Rien. Absolument rien. Dans cette putain de cuisine, malgré l'électricité dans l'air, l'intensité d'un moment partagé, tout avait avorté brusquement. Les voix de l'autre côté de la porte, ces gugusses intrusifs, avaient tout fait foirer. Severus, subitement gêné par l'intrusion, avait reculé. Ses excuses, murmurées dans un élan de confusion, avaient sonné pitoyablement à ses propres oreilles. Et maintenant, pour couronner le tout, c'était lui qui s'était mis à ignorer Hermione. Formidable, vraiment.
Les jours suivants, Severus avait adopté un comportement distant, presque froid, un contraste frappant avec leur interaction précédente. Chaque fois qu'ils se croisaient dans les longs couloirs de Poudlard ou lors des réunions du personnel, il lui offrait tout au plus un hochement de tête poli, ou pire, un regard neutre, vidé de l'affection timide qu'il avait un jour laissée transparaître. Hermione, de son côté, oscillait entre frustration et compréhension. Après tout elle lui avait aussi fait le coups.
La distance qu'il mettait maintenant entre eux pesait. En faisant le décompte, ça faisait bien un mois depuis cette foutue ronde, et le début de la rumeur. Le seul bon côté est que les élèves sont passé à une nouvelles rumeurs, mais ne concernant pas les professeurs, alors on s'en fiche.
Mais voyez-vous, Hermione, elle se laisse pas abattre comme ça, non. Cinq jours qu'elle attend, maintenant, elle est prête à bouger, à agir. Bon, quand elle trouvera le moment, hein, parce que, à force de balancer des devoirs à droite à gauche pour s'occuper l'esprit, voilà qu'elle se retrouve vraiment occupée par les corrections. Étonnant, non ?
Remus, il est là, campé dans la salle des profs, à corriger ses copies. Il aime bien se poser, dans ce coin-là. Ça lui permet de bosser tout en chopant du coin de l'œil ses collègues qui passent. Depuis la guerre, voyez-vous, il supporte de moins en moins d'être seul. Le silence, ça lui pèse, ça lui rappelle trop les cris étouffés, les détonations lointaines, les murmures des disparus. Alors il se met là, où le bruit des vivants peut encore lui chatouiller les oreilles.
Les jeunes de Gryffondor, savent qu'ils peuvent le dénicher là s'ils ont besoin. Les collègues aussi. C'est un point de chute, un repère dans le tourbillon du quotidien de Poudlard. Et puis, faut dire, de sa chaise, il a une vue imprenable sur les allées et venues dans le parc. Ça lui donne un peu l'impression de veiller sur son petit monde. Là, assis à cette table élimée par les ans, Remus tourne les pages, griffonne quelques mots en rouge ici et là, mais ses yeux, ah ses yeux ne manquent pas une miette du spectacle par la fenêtre.
Remus, s'installe toujours au même endroit dans la salle des profs, là où il se sent bien. Pourquoi ce coin-là ? Ah, il a ses raisons, Remus. Si on penche la tête juste comme il faut, sous un certain angle, on peut apercevoir des inscriptions gravées dans le bois de la table. Pas toutes visibles, et il n'est jamais bien sûr de comment elles sont arrivées là, il sait qui, mais il ne sait pas comment. Avec un couteau, peut-être, ou quelque autre outil. Il les a découvertes y a quelques années de ça, et il faut dire qu'elles sont sacrément discrètes. Mais elles parlent, oh oui, elles racontent des histoires.
Il croit lire des trucs comme « Gilderoy porte une perruque » et il rigole tout seul, le Remus. « Quirinus s'est chié dessus le 2 septembre 1990 dans la salle de DCFDM à 15h30, et la merde a coulé sur ses chaussures.* » — voilà ce que murmure une autre. Et puis y a « Lupin est un волколак », il ne parle pas russe, le Remus. Il l'a découvert juste la semaine dernière. Ça lui tire un sourire, parce que, oui, la vérité a le don de se frayer un chemin, même en graffiti. « Alastor, un narcissique paranoïaque qui se traque lui-même chez les autres » — celle-là, elle lui pince un peu le cœur.
Juste à ce moment, Severus fait son entrée, pile quand Remus finit de corriger la copie de Braxton Hicks**. La copie est pourrie, mais le gamin a fait des efforts. Alors Remus, il ne note pas encore. Il décide qu'il va le faire s'entraîner un peu avant le prochain devoir. Severus, lui, avec son habituel air de ne pas toucher terre, jette un œil à la pile de copies et lève un sourcil, comme s'il pouvait lire toute la déception du monde dans ces feuilles gribouillées.
Dans l'atmosphère studieuse de la salle des professeurs, le serpentard avec son habituel sérieux, ne perd pas de temps pour pointer du doigt les méthodes du gryffondor.
« Ta notation est déplorable. Ils ne vont jamais progresser comme ça… »
Remus, habitué à ces critiques, répond avec un soupçon de lassitude teintée d'ironie. « Je sais, tu me l'as déjà dit. Mais je me permets de ne pas suivre tes conseils pédagogiques, excuse-moi. »
Leur conversation prend un tournant plus personnel lorsque Severus change de sujet. « Je viens de croiser Potter. Le marmot de Ronald est né, ton fils est rentré dans vos appartements. »
— Dis-moi que le bébé est roux !
— Que veux-tu qu'il soit d'autre ?
— J'ai fait des paris.
— Mais qui a pu parier contre toi l'inverse ? »
« Sybil. » Remus éclate de rire, un rire qui secoue ses épaules, et Severus ne peut s'empêcher de rire à son tour, un rire grave qui résonne.
« Au fait, tu parles russe toi, non ? » demande-t-il, un brin de curiosité perçant dans son regard.
Severus, légèrement surpris par la question, réplique d'une voix basse : « Oui, des bases, pourquoi ? »
espiègle, il pointe du doigt l'inscription sur la table. « Qu'est-ce que tu as écrit ici ?
