Chapitre Neuf

Elle semblait dormir sereinement. Du moins, c'est ce qu'il croyait.

Schlingue et deux autres hommes étaient venus et avaient emporté le corps de Roose Bolton pour que les Sœurs du Silence le préparent au long voyage qui attendait son cadavre.

Un soupir quitta ses lèvres tandis qu'il fixait la jeune femme endormie. Mestre Wolkan était venu examiner la jeune femme. Ramsay n'avait rien dit sur ce qui était arrivé à sa femme et l'homme de science avait dû conclure à un nouveau jeu malsain du Lord. Mais il n'en était rien.

Le Mestre avait alors parlé de sommeil traumatique et de besoin de calme et de repos. Depuis, Ramsay était à son chevet. Il avait donné toutes les directives à ses hommes, aux servantes et au Mestre. Il était le nouveau Gouverneur du Nord, tous devaient désormais lui obéir.

Pourtant, il lui restait une dernière chose à accomplir

Mais il verrait cela demain. Pour l'instant, il était bien trop épuisé pour faire face à cela.

Lentement, il se déshabilla et vint prendre place à côté de Sansa dans son lit. Le corps de celle-ci était brûlant. Il passa son bras autour d'elle et plongea son visage dans ses cheveux. Il voulait tant se réveiller, et apprendre que tout ceci n'était qu'un stupide cauchemar.

Comment son père avait-il pu faire cela ?

Ramsay revivait cette journée en boucle dans son esprit. Le souvenir du hurlement de Sansa lui tordant encore le ventre. Et le regard vide de son père lui tourmentant encore l'esprit. Mais… Il ne regrettait rien. Non. Absolument rien. Sansa allait bien. Il ne l'avait pas touché. Elle était intacte… À lui.

Et Roose Bolton était mort.

Il était le nouveau Gouverneur du Nord. Et cela était le plus important… Même si… Même s'il y avait encore un obstacle à l'obtention de son pouvoir… Un seul.

Son petit frère.

Le corps de Roose Bolton fut brûlé dès le lendemain. Sansa ne fut point présente. Personne ne sut réellement pourquoi, les rumeurs allant pourtant de bon train.

Défigurée, amputée, malmenée, écorchée… Le cri de la veille ayant retourné le cœur de plus d'un.

Certains furent plus lucides et parlèrent du fait que la jeune femme ne voulait pas se recueillir sur le corps de celui qui avait assassiné son frère. Ramsay ne vint rien confirmer, rien démentir. Il se fichait d'être craint. Parfois… La crainte était bien meilleure que l'amour.

Tous crurent que l'assassinat venait des maisons plus au Sud, qu'à force de retourner sa veste, le patriarche de la maison Bolton en avait payé les frais. Et cela allait également à Ramsay. Tous ignoraient la vérité, sauf Schlingue. Mais Ramsay savait qu'il pouvait compter sur le silence de son fidèle ami.

Les Sœurs du Silence commencèrent à ramasser les cendres du défunt à peine le brasier eut-il terminé de se consumer. Le bucher avait mis un long moment à s'éteindre, et tous étaient resté là, du début à la fin, la tête baissée. Certains priants, d'autres pleurants. Ramsay était resté mutique, ses pensées étant rivées sur son épouse. Elle ne s'était pas encore réveillée et cela l'inquiétait au plus haut point. Elle avait hurlé une bonne partie de la nuit. Se réveillant en tremblant et pleurant. Il ne comprenait pas, il était incapable de comprendre. L'évènement fut violent, certes. Mais il lui avait fait subir bien pire vice. Et jamais elle n'avait été animée par une telle panique…

Cela le mettait en rage. Il haïssait le fait que son père est réussi à mettre Sansa dans un tel état, et pas lui.

Ses yeux de givres se perdirent un instant sur les cendres qui jonchaient le sol. Il ne restait rien de Roose Bolton, seulement des cendres. Il avait anéanti son père. Il anéantirait tout ceux qui se mettrait en travers de sa route.

