Chapitre Vingt
La haine envahissait chacun de ses membres tandis qu'il se dirigeait vers le chenil.
Il aurait dû le faire il y a de cela un mois, il aurait dû le faire dès le début. Dès l'instant où elle lui avait craché au visage. Il aurait dû le faire dès l'instant où elle avait comploté avec son père.
Il aurait dû… Mais il n'avait rien fait.
Et tandis qu'il rentrait dans la pièce, le sang lui battant dans les tempes, il la fixa.
Elle était là, attachée à cette croix. La tête penchée en avant, son corps nu sanguinolent, ses jambes tremblantes. Myranda était un monstre de froideur, aucune douleur ne semblait l'atteindre. Mais en cet instant, il la vit plus fragile encore qu'une enfant. Il ne savait comment elle avait fait pour tenir ainsi des jours durant. Mais il ne voulait plus, il ne pouvait plus. C'était fini. Il devait arrêter ce jeu.
Lentement, il s'approcha d'elle, et sortant son poignard, il coupa les liens qui la retenaient avant de la jeter au sol telle une vulgaire poupée. Un gémissement à peine audible sortit de la bouche gercée de la jeune femme, un gémissement faible et lointain. Il se retourna l'espace d'un instant, saisit ce qu'il avait tantôt posé sur la table et le jeta à la figure de celle qui frémissait au sol. La jeune femme prit entre ses mains tremblantes la chemise et le pantalon de toile qui se tâchèrent instantanément de sang à son contact. Ramsay tourna les talons, s'approchant de la porte, mais il se ravisa, sa voix rauque et autoritaire s'élevant dans la pièce :
« Tu as quelques instants pour t'habiller, sceller ton cheval et fuir d'ici. Sinon, je lâcherai mes chiennes et les laisserai te dévorer. Et nous savons tous deux comme cela les amuse. »
Les yeux de Myranda, agonisant, se levèrent pour rencontrer ceux de Ramsay. Malgré le mois de torture qu'elle venait de subir, elle gardait un aplomb presque effrayant.
« Tu n'amèneras pas ta douce colombe avec toi ? Tu ne l'emmènes pas à tes parties de chasse… Spéciales ? »
Elle le fixait d'un regard vide. Malgré son esprit téméraire, elle était épuisée. Ramsay savait qu'il avait pris la solution de lâcheté. Elle ne s'en sortirait pas vivante. Elle survivra deux… Peut-être trois jours avec ses blessures, puis mourra dans la forêt ou dans un champ.
« Au vu de la marque que tu portes dans ton cou, elle a fait le deuil de votre bâtard. »
Il ne répondit rien, tournant simplement les talons et se dirigeant vers la sortie du chenil. Mais alors qu'il arrivait dans le couloir, sa voix s'éleva, dans une ultime menace :
« Tu perds du temps, Myranda. »
Lómion était assis devant la porte, la grattant de temps à autre. Et le Lord savait que cela ne présageait rien de bon. Il savait l'importance que ce chien avait pour Sansa et il ne comprenait pas comment l'animal pouvait se retrouver en dehors de la chambre et que son épouse ignore la demande de l'animal pour rentrer.
D'un geste vif, il toqua à la porte, mais aucune réponse ne vint. Il tenta alors de l'ouvrir, mais celle-ci était toujours fermée à clé. La colère le prenait petit à petit et bientôt, il sortit son trousseau de clés qu'il gardait toujours avec lui et ouvrit la porte sans demander son reste. Il rentra dans la chambre, claquant la porte au nez du pauvre Lómion.
La pièce était glaciale, celle qui la veille pourtant, avait accueilli des ébats passionnés.
Sansa était là, assise sur le lit. Elle n'avait pas bougé depuis qu'il était parti plus tôt dans la matinée. Son corps paraissait tendu au possible. Elle était dos à lui, et tandis que la partie la plus mauvaise de lui hurlait de lui faire mal, une petite voix au fond de son cœur lui criait qu'il y avait peut-être encore un espoir d'arranger les choses. Lentement, il s'approcha d'elle, se laissant tomber à genoux, il planta son regard dans le sien. Mais la jeune femme semblait si vide...
« Sansa… »
La jeune femme le fixait sans réellement le voir, et cette ignorance eut raison de la patience de Ramsay qui vint saisir la jeune femme par les cheveux, d'un geste plus violent encore, il la plaqua sur le lit, la dominant de toute sa stature. Mais son ange roux ne produisit aucun son, n'esquissa aucun geste. Elle ressemblait à une morte.
« Je vais cesser de faire comme cela te chante ! Je n'ai plus la patience de supporter tes simagrées ! Tu as eu bien trop de liberté ! Tu crois que tout est permis ! Mais c'est faux ! »
Plaquant sa main contre la gorge pâle de celle qu'il avait épousée, il déchira avec force ses jupons bleus et or avant de défaire son propre pantalon. Mais contrairement à ce qu'il crut, la jeune femme ne protesta aucunement. Elle restait là, couchée, aucun pleur, aucun cri… Simplement un regard vide.
Était-ce la trahison de trop ? L'avait-il définitivement brisé ?
Non… Il ne voulait plus d'elle comme d'une prisonnière. Il voulait simplement retrouver celle qui était devenue son alliée… Il avait perdu son amante, il ne voulait pas perdre sa femme.
Lentement, il la lâcha, se releva, et reboucla sa ceinture tout en la fixant. Elle était toujours allongée sur le lit, comme si elle n'était qu'une vulgaire poupée de chiffon. La seule chose qui lui indiquait qu'elle était encore en vie était sa poitrine qui se soulevait au rythme d'une respiration calme et régulière.
« Par tous les Dieux Sansa ! Que dois-je faire ? Que dois-je dire ?! »
Calmement, elle se releva, d'abord en position assise, puis debout. Elle s'avança doucement vers lui, son regard reflétant toujours un vide total, aucune émotion n'existait dans son regard si froid, et d'une voix plate, sans gentillesse, condescendance ni même méchanceté, elle parla enfin :
« Je t'aurais aimé pour toujours. »
Ce fut tel un coup de poignard en la poitrine de Ramsay. Ces mots ressemblaient à un adieu muet. Rien ne serait plus comme avant, tous deux le savaient. Elle passa à côté de lui, frôlant son épaule de la sienne, elle vint prendre place devant la fenêtre. Le regard perdu dans l'horizon.
« Maintenant, s'il te plaît, pars. »
Il ne pouvait pas s'avouer vaincu. Il ne pouvait pas la laisser briser leur relation aussi spéciale qu'empoisonnée. Il s'approcha d'elle, effleurant son poignet avec douceur.
« Sansa… Ne fais pas ça… Parle-moi.
- J'ai parlé Ramsay ! Je t'ai fait confiance ! Maintenant, va te faire foutre ! »
Jamais il ne l'avait connu vulgaire. Jamais il ne l'avait connu aussi virulente et à la fois si calme. Il devait tout faire pour la garder auprès de lui. Tout.
« Je ne voulais pas…
- … Mais tu l'as fait ! »
L'angoisse vint enserrer sa gorge et dans un dernier geste de désespoir, il la tourna face à lui, son regard de givre se plantant dans les siens azur. Il eut la désagréable sensation que c'était la dernière fois qu'il la sentirait contre lui ainsi. Il voulait lui dire tant de choses. Mais rien ne sortait.
