Hello ! :)
SURPRISE ! Nous sommes le 5 décembre, et c'est donc l'anniversaire de Calipso ! Si on suit la chronologie de l'histoire, c'est à cette date que la 118 lui fait la "petite surprise", ohhh trop d'émotions ! J'ai l'impression d'avoir publié ce chapitre hier... Bref.
Nous arrivons à la fin de cette première partie, alors bonne lecture ! :)
CW : Harcèlement, phobie, crise de panique, deuil, mort de personnage(s).
CHAPITRE 14 – Calipso begins
Avril 2008
Chaque jour, Calipso revenait du lycée, extenuée. Fuir ses bourreaux – même s'ils s'étaient calmés – et étudier lui demandaient une énergie incroyable. Chaque jour, elle balançait son sac sur lit et enfiler ses vêtements de sport. Chaque jour, elle sortait courir – quand elle n'avait pas entraînement.
A chaque jour, son même rituel.
Garder l'esprit occupé était une tâche complexe, mais vital. Quand elle se concentrait à occulter les moqueries, quand elle étudiait, quand elle courait, elle était presque sûre de ne plus sentir l'incendie destructeur qui était né sept ans plus tôt dans son corps. Pourtant, il était toujours là. Calipso ne se souvenait plus d'un jour sans, elle ne savait plus ce qu'était être normale.
Il y a un an, tout s'était intensifié. C'était douloureux.
Calipso augmenta ses propulsions, elle accéléra son rythme. Un sprint jusqu'au poteau. Elle était de plus en plus rapide, elle adorait cela : repousser ses limites, toujours plus. Son objectif réussi, Calipso récupéra son rythme de course. Elle inspira, elle expira. Sa toux lui était familière. Maintenant, Calipso pouvait l'anticiper et la prévenir. Elle avait réussi à trouver les stratégies pour la dompter.
Une sirène de pompiers détonna dans la rue. Les poils de Calipso s'hérissèrent. Le camion la dépassa, suivi par l'échelle et l'ambulance, si vite qu'un courant d'air gifla le visage de Calipso. WOW. Pendant quelques secondes, elle se figea et regarda les pompiers disparaître vers le filet de fumée noir à quelques kilomètres de là.
Au fil des années, Calipso s'était découverte une passion pour les pompiers. Elle les admirait. Ils éteignaient des feux, ils s'y aventuraient. Ils intervenaient lors de tremblements de terre, de tsunami, de tornade, de tempête. Ils étaient toujours là. Ils sortaient les civils des voitures lors d'accident, ils débloquaient des victimes, ils apportaient les premiers soins. Parfois, même, ils intervenaient sur des situations absurdes et drôles. Les pompiers aidaient les personnes dont le ciel leur était tombé sur la tête. Les pompiers étaient si courageux, ils sauvaient des vies au péril des leurs.
Impressionnant. Ses lèvres s'étirèrent sur le côté. Calipso reprit sa course, s'imaginant, elle aussi, être courageuse. Elle s'imaginait intervenir, accomplir sa mission, sauver des vies. Quand elle y pensait, sa force se décuplait. Elle avait la sensation qu'elle pourrait déplacer des montagnes.
D'ailleurs, elle battit son record de vitesse sur les dernières qui la séparait de la maison.
D'un grand élan, Calipso ouvrit la porte d'entrée qui claqua. Elle serra les dents, priant pour que Tia Helena ne l'ait pas entendue. Elle gagna la cuisine et remplit sa gourde à ras bord. Une gorgée, deux gorgées, Calipso rythmait son hydratation par des pas qui la menèrent dans le salon.
Tia Helena était assise, une enveloppe dans les mains. Ses grands yeux marron parcourus de rides l'observèrent. Tia Helena glissa l'enveloppe sur la table et Calipso reconnut le blason.
— C'est de Yale, dit Tia Helena.
La gourde de Calipso s'écrasa au sol, inondant ses chaussures de course au passage. De petites étoiles s'alignèrent devant les yeux de Calipso. L'air lui manquait, tout son stock demeurait dans ce courrier. Elle n'avait pas une minute à perdre si elle voulait éviter de s'écrouler.
Calipso attrapa l'enveloppe et arracha le rabat sous les yeux horrifiés de Tia Helena. Si ce n'était pas si important, sa tante lui aurait passé une soufflante.
L'objectif de Calipso n'était pas de lire toute la lettre d'admission, elle s'en moquait royalement. Seul un mot l'intéressait. Un seul. Les yeux de Calipso balayèrent les lignes jusqu'à celle recherchée. Le cœur de Calipso se déchaînait, plus vite, toujours plus vite, prêt à battre le record olympique des battements de cœur les plus rapides.
Elle le trouva.
Calipso leva les yeux vers Tia Helena et déclara :
— Je suis acceptée à Yale.
Mars 2009
Quand Calipso s'était donné pour objectif d'intégrer Yale, pour Bianca, et de suivre la formation d'infirmière – comme ses parents et Tia Helena – elle s'était persuadée que tout serait comme au lycée. Elle aurait à réviser à chaque heure de pauses, aux repas et le soir avant d'aller dormir. Avec une telle organisation, elle réussirait.
C'était une erreur. Les études étaient bien plus dures que le lycée. Calipso ne trouvait pas sa place. Tout allait trop vite, elle ne trouvait pas son organisation. Et Tia Helena lui manquait.
A son arrivée à Yale, Calipso avait cru être capable de se faire des amis. Elle avait sa voix. Personne ne connaissait son histoire. Elle prenait un nouveau départ. Bref, Calipso y avait vraiment cru.
