Hello ! :)
Petite pub : J'ai sorti un petit TikTok sur la trend "talking to the moon" la semaine dernière. Cette semaine, vous pouvez retrouver une autre trend avec cette histoire. N'hésitez pas à aller voir ! :D
Bonne lecture !
CHAPITRE 9 – Feu de camp et se jeter à l'eau
Adossée à la voiture, Calipso rattrapa ses clés qu'elle s'amusait à lancer. Seule occupation qu'elle s'était trouvée pour patienter.
Dix minutes plus tôt, elle était arrivée chez Eddie. Ni lui, ni Christopher n'étaient prêts à prendre la route. Eddie avait eu la bonté de lui ouvrir la porte de la maison, mais elle avait vite déchanté. Leurs affaires de camping monopolisaient le salon. L'agacement dans la voix d'Eddie et de Christopher l'avait fait reculer de deux pas. Elle n'avait eu aucune envie de se mêler à cela.
— Salut, mon pote ! s'exclama Calipso quand Christopher sortit de la maison, de bien meilleure humeur.
— Salut, Cali !
— Prêt pour un week-end camping ?
— Ca va être COOL !
Calipso se releva d'un petit déséquilibre. Elle aida Christopher à ranger son sac à dos dans le coffre, puis elle lui ouvrit la porte. Pendant qu'il s'installait, Eddie arriva les bras chargés. Son visage était aussi fermé que lors de leur première rencontre, Calipso avait rarement vu une personne si expressive.
— J'ai failli attendre, railla-t-elle.
— Merci Cali d'avoir accepté de passer nous prendre, répondit Eddie, sûrement pour se faire pardonner.
— Le covoiturage était prévu et je n'ai pas vraiment eu le choix.
— Ou tu pourrais dire que cela te fait plaisir, roula-t-il des yeux.
— A quoi bon ? Tu le sais déjà.
Elle plissa les yeux pour apprécier la réaction d'Eddie. Il se contenta d'hausser la tête, un léger sourire au coin des lèvres. Ce détail l'enchanta. Eddie ferma le coffre et elle lui désigna la porte passager. Assise, prête à démarrer, elle remarqua Eddie toujours dehors, seule sa tête était penchée vers l'intérieur. A quoi jouait-il encore ?
— Il a un problème ? demanda-t-elle à Christopher.
— Je ne sais pas.
— Je suis censé faire quoi de ta caisse de secours ? s'expliqua Eddie en désignant l'objet. Vu qu'elle ne doit rester accessible.
— Oh, ça ! On va la mettre derrière.
De nouveau, elle sortit de la voiture et empoigna la caisse qu'elle transporta vers les sièges arrière.
— Coop, pousse-toi un peu. Et voilà !
Le problème réglé, elle ignora les moqueries d'Eddie et démarra. La musique se déclencha et elle abaissa le son qu'elle avait augmenté quand Lay all your love on me avait commencé. Elle n'en était qu'à la moitié de la chanson, mais elle allait leur éviter un concert dès huit heures du matin.
— C'est donc vrai ton culte pour ABBA ? la taquina Eddie.
— Tu as tant à apprendre sur moi ! chantonna-t-elle. J'ai plusieurs passion dans la vie : être pompière, le sport, ABBA dont Mamma Mia !, rester dans mon canapé à regarder la télévision, Bon Jovi, Stephen Sanchez et… TAYLOR SWIFT !
— J'adore Taylor Swift aussi ! s'exprima Christopher.
— J'ai toujours su que tu étais une valeur sûre, Chris ! s'exclama-t-elle en tendant la main derrière pour qu'il tape dedans.
— Des goûts aussi paradoxaux que toi, constata Eddie.
— Cesseras-tu de me juger un jour ? fronça-t-elle les sourcils.
— Tu adores que je te juge.
Elle ne le contredirait pas car il avait raison.
— HEY !
Bien entendu, Bobby et Athena étaient les premiers sur les lieux du campement. May et Harry les accompagnaient. Calipso remarqua l'absence de Darius, elle ouvrit la bouche, mais May la pria taire d'une œillade. Elle aurait les informations plus tard.
Ils se saluèrent avec beaucoup d'excitation. Des semaines qu'ils organisaient ce week-end entre eux ! A la vue du sourire de Bobby, Calipso déduisit qu'il était le plus heureux d'entre eux.
Après de longs mois sans se voir, Harry et Christopher s'installèrent à l'écart. Calipso les comprenait, elle aurait détesté rester avec d'ennuyeux adultes. Coop était de cet avis car il suivit les garçons sans même un regard en arrière. Ce chien la désespérait de plus en plus depuis leur arrivée. Il semblait qu'elle n'existait plus à ses yeux.
Peu importait, elle aida Eddie à sortir les affaires de la voiture. Ils les rassemblèrent avec celles de Bobby et Athena.
— Commençons à monter les tentes ! proposa Bobby en se frottant les mains.
Digne d'un bon capitaine, pensa Calipso.
Trois pompiers, une sergente de police et May, l'affaire fut vite pliée. Hen, Karen, Denny et Ravi arrivèrent et en dernier, bien après tout le monde, ce fut au tour de Chimney, Maddie, Jee et Buck. Les étapes furent les mêmes : grandes embrassades de bonheur et montage de tentes.
— Le programme ! s'exclama joyeusement Bobby. Nous nous installons tranquillement.
— D'après ce que je vois l'installation est faite et cela n'a pas été fait tranquillement, se moqua Buck.
— Laisse-le donc, il est heureux ! le sermonna Athena.
— Si j'avais su que ce serait un week-end de travail non rémunéré, ajouta Chim.
— Ecoutons donc ce qu'a à nous proposer Bobby, fayotta Calipso.
— Merci, Cali ! Cet après-midi, accrobranche. Ce soir, chamallows grillés.
— On a le droit d'allumer des feux de camp en plein été ? Ce n'est pas risqué ? s'inquiéta Hen.
— Nous sommes pompiers, Hen. J'ai tout prévu. Demain matin, balade en forêt. Demain après-midi on remballe tranquillement. Et nous pourrons partir en début de soirée comme prévu.
En chemin vers l'accrobranche, Calipso en avait profité pour discuter avec Karen. Elles ne se croisaient que très rarement et c'était toujours un plaisir d'être avec elle. Elle dut s'éclipser quand Jee-Yun lui tendit la main. Une main dans celle de son Oncle Buck et une dans la sienne, Jee s'écria :
— SAUTE !
Pardon ? Qu'entendait-elle par « saute » ? Les enfants étaient un réel mystère. Calipso appela à l'aide Buck d'un coup d'œil. Il lui indiqua, grand sourire, ce qu'attendait la petite fille. Buck et Calipso maintinrent l'épaule de Jee et Buck décompta :
— 3… 2… 1…
Ils élevèrent Jee-Yun dans les airs dans un mouvement de balançoire et la petite fille rit aux éclats. Le cœur de Calipso fondit de tendresse. Cela lui décrocha un léger rire aussi. Jee était vraiment l'être le plus mignon sur Terre. Comment aurait-elle pu en être autrement quand elle avait une mère aussi douce que Maddie et une crème de père comme Chimney ?
