Chapitre 8.
Lorsque Poppy arriva à l'infirmerie dès le petit matin, avant même que le château ne s'éveille, un vent de panique s'était emparée d'elle.
Le lit de Miss Granger vide lui faisait horriblement face, et elle en laissa tomber son plateau en inox dans un léger fracas, avant de se précipiter vers la couche, affolée.
« Mais, mais… répéta-t-elle avec frénésie. »
Pompom remua les draps et soupira en laissant tomber ses bras le long de son corps.
Rien.
Elle n'était plus là.
La sorcière s'apprêta à courir vers le bureau de la directrice pour sonner l'alerte, mais se figea devant le paravent qu'elle avait installé devant la couche de Severus pour le protéger des regards curieux de ses élèves.
Timidement, Poppy dégagea un peu le tissu invisible et son souffle se coupa autant que son cœur s'arrêta un instant devant ce qu'elle vit.
Hermione Granger était allongée contre le maître des potions, ce dernier la tenant fermement de son bras autour de sa taille. Son visage ne reflétait plus cette pâleur habituelle, et moins encore celle induite par le froid.
Leurs traits étaient si paisibles et ils semblaient plongés au plus profond de leur sommeil.
Hermione eut un léger mouvement du corps pour se repositionner, mais Snape renforça plus encore sa prise en la maintenant, l'empêchant inconsciemment de tomber du lit, avant de laisser couler son visage dans ses boucles brunes.
Elle devrait les séparer, elle le savait. Mais comment en trouver la force ? Elle aussi, avait assisté à cette horrible vision.
Soudain, la porte de l'infirmerie s'ouvrit, et Poppy referma, tant maladroite que brutale, le paravent permettant de cacher la vue de Snape, mais aussi maintenant de Miss Granger des regards des importuns.
« Pompom ? demanda Minerva d'une toute petite voix. Tout va bien ?
_ Tout va très bien, mentit la magicomage en affichant un sourire de façade, avant de se mettre en travers du passage vers l'espace occupé par le maître des potions et son étudiante. »
Minerva fronça les sourcils avant de voir tout au fond, la couche vide d'Hermione Granger.
« Miss Granger est réveillée ?
_ Oh ? Hé bien, oui, elle l'est.
_ Où est-elle ? Je dois me concerter avec elle.
_ Elle… prend sa douche. »
Il y avait une salle de bain dans l'infirmerie de l'école ? Minerva fronça de plus en plus les sourcils, perdue.
xXx
Le regard de Snape papillonna alors qu'il émergeait d'un sommeil aussi lourd que profitable. Son corps était encore tout cotonneux, c'était presque comme s'il avait fusionné avec le tas de couvertures sur lui.
Il sentit la présence de quelqu'un dans ses bras et il ne lui fallut que très peu de temps pour reconnaître le parfum, les cheveux, la présence d'Hermione Granger.
Alors, il mit quelques secondes à rassembler ses idées.
Les réminiscences de cette vie antérieure à laquelle il avait assisté malgré lui revenaient par bribes. Ces souvenirs-ci demeuraient extrêmement flous, comme s'il tentait difficilement de se remémorer le contenu d'un rêve marquant. Il avait l'essentiel en tête du moins, les moments les plus importants ainsi que, terriblement, la fin.
Etrangement, il ne ressentait aucune douleur, ni de tristesse, moins encore le même désespoir qu'il avait vécu à l'époque. Il se souvenait simplement avoir été dans cet état, sans y demeurer maintenant pour autant. Néanmoins, quelque chose, une force singulière l'avait poussé à s'assurer qu'Hermione Granger était en sécurité, et étant l'homme têtu qu'il avait toujours été, rien ni personne d'autre qu'elle n'avait pu l'en convaincre.
C'était donc en demi-teinte qu'il accueillait sa présence, à la fois contraint, mais aussi conscient du fait qu'il aurait continué à n'en mener guère large si elle n'était pas venu vers lui. Il savait qu'elle avait dû le rejoindre sans l'accord de Poppy, puisqu'il percevait plus ou moins le paravent ensorcelé devant sa couche.
La femme sous lui se mit à bouger, sortant peu à peu de la même façon que lui de son endormissement. Snape eut tout juste le temps de reculer le visage lorsqu'elle se redressa en posant une main sur son torse pour s'y aider. La première chose sur laquelle elle tomba fut les pupilles sombres de son professeur de potions qui l'observaient d'un regard tout à fait singulier.
