Chapitre Cinq
Fixant les étendards flottant au loin, elle observait les invités arriver en masse à Winterfell. Tous avaient cœur à la fête. Sansa, elle, n'avait le cœur à rire. Comment serait-elle accueillie par ses hommes qui avaient, pour certains, trahis son frère ? Pour d'autres… Elle n'était qu'une traîtresse ayant servi les Lannister.
Un soupir quitta sa bouche tandis que le soleil blanc sur fond noir des Karstark arrivait dans la cour. Rickard Karstark fut un ami proche de son père, toujours à sa suite et d'une loyauté sans borne. Il était juste quelque peu bourru et borné, comme tous les hommes du Nord. Sansa frissonna tout en observant Lord Harald Karstark sur son cheval baie, plus fier et plus ténébreux que les autres. Eddard Stark aurait sûrement dit qu'il ressemblait à son père et Sansa ne put retenir un sourire tout en entendant la voix de son propre père rire à son oreille.
L'étendard des Manderly et des Mormont étaient définitivement absent, quant aux Corbois et Ryswell, ils avaient envoyé des seigneurs inférieurs et n'avaient daignés se déplacer. Cela ne surprit aucunement Sansa. Les deux premières maisons étaient des fidèles des Stark des premières heures et ne les trahiraient jamais. Et même si Sansa siégeait sur le banc des Bolton, elle n'était nullement leur alliée. Quant aux Corbois et Ryswell, leur passif commun avec la maison Bolton était si négatif que personne ne pouvait leur tenir rigueur pour leur absence.
Le regard de Sansa se posa ensuite sur le nouvel arrivant, Cley, de la maison Cerwyn était présent, sûrement terrorisé d'être une fois de plus la cible des représailles des Bolton. Il avait vieilli, de quelques années l'aîné de Sansa, il n'en restait pas moins bel homme et célibataire.
Puis ce fut le tour de la maison Omble d'arriver, Jon Omble, surnommé P'tit-Jon à sa tête. Grand, fort, ses cheveux et sa barbe aussi longs, l'un comme l'autre et ses grands yeux noirs empli d'une froideur typiquement Nordienne. Sansa se souvenait de son père, rustre mais gentil, il était un homme honnête et fidèle. Son fils n'était, quant à lui, que rustre et grossier.
Sansa avait également aperçu Lord Baelish arriver bien plus tôt que les autres. Celui-ci s'était immédiatement exilé dans le château, loin des Nordiens… Il ne s'était jamais senti à sa place dans le Nord, et Sansa le comprenait. Baelish était fait pour la luxure et la noblesse de la Capitale. Pas pour la froideur et la rudesse du Nord.
Mais la jeune Stark ne put s'attarder plus sur ses observations qu'Yvana rentrait déjà dans sa chambre.
« Lady Sansa, vous êtes déjà sortie de votre bain ? »
Sansa acquiesça, toujours l'aire distraite.
« Oui, j'avais froid et je voulais que mes cheveux sèchent rapidement. »
La jeune servante déposa un petit coffre sur le lit avant de commencer à aider Sansa à se vêtir d'un corset en satin blanc et de jupon très fins et vaporeux.
« Donc c'est ce soir que je vais enfin découvrir ma surprise ? »
Yvana acquiesça tout en riant. La jeune Lady ressemblait réellement à une enfant en cet instant. Ses traits tirés s'étaient illuminés et son regard brillait de malice.
« Oui Lady Sansa. Avec les couturières, nous voulions vous remercier de votre gentillesse à notre égard, mais aussi pour la douceur que vous avez ramenée en Winterfell. Alors nous vous avons confectionné une robe. »
Tout en parlant, Yvana venait de sortir une robe du petit coffre et Sansa retint un cri mélangeant excitation et émerveillement.