C'était une erreur. Il y avait deux catégories d'étudiants : les fêtards – ceux qui sortaient tous les soirs et étaient rarement vus sans un verre – et les vrais compétiteurs – ceux qui vous écraseraient comme une mouche s'ils le pouvaient. Aucune fille de sa classe ne s'intéressait à elle et elle ne s'intéressait à aucune fille de sa classe. Calipso demeurait, encore et toujours, le rat de bibliothèque et tentait de garder la tête hors de l'eau.
— Encore en train de travailler ? demanda la voix chaleureuse de Ryan.
Il l'embrassa dans le cou et elle lui sourit. Ryan était dans la promotion au-dessus d'elle. Ils s'étaient rencontrés le jour de l'intégration. Il était bien la seule personne qui lui parlait. Tous les deux s'étaient vite rapprochés, ils sortaient ensemble depuis deux mois. Grâce à Ryan, Calipso avait découvert tout ce qu'elle aurait pu découvrir au lycée. Toutes les premières fois.
Il était la seule personne qu'elle fréquentait. Ryan était gentil et attentionné. Il révisait avec elle et l'aidait quand elle en avait besoin. Il essayait de la rassurer, mais elle savait qu'elle partirait. Calipso l'avait prévenue la semaine dernière, Ryan lui rendait la tâche difficile.
— J'essaie de tenir l'année, admit-elle.
— Tu vas réussir, lui promit-il, c'était un mensonge même s'il était persuadé du contraire. Tu as toutes les autres années à tenir.
— Je n'irai pas jusque-là. Je vais arrêter à la fin de l'année. Ce n'est pas fait pour moi.
— Ne dis pas de bêtises. C'est dur, mais pas impossible. Tu ferais quoi ?
— J'ai toujours rêvé d'être pompière, se confia-t-elle.
Le discret rire de Ryan vexa Calipso. Trouvait-il cela stupide ? Elle plissa le front et le jugea. Il parut saisir son sentiment car il se justifia :
— Désolé, c'est juste que tu vaux bien mieux que cela. Tu pourrais faire des études et…
— Beaucoup de pompiers font des études, le coupa-t-elle, certains ont même eu un travail avant. Je me fiche de tout ça. Je n'ai pas envie de continuer à me pourrir la vie avec des choses qui ne me plaisent pas.
— Je dis juste que c'est dommage. Mais tu ne vas pas partir, on ferait comment ?
Elle se mordit la lèvre et évita sa question. Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette conversation, elle ne pouvait pas se justifier continuellement. Il essayait par tous les moyens de la faire rester, ce qu'elle refusait. Elle aurait mieux fait de partir sans un mot.
Alors elle se contenta de ranger ses affaires et de l'embrasser, ils avaient encore quelques semaines.
Juin 2009
Après deux jours de voyage et dix-neuf heures de route, Calipso se gara enfin chez Tia Helena. Elle sortit de la voiture et déchargea sa valise sur les pavés. Elle observa la maison dans laquelle elle avait grandi. C'était bon d'être à la maison.
D'une dernière inspiration, elle attrapa la poignée de la valise. Par pure politesse et pour ne pas effrayer Tia Helena, elle toqua à la porte. Elle n'eut pas à attendre longtemps :
— Calipso ? s'étonna Tia Helena. Que fais-tu ici ?
— J'ai arrêté Yale, annonça-t-elle.
Tia Helena la jaugea d'un air inqualifiable. Un nœud se forma dans l'estomac de Calipso alors que son corps crépitait, prêt à s'enflammer quand Tia Helena la gronderait. Elle avait déjà tant culpabilisé après ses au revoir avec Ryan, il lui en voudrait à vie. Sans un mot, Tia Helena la laissa à rentrer. Calipso posa sa valise et s'occupa de décharger toute la voiture. Lorsqu'elle revint, Tia Helena lui avait déjà servi un soda et l'attendait à table. Tia Helena n'était pas énervée. Son expression restait curieuse, elle tapotait du doigt sur la table par impatience. Calipso s'assit à côté d'elle et lui prit les mains.
— Disculpe, Tia, s'excusa-t-elle. Je sais que tu as tout donné pour que je réussisse, je suis désolée de te décevoir. C'était le rêve de Bianca, pas le mien. Je ne pouvais pas continuer. Je me suis inscrite à l'académie des pompiers. Je… C'est vraiment ce que je souhaite être.
La réaction de Tia Helena était loin de celle à laquelle elle s'était préparée. Tia Helena lui prit le visage entre les mains et approcha son front du sien. Elle lui sourit, avec sincérité, et dit :
— Tu ne me déçois pas, Calita. Au contraire, je suis fière de toi. J'attendais que tu te réveilles toi-même. C'était à toi de réaliser que ce n'était pas ton chemin. Je suis fière que tu suives ton rêve d'enfant. Les personnes que tu sauveras auront de la chance de t'avoir.
— Gracias.
— Cree en ti, Calipso.
16 février 2010
Depuis des années, neuf pour être exacte, Calipso avait recherché le bien-être. Et même si elle sentait qu'il lui manquait toujours une partie d'elle, Calipso ne s'était jamais sentie aussi bien. L'académie des pompiers était formidable ! Elle s'épanouissait chaque jour un peu. Il était mille fois plus simple pour elle de s'impliquer dans ses missions. Tout était naturel, spontané.
Calipso n'avait pas à rester des heures derrière un bouquin à essayer de comprendre une formule. Elle n'avait pas à se forcer et à répéter, encore et encore, pour qu'une idée s'ancre dans sa mémoire. Non, tout était d'une facilité étonnante. Ou pas.