L'homme avait la bouche close, les lèvres pincées si fort qu'il semblait s'empêcher de sortir un seul mot. Alors, Hermione demeura dans la même posture, ne s'empressant pas de se détacher de ce lit, ni de cette position compromettante dans laquelle elle se trouvait pour autant.
Elle tentait de lire dans son regard autant que lui essayait d'en faire de même.
Elle avait envie de lui demander s'il allait bien, s'il allait mieux, mais ne s'y risqua pas. Tout ce qui hantait sa tête était qu'elle aurait tout donné dans cet autre monde pour vivre cet instant simple, mais sa conscience se heurtait désormais à ces souvenirs.
Car c'était Severus Snape qui était à ses côtés, et il n'avait toujours été que son professeur de potions, et rien d'autre. Elle ne l'avait même jamais envisagé sous un autre angle tel que celui d'un simple être humain ordinaire, ou d'un sorcier faisant partie de la même communauté qu'elle. Peut-être avait-elle éprouvé de l'admiration pour lui, recherché son approbation sur le plan scolaire, et son besoin viscéral de le croire et de le défendre à tout prix avait trouvé son origine, mais en dehors de cela…
Snape quant à lui, ne savait pas vraiment quelle attitude adopter. Il pourrait l'envoyer paître, la virer manu militari de ce lit, car qui se serait risqué à entretenir une telle proximité avec lui après tout ? Depuis Lily, jamais plus personne ne l'avait touché, hormis peut-être Minerva et ses accolades à la noix, ce qui ne comptait pas vraiment en tant que tel, n'est ce pas ? Mais il ne pouvait pas faire ça, car il était encore faible, et qu'une part de lui ne pouvait s'y résoudre.
Il pourrait aussi bien ne rien dire, car le silence avait souvent été efficace dans de nombreuses situations, dont quelques pétrins sociaux. Et c'est ce qu'il s'apprêtait à faire : rester muet comme une carpe dans l'attente qu'elle ne s'en aille toute seule.
Néanmoins, des voix féminines venaient de rompre cet instant bizarre qu'ils échangeaient, et ils se retournèrent d'un même homme vers l'origine de cet échange. Snape reconnu l'une d'entre elles, par son accent anglais remarquable et sa tonalité bien trop aiguë pour lui être supportable.
« Miss Granger est réveillée ? »
La concernée arrondit le regard en se tournant plus vivement vers Snape, l'air paniqué imprimé sur ses traits. La Gryffondor s'apprêta à répondre lorsque son professeur plaqua son index sur ses lèvres d'un regard aussi rond que se voulant persuasif.
Il mima un non de la tête avant de tourner le visage pour mieux entendre la conversation de ces deux commères. Dans son mouvement, il avait renforcé sa prise sur sa taille pour qu'elle ne tombe pas et Hermione devint pâle, avant de suivre son jeu malgré elle et de froncer les sourcils face à cette conversation privée qu'ils espionnaient désormais.
« J'ignorais que vous bénéficiez d'une salle d'eau, lâcha la directrice.
_ Je n'en ai pas, mentit la magicomage. Je lui ai prêté celle de mes quartiers personnels. Voyez-vous, ils sont accolés à l'infirmerie et Miss Granger était bien trop sonnée pour que je ne la renvoie dans sa chambre. Elle avait l'air si… perturbée, que j'ai pensé judicieux qu'elle se change les idées de cette façon. »
Peu à peu, Snape ôta son index de sa bouche et afficha une moue intriguée. La jeune femme leva les sourcils avant qu'elle et Snape ne se jettent un regard de connivence, tous les deux fort surpris du mensonge éhonté de Pompom.
« Je vois, marmonna la directrice, bien embêtée.
_ A quel sujet vouliez vous la voir ?
_ A propos de la vision bien évidemment. »
La directrice s'avança d'un pas lent dans l'infirmerie et Hermione retint son souffle en voyant sa silhouette se mouvoir dans la pièce afin de s'écrouler sur une chaise, juste à côté d'eux. Naturellement, Snape et son élève suivirent son ombre du regard, avant qu'Hermione ne sente les doigts de son professeur renforcer leur prise. Il ne manquerait plus qu'elle se casse la figure et qu'ils les découvrent ici, ensemble dans ce lit, en train de les espionner.
