puis désigner la porte avec insistance. Il posa une main au milieu de son visage avec accablement. Bien sûr. L'Auror Sparrow pouvait les entendre. Mais quel imbécile il faisait.

« Désolé. » Dit-il entre ses dents, avant d'écarter sa main et de prendre une grande inspiration avec une expression coupable, et il le vit articuler le mot « crétin » sans rien prononcer. Il grimaça.

Il chercha à retracer leur discussion pour trouver s'il avait dit quelque chose de compromettant, mais supposa que Harry l'aurait arrêté plus tôt s'il l'avait fait. La porte s'ouvrit alors, laissant sortir Hannah et Lazare, ainsi que la tête de l'Auror Sparrow.

« Il est réveillé. » Indiqua celui-ci à Harry qui se leva d'un bond, tendant son sandwich entamé à Draco qui l'attrapa maladroitement en se levant aussi, avant d'entrer dans la salle d'examen.

« A tout à l'heure. » Lui dit-il avant de refermer la porte.

Draco resta planté comme un idiot sous le regard circonspect de ses camarades, avant de remballer le sandwich dans son emballage en papier pour le ranger.

« Alors ? »

« Mal en point. » Commenta Lazare avec les mains dans les poches et les épaules basses. « Je ne pense pas qu'il va rentrer chez lui de sitôt. Ses constantes sont bonnes mais son cerveau a l'air d'en avoir pris un sacré coup. »

« Merde. » Soupira Draco, comprenant mieux la mine pâle d'Hannah.

« J'ai un rencard, je dois y aller. » Déclara ensuite Lazare avec l'œil sur sa montre, passant du coq à l'âne de façon assez brutale. « A demain. »

Ils lui répondirent en écho et le regardèrent transplaner avant d'échanger un regard.

« Un rencard ? » Émit Hannah en réussissant à esquisser un petit sourire. Draco haussa les épaules. Il ne le connaissait pas assez bien pour qu'il se confie sur ce genre de choses avec lui.

« Comment va Corner ? » Demanda-t-il au lieu de poursuivre sur le sujet, et le front de Hannah se plissa dans une moue soucieuse.

« Pas terrible... Ils sont amis depuis la première année. Ça a l'air dur pour lui... Ils sont un peu comme des frères. » Répondit-elle doucement.

Draco tourna les yeux vers la porte de la salle, le cœur serré. Il n'avait aucune peine à imaginer dans quel état serait Harry si c'était Weasley étendu là-dedans à la place de Boot, et sa propre empathie pour Corner le surprit.

« Heu, je pense qu'il vaut mieux les laisser tranquilles. » Dit Hannah, interprétant probablement son regard comme une envie d'entrer voir ce qui s'y passait.

« Je ne comptais pas y aller. » La rassura-t-il avant de soupirer. Il se voyait mal s'imposer alors que la mère de l'apprenti Auror était présente et que Corner risquait de voir son entrée comme une provocation. « Vestiaire ? » Proposa-t-il alors.

« Ouais ... » Souffla Hannah.

Ils transplanèrent immédiatement et se débarrassèrent de leur blouse respective côte à côte et en silence. Draco enfila la veste noire avec laquelle il était arrivé et en referma pensivement les boutons.

Hannah referma la porte de son casier qui émit un grincement discret dans les vestiaires déserts.

« Désolée si c'est une question bizarre mais ... Est-ce que tu sors avec Harry ? » Demanda-t-elle à voix basse. Les yeux de Draco s'agrandirent alors qu'il était en train de sortir le sandwich et sa baguette de la poche de sa blouse pour les mettre dans celle de sa veste, et il tourna la tête vers elle en finissant mécaniquement son geste, l'esprit vide.

Elle le fixa avec un petit sourire contrit, avant de pincer les lèvres pour ne pas rire en le voyant se mettre à rougir furieusement. Elle étouffa un éclat de rire derrière sa main.

« Oh mon dieu, tu devrais voir ta tête. » Pouffa-t-elle alors qu'il détournait le regard avec humiliation et panique, le cœur tambourinant dans sa poitrine.

« Comment ... » Réussit-il uniquement à articuler, un coin rationnel et fier de son esprit l'exhortant à se reprendre sans grand succès.

« Je pense que je n'aurais rien remarqué si Neville ne m'avait pas fait part de ses propres soupçons. » Chuchota-t-elle en riant toujours.

Draco grimaça. Foutu Potter et son insistance à essayer de le faire voir à ses amis sous un meilleur jour. Bien sûr que tout le monde avait remarqué quelque chose. Le Ministre de la Magie lui-même devait être au courant ! C'était sans doute un miracle que la rumeur ne soit pas arrivée jusqu'au Sorcière-Hebdo !

« Ne dis rien à Londubat, je pense que Harry préférerait lui dire lui-même ... » Soupira-t-il en refermant son casier avec humeur.

« Oh, ne t'inquiète pas. C'est de bonne guerre, il ne me dit jamais rien non plus. » Rigola Hannah. « Enfin, rien sauf les potins du Ministère. » Ajouta-t-elle avec un clin d'œil.

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Harry apparut juste après lui devant la barrière magique entourant la maison et le fixa un instant sans rien dire dans la lumière déclinante, les épaules basses dans un uniforme qui sembla soudainement bien trop lourd aux yeux de Draco. Un vent humide et frais vint balayer ses mèches noires alors qu'il semblait vouloir se recroqueviller en avant, une main se levant pour masquer son expression dévastée. Draco traversa les deux pas qui les séparaient et l'entoura de ses bras comme Harry le faisait si souvent pour lui, lui faisant cacher son visage sur son épaule. Son dos tressaillait légèrement sous ses doigts.

« Il arrive à peine à parler... » L'entendit-il murmurer d'une voix tremblante, ses mains venant s'accrocher à la veste de Draco, qui ferma les yeux avec le cœur lourd.

Il voulait lui dire qu'il fallait lui laisser le temps de se réveiller, lui donner quelques jours pour se remettre avant d'espérer voir une amélioration, mais il n'en avait aucune réelle idée et il ne voulait pas lui mentir. Il était possible que Boot ne se rétablisse jamais complètement.

« Michael a raison, c'est de ma faute. »

« Pourquoi est-ce que tu penses ça ? » Demanda Draco. N'ayant aucune idée de ce qui s'était passé, il ne pouvait être sûr que Harry soit en train de parler de sa présence lors du discours de Shaklebolt avec le reste du département à Poudlard, ou de ce qui avait directement mené Boot à Ste-Mangouste. « C'est à cause de ce qu'il t'a dit ce matin ? »

« Oui. » Harry déglutit. « Il a raison. L'armée de Dumbledore, les Aurors, je les mets toujours en danger. » S'étrangla-t-il dans un sanglot, et Draco écarquilla les yeux avec sidération, ses bras se relâchant momentanément avant de le serrer plus fort contre lui.

« Harry, tu n'es pas responsable d'eux. Tu ... Comment tu peux penser ça ? » Interrogea-t-il faiblement, soufflé. « Est-ce que tu les as forcé à te rejoindre ? »

Il n'avait aucune idée de la façon dont s'était créée l'Armée de Dumbledore, mais il doutait fortement que Harry ait forcé la main à un seul de la quantité d'élèves qui avaient résisté à Ombrage puis aux Carrow.

« Non, mais ... » Réussit à émettre Harry d'une voix enrouée, avant de s'écarter de lui en passant rapidement ses bras sur son visage pour effacer ses larmes après avoir retiré ses lunettes, invitant à nouveau le vent entre eux.

« Je ne sais pas tout, mais j'imagine que tu n'es qu'un symbole. Quelqu'un d'autre pourrait avoir été à ta place, et il ne serait pas plus responsable que toi. » Raisonna Draco en regardant son visage tendu réapparaître. « Je comprends que tu sois triste pour Boot, mais tu n'es pas coupable de ce qui lui arrive. »

Harry resta à distance, les yeux baissés, l'expression indéchiffrable. Sa robe qui ondulait autour de ses jambes claqua doucement dans la brise.

Draco tendit la main sans réellement savoir quoi en faire, s'arrêta maladroitement sur son épaule avant de la poser sur ses cheveux derrière son oreille. Il n'était jamais dans la position de celui qui console. Il manquait d'information pour savoir quoi dire pour l'atteindre et le soulager. Il réalisait le peu qu'il savait sur le sorcier vivant le plus célèbre de Grande-Bretagne, la quantité de secrets et de blessures qu'il portait, et le peu d'armes dont il disposait pour l'aider.

Mais la culpabilité, il connaissait ce sentiment par cœur. Elle était toujours là, tapie derrière les mots d'Andromeda et de Harry, prête à bondir dès qu'il s'accrocherait moins fort à la conscience qu'il avait grandi au mauvais endroit et au mauvais moment, contaminé par la haine qui l'entourait.