Être pompière était une évidence. Elle était née pour cela.
Calipso rentra chez Tia Helena – qui acceptait gentiment d'encore l'héberger le temps de sa formation. Comme chaque jour depuis son entrée à l'académie, elle s'apprêtait à lui raconter avec passion cette nouvelle journée. Souvent, elle omettait les propos de ses camarades masculins, cela n'avait pas d'importance. En revanche, elle s'attardait toujours sur les moments où l'adrénaline l'aurait poussée à réaliser l'impossible. Son élan fut interrompu par une note sur la table :
Je suis partie faire quelques courses. Peux-tu mettre le poulet au four quand tu rentres, por favor.
Bon… Son récit attendrait le retour de Tia Helena. Tout en sifflotant You belong with me de Taylor Swift, Calipso sortit le poulet du frigidaire. Elle effectua un demi-tour sur un pas dansant, prête à ouvrir la…
DRIIIIING. DRIIIIIIIING.
D'un geste de la main, Calipso glissa le poulet sur le plan de travail et courut jusqu'au téléphone.
— Allô ?
— Je suis bien chez Helena Rivera ?
— En effet, ma tante n'est pas là si vous la cherchez.
— Vous êtes Calipso Murphy ? s'assura la personne à l'autre bout du fil.
— Oui, c'est bien cela, répondit Calipso en s'adossant au mur.
— Votre tante a été admise à l'hôpital après un malaise dans un magasin. Est-il possible pour vous de vous déplacer ?
— Bien sûr, j'arrive !
Bon… Le poulet aussi attendrait.
Ses pas claquèrent sur le carrelage blanc de l'hôpital tandis qu'elle rejoignait l'accueil. Elle plissa le nez, gênée par l'odeur typique des hôpitaux. Elle n'avait jamais aimé cette odeur, elle était forcément associée aux maladies. Rien d'agréable, donc.
— Bonjour. Calipso Murphy. On m'a appelée au sujet de ma tante, Helena Rivera.
La secrétaire la pria d'attendre et composa un numéro sur son téléphone de service. Calipso tapota du bout des doigts sur le comptoir. Elle était même étonnée que Tia Helena ne soit pas déjà prête à sortir, pourquoi l'aurait-on appelé sinon ? Elle observa autour d'elle. De nombreuses familles attendaient, de légers blessés venaient s'enregistrer. La secrétaire la sortit de ses observations et lui indiqua un chemin pour rejoindre le médecin.
Calipso le suivit.
Le visage de la secrétaire la hantait. Son expression avait changé entre le début de l'appel et la fin. Elle avait évité son regard et sa voix s'était adoucie. Calipso interprétait les signes, il n'y avait aucune autre explication. Ses pas se firent plus lourds. A chaque mètre, elle avait la sensation d'être trainée, un boulet accroché à sa cheville. Sa destination était inatteignable.
Un médecin l'attendait devant une chambre dont la porte était ouverte. Calipso tenta d'accélérer. La pesanteur la maintint au sol. Il s'agissait presque d'un supplice de se déplacer. Elle salua le médecin.
— Nous avons reçu pour un malaise cardiaque. Je suis désolé, mais…
Des bourdonnements jouèrent une cacophonie dans ses oreilles. Sa tête devenait une ruche où des milliers d'abeilles avaient trouvé refuge. Elles étaient intrépides et piquantes, elles se nichaient dans tout son corps. Les piqûres la tiraillaient.
La loi de Murphy avait, encore, frappé.
Projetée à des millions de kilomètres de la réalité, Calipso se débattait contre ces abeilles. Elle les combattait, tout comme ce feu… Oh cet incendie étouffant qui l'engloutissait. Son corps s'embrasait, déchaîné par des flammes provoquées par les abeilles. C'était…
— Madame Murphy ? l'appela le médecin. Madame Murphy ?
— Oui ? sortit-elle de sa bataille, elle était vaincue
— Souhaitez-vous la voir ?
Il lui désigna la porte ouverte. Du couloir, Calipso aperçut Tia Helena, allongée, endormie. Avait-elle envie de la voir ?
Après le 11 septembre 2001, le corps des parents de Calipso n'avait jamais été retrouvé. Elle n'avait pas pu revoir leur visage. Tia Helena avait refusé qu'elle voit une dernière fois Bianca, elle n'avait pas souhaité qu'elle garde un mauvais souvenir de sa sœur. Parfois, Calipso regrettait le choix de Tia Helena. Peut-être n'aurait-elle pas eu la compagnie de Bianca pendant cinq ans, peut-être aurait-elle évité ses années de silence et cette souffrance le jour où Bianca était réellement partie. Elle cessa rapidement ses pensées, au moins, elle avait eu la chance d'avoir sa sœur plus longtemps avec elle.
Calipso réfléchit, mais n'hésita pas. Elle accepta.
Calipso caressa les cheveux bouclés – comme les siens et ceux de sa mère – de Tia Helena. Ils étaient toujours aussi noirs, pourtant parsemés de cheveux blancs. Ils ne trouveraient jamais la couleur poivre et sel, encore moins le blanc de l'âge.
Une larme se balada sur la joue de Calipso et tomba sur la main de Tia Helena. Calipso l'essuya et prit sa main dans la sienne. Elle hocha la tête à une question que Tia Helena n'avait même pas posé.
— Je n'abandonnerai pas, Tia Helena. Je serai la meilleure pompière. Gracias por todo. Adios. Te amo. Tia.