Tous.

Son regard se porta ensuite sur Myranda. Habillée de noir, la jeune femme se tenait à côté de son vieux père, Ben-les-Os, le regard baissé, une marque violacée entourant son cou. Ramsay s'approcha d'eux d'un pas rapide.

« Ben.

- Lord Bolton.

- Je venais vous prévenir, vous et Myranda, que le convoi à encore besoin d'une personne.

- Je me ferais un plaisir d'y participer, Lord Bolton.

- Non Ben. Vous êtes vieux et j'ai besoin de vous ici.

- Je…

- Myranda ira. »

La jeune femme écarquilla les yeux, relevant la tête pour fixer enfin Ramsay. La rage se lisait dans ses yeux.

« Non !

- Myranda, ne contredit pas…

- Ô toi, tais-toi ! Tu n'as pas le droit de faire ça Ramsay.

- J'ai tous les droits.

- Je n'irais pas.

- Obéis, c'est dans ton intérêt. »

La menace muette fut immédiatement comprise par le père de la jeune femme qui la tira par le bras jusqu'à leurs appartements. Une heure s'écoula encore avant que la jeune femme ne revienne avec son père, les yeux rougis de larmes de rages. Elle monta sur Dagnir et sans même un regard vers Ramsay partit devant le convoi. Cet air impétueux et sauvage… Il ne pouvait nier que la jeune femme lui plaisait plus que de raison. Elle était son premier amour… Du moins, sa première relation qui ressemblait à peu près à de l'amour.

Mais il devait l'éloigner de Sansa. Elle mettait en péril la vie de son épouse et cet équilibre si fragile qu'ils avaient trouvé ensemble.

Le convoi partit en début d'après-midi pour Fort-Terreur, là où les cendres de Lord Roose Bolton rejoindraient les tombeaux de ses ancêtres dans la crypte familiale. Et tandis qu'il faisait volte-face, Ramsay vit au loin sa belle-mère, habillée de noir, son bébé dans les bras. Elle semblait terrorisée et perdue. S'était-elle sentie seulement une fois à sa place ici ? Dans le Nord… Quand il regardait cette grosse femme au regard vide, Ramsay ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait eu de la chance d'avoir Sansa en épouse.

Un nouveau soupir quitta ses lèvres tandis qu'il s'approchait de la veuve. Ses pas craquaient dans la neige fraîche et il arriva bien vite vers Lady Walda Frey. Elle n'était plus une Bolton. L'avait-elle seulement été ?

« Ramsay… Comment est-ce possible ? Comment a-t-il pu se faire avoir de la sorte ?

- Lord Roose Bolton était vieux et idiot… Puis-je le tenir ? »

Avec une certaine réticence, Walda tendit l'enfant à Ramsay qui le saisit avec une douceur qui surprit la bonne femme. Ses bras soutenaient l'enfant avec douceur et il fixait le bébé avec de grands yeux froids, identique à ceux de son petit frère. Aucun sentiment ne traversa son regard, et cela angoissa Walda. Il était si imprévisible. Et lorsque ses pupilles gelées vinrent se poser sur elle, elle se sentit plus vulnérable que jamais.

Où était donc Sansa ?

Un sourire goguenard vint étirer ses lèvres légèrement gercées tandis qu'il repensait au visage de Domeric.

« Je vous avoue avoir eu terriblement envie de nourrir mes chiennes avec vos corps.

- Que…

- … Je n'ai jamais aimé avoir de frère. Je ne suis pas partageur, voyez-vous… Domeric… Maintenant Rogar… »

Il commença à bercer l'enfant sous le regard horrifié de sa mère. Qu'allait-il faire ?

