Hello ! :)

Bonne lecture !

CW : Coups de feu, isolement


CHAPITRE 11 – Le coup de grâce

Dans le service d'hôpital où des pleurs de nouveau-nés résonnaient, Calipso s'arrêta devant la porte indiquée par l'infirmière. Elle observa la femme au teint mat, dont les cheveux noirs s'emmêlaient, déposer son bébé dans la nacelle. Calipso toqua du bout de ses phalanges contre la porte et entra.

— Vous partez ? demanda-t-elle.

Surprise, la femme se retourna d'un bond. Calipso la rassura d'un sourire. Elle avait conscience qu'elle n'aurait jamais dû être ici. Leur travail était de porter secours, amener les victimes à l'hôpital et retourner à la caserne. Rien de plus. Calipso avait toujours respecté cette distance, jusqu'à aujourd'hui.

— Ellie se porte à merveille et moi aussi, dit Yasmine. Nous n'avons aucune raison de rester.

— Quelqu'un vient vous chercher ?

— Uber ! répondit Yasmine en agitant son portable. J'appelle et nous serons à la maison en un rien de temps.

— Mmhh… marmonna Calipso.

Par curiosité, Calipso s'approcha de la nacelle. Ellie dormait, les poings fermés contre ses joues rondes. Elle était toute mignonne. Naître à la 118 y était certainement pour beaucoup, tout le monde y était mignon.

— Ne vous fiez pas à sa bouille d'ange, remarqua Yasmine. Elle a cessé de pleurer depuis cinq minutes.

— Vous n'avez vraiment personne ? demanda Calipso, se retenant de caresser la petite main d'Ellie.

— Nop !

— Pas de collègue ?

Après tout, les seuls amis de Calipso résidaient dans son travail.

— Personne, de simples connaissances.

— Je peux vous ramener, si vous voulez. Cela vous évitera de payer un Uber.

Après leur passage à la station, Calipso s'était décidé à acheter sa nouvelle voiture. Elle avait ce besoin de liberté et l'argent tomberait bientôt, bien qu'elle n'en manquait pas. Sur un coup de tête, elle avait craqué pour le Jeep Avenger, couleur Volcano. Un vrai petit bijou. Elle pouvait bien offrir à Yasmine et Ellie l'honneur d'être les premières à tester son véhicule.

Yasmine pliait les draps du lit avec soin quand elle leva un sourcil vers elle. Calipso trouvait qu'elle avait un air omniscient, de ces personnes qui vous connaissaient mieux que vous-mêmes ou qui percevaient l'avenir avec finesse. Déroutante.

— J'accepte, merci, dit Yasmine d'un sourire. Vous aurez le temps de me raconter toute votre histoire avec l'autre pompier. Eddie, c'est ça ?

Quoi ?

Une règle s'imposait : ne jamais faire confiance à une parfaite inconnue et ne pas se laisser attendrir par sa nouveau-née.

— Ne faites pas cette tête, pouffa Yasmine. Je peux vous laisser porter la nacelle ?

Avait-elle le choix ? Yasmine lui plaça la poignée dans la main et quitta la chambre. Une seconde, Calipso seule avec Ellie. Le bébé eut une esquisse de sourire, enfin… Calipso crut le voir. Ellie serait comme sa mère.

— Vous êtes sur quel parking ? passa sa tête Yasmine.

— Celui de la maternité, répondit avec évidence Calipso.

— Beaucoup se trompent et finissent au parking chirurgie, constata Yasmine.

Elle s'éclipsa à nouveau. Cette fois-ci, Calipso la suivit.

Calipso n'aurait jamais pu le concevoir, pour le moment du moins. Pourtant son cœur effaça, d'une gomme imaginaire, la toute nouvelle règle. D'une craie imaginaire, il écrivit : L'amitié pointait le bout de son nez, comme une surprise. Elle se tissait et dessinait le meilleur de nous-même. Là, surprenante et bouleversante.


— 9-1-1, quelle est votre urgence ?

— Palms Middle School. Une élève a glissé dans les toilettes.

Sur les lieux, Bobby, Hen, Chimney, Ravi et Calipso suivirent le principal de l'école. Des élèves déambulaient dans les couloirs, le principal les invitait à rejoindre leur salle de classe, la pause était terminée.

Le cœur de Calipso battait à tout rompre. Le collège avait été si différent que ses premières années d'école. Ses souvenirs étaient clairs, embués d'un flou, comme s'ils ne lui appartenaient pas. Elle secoua la tête. Ce temps-là était terminé.

Le principal les conduisit aux toilettes du rez-de-chaussée. Au sol, une fille de treize ans était assise contre le mur. Hen et Chimney s'approchèrent d'elle, tandis que Ravi et elle s'occupaient de préparer le brancard.