« Je tiens à toi, Sansa. »
Il la sentit se crisper légèrement, l'espace d'un instant, le doute passa dans ses yeux saphir. Mais bien vite, tout ne redevint que néant. Elle se dégagea de son étreinte et avec violence s'écarta de lui.
« Où ?!
- Quoi ?
- Montre-moi ! Où est cette affection ? Je… Je ne peux pas le voir ! Je ne peux pas le toucher ! Je ne peux pas le sentir ! Je ne peux pas l'entendre ! Je ne peux qu'entendre ces quelques mots. Mais je ne peux rien faire avec des mots si simples. Quoi que tu dises Ramsay, c'est trop tard. Tu m'as trahi ! »
Sa poitrine était si douloureuse, il tenta de la toucher à nouveau tel un enfant désespéré, mais elle s'écarta.
« S'il te plaît… Ne fais pas ça. »
Il détestait sa faiblesse. Il détestait s'entendre la supplier. Mais il n'avait pas d'autre solution en cet instant. La peur rongeait ses entrailles.
« C'est déjà fait, Ramsay. Tu l'as déjà fait. »
Elle s'approcha à nouveau de lui, plus froide encore et sa voix s'éleva dans l'air, plus tranchante que la lame d'un poignard :
« Tu n'es qu'un bâtard Ramsay, un bâtard qui se croit Roi. Mais tu n'es rien. Tu es là où tu te trouves seulement et uniquement grâce à moi ! À mon rang, ma famille, ma maison ! Tu n'es rien d'autre qu'un imposteur essayant de se convaincre qu'il est là où il doit être mais il n'en est rien. Chaque jour que les Dieux me permettent de vivre, je regrette Ramsay. Je regrette que Joffrey ne m'ait pas tué ! J'aurais préféré mourir sous ses coups que d'être ta femme ! »
Un bruit sourd vint à retentir, un bruit si violent qu'il résonna à travers tout le château. Sa joue la brûlait si intensément qu'elle retenue ses larmes avec peine. Le sang ruissela le long de son menton tandis que le goût ferreux de celui-ci emplissait sa bouche. Et avant même qu'elle ne puisse esquisser le moindre geste ou prononcer la moindre parole, Ramsay disparu, claquant la porte derrière lui.
À peine fut il sorti, que Sansa éclata en sanglots, sa peine immense et dévastatrice secouant son corps entier. Son cœur était dans un étau et elle n'arrivait plus à respirer. Elle haïssait Ramsay, elle le haïssait avec autant de force qu'elle était capable de l'aimer. Et elle se détestait plus encore d'avoir prononcé pareilles paroles. Elle mentait. Elle se mentait à elle-même, mais elle avait pris une décision, et elle devait s'y tenir.
Elle avait fait le choix de partir.
Depuis qu'il était parti jusqu'à ce qu'il la rejoigne, elle avait pensé, encore et encore. Essuyant la peine, et le dégoût de la trahison. Elle avait élaboré un plan : elle devait fuir Winterfell, quoi qu'il lui en coûte. Elle devait partir loin de lui. Loin de cette prison aux barreaux d'or qu'elle s'était elle-même forgée. Ramsay la tuerait. Si ce n'était sous les coups, ce serait son esprit qu'il finirait par enterrer.
Elle devait retrouver cette dame du nom de Brienne de Torth. Ou Jon… Il était en vie ! Il était trop tard pour qu'elle demande à Édric où était Sandor Clegane, elle devait agir, et ce, rapidement. Précipitamment, elle alla ouvrir la fenêtre et au même moment elle le vit partir. L'étalon couleur sang. Il galopait à toute allure dans la neige.
Serait-ce la dernière image qu'elle aurait de Ramsay ?
Sans se poser plus de questions, elle se hâta, se débarrassant de ses guenilles déchirées, elle vint revêtir une robe grise, chaude et discrète. L'espace d'un instant, elle hésita avant d'ouvrir une malle et de sortir de celle-ci une immense cape blanche tâchée de sang vieilli. Avec douceur, elle s'enveloppa dedans avant de revêtir une cape de fourrure, rabattant la capuche fourrée de celle-ci sur sa chevelure rousse.
Il était désormais temps de partir.
Elle dénoua de son cou le collier que Ramsay lui avait offert, dans un dernier geste presque poétique, elle embrassa la pointe avant de la poser sur la coiffeuse. Elle laissa entrer Lómion qu'elle caressa une dernière fois, les yeux larmoyants.
« Merci d'avoir fait partie de ma vie, de l'avoir rendu moins triste. Mais je ne peux pas t'emmener. Je ne veux pas risquer qu'il t'arrive quelque chose. »
Puis, doucement elle se releva avant de quitter la pièce, refermant la porte derrière elle et enfermant ainsi son chien.
Elle disait adieu à tout ce qui lui appartenait : mur, tenue, souvenir, son fils.
Elle ne reviendrait pas avant un moment, mais elle se fit la promesse qu'elle reprendrait Winterfell, coûte que coûte.
D'un pas décidé, elle marchait dans les couloirs du château, elle devait monter à la plus haute tour et déposer une bougie, comme la vieille servante lui avait dit. Et tandis que son cœur se brisait dans sa poitrine alors qu'elle marchait, les larmes s'échappèrent de son regard. Chaque instant qu'elle avait vécu avec Ramsay fut aussi horrible qu'intenses. Parfois, les souvenirs heureux venaient traverser son esprit, comme pour la convaincre de rester, de lui donner une dernière chance, une chance de l'apprivoiser. Il lui avait dit qu'il tenait à elle.
Peut-être pouvait-elle se permettre de l'aimer encore une fois ? Cette fois-ci, leur couple marcherait… ?
Puis la violence de certains souvenirs la confortait dans sa décision. Elle devait partir à tout prix, il était hors de question qu'elle continue à souffrir ainsi. Et tandis qu'elle passait sous une arche de pierre, une flèche pointée sur elle la stoppa.
Myranda, ou du moins, ce qui restait de la jeune femme, se tenait devant elle. Pleine de sang, le visage défiguré, deux doigts en moins, une lèvre mutilée et la peau de sa gorge manquante, elle était là. Sansa laissa parcourir son regard sur le corps de la jeune femme.
Qu'avait-il donc fait au reste du corps de cette femme que Sansa ne pouvait voir ?
Mais malgré l'état de la mutilée, aucune pitié ne vint saisir la gorge de Sansa. Seulement la peur tandis que Myranda bandait son arc avec force, ses yeux rieurs fixant la Maîtresse de Winterfell. Un rire nerveux vint franchir ses lèvres et la folie éclairait ses yeux semblables au cristal.
« Madame, vous semblez bien pressée. Puis-je vous raccompagner à votre chambre ? »
Les paroles de Myranda sonnaient fausses et tandis que les deux femmes se fixaient, la jeune Lady perçut du mouvement derrière la fille du chenil. Theon était là, caché dans l'ombre. L'homme tremblait de peur tandis qu'il fixait la scène, impuissant. Sansa, quant à elle, bouillonnait de rage, de colère tandis que la peur venait lui saisir la gorge. Une peur sourde qui emplissait ses tempes. Elle avait terriblement peur de Myranda. Une peur paralysante qui s'emparait de ses jambes tandis qu'elle se souvenait des coups.
« Sansa… »
Le murmure de Theon trahissait son affolement. Tous deux savaient que Myranda n'hésiterait pas à tirer. Qu'elle n'hésiterait nullement à la tuer. Et tandis qu'elle fixait les deux silhouettes mutilées face à elle, Sansa eut envie de rire. Tous deux étaient presque similaires aux créatures se trouvant dans les contes pour faire peur aux enfants. Tel que ceux que racontait la vieille Nan. Tel que ceux qu'aimait tant écouter Bran au coin du feu.