« … Désormais, je suis Lord Bolton. Nouveau Gouverneur du Nord. Et je fais ce que j'entends être juste pour celui-ci…

- … Ramsay… Je…

- ... Couper la parole est très impoli, Mère. »

La jeune mère frissonna de dégoût et de terreur. Elle n'avait jamais aimé le fils de son époux. Jamais. Il l'avait toujours mis mal à l'aise. Elle avait toujours eu pitié de la pauvre Sansa qui avait dû épouser ce monstre. Et tandis qu'elle le voyait manipuler son enfant avec autant de douceur, la terreur broyait ses entrailles. Qu'allait-il advenir d'eux ?

« Alors, comme je le disais, au départ, je vous avoue avoir eu terriblement envie de nourrir mes chiens avec vos deux dépouilles. »

Ses petits yeux s'embuèrent de larmes tandis que son fils commençait lentement à pleurnicher, toujours enfermé dans les bras de son demi-frère.

« Et je me suis ensuite dit que Lady Sansa ne me pardonnerait pas le meurtre d'un nourrisson, voyez-vous. Alors… Pour une fois, je vais faire preuve de clémence. Lady Walda Frey, je vous ordonne de quitter le Nord dès maintenant. Prenez deux hommes de confiance pour vous escortez et quittez Winterfell avant que je ne change d'avis. Je ne veux plus jamais entendre parler de Walda la Grosse. Retournez au Conflans, où que sais-je et disparaissez. Si par malheur votre grand-père Lord Walder essaye de faire quoi que ce soit contre nous, je vous écorcherai tous, un à un, en commençant par votre fils et en terminant par son vieux squelette. Est-ce clair ? »

Lady Walda acquiesça, muette. Terrifiée. Ramsay jeta presque l'enfant dans ses bras avant de prendre le chemin du château, mais il se stoppa soudainement, avant de se retourner vers elle, un sourire enjôleur aux lèvres.

« Une dernière chose. Votre fils se nomme désormais Rogar Rivers. Il n'est qu'un bâtard. Si j'entends parler d'un quelconque Rogar Bolton vivant dans le Conflans, vous le regretterez. »

Walda ne répondit rien et Ramsay disparut cette fois pour de bons dans l'enceinte du château. Gravissant les marches quatre par quatre, il se dirigea vers sa chambre où Sansa dormait encore. Toute sa rage, sa colère et ses questionnements restèrent sur le pas de la porte. Mais alors que sa main se posait sur la poignée, son regard fut attiré par autre chose. La porte de leur chambre était entrouverte. Sa mâchoire se contracta en un spasme violent et d'un pas silencieux, il se dirigea vers celle-ci et regarda discrètement l'entrebâillement.

Elle était là.

Elle était là. Debout. Dans une chemise de nuit légère qui collait à sa peau moite de sueur. Elle semblait fixer le sol, l'air absente.

Le plus calmement possible, il ouvrit la porte et se dirigea derrière son épouse. Un doux courant d'air vint pourtant le trahir, emportant son odeur, mélange de sueur et de fumé jusqu'à elle. Elle se retourna immédiatement vers lui. Et il se figea devant l'apparence cadavérique de sa femme.

Les cernes creusaient son regard, ses cheveux étaient gras et en batailles, ses yeux gonflés et larmoyant. Jamais encore, il l'avait vu dans un tel état et cela le surprit. Il de l'approcher mais la jeune femme recula.

« Sansa

- Je ne veux pas…

- Tu ne veux pas ?

- Je veux être seule.

- Pas ici… »

Il tentait de parler le plus doucement possible, contenant sa rage. Il ne supportait pas de la voir ainsi. De se sentir impuissant et pire encore, il n'était aucunement responsable de son état.

« Il l'a tué…

- Qui ?

- Il savait tout…

- Sansa, je ne comprends pas…

- Il savait ce qu'Il ferait avec sa tête… »

Ramsay fut frappé par les paroles de la jeune femme. Elle semblait ici et ailleurs en même temps. Il savait de quoi elle parlait. Il ne le savait que trop bien. Et cela lui donna légèrement la nausée. Égoïstement, il voulait être la seule raison de son malheur, de son tourment. Alors il fallait qu'il l'apaise, pour mieux la hanter ensuite… Lentement, il fit un pas de plus vers elle, mais elle recula encore.