« C'est beaucoup trop…
- Vous êtes l'épouse du prochain Gouverneur du Nord. Vous vous devez d'être parfaite ce soir. »
Sansa ne releva pas le futur titre de son époux, cela lui enserrait le cœur. Yvana aida la jeune femme à se préparer, soignant chaque détail de sa coiffure et sa tenue avec précision. Les deux femmes rirent, parlèrent de tout et de rien, de leur enfance à Winterfell, de la beauté des paysages enneigés, du petit chiot qui grandissait déjà et de la vie avec le Lord. Sansa se confia sur les débuts difficiles, mais également la vie plus douce depuis son retour de la guerre.
« C'est parfait ! »
Sansa s'admirait dans la glace tandis qu'Yvana retouchait une dernière fois sa tenue. Chacune était absorbée dans ce qu'elle faisait, elles n'entendirent pas la porte s'ouvrir.
« Je n'ai pas ressenti pareille excitation pour une soirée depuis la venue du Roi Robert à Winterfell. J'étais si jeune... Et idiote... »
Ramsay ne la voyait pas, fixant le paravent, il n'apercevait que les cheveux blonds d'Yvana dépassant de ci et de là. Avec précaution, il s'installa alors sur un tabouret de bois et attendit patiemment.
« Êtes-vous anxieuse pour ce soir ?
- Bien sûr... Je n'ai pas vu certains d'entre eux depuis mon départ pour la Capitale. Que suis-je devenue à leurs yeux ? Une traitresse ? Une alliée ?
- Vous êtes l'épouse de Lord Bolton. Ils vous doivent le respect. Vous êtes la future Dame de Winterfell.
- Oui, je le sais.
- Quel est cet air peiné ?
- Ô Yvana, il faut parfois garder certains chagrins pour soi
- Ai-je dit quelque chose ?
- Non, bien sûr que non. »
Ramsay fronça les sourcils. Il voulait savoir, il voulait l'entendre. Il savait que la jeune Stark allait parler de son statut de Bâtard, que c'était à Robb que revenait la place sur le trône de Winterfell et non à lui. Il le savait et sentait déjà une rage sourde s'introduir dans ses entrailles.
« Vous pouvez tout me dire Lady Sansa. »
Sans la voir, il imaginait très bien son épouse lever les yeux aux ciels et triturer ses doigts comme si ceux-ci étaient fait de mousse.
« Je sais que même en étant la meilleure des épouses, et en faisant tout ce que je peux pour le rendre heureux. Ramsay ne m'aimera jamais. Ce ne sera jamais un amour partagé. Et cela me blesse.
- Je le comprends. »
Ramsay écarquilla les yeux, surprit par les confidences de son épouse. Il hésita un instant à sortir, mais il n'eut le temps d'esquisser le moindre geste qu'Yvana sortait de derrière le paravent. La servante écarquilla les yeux face à son Maître et fit une révérence pressée.
« Lord Bolton ! Nous ne vous avions pas entendu. »
Celui-ci ne répondit rien, cherchant un moyen de cacher les émotions qui se bousculaient au fond de ses yeux.
Yvana s'éclipsa sans demander son reste. Quant à Sansa, celle-ci attendit un instant. Elle savait qu'il était rentré, que Ramsay était présent. Certes, il pouvait se montrer aussi silencieux qu'un fantôme, mais cependant, il ne pouvait cacher son odeur ferreuse trop longtemps. Elle avait bougé de nouveaux pions et Ramsay ne s'en rendrait probablement jamais compte.
Sortant alors de derrière sa cachette, elle prit le temps de la détailler tandis que celui-ci ne l'avait pas encore vu trop concentré à observer le chiot endormi et voir si ses plaies étaient bien refermées.
Il était habillé de ses éternels vêtements de cuirs, mais ceux-ci ne semblaient nullement usés. Une chemise épaisse couleur geai, un plastron de cuir noir brillant, et une fourrure de renard argenté reposait sur ses épaules. Ses cheveux étaient fraichement coupés, sa barbe rasée. Sansa se surprit l'espace d'un instant à penser qu'il était réellement beau.
Ce fut lorsqu'elle esquissa un geste vers Ramsay que celui-ci se décida à sortir de sa torpeur et releva son regard vers son épouse et immédiatement, l'homme se sentit blêmir.