« Est-ce que tu as choisi d'être Harry Potter ? » Demanda-t-il en carrant les épaules contre la fraicheur. Harry releva des yeux légèrement brillants dans la lumière grise. « Est-ce que tu as choisi d'être la cible de Voldemort ? »

« Non. » Admit Harry d'une voix basse mais ferme.

« Est-ce que c'est toi qui as persuadé des Sorciers que les né-moldus n'avaient pas le droit d'exister ? Et que ça justifiait d'accéder au pouvoir par tous les moyens possibles pour imposer ta volonté ? »

Harry ne répondit pas, mais le non était tellement évident qu'il se passa d'être émit. Draco baissa son bras.

« Est-ce que tu crois que les Mangemorts t'auraient laissé en paix même si tu n'étais pas devenu Auror ? »

Harry baissa légèrement la tête, puis inspira profondément en relevant le menton.

« Probablement pas. »

« Est-ce que c'est toi qui as forcé Terry à crier dans la Grande Salle que vous aviez cambriolé Gringotts pour essayer de remonter le moral du peu d'élèves qui restaient à Poudlard ? »

Harry le dévisagea. Il n'avait pas assisté à cet événement, et encore moins au déchaînement de violence des Carrows sur Boot qui avait suivi. Mais Draco s'en souvenait comme si c'était arrivé la veille. Il revoyait le Serdaigle, debout sur le banc de sa table, hurlant avec défi et fierté, et l'agitation excitée qui avait suivi, juste avant qu'Amycus Carrow l'attrape et le rue de coups devant tout le monde. Il se souvenait de la honte viscérale qu'il avait ressentie à tenir dans le camp d'un homme capable d'une telle violence contre un élève. La résistance de l'AD n'avait été que plus forte après cet événement. Et la répression aussi.

« Est-ce que tu penses qu'il a fait ça pour toi ? Est-ce que tu penses qu'il a rejoint l'Armée de Dumbledore pour toi ? L'Académie ? »

Harry serra les dents sans répondre mais secoua très légèrement la tête.

« Tu ne penses pas qu'il avait des raisons de se battre à l'époque, et qu'il en a toujours aujourd'hui, comme toi ? »

Harry croisa lâchement les bras sur son uniforme, semblant se protéger du froid mais se protégeant réellement de la vérité. Draco connaissait très mal Boot personnellement. Mais il savait qu'il était un Sang-Mêlé, de mère né-moldue, et l'un des meilleurs élèves de leur promotion. Il avait talonné Corner et Draco en potions, était exceptionnellement bon en Sortilèges et en Défense contre les Forces du mal. Il n'avait pas été surpris d'apprendre par Harry qu'il souhaitait rejoindre les rangs du Département la Justice Magique. Ça lui avait semblé être un choix logique.

« Est-ce que tu crois être le seul à avoir des raisons de te battre parce que tu étais la cible de Voldemort ? Tu ne crois pas que les autres ont leurs propres raisons, leur propre volonté de le faire ? » Demanda-t-il finalement. « Est-ce que tu crois comme Corner que tu as un tel ego que tu penses qu'ils le font pour toi ? »

Les traits de Harry se figèrent dans ce qui ressemblait à de la colère.

« Il avait prévu de faire autre chose que de rentrer à l'Académie. » Protesta-t-il doucement.

« Parce qu'il ne savait pas à quel point la situation était tendue ! Parce qu'il croyait comme tous les autres, que vous laissiez dans l'ignorance, que la guerre était terminée ! Et peut-être que la cérémonie l'a fait douter, peut-être qu'il a essayé d'en savoir plus, mais il a probablement réalisé ce qui se passait et il a fait son choix ! » S'emporta Draco, sentant sa propre colère réchauffer le haut de son corps. « Tu penses qu'il est assez influençable pour se laisser persuader de risquer sa vie à cause d'un petit discours ? Tu penses qu'il vous a rejoints parce qu'il croyait que ça serrait marrant de retrouver ses copains comme au bon vieux temps ? »

La respiration de Harry était plus rapide. Il avait détourné le visage pour regarder les chênes à la droite de Draco, dont il pouvait entendre les branches s'agiter dans le vent. Il le vit déglutir puis décroiser les bras pour les laisser pendre de part et d'autre de son corps, les lunettes toujours à la main. Draco savait que derrière l'apparence puissante et l'uniforme du soldat, sous le vestige de sa cicatrice, il y avait probablement un enfant terrifié qui n'avait jamais pu grandir normalement, d'abord sous la menace de sa propre famille, puis celle d'un mage psychopathe et malfaisant, et qui devait croire que sa mission, qu'il n'avait pas choisie, n'était pas encore terminée et que c'était à lui de réparer tous les dommages que Voldemort avait créé et que sa vision provoquait encore.

Draco doutait d'être capable de le persuader du contraire. Mais peut-être que lui faire admettre que d'autres endossaient volontairement la même responsabilité pouvait fonctionner.

« Je crois que j'ai besoin d'être un peu seul ce soir. » Dit doucement Harry sans le regarder, et Draco se figea, blessé. Mais il se força à se détendre, respirant lentement.

« D'accord. » Acquiesça-t-il. Il avait dit ce qu'il avait à dire. Il n'avait plus qu'à espérer que les graines plantées allaient germer, même s'il ne pouvait pas les regarder pousser.

/

Harry s'était glissé dans son lit au cours de la nuit, après des heures passées seul dans sa chambre à ruminer. Et malgré l'inconfort d'être écrasé entre le mur et lui, Draco l'avait accueilli toutes les nuits qui suivirent, le laissant s'allonger à la place la plus proche de la porte, et gardant volontairement sa lampe de chevet allumée.

Ils ne firent rien d'autre que s'embrasser et s'enlacer avant de dormir, Harry freinant Draco en silence lorsqu'il faisait mine de vouloir aller plus loin, capturant une main baladeuse pour la serrer dans la sienne, ralentissant le rythme d'un baiser ou stabilisant fermement ses hanches. Draco cessa vite de se laisser emporter et respecta la distance demandée. Il comprenait le sentiment de culpabilité de Harry, sa difficulté à digérer l'incident alors que Boot était toujours à l'hôpital, cloué au lit et difficilement capable d'aligner deux mots, les yeux écarquillés de détresse.

Draco essaya de donner à Harry ce dont il semblait avoir besoin sans prendre plus, ravalant ses questions et rongeant son frein. Comme les soirs précédents, il s'endormit avec les cheveux de Harry chatouillant son visage et sa main sur ses côtes, tournés l'un vers l'autre. Harry avait tendance à se recroqueviller sur lui-même dans son sommeil et il prendrait bientôt toute la place, forçant Draco à coller son dos contre le mur, mais pour le moment, leurs genoux se frôlaient à peine.

Il fut réveillé par une sensation étrange, comme un avertissement dans l'air, qui le fit ouvrir grand les yeux et s'asseoir brutalement dans le lit avec le cœur battant. L'odeur d'orage était étouffante, tapissant son nez et ses poumons, la magie chatouillant ses doigts sensibles. Harry était immobile, les genoux pliés et ses jambes musclées prenant une grande partie de la largeur du lit. Son buste était presque entièrement tourné vers le matelas, tendu, les poings serrés dans les draps, comme s'il cherchait à échapper à quelque chose. Son visage était plissé et brillant de transpiration. Il paraissait en apnée.

« Harry ? » Appela Draco en lui touchant l'épaule, et sa lampe de chevet se mit à clignoter, lui faisant quitter son visage des yeux. Les trois clignotements espacés ne furent que le début. La lampe se mit à grésiller, la lumière s'allumant et s'éteignant de plus en plus rapidement comme perturbée par un poltergeist. Draco serra les doigts sur l'épaule de Harry, la secouant légèrement, son regard alternant avec panique de son visage contracté à sa chambre, sentant la pression magique autour de lui s'élever.

« Harry ! » Répéta-t-il plus fort. Le contenu du bureau de Draco s'éleva soudainement dans les airs, ses livres de Médicomagie s'entrechoquant, sa plume s'échappant de son socle pour tournoyer au-dessus de son encrier. Il se désintéressa du spectacle lorsque deux pieds de sa chaise décolèrent du sol. Il n'avait toujours pas entendu Harry respirer.

« HARRY ! » Cria-t-il alors, ne se préoccupant plus de risquer de réveiller Teddy ou Andromeda si le Silencio sur les murs de la chambre n'était plus actif. L'unique œil qu'il pouvait voir s'ouvrit alors brutalement, le corps tendu de Harry se crispant un peu plus, la chaise s'élevant au-dessus du niveau du lit au bord de son champ de vision. Son iris vert fixait un point invisible vers la taille de Draco, la pupille noire tremblant au milieu en rythme avec les clignotements de la lampe. « Harry. Tu m'entends ? » Insista-t-il, serrant un peu plus encore les doigts dans son épaule tendue.