« Je me demande… si nous ne ferions pas mieux de les oublietter, finit par soupirer Minerva en se tenant le visage entre les mains. »
Poppy laissa s'échapper une exclamation horrifiée en guise de réponse. Hermione sentit les doigts de son enseignant se serrer sur sa peau, cette fois sans doute plus par contrariété qu'autre chose.
« Je sais, Pompom, ce n'est guère éthique d'envisager une chose pareille, mais vous vous rendez compte de la position dans laquelle tout cela les met ?
_ Mais enfin Minerva, vous ne pouvez envisager une chose pareille. Ne serait-ce que Severus vous demandera des comptes ! Vous le connaissez aussi bien que moi, il voudra connaître l'issu de son expérience, et cherchera à avoir le fin mot de l'histoire afin que ses travaux n'en restent pas vains.
_ Ou alors il me remerciera, contra la sorcière.
_ Severus, vous remercier ? souleva la sorcière en croisant les bras sur sa poitrine d'un air jugeur. »
Snape leva lui aussi un sourcil réprobateur.
« Je sais, répéta la directrice. Mais enfin, j'ai demandé l'avis du portrait d'Albus qui est resté muet comme une carpe à ce sujet.
_ Parce qu'en tant que nouvelle directrice de Poudlard, la décision vous appartient, répondit calmement Poppy d'un ton compatissant et doux.
_ Severus est le professeur de Miss Granger, et il doit le rester. J'ignore l'impact qu'aura cette expérience sur eux. Imaginez un peu qu'ils… enfin, vous savez… »
Hermione rougit soudain en s'enfonçant dans le matelas, mais Snape demeura imperturbable. Il trouvait cette idée tout bonnement ridicule.
Hermione Granger était son élève. Il l'avait côtoyée dès sa première année, et il avait été aussi rude voir plus encore envers elle qu'envers tous ses autres camarades. Jamais cela ne lui avait traversé l'esprit enfin ! Pourquoi en serait-il différent maintenant ?
Ce souvenir ressemblait vraiment à un rêve, ou plutôt, un cauchemar dont il serait sorti difficilement. Il lui était déjà arrivé de rêver de choses totalement ubuesques, comme tout un chacun. Un jour, il avait même passé la nuit à imaginer que Longdubat voulait le tuer dans tout Poudlard avec un putain de couteau de boucher, ça ne l'a pas empêché de le terroriser dès le lendemain.
« Severus ne franchirait jamais une telle limite Minerva, gronda doucement Pompom, mal à l'aise.
_ Vous savez Poppy, comme il est difficile de contenir nos émotions lorsqu'il arrive une telle série de moments difficiles à la personne qui a pu nous être cher. »
La magicomage soupira en détournant le visage.
« Je ne le sais que trop bien Minerva, murmura-t-elle. Souvenez-vous lorsque vous avez subi tous ces sorts affreux à cause de cette peste de Dolores Ombrage. »
Snape fronça les sourcils. Il tenta de se redresser, mais Granger le lui empêchait sans le vouloir. La jeune femme ne se dépêtrait pas de sa gêne, alors il leva les yeux au ciel en s'en apercevant et lui donna une légère tape derrière la tête qui la fit sursauter avant qu'elle ne le fusille du regard.
Il avait terriblement envie de rire pour cela, sans compter sur cette injonction à rester silencieux, mais il resta impassible à la place.
Poppy quant à elle s'avança vers Minerva et s'agenouilla près d'elle. Snape et Hermione purent le voir uniquement à travers leurs ombres derrière le tissu du paravent.
« J'ai eu si peur quand vous êtes partie pour St Mangouste, moi aussi, et j'ai failli démissionner, mais je ne l'ai pas fait.
_ Je ne doute pas que comme ce dut être difficile pour vous, murmura tristement Minerva en baissant la tête pour observer le sol.
_ Ne vous inquiétez pas pour moi. »
Poppy posa sa main sur celle de Minerva, aussi mélancolique. Elles observèrent leurs peaux, un peu abimées par le temps, et la medicomage ne put s'empêcher de tournoyer son pouce lentement dans un mouvement réconfortant.
« Nous avons toujours su rester professionnelles, finit par prononcer Poppy, songeuse, et le regard n'affronta pas celui de la directrice qui, dans tous les cas, évitait tout autant le sien. Il ne faut pas sous-estimer cela.
_ Et maintenant regardez-nous, en train de se convaincre que notre décision était la bonne plus de 30 ans plus tard, plaisanta Minerva en un sourire à la fois joyeux et triste.