— Que lui est-il arrivé ? interrogea Bobby.

— Nour a glissé, annonça le principal. Elle a perdu connaissance quelques secondes, elle s'est réveillée avec une forte douleur au poignet.

— Gonflements, sensibilité, hématome, c'est sûrement cassé, analysa Hen.

— Les constantes sont bonnes, informa Chimney. Bonne réaction aux stimuli visuels. Ça va aller, ma grande, tu pourras juste profiter qu'on te tienne ton plateau à la cantine !

— Je vais contacter la centrale et appeler l'hôpital. A tout de suite, annonça Bobby.

Chimney et Hen placèrent une attelle pour stabiliser le bras de Nour. L'enfant acceptait chaque manœuvre sans un mot, le ventre de Calipso s'entortillait. Ravi et elle approchèrent le brancard pour transporter Nour. La porte des toilettes dépassée, Calipso porta la radio à ses lèvres :

— On arrive, cap' !

Un pas. Un deuxième. Un troisième.

PAN ! PAN ! PAN ! PAN ! PAN !

Ils se figèrent. Des cris détonèrent. Des portes claquèrent. Des élèves déambulèrent. Les coups de feu étaient interminables.


— RETOURNEZ A L'INTERIEUR ! ordonna Hen.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Bobby dans la radio.

— 118, que se passe-t-il ?

La voix de Maddie s'échappa de la radio, elle s'était connectée à eux. Chimney avait le front plissé, inquiet.

— Il y a un tireur, expliqua Chim. On s'assure que tous les civils sont enfermés.

— Et vous avec ! leur imposa Bobby. Pas de prise de risques. Mettez-vous en sécurité !

— Envoyez des unités, ajouta Hen.

Ravi porta Nour et l'enferma dans une cabine, en conseillant au directeur de rester avec elle. Calipso glissa le brancard à l'intérieur, ainsi le directeur et Nour pourraient s'en servir pour bloquer l'accès aux toilettes. Ravi, Hen, Chim et Calipso coururent dans le couloir pour exercer leur dernière mission avant de se confiner eux-mêmes.

— LE PROTOCOLE ! REJOIGNEZ-VOS CLASSES ET N'EN SORTEZ PAS ! ENFERMEZ-VOUS ! METTEZ-VOUS EN SECURITE ! hurlaient-ils.

Un groupe d'amis, terrifiés, se dirigea vers eux. Calipso leva les yeux au ciel, les adolescents ! Elle les poussa dans un placard à balai :

— Restez là-dedans et ne bougez pas !

La porte fermée, de nouveaux coups de feu éclatèrent. De plus en plus forts. De plus en plus près. Le reste de son équipe avait avancé dans le long couloir du rez-de-chaussée. Calipso aurait dû les suivre. Ses jambes en décidèrent autrement. Ses yeux étaient fixés sur l'escalier en face d'elle. L'étage. Elle irait contre les ordres, mais il s'agissait de son devoir : assurer la sécurité.

D'une foulée, Calipso monta les marches. Elle s'agrippa à la rambarde et s'y appuya pour mieux appréhender son virage. Elle enjamba les marches deux à deux. Horrifiée, elle constata un élève, pas plus vieux que Christopher s'effondrait en haut de l'escalier. Calipso accéléra, baissée pour éviter les balles susceptibles de la viser.

En haut, elle jeta un œil au rez-de-chaussée. Deux garçons, habillés en noir, tenaient un pistolet dans chaque main. Quel âge avaient-ils ? Ils étaient si jeunes… Calipso se dépêcha et traina le garçon au sol jusqu'au croisement d'un couloir. Du sang marquait leur passage, un filet pourpre s'écoulait de la bouche du garçon. Un hoquet de dégoût la saisit. Elle ravala sa bile. Calipso posa sa main sur les plaies du garçon pour limiter l'hémorragie.

— Hey… Je suis Calipso, chuchota-t-elle, priant pour que les garçons ne montent pas. Comment tu t'appelles ?

— L..Leo, hoqueta-t-il.

— Leo, ça va aller. Je vais te…

Un vent froid frappa Calipso, une sensation glaciale trembla le long de sa colonne vertébrale. Un court instant glaçant avant d'être emportée par une tornade furieuse de chaleur. Les yeux de Leo s'étaient éteints. Calipso ne pouvait plus rien faire. Elle avala une bouffée d'air et quitta le pauvre Leo.

Autour d'elle, les couloirs étaient déserts. Un point positif. Personne d'autre ne serait touché. Elle vérifia chaque porte jusqu'au bout du couloir.

— Cap', je suis à l'étage. Vous en savez plus ?