« Sansa, s'il te plaît, viens.

- Pas avec toi. »

Ses mots lui firent plus de mal qu'il ne voulut l'admettre. Mais l'impatience et la rage le firent perdre contenance et il prit le poignet de la jeune femme qui se mit à hurler. Violemment, il la plaqua contre son torse et contre toute attente… Elle s'agrippa à lui avec force, comme la veille lorsqu'elle s'était jetée dans ses bras. Ses ongles se plantèrent dans sa nuque, ses larmes roulèrent abondamment sur ses joues et les sanglots secouèrent son corps frêle.

Mais comparé à la veille, cette fois, Ramsay vint prendre la jeune femme dans ses bras, plus fermement, ses bras l'enfermèrent avec force dans un cocon fait de son propre corps. Il laissa s'écouler de longues secondes avant de la soulever, et de l'emmener dans sa chambre. Lómion se mit à aboyer joyeusement en les voyant rentrer, mais Ramsay le chassa d'un revers de pied tout en s'asseyant dans un fauteuil. Là, il berça la jeune femme dans ses bras durant de longues minutes jusqu'à ce que celle-ci s'endorme. Il attendit encore un long moment, fixant chaque objet présent dans la pièce jusqu'à les connaître par cœur avant de remettre la jeune femme au lit avec ce qui s'apparentait au plus à de la tendresse.

Tandis qu'il caressait ses cheveux roux, son regard glacé se posa sur le chiot qui continuait à plaindre. Ramsay leva les yeux au ciel, excédé avant de préparer une chevrette et de s'asseoir au sol avec l'animal. Celui-ci but goulument tandis que son Maître le fixait. Il ne ressentait rien pour ce chien. Mais il devait bien le nourrir… Sinon Sansa lui en voudrait.

Le vent chaud de Port-Réal brûlait ses joues tandis que la jeune femme fixait les roses des jardins. Son cœur était léger. Elle allait épouser Loras Tyrell. Elle allait vivre heureuse à Hautjardin et elle retournerait dans le Nord avec son époux quand son frère gagnerait la guerre. Oui, elle y croyait. Son frère gagnerait la guerre et elle serait bientôt libre.

Elle avait hâte de revoir Robb, sa mère et ses petits frères. Elle avait si hâte de retourner chez elle, à Winterfell.

« Lady Sansa ? »

La jeune femme se tourna vers l'une des servantes de la Reine Cersei. Son cœur s'emballa dans sa poitrine tandis que la jeune femme lui souriait tristement.

« Le Roi Joffrey Baratheon vous convient à sa table, ce soir en compagnie de sa famille.

- Sa famille ?

- Oui, Lord Tywin et Lord Tyrion Lannister ainsi que la Reine-mère Cersei Lannister.

- Pour quelle occasion ?

- Il ne l'a pas précisé. »

La femme aux cheveux d'or lui tourna le dos et quitta les jardins. Le soir même, Sansa était dans l'immense salle à manger, les mains tremblantes, habillée d'une robe saphir. Ses cheveux roux était coiffés à la mode du Sud. Elle était terrorisée. Clegane n'était plus à la Capitale, elle était seule. Terriblement seule.

Cersei entra en première, un sourire faux et froid collé aux lèvres, suivi de près par son père, puis son frère. Sansa se sentit quelque peu mieux lorsque son regard croisa celui de Tyrion Lannister. Il avait toujours été bon avec elle. Il avait toujours pris sa défense.

Bientôt, le Roi rentra et alla s'asseoir à la table, autorisant enfin ses invités à s'asseoir à leur tour. La jeune Stark prenant instinctivement la place la plus éloigné de son bourreau, celui-ci l'arrêta.