Son cœur se serra alors un peu plus fort alors qu'elle fixait plus intensément encore Myranda. Toutes deux aimaient un monstre. Un monstre qui n'hésitait aucunement à mutiler, même celle qu'il eut aimé par le passé. Et Sansa s'était délectée de chaque cri que Myranda eut poussé. Mais désormais, elle s'en voulait. Le cadavre vivant qui se trouvait devant elle n'avait plus rien à voir avec la jeune femme espiègle qu'elle eut connue. Elle aurait dû la condamner, la faire décapiter. Et tout trois ne seraient pas là aujourd'hui…
« Je n'ai pas peur de toi, Myranda. »
Les paroles de la rousse semblèrent légèrement désarmer la brune qui tangua.
« Ramsay est bien pire que toi. Et je le connais mieux que personne. »
Toutes deux savaient que Sansa disait vrai. La jeune Stark savait mieux que n'importe qui dans ce château qui était Ramsay Bolton. Elle avait pu voir, contempler, profiter et subir chacune de ses facettes. De la plus tordue… À la plus douce. Elle avait senti sa larme embrasser sa chevelure tandis qu'on leur arrachait Rickard. Elle avait entendu ses cauchemars certaines nuits. Elle avait compris sa folie dévastatrice… Sa haine envers ce monde qui ne voulait pas de lui. Et elle le trahissait à son tour, pour sa propre survie.
« Je sais ce que me fera Ramsay quand il découvrira ce que je t'ai fait. Mais je m'en fiche. Tu le mérites. »
La voix de Myranda était rauque, emplie d'un mépris que Sansa comprenait.
Toutes deux se jaugeaient. Toutes deux savaient que Ramsay était plongé dans une rage folle. Que sa sortie équestre ne le ramènerait nullement à la raison et que lorsqu'il rentrerait…
Sansa fixait Myranda, elle se conforta un peu plus dans sa décision. Elle devait partir. Bien que Ramsay soit capable d'éprouver un sentiment d'attachement pour elle, il n'en était pas moins fou. Sadique. Et mauvais. Il était imprévisible et jamais elle ne pourrait pleinement le manipuler. Jamais elle ne pourrait pleinement lui faire confiance.
« Si tu veux me tuer, fais-le maintenant, Myranda. Tant que je me reconnais encore. »
La fille du chenil fut piquée au vif, une larme roulant sur sa joue de chair meurtrie. Mais Sansa pensait chacun de ses mots, elle ne voulait pas finir tel un spectre, déambulant dans Winterfell sans réel but. Elle voulait encore se reconnaître dans un miroir… Autant physiquement que mentalement. Elle ne voulait plus ressentir la honte en voyant les morsures sur sa chaire… Elle n'arrivait plus à se mentir, à lui mentir. Et elle aimait Ramsay autant qu'elle le haïssait. Et au fond d'elle, elle ne savait que trop bien la cruelle vérité. Si son époux ne finissait pas par la tuer physiquement, c'est elle qui finirait par se donner la mort.
« Mourir ? »
La voix fluette de Myranda, pourtant cassée, se voulait rieuse.
« Qui a parlé de mourir ? Tu ne peux pas mourir ! Ton père gouvernait le Nord… Ramsay a besoin de toi. Que je le veuille ou non. Sans toi, il serait écrasé tel un insecte ! »
Les yeux de cristal de la jeune femme devinrent malicieux, et un sourire malsain s'étira sur ses lèvres désormais invisibles.
« Mais… Je peux lui donner une raison de lui-même te tuer.
- Qu…
- Si tu ne peux plus lui donner d'héritier. Il sera forcé de se débarrasser de toi. »
Lentement, Myranda abaissa son arc vers le bas-ventre de Sansa, et dans un rire perçant, elle s'exclama :
« De toute façon, tu n'y es déjà pas arrivé la première fois. »
Son rire malsain éclata de plus belle. Sansa, quant à elle, était paralysée par la peur. Peu importe ce qui allait suivre ensuite, elle mourrait. Soit par la flèche de Myranda qui la ferait se vider de son sang, soit de la main de Ramsay, car elle sera incapable d'enfanter.
« Bien ! Attendons-nous Ramsay ? Ou bien commençons-nous ce magnifique spectacle ? »
Les mots restaient bloqués dans sa gorge, figée, elle avait la sensation que son corps n'était fait que de pierre. Paralysée par une peur sourde, elle aurait aimé tuer de ses mains cette femme en face d'elle. Le peu de pitié qu'elle eût ressenti tantôt, c'était évanoui. Elle aurait dû faire le choix de la condamner à mort. Elle aurait tant aimé que Myranda paye pour son fils, et pour tous ses meurtres qu'elle eut commis.
Sansa aurait aimé tant de choses, mais en cet instant, elle savait seulement que la mort arrivait. Elle allait rejoindre son fils, ses parents, sa famille. Elle laissait derrière elle un Nord chaotique, un continent en proie à la guerre… Mais elle n'était pas faite pour ce monde. Elle qui ne rêvait que d'amour… Elle n'était pas faite pour le jeu des trônes.
Peut-être que dans une autre vie ? Un monde où le jeu des trônes, la lignée du sang, n'existaient pas, peut-être que Ramsay et elle auraient eus un avenir…
Au fond d'elle, elle ressentait presque une infime joie, à l'idée que toute cette vie de cavalcade et de souffrance soit finie.
Était-ce lâche ? Ou courageux ?
Ses yeux océans se perdirent sur le balustre… Elle prendrait la flèche de Myranda avant de basculer par-dessus la rambarde… Alors, elle viendrait s'écraser au sol, et elle rejoindrait les Dieux. L'espace d'un instant, elle imagina Ramsay s'approcher de son corps et la pleurer avant de tuer Myranda avec violence. Mais il ne l'avait pas tué pour son propre fils, alors il ne la tuerait nullement pour le meurtre de sa femme.
« Tu me laisses le choix ? »
Le regard de Sansa s'embua de larmes tandis qu'elle repensait à la trahison de son époux. Myranda avait pris la vie de Rickard, et désormais, elle prenait la sienne. Lentement, ses yeux océans vinrent se planter dans ceux emplis de terreur de Theon. Il tremblait de part en part, suffoquant presque devant la mutilée. Alors, comme pour le rassurer, Sansa esquissa un faible sourire, ses lèvres murmurant de façon inaudible « merci ». Ses yeux se détournèrent ensuite pour affronter ceux de Myranda qui semblait bouillonner de colère.
« Bien ! Commençons ! »
Elle banda un peu plus son arc, visa, et lâcha sa flèche...
Mais alors que Sansa fermait les yeux, prête à accueillir la mort, Theon se jeta sur la fille du chenil et la poussa avec tant de violence qu'elle bascula en arrière et passa par-dessus le balustre.
La flèche fut déviée par l'intervention de Theon et celle-ci vint heurter le mur de pierre derrière la jeune Stark qui resta figée de terreur.
Le cri perçant de Myranda emplit la cour, puis un bruit sourd résonna, témoin de sa chute, avant que le silence n'envahisse à nouveau Winterfell. L'esclave et l'épouse du Bolton se fixèrent intensément, tous deux réalisant peu à peu ce qu'il venait de se produire.
Sansa était en vie et Myranda était morte.