— On cherche à identifier les tireurs. METS-TOI A L'ABRI, CALIPSO ! hurla Bobby.

— Je m'assure que toutes les classes sont fermées !

— Cali…

— J'ai compris !

Calipso s'arrêta devant la porte des toilettes des filles, entrouverte. Elle s'y introduisit. Une fille aux cheveux très frisés bougeait à peine, sidérée. Calipso s'avança. La raison de cet état la frappa. Devant elles, un sac était rempli d'une dizaine de pistolets. La panique envahit Calipso. Une goutte de sueur perla sur sa tempe, combien de degrés faisait-il dans cette pièce ?

— Cap', annonça-t-elle, la voix tremblante. Je suis dans les toilettes filles de l'étage. Toutes les armes sont là. Comment ont-ils pu transporter cela ?

— C'est pas moi ! cria la fille et ses yeux scarabées se remplirent de larmes. Je… Je… voulais juste me cacher !

— Calipso. Reste où tu es, annonça Bobby d'un ton ferme.

— C'est bon, ne t'inquiète pas, rassura-t-elle la petite fille. Je décris juste la situation à mon capitaine. Je suis Calipso et toi ?

— Mary.

— Regarde Mary, tu vas te cacher dans la cabine du fond et tu te mets debout sur la cuvette. J'arrive.

D'un pas flottant et tremblante comme une feuille, Mary l'écouta. Calipso détailla les lieux et les enregistra en mémoire. Devait-elle prendre le sac d'armes ? Ou le jeter par la fenêtre ? Non, elles seraient mises en danger. Les assaillants paniqueraient…

— Je fais quoi des armes ? Des nouvelles des autres ?

— Pas de nouvelle. Je moque des armes, répondit Bobby. Je t'ORDONNE de te mettre à l'abri.

— Je suis dans une cabine avec Mary, une enf…

Des pas l'interrompirent. Elle s'empressa de fermer la porta, sans la verrouiller. Calipso monta sur la cuvette avec Mary. Elle manqua de tomber, mais se rattrapa de justesse. Ouf. Les personnes entraient dans les toilettes.

— Ca…

Calipso débrancha sa radio. Elle posa son index sur les lèvres de Mary et murmura, à peine perceptible :

— Chut… Ca va aller. Respire doucement.

C'était une semi-vérité, une fausse promesse. Calipso ne s'était même pas convaincue. Tout pouvait arriver. Le pire, comme le meilleur. Calipso inspira. Pourvu que le pire ne soit pas maintenant.

— J'ai plus de munitions, prononça une voix en train de muer.

— Il nous reste des pistolets, tiens, Mike, ajouta une voix plus mature.

— On fait quoi maintenant ? demanda une voix grave. Ils sont tous cachés.

En effet. Mary et elle étaient aussi cachées. Très mal. La porte n'était pas fermée, ils n'avaient qu'à la pousser et… Calipso devait trouver une solution. Ses yeux se fermèrent pour revivre son entrée dans les toilettes. Qu'avait-elle vu ? La rangée de cabines, six portes. Les éviers, à droite de l'entrée, surplombés de miroir. A gauche…Une fenêtre. Si elle s'orientait correctement, elles devaient être du côté est de l'école.

Malheureusement, que pouvait-elle faire ? Si elle se mettait en danger, Mary l'était aussi. Ils devaient juste sortir pour qu'elle puisse libérer Mary. Mais comment ? Elles étaient au premier étage, elle ne pouvait pas demander à Mary de sauter d'aussi haut.

La fille, qui devait être en première année de collège, la fixait. La peur brillait dans ses yeux scarabée. Son souffle était haletant, discret pourtant.

— Winston ne se moquera plus jamais de moi ! s'exclama la voix en train de muer.

— Ouais ! l'encouragèrent les deux autres voix.

Ils avaient un sérieux problème.

Calipso comprenait leur détresse, mais elle était certaine que Leo n'était en aucun cas responsable. Et les harceleurs ? Etait-ce la solution ? Calipso refoula ses pensées… Bien sûr qu'elle-même avait imaginé le pire lors de ses années de lycée. Oter la vie, aurait-elle été une solution ? Non…

Devant elle, Mary était tétanisée. D'accord. Elle avait une idée de la solution. Elle rebrancha sa radio, pourvu que personne ne parle. Calipso commença à appuyer sur le bouton, plusieurs fois, à des intervalles plus ou moins longs. Elle ne devait pas se tromper. Elle reproduit la suite une deuxième fois.

Il n'y avait plus qu'à croiser les doigts.

D'un sourire, elle chercha à rassurer Mary dont les larmes coulaient en silence. Calipso ne s'était jamais sentie aussi tendu. Tous ses muscles étaient crispés, proche de la rupture. Combien de temps parviendrait-elle à garder l'équilibre sur cette cuvette ?