Calipso ne s'attarda pas, alors qu'elle aurait pu dévoiler des minutes de paroles à Tia Helana. Elle devait juste s'arrêter à partir. Repousser l'inévitable n'accentuait que la douleur. Calipso laissa Tia Helena se reposait dans ce sommeil dont elle ne se réveillerait pas.
Novembre 2016
L'incendie était le plus impétueux que Calipso ait connu depuis qu'elle les combattait. Le bâtiment était prisonnier des flammes. Calipso et son équipe luttaient depuis ce qui lui semblait être une éternité maintenant. Le capitaine Kay les avait envoyés, Morris et elle, sur le toit afin de ventiler l'intérieur. La confiance de Calipso disparaissait à chaque pas. Calipso tapota le toit avec son manche, il s'effrita dès le premier coup. Il était trop risqué de s'y déplacer.
— On ne peut pas avancer, capitaine, annonça-t-elle dans la radio. C'est trop instable, le toit va s'effondrer.
— Sur le côté ça passe, la corrigea Morris.
— NON, hurla-t-elle. Regarde, quand tes deux pieds seront posés tout va s'écrouler !
— ECOUTE TON PARTENAIRE, MURPHY ! lui ordonna le capitaine Kay.
Dans son masque, Calipso grogna. Quand est-ce qu'ils apprendraient à lui faire confiance ? Sa parole n'était jamais prise comme valeur sûre. Au contraire, elle était toujours remise en doute. De l'autre sexe, cela aurait été bien différent L'agacement la gagna, elle devait rester impassible. Ce n'était pas le moment. Un égarement serait fatal.
— Arrête de faire ta chochotte, Murphy ! Tu ne fais que prouver qu'une fille n'a rien à faire là ! railla Morris et elle leva les yeux au ciel.
— Rien à voir. N'avance pas ! le prévint-elle.
— AVANCE AVEC LUI, MURPHY ! intervint capitaine Kay dans la radio.
— NON ! refusa-t-elle. Son poids est déjà de trop, alors avec le mien… PAS LÀ !
Un bruit assourdissant explosa aux oreilles de Calipso. Un nuage de fumée s'échappa du toit et Morris disparut dans les flammes. Un gros trou s'était formé et le sol se fissura. Calipso recula alors que le toit s'écrouler sous ses yeux. Proche de la grande échelle, elle entendait les grondements de capitaine Kay dans la radio. Le regard toujours figé à l'endroit où Morris était tombé, elle cria dans la radio :
— CAPITAINE. HOMME A TERRE. MORRIS EST PASSE A TRAVERS LE TOIT.
— DESCENDEZ IMMEDIATEMENT.
La cérémonie solennelle d'Antwon Morris s'était déroulé cinq jours plus tard. Comme toute la caserne, Calipso s'y était déplacée. Elle était restée invisible, sauf lors du salut des pompiers. Elle n'avait osé approcher la femme de Morris ainsi que ses trois enfants. La culpabilité la rongeait. Jamais, elle n'aurait dû écouter le capitaine Kay et Morris.
Calipso aurait dû insister, elle aurait dû se faire écouter.
De retour à la caserne – elle était toujours la première à arriver – Calipso déposa ses affaires, comme chaque matin, et accrocha sa crinière de lion – à son grand regret, mais le capitaine Kay lui avait ordonné de ne jamais les voir détachés. Comme chaque jour, elle trouva la cuisine pour se préparer une tartine de beurre de cacahuète. Le pot avait effleuré sa peau que la grosse voix du Capitaine Kay l'interpela :
— MURPHY ! DANS MON BUREAU !
Sans broncher, le cœur palpitant, elle entra dans le bureau du capitaine et ferma la porte derrière elle. Il était assis, le dos droit et l'invita à s'asseoir. Comme toujours, il était inexpressif. Elle aurait été incapable d'anticiper cet entretien.
— Murphy… maugréa-t-il. Par où commencer ?
Une mouche volait dans le bureau, c'était certain. Calipso était capable d'entendre son bourdonnement. Clac. Ah. L'insecte venait de se cogner à la fenêtre.
Calipso se gratta la tête, ce silence – sans la mouche – devenait perturbant. Le capitaine Kay farfouillait une paperasse phénoménale, il était aussi désorganisé qu'elle ne l'avait imaginé. Il souffla et des feuilles volèrent. Il semblait s'avouer vaincu.
— Que ne comprenez-vous pas dans « obéir aux ordres » ? lâcha-t-il d'un air sévère.
— Pardon ? échappa-t-elle, surprise.
— Que ne comprenez-vous pas dans « obéir aux ordres » ? répéta-t-il mot par mot comme si elle était idiote. Ne vous avais-je pas demandé d'écouter votre partenaire ? Pourquoi n'avez-vous pas écouté ?
— Le toit allait s'effondrer ! se défendit-elle. Je l'ai vu ! Je vous ai prévenus !
— Etes-vous en train de rejeter la faute sur votre partenaire ET sur la mienne ? grogna-t-il en prenant de la distance.
Un temps de pause lui était nécessaire. Calipso ouvrit la bouche et la referma. Ce n'était pas le moment de répondre sous l'impulsion. Sa main tremblota, elle inspira un bon coup et se redressa :
— Ce n'est pas ce que je dis, répondit-elle avec calme. Je dis juste que je ne vous ai pas écouté car je trouvais qu'il n'y avait pas d'autres solutions.
— Et bien joué, vous avez abandonné votre partenaire Murphy. Vous l'avez abandonné et nous avons perdu un des nôtres.