« Lady Sansa, je vous en prie, asseyez-vous à mes côtés. »

Tous froncèrent les sourcils, mais personne ne s'y opposa. Alors la jeune femme s'exécuta. Son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine. Elle avait tant rêvé de ces instants, et désormais, elle ne rêvait que d'être loin d'eux. Loin de ces lions infâmes. Tout au long du repas, elle ne mangea rien, parla peu. Les discussions étaient banales et trop agréables. Joffrey cachait quelque chose et cela l'effrayait grandement.

« Bien ! Place au dessert. »

Sa voix joyeuse provoqua un frisson de dégoût à Sansa qui vit les cloches arriver sur la table, chacun leva son couvercle révélant un dessert magnifique. La jeune femme leva alors à son tour sa cloche, et le hurlement qui suivit fit naître un sourire malsain sur les lèvres de Joffrey. Dans l'assiette trônait sa tête… La tête de Robb. Déjà en état de décomposition, il était méconnaissable. Son regard azur était devenu blanc, ses boucles sombres étaient sales et son visage entier était souillé de sang déjà bruni par le temps. L'odeur qui accompagnait le cadavre prit à la gorge la jeune femme qui se recula. Tous riaient, Cersei, Joffrey, Tywin, Tyrion… Tous riaient d'elle. La jeune femme se leva et se mit à courir dans le couloir de Port-Réal.

C'est là qu'elle le croisa. Sandor était là, face à elle, une main tendue vers elle :

« Viens, je vais te ramener chez toi Petit Oiseau. Avec moi, tu es en sécurité. »

La jeune femme tendit sa main vers Sandor, mais celui-ci disparu dans un torrent de flammes vertes.

« Sansa ! »

Elle se retourna, faisant face à Petyr Baelish. La Stark courra vers son mentor, mais celui-ci disparu pour laisser place à Ramsay qui vint prendre la jeune femme dans ses bras, la serrant avec force contre lui.

« Tout va bien. Je suis là maintenant. »

Mais à peine eut-il dit ces mots que l'homme se changea en son père, Roose Bolton qui commença à lui arracher ses vêtements. La jeune femme se débattait avec force tandis que Ramsay la fixait, un sourire sadique aux lèvres, une dague à la main.

Un hurlement strident franchit ses lèvres tandis qu'elle se redressait dans son lit. La sueur dégoulinait le long de sa nuque alors que chacun de ses membres tremblaient compulsivement. Son souffle était si court qu'elle crut un instant mourir d'étouffement. Le sang pulsait dans ses veines avec force, ses poumons semblaient s'être remplis de laves. D'un geste vif, Sansa leva les couvertures et sorties des draps trempés, légèrement vacillante.

Elle devait sortir de cette chambre, elle étouffait.

Prenant une cape de fourrure au hasard, elle sortit de la pièce presque en courant. Elle prenait la fuite, les fantômes de son cauchemar semblant la poursuivre.

Ramsay marchait dans le couloir l'air absent. Il avait passé la matinée à s'occuper de ses chiennes et à ruminer sur la conduite à adopter avec Sansa. La jeune femme passait ses nuits à cauchemarder et ses journées murée dans un silence mortuaire. Roose Bolton ne l'avait pas touchée… Alors comment pouvait-elle se montrer aussi atteinte par l'agression de celui-ci ? L'Écorché était incapable de comprendre. Encore cette nuit, la jeune femme s'était réveillée en hurlant, pleurant et implorant. Et cela le frustrait au plus haut point. Celui qui hantait les rêves de son épouse n'était pas lui. Mais son père.

Les cernes soulignaient son regard grisâtre et le Lord dégageait une aura des plus sombres. Tous l'évitaient et Schlingue se faisait le plus petit possible. Mais Ramsay ne semblait nullement d'humeur à la torture… Non… Tout ce qu'il voulait était : jouer avec son épouse. L'entendre le supplier et goûter à sa peau laiteuse et légèrement bleutée. Mais il ne pouvait rien faire de tout cela. Rien. Non pas que l'idée de la forcer ne lui était point venu à l'esprit, mais il savait que la jeune femme n'aurait aucunement peur de lui, mais simplement du souvenir de Roose Bolton. Et cela l'enrageait.