Si Calipso avait un enfant un jour, jamais il ne serait aussi mignon. Enfant, avant la mort de ses parents, elle débordait d'énergie, semblable à une pile électrique. Sans compter le fait qu'elle était très provocatrice. Oh que oui ! Son enfant serait, à quatre-vingt-dix pour cent sûre, une terreur. Si tant est qu'elle avait un enfant un jour.
Jusqu'à leur arrivée à l'accueil de l'accrobranche, Jee s'envolait tel un oiseau en liberté. Ses rires ne s'étaient pas éteints, ils avaient illuminé chacun de leur visage. Calipso s'accroupit pour lui faire un bisou sur la joue et la laissa avec Maddie. Buck et elle rejoignirent les autres pour s'équiper, un petit rappel à leur quotidien.
En haut d'un grand arbre, tout le monde s'élançait à la tyrolienne. Christopher fut aidé par un mécanisme adapté, Buck l'aida à démarrer et il fut récupéré par Eddie. Calipso profita du départ de Buck et de sa presque intimité avec Ravi pour lui lancer :
— J'ai une proposition.
— Je savais que je n'aurais pas dû venir, soupira Ravi et elle crut qu'il allait sauter sans même accrocher son mousqueton.
— Ne dis pas de bêtises !
Il s'élança pour lui échapper. Quand il atterrit à l'autre bout, Calipso agita sa main d'un « coucou ». Il l'ignora. Apparemment, il avait oublié son humour dans sa tente.
A son tour, Calipso accrocha son mousqueton au câble et y glissa. Elle s'extasia du vent chaud, provoquée par la vitesse, sur son visage. Quel bonheur de vivre ce moment de liberté. Elle balança ses pieds en avant pour cogner contre le coussin et retomber sur ses pieds à l'arrivée. Un jeu d'enfants à côté des missions.
— J'ai discuté avec May, reprit-elle quand ils passèrent les premiers obstacles et qu'ils avaient gagné un peu de distance sur les autres. On peut s'arranger pour proposer une balade dans les bois et par un quelconque moyen, on prend un chemin différent. On vous perd Buck et toi. Et… Tu connais la suite.
— Je suis étonné que tu ne te sois pas contentée d'une balade seule avec Eddie, évita-t-il le sujet en se moquant.
— Très drôle.
Quand on parlait du loup, Eddie atterrit juste derrière elle. Ravi pencha sa tête pour le voir et Calipso détesta son petit air si innocent, qui était loin de l'être.
— Justement, Eddie, Cali et moi étions en train de parler de toi. Je te laisse lui proposer ton idée ?
— Tu es détestable, répliqua-t-elle en serrant les dents.
Il s'échappa au prochain obstacle, fier de lui. Calipso choisit d'attendre la fin du parcours pour revenir à la charge. Sans quoi la finalité serait terrible : soit il enfoncerait le clou avec Eddie, soit il aurait vite fait de la pousser pour ne plus l'entendre. Elle souhaitait éviter un drame. Ce n'était pas le week-end pour. C'était un bon week-end en famille, tout simplement.
— Alors ? s'impatienta Eddie.
Il était proche d'elle, sûrement à cause de l'étroitesse de la plateforme qui n'acceptait pas plus de trois personnes. C'était l'excuse qu'elle se trouva, car elle diminua l'espace qui les séparait. Plus proches ils étaient, mieux elle était.
Ces derniers temps, Calipso avait envisagé briser les limites qu'elle se fixait. Elle en mourrait d'envie. Elle aurait pu saisir la perche qu'avait tendue Ravi et proposer quoi que ce soit à Eddie. Elle aurait pu avec un mental d'acier.
Son feu ardent se nourrissait de ses angoisses. Il détruisait les quiétudes environnantes. Il était incoercible et effrayant. Sa lutte était vaine. A chaque fois qu'elle était au bord d'effectuer le grand plongeon, son courage devenait cendres, consumé par les flammes.
Comme maintenant.
— May et moi voulions nous balader dans les bois avec Buck, Ravi et toi. L'objectif ? Perdre Buck et Ravi, raconta-t-elle la vérité plutôt que s'engouffrer vers une voie sans issue.
— Et Ravi était d'accord ? s'étonna Eddie, il rattrapa Christopher termina l'obstacle.
— Non ! Il a refusé, mais je ne lâche pas l'affaire ! Tout cela pour dire que cela n'empêche pas une promenade. Partant ?
— Si Bobby nous laisse un temps libre, bien sûr.
Ohhh. Elle préféra fuir ce sourire charmeur, dont elle ne résisterait pas. Elle se concentra sur le rond indépendant et enjamba les dix suivants avec facilité. L'équilibre, elle connaissait.
Sur la terre ferme, Ravi l'attendit d'un air las. Il savait qu'elle n'avait pas dit son dernier mot. Elle regarda derrière elle, Eddie pliait les jambes pour prendre de l'élan à la tyrolienne. Ils avaient donc du temps.
— Sinon, on a la solution de repartager les tentes, déblatéra-t-elle. C'est moins discret, mais… C'est une solution. Tu te mets avec Buck et…
— Stop, Cali ! l'arrêta-t-il en posant son index sur sa bouche. Je sais que tu es pleine de bonne volonté. Mais non.
Il lui attrapa le bras et la tira un peu plus loin quand Eddie trouva la terre ferme. Les autres ne tarderaient pas à suivre et Ravi tenait à son intimité. Il baissa le ton et sa voix ne fut que des murmures :
— Je… Ecoute… Tu commences à accepter, à admettre et à ressentir pleinement tes sentiments pour Eddie. C'est vraiment cool ! Ce n'était pas trop tôt ! Moi, j'ai pleinement conscience que Buck est totalement mon genre. Cependant, cela n'ira jamais plus loin. Pour la simple et bonne raison que ce n'est qu'un béguin. Je ne ressens aucun sentiment supplémentaire, hormis une relation fraternelle comme je l'ai avec toi ! Donc, s'il te plait, est-ce que je peux compter sur toi pour arrêter de me bassiner avec cela ?
— D'accord, promit-elle, malgré elle, en souriant. Désolée.
— Et toi ? murmura-t-il à son oreille. Quand te jettes-tu à l'eau ?
— Quand je serai certaine de ne plus avoir peur, confia-t-elle en regardant Eddie arriver.
— J'ai eu l'accord du département des pompiers pour allumer un feu, expliqua Bobby. J'ai des extincteurs, vous avez le vôtre dans vos voitures et Cali a sûrement les siens, elle approuva d'un signe de tête. Nous allons être précautionneux et humidifier le sol autour.
— N'empêche qu'il suffit d'une braise et… commença Calipso.
— Cela peut aussi très bien se passer, dit calmement Bobby.