Harry inspira enfin, ses paupières papillonnant, son corps perdant son immobilité alors que les livres de Draco retombaient dans un bruit sourd sur le bureau, juste avant que la chaise ne s'écrase bruyamment par terre, le dossier se renversant sur le bord du lit. C'était ça. Ce vacarme qui les avaient tous réveillés quelques mois plus tôt.

La lumière grésilla encore une fois dans le silence, puis Harry cacha son visage contre l'oreiller et derrière ses bras, tressaillant sous la main de Draco dont le regard quitta le soudain désordre dans sa chambre pour retomber sur lui.

Il ne sut pas quoi dire. Il semblait inutile de lui demander s'il avait fait un cauchemar, la réponse était évidente. Il s'était attendu à ce que Harry en fasse, mais il avait imaginé être réveillé par un cri, voire par des coups s'il se débattait contre des forces invisibles. Cette immobilité et cette tension lui paraissaient presque pire. Et que penser de ce débordement de magie, semblable à la magie accidentelle des enfants sorciers lorsqu'ils n'arrivaient pas à gérer leurs émotions ?

Draco se rallongea en silence, sa main quittant l'épaule de Harry pour se glisser au centre de son dos. Lorsque ses jambes se déplièrent, il put se rapprocher de lui et resserrer son étreinte. L'odeur d'ozone avait diminué en intensité, toujours présente mais moins entêtante.

« Désolé si je t'ai réveillé. » Dit Harry à haute voix, ni sommeil ni hésitation dans son ton, comme s'il essayait de diminuer l'importance de l'épisode.

« Pas grave. » Répondit Draco d'un ton égal, comprenant et respectant son besoin de dédramatiser. « Je risque de te réveiller de temps en temps moi-aussi. » Ajouta-t-il en levant sa main pour la glisser dans ses cheveux et lui masser doucement le crâne.

Harry ne répondit par rien d'autre qu'un discret soupir, avant de se tourner légèrement vers lui, sa tête venant se positionner sous son menton et sa main dans son dos. Draco referma les yeux, et eut le temps d'entendre sa respiration s'espacer avant de se rendormir à son tour.

/

Teddy avait un impressionnant coup de pied gauche pour un enfant de deux ans qui semblait préférer tenir ses crayons avec la main droite. Et c'était une véritable brute, frappant dans le ballon de toutes ses forces et l'envoyant douloureusement rencontrer les genoux de Draco.

« Outch. » Gémit-il pour lui-même en se frottant la jambe alors que le ballon rebondissait contre le mur de la maison. Teddy éclata de rire tel le sadique qu'il était et trottina pour récupérer sa balle dans l'herbe avant de la faire maladroitement rouler dans sa direction.

« Dada, accah ! » S'exclama-t-il, trépignant en pointant le ballon du doigt.

« Oui oui. » Souffla Draco avec amusement, le poussant du pied pour le positionner devant lui. « Tu es prêt ? »

« Oui ! » Répondit Edward de sa petite voix stridente.

Draco tapa dans le ballon et le lui envoya malencontreusement en pleine tête.

« Oh merde. » Siffla-t-il en se précipitant vers son cousin qui eut un instant de confusion avant de se mettre à pleurer en se tenant le front. « Je suis désolé Teddy ! » Emit-il avec urgence en s'accroupissant dans l'herbe pour l'enlacer, la culpabilité lui serrant la cage thoracique. Ce n'était pas la première fois qu'il lui faisait involontairement mal, et sans doute pas la dernière, mais un ballon de plein fouet dans la figure atteignait un nouveau sommet. « Je suis désolé… » Répéta-t-il en s'écartant légèrement pour voir son visage rouge et ses yeux orange et larmoyants. Il lui embrassa le front. « Dada est nul au foot. »

« Pas gav. » Renifla courageusement Teddy en se frottant un œil.

« C'est un peu grave puisque tu as mal. » Grimaça Draco. « Excuse-moi. Je vais faire plus attention. » Promit-il en caressant ses cheveux semblant hésiter entre le blond et le rouge vif.

« Qu'est-ce qui se passe ? » Interrogea Harry en sortant de la maison.

Draco tourna la tête vers lui, surpris de le voir debout. Ce n'était pas plus mal. Les pleurs de Teddy l'auraient certainement réveillé si ça n'avait pas été le cas.

« Je lui ai shooté dans la tête. » Avoua-t-il avec un soupir avant d'embrasser à nouveau le front de son cousin.

« Aïe. » Réagit Potter en s'arrêtant près d'eux, pieds nus et en T-shirt et caleçon dans l'herbe. « Ça va aller Teddy ? Tu peux continuer à jouer ? » Interrogea-t-il avec un léger sourire.

Edward hocha vaillamment la tête et s'éloigna pour récupérer le ballon qui avait roulé jusque sous les chênes. Draco se redressa et s'épousseta les genoux.

« Comment tu as dormi ? » Demanda-t-il à Harry qui esquissa un sourire crispé.

« Pas terrible, pour être honnête. » Répondit-il.

Draco compatissait. Ils dormaient ensemble depuis l'incident de Boot mais l'arrangement n'était réellement agréable ni pour l'un ni pour l'autre. Entre les horaires étranges de Potter, sa propension à se recroqueviller dans le lit et à le coller contre le mur, Draco dormait mal lui-aussi. Il était parfois à la limite de quitter sa propre chambre pour réquisitionner celle de Harry au milieu de la nuit, mais il craignait de ne pas être là lors d'un nouvel épisode de magie accidentelle. Il ne savait pas si c'était habituel pour Harry, peut-être savait-il très bien se débrouiller sans son intervention, mais l'idée de l'abandonner à son sort le mettait mal à l'aise.

Il avait essayé de se renseigner sur le sommeil et le traitement des cauchemars, mais à part lui donner des potions de sommeil sans rêve, extrêmement addictives, et l'envoyer voir un psychomage, il n'avait pas trouvé de solution satisfaisante.

« Je me disais… » Commença Potter avec hésitation. « qu'on pourrait peut-être revenir à l'ancienne configuration de l'étage… »

« Tu veux dire, une seule chambre ? » Supposa Draco avec étonnement, sentant ses oreilles chauffer.

Harry hocha la tête, les yeux sur Teddy alors que son attention était détournée du ballon par des primevères blanches poussant au bord de la pelouse. Draco vit avec un certain soulagement que ses pommettes se coloraient aussi. Ainsi donc n'était-il pas le seul à être gêné par sa proposition.

Il ravala son réflexe d'auto-défense qui lui criait de blaguer sur le fait que Potter ne pouvait plus se passer de lui, et étouffa son esprit cartésien lui rappelant qu'il avait bientôt des examens, encore quatre ans d'études devant lui, et énormément de travail à faire. Harry respectait toujours son espace, le laissait tranquille lorsqu'il avait besoin de réviser et de faire ses devoirs. Il n'y avait pas de raison que cela change, même avec une seule chambre pour eux deux.

« Ok. » Approuva-t-il alors avec une expression décidée.

« Oui ? » Emit Potter, paraissant mi-étonné mi-enjoué. « Je m'attendais à ce que tu prennes au moins le temps de la réflexion. »

Draco se frotta la nuque avec embarras, détournant le regard pour voir Teddy arracher les petites fleurs et les poser sur son ballon.

« Juste… Il faut que je puisse travailler en paix. Et je ne peux pas participer aux frais des travaux. Pas encore. Mais je te remb- »

« Oh non, pas encore cette discussion, pitié. » Gémit Harry avec un rire fatigué. « On s'en fiche. Sérieusement. » Affirma-t-il alors que Draco tournait un regard légèrement irrité vers lui. « Et pas de souci pour le boulot. Je l'ai bien en tête. »

« Ça ne va pas être gênant pour tes propres révisions ? Je ne te vois pas beaucoup bosser mais j'imagine que ça doit t'arriver. » Fit-il avec un soupçon d'ironie.

Harry pinça les lèvres mais secoua légèrement la tête.

« Non, ça ne sera pas gênant. Je travaille surtout à l'Académie. » Assura-t-il. « Tu es sûr ? Je ne veux pas te forcer la main. »

« Non, c'est… C'est une bonne idée. » Approuva Draco avec un petit sourire. « Si on dort mieux tous les deux, ça réduit les chances qu'on ait envie de s'entretuer. »

Potter eut un souffle amusé et se rapprocha pour lui enlacer la taille. Le soleil matinal embrassait sa peau bronzée et rendait son regard vibrant de vie malgré les cernes derrière ses lunettes.

« Et si l'envie arrive quand même ? » Taquina-t-il, mais la question restait néanmoins sérieuse.

« Tu feras revenir l'architecte, puisqu'apparemment on se fiche de combien ça coûte. » Railla Draco en baissant un regard sarcastique sur lui.

« Ok. » Sourit simplement Potter avant de l'embrasser et de s'écarter de lui. « Allez Teddy, apprends à Dada comment on joue correctement au foot. » Lança-t-il en direction de son filleul, qui quitta sa position accroupie dans l'herbe en se tournant vivement vers eux avec ses fleurs martyrisées à la main.