Les larmes roulèrent sur ses joues creusées par la faim et la fatigue. Myranda était morte. Elle avait enfin payé pour la mort de son fils. Elle était morte. Morte de la main de Theon Greyjoy.
Theon… Sansa tourna son regard vers lui. Il était toujours courbé, son visage avait pourtant changé, offrant un regard plus sûr, un regard inquiet, mais confiant.
Confiant de quoi ?
Elle ne savait pas. Mais Theon était bien là, il avait chassé Schlingue de son esprit, l'enfermant à double tour dans un recoin de celui-ci et ainsi redevenant le fer-né qu'elle eut connu durant son enfance et adolescence.
Oui, il était là.
Theon Greyjoy n'était nullement mort, mais grièvement blessé par son geôlier et désormais, il avait besoin d'aide pour guérir définitivement de l'emprise de Ramsay.
Un cri perçant vint de la porte Sud, les faisant tous deux sursauter tandis qu'ils contemplaient le corps baignant dans son propre sang en contre-bas.
« Ouvrez les portes ! »
La porte Sud… Ramsay revenait ! Le cœur de Sansa s'emballa alors dans une course folle, les larmes redoublant sur ses joues tandis que tous ses espoirs s'envolaient : elle avait perdu bien trop de temps. L'angoisse la gagnait de part en part tandis que Theon semblait également s'affoler. Se tournant vers elle, son regard brisé se plantant dans le sien si tourmenté, sa voix trembla :
« Il revient… »
Empoignant le poignet de la jeune femme, il la tira derrière lui dans une course folle que Sansa ne maîtrisait vraisemblablement pas. Les étages se succédèrent, leurs rythmes cardiaques s'emballaient, bien pire que si la mort était à leurs trousses. Et tandis qu'ils arrivaient en haut des murailles de Winterfell, Sansa n'hésita pas un seul instant tandis que Theon grimpait en haut de celle-ci. Il lui tendit la main, elle la prit. Elle savait que c'était le meilleur choix qu'elle pouvait faire, elle ne voulait plus subir, elle ne voulait plus se soumettre. Elle voulait être libre. Plus jamais elle ne serait l'épouse d'un homme, et plutôt mourir que de refaire face un jour à Ramsay Bolton.
Leurs regards se mêlèrent l'un à l'autre, et d'un commun accord, silencieux, ils enserrèrent un peu plus fort leurs mains avant de sauter dans le vide immense.
Ramsay descendit de son étalon, claquant l'encolure de celui-ci avec force avant de le laisser au palefrenier. Sa mâchoire se contractait en des spasmes nerveux qu'il ne réussissait pas à contrôler. Avec colère, il passa sa main dans ses cheveux de jais quelque peu humide, puis, il prit le chemin de sa chambre sans dire un mot, jetant son arc et son carquois vide au sol. Il n'avait fait aucune prise, il avait été incapable de tuer un seul animal, toutes ses flèches finissant à côté de leurs proies. Durant toute sa partie de chasse, le simple souvenir de Sansa lui crachant avec tant de froideur les vérités qu'il n'osait s'avouer à lui-même le rendait fou de rage.
Il la haïssait.
Il haïssait tout d'elle et il voulait lui faire payer au centuple.
Mais comment la faire payer ?
Il n'avait nullement la force de lui faire du mal.
Quatre à quatre, il vint gravir les marches jusqu'à la porte de sa chambre. Il allait encore essayer de s'excuser, de faire preuve de douceur, de clémence avec elle. Peut-être qu'avec un peu de temps, elle lui pardonnerait.
Mais alors qu'il arrivait au bout du couloir, les aboiements du chien de son épouse se firent entendre.
Lómion n'aboyait jamais.
L'inquiétude gagna immédiatement le Lord tandis qu'un mauvais pressentiment gagnait, quant à lui, son cœur. Il se précipita à la porte pour l'ouvrir et Lómion se rua immédiatement sur lui tandis que Ramsay regardait l'intérieur de la pièce : vide.
Dans un mouvement de véritable pisteur, Ramsay s'approcha du feu, qui était éteint depuis quelque temps déjà et toucha les cendres, froides.
Mais alors qu'il se relevait, son regard fut attiré par un objet brillant reposant sur la coiffeuse, le Lord s'en approcha. Le pendentif qu'il avait offert à Sansa reposait là. Le saisissant dans sa main, il le serra avec tant de force que ses phalanges devinrent blanches. Elle l'avait trahi, il en était désormais certain.
Immédiatement, il fit demi-tour, et, suivi de Lómion qui courrait derrière lui, il arriva au Chenil dans lequel il entra en hurlant avec rage.
« Schlingue ! Schlingue ! »
La créature aurait dû accourir, la créature aurait dû ramper à ses pieds. Mais rien de tout cela ne se produisit.
La garce avait son animal avec elle.
Le sang de Ramsay venait tambouriner dans ses tempes tandis qu'il ressortait de l'antre de ses chiens. Toujours avec affolement, il décida de gagner la porte la plus proche, au Nord de Winterfell. Lómion le suivait toujours, sniffant le sol d'un air chausseur, il cherchait sa maîtresse également. Et tandis qu'ils approchaient de la grande arche, un corps sans vie trônait dans la cour, une flaque de sang l'entourant. Immédiatement, le cœur de Ramsay se mit à bondir dans sa poitrine tandis qu'il s'approchait.
Sansa ? Aurait-elle pu ?
Il n'osa y songer tandis qu'il se rapprochait du cadavre, pour enfin découvrir la morte.
Myranda était là, le crâne fendu, les yeux grands ouverts et la bouche mi-close. La peur envahissait ses yeux cristallins… D'un geste tremblant, Ramsay les lui ferma. Ce qu'il n'avait jusqu'à maintenant eut le courage d'accomplir venait d'être fait par son épouse et son esclave. Il savait que si Sansa avait fui, et si Schlingue était introuvable, alors tous deux ne pouvaient être qu'ensemble.
Sa mâchoire se contractait encore et encore, avec plus de violence qu'auparavant. Lentement, il enleva son gant de cuir et toucha la peau de la morte. Celle-ci était encore légèrement tiède, démontrant une mort peu lointaine.
Était-il encore temps ?
Tout en se relevant, Ramsay se mit à songer. Même s'il la retrouvait, plus jamais il ne retrouverait son épouse farouche. Il la séquestrerait à nouveau, il la mutilerait pour lui faire payer. Aucune compassion ne venait désormais enserrer son cœur tandis qu'il pensait à elle, seulement la haine.
Il ne pouvait plus lui faire confiance, en avait-elle seulement conscience ?
Le Lord se détourna du corps sans vie de Myranda et se dirigea dans la cour principale de Winterfell, Lómion toujours à ses côtés.
Tout tournait en boucle dans son esprit, et malgré la haine qui pourrissait son cœur, il ne pouvait empêcher un petit morceau de celui-ci de combattre toute cette noirceur. Il voulait qu'elle soit en vie, qu'il la retrouve et qu'ils se pardonnent tout… Il voulait que tout deux prennent un nouveau départ, Myranda était désormais morte…
« Édric ! »
La voix de Ramsay était plus froide encore que la neige qui tombait du ciel et tandis que les deux hommes arrivaient face à face, la voix de Ramsay se voulut plus froide encore.