Si prendre le risque de déclencher un incendie ingérable lui faisait plaisir, il s'agissait de sa responsabilité. Il était capitaine après tout. Bobby alluma le feu avec soin. Calipso l'observa, bras croisés, dubitative. S'ils ne finissaient pas brûlés vifs, elle s'estimerait chanceuse.
— Tiens, prends un paquet de chamallows et va t'asseoir, lui demanda Athena.
Elle lui tendit un sachet ainsi que des broches. Calipso la fixa, sérieusement ? Athena ferma son visage et Calipso ne broncha pas. Athena ne lui demandait pas, elle lui ordonnait. Calipso lui arracha le paquet, elle avait la sensation d'avoir de nouveau dix ans. Elle s'assit entre Ravi et Chimney.
En face d'elle, le visage d'Eddie se mouvait à cause des flammes. Il lui sourit. Elle fondit. Comme toujours, le feu les séparait. Et voilà qu'elle recommençait à regretter ne pas avoir affronté ses craintes. S'ils avaient pu se promener, mais ils n'en avaient pas eu l'occasion, elle était certaine que Ravi et May auraient retourné le plan contre elle.
Tout aurait été plus simple.
— crunchcruncrunch.
Des bruits désagréables de mâchouillements l'aidèrent à éviter de sombrer dans les eaux troubles du doute. Du coin de l'œil, elle regarda avec dégoût Chimney qui avait la bouche pleine. Il se préparait une nouvelle brochette de guimauves. Il la donna à Jee et en fabriqua une deuxième, puis il agité les deux brochettes au-dessus du feu.
— Tu sais que tu as le droit d'en reprendre ? demanda Hen, sourcils froncés, Calipso n'était pas la seule à le juger.
— Ch'sais. Ch'est chuchte bien myeur ! répondit-il la bouche pleine, il déglutit. N'est-ce pas Jee ?
— OUIIII !
La petite fille croqua à pleines dents dans sa brochette et eut le mérite de faire rire l'assemblée. Le repas fut sans aucun doute délicieux, même si Calipso n'en dévora pas autant que les Han. Elle avait une préférence pour les pots de glace, mais ce n'était pas l'idéal pour un camping.
Leur petit festin terminé, Bobby éteignit le feu avec un seau d'eau. Chacun sortit ses lampes de poche. Les lumières l'aveuglèrent. Le cœur de Calipso tambourina. Elle n'avait pas pensé à l'effet de poche. Son cœur serra, comme si une personne l'empoignait. Calipso évitait toujours les lampes de poche, préférant la lumière proposée par son portable. L'hyperventilation la guettait. L'air manquait. Les lampes de poche réveillaient les mauvais souvenirs.
Je dois te parler, Calipso.
Elle ferma les yeux pour chasser ces paroles qui hantaient ses esprits. Elle connaissait cette conversation. Mots pour mots. Ce n'était pas le moment de la revivre. Non.
Ma place n'est pas ici.
La bouffée d'angoisse s'étendit de son cerveau à sa poitrine. Ses bronches se serraient. Elle devait y remédier. Vite. Calipso se leva, les regards fixés sur elle :
— Envie pressante, se défendit-elle.
Elle s'échappa entre les arbres. Elle se cogna dans un tronc, mais s'en moqua. Une branche craqua sous son pied, puis une autre. La terre était sèche, elle s'écaillait à chacun de ses pas. L'obscurité l'enveloppa et seuls les hululements des chouettes l'accompagnèrent.
Cree en ti como yo creo en ti.
— Tais-toi, grogna-t-elle les mains sur les oreilles.
La voix était si claire, comme si elle était toujours là. Elle n'était jamais vraiment partie, mais elle était discrète.
— Se promener seule dans les bois en pleine nuit n'est pas très sécuritaire.
Ce n'était plus la même. La voix était plus grave, plus adulte.
Calipso se retourna. La lune éclaira le visage empathique d'Hen. Elle s'approcha, Calipso resta immobile. Les échos jonglaient dans sa tête, dans de fins murmures, prêts à s'évanouir jusqu'à la prochaine faiblesse.
Sa tête pivota en arrière, ses yeux trouvèrent son étoile. La Calipso-Edmundo. Les échos disparurent dans un long sifflement, comme celui des vieilles locomotives.
— J'allais revenir, se justifia-t-elle. Je n'avais pas vraiment envie d'aller aux toilettes.
— Tu vas bien ? s'enquit Hen. Tu m'as bousculée avant d'entrer dans les bras, tu as à peine réagi.
Ce n'était donc pas un arbre.
— Je t'ai trouvée bouleversée, conclut Hen.
— Les lampes de poche… Mauvais souvenir…
— Tu veux en parler ?
— Non, ce n'est rien de très important. Je me sens déjà beaucoup mieux.
Faux.
— Tu sais… Si Bobby a tenu à organiser ces deux jours, c'est simplement pour resserrer les liens. Nous avons besoin de ces moments ensemble. N'hésite plus à parler, Cali. Nous sommes là.
Et elle ? Pour combien de temps était-elle là ?
— Je n'hésite pas. Ce n'est juste pas important. On peut y retourner.
Hen n'insista pas, elle lui tapota l'épaule. Calipso lui sourit.
Malheureusement, leurs anciennes places avaient été perturbées. Heureusement, aucune n'était à côté d'Eddie. Calipso choisit celle à côté de Buck. Elle lui donna un gros coup d'épaule pour l'embêter. Buck la prit par les épaules et frotta son poing contre son crâne. Elle en rigola. Il partagea son plaid avec elle et elle posa sa tête contre son épaule.
Ils étaient là. Elle réalisa à quel point ils étaient tous si importants pour elle. Elle avait enfin trouvé sa place. Accepter que son morceau de puzzle s'imbrique à eux signifiait l'engagement, en était-elle prête ?
Calipso se laissa tomber sur le matelas gonflable, qui couina sous son poids. Elle gigota pour estimer le confort. Ce n'était vraiment pas un palace, encore moins son lit. Elle enleva son T-shirt pour enfiler son pyjama.
— Vraimentpasleluxe, ronchonna-t-elle.
— De nous trois, tu es celle qui va t'endormir tout de suite et qui ne se réveillera pas de la nuit, constata Ravi. Pourquoi râles-tu ?
— Je ne râle pas, s'outra-t-elle, avec théâtralité, en portant la main à son cœur. Je constate simplement que les matelas gonflables, ce n'est pas ce que je préfère.
— Tu devrais prendre la place de Coop dans la voiture, plaisanta May.
— Et subir les foudres de Bobby ? Non merci.
De la paume de sa main, Calipso tapota son oreiller pour lui donner la forme idéale. Elle se faufila dans son sac de couchage et s'emmitoufla, tel une chenille dans son cocon. Elle bâilla à s'en décrocher la mâchoire, réveillant tout le comté de Los Angeles. Ses yeux se fermèrent. D'ici quelques secondes, elle serait endormie.
