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Appartement du Préfet.
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L'appartement était plus grand que prévu. Enfin, plutôt qu'un appartement, il s'agissait d'une vaste chambre, bien agencée, accompagnée de sa salle d'eau.
Le directeur venait tout juste de les laisser et Harry explorait, avec un intérêt non feint, son nouvel environnement : un canapé confortable, un lit à baldaquin aux tentures émeraude, deux fauteuils, une table basse et l'éternelle cheminée décorée de motifs argentés serpentant dans la pierre. Le parquet sombre à chevrons s'assortissait parfaitement au vert profond de la maison.
Très Serpentard bien sûr, mais loin d'être dénué de charme.
Chaque élément de la pièce semblait avoir été choisi avec soin, créant un équilibre visuel harmonieux. Harry ne pouvait s'empêcher d'apprécier la subtilité et le raffinement avec lesquels la maison Serpentard était représentée ici, loin des stéréotypes simplistes qu'on lui attribuait d'habitude.
Bien évidemment, et c'était une question de caractère, Harry ressentait une légère préférence pour les teintes rouge et or, plus vivantes et dynamiques à ses yeux. Cependant, il ne pouvait nier que le vert argenté apportait une touche de classe, de noblesse peut-être, et d'intimité bienvenue à la pièce.
Quand la décoration de la Maison Gryffondor appelait à l'action et à la passion, celle des Serpentards créait un cadre propice à la détente et à la paix, comme si elle offrait un refuge tranquille, loin de l'effervescence de la vie quotidienne à Poudlard.
D'ailleurs, Harry avait toujours considéré l'inimité entre les Maisons comme étant plus une tradition qu'une animosité réelle. On aimait se détester, mais jamais on ne se haïssait. Les rivalités entre les élèves apportaient un certain piment à l'année scolaire, mais il ne croyait pas en l'idée selon laquelle les « bons » étaient chez Gryffondor et les « mauvais » chez Serpentard. Cette perspective lui semblait bien trop réductrice. Fallait-il rappeler que le plus gros enfoiré de la Terre (avant même Voldemort) était un sale petit rat de Gryffondor ? Les Serpentards, au moins, affichaient fièrement leurs ambitions et leurs vices. D'une certaine façon, les élèves de la Maison rouge et or pouvaient être… plus sournois, dissimulant parfois leurs véritables intentions derrière une façade vertueuse.
L'immense vitrail attira son attention et il pressa son front contre les carreaux froids. Il ne discerna qu'une vaste étendue verte et sombre. Inclinant légèrement la tête sur le côté, il chercha des yeux le calamar géant. C'en était presque étourdissant. La simple idée d'être sous le niveau de l'eau, immergé au cœur du lac, le troublait.
Même s'il était conscient que cela ne se produirait pas, une part de lui espérait que la pression de l'eau ne fissurerait pas le verre de la fenêtre et qu'il ne finirait pas noyé, au beau milieu de la nuit. Il avait vu Titanic, merci bien, et depuis, l'eau ne l'enchantait plus tant que ça. Cela aurait d'ailleurs été vraiment idiot : survivre au plus grand Mage Noir de tous les temps pour succomber aux délires architecturaux d'une poignée de mégalomanes excentriques.
Il recula de quelque pas et ses yeux se posèrent sur Tom qui, assis sur le bord du lit, l'observait en silence fureter dans la chambre : « Je ne savais pas que les préfets pouvaient bénéficier de leur propre chambre. Dans mes souvenirs, celui de Gryffondor continuait d'utiliser nos dortoirs. »
Tom lui offrit un sourire méprisant avant de lentement retirer ses gants : « Cela ne m'étonne pas, les Gryffondors sont incapables de saisir la moindre opportunité, même si on la leur agitait juste sous le nez. »
Harry observa avec une fascination morbide les veines noires qui parcouraient la peau blanche de Tom. Plongé dans ses pensées, il murmura presque pour lui-même : « La salle commune des Serpentards était aussi plutôt bien agencée. Je me demande si c'est une caractéristique de votre maison. »
Tom souffla avec amusement : « Quoi ? Le bon goût ? Le raffinement ? Des notions qui vous sont sûrement bien éloignées, Monsieur Potter. »
Ignorant la provocation, Harry se détourna du lit pour contempler à nouveau le vitrail. Cependant, Tom ne put s'empêcher d'ajouter : « Comment savez-vous à quoi ressemblent les logements des Serpentards ? »
Harry esquissa un sourire, ses yeux pétillant de malice : « Oh ! Lord Gaunt ! Ne me dites pas que vous n'avez jamais tenté l'expérience ? Un peu de Polynectar et toutes les portes s'ouvrent devant vous ! »
Tom arqua un sourcil : « Je n'avais visiblement pas tout votre temps, ni votre oisiveté. »
Harry haussa les épaules avec nonchalance : « J'ai toujours eu un talent particulier pour attirer les ennuis. Résoudre les mystères, découvrir de nouvelles choses… sont un peu ma spécialité. Je ne peux tout simplement pas résister à la tentation quand elle se présente... D'ailleurs, si l'on doit parler d'ennuis, mes souvenirs des cachots se résument principalement à toutes les heures de colle que j'ai accumulées en potion. »
Tom ouvrit les yeux d'étonnement : « Avec Slughorn ? »
Harry le regarda un instant, perdu : « Slughorn ? »
« Notre professeur de potions… Horace Slughorn. J'aurai plutôt pensé qu'il vous inviterait à son club… »
Harry sourit, contrit : « Oui. Ma mémoire doit me jouer des tours. Cela devait être un autre professeur… »
Mais Tom s'était déjà levé et avait rejoint Harry. Ce dernier, s'appuya nonchalamment contre le vitrail et leva les yeux pour les ancrer dans ceux de Tom. Un sourire moqueur se dessina sur les lèvres de celui-ci : « Vous mentez, Monsieur Potter. Vous mentez tellement que vous vous perdez dans vos propres mensonges. »
« Je mens très peu, en général, Lord Gaunt. Ne mélangez pas mes vices et les vôtres, je vous prie. »
Tom était si proche qu'Harry pouvait sentir la légère odeur écœurante de décomposition émaner de lui. Il appuya ses avant-bras sur la vitre, de part et d'autre de la tête d'Harry et se pencha vers lui, grondant doucement : « L'omission est un mensonge. »
Harry ne quitta pas ses yeux du regard. Il avait longtemps cru que les yeux sombres de Tom étaient d'un noir d'obsidienne, mais il pouvait voir, à cette distance, quelques éclats mordorés fissurer ses iris. C'était vraiment beau. Il soupira : « L'omission est de l'auto-préservation. Dans mon cas en tout cas. »
Tom posa son front contre celui d'Harry : « Laissez-moi voir… »
Une vague discrète balaya l'esprit d'Harry. C'était différent d'avant. Précautionneux. Doux.
Comme une journée d'hiver qu'il aurait passée à déguster un chocolat chaud, enveloppé dans une couverture, en observant la neige tomber. Mais Harry le repoussa à nouveau, en essayant d'y insuffler la même délicatesse : « Je vous montrerai, un jour. Mais pas aujourd'hui. C'est trop tôt. »
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