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Deus ex machina

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« Sors de là ! »

Silence.

Harry s'agitait comme un forcené dans sa chambre, qu'il avait réussi à rejoindre sans aucun encombre après sa petite escapade au second étage.

« Je sais que tu es là. Je t'ai entendu tu sais. Alors inutile de faire le mort. Montre-toi. »

Un « pop » plus tard, une étrange créature apparue devant lui : comme une sorte de gros raton laveur aux contours tremblotant comme de la gelée.

Les yeux d'Harry s'écarquillèrent devant cette vision surréaliste.

La créature leva ses grands yeux inexpressifs vers lui et émit un "Miaou" qui sonna étrangement faux. Harry la reconnut immédiatement. Il s'approcha rapidement et, agrippant la peau du cou de la bête, la secoua dans tous les sens : « Toi ! Je vais te tuer ! »

La créature ouvrit étrangement la gueule, dévoilant plusieurs rangées de petites dents acérées, et gémit : « Vous ne pouvez pas. Vous n'avez pas le droit. Je suis seulement un mignon petit chat, vous ne voyez pas ? »

« Un... chat ? » grimaça Harry, incrédule.

« Un MIGNON petit chat. »

« Tu n'es pas du tout un chat ! Tu es... tu es... bon sang ! Je ne sais pas ce que tu es, mais tu n'es rien d'existant sur cette planète ! »

La créature sembla vexée. Un autre "pop" retentit et elle reprit une apparence plus humaine.

Elle n'avait pas changé : ses longs cheveux rappelaient autant la soie des toiles d'araignées et son cœur semblait toujours pulser dans ses veines. C'était... fascinant ? Dégoutant ? Harry n'arrivait pas à mettre le mot dessus.

« Ramène-moi chez moi. »

La créature regarda Harry sans conviction : « Vous savez, Monsieur Potter, je sais très bien lire dans les cœurs et je ne comprends pas le sens de votre requête. »

Harry se laissa tomber de tout son long sur son lit : « Bon sang. Dis-moi au moins ce que je dois faire ? »

Elle pencha légèrement la tête sur le côté : « Mais... vous savez déjà ce que vous voulez faire... »

Harry plaça un bras fatigué sur ses yeux : « Mais qu'est-ce que tu fais là... »

« Eh bien, pour tout vous avouer, il y a des paris en ce moment, chez nous. »

« Des paris ? »

« Oui, deux ou trois univers en jeu autour de votre histoire. »

Une immense lassitude envahit soudainement Harry : « Je ne savais pas que ma vie était si... importante pour vous tous. »

« Oh, elle ne l'est pas. »

«... »

« On s'ennuie juste un peu en ce moment. »

Un long silence suivit la déclaration. Harry n'avait pas bougé, comme s'il avait soudainement été écrasé par un poids gigantesque invisible. La créature lui adressa un sourire encourageant : « Allez, allez ! Haut les cœurs, Monsieur Potter. Je sais que vous ferez de votre mieux. »

« D'accord. D'accord. Tu ne veux pas... je ne sais pas... me donner une information utile ? N'importe laquelle ? »

Elle réfléchit un instant : « Je n'ai pas trop le droit de vous aider... on m'a déjà dit que je vous avais offert beaucoup plus qu'aux autres, je ne voudrais pas que l'on m'accuse de favoritisme. » Harry garda le silence. « Cependant, je peux peut-être vous dire ceci : prenez garde, le temps passe bien plus vite que vous ne le pensez. Rien n'est immuable. Tout finit toujours par prendre fin. Avez-vous vu l'horloge ? »

Harry retira son bras et jeta un œil à la créature : « L'Horloge du laboratoire ? Qu'est-ce que c'est ? »

« Quel chiffre indiquait-elle, Monsieur Potter ? »

« Le trois. »

« C'est exact. Cela ne vous rappelle rien ? »

Harry soupira. Cela pouvait indiquer tellement de choses différentes. Il préféra changer de sujet : « Et comment dois-je faire, exactement, pour changer mon histoire ? »