— Darius m'a demandée en mariage, déclara May.
— QUOI ?
Okay. Elle ne dormirait pas maintenant.
Calipso se releva, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte. Ravi portait le même visage. La surprise était générale.
— CHUT !
Les exclamations provenaient des différentes tentes. Hurler n'avait pas été la meilleure réaction. May la foudroya d'un regard noir.
— Tais-toi, grinça-t-elle des dents.
Le visage de May était toujours doux, au contraire de celui qu'elle arborait, à cet instant elle ressemblait à Athena dans ses mauvais jours. Calipso préféra obéir. Elle rampa avec difficulté en arrière et s'extirpa de son sac de couchage pour s'asseoir en tailleur, prête à écouter. Pas encore autorisée à prononcer un mot, elle fit les gros yeux à Ravi pour qu'il désamorce le silence.
— Et tu as dit quoi ? demanda-t-il.
— Je suppose que cela à avoir avec son absence ? ne put s'empêcher de s'enquérir Calipso.
— Ce n'est pas que je ne veux pas, grimaça May, il était clair qu'elle était aussi triste de sa réponse. Je ne sais pas… J'ai vingt-deux ans et nous n'avons pas forcément besoin de cela.
— Eum… répondirent Ravi et Calipso.
Ils s'observèrent. Quelle réponse était la plus appropriée ? Ils n'en avaient aucune, car ils n'étaient pas les références en termes de sentiments, d'amour qui plus est. Cependant, la détresse de May était palpable. Elle avait besoin d'eux. Elle oscillait son regard entre eux.
— Vous n'êtes pas d'accord ?
— Je te comprends, dit Ravi. Je ne sais juste pas quoi te dire… Je n'ai jamais eu de relations assez sérieuses pour penser au mariage.
— Je n'ai jamais eu à me poser la question, enchaîna Calipso. Il faudrait déjà que je trouve quelqu'un pour avoir un avis. Mais je confirme que le mariage n'est pas une nécessité.
— Que tu trouves quelqu'un…
May éclata de rire. Calipso déduisit, qu'étant donné la conversation, la nervosité était la cause.
— CHUT !
Le rire de May s'éteignit aussi vite qu'il était apparu. C'était mieux pour elle si elle ne voulait pas attirer l'attention, constata Calipso. Quant à elle, elle lança des regards interrogateurs à Ravi. Vu son air, il était de l'avis de May. Ils cherchaient très clairement à lui faire passer un message.
— Quoi ? demanda-t-elle.
— Rien, laisse tomber, conclut May. Sinon… Imaginons. Vous avez avec vous LA personne, celle que vous aimez vraiment.
Son imagination et sa créativité auraient dû être mobilisées. Elles n'avaient jamais été ses points forts. Cette consigne aurait dû lui demander un effort inconsidérable, aussi essoufflant que monter les escaliers du plus haut immeuble de Los Angeles avec tout son équipement.
Pourtant, elle y parvint avec naturel. La réalité fut sa première pensée. L'image était nette. Une seule personne avait infiltré son esprit, comme une évidence.
Ce n'étaient pas de simples sentiments qu'elle ressentait. C'était le vrai amour. Le pur et dur. Celui qui vous habitait et vous consumait. Il lui traversait la peau et parcourait chaque partie de son corps. Oh il la hantait.
— Ce n'est peut-être pas le bon moment, commença Ravi, lui permettant d'échapper à l'impossible. Je pense qu'il faut t'écouter. Si tu n'es pas prête, tu en as le droit. Pour le mariage… Pourquoi pas, mais une nouvelle fois, c'est une question de point de vue. Personne n'a le droit de te juger. Il faut simplement que Darius et toi soyez sur le même chemin.
— Oui, tu as raison, réalisa May.
Puis, elle se tourna vers Calipso. May tenait à son avis, elle avait besoin d'elle. Cependant, Calipso était plus perturbée par son propre sentiment que par la question de May. Elle glissa son bracelet de perles autour de son poignet. Il était temps d'improviser sans transparaitre cet égarement.
— Je ne sais pas… souffla-t-elle en prenant appui sur ses mains. Un mariage, je trouve cela un peu surcoté. En effet, ce n'est pas grand-chose, bafouilla-t-elle avant de parler avec son cœur, car le scénario défilait dans sa tête. Mais… Une simple petite fête au nom de l'amour avec des amis et de la famille, sans une réelle cérémonie. Un moment à l'image des deux personnes, n'est-elle pas la plus belle preuve d'amour ?
Il n'eut plus aucun bruit. Elle était perdue dans le vide, partie dans un univers inaccessible. Cela ressemblait à un conte de fées, une histoire écrite dans les étoiles pourtant irréalisable. Mais cette bulle de bonheur l'éveillait et l'émerveillait. Pourrait-elle s'autoriser un tel bonheur ?
— Wow, s'étonna Ravi, surpris d'une telle réflexion de sa part.
— C'est pas mal ça, trouva May.
— Est-ce le mariage le problème ou Darius ? répliqua Calipso.
— Le timing, répondit du tac au tac May. J'aimerais finir mes études. J'aimerais travailler. J'aimerais juste profiter avant cela.
— Tu lui as dit ? s'assura Ravi.
— J'ai essayé, mais… Il n'entendait que le non.
— Désolé de dire cela, reprit Ravi, mais il faut que vous en discutiez en toute honnêteté. Le même chemin, May.
— Et pense à toi, ajouta Calipso. Ecoute-toi.
— Vous avez raison. Merci.
Elle enroula chacun de ses bras autour d'eux et les étreignit. Calipso caressa le dos de May et croisa le regard de Ravi. Tous les deux s'étaient compris : pour May, pour lui et pour elle.
Comme prévu par le programme de Bobby, leur deuxième journée se résuma en une longue balade dans les bois. Entre marche, farces et rires, aucun moment n'avait été si positif. Il n'y avait eu qu'eux pendant toute la matinée. Puis, ils avaient joué à quelques jeux de société avant de ranger toutes les affaires.
La nuit tombait quand ils chargèrent les voitures. Hen, Karen et Denny partirent avec Ravi. Chimney était en train d'accrocher Jee-Yun quand un démon posséda Coop. Prise au dépourvu, Calipso le suivit des yeux. Il courrait comme un fou autour des voitures, dans des dérapages non contrôlés. La poussière virevoltait autour d'eux. Ses aboiements rauques ambiançaient le campement. Son chien avait un pete-au-casque. Calipso inclina la tête et plissa les yeux, à quoi jouait-il ?
— Coop ! l'appela-t-elle. Viens-là. On y va.
Ah. La naïveté. Coop se moqua d'elle et tourbillonna autour de leur voiture avant d'entamer le sprint de sa vie. Il bouscula Chim et sauta dans l'espace libre pour rejoindre la voiture des Buckley-Han. Coop couina et posa sa tête sur les genoux de Jee-Yun. Bien sûr, il prit soin d'éviter Calipso. Elle inclina la tête et plissa les yeux, à quoi jouait-il ?
