EUPHORIE ET DYSPHORIE DE GENRE
Contraintes :
Période du Golden Trio
Lieu : Maison
Objet-Magie : Polynectar
Personnage : Astoria Greengrass
Phrase Imposée : "Aucune Victoire, que ce soit sur le bien ou le mal, n'est jamais définitive"
Ajout diabolique : Un personnage muet
Nombre de mots max : 800 / Nombre de mots écrits : 798
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Astoria tourne et se retourne en tous sens devant sa psyché. Elle prend la pose, se déhanche, tord la colonne vertébrale pour paraître plus "sexy". Décidément, cette nouvelle robe est parfaite : elle met en valeur sa poitrine et sa taille fine. Le tombé de la soie est agréable sur ses jambes, elle a l'impression d'être caressée par une brise légère. Elle se sent féminine, désirable… puissante !
Concentrée sur sa propre personne, un sourire suffisant ancré sur les lèvres, elle ne remarque pas la porte de sa chambre s'ouvrir. Une ombre se découpe dans l'embrasure et se faufile derrière la penderie. La personne attend quelques secondes. Puis, se penche à l'angle du meuble.
Elle admire. Cette si belle femme. Cette adolescente magnifiée par son assurance. Elle envie son arrogance. Ce bonheur simple d'exister. Sans regret ni amertume. Sans besoin de se justifier. Elle impose sa présence au monde si naturellement.
Tout à sa contemplation, la silhouette se dévoile un peu plus… un peu trop. Astoria bondit et pivote si vite que sa jupe virevolte de longues secondes. Par réflexe, elle porte la main à sa taille, à la recherche de sa baguette pourtant posée sur la table de chevet.
« Blaise ?! hoquette-t-elle. Mais que fais-tu i… Non mais c'est pas vrai ! s'exclame-t-elle d'un coup en levant les bras au ciel. Daphné ! Arrête d'utiliser du polynectar ! Je vais finir par avoir une crise cardiaque ! »
Contrite, la grande sœur sort de sa cachette, tête basse. Comme d'habitude, elle se fait repérer trop vite. Elle aime tant l'espionner quand elle la sait en pleine crise d'égocentrisme, devant son miroir. Elle est magnifique dans ces moments-là : perdue dans son monde, irradiant d'une confiance en soi qui fait défaut à Daphné.
C'est encore mieux quand elle prend l'apparence d'un homme. "Elle" se sent alors plus à l'aise, plus en accord avec l'orgueil de sa petite sœur. Sous une peau masculine, "elle" se pense enfin capable de jouer son rôle dans la société, d'être qui "elle" doit être. Et "elle" s'imagine absorber une partie de la fierté d'Astoria.
« Comment fais-tu pour récupérer les cheveux de tous ces garçons ? s'étonne la plus jeune en croisant les bras, l'œil accusateur. Merlin ! J'ai eu la peur de ma vie quand tu t'es polynectarisée en Draco ! J'ai cru qu'il m'avait surpris en petite tenue ! »
Daphné a adoré se transformer en Malfoy. Sa fine carrure et sa musculature sèche atténuent le choc de la métamorphose. Mais le corps de Zabini est ce qu'"elle" préfère : grand, épais, fort, élégant… Un mannequin comme on en voit dans les magazines.
« Tu as perdu ta langue ? peste Astoria en tapant du pied. Encore cette histoire de voix qui s'accorde mal avec le physique ? »
Si seulement "elle" pouvait récupérer la tessiture baryton de Blaise, "elle" aurait pu dire à Astoria à quel point "elle" la trouve belle. En tant que "fille", "elle" ne se sent pas légitime. "Elle" a honte de son corps, de son inaptitude à être ce qu'on attend d'"elle". Elle veut s'appeler "il", et se force à se considérer comme "elle". Pour sa famille. Pour ce monde qui n'accepte pas.
Le picotement désagréable et familier se répand sur sa peau. L'effet de la potion se dissipe. La joie de se sentir homme prend fin. Elle redevient un ersatz de femme. Inadaptée. Un clown triste à qui on demande de faire rire.
« J'aimerai être comme toi » murmure-t-elle avec sa voix retrouvée.
Une voix trop aiguë. Grinçante à ses oreilles.
« Aucune victoire, que ce soit sur le Bien ou le Mal, n'est jamais définitive, lui sourit Astoria. Pour le moment, ils t'empêchent de vivre comme tu l'entends, mais ce ne sera pas toujours le cas. Un jour, tu seras autonome, tu ne dépendras plus de papa et maman. »
Les yeux embrumés, Daphné se détourne pour cacher ses larmes. Parfois, elle se demande qui est la grande sœur dans leur étrange duo.
Astoria s'approche et pose une main sur son épaule tremblante. C'est trop. Daphné ne peut plus se retenir, et éclate en sanglots en se jetant dans ses bras. Pourquoi n'arrive-t-elle pas à s'accepter comme elle ? Leurs parents seraient si heureux…
« Quoi qu'il arrive, je serai toujours là pour toi, grande sœur, lui chuchote la plus jeune en resserrant son étreinte. Mais tu dois arrêter de venir m'espionner ! Je vais vraiment finir par avoir une syncope. Et si tu pouvais éviter de salir ma nouvelle robe, ça m'arrangerait. »
Daphné a un rire mouillé en quittant sa chaleur. Qu'importe la situation, elle demeure fidèle à elle-même : une femme sublime et un brin superficielle. Un modèle d'acceptation. De soi et des autres. Elle ne l'a jamais jugée. Pas une seule fois.
Les deux sœurs se regardent, et se sourient. Pleines d'espoir. Et d'amour.
