FINAL FANTASY — VERSUS XV

Précédemment …

Malgré l'utilisation des pouvoirs de Titan, Noctis est ensuite surpris par un sévère revirement de situation : l'apparition d'Ifrit, commandé par Ardyn. Battu, le Prince voit même Lunafreya et Prompto partir aux mains du Chancelier, pendant qu'il rumine et récupère du mieux possible.

Yoko Shimomura — The Aggressors

Plusieurs longues heures s'écoulèrent.

Lorsque Noctis Lucis Caelum se réveilla, ce fut avec un terrible goût de défaite qu'il apprit le déroulement des événements.

Plusieurs heures s'étaient écoulées, depuis la fin de ce combat au milieu de la jungle Ueltham. Alors il ne put s'empêcher de pester, plus ou moins bruyamment, laissant libre court à une exaspération qui concernait d'abord et avant tout, sa propre faiblesse : malgré toutes ses belles paroles, toute sa belle volonté, il avait été incapable de mettre réellement Ardyn en danger. Voilà le seul cruel constat qui s'imposait. Encore blessé, il avait été soigné par Lunafreya avant le départ de cette dernière, mais se retrouvait encore trop faible pour agir.

Ce ne fut pas ce qui empêcha l'intéressé de se redresser, droit comme un i, pour essayer de marcher vers la capitale du Niflheim.

« — Arrête, Noct. Ça ne sert à rien, ce que tu fais. Dans ton état actuel, que crois-tu pouvoir faire ?

— Luna et Prompto sont entre les mains de ce bâtard, et tu vas me demander de rester les bras croisés ?

— Parfaitement. Je sais que c'est dur pour toi, mais si on gaspille notre seule chance de les secourir, alors il n'y aura plus rien à faire. Dame Stella a voulu faire la même chose, mais s'est résignée. Alors s'il te plaît, ne fais pas d'idioties. Il vaut mieux récupérer des forces et lancer l'opération à partir de demain. »

Accepter la défaite dans son intégralité lui semblait difficile. Plus que difficile.

Le feu de camp que faisait brûler Ignis constituait une lumière bien terne, sans Lunafreya et Prompto. Serrant les poings, le Prince faisait de son mieux pour ne pas céder psychologiquement. Il fallait trouver une stratégie, très rapidement. Une stratégie efficace, pour permette à leurs proches de sortir rapidement d'ici.

« — Ce fils de chien d'Ardyn … grommela le jeune Prince. Je vais le buter … »

Même si ces paroles s'avéraient fort inutiles, le Prince avait besoin d'une forme d'exutoire. Défait et incapable de protéger les siens, il ne décolérait pas. Aussi bien contre le Chancelier qu'envers lui-même.

« — Ça fait beaucoup de trucs à buter, marmonna Gladiolus. Comment on bat Ifrit ?

— S'il existait une solution facile … murmura Ignis. Il faudra certainement faire appel aux pouvoirs des Astraux de Noct. Mais va savoir si ça suffira.

— … Il nous attendra. Peu importe ses intentions, il nous attendra. »

Stella venait de prendre la parole, en gardant son regard terne sur les flammes du feu de camp, qui crépitaient encore régulièrement. Elle-même savait qu'il faudrait attendre le lendemain pour agir.

Forcément, comme ses compagnons d'infortune, elle rongeait son frein, incapable d'appréhender ce qui l'attendait. Elle ne pouvait alors plus que persuader du bien fondé de ses pensées.

Mais lorsque la logique suivait simplement ses aspirations, peut-être faisait-elle fausse route.

Pour l'heure, ils attendaient, en cherchant vainement à trouver du réconfort dans une nuit pourtant clémente.


Chapitre 94 : Raisons profondes

Graléa — Capitale de l'Empire du Niflheim.

« — La décoration laisse vraiment à désirer. »

Prompto Argentum avait beau parler sur un ton sarcastique, le jeune homme était absolument tout, sauf rassuré par le sort qui l'attendait.