— COOP. VIENS-LA. MAINTENANT.
— WOUF !
Elle commençait sérieusement à s'agacer. Elle était la seule. Tout le monde l'observait sans savoir comment réagir, seuls des sourires moqueurs les trahissaient. Jee-Yun rigolait délibérément.
— Il veut être avec moi, dit la petite-fille.
— Qu'est-ce qu'il lui prend ? maugréa Calipso.
Elle s'approcha de Coop, mais comme rien n'était simple et qu'il avait décidé de faire sa tête de mule, il s'allongea sur le dos pour limiter les prises. Calipso lui ordonna une nouvelle fois de venir. Rien n'y faisait, Coop ne souhaitait pas la suivre. Bobby la tira en arrière pour lui demander d'abandonner. Contrariée, elle désigna son chien de la main :
— Jamais il ne désobéit… Coop, en voiture !
— WOUF !
Quelle insolence ! Son aboiement fut suivi de longs couinements. Jee, toute souriante, caressa la tête de Coop. Maddie posa une main sur le bras de Calipso.
— Laisse-le, lui dit Maddie, avant de rejoindre sa place dans la voiture. On te le ramène demain. Jee sera heureuse.
A son tour, Chimney monta à la place du conducteur. De l'extérieur, Calipso croisa les bras, chiffonnée, quand il caressa Coop.
— Et Chim, ajouta Maddie.
— N'empêche que je ne comprends pas, souffla Calipso.
Buck arriva derrière elle. Il la décala légèrement pour se faufiler dans la voiture. Il joua des épaules pour trouver sa place entre le chien et le siège enfant de Jee. Raison de plus pour que Coop cesse son cinéma :
— Allez, viens-là, Coop. Tu vois bien que Buck n'a pas de place.
— T'inquiète, c'est bon ! lui assura Buck d'un pouce en l'air.
Il ferma la portière. Ah ! Et si aucun d'entre eux n'était solidaire, jamais elle ne parviendrait à garder de sa crédibilité !
Après des signes de main, la voiture de Chimney et Maddie disparut sur la route du retour. Calipso, toujours aussi contrariée, dit au revoir aux derniers restants.
— Bon courage, murmura-t-elle à May en l'embrassant sur la joue. Tu sais que la porte t'est grande ouverte si tu as besoin.
May la remercia, puis Calipso salua Harry et Athena. Enfin, elle adressa un sourire reconnaissant à Bobby qui le lui rendit. Il lui tendit les bras. Elle accepta cette étreinte et se laissa bercer par autant d'affection. Elle était proche de tous les membres de la 118, sans exception. Il était évident que chacun lui apportait une valeur particulière. C'était le cas de Bobby.
Dès son arrivée à la caserne, il lui avait offert une nouvelle chance de faire ses preuves en tant que pompière. Il lui avait offert la 118 et ce sentiment d'appartenance. Tout de suite. Il l'avait encouragée et prise sous son aile. Parfois, elle avait l'impression que Bobby ne doutait jamais d'elle. Il était en quelque sorte la figure parentale qui lui manquait. Elle n'était pas prête à l'accepter. Ce serait irrévocable.
Toutes les voitures parties, Eddie lui donna un coup de coude et se dirigea vers la voiture pour aider Christopher à s'y installer. Calipso contempla une dernière fois les lieux de ces deux jours, bien évidemment inoubliables. Une chaleur, bien différente de son habituel feu, se dispersa dans sa poitrine.
— Cali ! l'appela Eddie. Envoie les clés, je conduis !
Elle sortit les clés de sa poche et lui lança avec perfection. Eddie les rattrapa d'une main. Sacré duo de choc. Argh, elle recommençait.
Calipso s'assit sur le siège passager de sa voiture. Elle posa son coude sur la portière et sa tête tomba avec nonchalance sur son poing. Venait-elle vraiment de laisser son chien à Chim et Maddie parce que Môôônsieur Coop était capricieux ?
— Tu ne vas pas faire la tête pour ça ? se moqua Eddie en démarrant le moteur.
— Il n'a pas à faire ça ! s'exclama-t-elle. Il n'a jamais fait ça, je ne comprends pas !
— Nous aussi, on pourra prendre Coop un jour ? demanda Christopher.
— Et bien écoute, ronchonna-t-elle, s'il était venu tu aurais pu le prendre ce soir, mais…
— Tu vas t'en remettre, la coupa Eddie en tapotant sur son épaule.
Elle se retourna vers lui, un regard désabusé. Comme souvent, Eddie se contenta de lui sourire, amusé. Eddie déclencha Spotify. Du coin de l'œil, elle observa quelle musique il allait bien pouvoir choisir.
— Bon, qu'est-ce qui te remonterait le moral ? ABBA ? Taylor Swift ? Stephen Sanchez ? Bon Jovi ?
— Moi, je veux bien Taylor Swift ! intervint Christopher.
— Je ne dirai jamais non à du Taylor Swift, accepta-t-elle bien plus joyeuse.
— Allez Taylor, fais-nous rêver, commenta Eddie.
State of grace (Taylor's version) posséda les enceintes de la voiture. Au moins, son voyage vers la maison serait agréable. Les chansons s'enchaînèrent, Calipso et Christopher entraînèrent leurs meilleures vocalises au grand désespoir d'Eddie. Alors que les premières notes de Fifteen (Taylor's version) débutaient, annonçant un moment plus calme, Calipso croisa les bras derrière sa tête et posa ses pieds sur le tableau de bord.
— Enlève tes pieds de là ! gronda Eddie.
Sa main quitta le volant pour pousser les jambes de Calipso. Elle contracta ses muscles pour lutter contre sa force.
— Pour une personne préventive, au point d'avoir une caisse de secours dans sa voiture, je suis étonné de te voir prendre un tel risque ! ajouta-t-il. Si on a un accident, tu ne viendras pas te plaindre quand tu seras désarticulée !
— Encore faudrait-il avoir un accident, soupira-t-elle et il la foudroya du regard. Je ne savais pas que tu t'inquiétais tant pour moi, Edmundo.
Il souffla, désespéré et poussa une dernière fois sa jambe. Il l'observa du clin de l'œil, d'un air sévère.
— Ça ne date pas d'aujourd'hui, Calipso, la provoqua-t-il. J'ai toujours été là pour toi.
Elle s'étouffa avec sa salive. C'était inattendu. Il l'emportait sur un terrain glissant. Elle reposa ses pieds au sol, ils avaient causé assez d'ennuis comme cela. La prochaine fois, elle apprendrait peut-être à se taire. Pour la première fois depuis le début du trajet, elle ne le regarda pas. Elle ne croiserait pas son regard, hors de question !
— Okay… Ça vaut ma caisse, bredouilla-t-elle avant de changer de sujet. Ah ! J'ai tellement hâte de retrouver le confort de mon lit !