La porte grinça. Des pas tapèrent sur le sol. Le silence.

L'ambiance était étouffante, l'atmosphère oppressante. Plus qu'en la présence des tireurs. Pour la simple et bonne raison que Calipso n'était pas sûre qu'elles étaient seules. Et que chaque seconde serait comptée. Calipso demanda à Mary de garder le silence. Elle appuya ses mains contre les murs et descendit d'un pas léger. Elle entrouvrit la porte.

Personne.

Calipso se rua sur la fenêtre et l'ouvrit.

Buck était là.

D'un regard, elle lui somma de ne pas ouvrir la bouche.

— Attends là. Mary. Douze ans. Elle va passer par la fenêtre et tu la descends, okay ?

Il acquiesça. Mary était au même emplacement, telle une statue. Calipso s'approcha d'elle et posa ses mains sur les joues de Mary :

— Tout va aller très vite, d'accord ? Mon collègue, Buck, t'attend à la fenêtre. Je vais t'accrocher un baudrier et t'aider à passer par la fenêtre. Buck va te rattraper et il te fera descendre par l'échelle, d'accord ? C'est normal d'avoir peur. J'ai peur aussi. Ne t'en fais pas, il ne t'arrivera rien. Pas avec Buck et moi. Tu t'en sens capable, Mary ?

— Je… Je crois.

— Très bien. Aie confiance en toi. Moi, j'ai confiance en toi.

Calipso tendit sa main à Mary qui l'attrapa. Devant la fenêtre, elle équipa Mary, elle la porta pour qu'elle trouve appui sur les rebords. Mary était petite et fluette, c'était impeccable. Buck la récupéra. Il descendit échelon par échelon.

En bas de l'échelle, Eddie était là. Il prit le relais et récupéra Mary. Elle était en sécurité.

Buck remonta vers elle et lui tendit la main. Calipso refusa. Elle ne parviendrait pas à s'extirper aussi facilement, il vaudrait mieux qu'elle descende en rappel. Mais surtout, son équipe était toujours au rez-de-chaussée. Les assaillants étaient toujours là. Elle ne pouvait pas partir.

— Viens, Cali, dit Buck entre les dents.

Calipso saisit l'ordre de Bobby marqué sur son visage. Elle repéra Eddie qui lui demandait, d'un geste de la main, de descendre.

Calipso hésita. Eddie insista. Les lèvres d'Eddie se mouvèrent, aucun son n'en sortit. Calipso le perçut comme un hurlement, capable de percer son tympan.

Descends, maintenant.

Le choix fut pris à sa place.

La porte des toilettes grinça, encore.

— PARS, BUCK !

C'était un ordre direct. Calipso ferma la fenêtre.


Un garçon d'une quinzaine d'années pointait un pistolet sur elle. Le viseur était approximatif tant il tremblait. Un frisson de terreur parcourut Calipso. Ce serait tout ou rien. Soit elle en sortirait vivante, soit morte. Elle avait tout à tenter. Calipso ferma ses yeux jusqu'à voir des étoiles afin de contenir les larmes qui la menaçaient de picotements. Elle se mordit la lèvre, fort, le goût du sang dansait avec ses papilles gustatives. Sa respiration devint latente, prête à s'arrêter. Calipso leva les bras et avança d'un pas.

— NE BOUGEZ PAS OU JE TIRE ! hurla-t-il la stoppant, elle la reconnut la voix en train de muer.

— Si tu voulais vraiment tirer, tu l'aurais déjà fait, répondit-elle d'un calme olympien alors que chacun de ses organes subissaient la peur.

— VOUS EN SAVEZ RIEN !

— Oh si… déclara-t-elle. Tu t'appelles comment ? Mike ?

Une lueur éclaircit le regard perdu du garçon. Il était décontenancé, surpris qu'elle ait connaissance de son prénom. Une lueur dans son regard, un moment d'égarement.

C'était tout ou rien.

Calipso fit ce qu'elle faisait de mieux : elle ne réfléchit pas. Elle courut sur le garçon. Ses pas étaient lourds, Mike trop loin. Le temps était au ralenti alors qu'une fraction de seconde s'écoula.

PAN !

La balle frôla son épaule, si proche qu'elle la toucha. Calipso lâcha un hurlement de douleur. Violent, intense, pas paralysant. Sa course n'était pas terminée. La course l'avait toujours aidée, aujourd'hui pouvait ne pas être une exception. N'est-ce pas ?

PAN !

Mike était aussi perturbé qu'elle. Il la manqua, de loin alors qu'elle était si près. Calipso lui empoigna les épaules pour le faire tourner. Mike était devant elle. Elle avait l'avantage.