Une chape de plomb était tombée sur son estomac depuis qu'il avait quitté la chambre à l'aube. Un mauvais pressentiment qui ne le quittait pas. Et il ne se sentirait mieux que lorsqu'il la verrait endormie dans leur lit dans un sommeil agité ou paisible…

Une fois devant la porte, il vint l'ouvrir avec douceur, espérant ne pas réveiller la jeune femme. Mais alors que son regard se posait sur le lit, un juron vint franchir ses lèvres.

« Merde ! »

Seul Lómion trônait là, perdu et affamé.

Le nouveau Gouverneur du Nord s'approcha du lit défait et frôla de sa main les draps, ils étaient froids mais encore humides.

Elle avait fait un nouveau cauchemar.

L'angoisse monta alors dans sa gorge et il sortit rapidement de la chambre avant de se diriger vers celle où le drame s'était produit. Il arrivait régulièrement qu'il retrouve Sansa là-bas, dans un état second. Mais cette fois, elle n'y était pas.

La panique se mit alors à grandir en Ramsay.

Où était-elle ?

Sans hésitation, il courut dans les escaliers, manquant de tomber tant il était pressé. Et à peine rentra-t-il dans le hall d'entrée qu'il croisa la maudite servante blonde que Sansa appréciait tant.

« Yvana !

- Oui Lord Bolton ?

- Auriez-vous vu Lady Bolton ? »

La jeune femme sembla réfléchir un instant, mais Ramsay comprit immédiatement que la jeune femme l'avait vu.

« Je ne vous conseillerai que trop bien de ne pas me mentir. »

La jeune femme frissonna d'angoisse et n'hésita pas plus longtemps.

« Lady Sansa semblait très tourmentée en se réveillant. Elle n'a pas voulu que je la raccompagne à sa chambre. Elle est partie en direction du bois sacré, Monsieur. »

Le sang se glaça dans ses veines et sans même un regard ou un remerciement, il quitta la servante blonde.

S'était-elle enfuie ?

Il ne l'avait même pas aperçu.

Sa mâchoire se crispa et il prit la porte, courant en direction du bois sacré, mais surtout : de la porte Ouest. Mille questions tournaient dans sa tête et il ne comprenait pas pourquoi l'inquiétude l'envahissait. Car même s'il luttait, c'était bel et bien ce qu'il ressentait. Une inquiétude qui le rongeait de part en part.

Deux de ses gars, Damon et l'Écorcheur, étaient partis à Fort-Terreur avec Myranda pour que les cendres de Roose Bolton rejoignent ses ancêtres. Ben-les-Os restaient au chenil pour s'occuper des chiennes... Grogne gardait la porte sud. Alyn la porte Est. Luton la porte Ouest...

Sud... Est... Ouest...

Personne ne gardait la porte Nord si ce n'étaient deux crétins qui n'étaient pas forcément pour Ramsay.

L'angoisse s'insinua un peu plus dans ses veines.

Si elle le trahissait ?

Je la punirais.

Alors pourquoi se sentait-il si mal ?

Arrivé au bois sacré, il n'y avait aucune trace de Sansa, aucune empreinte dans la neige si ce n'était les siennes, ni au niveau de la porte et de ses alentours. Pourtant, il n'avait pas neigé de la journée. Ramsay soupira alors, éreinté et mitigé.

Yvana lui avait menti... Était-elle consciente de la punition qu'elle risquait ?

Oui, mais elle l'a tout de même fait. Pourquoi ?

Où Sansa s'était-elle cachée ?

Il chercha partout. Les écuries, le chenil, les cuisines, la grande salle. Il chercha encore et encore. Et entre chaque lieu, il se rendait dans les chambres pour voir si elle n'était pas revenue. Mais Sansa était introuvable. Et son cœur se serrait de plus en plus dans sa poitrine.

Qu'avait-elle fait ?