— Tu n'as passé qu'une nuit dans une tente, remarqua-t-il et sa voix reflétait l'agacement.
— C'est déjà é-norme.
A l'arrière, Christopher s'était endormi. Impressionnant, elle avait de la concurrence. Si elle n'aimait pas être une bonne copilote solidaire, le sommeil l'aurait bien tentée. Elle reporta son attention sur Eddie, il ne la regardait plus, concentré sur la route. Comme elle, il avait le coude posé contre la fenêtre, la tête sur son poing. Ce n'était pas la position la plus sécuritaire pour conduire, mais elle n'allait pas lui faire remarquer. Il soupirerait encore. Et elle n'était pas sûre de sortir vainqueur d'une nouvelle confrontation. La dernière réflexion l'avait propulsé à des milliers de points devant elle.
J'ai toujours été là pour toi, avait-il dit. C'était vrai. Depuis, il paraissait vexé. Peut-être n'aurait-elle pas dû l'ignorer. Qu'aurait-elle pu répondre à la place ? Argh. Il la poussait dans ses retranchements. Elle mordit dans sa lèvre… L'avait-elle blessé ? Ce n'était pas son but.
Alors, elle ne s'arrêta pas de le fixer, espérant qu'il ne la remarque pas.
Peu importait les sentiments qu'elle avait, volontairement, refoulés depuis des mois. Elle devait admettre avoir apprécié effectuer ce trajet avec Christopher et lui. Elle admira chaque trait de son visage qu'elle avait appris à connaître depuis bientôt un an. D'abord indifférente, elle s'était vite laissé charmer.
Désormais, il lui était difficile de camoufler ses émotions en sa présence. La preuve, depuis quelques minutes. Sa réaction n'était pas anodine. Peut-être était-il temps de se jeter à l'eau ? Peut-être même pourrait-elle leur proposer de rester la nuit chez elle si cela leur permettait de garder du temps à deux. L'air était toujours plus respirable en leur présence.
Elle se gardait quelques minutes pour estimer si cette décision était raisonnable. Elle pourrait accepter de s'épanouir dans cet amour, si cela était réciproque. Le risque valait sûrement d'être vécu, elle pouvait aller de l'avant.
Après tout, il était évident qu'elle se sentait bien mieux en la présence d'Eddie. Il équivalait le bien-être de la mer, une multitude de positif qui l'apaisait juste à rentrer dans la même pièce.
Comme un nouvel air, elle respirait de nouveau.
De plus en plus possédée par un embrasement, elle détourna le regard vers la route. La nuit était tombée et les feux de la voiture éclairaient leur chemin. Elle n'aimait pas conduire la nuit, elle était éblouie. Elle avait bien été heureuse quand Eddie s'était proposé pour prendre le volant.
Tout était calme, seule la voix de Taylor Swift camouflait le bruit du moteur.
This is me praying that
Argh. Le meilleur passage de la chanson débutait. Elle serra les dents pour se retenir de couvrir la voix de Taylor. Elle ne voulait pas se donner en spectacle, encore moins réveiller Christopher.
This was the very first page
Not where the story line ends
My thoughts will echo your name, until I see you again
These are the words I held back, as I was leaving too soon
I was enchanted to meet to you
Elle fredonnait la chanson dans la tête et remuait la tête en rythme avec la musique. D'accord, se retenir de chanter, mais elle était incapable de rester impassible. Pas sur Enchanted (Taylor's version), jamais ! C'était impossible. Pas sur cette chanson. Et beaucoup d'autres, certes.
Please don't be in love with someone else
Please don't have somebody waiting on you
Please don't be in love with someone else
Please don't have somebody waiting on you
Ses doigts sur ses cuisses simulèrent le mouvement des baguettes sur la batterie. La voix de sirène de Taylor la charma. Eddie était focalisé sur la route. Eddie. Elle était d'accord avec Taylor, elle ne voulait pas qu'il ait quelqu'un d'autre. Elle ne le supporterait pas.
Peut-être pouvait-elle s'autoriser le grand plongeon.
This night is sparkling, don't you let it go
Oui. A la fin de la chanson, elle lui demanderait de rester dormir chez elle. C'était décidé.
Si ce n'était pas maintenant, jamais elle ne plongerait.
Rien ne l'arrêterait.
I'm wonderstruck, blushing all the way home
Les iris noisette d'Eddie se posèrent sur elle. Elle s'empourpra. Ce serait dur de prononcer ces mots, mais la chanson n'était pas terminée. Elle était courageuse, non ? Elle y parviendrait.
Encore une minute et cinquante-trois secondes.
I'll spend forever wondering if you knew
Une femme surgit sur la route. Elle agitait ses bras au-dessus de la tête. Ils se dirigeaient droit sur elle.
This night is flawless
— ATTENTION ! s'écria-t-elle.
En même temps qu'elle, Eddie donna coup de volant. Ils traversèrent la route jusqu'à cogner contre la barrière de sécurité. Le choc les propulsa par-dessus.
La voix de Taylor Swift s'était éteinte.
Un grésillement sifflait. Long. Interminable. Sa tête était lourde. Calipso ouvrit les yeux. Elle les referma.
— Cali ? Tu m'entends ? Cali ?
— Aïe, répondit-elle.
Sa tête était une masse, mais elle la releva. Le sifflement se dissipait. Elle se massa les tempes. Ses yeux s'ouvrirent.
— Chris ? appela la voix d'Eddie. Christopher ?
— J'ai mal à la tête, se plaignit l'adolescent.
— Ta tête a dû cogner plusieurs fois, marmonna-t-elle. C'est normal.
Les yeux d'Eddie et les siens se croisèrent. Il ne trouvait pas cela normal. En effet, cela ne l'était pas vraiment. Mais était-ce le moment de paniquer ? Non, car il n'avait peut-être rien. Calipso tenta de se déplacer pour prendre les choses en main. Elle devait sortir Eddie et Christopher, puis s'occupait de la jeune femme. Une douleur fulgurante surgit dans son épaule et électrocuta tout son bras.
— Aïe. Je… Ah ! Mon épaule.
Elle constata, horrifiée, la luxation de son épaule gauche. Ce n'était pas une bonne nouvelle. Pas maintenant. Eddie et Christopher s'échangeaient des mots qu'elle n'écoutait pas. Elle avait mal. Christopher avait mal. Ils ne devaient pas rester à rien faire.
— Il faut qu'on sorte de là, déclara-t-elle.
De son bras droit, elle se décrocha. Elle pivota et essaya d'ouvrir la portière. Le premier essai fut un échec. Tout comme le deuxième. Une troisième fois. Elle planta ses dents dans sa lèvre, la douleur la tiraillait. Elle s'avouait vaincue.
— Coincée, bien sûr.
— Bloquée chez moi aussi, se désespéra Eddie. La tienne, Christopher ?
— Je n'y arrive pas, s'agaça-t-il plus par peur. Et… Et je crois que je saigne.