La jeune femme portait une robe qui coulait sur son corps tel un voile, une seconde peau. La robe était d'un gris anthracite profond, le tissu était épais, mais gardait un aspect presque vaporeux. Des fleurs brodées dans un fil argenté soulignait sa taille, remontait sur ses seins et partaient dans ses jupons. Les épaulettes de la robe, quant à eux, semblaient faites de diamants et formaient également des branchages agrémentés de fleurs.
Ce fut en se rapprochant d'elle qu'il remarqua qu'en chaque cœur de chaque fleur qui parsemait sa robe était brodé un grenat qui rappelait les couleurs de la maison Bolton par son bordeaux intense. Elle était le parfait mélange entre Stark et Bolton, mais surtout la plus belle Dame de Winterfell. Ses cheveux roux étaient tressés et enlacés dans un chignon bas. Quelques mèches retombaient devant son visage lui donnant un air moins strict, plus sauvage. Elle était d'une beauté que Ramsay était incapable de qualifié.
« Lady Bolton. »
Le ton de Ramsay était avenant et doux. Avec tendresse, il lui tendit la main, que Sansa prit sans hésitation. Il embrassa ses doigts avec un sourire taquin avant d'embrasser sa joue pâle avec affection.
« Vous êtes parfaites. »
Sansa esquissa une révérence gracieuse tout en répondant :
« Je vous remercie, Lord Bolton. »
Il dut invoquer tous les Dieux, à cet instant, pour ne pas lui déchirer sa robe et la prendre sur le lit. Il dut plus encore se contenir tandis que la jeune femme passait sur ses épaules une cape de fourrure blanche qui faisait ressortir ses cheveux roux. Ramsay soupira, lui tendit son bras, qu'elle prit en souriant et tout deux se dirigèrent vers la grande salle. Depuis la visite du Roi et de sa famille, il y a de cela si longtemps, elle n'avait pas remis les pieds ici.
Et tout deux savaient qu'en ce soir de banquet, chacun allait affronter ses démons.
Ramsay affrontait le regard de tous ceux qui le pensait illégitime, qui continuait à l'appeler Snow et qui ne voyait en lui qu'un enfant de catin.
Sansa, elle, affrontait les traitres et ceux qui la pensaient traitresse. Elle affrontait son passé, son peuple. Ceux qui un jour l'on cru morte… Ceux qui un jour ont levé les armes pour la sauver des griffes des Lions…
Leurs cœurs se serrèrent à tout deux tandis qu'ils rentrèrent dans la salle où tous étaient déjà attablés.
À peine la chevelure rousse de Sansa fut-elle vue que tous se levèrent à l'arrivée des deux époux. Et Ramsay vit, il vit tous les regards se tourner vers elle, la fixer, lui sourire, la saluer d'un mouvement de tête. Tous semblaient si fier de voir la jeune femme. Une Stark. Pas une Bolton. Une Stark.
La jalousie s'insinua alors lentement en son cœur tandis qu'ils s'installèrent à la table des hôtes. Sansa s'installa à sa droite, le séparant ainsi de sa belle-mère. La grosse Walda s'empressa d'ailleurs de complimenter sa belle-fille qui n'était que de trois ans sa cadette.
« Vous êtes ravissante ce soir, Sansa.
- Merci Lady Walda. »
Ramsay tira la chaise de son épouse, attendit qu'elle s'installe avant de la pousser légèrement. Lui ne s'installa pas, débout derrière elle, ses mains posées sur les épaules de celle qui était à lui, il fixait chaque personne attablée dans la pièce. Les potentiels traitres... Les potentiels alliés... Il les fixait tous. Sansa sentait peu à peu les mains de Ramsay se crisper sur ses épaules. Au-delà de la peur et de la douleur qu'elle ressentait en cet instant, elle éprouvait également une profonde empathie, le souvenir de cet homme soucieux affalé dans son fauteuil lui revenant en tête. Avec toute la tendresse dont elle pouvait faire preuve, elle posa sa main sur l'une de Ramsay et enserra ses doigts avec force. Le Lord desserra alors sa prise sur ses épaules et sembla se détendre légèrement.