« Monsieur Potter, votre histoire a déjà changé. Vous pensez que je tire les fils dans votre dos, mais en vérité, vous êtes libre de la fin que vous voulez donner à mon scénario. À l'heure actuelle, je peux compter plus de 1549 interprétations différentes, selon les choix que vous ferez. Bien sûr, j'ai ma petite préférence, mais j'aime laisser à mes... héros... la décision finale. » Elle laissa le silence planer un instant dans la pièce. « Depuis que vous êtes arrivé, je ne vous ai pas vu faire beaucoup d'efforts pour vous rapprocher du jeune Riddle. Vous avez dit vouloir le changer, mais... ne serait-ce pas lui qui est en train de vous changer ? »

Harry se redressa soudainement, en colère : « Et comment suis-je sensé m'y prendre ? Ma baguette ne fonctionne même plus correctement ! »

La créature le regarda un long moment, indifférente : « Je suis toujours fâchée contre vous, vous savez. Mais je ne vous ai pas non plus laissé sans ressource. Il me semble que quelqu'un a une baguette qui pourrait tout à fait vous correspondre, non ? Pourquoi ne pas lui emprunter ? »

Harry eut un rire désillusionné : « Oui. Pourquoi ne pas prendre celle de Voldemort. Quelle merveilleuse idée. Bonjour, Tom, je prends ta baguette aujourd'hui. Okay, Harry, pas de soucis. »

Un rire clair secoua la chambre : « Monsieur Potter, ne seriez-vous pas un peu pessimiste ? »

« Je me considère plutôt comme quelqu'un de réaliste... merci. Tom Riddle a déjà tué. Son âme a déjà été scindée. Comment voulez-vous que... »

« Mais rien n'est irréparable. Vous pouvez encore agir. Il vous écoutera, car vous êtes son âme sœur, Monsieur Potter. »

« Je ne suis l'âme de rien du tout ! »

« Je crains que vous n'ayez pas vraiment le choix sur ce point précis. À vous de renier ce fait ou de l'embrasser. Quelle que soit votre décision, vous avez une carte décisive en main et vous êtes, pour l'instant, le seul à la connaître. »

Harry, agacé, se passa une main dans les cheveux. « Écoutez, je ne suis pas sûr de savoir ce que vous attendez de moi. Vous parlez de changer mon histoire, mais tout cela semble bien abstrait. Comment puis-je agir concrètement pour influencer le cours des choses ? »

« Avec sincérité. En étant résolument vous-même. Ne vous laissez pas guider par vos préjugés. Déconstruisez-vous, reconstruisez-vous. Je n'ai jamais dit que ce serait simple. Vous pourriez tout aussi bien sombrer dans les ténèbres demain. Nous ne sommes pas baignés de compassion, vous savez. Nous proposons et vous disposez. Vous souhaitez sauver Thomas Riddle ? Alors empêchez-le de créer de nouveaux horcruxes et soignez son âme. Qui mieux que vous pourrait le comprendre ? Vous ne voulez plus entendre parler de lui ? Tuez-le. Il ne se méfie pas de vous. Vous seriez étonné de voir à quel point c'est chose facile. »

Harry eut un souffle moqueur : « Il ne se méfie pas de moi ? »

La créature leva un sourcil amusé : « Bien sur que non. Et vous le savez, n'est-ce pas, au fond de vous. Vous l'intriguez. Il vous suffira d'un geste, d'un mot, pour faire définitivement pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Essayez juste de ne pas vous perdre en chemin. »

Harry soupira : « C'est compliqué. Et si je me trompe ? »

La créature fit une moue indifférente : « Il n'y a pas de certitudes dans la vie, Monsieur Potter. Les choix que vous ferez auront des conséquences, bonnes ou mauvaises. Mais c'est cela, être humain. (Elle regarda soudainement le plafond) Oups ! Je vais encore me faire disputer. Je dois y aller. Je jetterai de temps en temps un œil sur vous, mon enfant. »

Et sans un regard de plus, elle disparu aussi rapidement qu'elle était apparue.

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