— O..kay... Il faut VRAIMENT qu'on sorte de là, annonça Calipso en tentant de garder son calme tandis qu'Eddie gigotait à côté d'elle.
— Ma jambe est bloquée, s'énerva-t-il, il donna un coup de pied au sol.
— Oh… Je… Attends.
Calipso pivota. Elle grimaça. Elle s'abaissa pour avoir une vue sur la jambe d'Eddie. Elle analyserait la situation et prendrait la meilleure décision après. La voiture bascula. Calipso s'agrippa à son siège. La voiture retrouve sa place.
— C'ETAIT QUOI CA ? cria Christopher.
— Merde ! On doit être sur un des bords du chemin de randonnée. Il y a le lac juste en dessous, constata Eddie, un œil par la fenêtre.
Calipso se pencha pour apercevoir le lac et estimer si la voiture avec un réel risque de tomber. La réponse fut instantanée. La voiture vacilla. Encore. Le risque était réel. Aucun pourcentage n'était estimable et elle préférait ne pas le découvrir.
— Cali… Sors Christopher de là, lui demanda Eddie. A chacun de tes mouvements vers moi, la voiture bouge. Si tu te concentres sur moi, on va finir à l'eau.
— Mais… Si on sort, réalisa-t-elle, tu risques de tomber aussi.
— Cela ira, tenta-t-il de la rassurer, en vain. Christopher. S'il te plaît.
Ses mots étaient brefs. Son regard était suppliant. Calipso n'avait pas envie de l'abandonner. Elle ne pouvait pas l'abandonner. Personne. Encore moins lui. Mais ils n'étaient pas seuls et elle ne pouvait pas prendre le risque de mettre en danger Christopher. Juste pour Christopher, elle accepta :
— Okay… Okay… Chris, est-ce que tu vois la caisse ?
— Oui !
— Est-ce que tu arriverais à l'attraper ?
— Je crois… Attends… Oui ! Je l'ai.
— Ouvre-la. Il devrait y avoir un marteau. Cache tes yeux et cogne la vitre.
Le crissement de la caisse l'informa qu'il avait réussi à l'ouvrir. Des cognements métalliques signifiaient qu'il farfouillait parmi les outils. Tout le long, la tête de Calipso reposa sur l'appui-tête, yeux dans les yeux avec Eddie. Tous les deux attendaient la suite. Ces quelques secondes de répit l'apaisèrent. Eddie avait un discret sourire qu'elle interpréta deux manières « Merci » et « Ca va aller ». Un cognement retentit et des éclats de verre explosèrent.
— Okay, nickel, Chris. Est-ce que tu arrives à bouger ?
— Un peu ? répondit-il, l'effroi possédait sa voix.
— J'arrive.
Calipso pria tous les dieux. Si n'importe lequel existait, il était temps qu'il marque sa présence. Elle hocha la tête en direction d'Eddie. Elle se faufila entre les sièges avant, avec difficultés. La voiture bascula. Le cri de Christopher perça dans la voiture. Calipso se retient aux appui-têtes, dents serrées.
Equilibre gagnée, elle poursuivit son chemin. Un lourd effort plus tard, elle se laissa tomber à côté de Christopher. Ils tanguèrent à bâbord, et revinrent à tribord.
— Ça va aller, Chris, le calma Eddie. Cali va te sortir de là.
Aucun doute là-dessus.
Elle se pencha au-dessus de Christopher et trafiqua la poignée extérieure. Après plusieurs essais, la portière s'ouvrit. Victoire. Merci Dieu ou Déesse d'elle ne savait quelle origine.
— Parfait ! Est-ce que tu penses réussir à sortir tout seul ?
— AIDE-LE ! tonna Eddie.
— Il faut que je garde l'équilibre du poids de la voiture ! cria-t-elle, agacée. Laisse-moi faire et occupe-toi de ta jambe !
Christopher se détacha et il s'appuya à elle pour se lever. De sa voix la plus calme, elle le guida jusqu'à la sortie. Il l'écouta, mais trébucha dès son premier pas hors de la voiture.
— AÏE !
— Ça va ? s'inquiéta-t-elle, sinon Eddie allait la tuer.
— Je crois, constata Christopher. Je n'arrive pas à me relever.
— J'arrive.
Un pas à la fois, elle se tourna vers Eddie. Elle ne sortirait pas sans s'assurer qu'il ne craignait rien. Il tentait de dégager sa jambe, mais ses grognements prouvaient qu'il en souffrait. Le cœur de Calipso se fissura, d'une entaille lente et profonde. Comment pouvait-elle partir sans lui ?
— Eddie, je peux t'aider. Tu peux sortir avec nous.
— Non. C'est trop dangereux. Va mettre Christopher en sécurité et appelle le 9-1-1. Nous n'étions pas les seuls en détresse.
— Ça ne me plait pas de te laisser là, dit-elle d'une voix tremblante.
— Tu perds du temps, s'impatienta-t-il.
— Tu m'attends, d'accord.
Ce n'était pas une question. Calipso le priait de l'attendre. Elle frissonnait à imaginer que le pire lui arrive. Elle détestait cette pensée. Elle posa sa main sur son épaule, il en fut surpris.
— Je ne peux pas aller bien loin, remarqua-t-il.
— Tu sais très bien ce que je veux dire !
— Je t'attends, Cali. Je t'attends.
Les doigts d'Eddie effleurèrent sa main. Calipso les lia aux siens. Son cœur palpita. Des larmes embuèrent sa vision. Eddie avait raison, elle perdait du temps. Plus elle restait, plus elle était dur de le laisser, seul, ici. Sa lèvre trembla. Elle devait partir, pourtant elle restait paralysée, comme si le poids du monde lui ordonnait de rester auprès de lui. Le seul inconvénient était que le poids du monde n'avait pas son mot à dire.
Son bracelet de perles glissa. Des chatouillis la grattèrent. Elle saisit du bout des doigts le bijou et le déplaça jusqu'au poignet d'Eddie. Il savait à quel point ce bracelet était important pour elle. Pour Christopher.
— Tu m'attends, répéta-t-elle.
Dans le rétroviseur, elle vit qu'il souriait. A contre-cœur, elle se décala vers la sortie. La voiture bascula, contrairement aux autres fois, elle ne retrouva pas sa position d'origine.
Calipso ferma les yeux. Pourvu qu'elle reste là.
Elle tenta de relever Christopher, mais elle le relâcha tout de suite. La douleur de son épaule la handicapait. Comment allaient-ils faire ? Calipso expira. C'était loin d'être conseillé, au contraire, tous médecins lui auraient de ne surtout pas envisager cette solution. Elle les aurait écoutés, mais elle n'avait pas d'autres choix.
Son pied glissa sous un caillou et elle se rattrapa de justesse au premier arbre. Bon. Elle y était. Elle ferma les yeux et serra encore les dents.
— Tu fais quoi ? demanda Chris.