Ce fut lorsqu'il passa devant ce maudit escalier qui menait à la crypte qu'il eut une illumination.

Elle était là. Tout au fond de lui, il le savait.

Alors, lentement, il descendit les escaliers bien trop raides. C'était la première fois qu'il allait dans les cryptes de Winterfell, et il comprit à l'instant même où il se retrouva face aux statues pourquoi. Cet endroit le mettait horriblement mal à l'aise. Il avait la sensation que toutes les statues le fixaient et qu'il n'était nullement la bienvenue ici. Ramsay n'avait peur de rien. Mais une part de lui restait superstitieuse.

Il marcha longuement entre les statues, Benjen Stark, Rickon Stark, Cregan Stark, Rickard Stark, Edwyle Stark… Tous ces noms se succédaient et Ramsay se sentait tel un rat au milieu des rois. Il les connaissait tous. Son père lui avait rabâché le nom de ces hommes devenus Roi du Nord. Tous portaient le nom de Stark. Tous furent des hommes droits et nobles. Jamais un faux pas, jamais de trahison. Non. Les Stark étaient des personnes de droiture et juste.

Et désormais, ils étaient morts.

Au détour d'un couloir, il la retrouva.

Elle était là, en chemise de nuit, pied nue, une cape noire lui appartenant sur ses épaules. Il la reconnut immédiatement comme l'une des siennes. Et elle tremblait. De peur ? De froid ? Il n'en savait rien.

Ses cheveux étaient encore emmêlés et humides… Et elle était là, à genoux. Face à cette statue d'un homme assis, une épée dans la main droite, le regard lointain. À ses côtés, un loup immense trônait assis.

Ramsay sut au premier regard qu'il s'agissait du dernier Roi du Nord, Robb Stark sans ne l'avoir jamais vu.

Sansa avait exigé lors de leurs fiançailles qu'une statue soit construites en l'honneur de son frère dans la crypte. Que c'était la tradition. Roose Bolton avait accepté après une lourde somme donnée par Lord Baelish.

Il resta là silencieux, un moment, observant et attendant que la jeune femme parle… Et ce fut au bout d'un temps infiniment long que sa voix s'éleva dans l'air.

« Mon pauvre frère… Tu n'es même pas ici… »

Lentement, il releva son regard vers la statue. Robb Stark avait un visage dur et pourtant des traits fins. Son regard était parait-il azur et ses cheveux foncés avaient de légers reflets roux tel que ceux de Sansa. Roose Bolton lui avait parlé une ou deux fois du « Jeune Loup », le qualifiant de trop honnête et sympathique. Mais qu'il était un stratège d'exception et le digne fils de son père, Eddard Stark. Sa fin fut tragique. Mais cela avait offert aux Bolton l'opportunité d'être enfin reconnu pour ce qu'ils étaient. Une famille ancienne et digne de diriger le Nord.

Ramsay s'approcha lentement et avec précaution pour ne pas effrayer la jeune femme et d'une voix qu'il voulut des plus douces, il lui adressa enfin la parole.

« Tu vas prendre froid en restant ici. »

La jeune femme se redressa alors dans l'affolement et se retourna face à Ramsay, le regard presque fou.

« Lord Bolton ?! »

Un hoquet de surprise traversa ses lèvres, ses yeux étaient d'un rouge sanguin et elle semblait presque ailleurs. Tout son corps tremblait, mais il sut immédiatement que ce n'était nullement de peur, elle était en train de mourir de froid.

« Viens, je te ramène à ta chambre et vais te faire préparer un bain chaud. Tu es gelée. »

Il tendit sa main pour prendre le bras de la jeune femme, mais celle-ci poussa un cri strident avant de reculer.

« Ne me touchez pas ! »

Il resta immobile, troublé et coi devant l'air méprisant et paniqué de son épouse.

« Que t'arrive-t-il ?

- Je ne veux plus que vous m'approchiez !