— Mais c'est ridicule ! s'offusqua-t-elle. Si je l'avais suivi, ce n'est pas un pompier que vous auriez perdu, mais deux !
Le capitaine Kay se releva violemment et son poing cogna contre le bureau. Calipso sursauta et se pétrifia face à l'éclat de colère du capitaine Kay :
— NE ME PARLEZ PAS AINSI ! JE SUIS VOTRE CAPITAINE ! Ecoutez-moi bien, Murphy ! Votre désobéissance a couté la vie à un…
— MAIS NON ! retrouva-t-elle l'usage de la parole, elle avait promis de ne plus jamais se laisser marcher sur les pieds.
— TAISEZ-VOUS ! Vous n'avez pensé qu'à vous, c'était un acte égoïste ! On n'abandonne pas un camarade ! Ce n'est pas pour rien que vous avez un binôme ! C'était entièrement votre faute, Murphy. Plus jamais, vous ne désobéissez ou je vous colle un blâme ! la menaça-t-il.
— Vous n'avez pas le droit ! s'emporta-t-elle. VOUS avez mis en danger…
— La conversation est terminée, se rassit-il sans la regarder. Sortez.
— Non. Vous…
— SORTEZ !
La rage fulminait. Un feu ardent crépitait en elle et lui répondre n'aurait fait que l'alimenter. Le front plissé, elle releva le menton par fierté. Elle ne devait pas se montrer atteinte. Elle fit volte-face et ne prit pas la peine de fermer la porte du bureau. Par pure provocation car elle entendait l'ordre de son capitaine.
Voilà.
Là, elle n'obéissait pas.
Tous les regards de l'équipe – maintenant arrivée – étaient rivés sur elle. Il y eut quelques chuchotements, elle les ignora. Calipso se faufila et regagna les vestiaires. Elle ne reviendrait jamais ici, endroit où elle n'était pas respectée.
Elle ne souhaitait pas savoir les mensonges à son sujet et les mots écrits à l'encre noir dans son dossier. Les éléments avaient été détournés à son encontre, le capitaine se protégeait. Elle refusait de lui offrir cette emprise. Elle méritait mieux que cela.
Les larmes aux yeux, elle claqua la porte de son appartement. Pourquoi tout devait toujours se passer mal ? Elle ne connaissait plus la sérénité depuis des années. Elle était dans un état de vigilance sans fin.
La loi de Murphy n'était pas la légende de la famille, ce n'était pas qu'une simple blague. Elle évitait la mort, chanceuse qu'elle était, mais subissait toutes les épreuves de la vie.
Une certitude substituait, elle ne pouvait rester ici. Dès demain, elle déposerait sa lettre de démission. Elle chercherait une nouvelle caserne loin d'Orlando. Cela prendrait le temps qu'il faudrait, elle avait assez d'argent de côté.
Plus que tout, elle devait se décharger de ce nom de famille qui n'était qu'un fardeau.
Un mois plus tard, Calipso reçut son courrier tant attendu. Elle palpa l'enveloppe et était désormais sûre que sa nouvelle carte d'identité était entre ses mains. Elle déchira l'enveloppe et sortit ce qui représentait une libération. Elle lut son nouveau nom, persuadé qu'elle vainquait le destin :
Calipso Rivera.
Février 2019
Annonce :
Chiots (golden retriever) à donner.
(206) 261-1065
Un coup d'œil suffit à Calipso pour s'arrêter devant l'affiche. D'habitude, elle ne regardait pas ces annonces. Cette fois, elle avait ressenti un appel, cet aimant qui vous attirait à l'endroit pile où vous deviez vous trouver. Elle décrocha l'affiche et admira les chiots. Toute sa vie, elle avait rêvé d'un chien.
Était-ce bien raisonnable ? La caserne ne l'accepterait jamais. Son intégration n'était toujours pas terminée au bout de trois ans, alors accepter un chien ? Elle pouvait toujours rêver. De toute façon, elle était certaine que ce petit chien ne serait pas bien traité. La caserne ne méritait pas un petit ange.
Mais elle pouvait bien engager un pet-sitter, non ? Tout problème avait sa solution.
La solution à son besoin de compagnie était ce chien. Elle mourrait d'envie de rencontrer l'un d'eux. Elle n'avait qu'une chose à faire. Elle composa le numéro sur son portable et porta le téléphone à son oreille :
— Allô ? répondit la voix d'une femme.
— Bonjour. Calipso Rivera. Vous êtes bien la personne qui donne des chiens ?
— C'était bien nous, confirma la dame. Mais nous les avons déjà tous donnés. Désolée.
— Oh…
Calipso avait rarement été aussi déçue de toute sa vie.
— Je peux vous proposer de garder votre numéro, il arrive qu'il y ait des désistements.
— Oui bien sûr ! N'hésitez pas à laisser un message si je ne réponds pas.
Trois jours plus tard, en pleine séance de sport, le portable de Calipso sonna. Elle se jeta dessus afin de ne pas rater l'appel. Elle eut à peine décroché qu'elle fut interpelée :
— Madame Rivera ?
— Oui ?
— Madame Parker, des chiens ! Si vous le souhaitez, j'en ai un qui est revenu.
Il ne fallut pas longtemps à Calipso pour trouver la maison des Parker. Elle était toujours en tenue de sport et elle devait avoir battu son record en course. Elle toqua, avec brutalité, à la porte et fut accueillie par une dame aux joues rouges. Madame Parker l'invita à entrer et elles se retrouvèrent dans la cuisine.
— Ce pauvre petit… dit avec tristesse Madame Parker. Le couple qui l'accueillait a eu un accident de voiture. Le mari est décédé et la dame aura besoin d'une rééducation.