La jeune femme garda sa main sur la sienne et tourna son attention vers sa belle-mère, mais surtout, elle se mit à contempler le bébé qu'elle portait dans ses bras. Enveloppé dans les fourrures et dans les couvertures, il semblait minuscule.
« Voulez-vous le prendre ?
- Je… Ô… Oui. »
Sans hésitation, Lady Bolton déposa son fils dans les bras de Sansa sous le regard surpris de Ramsay. Sansa le couva du regard, revoyant l'espace d'un instant Rickon, son petit frère.
« Il est magnifique. »
L'enfant ouvrit soudainement les yeux, et son regard gelé transperça Sansa. Ce regard si caractéristique des Bolton, comme un seul et même gêne qui persistait tel un héritage. Tels les yeux azur des Tully ou les cheveux blonds des Lannister…
Du bout des doigts, elle caressa la joue du bébé, et Ramsay resta troublé face à cette scène, s'éloignant légèrement de son épouse pour la contempler de plus loin.
La grosse Walda esquissa un doux sourire et commenta alors :
« Vous semblez déjà avoir l'instinct maternel, ma chère.
- Je ne sais pas si j'ai cet instinct… Mais j'ai celui de grande sœur est une certitude. J'ai aidé ma mère à élever mes frères et ma sœur. Il me fait penser à Rickon… Il était aussi calme que ce petit garçon. »
À peine eut-elle fini sa phrase qu'une main puissante se posa sur son épaule la faisant sursauter. Ce n'était nullement son époux.
« Rogar sera un parfait Prince pour Fort-Terreur. »
La voix de Roose Bolton venait de trancher l'air tandis qu'il fixait Sansa de son regard gelé.
« Je ne voulais point vous faire peur, Lady Sansa. »
Celle-ci esquissa un sourire tout en se levant, toujours le bébé de son beau-père dans les bras.
« Vous êtes merveilleuse ce soir.
- Je voulais faire honneur à votre maison, Lord Bolton. »
Les lèvres de Roose Bolton s'étirèrent en un sourire narquois, il contempla un instant son fils qui restait étrangement en retrait avant d'à nouveau fixer sa belle-fille.
« Ma maison est la vôtre désormais, mon enfant Je suis désolée de vous demander pareille chose, mais les Seigneurs du Nord souhaitent vous saluer, vous et mon fils bien entendu. »
Roose avait fini sa phrase en plongeant son regard dans celui de Ramsay. La jeune femme acquiesça tout en rendant le bébé à sa mère avant de saisir la main que Lord Roose Bolton lui tendait. Tous deux partirent donc rejoindre un groupe de Seigneur debout dans un coin de la pièce, suivis de près par Ramsay.
Arrivés face à eux, Sansa reconnut immédiatement les représentants des maisons Ryswell et Corbois. Ils furent les premiers à la saluer chaleureusement. Puis ce fut au tour de Lord Cley Cerwyn qui vint baiser la main de la jeune femme avant de saluer rapidement Ramsay. Sansa remarqua immédiatement la tension malsaine qui régnait entre eux deux. Elle ne releva pas, elle savait déjà.
« Lord Cley ! Depuis combien d'années ne vous ai-je point vu ? »
Le jeune homme détourna son regard de Ramsay et le planta dans celui empli de joie de Sansa.
« Lady Sansa… Depuis votre départ pour le Sud, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Vous m'aviez même accordé une danse, ici même le soir du banquet. »
Sansa ria de bon cœur en se souvenant des pas gauches du Lord. À l'époque ils n'étaient encore que des enfants emplis de rêves. Tous deux, depuis, avaient traversés les Enfers.
« Il est vrai. Vous étiez un bon ami de mon frère, Lord Cley, je vous considère comme tel également.
- Robb était mon conscrit et il fut toujours plaisant de passer du temps en sa compagnie et celle de Theon lorsque nous venions à Winterfell. »
Dans leurs regards passa une peine qu'eux seuls virent à l'évocation du prénom de la pupille d'Eddard Stark. N'aurait-il pas mieux valu qu'il meurt comme Robb… ?
« Cela me fait plaisir vous voir ici, Lord Cley.
