Trahison

St Paul, 25 octobre 2011

Bobby se sentait épuisé alors qu'il franchissait la porte de son appartement, les épaules alourdies par le poids de son passé récent. Les derniers mois avaient été un tourbillon d'émotions, un mélange chaotique de luttes et de triomphes, mais maintenant qu'il était rentré chez lui, une sensation de vide le submergeait.

Il y avait eu un accident.

Un simple instant d'inattention avait suffi pour le mettre hors-jeu, pour briser son dos et remettre en question tout ce qu'il avait toujours été. Ça s'était passé lors d'un incendie particulièrement violent, une bâtisse en flammes menaçant de s'effondrer à tout moment. Bobby était au cœur de l'action, son équipe l'entourant alors qu'ils luttaient ensemble contre les flammes déchaînées.

Mais alors qu'il cherchait à éteindre un foyer de flammes à l'étage supérieur, un bruit assourdissant déchira soudain l'air, suivi de près par le craquement sinistre du bois cédant sous la chaleur intense.

Le toit s'effondra brutalement, une avalanche de débris et de flammes engloutissant Bobby. La fumée épaisse lui brûlait les yeux, lui arrachant des larmes alors qu'il tentait désespérément de se dégager de l'amas qui le recouvrait.

La panique menaçait de le submerger alors qu'il luttait, pour trouver ne serait-ce qu'un minuscule espoir de fuite, au milieu de l'enfer qui l'entourait. Mais alors que le désespoir menaçait de le submerger, il entendit soudain un son strident retentir près de son oreille.

C'était son PASS, son système d'alerte personnel, qui avait été activé lors de l'effondrement, signalant sa position à ses collègues. Et grâce à leurs efforts coordonnés, il fut finalement extrait des flammes, tiré des décombres fumants par des mains secourables qui le ramenèrent en sécurité à l'extérieur.

Mais alors qu'il était allongé sur le sol, son dos brisé et sa respiration sifflante dans l'air chargé de fumée, une seule pensée l'habitait : la douleur écrasante de ne pas pouvoir accomplir sa mission, de ne pas pouvoir sauver ceux qui avaient besoin de lui.

Ce moment d'imprudence avait suffi pour le mettre hors-jeu, pour le forcer à faire face à ses propres limites et à remettre en question tout ce qu'il avait toujours été.

Et maintenant, alors qu'il se remettait lentement de ses blessures physiques, il devait également faire face aux cicatrices invisibles qui marquaient son esprit, aux doutes et aux peurs qui menaçaient de le submerger à tout moment.

Il s'était battu comme un lion pour se remettre sur pieds.

Après presque deux ans de physiothérapie épuisante et douloureuse, il avait finalement pu reprendre sa place de pompier. Mais avec la réintégration était venue une autre lutte, une bataille intérieure contre la douleur, qui le poussait inexorablement vers la dépendance aux médicaments et à l'alcool.

La cure de désintoxication avait été un calvaire, une épreuve de volonté et de détermination pour briser les chaînes de l'addiction. Son seul leitmotiv avait été ses enfants qui méritait mieux qu'un père sur le déclin.

Mais maintenant qu'il était rentré chez lui, il se sentait à la fois soulagé et vulnérable, comme s'il avait été déshabillé de toutes ses protections et exposé à nu devant le monde.

Il poussa un soupir alors qu'il se dirigeait vers le salon, sa fatigue se mêlant à une anxiété lancinante. Il avait besoin de se reposer, de retrouver un semblant de normalité dans cette tempête émotionnelle qui faisait rage en lui.

Mais à peine avait-il posé un pied dans la pièce que son regard fut attiré par une scène inattendue. Buck était là, penché sur une boîte remplie de vieux souvenirs, ses mains fouillant frénétiquement à travers les objets qu'ils avaient amassé au fil des ans.

Son fils, qui avait finalement abandonné le football, faisait des études en science dans l'espoir de faire une brillante carrière chez les pompiers. Après son accident, Bobby aurait préféré qu'il prenne conscience des dangers de ce métier mais Buck était plus têtu que lui.

À côté de lui, Bobby Junior et Brooke semblaient fascinés par ce que leur grand frère était en train de faire.

La confusion monta en Bobby alors qu'il s'approchait, son regard tombant sur la boîte ouverte. Le connaissant, il cherchait sans doute un moyen d'occuper son frère et sa sœur par ce temps pluvieux mais Bobby sentait les sueurs froides lui parcourir l'échine.

