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Dans les jardins. (1)
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Harry cueillit une autre framboise et la déposa précautionneusement dans le petit panier d'osier suspendu contre sa hanche. Les fruits, parfaitement mûrs, se détachaient avec facilité entre ses doigts.
Et ça aurait pu être une activité reposante.
Vraiment.
Déjà parce qu'il adorait jardiner. Ça vidait son esprit. Enfin, en temps normal, ça vidait son esprit.
Ensuite, parce que Rud (qui l'avait envoyé là), avait promis d'en faire des tartes et des confitures. Alors forcément, Harry n'avait pas pu refuser la mission.
Et tout se passait bien. Il soupira mélancoliquement. Il faisait beau. La température était idéale : ni trop chaude, ni trop fraiche. Tout était calme, à l'exception du murmure constant de la nature.
Bref, la perfection.
Pourtant, malgré la sérénité du décor, un poids invisible pesait sur les épaules d'Harry. Un fardeau qu'il avait essayé d'ignorer : il avait fait mine de ne rien voir, de ne rien savoir et de se perdre dans la routine du jardinage, mais l'inconfort persistait.
À chaque framboise cueillie, son regard se portait instinctivement, quelques mètres plus loin, vers la table à l'ombre où Tom Riddle s'était installé pour boire le thé. Il ressentait le poids de ses yeux scrutateurs dans son dos, une désagréable sensation de surveillance constante, une présence indésirable qui persistait depuis une dizaine de minutes.
Et l'agacement commençait doucement à monter en lui. Le même qu'il aurait ressenti avec le bruit d'une goutte d'eau tombant régulièrement dans un récipient.
Harry tentait de rester concentré sur son travail, mais chaque fruit qu'il ramassait était accompagnée d'une pensée déplaisante.
Il s'arrêta un instant, laissant échapper un nouveau soupir. Finalement, il se retourna brusquement : « Vous souhaitez peut-être me dire quelque chose, Lord Gaunt ? »
Tom but nonchalamment une gorgée de thé avant de rétorquer : « Je vous paye vraiment pour faire cela ? Est-ce que le trésorier est au courant ? »
Harry leva les yeux au ciel : « Vous n'avez pas de trésorier. »
« Certes. » Un silence s'installa, ponctué par le bruit régulier des framboises tombant dans le panier. Tom observa les gestes d'Harry avec un sourcil levé : « Pourquoi ne pas utiliser votre baguette ? »
Harry papillonna des yeux d'agacement : « Parce que je l'ai... peut-être... un peu cassée. »
Tom esquissa une moue désintéressée : « Y a-t-il seulement une seule chose que vous sachiez bien faire ? »
« Et bien visiblement, je sais vous passionner. Parce que ça fait dix foutues minutes que vous êtes là, à me regarder. Vous n'avez pas, je ne sais pas moi, de la paperasse à remplir, des sangliers à aller chasser, d'autres personnes à ennuyer ? »
« Je suis très bien ici, merci. »
Harry poussa un nouveau soupir : « Bien. Alors restez ici, moi je vais aller un peu plus loin. » Il fit quelques pas en direction d'un autre coin du jardin, mais à son grand dam, Tom se leva pour le suivre.
« Vous n'étiez pas en France, n'est-ce pas ? »
Harry s'arrêta dans son travail et le fixa d'un regard interrogateur. « Quoi ? »
« Pendant la guerre. Vous m'avez dit que vous étiez en France. Mais c'était faux. » déclara Tom, sirotant son thé avec nonchalance.
Harry, légèrement décontenancé, répondit après un moment de réflexion : « C'est vrai. Je n'étais pas en France. »
« Alors, où étiez-vous ? » demanda Tom, ses yeux scrutant Harry avec indifférence.
Harry soupira, sentant que cette conversation qu'il avait farouchement essayé d'éviter, devenait inévitable : « En Angleterre. J'ai combattu ici. - Tom inclina la tête mais ne répondit rien. – Votre curiosité est rassasiée ? »
Tom, observa la jambe d'Harry avec insistance : « Votre jambe. Comment ? »
Harry soupira, déjà fatigué de cette conversation : « Je vous l'ai déjà dit. Un mauvais sort. »
Tom leva un sourcil, insatisfait de la réponse vague : « Soyez plus précis. Quel sort ? Par qui ? »
Harry plissa légèrement les yeux : « Je ne sais pas. »
Tom secoua la tête, l'air agacé : « Ne me prenez pas pour un idiot, Monsieur Potter. C'était quelqu'un que vous connaissiez, n'est-ce pas ? »
Harry leva un regard déterminé vers Tom : « Très bien, je reformule. Je n'ai aucune intention de vous le dire. Satisfait ? »
« Monsieur Potter. Vous apprendrez rapidement que ma patience est extrêmement limitée. »
Harry connaissait Tom et il ne ressentait actuellement aucune hostilité émaner de lui. Juste une bonne dose de curiosité. Il répondit donc avec calme : « Lord Gaunt, je vous remercie de vous inquiéter pour ma santé, mais il s'agit de ma jambe et je n'ai pas envie de partager ces histoires avec vous. »
Tom fronça les sourcils d'agacement : « Vous connaissez l'occlumancie. Pourquoi ? »
Harry esquissa un sourire amusé : « En fait, vous êtes en train de me faire passer un entretien d'embauche, n'est-ce pas ? J'ai appris l'occlumancie pour me protéger. Lors de la guerre. »
Tom persista : « Pourquoi m'empêcher de voir vos souvenirs ? »
Harry répliqua malicieusement : « Parce que vous n'avez pas dit : s'il vous plaît ? »
Tom lui lança un regard assassin, manifestant clairement son mécontentement : « Qui vous l'a enseigné ? Vos parents ? »
Le regard d'Harry se perdit un peu dans le vide : « Mes parents sont morts quand je n'étais qu'un bébé. C'est un professeur qui me l'a enseigné. Mais il est mort, lui aussi. »
Un silence s'étira.
« Comment sont morts vos parents ? »
Harry plongea son regard dans celui de Tom : « Un connard les a assassinés. »
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