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Maddy.
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Maddy, en les voyant revenir de leur excursion à Poudlard, avait essayé de tirer les vers du nez d'Harry pour savoir ce que Tom et lui étaient allés faire là-bas. Mais Harry n'était resté que très évasif et s'était contenté de mentionner leur futur voyage en Albanie.
« Oh ! Vous emmenez le jeune maître voir le match ? » avait demandé Maddy.
« Le match ? » Harry avait glissé un regard vers Tom, mais celui-ci semblait désintéressé de tout, fixant mornement un coin du plafond sans daigner ouvrir la bouche.
« Mais oui ! Tout le monde en parle ! Contre l'Irlande ! Les Ballycastle Bats contre les Fire Eagles de Tirana ! L'équipe albanaise est moins réputée que celle de l'Irlande, mais il parait qu'ils ont de très bons attrapeurs, alors rien n'est joué d'avance. »
Tom lança à Maddy un regard désintéressé. « Oui. Nous y allons. Pour voir le match. » Puis, sans ajouter un mot de plus, il monta rapidement les escaliers menant à ses appartements.
La petite femme coula un regard impressionné vers Harry. « Je suis surprise que le jeune Maître ait accepté de vous accompagner. Il n'est pas un grand adepte du Quidditch, en général. Vous savez comme il est : livres, livres, livres. Il ne se sent pas très à l'aise dans les environnements bruyants ou dans les foules. »
Harry pensa sarcastiquement à l'armée d'esclaves que Voldemort s'était créée : plutôt bien entouré pour quelqu'un qui n'aimait pas les gens... cela devait expliquer la quantité astronomique de sorts de torture qu'il envoyait sur eux à longueur de journée... Il préféra changer de sujet. « Quand a lieu le match ? »
« En novembre. Mais faites attention quand vous y serez. La situation est tendue en ce moment, avec la Yougoslavie. - Harry regretta un instant de ne pas avoir mieux suivi ses cours d'Histoire, mais Maddy changea soudainement de sujet, lui envoyant un léger coup de coude dans les côtes. - Harry ! Comment avez-vous pu dompter le jeune Maître ? Vous devez me donner votre recette ! (Il pensa qu'elle n'aurait pas VRAIMENT voulu connaitre sa recette) Cela fait plus de dix ans que je travaille ici et jamais je ne l'avais vu aussi proche de qui que ce soit. Je l'ai connu passant son temps enfermé dans sa chambre. Mais vous êtes le premier qu'il emmène quelque part. Vous êtes même le premier avec qui il passe autant de temps. Depuis que vous êtes arrivé, je le trouve changé ! Vous devez avoir un don, je pense, Harry ! »
Il grimaça : « Un don pour dompter les bêtes irascibles, vous voulez dire ? Quel super pouvoir ! »
Maddy pouffa, une main devant sa bouche : « Oh ! Harry ! Vous ne devriez pas ! Si le jeune Maître vous entendait ! »
Dès le tout premier jour, Harry avait adoré cette petite femme joviale qui lui rappelait tant Mme Weasley. Elle était un véritable rayon de soleil dans le manoir, et il ne comprenait pas comment Tom pouvait se montrer aussi froid avec quelqu'un d'aussi chaleureux. Maddy irradiait de bonne humeur et de résilience. C'était le genre de personne avec qui n'importe quelle conversation pouvait devenir passionnante, celle à qui l'on n'hésiterait pas à se confier, à raconter ses déboires, ses problèmes ou ses peines de cœur. Elle était là pour réconforter, pour écouter sans jamais juger. Harry ne pouvait s'imaginer Maddy rester dans un manoir aussi lugubre sans une bonne raison. Et, aussi surprenant que cela puisse être, sa raison était Tom, tout simplement.
Elle avait raconté à Harry sa vie d'avant et il se demandait bien comment un si petit bout de femme avait pu survivre à tout cela. Elle était une force de la nature et il lui vouait un profond respect.
À seize ans, elle avait épousé, contre l'avis de ses parents, un bel homme, un artiste qui l'avait embobinée avec ses belles paroles. C'était un cracmol, mais elle voyait ça comme une histoire d'amour pure, sa toute première relation.