— A trois, chuchota-t-elle. 3… 2…
Son épaule cogna contre l'arbre.
— AHHH ! hurla-t-elle.
Sa respiration se coupa. Son front heurta le tronc de l'arbre. La douleur foudroya son bras. Des fourmillements picotèrent ses doigts jusqu'à son épaule. Calipso avala un sanglot. Quelle idée ! Elle expira par la bouche.
Okay. Tout était dans la tête. Elle inspira profondément. La douleur était plus supportable. Elle essaya une rotation, bien, l'épaule était plus mobilisable. Plus de temps à perdre, Calipso s'agenouilla à côté de Christopher. Elle enroula son bras autour de lui et le souleva d'un coup sec.
— On y va, mon pote.
La chute avait été interminable. Pourtant, seule une cinquantaine de mètres les séparait de la route. Ils grimpèrent la pente. L'obscurité était aveuglante. Ils manquaient de trébucher à chaque pas. Autour d'eux, le silence était comble. Aucun animal ne les accompagnait. Ils n'étaient qu'eux.
La route atteinte, Christopher s'assit sur un rocher. Calipso marcha jusqu'au milieu de la route et courut sur quelques mètres.
— EH ! cria-t-elle. IL Y A QUELQU'UN ?
Personne. Où était la femme ? Avait-elle prévenu les secours ? Où était-elle ?
— EEEEH !
Aucune réponse. Personne. Il n'y avait que Christopher, Eddie et elle. Pas le son d'un seul moteur. Calipso s'essouffla. C'était donc cela la Loi de Murphy ? Elle la haïssait ! Ses jambes s'alourdirent, à deux doigts de perdre leur fonctionnalité. Cette maudite Loi n'aurait-elle pas pu épargner Chris et Eddie ? Non. Comme toujours la Loi la détruisait par les dommages collatéraux.
— AAAAHHH ! JE VOUS DETESTE ! hurla-t-elle et une larme coula.
Cree en ti como yo creo en ti.
La lune brilla sur elle et la voix l'encouragea, pour une fois. Contrairement aux autres fois, elle avait toutes les cartes en main. Tout reposait sur elle. La Loi de Murphy ne lui prendrait personne d'autre. Elle se retourna et courut jusqu'à Christopher.
— Cali ? demanda-t-il en posant une main sur sa joue.
Elle ne répondit pas. Elle fulminait de colère ou de désespoir, l'un se mêlait toujours à l'autre. Calipso inspecta Christopher de haut en bas. Elle lui prodiguerait les soins nécessaires et elle serait en mesure de rassurer Eddie.
— Okay... Suis mon doigt. Très bien. Tu as dû recevoir un mauvais coup à la tête, mais je pense qu'il n'y a rien de plus grave, elle regarda sa jambe. Par contre, ta jambe est bien ouverte. Enlève ta veste.
Chris s'exécuta et lui tendit son vêtement. Calipso tamponna les contours pour éponger le sang, puis elle appuya le tissu sur la plaie.
— Tiens, lui ordonna-t-elle. Maintiens bien ta veste avec une pression dessus.
A défaut de le soigner, cela limiterait la perte de sang. Calipso garda cette réflexion pour elle, elle ne souhaitait pas l'inquiéter plus qu'il ne l'était.
— Et toi ? se soucia Christopher. Ta tête, tu saignes.
Elle passa la paume de main sur son arcade. Le liquide s'écoula entre ses doigts. Rouge, elle ne s'était pas loupée. La psychologie jouait toujours un rôle primordial. A partir de ce moment, Calipso sentit le filet de sang couler de sa joue. Elle grimaça.
— C'est juste l'arcade, le rassura-t-elle. Ça saigne facilement. Ne t'en fais pas pour moi.
Prochaine étape, Calipso sortit son portable de la poche. Elle avait de la batterie et du réseau. L'étoile Calipso-Edmundo veillait sur eux, que grand bien lui fasse. Cette nuit était loin d'être parfaite, Taylor, mais elle se déroulait au mieux dans les conditions actuelles.
— Je vais appeler le 9-1-1. Je leur donne les informations principales et je te passerai le téléphone pour que tu restes en contact avec eux pendant que je vais chercher ton père. Okay ?
— D'accord, Cali.
De toute manière, il n'avait pas le choix. Calipso l'adorait, mais elle devait sortir Eddie de la voiture. Calipso descendit de deux mètres pour garder une vue sur la voiture. Elle composa le numéro sans détacher des yeux le véhicule, il était toujours stable. Elle posa son téléphone à l'oreille.
Elle quitta du regard la voiture pour vérifier que tout allait bien pour Christopher. Elle leva le pouce vers lui. Il lui répondit de ce même geste. Parfait.
— 9-1-1, quelle est votre urgence ?
Dios gracias, la voix de Josh, le collègue et ami de Maddie décrocha. Il pourrait leur envoyer la meilleure u…
CRIIIIIIIII
Le crissement métallique abima leurs oreilles. La panique l'envahit, sidérée. Ses yeux se posèrent sur la voiture. Son cœur s'arrêta un millième de seconde. Le téléphone s'échappa de sa main. La voiture plongea dans l'eau.
— EDDIE !
Bon... Sorry, not sorry ? :))
Ce chapitre vous a-t-il plu ?
Ahhh... Il avait si bien commencé ! Ces petits flirts entre Cali et Eddie vous plaisent ? C'est bête, mais je me plais à les écrire. La complicité Cali/Chris n'est-elle pas mignonne ?
Et ce petit campement, est-ce que cela vous a plu ? De l'accrobranche aux chamallows grillés ?
Pour Ravi, j'ai longtemps hésité à son couple avec Buck, mais... Je ne sais pas... Ca n'allait pas, comme le dit Ravi, je les vois beaucoup trop comme des frères c'était bizarre. Mais ne vous en faites pas pour Ravi, ni pour Buck, d'ailleurs. ;)
Et May ? Surpris-es de cette annonce (vous n'êtes pas les seul-es) ? Sa relation avec Darius continuera-t-elle après un bon dialogue ? Est-ce qu'une fin s'installe ?
La réaction de Coop, vous attendiez-vous à ce qu'il annonce l'accident ? Ou imaginiez-vous un simple caprice, comme Cali ?
Et on applaudit Cali de s'être enfin décidée à se jeter à l'eau (sans mauvais jeu de mots, hein, eheh) ? La scène de l'accident vous a-t-elle plu (de la route au dernier mot) ? Je l'ai relue un tas de fois, j'ai l'impression qu'il manque des émotions... Le perfectionnisme, j'imagine. Donc n'hésitez pas à me donner votre avis pour que je puisse améliorer cela quand je réécrirai une fois l'histoire terminée (pas tout de suite donc).
Bon... Sinon... Eddie... Désolée... Ca va ? (Vous, hein, pas Eddie...)
Au prochain chapitre : Alors que la voiture coule, Eddie est toujours bloqué. Calipso saute dans l'espoir de le sauver.