« Lady Bolton a décidé de prendre la fuite avec mon cher Schlingue. Ramenez-les-moi tous les deux vivants. Je vous donne mes meilleurs hommes, mes meilleures chiennes. Ramenez-les-moi. Si jamais Lady Bolton est blessée, je vous écorcherai tous, ai-je été clair ? »
Édric ne répondit rien, il hocha simplement la tête avant de rejoindre les écuries et de seller les chevaux. Son cœur bondissait dans sa poitrine tandis qu'il entendait le Lord appelé ses gars. « Les Gars du Bâtard. » … Si Lady Bolton et le pauvre Schlingue étaient encore dans les parages, ils avaient tout intérêt à trouver une bonne cachette. Car il ne pourrait leur accorder aucune pitié.
L'atterrissage dans la poudreuse lui fit terriblement mal, l'espace d'un instant, elle crut que ses chevilles s'étaient brisées sous son poids. Sansa mit quelques instants à retrouver ses esprits, hésitante entre l'envie de mourir de froid ou celle de fuir le plus loin possible. Son corps était si lourd… Si épuisé. Mais alors qu'elle reprenait à peine conscience de ce qu'il se passait, Theon la fit sortir de sa torpeur tout en la tirant en avant.
« Sansa ! Dépêche-toi ! »
Il la tirait à bout de bras et tous deux commencèrent à courir en direction de la forêt. Les jambes amaigries de Sansa, couplées à ses chevilles désormais douloureuses, la portaient avec difficulté tandis que Theon, plus affaiblie qu'elle, courrait tel un lièvre qui avait la mort aux trousses.
Mais n'était-ce pas le cas ? N'avaient-ils pas la mort aux trousses ?
Courant à en perdre haleine, tous deux maintenaient leurs mains liées.
S'étaient-elles séparées depuis leur chute de la muraille ? Elle en doutait.
Si l'un tombait, l'autre le relevait, si l'un ralentissait, l'autre le traînait. Ils ne s'abandonneraient pas, pas après tout ça. Ils n'avaient plus que l'autre.
Au bout d'une course déjà longue, ils rentrèrent dans le Bois-aux-Loups. Les aboiements des chiens, au loin, résonnèrent à leurs oreilles et le cœur de Sansa s'affola dans sa poitrine tandis que les larmes commençaient à couler sur ses joues. Theon quant à lui accélérait la cadence, tirant Sansa avec force derrière lui.
Qu'avait-elle fait ?
Ils étaient tous deux perdus par sa faute. Sa seule et unique faute. Elle les avait condamnés à une mort atroce. Si elle avait été seule, elle ne s'en serait probablement pas voulu, acceptant sa mort avec soulagement. Mais malheureusement, Theon était désormais avec elle. Il avait fui avec elle. Il avait tué Myranda pour elle, et elle s'en voulait de l'avoir emporté dans son malheur.
« Il faut continuer, Sansa, vient ! »
Poussant presque la jeune femme, Theon l'encourageait du mieux qu'il le pouvait. Il la traînait, l'entraînait avec lui dans sa course folle. Leurs pieds s'enfonçaient dans la neige et bientôt, ils gagnèrent la rivière que Sansa connaissait si bien. En un instant à peine, elle revit sa vie défiler devant ses yeux. Les promenades avec Robb, les jeux avec Bran et Arya, la naissance de sa relation avec Ramsay, l'agression par ce bandit aux traits fous et le sauvetage de Ramsay… Cette rivière fut la témoin de tant de choses pour elle de sa plus tendre enfance à sa vie de femme, d'épouse.
Dû à l'hiver et à la neige qui fondait autant qu'elle tombait du ciel, le court d'eau était devenu bien plus largue et plus violent. Mais surtout ... bien plus froide. Mais s'ils ne traversaient pas… Elle ne savait pas ce qui adviendrait d'eux ! Les aboiements des chiennes de Ramsay se rapprochaient et Theon prit la décision que Sansa redoutait.
« Il faut traverser ! »
Prenant son courage, elle trempa son pied dans l'eau gelée qui lui fit la sensation d'une brûlure vive. La mort l'attendait dans ces eaux, elle en était certaine.
« Je ne peux pas…
- … Il le faut, Sansa ! »
Theon avait déjà de l'eau jusqu'au mollet et ne semblait rien ressentir.
Pouvait-on réellement ressentir quelque chose après tout ce qu'avait traverser cet homme ?
Elle devait le faire, pour lui, pour cet homme face à elle qui était prêt à mourir pour sa liberté à elle. Alors elle avança, sans réfléchir, un pied devant l'autre, elle avança dans l'eau qui lui rongeait sa chair. Et l'espace d'un instant, elle regretta avec amertume sa fuite.
« L'eau est trop froide ! Je vais mourir ! »
Son souffle se faisait de plus en plus court, ses dents claquaient toutes seules et tandis qu'elle continuait d'avancer difficilement, le regard de Theon se planta dans le sien larmoyant. La détermination qu'elle y vit lui transperça alors le cœur avec violence.
« J'ai vu les limiers à l'œuvre. Pas que sur des sangliers ou des biches. Je les ai vues… Sur bien pire que ça. »
Un frisson parcouru l'échine de Sansa. Elle ne l'avait jamais vu, mais elle ne se doutait que trop bien de l'atrocité du spectacle, tant celui-ci avait hanté ses cauchemars.
« Mieux vaut mourir ainsi, dans ces eaux. »
Les aboiements se rapprochaient et le regard de Theon était empli d'une rage de vivre qui s'insinua lentement en sa partenaire. La peur s'emparait peu à peu de son ventre, se mélangeant avec l'adrénaline que lui procurait la rage. Elle était prête à mourir, de toutes les façons qui soient, sauf de la main de Ramsay ou des crocs de ses chiennes !
Serrant plus fort encore la main de Theon, elle continua dans l'eau glacée, oubliant chaque instant de sa vie, se concentrant uniquement sur sa volonté. Le froid lui brûlait la peau à mesure qu'elle avançait. Cette eau gelée ralentirait les chiens, ou peut-être, par chance, les stopperaient. Si seulement cela arrivait… Ils seraient libres.
Son souffle devenait de plus en plus court tandis qu'ils avançaient dans l'eau gelée, et alors qu'ils atteignaient l'autre rive, elle crut un instant s'écrouler sur la berge pour ne plus jamais se relever. Mais cela était sans compter sur la volonté du jeune fer-né qui tira la jeune femme à sa suite.
« Par ici ! Allez ! »
Il la tira à sa suite, recommençant sa course épuisante à travers bois, semant pour un moment les chiens de Lord Bolton.
Les questions s'enchaînaient dans l'esprit de la jeune femme tandis qu'elle courait derrière Theon. Ses jambes étaient en feu, brûlantes de froid. Elle avait mal, mais ne ressentait plus rien à la fois, tout était flou et confus en elle tandis que tout se mélangeait dans son esprit.
Était-il à leur poursuite ? Ou bien avait-il envoyé ses hommes de mains pour les ramener, ou pire les tuer ?
Un frisson de terreur vint envahir le corps de la jeune femme, ou bien était-ce le froid qui attaquait définitivement chaque parcelle de sa peau ?
Jamais Ramsay n'enverrait des hommes les tuer. Il s'en chargerait lui-même, se délectant de chacun de ses hurlements de souffrance.
Et alors qu'ils couraient à en perdre haleine, des flammes vertes envahirent son regard azur. Si ce soir-là, elle l'avait suivi. Si ce soir-là, elle avait été au-delà de son faciès qui à l'époque l'effrayait. Si ce soir-là, elle avait écouté son cœur à place de son sens du devoir… Elle n'aurait jamais eu à faire tout cela. Elle serait loin d'ici, dans les cités libres… Avec Sandor.