— Loup-garou. » répond simplement Severus.
« Ah, j'aurais cru à une insulte venant de toi…
— S'en était une. » laisse t-il échapper.
Remus se laisse aller à une petite moue amusée. « Oui mais tu ne t'es pas autant déchaîné que pour cette pauvre Dolores. » Il lit ensuite, avec un ton dramatique, la longue description que Severus avait gravée : « La Rhinella marina, plus connue sous le nom de Dolores Ombrage, est une espèce d'amphibiens de la famille des Bufonidae. Elle se nourrit de petits amphibiens, et plus récemment de la nourriture pour chien ou des déchets ménagers. Les femelles, parvenues à maturité dès l'âge de huit mille ans, sont en mesure de pondre jusqu'à deux milliards de décrets d'éducation. Leur bave, d'un rose fuchsia inoffensif, contraste avec leur nature agressive, tandis que leur unique prédateur demeure le chaton. »
Severus, un sourire en coin ébauché sur les lèvres, ajoute : « Je l'ai fait en plusieurs fois. Je me défoulais un peu. A posteriori ce n'est même pas drôle. Et quand ça ne suffisait plus, je mettais un laxatif dans son thé.
— Sympa tes passe-temps… » commente Remus, dit le Gryffondor en remettant en ordre son tas de copies.
Severus hausse les épaules, un air de fausse modestie flottant autour de lui. « Harceleur était déjà pris. Tu n'imagines pas tout ce que ma vie doit à mon ennui…
— Oh, je connais déjà ce que ta vie doit à ton complexe d'infériorité. » réplique Remus, piquant là où ça fait mal.
« Tu as vu la taille de mon nez et de mes mains ? Veux-tu vraiment voir mon complexe d'infériorité ?» nargue Severus, sa voix teintée d'un agacement léger.
« Que tu es vulgaire, qu'est-ce qu'il se passe aujourd'hui ?
— Un Weasley de plus vient de naître sur cette terre, je crois que j'ai besoin d'un verre… » Severus souffle, presque résigné.
« Attends de voir quand Neville fera des enfants, je t'offrirai une séance de psychomage. » conclut Remus avec un clin d'œil complice
Hermione se tient dans l'aile maternité de Ste Mangouste, plongée dans une cacophonie de fatigue et de pleurs. Autour d'elle, Hannah, Penelope, Ginny, tous les regards sont fixés sur le berceau. Le nouveau-né, coiffé d'une chevelure flamboyante, attire l'attention. Hermione l'observe, le trouve semblable à un petit haricot rouge vif, vibrant de vie. Ron, était loin d'être un bébé charmant, il était même plutôt très moche selon les photos qu'elle avait vu. Par Merlin, ce petit a de la chance, de ressembler à Padma.
L'air est saturé de désinfectant, mêlé aux effluves doux et poudrés typiques de la maternité. Les murs blancs réverbèrent les chuchotements des filles et aussi des pleurs de Padma. Les yeux cernés mais brillants de la mère, les épaules tombantes de fatigue, trahissent la nuit sans sommeil et la lutte pour donner naissance.
Ginny se penche sur le berceau, les yeux illuminés d'une admiration tendre. Sa voix, empreinte d'un doux rêve, murmure: « Je veux le même. »
À côté d'elle, Padma, épuisée et submergée, réplique avec un mélange de sarcasme et de désespoir, son ton entrecoupé par des sanglots contenus : « Je te le donne, il ressemble à ton frère, il pleure pour de la nourriture et ne fait rien d'autre que de crier. »
Sa frustration est tangible, palpable comme l'air lourd dans la chambre d'hôpital. Ses mots, d'une honnêteté crue, trahissent ce qu'elle subit. Le travail d'accouchement, qui a tiré sur une éternité de 32 heures, semble avoir laissé des marques indélébiles, non seulement sur son corps mais aussi sur son moral. Chaque muscle lui fait mal.
La dépression post-partum frappe à sa porte, insidieuse, enveloppante. Son corps, épuisé et meurtri, n'a pas encore libéré l'ocytocine, l'hormone du bonheur et de l'amour maternel qu'on dit si abondante après l'accouchement. Au lieu de se noyer dans la vague d'amour irraisonnée que les livres et les autres mères lui avaient promis, elle flotte dans une mer d'incertitudes, ses émotions échouées sur un rivage de détresse.
Elle est affamée, mais pas seulement de nourriture—elle a faim de normalité, de retour à un état où la douleur n'est pas une constante. Sa tête tourne, non pas de joie, mais de l'épuisement qui la tiraille, du sentiment de perte qu'elle éprouve en ne ressentant pas cette connexion profonde avec son nouveau-né.
Penelope, tente de redresser le moral. « Mais tu l'aimes. Ce bébé et Ron. »
Le retour de Padma est cinglant, plein d'une cruauté qu'elle ne pense pas : « Ils sont moches et m'ont défoncé la chatte. Je les déteste. »
Ginny, persistant dans son optimisme, rétorque : « Ce sont les hormones qui parlent. Ça va passer.
— Minimiser ce qu'elle ressent à cause des hormones ne fait qu'empirer le sujet, Ginny.
— Rho, j'ai eu deux accouchements et je m'en porte comme un charme. Des milliards et des milliards de mères vivent ça et se portent comme un charme. »
Les pensées de Padma s'envolent. Elle pense aux femmes qui ont succombé en couches, à l'esclavage silencieux de la maternité glorifiée, aux vergetures qui marquent son corps comme autant de trophées d'une bataille qu'elle n'est pas sûre d'avoir choisie. Elle envisage les nuits blanches à venir, écoutant les pleurs du "haricot rouge tout roux destructeur de vagin" à côté d'elle. Ses larmes redoublent, chaque pensée ajoutant une couche de détresse : elle redoute l'isolement, la perte de son ancienne vie, l'angoisse de ne pas être à la hauteur des attentes idéalisées de la maternité.