/

Un peu plus d'un an après sa transformation, la chambre de Nymphadora reprit sa forme d'origine.

La lumière printanière entrait à présent par les deux larges fenêtres qui encadraient le lit double à baldaquins, où Harry était étendu nu, le menton vers le plafond, laissant échapper les sons les plus érotiques que Draco ait jamais entendu.

Il était presque plus intimidant sans vêtements qu'en portant son uniforme complet, avec son corps musclé et ses cicatrices, qui ne représentaient pas un tiers des marques que Draco avait pu voir sur sa peau depuis son entrée chez les Aurors. C'était un corps d'homme, bien loin de l'adolescent presque chétif qu'il avait été. Il se demandait parfois comment il aurait été si on l'avait laissé grandir normalement. Peut-être aurait-il été plus grand. Mais sans doute n'aurait-il pas développé la profonde empathie dont Draco bénéficiait largement.

En sentant une main légère effleurer son visage puis se glisser dans ses cheveux, Draco souleva les paupières, relâchant une partie de la pression dans sa bouche en la remontant le long de son érection.

« Oh putain. » Grogna Harry en croisant son regard, les yeux fiévreux, avant de reposer la tête sur l'oreiller, ses hanches se soulevant involontairement.

Draco rit intérieurement et le reprit plus loin, usant de ses mains, de sa langue et de plus de pression pour l'entendre dérailler et sentir ses doigts se crisper légèrement sur son cuir chevelu. Il ne savait pas si c'était le fait de faire cela dans une chambre bien plus large, en plein jour, Andromeda étant sortie avec Teddy, ou si c'était parce que sa technique s'était améliorée, mais il lui semblait que Harry était plus vocal, ou plus à l'aise que les quelques autres fois où Draco s'était essayé à la fellation.

Il était en conséquence bien plus excité lui-même. Les halètements et gémissements de Harry voyageaient de façon fulgurante de ses oreilles à son érection coincée contre le matelas, et ses propres hanches remuaient à la recherche d'une friction. L'exercice était difficile. Il avait mal à la mâchoire, supportait trop de poids sur un de ses coudes, et son propre désir le déconcentrait, mais il s'acharna, une main masturbant ce qu'il ne pouvait, ou n'osait pas prendre dans sa bouche, l'index de l'autre massant délicatement la prostate de Harry.

« Draco ! » L'appela-t-il soudainement, les muscles de ses cuisses tressautant autour de sa tête, et il sentit son érection se contracter dans sa main avant que son sperme ne macule son palais et sa langue, et ses doigts se serrer sur son crâne. Il s'écarta sans cesser de le masturber en avalant convulsivement pour ne pas tousser. Harry macula son menton et son propre ventre, tous les muscles de ses abdominaux crispés, et il se sentit lui-même au bord de jouir en le regardant se tendre dans la lumière du jour, une main au-dessus de la tête et sa gorge créant une courbe en direction du plafond.

« Pardon. Pour les cheveux. » Haleta Harry en lui tapotant maladroitement la tête lorsque son corps se détendit, ses cuisses retombant sur le matelas.

« Tu ne m'as pas fait mal. » Le rassura Draco en se redressant sur ses genoux. Ses mains quittèrent son corps frissonnant et il s'essuya la mâchoire avant de frotter ses doigts collants sur la couverture. Le bras de Harry tâtonna comme pour l'attraper, et Draco sourit en enjambant ses hanches pour poser ses genoux de part et d'autre de ses côtes.

Harry le regarda par-dessous des paupières lourdes, le vert de ses yeux lumineux dans la clarté de la pièce. Il esquissa un sourire en coin, ses yeux parcourant son corps de haut en bas, et Draco fut pris d'une envie de se cacher. Il était bien moins à l'aise nu que lui. Il se trouvait trop pâle et trop mince, et il était douloureusement conscient que sa Marque des Ténèbres était parfaitement visible.

Les bras de Harry l'attirèrent à lui pour l'embrasser paresseusement, puis de façon plus insistante, et une main humide vint entourer fermement son érection coincée entre eux. Draco comprit qu'il avait utilisé le sperme sur son ventre pour se lubrifier les doigts et il détacha sa bouche de la sienne malgré la main plaquée sur sa nuque.

« Porc. »

« Tais-toi, tu aimes ça. » Rit Harry en serrant son poing autour de la tête de son érection, le faisant trembler. Draco cacha son sourire contre sa joue mal rasée et bougea les hanches pour sentir les poils sous son nombril chatouiller ses testicules et ses fesses. C'était vrai. Il aimait son absence de gêne qui lui permettait d'oser outrepasser sa propre inexpérience. Il aimait sa façon naturelle de repousser doucement ses limites sans pour autant être pressant, testant lentement les contours de ce que Draco se sentait prêt à expérimenter.

Il avait encore peur d'aller jusqu'à la pénétration, et que le fantasme soit bien différent de la réalité. Il craignait d'avoir mal, de faire mal, et que la douleur physique vienne gâcher le plaisir qu'ils partageaient jusqu'ici. Il n'aurait sans doute pas dû autant se renseigner sur la question. Il avait ressenti la même sourde panique en étudiant les risques du Transplanage avant de devoir passer son permis.

« Suce-moi au lieu de dire des conneries. » Lui dit-il dans l'oreille, et Harry grogna, son corps se crispant sous lui avant qu'il le retourne pour se placer entre ses cuisses, son poids et sa main qui montait et descendait fermement sur son érection lui arrachant un son excité.

« Quelle bouche décadente. » Souffla Harry avant de lui mordre la lèvre inférieure. La langue qui vint ensuite se frotter contre la sienne étouffa son rire surpris et lui passa l'envie de le féliciter de connaître un mot si difficile. Draco s'accrocha à ses fesses musclées, mais dût bientôt les abandonner lorsque Harry glissa le long de son corps pour le prendre en bouche, faisant fondre son esprit dans son crâne.

/

Draco leva les yeux de ses cours en entendant du bruit dans la maison jusque-là silencieuse. Il regarda l'heure et détendit ses jambes pliées dans le lit. Lorsqu'Andromeda était partie se coucher, il avait décidé d'attendre Harry en révisant, mais n'avait pas réalisé que le temps était passé aussi vite. Au moins cela lui permit-il de ne pas avoir l'occasion de s'inquiéter de son heure de retard.

Il l'entendit monter lentement les escaliers puis le vit ouvrir la porte de la chambre avec un visage exténué. Sa lourde robe extérieure pourpre était entrouverte, laissant apparaître son uniforme de même couleur en-dessous. En voyant son microscopique sourire, Draco comprit que ça allait être une soirée à monosyllabes.

« Ça va ? » Demanda-t-il en le regardant entrer dans la pièce et fermer la porte derrière lui.

Harry hocha la tête et fit quelques pas pour s'asseoir lourdement au bout du lit avant de se pencher pour se déchausser. Draco fixa son dos avec inquiétude, puis rassembla ses cours et ses livres pour les poser sur sa table de chevet. Sa gorge brûlait de toutes les questions qu'il voulait poser. Avaient-ils arrêté quelqu'un ? La longue liste de Mangemorts en fuite avait-elle été légèrement réduite ? Est-ce que le Département de la Justice Magique était plus proche de coincer son père ? Avaient-ils seulement une idée de ce qu'il faisait ?

Harry se releva et contourna le lit pour s'écrouler à côté de lui, ne prenant même pas la peine de retirer sa robe de combat. Les yeux fermés, il enroula son bras autour des cuisses de Draco, qui glissa en-dessous pour s'installer en face de lui.

Il sentait la transpiration et la magie, la sienne et d'autres à l'odeur désagréable. Il lui retira ses lunettes et tenta de voir si ce qu'il pouvait voir de son uniforme était abîmé, révélant une blessure, sans succès.

« Tu as mal quelque part ? » Demanda-t-il en sentant la main de Harry caresser lentement son dos.

Il le vit froncer légèrement les sourcils, comme s'il analysait intérieurement ses sensations.

« Epaule droite. » Dit-il finalement.

Draco l'aida lentement à retirer la manche de sa robe puis de son uniforme, accroupit sur le lit, et vit un large bleu sur la peau mate de son omoplate. Il attrapa sa baguette pour accélérer la régénération des tissus abîmés et réduire l'hématome, conscient qu'il ne ferait pas mieux sans potion appropriée.

« Pourquoi est-ce que le Département vous laisse rentrer avec des blessures ? » Gronda-t-il doucement. Toujours allongé sur le côté et les yeux fermés, Harry haussa son épaule blessée. Après un soupir, Draco essaya de tirer la couverture pour pouvoir la déposer sur lui.

« Je vais aller me doucher. » L'entendit-il marmonner.

« C'est cela, oui. » Souffla Draco, sachant très bien qu'il était à une minute de s'endormir. Il sortit du lit pour tirer sur les draps de plusieurs coups secs, puis revint sur le matelas pour les recouvrir tous les deux.