- Sansa… »

Ramsay perdait peu à peu patience devant les nouveaux caprices de son épouse. Il haïssait cela. Ses caprices d'enfants… Ce ton impérial et cette distance qu'elle mettait entre eux en le vouvoyant. Sans demander l'avis de celle-ci, il vint saisir son bras avec force et d'un geste souple la passa sur son épaule tandis qu'elle se débattait et hurlait.

« Lâchez-moi !

- Cesse tes enfantillages ! J'en ai plus qu'assez de toi ! »

Ils sortirent de la crypte et Ramsay se sentit à nouveau respirer, imperceptiblement, son corps entier se détendit. Il ramena son épouse à sa chambre et la jeta presque sur le matelas avant de fermer la porte à double tour. À peine se retourna-t-il qu'elle était devant lui. D'un geste qu'il ne put appréhender, elle le gifla avec force ce qui fit écarquiller les yeux de Ramsay.

« Qu'est-ce qui te prends ?!

- Tu m'as abandonné face à ton père ! »

Les mots l'atteignirent plus qu'il ne l'aurait cru. Ce fut l'effet d'un coup de poignard. Il n'avait jamais voulu ça. Jamais. Il se souvenait de l'angoisse qui lui avait brûlé les entrailles, la rage qu'il avait ressentie… Comment pouvait-elle croire que… ?

Le bruit sourd d'une gifle retentit une seconde fois et sa joue gauche le brûla intensément. Deux gifles en un instant, c'était trop. Et tandis qu'elle allait lui en mettre une troisième, il intercepta sa main en enserrant son poignet avec violence.

« Ça suffit ! »

Sa voix tonna plus fort encore que les grondements du tonnerre dans la pièce et leurs regards s'affrontèrent. Et contrairement à ce qu'il eut cru, Sansa ne baissa pas les yeux. Elle affronta son regard, un feu Ardant brûlant dans ses yeux saphir.

« Vous êtes le même monstre que votre père ! Je vous déteste ! Vous avez tué ma famille ! Vous m'avez torturé puis vous m'avez laissé seule face à lui ! Vous n'êtes qu'un salaud ! »

Le regard de Sansa devenait fou, elle semblait virée à l'hystérie et la poigne de Ramsay se resserra un peu plus tandis que l'oiseau laissait place à louve. Il leva sa seconde main, prêt à la gifler, mais il se stoppa, croisant la lueur de défi dans ses grands yeux bleus. Il la lâcha alors, la lançant presque au sol et quitta la pièce non sans la fermer à clé en partant. Il ne voulait pas la battre, pas maintenant.

Tandis que le bruit de la clé dans la serrure résonnait, la jeune femme se laissa glisser au sol, les larmes venant humidifier ses joues. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'elle en avait presque la nausée. Les sanglots, quant à eux, étaient douloureux. Elle était perdue. Terriblement perdue. Elle avait tant fait et désormais, elle détruisait tout ce qu'elle avait construit avec Ramsay. Et alors qu'elle ne pouvait plus s'arrêter de pleurer, une truffe humide vint se coller contre son bras nu.

« Lómion… »

Le petit chiot fixait celle qu'il prenait pour sa mère et elle vint l'enlacer dans ses bras avec tendresse. Elle avait terriblement sommeil, mais elle ne voulait pas dormir. Pas maintenant. Elle voulait rester éveillée. Elle ne voulait pas retourner dans ce cauchemar encore une fois…

Lentement, elle se laissa tomber sur la peau de bête, ses doigts courant dans les poils de Lómion. Ses dernières larmes roulèrent sur ses joues pour venir s'écraser dans la fourrure brune au sol. Ses paupières devinrent peu à peu lourdes… Son cœur lui faisait si mal… Peut-être que cette fois, elle ne ferait pas de cauchemar… Lómion veillait sur elle…

Elle aurait eu beau lutter, le sommeil la gagnait de part en part. Esquisser un geste était devenu impossible, alors, sans une pointe de peur, elle se laissa aller. Fermant définitivement les yeux, elle sombra dans un sommeil agité.

Encore.