Penelope pose une main apaisante sur l'épaule de Padma, son ton doux tranchant avec l'atmosphère tendue. « C'est normal ce que tu ressens, ça va peut-être passer. Tu as vécu un moment difficile, tu as été très forte. »
Ginny, cependant, avec sa tendance à être pragmatique et légèrement insensible, ne peut s'empêcher de commenter. « C'est très attentionné mais ridicule. » Elle secoue la tête, persuadée que les émotions de Padma sont juste un excès de sensibilité.
Ignorant l'interruption de Ginny, Penelope poursuit, sa voix pleine d'encouragements : « Tu vas voir qu'il va grandir et tu vas apprendre à l'aimer, on n'a pas toutes l'instinct maternel dès la naissance. Mani est un beau bébé et... »
Hannah, perdue dans la conversation, interrompt avec une pointe de perplexité. « Manny ?
— Oui, le bébé s'appelle Mani, Hannah, » explique Penelope avec patience, tentant de garder la conversation sur une note positive.
Hannah, encore confuse, questionne : « Comme le mammouth ? »
— Quel mammouth ? » demande Padma perdue
Penelope tente de clarifier, bien que floue sur les détails elle-même : « Mani est un très joli prénom indien, ça veut dire je sais plus quoi. Mais c'est très joli.
— Mon fils est moche et il a un nom de mammouth ? »
Hermione intervient rapidement, essayant de rassurer : «Ça vient d'un dessin animé moldu, ne t'en fais pas, personne ici ne connaît. Si ça peut te rassurer, ça ne s'écrit pas pareil et puis son vrai nom est techniquement Manfred. »
Mais Padma, toujours ébranlée, rétorque : « Il est roux et il a un nom de mammouth ! Si Parvati était là, elle m'aurait prévenu. »
Penelope, avec toute la douceur qu'elle peut rassembler, tente de réconforter Padma : « Parvati te regarde de là-haut et elle doit être sacrément fière de sa sœur. » Elle espère que ces mots apporteront un peu de réconfort à Padma, qui se remet à pleurer.
Hermione rentre, complètement lessivée. Elle n'a pas eu l'impression de toucher terre aujourd'hui. Jamais été son fort, de remonter le moral, elle préfère se terrer dans le silence, s'occuper en gratifiant le petit Weasley d'une caresse plutôt que de paroles. C'est moins risqué, moins épuisant.
Elle déteste cette sensation d'impuissance qui l'accable en fin de journée, un spectre qui la suit, insistant et pesant. Cela la déprime profondément. C'était le même problème quand elle travaillait avec Biggins, elle avait l'impression de jouer de la musique pour les sourds, de pisser dans un violon – effort inutile, invisible, inaudible. Elle rentrait, traversait les pièces de son appartement et se sentait aussi vide qu'à l'aube, avec cette impression corrosive de n'avoir rien accompli de concret.
Le moral dans les chaussettes, Hermione monte les escaliers quatre à quatre, l'écho de ses pas dans l'escalier résonne comme un tambour de guerre contre sa frustration. Elle récupère deux ou trois parchemins éparpillés sur son bureau, preuve de ses journées morcelées, de son esprit encombré. Sans hésiter, elle descend au laboratoire, pour travailler sur ses recherches qu'elle a trop longtemps délaissées.
Là, sous la lumière tamisée, entourée de fioles et de formules, Hermione se sent enfin à sa place. Ici, chaque geste a un sens, chaque minute consacrée débouche sur une découverte, petite ou grande. C'est dans cet univers de réactions et de réflexions que Hermione retrouve son efficacité, son utilité. Les échecs et les succès de la journée sont distillés en une essence de satisfaction, brute et authentique, loin des vaines tentatives de réconfort social. Ici, dans l'alchimie de son travail, elle se reconstruit, pied à pied, calcul après calcul.
Les heures filent dans le silence concentré du laboratoire, une, puis deux, s'égrènent dans l'absorption totale d'Hermione dans ses recherches d'arithmancie. Elle perd toute notion du temps, ignorante de l'heure qu'il pourrait bien être. Le repas ? Peut-être l'a-t-elle déjà manqué, peut-être pas, mais cela lui importe peu. Hermione est dans son élément, submergée par un sentiment de plénitude, de satisfaction profonde qui l'envahit.
Elle se sent vivante, c'est un peu comme dévorer un livre en une seule traite, se laissant absorber si complètement que le monde extérieur s'estompe, devient une toile de fond floue et insignifiante. Hermione ne sait pas précisément où ses recherches la mèneront ce soir, mais elle se sent d'une redoutable efficacité.
Mais la physique de son propre corps lui rappelle bientôt sa présence, ses yeux piquent, une lourdeur dans ses membres. Les nuits interminables sous la tente avec Harry et Ron, jonglant avec des plans et des risques, semblent des souvenirs d'une autre vie. Un coup d'œil à sa montre lui révèle qu'il est déjà 22:40. Avec seulement quelques heures de sommeil fragmenté dans le couloir de Ste Mangouste, l'épuisement n'est pas loin derrière.
Elle décide qu'il est grand temps de ranger ses affaires. Tandis qu'elle commence à remettre de l'ordre dans ses parchemins éparpillés, Severus fait son entrée, suivi de près par Remus, dans ce qui est, rappelons-le, son laboratoire de potions. Hermione aurait préféré se retrouver seule avec Severus, mais les circonstances en ont décidé autrement.
« On dérange ? » Remus jette un regard autour, curieux et légèrement coupable.
Hermione soupire, déjà en train de fermer ses grimoires. « Du tout, j'allais partir. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin, et je crois avoir cassé ma calculette. »
Severus, avec une pointe d'amusement teintée d'ironie, réplique : « Encore ? » Sa remarque fait écho à la consommation conséquente de calculatrices par Hermione. Ce n'est pas qu'elle achète de mauvaise qualité, mais Hermione, frustrée et agitée, a tendance à maltraiter ses outils. Elle appuie sur les touches avec une force excessive. Parfois, dans un élan de colère, elle peut même lancer l'appareil à travers la pièce ou renverser son thé dessus par mégarde. Il y a eu cette fois où une calculette est tombée dans l'évier, là où était un chaudron rempli de potion de mort vivante. Alors, ça n'a pas tué la calculette puisqu'elle n'était pas techniquement en vie. Bon, elle ne fonctionnait pas après ce petit bain, c'était certain.