/

Juin 2000

Draco s'assit sur le lit pour nouer ses chaussures avant de se redresser en lissant sa chemise noire. Il entendit Teddy grimper seul les escaliers et sortit de la chambre pour le cueillir en haut des marches.

« Bonjour toi. » Le salua-t-il avec un baiser exagérément bruyant sur la joue.

« Jeuner Parrain. » Lui dit Teddy avec des yeux gris écarquillés sous sa frange violette, les mains accrochées à ses épaules.

« Parrain prend sa douche, mais moi je descends pour manger. Tu m'as fait des pancakes ? » Demanda-t-il en le lâchant d'une main pour se tenir à la rampe, équilibrant son poids sur son côté gauche.

« Non ! » Rigola Teddy.

« Quoi ? Mais pourquoi pas ? » Se plaignit Draco, le bruit de l'eau coulant dans la douche s'amenuisant à mesure qu'il descendait. « J'ai été sage ! Je suis toujours sage ! »

« Tosteuh pour Dada. » Expliqua Teddy, et Draco soupira dramatiquement en atteignant le couloir du rez-de-chaussée.

« Va pour des toasts. Mais demain je veux des pancakes. » Exigea-t-il. « Dis-le à Parrain et fais-lui croire que c'était ton idée. » Ajouta-t-il d'un ton conspirateur dans son oreille même s'il savait que son cousin ne comprenait pas la moitié de ce qu'il disait.

Il entra dans la cuisine et sourit à Andromeda qui buvait tranquillement son thé à table, le regard levé vers eux avec affection.

« Il a déjà mangé ? » Demanda-t-il, ne voyant pas de trace du petit-déjeuner de Teddy à table.

« Oui, tu peux le laisser jouer. » Répondit-elle.

« Oh, non. » Dit-il en s'asseyant avec Teddy sur les genoux. « Tu as tout le temps de jouer avec Harry aujourd'hui, moi j'ai besoin de ma dose quotidienne de câlins. » Ajouta-t-il en resserrant ses bras autour de son cousin, qui lui accorda quelques secondes de ce traitement avant de remuer pour descendre.

« Il a atteint son propre quota, je crois. » Rit Andromeda en lui servant une tasse de thé.

Draco aida Teddy à poser les pieds par terre avec une moue boudeuse et le regarda détaler vers le salon avant de soupirer. Il rapprocha sa chaise de la table et attrapa une assiette et des toasts déjà grillés pour les poser devant lui. A deux ans, Teddy était bien moins câlin avec lui qu'avant, semblant préférer coller et quémander Harry autant que possible quand il n'était pas occupé à jouer bruyamment sur le tapis du salon.

« Ça lui passera. » Sourit sa tante en poussant sa tasse vers lui, pour laquelle il la remercia. « Dora a passé ses deux premières années accrochée à son père comme un singe à sa branche, et subitement c'était « Maman maman maman » sans arrêt. »

« Le choc a dû être rude pour Ted. » Commenta Draco en étalant du beurre sur une tartine.

« Au début il était un peu soulagé, pour être honnête. » Rit Andromeda. « Et moi aussi. »

« Et ensuite ? »

« Et ensuite il était un peu jaloux de l'attention qu'elle m'accordait, et moi je n'en pouvais plus de l'avoir sans arrêt dans les pattes. » Avoua sa tante avec un sourire mêlant nostalgie et tristesse.

« Jamais contents ces humains. » Souffla Draco avec humour en attrapant un pot de confiture.

« Et ensuite, la tendance s'est à nouveau inversée. Puis équilibrée. Puis elle ne pouvait plus nous voir en peinture ni l'un ni l'autre. » Ajouta Andromeda avec un soupir. Elle repoussa une mèche de cheveux châtains qui s'était échappée de la pince qu'elle portait à l'arrière de sa tête, et leva sa tasse en même temps que lui. « Tu sais qu'elle métamorphosait parfois sa langue en celle d'un serpent pour nous siffler dessus ? »

Draco contrôla son rire alors qu'il avalait sa gorgée.

« Ça devait être effrayant. »

« C'était surtout ridicule. » Avoua Andromeda en levant les yeux au ciel. « Ce qui était effrayant, c'était d'être réveillé le matin par son bec de canard. Elle aimait bien nous faire peur. »

Draco rit doucement. Sa tante parlait rarement de Nymphadora, mais le faisait de plus en plus dernièrement, et il était heureux de constater qu'elle arrivait à le faire avec plus de sourires que de larmes.

« Elle avait l'air très drôle. » Nota-t-il.

« Ça, elle l'était, c'est sûr ... » Sourit tristement Andromeda, avant de prendre une grande inspiration pour se ressaisir. « Elle a commencé à métamorphoser son visage autour de ses deux ans, je me demande si on verra bientôt Teddy faire de même. »

« Ça risque de rendre les sorties plus difficiles encore. » Grimaça Draco. Croiser des moldus dans la campagne était une sacrée source de stress lorsqu'ils baladaient Teddy.

« J'emmenais beaucoup Dora a Pré-au-Lard à cette époque-là. Mais je ne sais pas si ça serait une bonne idée aujourd'hui. »

« Demanda à Harry, mais j'en doute aussi... » Souffla Draco.

Ils mangèrent en silence, écoutant Teddy jouer avec un Poudlard Express miniature dans le salon, le sifflement et les chansons du train offert par les Weasley couvrant le bruit des pages du journal que tournait Draco. Il s'acharnait de moins en moins souvent à lire la Gazette du Sorcier. Ce n'était pas comme s'il y apprenait grand-chose.

Harry descendit alors doucement les escaliers et entra dans la cuisine sous le regard amusé d'Andromeda, qui força Draco à se tourner vers lui pour voir ce qui la faisait sourire.

« Alors ? » Demanda Harry avec les bras écartés et les lèvres pincées pour ne pas rire. Il portait ce qui devait être son ancienne chemise d'uniforme de Poudlard, qui semblait menacer d'éclater sous la pression de muscles qu'il n'avait pas à l'époque où il la mettait à l'école, avec un jean bleu délavé et des chaussettes dépareillées. Draco éclata de rire.

« J'ai deux questions. » Rigola Andromeda.

« Oui, j'ai des lessives à faire. » Anticipa Harry en baissant les bras. « Et oui, j'ai probablement quelques courses à faire aussi, une fois qu'un de mes t-shirts sera propre. »

« Oui, ne sors pas comme ça. » Souffla Draco entre deux rires. « Les gens vont avoir peur de se prendre un bouton dans la tronche. »

Harry baissa les yeux vers sa boutonnière en souffrance puis essaya difficilement de toucher une de ses épaules.

« J'ai surtout peur que ça craque par là. » Rigola-t-il. « Bref, c'était une blague, je monte remettre mon pyjama. » Les informa-t-il en tournant les talons.

« Pahin ! » Cria Teddy, ses pas résonnant dans le couloir malgré le tchoutchou féroce de son train.

« Teddy ! » Entendirent-ils, avant une exclamation de douleur. « Ah, bah ça a craqué. » Ajouta-t-il sous les rires contenus d'Andromeda et Draco. « Attends, je ne peux pas te porter maintenant. Monte devant moi. »

« NOOOON ! » Hurla Teddy, les faisant tous sursauter. « A bras ! »

« Merlin... » Maugréa Draco en se frottant l'oreille la plus proche de l'entrée de la cuisine, pris de soudains acouphènes. Il jeta un coup d'œil à l'horloge de la cuisine et mordit rapidement dans un toast pendant que Harry tentait de raisonner son filleul.

« Teddy, viens dire aurevoir à Draco, il va bientôt partir. » Appela Andromeda pour détourner l'attention de son petit-fils, qui entra dans la cuisine avec les cheveux soudainement noirs. Ils entendirent Harry détaler dans les escaliers et Draco tendit la main vers Teddy, qui fit la moue, avant de consentir à le rejoindre.

Son cousin accepta d'être brièvement enlacé et embrassé sur le front, puis s'échappa pour suivre son parrain.

/

Terry Boot faisait preuve d'un acharnement digne du plus têtu des Gryffondors, le tout avec le sérieux et l'attention de l'ancien Serdaigle qu'il était. Draco avait pu participer à certaines de ses séances de rééducation lors de ses rondes, et devait admettre qu'il les trouvait de plus en plus ennuyeuses.

Boot sauta de la poutre en lévitation et atterrit souplement sur ses pieds, sans la moindre trace de déséquilibre ou d'inconfort après l'avoir parcourue, et se tourna vers le Guérisseur Olson pour jauger son avis.