— Ah… constata Calipso, elle regrettait presque de s'être réjouie. Quelle horreur.
— Le voilà !
Une petite boule de poils, à l'allure d'une peluche, se dirigea vers elle. Un petit rire s'échappa de Calipso quand le chiot trébucha avec maladresse. Il était si pataud qu'elle fut tout de suite attendrie par cette bouille. Le véritable coup de foudre, le seul et l'unique ! Ils étaient faits pour se trouver.
— Coucou, toi.
Le petit chien se colla à sa jambe. Calipso s'abaissa et le colla contre elle. Le seul contact de cette douce chaleur, enveloppante comme le plaid en hiver, l'apaisa. Le poil du choix était doux et épais. Les doigts de Calipso se perdaient dans les poils et elle lui gratouilla le haut du museau. Il lécha ses doigts ce qui provoqua de légers chatouillis.
— Il s'appelle Flash, lui apprit Madame Parker. Il n'est pas trop tard pour changer de nom s'il ne vous convient pas.
Calipso contempla le petit chien et colla son nez au museau. Il n'avait vraiment pas la tête à s'appeler Flash. Mais elle avait bien un nom pour lui, il devait juste l'accepter.
— Coop, l'appela-t-elle. Tu aimes Coop ?
En guise de réponse, le petit chien couina joyeusement et il léchouilla le bout de son nez. Elle sourit, émue :
— Va pour Coop.
Juin 2023
Depuis deux mois qu'ils étaient ensemble, Zack l'insupportait. Calipso l'avait trouvé charmant dès qu'il était arrivé à la caserne l'année dernière. Ses cheveux couleur blé et ses yeux verts y étaient en grande partie responsables. Il s'était montré gentil et drôle. Il était sûrement le seul homme de la caserne à se comporter avec autant de respect avec Dana et elle.
Lors de leur premier rendez-vous, Zack avait continué son parfait petit rôle. Il n'y avait pas cette flamme et cette provocation que Calipso appréciait et s'amusait à utiliser. Non. Il était romantique, attentionné et charmeur. Peut-être trop parfait, donc.
Au fil de leur relation, des jours et nuits passés ensemble, le masque de Zack était tombé petit à petit. Il avait perdu l'image qu'il se donnait jusqu'à se révéler. Il était bien moins attrayant depuis.
Après manger, alors qu'elle avait simplement envie de s'installer devant un film – ce qu'il trouvait ridicule – il recommença à déblatérer tout un discours pompeux sur ce qui ferait d'elle ou non une bonne pompière. Calipso avait appris à ne plus l'écouter et à juste hocher la tête pour le satisfaire, alors elle l'écouta juste d'une oreille.
— Sérieusement, Calipso, haussa-t-il le ton pour qu'elle s'intéresse plus à lui, en tant que pompier, tu n'es pas très bonne.
Ah. Cette réflexion n'était encore jamais sortie. Il avait donc décidé de se renouveler. Il la fixa les bras croisés et elle leva les yeux au ciel. S'il croyait l'atteindre, c'était raté. Pour le moment du moins.
— Vas-tu arrêter un jour ? soupira-t-elle. Si je suis là, c'est que je suis une pompière alors lâche-moi la grappe.
— Tu vas me parler autrement ? s'outra-t-il.
— Toi, tu vas me parler autrement, tu ne fais que me rabaisser TOUT LE TEMPS, appuya-t-elle. Je ne sais même pas pourquoi je reste avec toi.
— Peut-être parce que c'est la vérité, ricana-t-il. Sans compter le fait que tu n'as que moi, Calipso. QUE MOI !
— Et ? leva-t-elle un sourcil avec défi.
— Et bien, c'est plutôt simple. Si tu ne m'as plus, tu n'as personne.
Son sourire narquois l'horripila. Elle détestait quand il l'utilisait à un si mauvais fond. Calipso aimait elle-même utiliser un tel sourire pour se moquer gentiment, pas avec méchanceté. Elle déglutit en pensant à ce sourire associé aux derniers mots. Il n'allait pas lui faire cela quand même ? Il n'avait pas de si mauvaises intentions ?
— T'es un sacré con quand même, lâcha-t-elle quand elle comprit qu'il était vraiment le gros lot.
— Mais tu t'es vue, Calipso ? Tu fais ta fière et ta dure à la caserne, soi-disant pour valoriser l'image des femmes, mais t'es quoi ? Tu ne feras pas long feu en tant que pompier. Tu as déjà tué une personne, qui sera la prochaine ?
— Ça ne s'est pas passé comme ça !
— C'est ta version, dit Zack. Ton capitaine avait peut-être raison.
— Comment peux-tu dire ça ?
A côté d'eux, Coop commença à aboyer. Calipso gérait de moins en moins ses émotions. Il l'attaquait pile aux bons endroits, simplement pour lui faire du mal. Il cherchait à la mettre à genoux jusqu'à ne plus se relever.
— Je fais que dire ce que je vois, constata-il et Coop aboya sur lui. ET CE P*TAIN DE CHIEN QUI NE FAIT QU'ABOYER.
Zack se tourna vers Coop prêt à lui donner un coup, mais Calipso eut juste le temps de s'interposer. Le pied de Zack atteignit son tibia et malgré le coup, elle cacha la douleur. Cela lui aurait fait trop plaisir.
— Dégage ! lui désigna-t-elle la porte.
— Quoi ? rigola-t-il, bien trop sûr de lui. Tu me refais une scène ?