« Je ne sais pas si ce sont les piles ou autre... » Hermione marmonne, plus pour elle-même qu'en réponse.
Remus, toujours prêt à aider, s'approche et saisit la calculette, lançant un sort de reparo avant que quiconque puisse l'arrêter.
« Non ! » gronde Hermione, tandis que Severus lève les yeux au ciel, un soupir résigné s'échappant de ses lèvres. Comme prévu, de la fumée commence à s'échapper de la calculette.
« On est certain que maintenant elle ne fonctionnera plus, » constate Severus d'un ton sec.
« Remus, on ne lance jamais de reparo sur de l'informatique, » explique Hermione, son ton trahissant une patience mise à rude épreuve.
« Ça fonctionne très bien sur mon tourne-disque moldu pourtant.» se défend Remus, un brin confus.
« Ce n'est pas une foutue pascaline que j'ai. C'est une calculatrice de pointe, bien plus complexe que ton tourne-disque. »
« Pardon, je suis désolé, je te la rembourserai. » s'excuse Remus, sincèrement contrit.
Hermione, résignée et légèrement amusée malgré elle, conclut : « Pas la peine, je devais en racheter une, elle était déjà à moitié foutue.» Sa réponse détend un peu l'atmosphère, un sourire fatigué mais indulgent flottant sur ses lèvres.
Remus, l'air taquin, rebondit sur le sujet du bébé. « Alors, ce bébé ? Dis-moi qu'il est roux et que tu l'as vu de tes yeux vus ! »
Severus, avec son habituel sarcasme sec, réplique : « C'est un Weasley, il peut difficilement être autre chose que roux. »
Remus insiste, un sourire dans la voix. « Je veux l'entendre de vive voix. »
« Oui, il est roux.» confirme Hermione, entrant dans leur jeu.
« J'ai gagné sept galions !
— Félicitations, » répond Hermione, totalement indifférente. « Mani est en bonne santé, Padma est crevée et fait une dépression post-partum.
— Manny ?
— Ne mentionnez pas le mammouth, vous aussi. On a essayé de convaincre Padma que personne ne verrait de rapprochement. C'est le prénom de son grand-père. »
Severus, curieux, demande : « Quel mammouth ?
— Dans un dessin animé moldu, il y a un mammouth qui s'appelle Manfred ou Manny, et Hannah l'a dit à Padma qui panique car son fils est roux et maintenant, à cause du mammouth...
— Manfred est un prénom qui fait très Weasley. » marmonne le Serpentard l'air dépité.
Hermione, levant les yeux au ciel, ajoute : « Je suis d'accord, mais je pense pas que ce soit le moment de dire à Padma que sa belle-famille donne des prénoms de merde. »
Remus, se moquant gentiment, lance : « Vous êtes tous les deux très mal placés pour juger les prénoms des autres.
— Oh oui, le tien n'est pas du tout prémonitoire. » réplique Hermione.
« Je ne suis pas mort à la guerre, moi. Vous pensez que j'ai un lien de parenté ? Pensez-vous que je puisse aller revendiquer une petite bicoque sur le Palatin et me la couler douce ?
— Vois avec les Israéliens, revendiquer une terre sur un vieux mythe d'il y a des milliers d'années, ça les connaît mieux que nous. » marmonne Severus ramassant le restes des parchemins qui trainaient.
Samedi soir, l'agenda d'Hermione respire. Elle a dormi, corrigé ses copies, même rayé les heures de colle de sa liste. Tout est nickel : les lettres, l'appart, sans aucun tour de magie temporelle – de toute façon, les autorisations pour jouer avec le temps lui ont été retirées. Ah, et un hic hier dans ses calculs, une erreur qui a fichu en l'air une partie de ses avancées. Mais elle zappe, reste sur une note positive : le ménage est fait, les copies corrigées, les colles effectuées.
Ce soir, elle est au bar, entourée d'amis et de collègues. La vie est plutôt douce. Fatiguée, oui, mais bien dans ses baskets. Elle flotte dans une bulle de paix intérieure, un semblant d'ordre rétabli dans son univers. Son appartement est un modèle de rangement, et sa tête, un fichier bien organisé.
La conversation glisse, vive et scintillante, comme le cidre qu'ils engloutissent avec entrain. Neville et Hannah, affalés dans un coin de canapé, semblent fusionner avec l'ameublement. À une autre table, le jeu bat son plein : Remus, John, Ruby, et Aurora sont perdus dans une bataille acharnée de cartes, et Remus perd encore.
À l'écart, au comptoir qui brille sous les lumières tamisées du bar, Hermione garde ses distances, elle s'accoude nonchalamment, laissant l'agitation du lieu se dérouler autour d'elle. À ses côtés, Harry est une énigme vivante, esquivant les questions avec un sourire qui en dit long sur sa réticence à partager. À chaque curiosité d'Hermione, il répond avec un murmure conspirateur : « C'est confidentiel. »
La conversation glisse sur une pente glissante de demi-confidences. « La seule chose que je peux te dire c'est que l'enquête sur laquelle je suis depuis trois semaine peut te plaire, ça dépend de quel côté on voit les choses. »
Hermione, agacée et amusée, rétorque : « Bonjour le suspense, et comment sauras-tu si ça me plaît ou pas ? »
Harry, avec un clin d'œil malicieux, lance : « Oh ça va faire la une crois-moi. Il se peut aussi que Snape soit assez content. »
Le rythme de leur échange s'accélère, chaque réplique lancée comme un défi. « Vous allez coffrer Stern ? »
— Non, lui sera plutôt déprimé.