« Très bien Monsieur Boot. Je pense qu'on peut arrêter la rééducation physique ici et maintenant. J'aimerais tout de même que vous reveniez régulièrement, disons toutes les trois semaines pour exclure tout risque de régression. » Déclara le Médicomage en enroulant son parchemin de diagnostic qui avait suivi les vitales de Boot tout au long des exercices effectués pour juger de son état physique. « Vous pouvez planifier le premier rendez-vous au rez-de-chaussée. »

Boot leva un poing en l'air en signe de victoire et Hannah applaudit en sautillant à côté de Draco.

« Et pour... P-pour l'Académie ? » Demanda l'apprenti Auror de sa voix chevrotante, dernier signe visible de la malédiction qui lui avait été jetée.

« Je vais prévenir votre Psychomage que j'attends son aval pour vous déclarer apte auprès du Ministère. » Fit gravement Olson. « Mais gardez en tête que même s'ils vous permettent de retourner à l'Académie, vous devrez toujours être régulièrement suivi. Il faudra de nombreuses années pour être absolument certain que vous n'avez pas de séquelles, surtout avec un métier aussi exigent physiquement et magiquement qu'Auror. »

« Bien sûr. » Répondit bravement Boot. « Merci. » Il se dirigea vers les affaires qu'il avait posées sur une chaise sous l'unique fenêtre de la pièce pour enfiler sa robe au-dessus de son t-shirt moldu, pendant que Olson tournait son attention vers Hannah et Draco.

« Mademoiselle Abbott, Monsieur M... » Il s'interrompit, la bouche fermée sur la première lettre de son nom de famille comme s'il hésitait, puis fronça les sourcils. Draco l'observa avec surprise. « Je suis forcé de conclure notre ronde ici, j'ai une réunion avec l'administration. »

Il s'éclipsa, laissant Hannah et Draco avec près de quarante-cinq minutes de temps libre devant eux, ce qui était assez rare pour qu'ils échangent un sourire ravi.

« Trop bien. » S'excita Hannah, ses yeux bruns pétillants.

« Un petit tour à la bibliothèque ? » Proposa Draco, qui voyait là l'occasion de réviser pour pouvoir passer plus de temps avec Teddy ce soir.

« Tu es fou, tu veux travailler alors qu'on a le droit à une pause inespérée ?! » S'exclama-t-elle alors que Boot marchait vers eux avec un grand sourire. « Je veux aller boire un café au soleil ! » Déclara-t-elle.

« Poufsouffle. » Rit Draco, et elle lui envoya un sourire en coin. « Félicitations, Boot. » Adressa-t-il sincèrement à l'ancien Serdaigle, dont le sourire s'élargit encore sur son visage de bébé.

« Merci M... » Ses traits s'affaissèrent et se crispèrent dans une moue concentrée comme à chaque fois qu'il butait sur ses mots. « M... Draco. » Renonça-t-il en écarquillant les yeux.

« Olson non plus n'a pas réussi à le dire. » Réagit Hannah avec malaise, songeant à la même chose que Draco. « M... Draco Mmmmm...» Essaya-t-elle vainement. « La vache ! » S'exclama la sorcière en se tournant vers Draco. « Essaye ! »

Il les regarda tour à tour, un mélange de perplexité et de panique tournoyant dans son estomac, voyant Boot essayer à nouveau de prononcer son nom de famille.

« Draco M... M...M... » Força-t-il avant d'expirer en levant haut les sourcils, la main s'élevant vers sa gorge comme pour tenter d'y trouver la source de l'étrange blocage qui l'empêchait de prononcer son nom. « Lucius Malfoy. Narcissa Malfoy. » Réussit-il à dire, aggravant son malaise sous les regards estomaqués des deux autres. « Draco L... » Sa respiration s'accéléra. « Je n'arrive pas à dire mon deuxième prénom non plus. » Réalisa-t-il faiblement.

Terry tenta d'articuler quelque chose mais referma la bouche en pointant le badge accroché à sa blouse, que Draco arracha avec panique.

Draco

Juste Draco. Son nom avait disparu.

/

Il fut incapable de transplaner depuis Ste-Mangouste. Les protections magiques l'en empêchèrent. Il fut obligé de courir, malgré les protestations des Médicomages sur son passage, jusqu'au hall d'admission pour pouvoir partir, comme les patients, depuis l'un des points de transplanage.

Il entra précipitamment dans la maison d'Andromeda et trouva Harry et sa tante debout dans la cuisine, leur chaise respective derrière eux comme s'ils s'étaient précipitamment levés en l'entendant arriver alors qu'ils étaient en train de partager un thé. Teddy devait être endormi à l'étage.

« Essayez de dire mon nom. » Demanda-t-il en s'arrêtant près de la porte, le souffle court et le cœur tambourinant dans la poitrine.

« Draco. » Répondit aussitôt Harry, les sourcils haussés et la baguette à la main comme s'il s'était attendu au pire.

« Mon nom, crétin ! » Cria-t-il.

« Draco, calme-toi ! » S'emporta Andromeda. « Tu vas réveiller Teddy ! »

Harry fronça les sourcils sans le quitter du regard, puis agrandit les yeux derrière ses lunettes comme s'il enregistrait enfin sa panique.

« Draco M... » Ses sourcils se haussèrent à nouveau. « Qu'est-ce qu'il a fait ? » Demanda-t-il avec horreur, s'approchant de lui avec la main tendue pour lui attraper le bras. Draco maîtrisa un mouvement de recul, secouant la tête avant de tourner les yeux vers sa tante qui le fixait avec stupeur.

« Draco M... Oh ... » Souffla-t-elle, son visage se décomposant et sa main serrée venant se poser sur sa poitrine. « Oh Draco, je suis désolée... » Murmura-t-elle.

« Mais qu'est-ce qui se passe ? » S'alerta Harry, les regardant l'un après l'autre avec anxiété.

Draco déglutit puis recula de quelques pas pour s'appuyer lourdement au comptoir devant la cafetière, posant ses mains tremblantes sur le bois usé. Ses yeux s'agitant dans le vague, il tenta de reprendre le contrôle sur sa respiration et son cœur, sans guère de succès.

« Andy ? » Appela Harry.

« Je pense que Lucius l'a déshérité. » Répondit-elle à voix basse, énonçant la conclusion à laquelle Draco était lui-même arrivé. Il lâcha le comptoir, enroulant ses bras autour de lui pour tenir ses côtes sur la blouse vert pâle qu'il portait toujours au-dessus de sa chemise, les yeux rivés sur le carrelage couleur rouille et l'esprit pris dans un tel chaos d'émotions qu'il n'arrivait plus à penser.

« Sirius a été déshérité mais on pouvait toujours utiliser son nom de famille ! » Protesta Harry, ses chaussettes dépareillées bougeant dans son champ de vision.

« On lui a retiré son statut d'héritier, et il n'aurait pas eu le droit de transmettre son nom s'il avait eu des enfants, mais ... C'est autre chose. » Essaya de préciser faiblement Andromeda. « Ils ont ... Ils ont légalement et magiquement coupé Draco de la famille Malfoy. » Termina-t-elle, et Draco serra les dents contre la soudaine fureur qui l'enflamma de l'intérieur et secoua ses épaules, faisant trembler les tiroirs et les portes de placard autour de lui.

Les pieds de Harry s'approchèrent de lui et ses bras l'enlacèrent, mais il pouvait à peine le sentir à travers sa rage. C'était donc là les conséquences irréversibles dont avait parlé sa mère. Qui n'était plus légalement sa mère. Pas la torture, pas la séquestration, pas d'Imperius pour tenter de le garder sous contrôle. Un déni pur et simple qu'il eut jamais existé dans leur famille. Qu'il eut existé sous le nom de Draco Malfoy tout court.

Il en était parfois venu à détester son nom, pour la haine qu'il provoquait, l'image qu'il renvoyait, lui qui en avait été si fier dans son enfance, abreuvé de la grandeur de ses ancêtres et de la propagande fière de son père. De Lucius.

Mais il eut l'impression horrible qu'on lui avait arraché quelque chose, une partie de son être, du peu d'identité qu'il avait pu conserver en essayant de balayer le passé. Il n'avait plus de nom. Qui était-il s'il n'était plus Draco Malfoy ?

« Harry, contacte ton avocat. » Intima Andromeda, dont la voix s'approchait.

« Ok. » Acquiesça immédiatement Harry en se détachant de lui pour quitter la cuisine, alors que la main de sa tante se posait sur son épaule. Il leva des yeux humides dans sa direction, déglutissant plusieurs fois avant de réussir à prendre la parole sous son regard triste.

« Les protections de Ste-Mangouste ne me reconnaissent plus. » Il n'allait plus pouvoir accéder aux sous-sols, à sa classe, aux vestiaires. Les Médicomages n'avaient probablement même plus le droit de le laisser les accompagner dans leurs rondes même s'il n'était qu'un observateur.

« Je sais. » Fit Andromeda en inclinant légèrement le menton. « On va arranger ça. » Promit-elle.