« — Je peux savoir où vous m'emmenez ? »

Séparé, plusieurs heures auparavant, de Lunafreya Nox Fleuret par les soins de Verstael, il se trouvait maintenant emmené de force à travers un couloir grisâtre et terne, éclairé par des néons placés sur le plafond, le blond était surtout entouré par un certain nombre de troupes Magiteks. Devant la petite troupe, Verstael marchait en ayant visiblement l'air songeur, ne prêtant jusqu'à présent aucune intention aux paroles proférées par leur prisonnier.

« — Où sont les humains ici ? Il n'y a que des robots partout. »

Verstael se stoppa alors dans sa marche, en esquissant un sourire mauvais.

Prompto arqua un sourcil, en le regardant ensuite d'un air plus sérieux.

« — Enfin, tu as remarqué que j'étais là.

— Ne sois pas plus stupide que tu en as l'air, lâcha le vieil homme. Tes paroles n'avaient pas le moindre intérêt, voilà pourquoi je ne t'ai pas répondu.

— Ah bon ? Parce que maintenant dire que y'a que des robots est intéressant ?

— En fait, ce n'était pas ''intéressant'', en soi. Je voulais juste rectifier ta phrase. Il y a pourtant un humain dans ce couloir, tu ne crois pas ?

— Hein ? Ah, merci mais …

— Je parlais de moi. »

Verstael se remit alors en marche, tout en ricanant. Prompto fronça alors les sourcils, sans comprendre où voulait en venir ce cinglé. Un coup dans son dos, de la part d'un soldat Magitek arracha néanmoins un petit rictus, mêlant colère à douleur chez lui. Il se remit alors en marche.

Finalement, après de longues minutes à traverser des zones inconnues à ses yeux, Verstael se stoppa près d'une grande porte métallique.

« — Voilà ta nouvelle demeure, lâcha-t-il, d'un ton rauque. Bienvenue à Zegnautus.

— … C'est censé vouloir dire quoi ?

— Tu resteras simplement au fond de cette forteresse en attendant que tes misérables amis viennent te porter secours.

— C'est une blague ? Dans ce cas-là, pourquoi ne pas simplement avoir capturé Dame Lunafreya ? À quoi je sers concrètement ?

— Ha. Je n'ai jamais dit que moi, je resterai inactif pendant que toi, tu seras prisonnier.

— Je ne comprends rien du tout, grommela Prompto. Qu'est-ce que tu me veux, à la fin ?!

— Ce n'est pas évident ? Je reprends ce qui m'appartient.

— … Hein ?

— Regarde attentivement. Une démonstration vaut mieux que des paroles. »

D'un signe de la main, Verstael ordonna à ses machines Magiteks de rentrer dans la forteresse.

Une porte automatique s'ouvrait alors à chaque fois que l'un des soldats se positionnait convenablement, scanné par un système de haute sécurité.

« — On ne peut pas entrer facilement, tu vois ? Les soldats Magiteks entrent à l'intérieur après un scan minutieux. En revanche, si moi j'y vais … »

Verstael se positionna dans le même emplacement que ses troupes. Cette fois-ci, rien ne se produisit.

« — Tu constates que ça ne marche pas. En tant que scientifique, je préférais éviter que d'autres humains avec des intentions ou des ambitions incontrôlables, puissent pénétrer dans le secteur. Il faut donc la carte d'accès, que je possède ici.

— … Je ne vois toujours pas de quoi tu veux parler, affirma Prompto, en arquant un sourcil.

— Je t'ai dit que parler ne serait pas suffisant, lâcha le vieil homme. Amène-toi.

— Dedans ? Je ne vois pas pourquoi … »

Sauf que les deux soldats Magiteks qui se trouvaient dans son dos ne lui laissèrent pas le choix. Poussé, le jeune homme arriva alors sur l'emplacement où se situait alors Verstael.