PAN !

La balle heurta le sol. Calipso attrapa le poignet de Mike et effectua une prise pour lui faire lâcher son arme. Le rebond du pistoler sur le carrelage résonna dans les toilettes. Des gouttes de sueurs, provoquées par l'angoisse, s'associèrent aux deux larmes en pleine fuite. Calipso contrôle les tremblements qui la possédaient, elle n'avait plus une seconde à perdre. Elle devait partir avant que les autres tireurs n'arrivent.

— Maintenant tu ne vas pas bouger et tu vas faire tout ce que je te dis, c'est compris ?

— Ils vous tueront vous aussi ! couina Mike.

— J'aimerais voir cela. Avance.

C'était son moment d'orgueil. En vérité, elle n'avait pas vraiment envie d'expérimenter cela. Calipso ne doutait pas de son destin funèbre si un de ses copains pointait son nez, maintenant.

Elle poussa Mike jusqu'à la fenêtre, vérifiant à chaque pas que personne n'entrait. Son cœur palpitait dans sa poitrine, elle craignait qu'il ne la lâche. Cela aurait été très ironique.

Pour la deuxième fois en quelques minutes, Calipso ouvrit la fenêtre. Buck n'était pas là. Eddie était au bord de la grande échelle. Il baissa la tête et souffla d'une émotion qu'elle ne qualifia pas quand il la découvrit. Mike aurait pu fuir, Calipso était figée, fixée sur le visage d'Eddie. Il ne fuit pas, Calipso reprit ses esprits.

— Trouvez-lui un baudrier, VITE, et faites-le descendre. On est trop grands pour que vous nous rattrapiez et qu'on prenne l'échelle.

— Tu suis cette fois ? s'assura-t-il de ses yeux auxquels elle avait rarement résisté.

— Je suis, confirma-t-elle en regardant derrière elle.

— On se dépêche. Tu te prépareras pendant qu'il descend.

Eddie lui tendit les deux équipements. Elle accrocha Mike du mieux qu'elle pouvait. Au pire, il tomberait. Elle lui indiqua d'escalader et de passer par la fenêtre, où des policiers l'attendaient déjà en bas.

— Quoi ? J'vais pas descendre comme ça, ça ne va pas la tête ? paniqua-t-il.

— PARDON ? s'outra Calipso, il venait de tuer des personnes, il était prêt à la tuer, mais il faisait du cinéma pour descendre. Dépêche-toi avant que je ne te porte et te pousse moi-même.

Mike monta sur la poubelle et passa par la fenêtre. Ils perdaient trop de temps. Elle consulta Eddie. Il partageait son avis. Il s'impatientait, son visage fermé en était la preuve irréfutable. Alors d'un commun accord, elle posa une légère pression sur l'épaule de Mike qui commença sa descente dans un cri. Eddie glissa le câble avec rapidité, pas de pitié.

Pendant ce temps, Calipso s'équipa et se faufila tant bien que mal par la fenêtre.

— Je peux te rattraper, lui proposa Eddie.

— Cela va être galère, constata-t-elle.

— Alors… Prête ?

— On se retrouve en bas.

Au signal d'Eddie, elle descendit en rappel avec rythme. Les pieds ancrés au sol, elle enleva tout son équipement. Buck l'atteignit et la souleva dans les airs. Calipso gémit de douleur au moment où sa blessure frottement sa manche de polo. Bobby suivit, puis Eddie. Il bouscula Buck pour pouvoir enrouler ses bras autour de ses épaules. Il la serra contre lui.

Peu importait ces derniers mois d'abstraction de sentiments, ces dernières semaines de jalousie, ces dernières heures éreintantes ou les prochains jours, là et maintenant, elle était bien. Calipso respirait. Si elle avait eu le choix, Calipso y serait restée un temp infini. Malheureusement, Eddie s'écarta et elle reprit conscience :

— Des nouvelles de Ravi, Chim et Hen ?

— Enfermés dans une classe, la rassura Bobby.

Ouf. Calipso était rassurée. Ils étaient à l'abri des assaillants. Elle pensa à Hen, déjà victime d'une fusillade dans un lieu scolaire. Elle espérait qu'elle se portait bien. Son état de soulagement s'éteignit, ce n'était pas suffisant. A l'abri n'était pas en sécurité…

Les mains contre les hanches, Calipso tourna sur elle-même pour observer les lieux. Le collège était entouré de voitures de police, de véhicules militaires, mais aussi de camions de pompiers. Ses jambes flageolèrent et elle se rattrapa de peu à Bobby.

— Tu vas bien ? s'inquiéta Eddie.