Et puis, il le vit.

Le certificat d'adoption de Buck, caché au fond de la boîte, refaisait surface comme un fantôme du passé. Marcy semblait être nulle part en vue et un vestige de souvenir lui rappela que sa garde à l'hôpital devait se finir plus tard.

Comme au ralenti, il vit Buck attraper le certificat et le parcourir, en fronçant les sourcils. Il ne pouvait rien faire pour l'en empêcher et il n'avait plus qu'à attendre de voir le couperet tomber.

Il savait qu'il allait mal le prendre et Bobby ne voulait pas avoir cette conversation.

– Buck ? appela-t-il doucement, sa voix tremblante.

Il vit Buck se raidir, ses épaules se contractant imperceptiblement. Il se redressa lentement, ses yeux rencontrant ceux de Bobby avec une intensité brûlante. Il se leva et quitta la pièce le certificat en main. Bobby le suivit conscient que Bobby junior et Brooke étaient trop jeune pour entendre cette conversation.

– Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Buck d'une voix tendue, alors qu'il entrait dans la pièce.

Bobby déglutit difficilement, essayant de rassembler ses pensées alors que la culpabilité pesait lourdement sur ses épaules.

– Buck, je... Je peux t'expliquer, balbutia-t-il, cherchant désespérément les mots justes.

– Pourquoi ne m'as-tu jamais dit que j'avais été adopté ? demanda-t-il, sa voix se brisant.

Bobby sentit son cœur se serrer à la détresse de son fils, mais il savait qu'il devait faire face à la vérité, aussi douloureuse soit-elle.

– Je voulais te protéger, commença-t-il. Je pensais que c'était mieux pour toi de ne jamais savoir...

Buck secoua la tête, sa colère éclatant maintenant comme un feu incontrôlable.

– Tu m'as menti ! s'écria-t-il, son ton empreint de trahison. Comment as-tu pu me cacher quelque chose d'aussi important ?

– Je pensais que je faisais ce qu'il y avait de mieux pour toi, murmura-t-il, en baissant la tête.

– Tu ne comprends pas ! répliqua-t-il, sa voix empreinte de frustration. Je pensais que tu étais mon père, mais maintenant... Je ne sais même plus qui je suis.

Bobby sentit une douleur lancinante envahir son cœur alors que les mots de Buck le poignardaient comme des lames acérées. Il aurait tout donné pour revenir en arrière, pour effacer cette douloureuse révélation et protéger son fils de la souffrance qu'il ressentait.

– Je suis ton père, affirma-t-il durement. Et ce morceau de papier ne définit pas tout ce que nous sommes.

– Tu as tort, il définit exactement ce que nous sommes : des étrangers.

– Est-ce que tu sais d'où je viens au moins ?

– Je suis désolé mais non, on n'a jamais su qui t'avait abandonné. Et ça n'a pas d'importance. L'important c'est que nous sommes ta famille. Je t'aime depuis le premier jour et ça ne changera jamais. Je t'ai adopté par amour Buck et pour que tu aie une chance de trouver ta place dans ce monde.

– Alors, tu m'as menti toute ma vie, cracha-t-il.

Bobby sentit un nœud se former dans sa gorge, la culpabilité le submergeant comme un véritable tsunami.

– Je suis désolé, murmura-t-il.

Buck secoua la tête, sa colère palpable dans l'air entre eux.

Sans un mot de plus, et le regard rempli de déception, il tourna les talons et quitta l'appartement, la porte claquant derrière lui dans un écho assourdissant.

Bobby resta là, son cœur brisé en mille morceaux, la douleur de la trahison le déchirant de l'intérieur. Il se sentait impuissant, écrasé par le poids de ses propres erreurs.

Un frisson le parcourut alors qu'il lutta pour reprendre son souffle, pour trouver un moyen de surmonter cette nouvelle épreuve. Mais alors que la tentation de se perdre dans l'oubli d'un verre de whisky l'appelait, il savait au fond de lui que ce n'était pas la solution.

Il savait qu'il devait affronter ses démons, qu'il devait trouver un moyen de guérir les blessures de son passé. Et surtout, il savait qu'il devait trouver un moyen de réparer les dégâts causés à son fils, de reconstruire ce lien brisé entre eux.

Mais pour l'instant, il se contenta de rester là, seul dans le silence de sa maison, son cœur lourd de regrets et de remords, mais rempli d'une détermination résolue à faire mieux, à être mieux, pour ceux qu'il aimait le plus au monde.