— Je suppose donc un lien avec Biggins. »
L'obstination d'Harry se renforce, un sourire s'épanouit sur son visage. « Oh tu peux supposer, je ne te dirais rien. Mais le Chicaneur de demain oui. »
Hermione, frustrée par ce jeu de cache-cache verbal, s'irrite : « À quoi ça sert ce petit jeu de devinettes si le Chicaneur me l'apprend demain ? »
Harry, triomphant, réplique : « J'aime savoir quelque chose que tu ne sais pas. C'est jubilatoire.
— Ouh, un mot à trois syllabes, félicitations.
— Eh attends, je sais dire pédiluve et locomotive aussi.
— Je suis très fière de toi. Ron est papa depuis 48h et tu connais le mot pédiluve.
— Je suis père depuis 3 ans et je connais le mot pédiluve
— Incroyable. » Hermione ne peut s'empêcher de sourire, malgré elle. Elle lance la question à Harry, une étincelle d'anticipation dans ses yeux. « Au fait, tu seras à la remise des Boleyn cette année ? »
Anne Boleyn, cette grande sorcière d'une influence notoire, avait marqué l'histoire magique autant que la royale. Son invention, le filtre de paix, avait bouleversé les fondements de la magie moderne, solidifiant son emprise sur un roi, Henry VIII, jusqu'à ce que la vérité de sa nature sorcière ne la rattrape. Chaque année, le prix Anne Boleyn récompense les sorciers et sorcières dont les innovations bouleversent leur époque. Hermione, en mordant distraitement sur sa lèvre, rêve de recevoir un jour le Boleyn d'arithmancie. Elle imagine sa théorie, une fois pleinement développée, reconnue et célébrée. « Tu savais que Filius l'a reçu l'année de son entrée comme professeur à Poudlard ? Penny est en lice pour recevoir ce même prix cette année. » Sa voix trahit un brin d'envie mais surtout un océan de fierté pour son amie.
Et cette année, la cérémonie revêtait un caractère particulier. Severus remet le prix du Boleyn de Potion, puisqu'il l'a reçu l'année précédente. C'était son troisième. Et depuis 1537, la cérémonie se déroule toujours le quatrième samedi de mars.
Harry, la tête secouant un oui résolu, laisse échapper une réflexion teintée d'ironie douce. « Oui, j'y serai. Il risque d'y avoir quelques débordements cette année. » Son ton reste léger, mais derrière ses mots, un sérieux certain se devine, caché sous la surface.
« Plus que d'habitude ? »
Harry, un sourcil légèrement haussé, explique. « C'est très politisé comme événement et, vu ce qui va sortir demain au Chicaneur, je doute qu'il n'y ait pas d'impact.
— Tu y gères la sécurité ou en tant qu'invité ? »
Harry, avec un sourire espiègle, balance ses plans pour la soirée. « Oh, je vais superviser deux-trois trucs et me gaver de petits fours. En plus, Molly a les enfants samedi. »
Hermione hoche la tête, sceptique. « Pourquoi ai-je l'impression que tu me caches plus de choses que tu ne le dis ?
— Oh, j'aime avoir des secrets, Hermione, je suis l'élu, je suis un homme mystérieux.
— Oui, oui, et moi la reine d'Angleterre. Qu'est-ce qu'il y a que tu ne me dis pas ?
— Ce que tu ne sais pas ne peut pas te faire de mal. »
— Si tu pouvais éviter de citer Ombrage, je te croirais totalement.
— Oh, ne la critique pas, s'il te plaît, elle a dit dans son discours d'entrée que nous étions de très bons amis, et je n'aime pas critiquer mes très bons amis. » Harry, feignant l'offense, place sa main sur le cœur.
« Ne change pas de sujet.
— Tu sauras en temps voulu. Tiens, d'ailleurs, où est Snape ?
— Il passe la soirée chez Narcissa Malfoy, il devrait passer en fin de soirée s'il a le temps. Pourquoi ? » Hermione interroge, intriguée par l'intérêt soudain de Harry pour Snape.
« Ah, il va chercher son petit papier, c'est bien.
— De quoi tu parles, Harry ?
— De placement immobilier malin, d'agression sexuelle et de Theo. » Harry lance, énigmatique.
« Qu'est-ce que Théo vient faire là ?
— Oh, tu verras, mais je croise les doigts.
— As-tu encore pris du Felix Felicis ? Parce qu'on dirait. »
Harry rit, levant sa pinte en signe de dénégation. « J'ai pris aucune potion, votre honneur, à part deux grandes pintes de bière. Une troisième, garçon ! » clame-t-il en finissant son verre.
Deux heures plus tard, Severus Snape se glisse dans le pub. La fatigue le plombe, mais une lourde satisfaction le porte, une sorte de soulagement poisseux, tenace. Ce soir, quelque chose qu'il attendait depuis près de deux ans s'est enfin concrétisé. Un putain de miracle. Il commande un whisky Pur-Feu, ses doigts crispés sur le bois du comptoir. Le serveur s'agite, un peu nerveux, comme s'il sentait la tension qui irradie de Snape. Ses yeux noirs balaient la salle, à la recherche d'Hermione. Elle est là, évidemment, rayonnante, éclatante, un rire franc éclatant de ses lèvres.
Des choses à célébrer ce soir, oui, alors, exceptionnellement, il se permet de penser à ce qu'il s'interdit normalement. Les vieilles habitudes sont tenaces, surtout celles forgées dans le feu et le sang de la guerre. Snape sait bien les ravages de l'occlumencie, ce barrage qu'il s'impose depuis trop longtemps. Il a abusé, il le sait, à en brouiller les frontières de sa propre conscience. Mais ce soir, il relâche un peu les défenses, une minuscule fissure dans le mur. La nuit, avant, il ne dormait que d'un œil, hanté par des cauchemars incessants, des ombres griffant les murs de sa chambre. Trop d'occlumencie quand ce n'était pas les cauchemars il cherchait son Horla à lui. Pendant la guerre, il avait développé des niveaux de vigilance : Rouge pour l'alerte maximale, Orange pour une défense constante, prêt à passer en Rouge en un claquement de doigts, et Vert, le luxe des pensées libres, presque oubliées.