Il inspecta son épaule d'où le sang s'écoulait d'un fin filet, ce n'était qu'une petite entaille. Alors elle prit les devants avant que son équipe n'en fasse toute une histoire :

— Je dois y retourner.

— Certainement pas, répliqua Bobby.

— On n'abandonne pas des civils. On doit toujours les retrouver ! On ne peut pas les laisser !

— C'est trop dangereux, intervint Eddie. On ne peut pas mettre notre vie en danger.

— NOTRE METIER EST DE NOUS METTRE EN DANGER ! NOTRE METIER EST DE SAUVER DES VIES, hurla-t-elle à s'en briser la voix.

— Non, réfuta Bobby.

— Cali… Calme-toi… tenta Buck, elle le repoussa, ce n'était pas lui qui allait lui faire la morale.

— Vous connaissez la devise des pompiers de Paris ? SAUVER OU PERIR ! DONC SI, C'EST NOTRE METIER !

— Et bien va à Paris, Calipso, l'invita Eddie en tendant son bras dans une direction aléatoire.

— Tu restes ici, prit le relais Bobby. Ce sont les ordres.

— Je les ai entendus. Ils comptent rester en haut, ils ne redescendront pas. On peut sortir ceux du bas. Ils sont trois, deux main…

Athena se dirigeait vers elle. Son visage ne cachait pas sa fureur, il aurait pu provoquer un incendie sur-le-champ. Ses traits étaient tirés et dangereux. A sa hauteur, Athena la pointa du doigt.

— N'agis plus JAMAIS sous cette impulsion, RIVERA. C'est complétement inconscient ! Laisse-nous effectuer notre travail !

Aussitôt, Athena se détendit. Elle souffla, les yeux vers le ciel. Elle jeta un regard à Bobby avant d'attendrit son visage. La gentille Athena était de retour et elle lui proposa une étreinte en lui frottant le dos :

— Tu vas bien, c'est tout ce qui compte.

Gngngn pensa Calipso. Il resta coincé dans sa tête, même courageuse, elle n'aurait pas osé affronter Athena. Cependant, Calipso ne l'entendait pas de cette oreille. Athena au dos tourné, accompagnée de Bobby, Calipso se donna pour mission de trouver son échappatoire. Elle était pompière pour sauver des vies, elle n'abandonnerait pas. Elle analysa son environnement, dont Buck et Eddie.

Calipso devait être plus maline.


Son attention s'éparpillait. Calipso n'était pas d'humeur ingénieuse. Sa seule et unique solution était de foncer sans réfléchir, sa spécialité. Buck observait les unités se mettre en place. Le seul ennui était Eddie, qui ne la quittait pas des yeux, bras croisés. Il arborait son air hostile, il l'interdisait d'agir.

— Tu peux regarder ailleurs ? suggéra-t-elle.

— Je ne te laisserai pas y aller, répliqua-t-il.

— Essaye.

Si elle était assez réactive, Eddie ne parviendrait pas à la rattraper. Il était plus loin qu'elle et ils couraient à la même vitesse. Elle n'eut pas le temps de reculer avec discrétion, comme elle l'espérait, que des bras l'entourèrent l'empêchant de bouger. Buck. Ils étaient insupportables.

— Athena a tout mis en place, l'informa Eddie en s'avançant alors qu'elle se débattait. Les militaires vont rentrer. C'est leur métier. Nous, on attend.

— LACHE-MOI BUCK !

— Je la connais celle-ci, je l'aurais faite.

— Assurez-vous qu'elle ne bouge pas d'ici, ordonna Athena.

Calipso grogna. Buck referma ses bras avec plus d'intensité. Les militaires avançaient vers l'entrée du collège.

— Calme-toi, disait Buck dans son oreille. Calme-toi. Ecoute-nous.

Elle s'en moquait. Des enfants mourraient. Des professeurs mourraient. Des adolescents tuaient. Elle avait abandonné Ravi. Chimney et Hen. Hen devait avoir si peur. A sa place, tous les souvenirs de Calipso auraient surgi jusqu'à la foudroyer sur place. Elle s'en moquait. Ils avaient besoin d'elle et elle avait fui.

— Lâche-la, ordonna avec calme Bobby et il lui montra sa plaie non soignée. Au camion, maintenant. Eddie, tu t'en occupes ? Buck, tu t'assures que…

— Je n'ai pas besoin de chien de garde ! grogna-t-elle en s'arrachant à Buck.

— Je peux te faire confiance ? s'assura Bobby, elle avait plutôt intérêt à ne pas en rajouter une couche.

— Ouais, lança-t-elle en se dirigeant vers le camion.