Theon se retourna, il voyait l'épuisement de la jeune femme, l'état presque comateux dans lequel elle se trouvait. Il n'avait point la force de la porter, et continuer cette course avec Sansa dans cet état était voué à l'échec. Elle tomberait et se ferait sûrement mal, et il était hors de question qu'il l'abandonne. Elle l'avait sauvé.
Alors, avec douceur, il la guida jusqu'à un arbre déraciné, tous deux se cachèrent en-dessous, se collant l'un à l'autre pour mieux se réchauffer. Ils espéraient farouchement qu'ils trouveraient de l'aide, ou du moins, que les soldats de la maison Bolton n'étaient pas partis dans la bonne direction.
« Sansa … Sansa ? »
La jeune femme était complètement absente et cela inquiétait grandement Theon qui la secouait légèrement.
Mais elle n'était plus là, elle était ailleurs, là où les flammes vertes dansaient sur les murs et où un faciès défiguré la dévisageait avec tendresse. Elle n'avait plus que le goût du vin et du sang dans sa bouche, elle était ailleurs, loin du Nord, loin de Theon, loin du souvenir de Ramsay et des aboiements des chiens. Elle était loin de cet enfer.
Le Fer-né prit Sansa dans ses bras, la serrant avec force contre son cœur. Il espérait la réchauffer, stopper les tremblements qui secouaient le corps frêle de la jeune femme, mais aussi le sien.
« Enfants de la terre, prêtez l'oreille.
Aux murmures de vérités qui illuminèrent l'instant de clarté,
Deux âmes fusionnées,
Le Grand Amour qu'ils avaient si bien rencontré,
Unissant la terre aux cieux sacrés. »
Les yeux de Sansa se fermèrent tandis qu'elle sentait cette étreinte presque apaisante autour d'elle tandis qu'il fredonnait la prière que sa mère leur chantait toujours. Un soupir las et fatigué vint quitter ses lèvres.
Elle était fatiguée, fatiguée de tout cela.
Et tandis que son cœur commençait à reprendre une cadence normale tel celui de Theon, des aboiements les firent sursauter. Mais cette fois, les aboiements n'étaient nullement lointains… Ils étaient si proches que tous deux surent immédiatement qu'ils n'avaient aucune chance de fuir. C'était la fin.
Ils étaient perdus.
Theon se releva alors, le courage illuminant ses traits meurtris tandis que l'angoisse teintait son regard fatigué.
« Reste ici, je vais les éloigner.
- Non ! »
Sansa vint saisir la main glacée de son acolyte et d'un regard le supplia.
« Je ne survivrai pas sans toi ! Theon…
- Si ! »
Avec douceur, il prit son visage en coupe entre ses deux mains mutilées et lui esquissa un sourire empli d'une tendresse fraternelle qui toucha immédiatement Sansa.
« Va au Nord. Toujours au Nord sans jamais t'arrêter ! Jon est à Châteaunoir, il est en vie. Il t'aidera. »
C'était un adieu.
Un adieu que Sansa ne pouvait accepter, elle enserra ses mains contre ses joues comme si ce simple geste l'empêcherait de partir, le convaincrait de rester ici, caché avec elle. Si l'un d'eux deux devaient se sacrifier, c'était elle. Mais elle savait, elle savait qu'ils les trouveraient et les tueraient quoi qu'il arrive. Ou pire encore, les ramèneraient à leur bourreau…
« Merci, Sansa. »
Theon embrassa le front de la jeune femme avec force et elle comprit presque trop vite la signification de ce baiser, elle lâcha alors ses mains, le laissant partir affronter sa mort.
Le Fer-né courut à peine quelques mètres pour se retrouver face à quatre cavaliers et deux soldats à pied qui tenaient deux énormes chiennes que Theon reconnut aisément comme Alys et Violet. L'un des cavaliers n'était autre qu'Édric Snow, le Maître d'arme. L'espoir s'insinua alors en Theon, il savait l'affection et la fidélité qu'avait le Maître d'Armes pour la jeune Stark, peut-être pouvait-il faire pencher la balance en son camp grâce à cela ?
Tous les soldats se stoppèrent face à lui, les chiennes tirant sur les laisses et hurlant à la mort pour venir dévorer l'homme effrayé.
« Où est Lady Bolton ? »
La voix d'Édric, aussi calme qu'un cours d'eau, n'en était pas moins tranchante comme le rasoir et plus froide que la rivière.
« Elle est morte.
- Menteur ! »
Le soldat tenant Violet venait de crier, Theon le reconnut aisément : Ben-les-Os, le père de Myranda et Maître du Chenil. Chacun des Gars du Bâtard l'entourait et cela tétanisa Theon. L'angoisse montait dans sa gorge et venait lécher son palais. Mais il devait continuer, pour Sansa. Alors, s'enfonçant un peu plus dans son mensonge, il regarda droit dans les yeux le Maître d'armes.
« Elle s'est cassé la jambe ! Je l'ai abandonnée. »
Grogne tenait Alys en laisse tandis que Damon et Alyn fixait Theon d'un regard malsain. Derrière Edric se tenait celui qu'on surnommait « L'Écorcheur ». L'espace d'un instant, le Fer-né remercia les Dieux que Dick le Jaune et Luton soit mort de cela il y a plusieurs mois. Même si en cet instant, il était tout de même pris au piège.
Les chiennes aboyaient avec hargnes, traînant Grogne et Ben derrière eux. La panique envahissait Theon, il tenta de les stopper, de cacher Sansa dans un ultime sacrifice, dans une tentative désespérée. Mais c'était inutile, ils la découvrirent bien vite. Elle était gelée et suffocante, mais elle était là. Les chiens tentèrent de la mordre, les hommes riaient et Édric restait là, fixant la scène sans réagir. Ben tenta d'attraper la jeune femme par les cheveux, mais Theon s'interposa, poussant le vieil homme avec violence, manquant de se faire mordre par Violet. L'Écorcheur s'avança, et dans un rire narquois, il se tourna vers Theon et s'exclama :
« J'ai hâte de voir quel bout Ramsay te coupera, cette fois. »
Grogne se faufila derrière Theon qui était désormais paralysé par la peur et vint saisir Sansa par le bras. Ce furent les hurlements de celle-ci qui ramenèrent le Fer-né à lui. Il se jeta sur le Gars du Bâtard, essuyant au passage une morsure d'Alys au mollet.
Ils étaient pris au piège, il n'y avait aucun moyen pour eux de s'en sortir, et tandis qu'Édric allait descendre de cheval pour prendre la Lady avec lui, un hennissement lointain retentit. Le Maître d'Arme mit immédiatement la main sur le pommeau de son épée et tous les autres soldats se mirent devant lui, armes déjà dégainées, laissant les deux fugitifs se terrer dans leurs cachettes, tremblants de peur.
Deux cavaliers approchaient, Édric ordonna alors qu'on lui donne les chiennes, au même moment que Damon s'écriait :
« C'est une femme ! »
Édric grogna alors tel un ours. Il savait pertinemment de quelle femme il s'agissait, grande telle un homme, blonde et les cheveux court, le visage ingrat. Il tenait à la vie, et en l'occurrence ce combat ne valait pas la peine qu'il risque la sienne. Il talonna son cheval et contourna les arbres, se cachant de ce funeste spectacle sans que ses propres hommes ne s'en rendent compte. Les Gars du Bâtard étaient sanguinaires mais surtout idiots. Ramsay ne les avaient pas choisis par hasard. Plus ils étaient bêtes, mieux encore, ils obéissaient.