« J'ai des examens dans trois semaines. » S'étrangla-t-il, l'angoisse de voir son rêve s'échapper assourdissant momentanément sa colère. Ses doigts se serrèrent à nouveau sur ses côtes alors que Harry redescendait rapidement les escaliers, une robe formelle vert sombre que Draco n'avait jamais vue enfilée au-dessus de ses vêtements, et ses bottes d'Auror aux pieds.

« Je lui dis quoi ? » Demanda-t-il à Andromeda en s'arrêtant dans l'encadrement.

« Juste un rendez-vous le plus vite possible. Aujourd'hui, idéalement. »

Harry hocha la tête, lança un regard anxieux à Draco, puis retourna dans le couloir pour sortir de la maison.

/

Le cabinet de Lysander Maxwell, avocat à Soulsberry, était étonnant de simplicité. Un large bureau de bois sombre aux pieds sculptés en pattes d'hippogriffe, deux fauteuils de velours bleu ciel sur lesquels Andromeda et Draco avaient été invités à s'installer, un tapis épais et blanc sous leurs pieds, une cheminée de marbre noir sur lequel trônait un buste en bronze au regard placide, deux larges fenêtres encadrées de rideaux beige. Une chaise en bois empruntée à son secrétaire pour accueillir Harry entre Andromeda et Draco, et une tonne de dossiers encadrant un sous-main vert bouteille où étaient éparpillés des emballages de bonbons moldus.

Et sous un grand tableau représentant un coucher de soleil aux couleurs apocalyptique sur la campagne, se tenait un sorcier qui paraissait un peu jeune pour être l'avocat de Harry Potter. Il devait avoir la trentaine, et les fossettes qui se creusaient à chaque sourire lui donnaient un air enfantin. Ses longs cheveux bruns étaient légèrement mal coiffés, comme s'ils l'avaient réveillé d'une sieste, mais ses yeux bleus étaient alertes et bienveillants. Draco l'avait déjà vu au tribunal autour de Harry deux ans plus tôt, mais il l'avait pris pour un assistant juridique, pas pour son avocat personnel.

« J'ai vu l'annonce dans le journal officiel ce matin, mais je suis surpris que vous veniez à moi. » Commenta-t-il d'une voix presque joyeuse. « Mais moins que de vous voir assis côte à côte dans mon bureau. » Nota-t-il, plus bas, comme pour lui-même, en passant son regard de Harry à Draco.

« Draco est mon petit-ami. » Déclara fermement Harry, Draco tournant brutalement la tête vers lui avec horreur.

« Qu'est-ce qui te prend ? » Siffla-t-il.

« C'est mon avocat, il ne peut rien divulguer, et c'est certainement le genre d'informations dont il risque d'avoir besoin à un moment ou un autre. » Se défendit Harry en lui jetant un coup d'œil gêné.

Draco regarda à nouveau Maxwell, qui avait écarquillé les yeux de surprise avant de se reprendre en toussotant.

« Certes. Tout à fait. » Dit-il rapidement. « Donc, pour palier à ce soudain manque de nom de famille, vous pensiez ... Vous marier ? » Interrogea-t-il, figeant Draco dans son siège, le souffle coupé et l'esprit partant dans une tangente invraisemblable où il se faisait appeler Guérisseur Potter sous le fou rire de ses patients entre deux beuglantes de fans de Harry lui hurlant des insanités.

« C'est possible, ça ? » Croassa Harry, probablement aussi choqué que lui.

« Pas actuellement, mais si quelqu'un peut arriver à rendre le mariage homosexuel possible chez nous, c'est probablement vous, Harry. » Rigola l'avocat en prenant une grande plume de paon pour gribouiller sur un parchemin.

« Non Monsieur Maxwell. » Intervint Andromeda avec un rire dans la voix. « Je voudrais adopter Draco, pour qu'il puisse utiliser le nom Tonks. » Expliqua-t-elle, répétant la proposition qu'elle lui avait faite quelques heures plus tôt.

L'avocat releva la tête avec un sourire.

« Excellente idée, et bien plus rapide à mettre en place. » Approuva-t-il. « Et vous avez un lien de parenté, ce qui étouffera toute protestation possible au Ministère. » Réfléchit-il en hochant la tête pour lui-même. Il reprit quelques notes. « Par contre, ni vous, Madame Tonks, ni vous, futur Monsieur Tonks, n'êtes parmi mes clients, et je vais avoir besoin de dresser un contrat avec au moins l'un d'entre vous pour avoir le droit de travailler en votre nom. »

Monsieur Tonks. Draco déglutit avec malaise, rassuré et touché par la proposition d'Andromeda, mais extrêmement dérangé par un nom qu'il n'avait jamais imaginé porter.

« Et ça sera avec vous, Madame Tonks, puisqu'on ne peut pas dresser de contrat magique sans nom de famille dans notre pays. » Conclut Maxwell avec un sourire désolé dans la direction de Draco, qui s'enfonça dans son fauteuil. Il avait soudainement autant de droits qu'un enfant.

« Très bien. » Acquiesça Andromeda.

« Il faut que ça aille vite, Lysander. » Intervint Harry. « Draco ne peut plus étudier à Ste-Mangouste tant qu'il n'a pas de nom. »

« Ok, petit coup de pression, bien compris. » Dit légèrement l'avocat, comme s'il avait l'habitude d'être pressé par Harry. « C'est la configuration la plus simple. Nous pouvons régler les histoires de contrat d'ici demain, et l'adoption peut être finalisée d'ici la semaine prochaine si je trouve les bonnes fesses à botter. »

Draco se détendit légèrement sous son ton assuré mais se redressa dans son siège.

« Et au pire ? Combien de temps ça prendrait ? »

Maxwell lui jeta un regard songeur puis s'appuya contre son dossier en réfléchissant.

« Je dirais trois semaines au pire. »

Draco hocha légèrement la tête en serrant les dents. C'était juste, mais il pourrait passer ses examens. Il allait devoir quémander les cours de ses camarades pour être certain que rien ne lui échappe.

« Quelles fesses ? Je peux en botter aussi. » Intervint à nouveau Harry avec anxiété. « Si ça peut- »

« Non merci Harry, je connais vos prouesses diplomatiques, je crois que je vais m'en passer. » Le coupa Maxwell en levant les yeux au ciel.

Harry se renfrogna et croisa les bras sur sa robe.

« Je vais faire au mieux. » Le rassura l'avocat.

« Vous prenez le risque d'avoir mon ... d'avoir Lucius sur le dos. » Réalisa Draco à haute voix, avant de souhaiter ne pas avoir prononcé sa crainte. S'il était honnête, il se fichait de ce qui pouvait arriver à Maxwell tant qu'il pouvait retourner étudier.

« Je l'ai déjà sur le dos. » Sourit énigmatiquement l'avocat. « D'où ma surprise de vous voir ici. » Compléta-t-il. Il se redressa sur son siège et son visage se fit soudainement carnassier. « Si je puis me permettre, je vais prendre un plaisir tout particulier à l'enquiquiner. »

Harry rit discrètement, mais Draco fixa Maxwell avec malaise. Savait-il vraiment à qui il avait à faire ?

/

Par réflexe, Draco s'était installé à son bureau, celui qui courait le long du mur de droite de la chambre, mais il n'avait pas ouvert un livre, pas soulevé un parchemin depuis qu'il s'était assis. La pluie cliquetait sur les fenêtres et la lumière déclinante n'aurait pas été suffisante pour qu'il puisse lire quoi que ce soit de toute façon.

Il avait laissé Andromeda et Harry à leurs réflexions dans le salon après le coucher de Teddy, qu'il n'avait pas réussi à accomplir malgré le fait qu'il s'agisse de son moment préféré de la journée avec lui. Il aimait lui lire des histoires, le voir tapoter ses livres avec des questions étranges et parfois difficilement compréhensibles. Il aimait le sentir se détendre, parfaitement en sécurité contre lui, jusqu'à s'endormir la bouche entrouverte avec la tête contre son bras, les doigts serrés autour de l'oreille de son loup. Il aimait poser sa tête sur ses cheveux et se recentrer, même si sa vie actuelle lui avait presque fait oublier le besoin quasi-vital qu'il avait eu à le tenir contre lui pendant sa dernière année à Poudlard.

Le front sur ses poings et les coudes sur le bureau de merisier, Draco avait un goût de bile dans la bouche, une douleur sourde dans les oreilles, et un trou à la place du cœur. Après avoir étouffé dans l'œuf sa capacité à faire ses propres choix, par leur éducation et par leurs runes, après lui avoir fait perdre toute dignité, le forçant à retourner dans la honte sur les lieux de ses crimes commis pour eux pour avoir un espoir d'un jour s'élever au-dessus de ses erreurs, après l'avoir forcé à les fuir pour pouvoir vivre sa propre vie, ils ne lui avaient laissé que son nom. Et ils le lui avaient arraché aussi. Il ne lui restait plus que le visage de Lucius à devoir contempler dans le miroir pour le reste de sa vie.