Lui ne pensait qu'à son intérêt personnel. En une seule seconde, reniée suite à ce choix, elle avait perdu ses parents pour se jeter dans les bras d'un tyran. Non seulement il l'avait dépouillée de toute sa richesse, mais il l'avait traînée dans les bas-fonds de Cork, la forçant à l'inimaginable. Elle y avait perdu son nom, son identité. Elle n'était plus une femme. Elle n'était plus humaine non plus. Elle était juste là.
Là.
La guerre avait frappé, et l'homme qu'elle avait épousé avait fui, la laissant derrière lui, pour une autre, sans lui jeter un seul regard, perdue, enlisée dans l'enfer qu'il avait construit pour elle.
Et elle était restée, car elle ne savait rien faire d'autre.
C'était là que Tom l'avait vue. Au plus bas de tout, au milieu de la lie de la société, parmi les invisibles. Ses yeux sombres s'étaient posés sur elle, et elle ne savait pas ce qu'il avait vu sous la crasse et les guenilles, mais il l'avait prise avec lui. Il lui avait tendu la main là où tous les autres lui crachaient dessus. Cet homme si froid l'avait réchauffée d'un seul regard, d'un seul geste. Et elle, qui ne s'était jamais permis cela de toute sa vie, s'était laissée aller à pleurer. À sangloter de honte, de tristesse, de soulagement et d'amertume dans les bras de cet inconnu tellement plus jeune qu'elle.
Elle s'était promis, ce jour-là, de servir cet homme toute sa vie. Qui qu'il fut, quoi qu'il fasse, elle se vouerait corps et âme à lui. Et c'est ce qu'elle avait fait. En moins d'un mois, il lui avait redonné tout ce qu'on lui avait pris : un toit, de la nourriture, de quoi se réchauffer, un moyen honnête de gagner sa vie.
De l'enfer dont elle était revenue, elle avait conservé une petite toux douloureuse et persistante qui ne la quittait plus depuis, mais grâce à Tom, elle avait retrouvé son humanité et c'était tellement plus que tout ce qu'elle avait espéré.
Le jeune Maître lui avait proposé, au début, de retrouver l'homme qui l'avait trahie. De lui faire payer au centuple. Elle avait toujours refusé : le passé était le passé et elle croyait au pardon. Tom lui avait jeté un regard de pure pitié mais n'avait pas insisté. Visiblement, tous les deux ne partageaient pas les mêmes attentes de la vie.
Maddy avait tout fait pour lui depuis lors et elle aurait voulu faire plus encore, mais elle voulait laisser croire au jeune Maître qu'elle n'avait pas remarqué qu'il la ménageait secrètement. Elle aurait souhaité lui rendre sa générosité, pourtant, malgré tous ses efforts, Tom Riddle était demeuré inaccessible, perdu dans un monde dont elle n'avait pas les clefs.
Il n'était pas un maître facile. Elle avait vu, un par un, les domestiques claquer la porte du manoir. Au final, il n'était resté qu'Anton, trop jeune pour vraiment comprendre les choses et qui n'avait nulle part d'autre où aller et Rud, qui prenait bientôt sa retraite et que plus personne n'attendait. Quant à elle, elle était toujours là, immuable.
Et puis, il y avait Harry, bien sûr. La première fois que Maddy l'avait aperçu, dépenaillé et échevelé, l'air un peu paumé, elle s'était dit qu'il était le profil idéal pour rejoindre le Manoir. Alors, lorsqu'elle l'avait vu hésiter, prêt à rebrousser chemin, elle avait dévalé en courant le petit chemin de terre battue qui menait aux champs et ne lui avait pas vraiment laissé le choix, le forçant à rejoindre leur petite équipe de bras cassés.
Le jeune Maître n'avait pas aidé, comme toujours. Il avait laissé une détestable première impression derrière lui. Pourtant, cela n'avait pas semblé surprendre Harry. Il avait même fait preuve d'une étonnante familiarité avec le jeune Maître. Ce dernier, à son tour, avait montré une étrange acceptation, comme s'ils s'étaient toujours connus, comme s'ils avaient été destinés à se rencontrer.
Comme Maddy l'avait prévu, Harry s'était rapidement adapté au Manoir et le jeune Maître s'était vite habitué à sa présence. Elle était persuadée qu'il restait à ces jeunes gens de quoi écrire leur histoire ensemble, car un fil invisible les reliait d'une singulière manière.
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