— Je peux encaisser n'importe quoi. Mais certainement pas que tu touches à mon chien. ALORS DEGAGE ! C'EST FINI ENTRE NOUS. DEGAGE !
— T'es pas sérieuse ? s'assura-t-il et il perdit en assurance.
— Oh que si.
Elle croisa les bras pour l'inciter à attaquer de nouveau, ce qu'il ne fit pas. Zack s'approcha d'elle et elle refusa de reculer. Elle devait prouver qu'il ne l'impressionnait pas. Il esquissa un demi-sourire, ses yeux verts perçants posés sur elle et il lui siffla dans l'oreille :
— Tu vas le regretter, Calipso.
Août 2023
Les deux derniers mois avaient été horribles. Depuis sa rupture avec Zack, Calipso avait toute l'équipe à dos. Même Dana ne lui adressait plus un mot. Elle n'avait aucune idée de ce que Zack avait été raconté, elle ne doutait pas qu'il s'agissait d'un flot de conneries.
Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu'elle avait tenté de discuter avec Dana, notamment quand celle-ci avait commencé à flirter avec Zack. Calipso voulait la prévenir, Calipso voulait comprendre, Calipso voulait garder la seule personne avec qui elle avait un semblant de liens. Dana l'avait envoyé balader en lui crachant qu'elle ne la manipulerait pas elle aussi.
A partir de ce moment, Calipso avait compris qu'elle n'y pourrait rien.
Sa vie était devenue un enfer.
Elle subissait les moqueries sexistes, si ce n'étaient racistes. Elle subissait les mauvaises farces dans son casier et toutes les tâches ingrates de la caserne. C'était pathétique. Même Chase Lance, Meryl Portman et toute leur bande n'avaient pas été si ridicules.
Mais Calipso y faisait abstraction. Elle s'en moquait. Elle n'avait besoin de personne. Juste de Coop. A la maison, tout était parfait. Rien n'avait plus d'importance.
L'alarme se déclencha, annonçant une nouvelle intervention. Calipso jeta son éponge dans la bassine et se dépêcha de rejoindre le vestiaire. Au passage, Zack la bouscula et elle eut le juste équilibre pour éviter de s'écraser au sol. Zack se tourna vers elle, ce sourire exécrable ancré sur son visage :
— Alors Rivera, tu ne tiens pas sur tes jambes ?
Quel enfoiré.
Bien sûr toutes les étoiles s'alignaient pour former la constellation « abattre Calipso Rivera ». Comme si sa vie n'était pas aussi sinistre que le Tartare, cette intervention devait s'ajouter. Du camion de pompier, elle observa la grotte dans laquelle elle et l'équipe devaient se rendre. Peut-être qu'elle se dirigeait réellement dans le Tartare.
Le casque enfoncé sur la tête et la lampe allumée, Calipso suivit l'équipe dans les fonds de la grotte. Elle suffoquait et des perles de sueurs dégoulinaient sur son front et dans son dos. Ses jambes claquaient entre elles. La distance entre son équipe et elle s'étendait.
— Bah alors, Rivera, on flippe ? se moqua Clarkson devant elle et les rires de ses camarades firent un écho dans toute la grotte.
— Pas du tout !
Sa voix cassée la trahit et ils rirent de plus belle. Elle avait hésité à demander à rester à la lumière du jour, mais leurs moqueries n'auraient été que plus intenses. Elle ne pouvait pas leur servir sur un plateau. Quelle erreur de sa part, la fierté n'était pas toujours la solution.
Désormais, elle bataillait. Sa phobie lui jouait des tours. N'était-ce pas un éboulement qu'elle entendait ? Un caillou ne venait pas de rebondir sur son épaule ? Son cerveau ne l'aidait pas, il était persuadé qu'elle allait finir englober sous des rochers. Mais cette fois, elle n'en sortirait pas vivante.
Un gigantesque concert de basses tambourinait dans sa poitrine, les vibrations s'étendaient dans chaque fibre de son corps. Des points blancs perturbèrent sa vue et ses jambes flageolèrent. Elle vacilla et n'eut pas le temps de se rattraper à la paroi qu'elle tomba.
— Rivera, grouille toi ! s'exclama Dana.
— Apprends à marcher, la ridiculisa Zack.
— Relève-toi ! lui ordonna Aal.
Chaque moquerie, chaque ordre la maintenait un peu plus au sol. Elle n'arriverait pas à se relever. L'angoisse montait et elle était incapable de la combattre. L'air lui manquait, elle n'arrivait plus à respirer. Son visage fut de plus en plus humide. Elle était tétanisée.
— Je… Je n'peux pas bouger, chuchota-t-elle incapable d'augmenter le volume.
— Capitaine, Rivera panique. Elle ne bouge plus.
— Clarkson, ramène-la. Les autres, dépêchez-vous. Vous perdez assez de temps.
— Toujours la faute de la même personne, l'humilia Zack.
Elle aurait pu se relever et le cogner, ce n'était pas l'envie qui lui manquait, mais elle en était incapable. Les parois se rapprochaient d'elle, elle étouffait. Elle allait mourir. Des grondements étaient perceptibles, les murs s'écroulaient. Elle en était certaine.
Soudainement, elle fut soulevée du sol. Un gros bras lui encercla la taille et il l'aida à passer son bras autour de ses épaules. Quelqu'un la portait et la guidait vers la lumière. Elle voyait la lumière, la fin était proche. Irrémédiable.
La fin lui avait semblé si proche. Mais le vent frais et le la bouffée d'air la saisirent. Son corps se réveilla et elle retrouva possession de ses mouvements. Elle remarqua son capitaine qui se dirigeait vers elle, cela n'annonçait rien de bon. Clarkson lui grogna des mots qu'elle préféra ne pas écouter, il la relâcha qu'elle tomba, encore.