Mais pendant la guerre, même le Vert lui était interdit. Depuis, grâce à des séances de psychomagie, il a appris lentement à vivre dans l'Orange, à dormir dans le Vert. Et ce soir, après cette signature tant attendue, il ne sera plus obligé de dormir à Poudlard ou à l'impasse du Tisseur. Il a enfin un chez lui, un putain de chez lui, un espace où il peut être lui-même, où il peut respirer.
Alors, il se laisse aller dans le Vert, juste pour deux minutes, juste le temps d'observer Hermione. Elle tapote nonchalamment sur le cuir du canapé, croise les jambes, un sourire illuminant son visage. Elle ne se rend sûrement pas compte de l'effet qu'elle a sur les autres. Potter et Ronald, ces idiots, l'ont cantonnée dans le rôle du cerveau, incapable de voir au-delà. Snape sait qu'il devrait se ressaisir ; la fixer ainsi, de loin, c'est malsain, surtout quand il sait qu'il n'y a aucun espoir. Aucun, mais ce soir, il s'autorise cette folie douce, cette parenthèse.
Le serveur tend à Severus son verre de whisky. Il le paye, un geste sec, presque brutal, puis il boit cul sec, le liquide brûlant traçant un chemin de feu dans sa gorge. Il essaie de chasser cette mélancolie rampante, cette ombre qui menace de gâcher sa propre bonne humeur. Il observe encore une fois Hermione, se demandant ce qu'aurait été sa vie si les choses avaient été différentes, si les rôles avaient été inversés, s'il avait eu la chance de connaître autre chose que la guerre, la solitude et la trahison.
Il refuse de se pourrir la soirée, Severus. Faut pas déconner. Il est propriétaire, enfin, il l'était déjà techniquement, propriétaire de cette maudite impasse du Tisseur. Mais cette affreuse bicoque, ce tas de ruines, lui a toujours rappelé le dégoût et la haine. Un trou à rats, une tombe ouverte.
Albus ne manquait jamais de lui rappeler qu'il n'était à Poudlard que par sa grâce et son bon vouloir. Sans lui, il serait mort ou pourrissant à Azkaban, à gratter les murs de sa cellule. Le jour où ce vieux fou lui a balancé ça, Severus sortait à peine de six mois d'Azkaban. Lily était morte, donc lui aussi. Plus rien ne comptait. Rien. Ce foutu château, il s'y sentait presque chez lui, dans ses cachots sombres où personne n'osait venir le chercher.
Depuis que Minerva a repris les rênes, il aime le château, il découvre des recoins, des secrets. Mais en tant que directeur, il a compris que ce n'était pas chez lui.
Quant à l'impasse du Tisseur, ça a cessé d'être un chez-soi le 12 novembre 1967. Il a fui cet enfer, mais il l'a toujours traîné comme une chaîne rouillée. Un boulet.
Ce soir, il refuse que ces souvenirs pourrissent sa joie. Cette nouvelle propriété, c'est son l'accomplissement de son salut, sa liberté. Pas une évasion, mais une conquête. Il se redresse, le whisky brûle encore dans sa gorge.
Il regarde autour de lui, le pub est bruyant, animé. Hermione rit toujours, éclatante de vie. Severus sent une chaleur étrange, une sorte de soulagement. Peut-être que tout n'est pas perdu. Peut-être qu'il peut encore trouver un peu de paix, un peu de bonheur.
Ce soir, il laisse les ténèbres derrière lui. Il se promet de ne plus revenir en arrière. Il est temps de tourner la page, de commencer un nouveau chapitre. Il est temps de vivre, enfin.
Mais ce ne sont que des rêves, des fantômes du passé. Ce soir, il a quelque chose de tangible à célébrer, un nouveau départ. Alors, il se redresse, remonte son col de manière instinctive, et laisse le sourire rare, presque imperceptible, étirer ses lèvres. Il a une maison maintenant. Et ce soir, pour la première fois depuis longtemps, il se permet d'espérer. Quoi ? Oh ce soir Severus espère tout et n'importe quoi. Peut-être même devenir blond.
À peine Severus a-t-il recommandé un deuxième whisky Pur-Feu que Potter surgit, le regard vif, presque impatient.
« Ça y est ? Vous l'avez ? » demande Harry, toujours direct.
« J'ai. » répond Severus, laconique, le verre à la main.
« Est-ce vraiment prématuré de vous demander de récupérer les affaires de Sirius, Remus aussi je pense.
— J'irai demain déposer l'acte de propriété chez les Gobelins. Débarrassez-moi des affaires de Black demain après-midi," rétorque Severus, avec ce ton sec qui ne laisse place à aucune réplique.
« Pour les meubles, on en a discuté avec Remus. On pensait voir si vous vouliez en garder et sinon on veut les vendre et donner l'argent à une œuvre caritative.
— On verra en temps voulu avec Bilius ce qui est maudit ou non. Vous n'allez pas refourguer une commode mangeuse de chair à un orphelin. » coupe Severus, un sourire acide aux lèvres.
« Ça n'existe pas, c'est… » commence Harry, avant d'être interrompu.
« N'allez pas dans la chambre d'Orion alors. Pour les meubles, on fera le tri plus tard. Ce qui est à Black est logiquement inoffensif, je n'en suis pas aussi certain pour Regulus…
— Et Madame Malfoy ? Elle ne veut rien
— À part les tableaux de ses oncles, non.
—Mais c'est sa maison de famille.
— C'est une Malfoy.
— Mais Lucius est à Azkaban.
— Même à Azkaban, elle est mariée.
— Soit, ça simplifie des choses. Ça me va. Vous venez avec nous ? Hermione se demande ce que je lui cache ce soir. » propose Harry, tentant de changer de sujet.