Le premier à tomber fut Ben-les-Os qui mourut d'un coup d'épée dans la gorge de la main de la blonde. Son équipier, un jeune garçon de l'âge de Sansa, se battait avec ferveur lui aussi, prenant comme adversaire Damon Danse-pour-moi. Le pauvre garçon ne se doutait pas du talent de son adversaire pour le fouet.
Contre toute attente, et à la surprise d'Édric, l'Écorcheur eut vite fait de mettre la Grande femme à terre, pour ensuite descendre de son cheval pour l'achever, mais celle-ci se releva, empoignant son épée, et avec une force titanesque, elle frappa le sadique qui était bien plus frêle qu'elle. De quelques coups d'épée, elle lui fit ployer le genou et l'égorgea dans un cri de rage.
Sansa sentait son cœur au bord des lèvres tandis que Theon restait debout devant elle, faisant de son corps un bouclier contre quiconque essayerait d'approcher la jeune femme.
Le Martyr fixait le jeune garçon qui se battait avec la grande blonde, il semblait moins à l'aise avec les armes et Damon prenait largement le dessus sur lui. Et alors qu'il fixait la scène, le regard de Theon fut attiré par quelque chose qui brillait au sol, une épée était là, cachée dans la neige blanche.
« Reste ici. »
Abandonnant une nouvelle fois Sansa entre les racines de l'arbre, il vint saisir l'épée sous l'œil effrayée de sa protégée. Le jeune garçon tua Damon d'un coup d'épée en plein cœur par, il ne savait qu'elle chance. Mais le corps de Damon, bien plus lourd, entraîna le gamin dans sa chute. Il retira alors, non sans mal, l'épée d'un geste brusque, celle-ci amenant avec elle les intestins du soldat. À peine fut-il debout que Grogne arriva derrière le jeune garçon, épée à la main.
Sansa tourna son regard vers Alyn le Rogue, bloqué sous son cheval. La grande blonde s'avança jusqu'à lui, et malgré les exclamations de l'homme chétif, elle lui trancha la gorge avec rage. La Lady détourna le regard et fixa le jeune garçon à terre, Grogne s'approchant de lui riant d'un rire étouffé. Mais avant qu'il ne puisse esquisser le moindre geste contre le gamin, une épée traversa son ventre. Theon venait de l'embrocher par-derrière.
Le corps de Grogne tomba, signant la fin des Gars du Bâtard.
Pourtant, la jeune femme continuait d'entendre les chiennes hurlées, où étaient-elles ?
Lentement, elle sortit de sa cachette tandis que Theon la rejoignait. Le gamin se releva à son tour, aidé de la Dame blonde et devant la surprise de tous, la grande femme ploya le genou face à Sansa, posant son épée titanesque aux pieds de la jeune Lady.
« Lady Sansa. »
Sa voix était douce, douce comme un fleuve limpide, contrastant avec sa carrure impressionnante et sa sauvagerie au combat d'il y a quelques instants.
« Permettez-moi de vous servir. Je serais votre bouclier. Je donnerai ma vie pour vous s'il le faut. Je le jure par tous les Dieux. »
Elle semblait bouleversée et si honnête, comme si sa quête de toujours prenait fin en cet instant. Sansa échangea alors un regard avec Theon qui hocha simplement la tête, comme pour encourager la jeune femme. Alors elle s'avança d'un pas, au fond de son cœur, elle savait que c'était la meilleure chose à faire. Avec elle à ses côtés, elle ne risquerait plus rien.
« Je jure… »
Pour la première fois, depuis longtemps, la voix de la jeune femme résonnait ferme et confiante dans la neige de l'hiver glacial. Elle était enfin en sécurité.
« Que vous aurez toujours une place auprès de mon feu et… »
Elle ne connaissait pas la suite. Le serment des boucliers n'était pas quelque chose qu'une Dame apprenait. Elle n'avait jamais non plus eu réellement besoin de pareille chose par le passé. Elle s'était toujours sentie en sécurité… Du moins… Au minima. Les promesses solennelles n'étaient pas réellement son fort non plus, même si durant son enfance, les récits chevaleresques étaient sa passion. Et les derniers événements venaient entacher ses souvenirs de remonter.
« … Une place à ma table. »
La voix du jeune garçon s'était élevée dans l'air et Sansa le remercia d'un mince sourire.
« ...Et une place à ma table. Je ne demanderai rien de vous qui entacherait votre honneur. Je le jure par les anciens Dieux et les nouveaux. »
Elle marqua une pause solennelle avant de reprendre d'une voix plus douce.
« Levez-vous. »
Brienne se leva, reprenant son arme par la même occasion, faisant ainsi face de toute sa hauteur à Sansa : sa nouvelle protégée. Elle avait réussi à tenir sa parole envers Lady Catelyn Stark. Et alors qu'elle allait parler, un cavalier aux couleurs des Bolton sortit de derrière les arbres, les deux chiennes en laisse, une épée à la main. Il se tenait droit et leur faisait face. Instinctivement, Brienne se plaça devant Sansa et Theon, mais la jeune Stark posa sa main dans le dos de la grande femme.
« Ne faites rien, il ne nous fera aucun mal. »
Édric se tenait là, fixant la jeune femme et la créature à tour de rôle. Mais son regard s'arrêta finalement sur Sansa.
« Lady Bolton…
- Je ne suis plus Lady Bolton.
- Sansa… »
Un frisson parcourut l'échine de la jeune femme tandis qu'Édric la fixait intensément.
« Si vous ne revenez pas à Winterfell, Lord Bolton sera fou de rage.
- Je préfère mourir que de revenir à Winterfell. »
Il savait que le courroux du Lord s'abattrai sur les plus faibles de la cité du Nord et cela le mettait en colère. Mais il ne pouvait forcer la jeune femme à rentrer avec lui, il en était incapable.
Mais elle devait savoir…
« Vous préférez suivre l'assassin de votre seul ami ? »
Sansa resta pétrifiée devant l'aveu d'Édric. Il ne voulait pas la ramener à Winterfell. Il ne voulait pas les mener à l'échafaud, ni elle, ni Theon. Mais il ne voulait pas non plus qu'elle ignore qui elle venait de prendre en tant que bouclier lige.
« Que signifient ces accusations Édric ? »
Elle semblait soudainement paniquée, voir angoissée. Il avait redouté ce moment depuis si longtemps, mais il était temps de lui dire. Il n'aurait probablement plus jamais l'occasion.
« Lady Brienne de Torth, ici présente, est la femme chevalier qui a assassiné le Limier, Ser Sandor Clegane. »
Un nœud se forma immédiatement dans la gorge de Sansa.
Clegane était-il mort ?
Son monde s'effondrait tandis qu'elle tournait son regard vers la femme blonde à ses côtés qui n'avait nullement bougée.
« Est-ce vrai ? »
Brienne ne détourna nullement son regard de l'ennemi en face d'elle, mais elle répondit tout de même.
« Il ne voulait pas laisser votre sœur, Lady Arya, me suivre. »
Une nouvelle fois, le monde tangua sous les pieds de Sansa qui fut retenue de justesse par Theon.
« Arya… Elle est en vie ?! »
Brienne hocha la tête avec douceur.
