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Fatalisme.

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Harry s'immobilisa devant la salle de classe de Défense contre les forces du mal, désormais vide. C'était ici que Remus lui avait enseigné le sortilège du Patronus. Il se souvenait encore du cerf éthéré qui s'était échappé de sa baguette et il se rappelait avec amertume combien il avait si désespérément souhaité que ce soit son père.

Puis Remus était mort, comme tant d'autres, emporté par la guerre.

Et ça l'avait déchiré.

Le poids de cette perte le hantait toujours, tout autant que la disparition des autres figures importantes de sa vie. La guerre avait pris autant de tribut qu'elle avait pu, arrachant lentement chaque pilier de la famille qu'Harry s'était acharné à construire.

Son regard se posa sur le beau visage de Tom, debout à ses côtés. Dans un monde idéal, il aurait souhaité pouvoir lui insuffler ne serait-ce qu'une infime parcelle de culpabilité, juste assez pour le faire fléchir, changer.

Il imagina une Terre où tous ceux qu'il avait perdu, ses parents, Sirius, Remus, Tonks, Dumbledore, Severus, les jumeaux… pouvaient être sauvés, où la guerre n'aurait pas laissé derrière elle un sillage de destruction.

Tom tourna la tête vers lui et ses yeux sombres s'ancrèrent dans ceux d'Harry avec une intensité presque dérangeante : « Monsieur Potter ? »

Un sourire doux étira les lèvres d'Harry : « Au fait, je me demandais, quelle est la forme de votre Patronus, Lord Gaunt ? »

La réaction de Tom ne se fit pas attendre. Une grimace fugace fissura son visage avant qu'il ne hausse simplement les épaules avec nonchalance : « Je n'ai pas besoin de Patronus. », répondit-il.

La curiosité dévora Harry : « Vous ne savez pas comment faire ? »

Tom le foudroya du regard : « Évidemment que je sais comment faire ! Je ne suis pas stupide. »

Et Harry comprit. Ce que cela impliquait lui serra le cœur.

Ce n'était pas une question d'ignorance. C'était une question de capacité. Tom, le puissant Lord Voldemort, était incapable d'en produire un, tout simplement car il ne disposait d'aucun souvenir heureux à partager.

Harry murmura : « Je pourrais vous apprendre, si vous voulez... »

Le regard de Tom se voila d'une lueur indéfinissable mais il ne répondit pas. Il fit quelques pas dans la salle, s'arrêtant à la place du professeur et observa les bancs vides des élèves : « Je serais professeur. » Et un soupçon d'ambition étincela dans ses yeux sombres.

Harry le regarda. Tom lui offrit un demi-sourire méprisant : « J'apprendrais enfin aux élèves de Poudlard des choses utiles. Des sorts qui pourront les hisser parmi les plus puissants. »

Harry le considéra, incertain : « Vous pensez que vous serez un bon professeur ? »

Tom répondit d'un ton assuré, à la limite de l'arrogance : « J'ai toujours été doué pour apprendre ce que les autres n'osent pas approfondir… ces secrets qui sont souvent négligés. Je pense que je pourrais offrir à ceux qui le méritent vraiment bien plus qu'ils ne pourront jamais rêver. »

« Vous voulez leur enseigner des sortilèges interdits… » murmura Harry.

« Non. Je veux leur apprendre à dépasser leur propre médiocrité. La magie, Monsieur Potter, n'a pas d'inclination morale intrinsèque. C'est simplement un outil, une force que nous pouvons manipuler. »

Harry, perplexe, haussa un sourcil : « Il me semble pourtant que le sortilège Avada, ou d'autres du même acabit, ne sont pas interdits pour rien. »

Tom poussa un soupir méprisant : « Les interdictions sont dictées par la peur. De quoi brider tout sorcier. Il faut savoir repousser les frontières pour atteindre l'excellence. »

Harry croisa les bras. Argumenter frontalement serait inefficace, voire contre-productif. Peut-être même dangereux. Il devait manœuvrer avec précaution, utiliser les mêmes artifices que Tom maîtrisait si bien : la manipulation, la paranoïa, la séduction… Il devait semer le doute, susciter l'inquiétude et peut-être même exploiter quelques faiblesses émotionnelles.

Il s'approcha de Tom et sa main s'éleva avec une grâce calculée vers son visage, ses doigts glissant avec finesse sur sa joue froide. Un geste mesuré pour dégager une mèche de cheveux qui voilait légèrement le regard de l'autre sorcier.

Tom laissa faire, ses yeux scrutant attentivement ceux d'Harry.

« Vous ne pouvez pas faire cela. - Harry lui sourit tendrement, ses yeux cherchant une connexion avec ceux de Tom - Tout ce que vous allez réussir à faire, c'est élever des chiens qui n'attendront qu'une seule chose : vous mordre dès qu'ils en auront la possibilité. Je ne peux pas nier que vous avez une perspective unique sur la magie. Votre pouvoir est indéniable, mais imaginez un instant l'aura que vous pourriez obtenir en gardant certaines choses secrètes. Les élèves seraient fascinés par vous, attirés par vos connaissances. Et plus important encore, vous garderiez le contrôle sur les sorts les plus puissants. Cela vous rendrait encore plus captivant, plus attirant, plus redoutable. »

Harry retira doucement sa main du visage de Tom, mais ce dernier, au lieu de le laisser partir, emprisonna fermement son poignet entre ses doigts avant de se pencher sur lui. Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres : « Monsieur Potter, pensez-vous que j'ignore ce que vous tentez de faire ? – il murmura d'une voix suave, laissant son souffle caresser le visage d'Harry - J'apprécie l'effort. 20 points pour Gryffondor. »

Harry, pris au dépourvu par la proximité soudaine de l'homme, se recula instinctivement. Mais son poignet était toujours retenu par la ferme emprise de Tom et celui-ci, au lieu de le libérer, l'attira doucement jusqu'à lui. Il glissa habilement son bras dans le creux du dos d'Harry, empêchant toute retraite possible. Les yeux de Tom se verrouillèrent dans ceux émeraude, puis il rapprocha à nouveau son visage de celui d'Harry : « Vous êtes vraiment convaincu que vous pouvez me manipuler, n'est-ce pas ? »

« On ne sait jamais tant qu'on n'essaie pas… et puis j'apprends tous les jours. »

Le sourire de Tom s'élargit. Il libéra finalement le poignet d'Harry, mais ses doigts remontèrent lentement pour explorer son bras. Ses gestes étaient assurés, comme s'il cherchait à marquer son territoire : « Vous avez le don particulier de tromper mon ennui. »

Harry soutint le regard de Tom et ce dernier, inclinant légèrement la tête, laissa ses doigts glisser le long du bras d'Harry jusqu'à sa main, caressant légèrement sa paume : « Et vous avez l'audace d'essayer de me séduire. Vous ne manquez pas de courage. Ou de stupidité… »

Harry soupira, acceptant avec fatalisme son échec : « Ne soyez pas trop déçu s'ils vous refusent le poste. »

Tom relâcha enfin son emprise avant de lui lancer un regard hautain : « Dippet est un crétin. Il n'osera jamais décliner ma demande. Et si c'était le cas, ce dont je doute fortement, je m'arrangerai pour faire en sorte qu'il s'en morde les doigts. »

Harry fronça les sourcils : « Comment comptez-vous faire ça ? »

Tom esquissa un sourire dédaigneux : « Si je ne peux pas avoir le poste, alors je ferais en sorte que personne ne puisse l'avoir. »

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