« — Ton système de sécurité est bidon, lâcha Prompto, en titubant. »

… Jusqu'à ce que le son caractéristique d'un scan ne se produise.

Prompto élargit alors son regard, alors que la porte automatique s'ouvrit. Sur son poignet droit, une lumière venait de briller, derrière sa mitaine.

« — Que … ?!

— Il y a encore beaucoup de choses dont tu dois te souvenir, mais il y a aussi beaucoup de choses que tu dois déjà savoir, ricana alors Verstael. En tout cas, laisse-moi te le dire : bon retour à la maison, Prompto Argentum. »


Lunafreya Nox Fleuret n'appréciait pas du tout la situation.

Elle ne saurait énumérer les raisons — longues comme l'Hydréenne — mais cette sensation désagréable bourdonnait à ses oreilles continuellement. Même la douche chaude gracieusement offerte par Ardyn Izunia, ne calmait pas ses préoccupations. Rien de plus logique, en somme : captive, en plein territoire ennemi et soumise aux petits jeux perfides du Chancelier, elle commençait déjà à être lassée par une histoire qui lui paraissait presque répétitive.

La belle femme se sécha les cheveux, son regard bleuté se fixant nerveusement dans le miroir, tandis qu'elle décida d'enfiler la longue robe blanche, ironiquement préparée pour ses soins. Savoir que le créateur de cette tenue n'était probablement plus de ce monde suffisait à quelque peu la rebuter, mais la Princesse n'y pouvait plus grand-chose.

Cela dit, la situation actuelle différait grandement de celle passée auparavant, au sein de la ville d'Insomnia. Cette fois-ci, Lunafreya servait d'appât évident pour attirer le Prince Noctis et ses compagnons. Malgré cette vérité évidente, Lunafreya ne comprenait toujours pas une chose : pourquoi ?

Si Ardyn Izunia souhaitait simplement exécuter le Prince Noctis et ses compagnons, alors il aurait déjà pu le faire. L'avantage évident, porté par l'apparition du Calcinateur Ifrit, avait réduit les espoirs du groupe à néant. Définitivement, il y avait encore quelques zones d'ombres dans les objectifs même d'Ardyn, et cette incertitude dérangeait la princesse. Coûte que coûte, elle devait savoir ce qu'il tramait réellement.

Lunafreya retourna ainsi dans la spacieuse chambre préparée pour ses soins. Emprisonnée, elle pourrait tenter une fuite mais Ardyn l'avait déjà prévenue : le moindre comportement suspect ou irréfléchi pourrait coûter cher, non pas à sa propre vie, mais à celle du jeune Prompto Argentum. Risquer sa propre existence était une chose, mais Lunafreya refusait de risquer celle du précieux ami de Noctis. Il fallait donc faire le dos rond et trouver la meilleure opportunité pour subtiliser des informations à leurs ennemis.

« — Princesse ? »

La voix désagréable d'Ardyn retentit justement, alors que l'interpellée se trouvait simplement debout, le regard porté vers la fenêtre.

« — Cela fait une heure, comme promis. Je suis donc revenu vous chercher. »

Le Chancelier entra directement dans la chambre, après l'avoir déverrouillée. Il tomba alors directement sur le regard inquisiteur de la belle blonde, qui ne l'accueillit que de cette façon. Ardyn haussa simplement les épaules.

« — Vous n'avez pas l'air très disposée à communiquer, lança-t-il, d'un air déçu. J'espère que vous avez bien profité de ce modeste séjour, dame Lunafreya.

— Je préférerai être ailleurs, répondit-elle sans détour.

— Vous êtes bien dure. Moi qui essaie d'être aimable …

— Je n'ai pas l'impression qu'un kidnapping et être aimable soient très compatibles.

— Haha, j'aurai du mal à vous contredire. Mais c'est pour l'intérêt commun, vous savez ?