« Vous n'êtes pas foutu de garder ça ? » Severus lève un sourcil, amusé.
« Oh, ça va, ça fait deux ans que j'essaie de vous refourguer le Square. Ça fait deux ans que je ne dis rien, vous pourriez dire merci. » bougonne Harry, un sourire en coin.
« Pourquoi croit-elle que depuis ce soir vous lui cachez quelque chose ?
— Il n'y a pas que votre secret qui arrive à expiration bientôt. La soupape de la cocotte-minute va exploser.
— Si vous le dites," murmure Severus, sceptique.
« Faites-moi plaisir, lisez le Chicaneur demain.
— On verra » concède Severus, nonchalamment.
« Ça vous plaira. » insiste Harry, un éclat dans les yeux.
« Vous n'avez quand même pas vendu l'information du rachat ? » s'irrite Severus, soudain méfiant.
« Il n'y a pas que vous sur terre, professeur, et de toute façon, ils le sauront bientôt. » réplique Harry, un peu excédé.
« La Une du siècle : un ancien Mangemort a racheté un débarras à magie noire. » ironise Severus, sarcastique.
« Plutôt : le sénateur, professeur et détenteur d'un ordre de Merlin première classe et deux Boleyn a été choisi pour être la tutelle d'un haut lieu de magie noire qu'il va exterminer. » corrige Harry, d'un ton triomphant.
« Trop long. Et j'ai trois Boleyn. » conclut-il.
Hermione sort du bar, l'air frais de la nuit la saisit immédiatement. Elle a bu un peu, assez pour sentir cette chaleur douce qui émousse légèrement les contours du monde. Elle respire profondément, le froid mordant de la nuit de mi-mars en Écosse lui fait du bien. L'air est vif, presque coupant, et les étoiles brillent haut dans le ciel noir, indifférentes à ses tourments.
Elle veut le rattraper, Severus. Ce soir, elle n'a pas pu lui parler, chaque fois qu'elle s'approchait, quelque chose ou quelqu'un se mettait en travers. Une frustration sourde la tenaille. Elle quitte Pré-au-Lard d'un pas rapide, presque précipité, ses bottes claquant contre le pavé. La route vers Poudlard est déserte, un silence lourd enveloppe tout. Le château se découpe dans la nuit, massif, imposant, ses murs de pierre semblant absorber toute lumière.
Le vent du nord souffle fort, éparpillant ses cheveux, les mêlant à l'obscurité. Elle frissonne, resserre son manteau autour d'elle. Minuit est passé, le temps semble suspendu. La lune éclaire faiblement le chemin, des ombres mouvantes dansent autour d'elle, créant un décor presque fantomatique. Son cœur bat plus vite, chaque pas la rapproche de lui, chaque battement d'aile du vent porte son espoir.
Elle le voit enfin, une silhouette sombre, presque spectrale, se dirigeant vers la grande porte de Poudlard. Elle presse le pas, l'appelant doucement d'abord, puis plus fort, sa voix se perdant dans le vent. La terre gelée craque sous ses pieds, le froid mord ses joues, mais elle continue, déterminée.
À l'entrée du château, elle le rattrape enfin, à bout de souffle. Severus s'arrête, se tourne lentement vers elle. Dans l'ombre, son visage est partiellement éclairé par la lune, ses traits marqués par la fatigue. Ses yeux noirs brillent d'une lueur intense, presque insondable.
Severus, avec son éternelle cape noir, se tient droit, sa démarche toujours empreinte de cette froideur calculée. Il la regarde, surpris, peut-être, de la voir ici, il la pensait toujours au bar avec les autres. Hermione, les joues rougies par l'effort et le froid, les yeux brillants, s'arrête à quelques pas de lui, son souffle se condensant en petits nuages dans l'air glacial.
« Severus. » souffle-t-elle, sa voix tremblante, un mélange de détermination et d'émotion contenue.
Il la fixe, son regard perçant, scrutant son visage. Elle cherche ses mots, mais dans cette nuit froide, seule la vérité brutale semble avoir du sens. Severus, stoïque, attend, une énigme dans la nuit écossaise, tandis qu'Hermione lutte pour trouver ce qu'elle va dire. Lorsqu'elle l'atteint enfin, son souffle court, elle cherche à engager la conversation, mais les mots semblent glisser sur ses lèvres, se perdre dans l'air nocturne.
« Tu n'es pas resté bien longtemps au bar, ça s'est bien passé chez les Malfoy ? » tente-t-elle, maladroite, sa voix vacillant dans l'obscurité. Elle n'a pas vraiment le cœur à la discussion, ou alors juste pas d'inspiration. Chaque mot sonne creux, comme un écho lointain dans une caverne vide. Severus, la regarde un instant avant de reprendre sa marche. Elle le suit, ses bottines lui meurtrissent les pieds à chaque pas, mais elle ne s'arrête pas. Elle s'accroche à son coude, comme elle le fait parfois, un geste presque familier, rassurant.
Elle ne sait pas si c'est l'alcool ce soir, ou elle, ou autre chose. Peut-être la lune, peut-être la fatigue, mais Severus semble différent. Il a l'air plus détendu que d'habitude, moins sur la défensive. C'est un mot étrange pour lui, un homme toujours en garde, toujours prêt à parer les coups. Ça doit être l'alcool, pense-t-elle, un brin amusée par cette idée. Severus, relâché. Presque humain.
« Je suis resté dîner. » dit-il de sa voix grave. « J'avais besoin d'un papier, je t'expliquerai plus longuement plus tard si tu veux. » Il parle avec une sorte de calme inhabituel, une tranquillité qui contraste avec son accoutumé ton acerbe.