- Et cela me fait plaisir également, Lady Sansa. »
L'échange fut bref, empli d'une nostalgie qui humidifia le regard de Sansa qui ne pleura pas pour autant. Lentement, ils se détachèrent et Sansa suivit son beau-père accompagné de son époux sans même voir que celui-ci bouillonnait de rage.
Lord Jon Omble s'avança vers le petit cortège accompagné d'Harald Karstark ce qui provoqua un mouvement de recul de la part de la jeune femme qui se heurta au torse de Ramsay. Le Lord quant à lui, posa ses mains sur les épaules de Sansa, sa rage retombant, il sentait une menace et cela ne lui plaisait guère.
« Sansa.
- Lady Sansa. »
Lord Omble leva son regard vers celui glacial de Ramsay qui venait de le reprendre, il esquissa un simple sourire avant de reprendre.
« Sansa, je ne pensais pas vous revoir un jour.
- Lord Omble. »
Tous deux se toisaient du regard et Ramsay fut un instant admiratif devant son épouse qui ne baissait nullement les yeux. Il savait au fond de lui que, quoi qu'il adviendrait, elle garderait la tête haute.
« Je me souviens encore, lorsque vous étiez petite. Avec vos frères et votre sœur. C'est bien malheureux, ce qui est arrivé à Ned Stark… Puis à votre frère… Tous les deux ont perdu leurs têtes. Mais les deux vous sont revenues, paraît-il. »
Sansa se crispait sous ses mains et Ramsay esquissa alors un mouvement pour s'interposer, mais Roose le retenu par l'épaule. Le jeune Lord ne comprit pas, mais obéit tout de même, contenant tant bien que mal sa colère. Lui seul avait le droit de jouer avec Sansa. Personne d'autres…
« Lady Sansa.
- Lord Karstark. »
Harald Karstark semblait plus vicieux que son ami Omble. Il fixait Sansa, un air hautain collé au visage, et un sourire de serpent étira ses lèvres tandis qu'il commença :
« Vous auriez mieux fait de rester dans le Sud, les Stark n'ont plus leurs places à Winterfell…
- … Il suffit. »
La voix de Roose Bolton venait de tonner dans la grande salle, créant un silence malaisant. Le cœur de Sansa battait avec force dans sa poitrine tandis qu'elle voyait Ramsay se positionner devant elle. Après un instant, les conversations reprirent, même si les regards, eux, restaient braqués sur eux.
« Je ne vous laisserai pas insulter ma belle-fille et donc ma Maison de la sorte. »
La voix de Roose était plus tranchante qu'une lame. Il était plus terrorisant encore que Ramsay en cet instant et Sansa sentit ses jambes trembler. Les deux Lords saluèrent promptement les trois Bolton et retournèrent aux côtés de leurs amis d'un soir.
« Veuillez les excuser, Lady Sansa. »
Celle-ci ne répondit pas à son beau-père, ses yeux déjà rivés sur quelqu'un d'autre. Ramsay n'eut le temps de suivre son regard qu'une voix bien trop mielleuse résonna dans la salle de réception.
« Sansa ! »
La jeune femme esquissa un grand sourire avant de parcourir les quelques mètres qui la séparaient de son interlocuteur. Sans hésitation, elle se jeta dans les bras de celui qui les lui ouvraient grand pour l'y accueillir.
« Lord Baelish. »
L'étreinte fut courte, similaire à celle d'un père retrouvant sa fille. Il la contempla un instant, souriant devant sa beauté éclatante.
« Tu es ravissante, mon enfant.
- Je suis si heureuse de vous voir. »
Baelish n'eut pas le temps de répondre que déjà le père et le fils se tenait derrière la jeune femme.
« Lord Bolton, Ramsay. »
Les trois hommes se saluèrent avec respect.
« Nous ne vous attendions plus, Lord Baelish.
- Pardonnez mon retard, Lord Bolton, mais le voyage fut long pour moi et mes hommes. Nous avions besoin de repos.