— J'ai du mal à le croire, rétorqua Lunafreya. J'ai plusieurs questions.

— Oh wow, encore ? La dernière fois, j'ai pourtant été clair. Je ne sais pas grand-chose.

— J'ai du mal à croire ces paroles, lâcha son interlocutrice. Où est Prompto ?

— Encore cette question ? Qu'est-ce que vous ressentez pour ce brave petit ?

— Je ne trouve pas ça amusant.

— Il n'y a rien que vous trouvez amusant visiblement.

— La vie de mes amis n'est pas un objet de distraction.

— Ah, donc ''amis'', ce n'est pas si mal. Je pensais que vous alliez dire « ami du Prince » ou quelque chose du genre … alors c'est bien, vous vous êtes bien intégrée auprès de ce joyeux groupe ! Comme moi, j'appelle même le Prince ''Noct'' ! »

Lunafreya ne goûtait visiblement pas à sa bonne humeur exubérante.

Ardyn ne se départit néanmoins pas de son infernal sourire, et finit simplement par se rapprocher de la belle princesse, en conservant cet air espiègle et manipulateur.

« — J'ai attendu tellement longtemps, articula-t-il. Voyez-vous, Dame Lunafreya, l'Éternité n'est pas qu'un mot.

— Ces paroles ne sont pas très claires, argua Lunafreya. Que désirez-vous réellement ?

— Oh là, attention ! Si ça continue, c'est moi qui vais subir un interrogatoire !

— S'il le faut.

— … Hélas, ma chère, il s'avère que vous n'êtes pas en position de force pour négocier.

— Je … »

L'Oracle élargit vivement son regard, lorsque son ravisseur déposa avec une certaine délicatesse, son index sur ses lèvres afin de la faire taire.

« — Vous allez me suivre, Dame Lunafreya. Je commence à avoir faim. Je suis disposé à discuter, mais un bon dîner s'impose d'abord. »

Il ne s'agissait pas d'une proposition.

Il s'agissait d'un ordre formel, contre lequel aucune protestation ne fonctionnerait. Lunafreya frissonna légèrement.

Elle oubliait presque, par une étrange vanité. Elle ne soutirerait aucune information facilement.

Elle n'était pas en position de force ici. Elle ne l'avait jamais été. Cette situation était intégralement dans la paume de cet énigmatique Chancelier, reposant jusqu'au moment où il en tirerait le meilleur profit.

L'Oracle finit par emboîter le bas à son ravisseur, en baissant légèrement son regard bleuté et pur.


Naoshi Mizuta — Home Sweet Home

Pendant que l'héritière de Tenebrae subissait un premier accroc, Prompto Argentum avait été lui-même confronté à une horrible vérité.

Ou tout du moins, une épouvantable affirmation. Sans confirmation, il ne saurait dire s'il s'agissait d'une vérité ou non. Mais en guise de torture psychologique, Verstael n'avait même pas daigné répondre à ses interrogations. Voilà ainsi le jeune homme coincé au fond d'un cachot, assis sur le sol en train de ruminer les éventualités dans sa tête.

Ce procédé était peut-être encore plus cruel que tout lui dévoiler d'une traite. Ainsi, Prompto restait bercé dans un brouillard d'incertitudes, particulièrement inconfortable. Subsistait encore que tout cela ne restait qu'une machination dans le but de le faire craquer.

Mais comment … ?

Depuis son arrivée ici, depuis la fin du combat contre Ardyn, il n'avait jamais subi une quelconque injection étrange, jamais été endormi ou anesthésié. Hormis des coups physiques en guise de réprimande, Prompto Argentum était exactement dans le même état qu'il avait avant de venir.

Et pourtant, l'étrange scan sur la porte avait décrété que lui, pouvait pénétrer à l'intérieur d'une zone pourtant sûre.

Non. Il devait y avoir une explication.

Peut-être que Verstael avait trafiqué ce dispositif, dans le but de le faire douter.