« Oui, du moins la dernière fois que je l'ai vu, elle l'était. »
Le cœur de Sansa s'emplit d'un soulagement presque si intense qu'elle faillit en tomber par terre. Arya était en vie ! Elle était vivante ! Elle n'était pas seule !
Arya… Sa téméraire et énervante, petite sœur était en vie… Il y avait encore de l'espoir. Peut-être qu'ils allaient tous pouvoir se retrouver…
« Édric… Je sais que vous ne me suivrez guère.
- Non, Sansa. Ma place, que je le veuille ou non, est à Winterfell.
- Alors repartez. Repartez à Winterfell et dîtes ce que bon vous sembles à Lord Bolton. Mais je ne reviendrais pas avec vous. Ni moi, ni Theon.
- Je vous souhaite bonne chance, Sansa Stark. Que les Dieux vous soit favorable. »
Tout deux se fixèrent longuement, Édric salua la jeune femme d'un mouvement de tête avant de talonner son cheval pour partir, suivi des deux chiennes. Elle le fixa partir, de longues minutes durant, sachant pertinemment qu'ils se retrouveraient. Mais lorsque ce serait le cas, ils ne seraient plus dans le même camp.
« Où allons-nous Lady Sansa ? »
La voix de Brienne la sortit de sa torpeur, elle contempla alors un instant encore l'horizon avant de répondre :
« À Châteaunoir. »
Ramsay était assis là, face au corps sans vie de Myranda. Habillée d'une simple robe de servante, elle était là, coiffée et lavée. Il sentait chacun de ses membres trembler tandis que son cœur se serrait avec force dans sa poitrine. Elle était là, le corps tuméfié et meurtri.
Par sa faute à lui.
Par sa faute à elle.
Il côtoyait la mort chaque jour, depuis son plus jeune âge. Mais jamais celle-ci ne lui avait fait si mal que ces derniers mois.
Son fils… Puis elle.
Mestre Wolkan se tenait à ses côtés, silencieux, la tête basse, il attendait. Et Ramsay observait. Tout son monde avait basculé vers des ténèbres opaques en l'espace de quelques mois à peine. Il avait laissé une faiblesse maladive l'envahir et désormais, il en payait le prix.
Sa voix s'éleva, grave et presque tremblante. Il avait besoin de se rappeler de Myranda, de raconter. Il aurait dû raconter à Sansa, il aurait dû lui avouer… Peut-être que tout aurait été différent…
« Elle avait onze ans quand je l'ai rencontré. La fille du Maître de Chenil. »
Il revoyait encore dans son esprit, Myranda et ses yeux clairs, son visage d'ange et sa peau pâle légèrement dorée par le soleil d'été. Il l'avait haïe à la seconde même où son regard pétillant et son sourire malicieux avait croisé ses yeux gelés.
« Elle sentait le chien… J'étais à peine plus âgé qu'elle, mais tous me craignaient déjà. Vous le premier. »
Il tourna un instant son regard vers Wolkan. Celui-ci ne put retenir un frisson de peur de le parcourir et Ramsay n'en eut que faire. Il haïssait cet homme.
Comme les autres.
Il les haïssait tous. Puis, sans un mot, il revint poser son regard sur le cadavre de son premier amour.
« Mais pas Myranda… Non… Je n'étais pas plus redoutable que les limiers de son père. Elle était intrépide, elle ne reculait devant rien. »
Puis Sansa avait peu à peu pris sa place dans son cœur, montrant qu'elle aussi pouvait lui tenir tête. Elle s'était peu à peu immiscée à ses côtés, sans réellement demander l'avis du cruel Bolton. Elle avait fait abstraction de son rang, et il avait alors compris… Il avait compris que quelqu'un d'autre que la fille de Ben-les-Os pouvait l'aimer. Que quelqu'un d'autre que Myranda pouvait voir en dessous de sa carapace de cruauté. Il avait alors délaissé la fille du Chenil et s'était tourné vers cet ange roux.
Et désormais, il était seul.
Seul et trahi.
Ramsay se leva, posant une main sur le front de Myranda, il s'arrêta un instant avant de déposer un rapide baiser sur la joue glacée de sa complice. Une larme vint s'écraser sur la peau déjà pâle de celle-ci. L'onn aurait pu croire qu'elle était pour Myranda et que le Lord pleurait son premier amour. Mais au fond de lui, il savait que c'était la trahison de son épouse qui l'anéantissait et non la mort de son ancienne amante.
Ramsay se releva lentement et se dirigea vers la porte, mais fut arrêté par la voix du Mestre légèrement tremblante :
« Dois-je lui faire creuser une tombe, Messire ? ou bien préférez-vous que l'on construise un bûcher ? »
Ramsay fixa un instant le corps de Myranda, Wolkan quant à lui recula d'un pas, l'idée de fuir la pièce lui frôla l'esprit l'espace d'un instant, mais il se ravisa lorsque les prunelles gelées de Ramsay se plantèrent dans les siens.
« Enterrée ou brûlée ? Non. C'est de la bonne viande, donnez-la aux chiennes. »
Et sans un mot de plus, le Lord quitta la chambre.
Il descendit les escaliers de la tour tout en réfléchissant et arriva bien vite dans la cour de Winterfell où tout semblait mort. Pas un bruit, ni une odeur. Toute vie semblait avoir déserté le château. Tout semblait pourtant si animé lorsqu'elle était là…
Au même moment que l'air froid vint mordre son visage, un hennissement au loin attira son regard. Édric arrivait au galop, les deux chiennes derrière lui.
À peine le Maître d'Armes eut-il mit pied à terre que Ramsay attaqua :
« Où sont Lady Bolton et Schlingue ? »
Édric fixa un instant le Lord avant de prendre les rênes de son cheval.
« Je me suis séparé des hommes pour mieux pister les deux fugitifs. Je suis parti avec Alys et ai laissé Violet à vos hommes. »
Ramsay le fixait d'un air indescriptible, l'espoir et la haine se mélangeant dans ses prunelles aciers.
« Alors que j'étais dans la prairie longeant le Bois-aux-loups, j'ai entendu des cris, des aboiements, et comme le fer qui s'entrechoque. »
La haine prenait peu à peu place, tout espoir s'évanouissant.
« J'ai alors galopé sans m'arrêter jusqu'au lieu où résidait tout ce bruit, mais lorsque je suis arrivé… Il était déjà trop tard. Seulement les hommes morts se tenaient au sol. Tous étripés et Violet mangeant après les cadavres. Plus aucune trace de nos deux fugitifs.
- Et les chevaux ?!
- Volés. Dont Isil. »
Les poings de Ramsay se resserrèrent avec force.
« Bande d'abrutis ! »
Il hurla dans la cour avec force.
Il avait perdu ses meilleurs hommes.
Et tandis qu'il reprenait difficilement contenance, un silence pesant s'abattit sur Winterfell entier.
« Le Bois-aux-Loups… Où peuvent-ils ? »
Il réfléchissait à voix haute, faisant les cent pas devant le Maître d'Armes qui ne parlait toujours pas.
« Châteaunoir… »
Ramsay écarquilla les yeux, fixant le vide.
« La salope va à Châteaunoir… »
C'était la première fois qu'Édric entendait pareille injure de la bouche de Ramsay. Et tandis que le Lord disparaissait dans le château, une boule de plomb tomba sur l'estomac du Maître d'Armes tandis qu'il prenait le chemin des écuries. Ramsay virait à la folie. Et rien ni personne ne pourrait l'apaiser.
Sansa, qu'as-tu fait ?