- Bien sûr, je le comprends. Allons donc diner, je vous ai placé à notre table. Nous sommes après tout... De la même famille désormais. »
Les deux hommes partirent en direction de la table, Sansa tenant le bras de Baelish, Ramsay fermant la marche, toujours une sensation amère envahissant sa bouche.
Une atmosphère joyeuse régnait dans la grande salle. La musique résonnait au milieu des rires et des cris. Le vin et les femmes comblaient les hommes tandis que les Nordiennes s'usaient les pieds à force de danser. Sansa les contemplait, telle sa mère l'eut fait au côté de la Reine Cersei il y a de cela bien longtemps. La jeune femme se souvenait avec délice à quel point elle eut aimé danser par le passé. Au bras de Robb ou encore Theon. Même avec son propre père lorsque celui-ci était décidé. Oui, Sansa avait toujours aimé danser.
Combien de temps cela faisait-il qu'elle n'avait pas dansé ?
« Voulez-vous danser ? »
Sansa se tourna vers son époux avec un regard à la fois étonné et gêné.
« Excusez-moi ? »
Ramsay soupira, l'air las.
« Je ne sais aucunement danser, et je n'en ai pas la moindre envie, mais si vous souhaitez danser, allez-y. »
Sansa fronça les sourcils d'incompréhension devant son époux qui semblait si soucieux de son bien-être.
« Par les Dieux, vous regardez les autres femmes danser telle une enfant qui regarde des sucreries. Allez voir Lord Cerwyn, il semble n'attendre que cela. »
Sansa entendait, comprenait, mais était incapable de répondre, était-ce là un piège ?
« Je… Je ne sais pas.
- Allez-vous réellement m'obliger à aller le chercher à votre place ? »
L'espace d'un instant, Sansa imagina la scène, son nez se fronça et elle secoua la tête vivement ce qui arracha un sourire amusé à Ramsay qui se ressaisit rapidement avant que quelqu'un ne puisse le voir. La jeune femme se leva, et esquissa un grand sourire à son époux.
« Merci. »
Ramsay ne répondit rien et regarda simplement son épouse se diriger vers Lord Cley.
« Cley ? »
Le jeune homme était en pleine discussion avec le représentant de la Maison Corbois. Mais à peine vit-il Sansa qu'il congédia l'autre homme.
« Lady Sansa. »
La jeune femme lui tendit la main tout en souriant, ses joues se teintant légèrement de rose.
« Voudriez-vous m'accorder une danse ? »
D'abord surpris, Cley sembla hésiter avant de tourner un regard inquiet vers Ramsay qui ne semblait pas les regarder. Le Bâtard des Bolton discutait avec son père et Lord Baelish.
« Êtes-vous sûr que cela n'est pas un piège de votre époux ? »
Le rire de Sansa le fit frémir.
« Non, ne vous inquiétez pas. »
Cley vint prendre la main de la jeune femme et tous deux dansèrent en riant parmi les autres. Sansa se débrouillait à merveille tandis que Cley était plus maladroit. Ramsay les observait d'un regard absent… Il se fichait de cette danse, il savait que Sansa n'était que dans la nostalgie de son enfance… Elle riait, sautait, dansait… L'espace d'un instant, il crut voir une jeune adolescente plutôt qu'une femme et cela lui réchauffa le cœur même s'il ne se l'avouerait probablement jamais. D'une oreille distraite, il écoutait son père discuter avec Jon Omble des sauvageons. Il était trop absorbé par les mouvements gracieux de son épouse pour ton comprendre.
La musique changea et Ramsay fronça les sourcils. La danse qui suivait invitait les femmes à changer de partenaire plusieurs fois lors de la danse. Et même s'il savait que Lord Cley était sans danger, il n'en savait rien des autres.
Et tandis qu'un homme de la maison Ryswell s'approchait d'elle pour lui demander une danse, et qu'elle acceptait, une rage soudaine s'empara de son ventre. Ses mains se serrèrent avec violence. Un autre de la maison Corbois s'avança, partageant son bras… Puis un suivant de la maison Omble… Ramsay bouillonnait de l'intérieur devant ce spectacle.