Mais …

Serrant les dents et ressentant une terrible peur au fond de lui, le Lucisien refusait d'envisager cette horrible possibilité.

Il le savait.

Il le savait pertinemment.

Il ne venait pas d'Insomnia.

Il ne venait peut-être même pas du Lucis.

Son cœur battait de plus en plus vite.

Cela lui paraissait futile. Plus il réfléchissait à la question, plus il s'en posait d'autres.

Mais dans de telles circonstances, que faire ?

Que pouvait-il demander ? Il avait déjà tenté d'hurler, en s'époumonant littéralement, sans la moindre once de succès.

La solitude ne pouvait que se refermer sur lui. Prompto imaginait ses compagnons, ses frères, venir lui prêter main forte. Mais il s'agissait d'un piège évident. Par sa simple présence ici, il mettait déjà tout le monde en danger. Mais à cela, à cette situation évidente, s'ajoutait maintenant une autre perspective, encore plus sombre à ses yeux.

Pouvait-il réellement faire partie de cette fratrie improvisée … ?

« — … Les gars … »

S'il y avait eu un miroir, il n'aurait même pas osé se regarder.

Il se détestait, dans son état actuel.

Alors que la Princesse Lunafreya courait peut-être un grand danger, il ne parvenait pas à détacher ses pensées de lui-même et de sa véritable identité.

« — C'est pas le moment ! C'est pas le moment, merde ! »

Il s'énervait.

Il s'énervait profondément.

Mais même ainsi, il ne parvenait pas à détacher son regard.

Il ne parvenait pas à détacher son regard de cette futile imagination. De ce souvenir d'un jeune garçon trapu, qui cherchait son chemin, dans une terre inconnue.

Il ne pouvait pas oublier. Comment pourrait-il seulement le faire … ?

Cette peur glaçante continuait de gagner du terrain dans son cœur, malgré ses tentatives de remettre les choses dans l'ordre.

Il ne parvint pas à relever la tête. Il ne parvint à retrouver de l'allant. Prostré, résigné face au temps cruel qui passait, Prompto Argentum resta immobile dans sa cellule, de longues minutes durant.

Yoko Shimomura — Ardyn

La grande salle à manger n'était utilisée que pour deux personnes.

Lunafreya Nox Fleuret n'appréciait pas les artifices et les faux semblants, qui pullulaient continuellement à travers chaque parole prononcée par son ravisseur. Mais Ardyn Izunia restait indéniablement en position de force, pour mener à bien sa discussion. Assis à table, il invita la princesse à s'asseoir en face de lui.

« — Je pense que même une princesse en fuite devrait avoir faim, déclara-t-il, le sourire aux lèvres.

— … À quoi cela rime-t-il, réellement … ?

— Quoi ? Vous voulez dire que vous n'avez pas faim ? Les cuisiniers se donnent du mal, vous savez. Même s'il s'agit de cuisiniers Magiteks qui ne vont pas très bien avec un tablier.

— … Ne comptez-vous pas me tuer, Chancelier ? »

Ardyn fronça distinctement les sourcils, en arrêtant sa fourchette alors qu'elle s'apprêtait à embrocher un petit morceau de viande.

« — J'ai vu des bribes de votre passé, souffla l'Oracle. Qui était Aera ? »

Cette fois, Ardyn élargit son regard, visiblement pris de court par une question à laquelle il ne pouvait pas s'attendre. Lentement, dans un geste nettement moins théâtral qu'à l'accoutumée, le Chancelier déposa sa fourchette, comme si l'envie même de manger venait de lui être ôtée.

« — Eh bien, si je m'attendais à ça … marmonna-t-il, d'un air sombre. Je savais que l'Oracle pouvait entrer en contact avec les dieux, mais regarder le passé ? Sérieusement … ?

— … Vous n'avez pas répondu à ma question.

— Et qu'est-ce que cela change ? Les contes vieux de 2000 ans n'ont plus d'importance.