La porte s'entrouvrit, et il savait que c'était Harry. Andromeda ne venait jamais le chercher et le laissait toujours faire le premier pas vers elle, ménageant sa fierté car elle avait la même. Potter avait un besoin compulsif de sauver tout le monde, même contre leur gré. Draco serra les dents pour ravaler son réflexe stupide de l'envoyer balader.

« Draco ? » Appela-t-il dans son dos, et il baissa les poings, redressant lentement la tête, les épaules crispées. Il se tourna vers lui sur sa chaise et affronta son regard incertain, une copie plus mâture de l'expression qu'il avait tant portée à Poudlard, comme s'il était à nouveau confronté à une situation qui lui échappait complètement.

« Qu'est-ce que je peux faire ? » Demanda-t-il, et Draco n'en avait absolument aucune idée lui-même. Il se frotta le visage avec un soupir, et Harry s'approcha de lui, portant toujours cette robe formelle qui lui donnait un air étrange et grave, comme un moldu déguisé en sorcier pour un enterrement. Il lui tendit la main et Draco la prit pour se lever après une longue inspiration.

« Je suis plutôt doué en câlins, je crois. » Emit Harry avec un sourire tordu. Draco expira un rire étranglé, surpris.

« C'est vrai. » Acquiesça-t-il. Harry sourit plus franchement malgré un regard triste et l'enlaça, les bras sous les siens et les mains dans son dos. Draco força son corps raide à accepter son étreinte et courba la nuque pour poser sa tête sur son épaule, mais il y avait quelque chose d'insatisfaisant dans la position. Il se sentait trop grand pour l'étrange réflexe qu'il avait de se cacher contre lui.

Harry sembla en être frustré lui-aussi et s'écarta avec un air irrité, avant de l'entrainer vers le lit. Il le fit s'allonger à côté de lui en silence, et Draco mit son front contre ses clavicules, son bras sur ses côtes, et son genou entre les siens.

« Je devrais être content d'être débarrassé. » Dit-il lorsque la boule dans sa gorge dégonfla assez pour le laisser parler.

« Tu le seras peut-être une fois le choc passé. » Raisonna Harry en passant lentement les doigts dans ses cheveux.

Draco l'espérait. Il avait assez laissé ses parents lui pourrir la vie et dicter ses états d'âme.

Il sentit soudainement la magie de Harry l'envelopper autant que son corps, comme lui-même le faisait avec Edward pour l'aider à s'endormir, et il se demanda s'il le faisait d'instinct ou volontairement. Il se détendit presque malgré lui.

/

La raison de son complet et soudain effacement de la famille Malfoy leur sauta aux yeux dès le lendemain. Harry revint à la maison à peine trente minutes après en être parti, et entra dans la cuisine d'un pas raide, le visage partagé entre la tristesse et l'angoisse.

Edward tendit les bras vers lui depuis sa chaise haute, et Andromeda et Draco le dévisagèrent avec inquiétude pendant qu'il semblait chercher ses mots.

« Je suis allé voir l'arbre des Black à Gringotts. » Dit-il en préambule, et Draco déglutit, imaginant l'absence totale de son portrait, pire qu'un visage brûlé, sur la longue et rectiligne tapisserie des Malfoy dans la principale bibliothèque du Manoir.

« Pahin ! » Appela Teddy, et Harry baissa les yeux vers lui, puis le sortit de sa chaise comme par réflexe sans que son expression ne change. Il le tint contre son épaule en tournant un regard anxieux vers Draco.

« Tes parents ont eu un bébé. » Lâcha-t-il à voix basse.

Le cœur de Draco s'enfonça comme une pierre dans son estomac alors qu'il fixait Harry avec incompréhension.

« Quoi ? » S'étrangla Andromeda.

Inexplicablement, Draco éclata de rire. Les sons émit par sa propre bouche parurent horribles à ses oreilles mais il n'arriva pas à se contrôler.

Bien sûr, c'était logique ! Pourquoi se débarrasser de leur seul héritier sans plan de secours ? Lucius ne prendrait jamais le risque de voir son nom, son si précieux nom, mourir ! Il avait cru subir une ultime punition, mais il ne s'agissait que d'assurer la place légitime d'un nouveau pion ! Comment avait-il pu oublier ce qui importait le plus à son géniteur, avant même la pureté du monde sorcier ?

Il se sentit pleurer de rire, ou de tristesse, le dos secoué par son hilarité. Était-il libre alors ? Et était-ce ainsi qu'il voulait l'être ? Une pièce devenue inutile et encombrante sur l'échiquier de Lucius, remplacée par une autre à modeler à sa guise ? Il s'arrêta soudainement de rire, le souffle court et le visage brûlant et humide, un froid immonde remplissant son corps. Il croisa le regard dévasté de Harry, les grands yeux pourpres de Teddy, avec la respiration tremblante et le corps glacé couvert d'une sueur froide.

« Comment s'appelle-t-il ? » Demanda-t-il d'une voix rauque. Ça ne pouvait être qu'un garçon. Les femmes Malfoy ne l'étaient jamais que par le mariage.

« Scorpius. » Souffla Harry. Draco haussa les sourcils et essuya son visage avec la manche de sa chemise. Quel prénom horrible. Comme un idéal d'agressivité mortelle à atteindre. Là où il avait cru devoir tenter d'atteindre la puissance et la majesté d'un dragon, son frère allait porter sur lui l'image venimeuse et funeste d'un scorpion.

Son frère.

Le cœur douloureux, il tourna les yeux vers Andromeda qui le fixait avec un mélange de colère et de compassion. Il sut alors que son train de pensée était similaire au sien.

« Je ne peux pas le laisser là-dedans. » Lui dit-il d'une voix faible, et elle serra les lèvres en hochant la tête avec raideur.

« Draco. » Intervint Harry, attirant son regard. « Il n'y a rien qu'on puisse faire tant que Lucius n'est pas arrêté. »

« Qu'est-ce que je suis censé faire ?! » S'exclama-t-il furieusement dans sa direction. « Attendre qu'il devienne comme moi ? Qu'il fasse les mêmes erreurs et qu'il devienne un paria ? Ou qu'il fasse pire et qu'il finisse à Azkaban ?! »

Andromeda se leva brutalement alors que le visage de Harry durcissait de rage.

« Je fais ce que je peux ! » Cria-t-il, et Edward sursauta dans ses bras, éclatant en sanglot alors que sa grand-mère l'attrapait sous leurs regards horrifiés. Andromeda quitta immédiatement la cuisine avec son petit-fils, et Draco se leva de sa chaise avec précipitation.

« Ce n'est pas … Ce n'est pas ce que je voulais dire ! » Se défendit-il, et Harry quitta l'encadrement de la porte des yeux, son visage mêlant angoisse et colère. « Je sais très bien que tu fais ce que tu peux ! Mais c'est comme si tu avais un frère et que tu le laissais vivre- » Il s'interrompit à temps avant de mentionner sa famille moldue dont il ne lui avait jamais parlé. « La même chose que ce que tu as vécu ! »

Harry s'appuya au comptoir derrière lui, l'anxiété avalant la colère sur ses traits. Il retira ses lunettes et leva la main vers son visage, obscurcissant la vue de ses yeux.

« Et qu'est-ce ce que tu comptes faire ? Aller au Manoir pour l'enlever ? Et ensuite ? Fuir avec lui, alors que le département sera obligé de partir à tes trousses ? C'est toi qui iras à Azkaban et je ne pourrai absolument rien faire. » Dit-il d'une voix serrée en baissant la main.

La vue de ses yeux nus et désespérés, autant que ses mots, forcèrent Draco à se rasseoir dans un raclement de chaise et à se prendre la tête entre les mains. Harry avait raison. C'était complètement stupide. Il ne pouvait pas quitter Edward. Il ne pouvait pas quitter Andromeda. Il ne pouvait pas le quitter lui et le mettre dans une telle position. Il ne pouvait probablement même pas entrer au Manoir.

Mais que pouvait-il faire d'autre ? Contacter sa mère et la supplier d'entendre raison ? De ne pas laisser Scorpius devenir un autre lui ? D'empêcher son père d'en faire une arme empoisonnée ? Les bottes de combat et le bas de la robe pourpre de Harry entrèrent dans son champ de vision et il frémit. Il avait déjà intégré et accepté que l'apprenti Auror se retrouve un jour forcé de se battre contre Lucius. Mais il ne pouvait pas supporter d'imaginer qu'il fasse un jour face à son frère, un nouveau pion façonné par son père.

Harry s'accroupit devant lui, ses mains se posant sur ses genoux. Draco baissa les bras qui soutenaient sa tête et les attrapa avec les dents serrées, croisant son regard.

Tout ce qu'il pouvait faire était probablement d'attendre. Poursuivre sa route et être prêt à bondir sur l'occasion d'arracher Scorpius à son destin. Patienter et espérer que les Aurors trouvent une faille, un moyen d'arrêter Lucius avant qu'il ne soit trop tard.

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