Hermione hoche la tête, son esprit bouillonnant de questions, mais elle n'ose pas les poser. Pas maintenant. Le silence s'étire entre eux, mais ce n'est pas un silence pesant. Plutôt une sorte de trêve, un moment suspendu dans le temps. S'ils savaient causer, bon dieu, y aurait tant de trucs à mettre au clair depuis ces dernières semaines. Mais ces deux-là, c'est le silence qui les porte, c'est les non-dits qui les tiennent.
Elle sent la chaleur de son bras sous ses doigts, c'est nouveau ça aussi. Depuis quand Severus émet de la chaleur.
Ils continuent de marcher, leurs pas résonnent sur les pavés humides, le château se dressant devant eux, imposant et majestueux. Hermione pense à tout ce qu'elle aimerait lui dire, à tout ce qu'elle garde enfoui en elle.
Elle se sent en harmonie avec son combat de pirate, de cow-boy et de paléontologue, son intrigue autour des mains de Severus. Elle se sent bien Hermione.
Bon, peut-être que son léger état d'ivresse y est pour quelque chose, mais elle arrive à compter, à raisonner de façon cohérente. Elle est juste entre savoir marcher droit et avoir une libido accrue. Le raisonnable sympathique, quoi.
Là, il l'impressionne. La lune jette une lueur pâle sur ses traits marqués, accentuant son air mystérieux et implacable. Elle ne peut s'empêcher d'admirer sa résilience, cette force tranquille qu'il dégage après tout ce qu'il a traversé. Elle sait qu'elle ne connaît qu'une infime partie de son histoire, des blessures cachées sous la surface. Cette attirance qu'elle ressent n'a rien de futile ; C'est une admiration sincère, bordée d'un respect foutrement teinté d'affection, quelque chose de plus fort, de plus vrai. Et elle se sent stupide, Hermione, de ne pas l'avoir remarqué avant. Dans quel monde elle vivait, bon sang, il y a encore un mois et demi ? Un monde où c'était normal de mater les fesses de son collègue, de fantasmer sur ses mains, sur ses yeux, tout ça sous couvert de camaraderie et d'amitié. Quelle idiotie !
Ils montent l'escalier, leurs pas résonnent. Devant les portes des professeurs, lui, la tête vide et détendu, elle, euphorique, l'esprit embrumé d'un désir à peine voilé. Severus et Hermione, ces deux-là, ils sont cassés.
Il se tourne vers elle pour lui dire au revoir, encore sur son petit nuage depuis le milieu de la soirée, se prenant à espérer des choses qu'il n'ose même pas s'autoriser d'habitude. Elle ne se détache pas de lui, sa main toujours accrochée à son bras. Ils ont marché pendant bien dix minutes, peut-être de fatigue, ou peut-être autre chose qu'il ne comprend pas encore.
Il la regarde, elle a ce petit sourire dans les yeux, un éclat de malice, un truc en plus qu'il ne parvient pas à définir. Il a déjà vue sourire chez d'autre ainsi, mais jamais pour lui. Jamais quand elle le regardait, lui. Un espoir fou naît en lui, timide, fragile. Peut-être peut-il espérer ?
Ce sourire, ce regard, ils éveillent en lui des rêves qu'il croyait morts. Elle est là, tout près, son parfum léger flottant dans l'air.
"Hermione" murmure-t-il, sa voix rauque, presque hésitante. Mais elle ne répond pas, elle continue de le regarder, ses yeux brillants d'une tendresse qu'il n'a jamais connue.
Il glisse sa main sur sa taille, la rapproche de lui, hésitant, maladroit. Ces choses-là, ça n'a jamais été son fort. Faut dire qu'il n'a pas eu beaucoup d'entraînement, Severus. Mais là, elle ne le repousse pas. Est-ce que c'est un signe ? Il avait souvent entendu dire qu'une femme vous faisait signe quand elle voulait que vous l'embrassiez. Est-ce qu'Hermione lui fait un signe ?
Oh et puis merde, il n'allait pas répéter la même bourde que la semaine dernière dans la cuisine de Rebecca. Cette foutue hésitation, cette peur de mal faire. Son autre main quitte le bras d'Hermione et se pose sur sa hanche, doucement, comme pour tester la réaction. Elle ne bronche pas. Au contraire, elle remonte sa main sur son torse, doucement, une caresse légère qui enflamme chaque nerf de son corps.
Il prend une respiration, profonde, comme pour s'ancrer dans ce moment. Là, c'est clair, elle lui fait un signe. Un de ces signes que même lui ne peut pas ignorer. Son cœur résonne dans ses tempes. Severus sent une vague de chaleur, un mélange de peur et d'excitation, quelque chose de primal et très primaire. Il se penche lentement, ses lèvres effleurent les siennes, un contact léger, presque une question. Elle ne recule pas, au contraire, c'est fragile mais puissant.
Pour la première fois, Severus s'autorise à croire en quelque chose de réel. Ses mains se crispent sur sa taille, la gardant près de lui, refusant de laisser ce moment s'échapper.
Puis, comme si Hermione comprenait, sa main remonte lentement dans sa nuque, ses ongles appuient contre la peau de son crâne. Une décharge électrique parcourt son échine. Ce contact devient plus cru, plus chaud, et d'une maladresse touchante.
Severus sent la chaleur de son souffle, le parfum léger de ses cheveux qui l'enveloppe. Tout devient intense, viscéral, désordonné.
Elle gémit doucement, mélange de désir et d'émotion brute. Leurs bouches se cherchent, se trouvent, se perdent à nouveau, dans un ballet de passion maladroite mais sincère.
Et quand ils doivent reprendre leur souffle, leurs lèvres se détachant à regret, Severus se dit seulement : c'est une putain de bonne journée
*Ayez la référence, s'il vous plaît.
**La contraction de Braxton Hicks est une contraction de l'utérus qui se produit pendant la grossesse pour préparer le corps à l'accouchement. Contrairement aux contractions du travail, elle ne provoque pas de dilatation du col de l'utérus. Elle porte le nom du médecin John Braxton Hicks, qui l'a décrite en 1872. J'ai mis ça car je trouvais le nom rigolo