Mais le coup de grâce fut lorsque Baelish s'avança vers elle, son sourire de fouine collé au visage. Cette fois, Ramsay sentit clairement une haine féroce grandir en son ventre tandis qu'elle se mettait à danser avec lui. Les pas étaient plus sophistiqués, les gestes plus tendres. Tout cela avait presque des airs de chevalerie, même si Baelish n'avait rien de Chevaleresque. Ramsay eut l'amère sensation de voir sa femme coucher avec un autre homme et cela le mit dans une colère noire. Qui plus est, il voyait les regards admiratifs que la plupart lui portaient à elle. Et cela l'énerva plus encore. Le fantôme des Stark régnait à Winterfell, à travers elle. Les Bolton ne seraient jamais réellement suzerains du Nord, les Stark seraient toujours là… À travers elle.
D'un geste violent, Ramsay se leva sous le regard étonné de sa belle-mère et celui curieux de son père. Il descendit les quelques marches le séparant de la piste de danse improvisée et dans un geste violent, il prit le bras de son épouse et se dirigea vers l'extérieur sous les regards surpris, voir choqué de tous.
« Ramsay ! Vous me faites mal ! »
Le jeune homme ne s'arrêta que dehors, au niveau des écuries, à l'abri des regards. Du moins, c'est ce qu'il croyait.
Dans un geste violent, il gifla Sansa qui vacilla.
« Tu n'es qu'une pute ! »
Les mots percutèrent la jeune femme de plein fouet et contre toute attente, elle rendit la gifle à son époux.
« Et tu n'es qu'un rustre dépourvu d'intelligence ! »
Les yeux de Ramsay s'écarquillèrent sous le choc. Mais la haine fut tellement forte qu'il ne ressentait nullement la douleur. Toujours avec violence, il prit la chevelure rousse de son épouse et la traîna avec force derrière lui. Tous deux rentrèrent dans le hall d'entrée avant de gravir les escaliers menant à la chambre. À peine eut-il ouvert la porte qu'il jeta la jeune femme au sol, lui arrachant un cri de douleur. Yvana regarda la scène avec horreur, présente pour s'occuper du chiot pendant l'absence du couple, elle quitta la pièce à toute allure quand son regard noisette croisa celui empli de haine du Lord. À peine la servante eut-elle fermé la porte que Ramsay déchira la robe de la jeune femme tout en la saisissant par le tissu de celle-ci. Sansa avait beau se débattre, elle ne pouvait lutter contre Ramsay qui était bien plus fort qu'elle. Ramsay ôta sa ceinture… Les coups furent violents, la jeune femme hurla. Le Lord n'était plus dans une rage sadique, c'était plus violent, moins calculé. Jamais encore, elle n'avait eu à faire à ce genre de comportement.
Lorsque les coups cessèrent, Ramsay ne parla pas, n'esquissa aucun geste vers elle. Il laissa tomber sa ceinture au sol, et sans un mot, quitta la pièce. Sansa était désormais seule, le regard larmoyant. Couchée au sol, sa robe en lambeaux, elle avait mal. Terriblement mal. Dans un effort presque surhumain, elle se traîna jusqu'à la malle à côté de la cheminée. Doucement, elle l'ouvrit et en ressortit une cape blanche, tâchée d'un sang devenu marron avec le temps… Elle s'enveloppa à l'intérieur, bercée par l'odeur de fumée et de sang encore imprégnée dans le tissu, elle s'allongea sur la peau de bête au sol. Le petit chiot rampa jusqu'à elle, il téta légèrement le bout de son index avant de s'endormir, sa tête reposant dans le creux de sa main.
Elle avait si mal… Son corps était si douloureux… Jamais elle n'avait été battue de la sorte, pas même par Joffrey. Et son cœur… C'était à son cœur qu'elle avait le plus mal. Les sanglots vinrent peu à peu secouer son corps meurtri, les larmes se mêlant au sang qui coulait de sa lèvre. Puis lentement, le sommeil la gagna, et Sansa s'endormit, loin des tourments et de la douleur physique, elle rejoignait sa chambre aux couleurs des Lannister, là où l'éclat des flammes vertes léchait les murs.