_ Quelle décision ? murmura Pompom, un peu espiègle. »
La directrice finit par expirer un air amusé sous le sourire timide de la vieille sorcière devant elle. Tant de temps avait passé et pourtant, avec tout autant de non dits.
La directrice se leva alors lentement, et Poppy redressa un peu son visage, étant un peu plus petite qu'elle. Minerva demeurait toujours aussi élégante qu'impressionnante, avec son grand chapeau et sa robe si apprêtée. Et Poppy porta ses deux mains vers sa bouche avec cet air toujours aussi admirateur envers elle. Oh rien n'avait jamais réellement changé, dans le fond, hormis le temps et ses affres.
« Cela n'empêche pas que je ne peux pas laisser une telle chose se produire pour eux.
_ Vous avez peur, appuya Pompom.
_ Bien sûr, ils ont tant de points communs, souffla Minerva.
_ Ayez confiance en eux.
_ Ma chère, la dernière fois que vous m'avez dit ça, nous avons dansé une valse durant le bal de fin d'année, soupira Minerva.
_ Ce n'était qu'une valse. »
Poppy prit le bras de Minerva pour l'accompagner jusqu'à la sortie de l'infirmerie.
« Nous ne ferons rien du tout sans leur accord.
_ Ils ne voudront jamais oublier cette histoire, insista une dernière fois la directrice.
_ Qu'à cela ne tienne dans ce cas, la balle est dans leur camp.
_ J'aimerais tout de même discuter avec Miss Granger de ses possibilités en termes d'études si…
_ Ne vous inquiétez pas ma dame, l'interrompit Pompom en caressant son bras. Je vous promets que vous le ferez, mais laissez leur le temps de récupérer. Pour la peine, je viens déjeuner avec vous. »
Severus plissa les yeux vers les deux jeunes femmes qui s'en allèrent, fermant enfin la double porte derrière elles.
Une fois parties, Snape et Hermione restèrent silencieux un petit moment, laissant planer dans la pièce un mélange de gêne et de réflexion.
« Je n'en reviens pas, murmura Hermione, éberluée.
_ Je suis aussi choqué que vous, souffla Snape.
_ Elles tiennent vraiment l'une à l'autre c'est évident, comment n'a-t-on pu pas le voir avant ? »
Snape se tourna vers la Gryffondor d'un air outré. Elle était allongée encore contre lui, le regard dans le vide.
« J'ai pourtant passé du temps ici, sans pour autant remarquer que…
_ Vous êtes dingue, je ne parlais pas de ça enfin ! Cette vieille bique voulait me faire oublietter, comment a-t-elle osé l'envisager ?! »
Hermione leva les yeux au ciel. Elle en profita pour se glisser en dehors du lit et intérieurement, Snape l'en remercia car c'était sans doute le moment ou jamais de s'extirper de cette situation sans susciter de malaise, d'un côté comme de l'autre.
« Je la comprends, confessa la Gryffondor.
_ Pas moi, cracha Snape. Mes souvenirs m'appartiennent, et je suis déjà assez furieux qu'ils aient été montrés en place publique. Je ne tiens pas plus que vous à ce qu'ils me soient retirés. Que je sache, je suis quelqu'un d'aussi responsable que vous en ce qui concerne ce genre de choses. »
Hermione se permit de ricaner en se tenant l'arête du nez.
« Vous trouvez ça drôle petite sotte ?
_ Je trouve ça ironique, rectifia-t-elle. C'est vous qui m'avez obligé à participer à cette… cette farce !
_ Ce n'est pas de ma responsabilité. C'est votre curiosité maladive qui vous y a poussé. Vous détestez la divination, lâcha Snape d'un air dégouté, mais il a fallu que vous assistiez à ce cours, alors assumez en les conséquences. »
Hermione prit une profonde inspiration, plaquant ses cheveux en arrière d'un air agacé pour ne pas lui dire sa façon de penser.
« Vous n'êtes vraiment pas…
_ Pas quoi ? la défia-t-il du regard. »
Un temps, ils restèrent là, à se regarder comme deux démons sur le point de se battre. Elle avait envie de hurler.
Il n'était pas Severus Hart, il n'avait même rien de lui. Merlin, il était si froid, si infect et dédaigneux, sans compter sur le fait qu'il ne lui témoignait d'aucune sympathie.