Calipso s'assit sur le rebord du camion. Elle remonta son épaulette, les yeux sur la fenêtre qu'elle avait escaladée. La douleur la tirailla, comme quoi tout était dans la tête… Elle ferma son poing et le rouvrit pour expulser les fourmillements présents dans son bras. Eddie, à côté d'elle, Calipso l'évita. Il posa la compresse désinfectante. Les picotements provoquèrent une contraction de son muscle.

Elle était encerclée, Buck s'était assis à sa gauche. Ils n'avaient que cela à faire de toute façon. Eddie colla un strip à son épaule. Enfin, il posa un pansement pour couvrir sa plaie jusqu'au soir. Il glissa sa manchette sur son épaule.

— Merci, marmonna-t-elle.

PAN ! PAN ! PAN !

Les nouveaux coups de feu firent sursauter Calipso. Elle en avait assez entendu pour aujourd'hui. Elle contint ses tremblements et ses larmes, avec difficulté.

Peu importait sa rancune et sa fierté, Calipso laissa tomber sa tête sur l'épaule d'Eddie à la recherche du meilleur soutien à disposition. Il se décala vers elle pour qu'elle ait plus d'appui et la main de Buck caressa son dos.

Méritait-elle autant d'attention ? Elle avait quitté son binôme, elle avait lâché le reste de l'équipe. Elle pensait à Hen, Chim, mais surtout Ravi, toujours enfermés alors qu'elle était libre. C'était injuste. Bobby se rapprocha d'eux. Elle ferma les yeux.

— Les deux derniers assaillants ont été anéantis. Ils sont en train d'évacuer le bâtiment. Chef Williams nous demande de retourner à la caserne. D'autres ont été appelés en renforts.

— Mais on ne peut… rouvrit-elle les yeux, effarée, la main d'Eddie sur son genou l'empêcha de continuer.

— Nous sommes trop impliqués, nous n'avons pas besoin de cela en plus. Tu n'en as pas besoin. On attend les nôtres et on rentre.

Des enfants et adultes coururent. L'évacuation avait commencé. Calipso se releva, sur la pointe des pieds. Quand elle les vit, elle se précipita vers eux. Elle était suivie par Buck, Eddie et Bobby. A la hauteur d'Hen, Calipso se jeta dans ses bras. Elle réalisa à quel point elle aimait toute son équipe, à quel point les perdre l'impacterait.

Calipso avait franchi la limite.

— Evite de t'échapper sans prévenir la prochaine fois, lui pria Hen.

Calipso n'accepta pas. Elle ne refusa pas non plus. Elle se détacha et retrouva Ravi qui paraissait si soulagé qu'il l'éleva à quelques centimètres du sol. Elle l'étreignit contre elle avec force. S'il était arrivé malheur à Ravi, par sa faute, jamais elle ne se le serait pardonné.

Il n'y avait plus aucun mur, aucune distance.

La 118. Hen. Chimney et Maddie. Jee. Bobby et Athena. Buck. Yasmine et Ellie. Christopher. Eddie. Calipso était allée trop loin.

— On devait être comme ça, remarqua-t-il sans la lâcher.

— Je sais, je sais… Je suis vraiment désolée, Ravi. Je… Je n'ai pas réfléchi. Désolée.

— C'est bon. Je vais bien. Tu vas bien, Hen et Chim aussi.

— Allez Cali, Ravi. On rentre, dit Bobby.

Calipso tapa dans l'épaule de Chimney. Nonchalamment, elle se laissa tomber sur le siège passager du camion. Ces dernières heures avaient toute son importance. Elles venaient de déterminer son avenir. Bobby saisit son égarement car il lui jeta un coup d'œil, inquiet :

— On n'avait pas le choix.

— On a toujours le choix, nuança-t-elle.


Le coup de grâce était survenu.

Sa dernière garde à la 118 était arrivée.

yasmine : J'ai vu aux infos.

yasmine Quelle horreur.

yasmine : Vous y étiez ?

yasmine : Tu vas bien ?

yo : ça va

Avec toutes les limites qu'elle s'était données, Calipso avait cru rester plus longtemps – voire indéfiniment. Son insuffisance la rattrapait toujours. Elle perdait toujours le contrôle et gâcha toujours tout.

yasmine : T'es sûre ?

yo : oui. bonne soirée

Toujours. Tout.

yasmine : Ellie te souhaite une bonne nuit aussi !

Une photo était jointe. Ellie dormait sur le coussin d'allaitement. Même le bébé ne lui décrocha aucun sourire.

La nuit était tombée. Les étoiles scintillaient dans le ciel, Calipso-Edmundo plus que les autres.

Quelques mois plus tôt, elle s'en était délectée. Elle était avec Eddie sur la plage. Rien d'autre n'avait compté, cela n'avait été qu'éphémère.

