Petit mot de l'auteure : ce texte a été écrit pour la troisième nuit du FoF (oui je fais les choses 14 ans après, et alors?) sur le thème Devinette !


Bohort pouvait parfois s'inquiéter pour des choses en apparence anodines.

Exemple ? Les lapins. Aux yeux du monde, ceux-ci étaient des petits êtres charmants et bucoliques. Mais en réalité ? Qui pouvait savoir ce que ces peluches sur pattes pouvaient cacher ? Personne. Contrairement à ce que bien des hommes pensaient, les animaux n'étaient pas idiots ; ils savaient comme personne comment s'adapter pour survivre dans un milieu hostile. Ainsi, rien n'indiquait que les lapins n'avaient pas revêtus cet aspect physique adorable pour mieux tromper les âmes faibles. Par principe, Bohort restait vigilant.

Alors oui, aux yeux des autres, il semblait s'angoisser pour « rien ». Le problème, c'est que à ses yeux à lui, ce n'était jamais « rien ». Prenez la situation présente, par exemple : Jaskier venait de lui demander de lui poser une devinette. Quelqu'un d'autre se serait sûrement contenté de s'exécuter sans se poser plus de questions. Bohort, lui, voyait en cette requête tout un tas de dangers potentiels : et si sa devinette était trop aisée, et qu'il apparaissait comme un idiot aux yeux de Bohort ? Ou au contraire, si elle était trop difficile, et que les conséquences étaient désastreuses pour l'égo de Jaskier qui en viendrait à se déprécier ? Alors non, répondre sans se poser plus de question n'était pas souhaitable. Un autre problème se posait : Bohort ne connaissait qu'une seule devinette. Celle-ci reposait de plus sur un ressort d'humour. La difficulté étant que personne à part lui n'appréciait cet humour. À chaque fois qu'il avait tenté de la raconter à quelqu'un dans le château, le résultat avait été invariable : un grand regard perplexe. Ainsi, de nouvelles questions apparaissaient : et s'il baissait dans l'estime de Jaskier ?

Malheureusement, Bohort n'eut pas vraiment le loisir de s'interroger davantage, car demeurer silencieux n'était pas non plus une meilleure solution : Jaskier manquait de le voir comme un imbécile sans cervelle. Ce n'était pas une image qu'il voulait renvoyer. Désespéré, il tenta le tout pour le tout.

- Quelle note de musique est-elle la plus basse ? Demanda-t-il.

- Je ne sais pas, répondit Jaskier après quelques secondes de réflexions.

- Fa. Parce qu'elle est sous le Sol.

Bien évidemment, un grand silence accueillit sa réponse.

Bohort tâcha de philosopher : au moins, il avait essayé.

C'est alors que le silence fut brisé par un énorme rire.

Sous le Sol... répéta Jaskier. Par tous les saints, c'est excellent !

Bohort songea alors que la seule chose véritablement excellente dans cette histoire tenait surtout au rire de Jaskier. Car, pour une fois, celui-ci n'était pas porté à ses dépends. Et ça, cela en faisait le plus beau son du monde.