— Ce sont ces mêmes contes qui dictent votre vengeance, n'est-ce pas ?

— … Ma vengeance n'est pas liée à un conte. Elle a été dictée par la réalité elle-même. »

Le regard sombre qu'il offrait à cet instant ressemblait davantage à celui de cet homme maudit par le destin, frappé d'une cruelle éternité.

« — Mais puisque vous avez vu le passé, sans doute êtes-vous capable de l'expliquer.

— … J'ignore les détails des souffrances qui ont été les vôtres, murmura Lunafreya. Mais plonger le monde dans le chaos ne va rien résoudre.

— Au contraire, ricana nerveusement le Chancelier. Ce monde peut disparaître dans son intégralité. Il doit disparaître. Il n'y a rien à sauver ici. Ceux qui défendent cette Humanité peuvent périr avec elle.

— Ce sont les paroles d'un homme ayant perdu tout espoir.

— Ce sont les paroles d'une femme qui ne connaît rien au désespoir. »

Yoko Shimomura — Ardyn IV

La colère d'Ardyn se faisait sentir, à la fois dans son ton et dans le regard qu'il lançait.

Lunafreya tressaillit doucement. Elle jouait certainement un jeu dangereux, en confrontant de la sorte cet homme et sa folie millénaire. Mais afin de combattre le Mal à sa racine, elle devait en connaître les tourments. Comment réellement éradiquer la source de tous ces fléaux, sans en être conscient ?

« — Dame Lunafreya, reprit soudainement Ardyn. Je crois que j'ai compris, après mûre réflexion, pourquoi je ne peux pas vous apprécier. Vous lui ressemblez excessivement. »

La belle Oracle plissa légèrement son regard, en essayant de comprendre la teneur des propos qui lui étaient adressés.

Mais Ardyn ne conclut pas ses propos, en se contentant de lui adresser un regard sombre.

« — Mais je vous offre un point, argua le Chancelier. Je ne m'attendais pas à ce que vous soyez capable de jouer sur ce terrain de jeu. Alors, je vais vous faire une confidence. »

Son interlocutrice ne répondit rien.

Elle se sentait tendue, mais ne souhaitait pas avoir la faiblesse de le montrer.

« — Je veux faire disparaître le Cristal, les dieux et tout ce qui ressemble à la lignée du Lucis. Tout. Sans exception. Cela fait deux mille ans que j'attends ce moment. Ce n'est pas quelque chose que je veux rater. Ce n'est pas quelque chose que je veux bâcler. Bientôt, dame Lunafreya, je mettrai un terme définitif à cette histoire en prenant la vie de votre précieux Prince. Pas n'importe comment. Cela devra se passer exactement comme je le désire. »

… Ardyn souhaitait bien la mort du Prince Noctis.

Mais visiblement, cette défaite devait revêtir d'une saveur encore plus singulière. Une simple victoire ne lui conviendrait pas. Un simple assassinat ne serait pas suffisant.

Le regard lourd d'Ardyn témoignait d'une rancœur bien plus profonde. Une rancœur qui transcendait les générations, la simple histoire du Roi-élu.

Ardyn Izunia ne se battait pas seulement contre Noctis Lucis Caelum. Il se battrait contre tout ce que cet homme représentait.

« — Noct est le Roi-élu, hein ? »

Il se leva, en toisant son invitée d'un regard toujours plus perçant.

« — Élu par les dieux, pour sauver les Hommes, soit … »

Il s'avança lentement, en prenant au passage le couteau pointu qu'il trainait près de son assiette.

Lunafreya se racla vivement la gorge.

« — Alors je me débarrasserai des deux races en même temps. »

Il planta l'arme blanche, à quelques centimètres du poignet de l'Oracle, qui n'avait pas esquissé le moindre geste.

« — Le monde, après ça ? Ce n'est plus mon problème. »

À suivre …