— Ce sera un rapport, Rivera, déclara son capitaine.
Il lui désigna le camion et lui ordonna de retirer son équipement. Elle entendit des mots tels qu' « manque d'honneur », « danger », « irresponsabilité », « incapable »… Calipso rangea son casque et enleva son manteau. Elle se boucha les oreilles en reprenant son souffle.
Son échec était cuisant. Elle avait été d'une nullité dévorante.
Près d'une heure plus tard – elle avait préféré ne pas suivre la trotteuse de sa montre – son équipe refit surface avec les victimes. Le capitaine l'ignora comme chaque camarade. Elle n'était rien, juste un lourd fardeau. Aucun ne lui adressa un mot, ils se déshabillèrent et rejoignirent progressivement le camion. Sauf une seule personne.
— Je te l'avais dit Calipso, souffla Zack à son oreille. Incapable de gérer la pression. Tu n'es pas faite pour être pompier.
Si Calipso n'avait eu aucun contrôle de ses émotions, elle se serait effondrée pour ne plus jamais se relever. Mais elle avait tenu bon et s'était contentée de se couper du reste du monde. Rentrée chez elle, elle sortit Coop et elle s'arrêta proche du Lake Washington. Les yeux fixés vers le ferry qui naviguait, Calipso s'évada dans ses pensées. Chaque particule de sa vie explosa comme les bulles d'une boisson gazeuse. De petits plop pétillaient dans sa tête dans de douloureux souvenirs. Elle s'inventa un éventail avec sa main, inefficace, même un seau de glaçons n'aurait pas fonctionné à la calmer.
Chaque faille l'assénait, même si elle le masquait par le menton relevé. Chaque épreuve devait être une force. Comme une grande femme disait : Everything you lose is a step you take. Plus que tout, Calipso avait promis à Tia de ne pas abandonner. Elle devait se convaincre qu'elle en était capable, elle devait trouver sa place. Calipso devait retrouver la personne qu'elle était et non être l'image de celle qu'on lui renvoyait.
— On va partir, Coop, annonça-t-elle. On ne peut pas rester ici. Tu n'es pas bien et moi non plus. Je commence à les croire. Je dois me prouver qu'ils ont tort et que j'ai raison. Je me donne une dernière chance. On trouve un meilleur endroit que celui-ci. Je garderai un maximum mes distances et je n'échouerai pas. On va partir.
Coop posa sa ta tête sur elle, il couina par compassion. Elle essuya ses larmes et gratouilla la truffe de Coop.
Elle était Calipso Rivera, emportée par les flammes, elle renaissait toujours de ses cendres.
— Dernière chance, soupira-t-elle. Je dois nous trouver un bon endroit pour nous construire un réel avenir. Je n'ai plus le droit à l'échec.
Clap de fin de première partie :')
Ce chapitre vous a-t-il plu ?
Pour celleux qui n'ont pas vu la série, les épisodes "... begins" sont souvent très attendus et adorés. C'était plus complexe, ici, par écrit. Dans ma tête, c'est bien plus sympa ahah. A savoir que j'ai coupé ce chapitre en deux, j'étais bloquée sur la manière de l'écrire, mais aussi sur les premiers chapitres de la partie 2. Découper ce chapitre et déplacer le début dans la partie 2 a été bénéfique à l'inspiration et la cohérence de l'histoire. J'espère qu'il vous a, tout de même, plu et qu'il vous a permis de comprendre certains choix de Calipso, de mieux saisir le pourquoi de ses actions, même si elles ne sont pas excusables.
Qui détestez-vous le plus dans ce chapitre ? Il y a du beau monde.
Coeur sur Tia Helena, les meilleur-es partent toujours les premier-es.
De manière générale, quel est votre avis sur cette première partie ? Quels sont vos personnages préférés et pourquoi ? Qu'attendez-vous de la suite ? Quelles sont vos théories eheh ? (si vous ne voulez pas les partager en commentaire, vous pouvez m'envoyer un mp aussi :) )
Bref, c'est donc officiellement la fin de cette première partie...
Je suis toute émue. Quand je vois à quel point l'histoire a mûri pour tisser sa propre identité... C'est toujours beaucoup d'émotions de constater quelques petites idées se transformer en 91000 mots.
Je vous remercie de l'avoir suivie et j'espère que vous serez là pour la partie 2. Je m'y suis bien remise ces derniers jours. J'y travaille et je vais essayer de ne pas vous faire attendre trop longtemps. Il faut juste savoir que la partie 2 sera bien plus longue. Une vingtaine de chapitres sera nécessaire pour la couvrir. Pour vous donner une idée :
- La partie 1 a commencé en septembre 2023 et se termine en octobre 2024.
- La partie 2 reprendra en octobre 2024 et ira jusqu'en juin 2026 !
J'ai hâte de vous la faire découvrir, pour vous teaser un petit peu : il y aura pas mal de drames (bah oui.), mais aussi et surtout, beaucoup de bonheur. Ahhhh je suis si pressée !
En attendant, je vous propose une petite F.A.Q. Posez-moi toutes les questions que vous souhaitez : à propos de moi, sur cette histoire (qui ne m'obligent pas à vous spoiler, bien sûr), organisation dans l'écriture, et même vous adresser aux personnages :D Je les compilerai et y répondrai dans un chapitre dédié. :)
ENCORE MERCI ! ET A BIENTOT. COEUR COEUR.