Aujourd'hui, seuls ses yeux brillaient autant que le ciel. Les seules vagues présentes étaient celles qui se déversaient sur ses joues.

A peine chez elle, elle servit des croquettes à Coop. Puis, elle sortit son pot de glace et s'installa dans le canapé. Un long moment, elle demeura paralysée, les yeux dans le vide.

PAN ! PAN !

Les coups de feu éclataient dans son esprit. Le sang. Les yeux éteints de Leo. La terreur de Mary. La sensation de peur qui l'avait saisie lors de son face à face avec le tireur. Son abandon. Son épaule lui picota. Toute cette journée était gravée dans sa peau.

— J'ai encore échoué, Coop.

Son chien posa la tête sur ses jambes. Elle lui gratouilla museau, incapable de sourire. Sa décision ne lui plaira pas.

— C'était une horrible journée. Je vais arrêter. Je ne suis pas faite pour être pompière. Tout n'est que déception.

Elle essuya son visage et sa déglutition engloutit les prochaines larmes. Tu dois être forte Calipso. Elle n'avait pas le droit de s'écrouler. Tout était sa faute. Les liens qu'elle avait créés n'auraient jamais dû l'être, elle n'aurait jamais dû écouter Bobby. Ses choix, sa faute, sa décision.

— Je vais démissionner et on va partir. Je ne peux pas rester. La semaine prochaine, nous ne serons déjà plus à Los Angeles.

D'une série de couinement, Coop exprima son mécontentement – ou sa tristesse, allez savoir. Coop était bien ici. Il aimait chaque membre de la 118.

L'amour ne suffisait pas à effacer la déception.

C'était le problème.

Pour ce soir, elle n'avait plus qu'à regarder un bon film. Comme d'habitude, les minutes s'écoulèrent très vite le temps de trouver le programme idéal. Enfin… elle se contenta de lancer le film How to train a dragon. Elle le connaissait par cœur.

Vers minuit, alors qu'elle avait enchaîné avec la suite de la saga, la sonnerie de son téléphone l'attira. Sans surprise, il s'agissait de la conversation de la 118, pas la générale… Celle où les relations étaient les plus proches.

chim : Bonne nuit les petits (emoji ours) (emoji cœur)

hen : Bonne nuit

Son message était suivi d'une multitude d'émojis, typiques d'Hen. Tous ses messages étaient parsemés d'émojis, Hen donnait vie à n'importe quoi.

cap : Reposez-vous bien. Bonne nuit d'Athena et moi.

buck : J'espère que vous allez bien. Bonne nuit la fam'.(emoji cœur)

edmundo : Bonne nuit tout le monde !

ravi : Passez une bonne nuit, je pense à vous

ravi : Comme toujours

Il ne manquait plus qu'elle.

yo : bonne nuit

Une vingtaine de minutes plus tard, Coop se leva pour se coucher derrière la porte. Plus rien n'étonnait Calipso. Depuis leur arrivée à Los Angeles, il agissait de bien des manières qui ne lui ressemblaient pas. Elle se blottit entre ses coussins et remonta son plaid jusqu'au nez.

TOC ! TOC ! TOC !

Son cœur manqua un battement, surprise par les tambourinements à la porte qui brisèrent le silence de la maison et s'imposèrent sur les voix de la télévision. Il était tard, ce n'était pas normal. Elle s'avança vers la porte d'où Coop agitait la queue. Elle jeta un œil au judas.

Sérieusement ?


Alors, ce chapitre vous a-t-il plu ?

Qu'avez-vous pensé du moment entre Yasmine et Calipso ? Au début de l'écriture, Yaz devait juste être de passage, mais... Vous connaissez ces personnages qui insistent pour rester...

Pour la petite histoire, j'ai en tête cette histoire depuis quelques temps. En mars, j'ai fait un rêve à propos de cette fusillade et il m'a décidé à écrire. Donc c'est grâce à mon inconscient si on en est là ahah. Cette histoire qui ne devait avoir quelques chapitres et qui va se retrouver avec 4 parties... Bref...

Quel a été votre ressenti vis à vis de toute cette scène au collège ? J'ai glissé un petit clin d'oeil à Heroes of Olympus dans le chapitre, si vous l'avez, j'espère ne pas vous avoir brisé le coeur ahah. Sinon, ce n'est pas le seul clin d'oeil à HoO ou Percy Jackson dans cette histoire. ;)

Comprenez-vous la décision de Calipso ? Comprenez-vous son ressenti ? Ou voulez-vous juste la frapper ? Ou autre ?

Qui est derrière la porte ?

Au prochain chapitre : La lutte de Calipso s'étend aux personnes qui l'entourent. Elle se retrouve confronter à ses émotions et sa peur. Rester ou fuir ?