Quant à Snape, il eut envie de la tuer pour les termes qu'elle avait employés. Qualifier cette expérience de farce n'aurait jamais pu être aussi insultant pour lui. Accepter ce projet en connivence avec Sybille, travailler sur cette potion expérimentale lui avait demandé énormément de travail, sans compter sur les effets inattendus des vapeurs et l'épreuve que cela avait constitué, pour elle comme pour lui.
Une partie de lui, une partie déraisonnable, lui en voulait atrocement. Severus Snape se sentait blessé, et sa carapace se referma comme celle d'un coquillage, aussi brutalement qu'il ne le fallait sans possibilité qu'il ne puisse s'ouvrir de nouveau. Mais il ne lui dirait jamais les raisons qui l'amenaient à cette colère, bien qu'elles soient étrangement claires dans son esprit.
Elle était morte dans ses bras. Comment avait-elle pu mourir dans ses bras ?! Merde, il n'était pas mort lui pourtant, c'était injuste et entiérement de sa faute.
« Bien, comment fait-on maintenant, finit par gronder Hermione sans se douter une seule seconde du mélange d'émotions que venait de traverser son professeur.
_ Que voulez-vous qu'on fasse au juste ? cracha-t-il.
_ Nous ferons face à des questions, trancha-t-elle en commençant à marcher de long en large.
_ Je demanderais à un confrère d'effectuer les analyses qui faillent pour conclure cette expérience et envisager d'en faire potentiellement quelque chose un jour. Étant impliqué, je ne pourrais m'en occuper moi-même, ni bien évidemment, terminer ce cours. En ce qui concerne les… questions inconvenantes, pour ma part, je n'aurais aucun scrupule à punir la moindre remarque et même, son évocation en ma présence.
_ Et en la mienne ? finit par demander soudain Hermione. Votre statut de professeur vous en préserve peut-être, mais pas moi. J'ignore le sentiment global des autres face à ce qu'ils ont assisté, mais il est injuste que je doive y faire face seule !
_ Et pourtant, vous le devrez. »
Elle était bien assez forte pour cela.
Bien évidemment, il se garda de lui en donner les raisons ni ce qu'il pensait de ses capacités.
La vérité était que Severus Snape avait tourné la question dans tous les sens. Il avait fait cela avec une rapidité hors du commun, mais la conclusion qu'il en avait tirée était qu'ils demeuraient devant une impasse totale. S'il l'aidait, d'une quelconque manière, cela finirait par être mal interprété. Et, d'expérience, il savait qu'il ne fallait au grand jamais alimenter les rumeurs, surtout chez une bande de jeunes adultes.
« Bien, soupira Hermione, à la fois par dépit et déception. »
Qu'espérait-elle au juste ?
Cette expérience n'avait jamais prétendu changer la personnalité de quelqu'un, et Severus Snape resterait toujours Severus Snape, quoiqu'il arrive. Severus Hart, lui, était mort sur ce bateau…
« Et concernant Madame Pomfresh ?
_ En quoi est-elle impliquée dans cette histoire au juste ?
_ Elle a mentit me concernant, appuya Hermione. Pourquoi ?
_ On se fiche du pourquoi, trancha Snape. Nous n'avons qu'à profiter de son discernement sans poser de questions. Prenez donc exemple sur cela.
_ Et si elle en pose, y avez-vous songé ?
_ Poppy est medicomage. Je lui rétorquerai de rester à sa place d'infirmière, et je vous invite à en faire de même. Elle n'a rien besoin de savoir plus que notre état de santé. »
Hermione grogna et s'en alla vers son lit, agacée.
Elle finit par retrouver dans ses draps et se tourna afin de faire en sorte que Snape ne soit pas dans son champ de vision.
Intérieurement, la situation était bien plus dramatique qu'il ne le prétendait, mais Hermione décida de s'y fermer.
« Severus Hart n'est pas Severus Snape, se répétait-elle. »
xXx
Lorsque Pompom était revenu une demi heure plus tard dans son infirmerie, elle avait été surprise d'apercevoir au loin Hermione Granger allongée dans son lit.
La sorcière s'était alors tournée vers Snape qui était dans la même position qu'elle, avec son air renfrogné habituel. Silencieuse, elle les avait observé un léger instant avant de plisser les lèvres et de river le regard au sol, puis de surveiller leur état de santé global.
A leur plus grand soulagement, la sorcière n'avait posé aucune question, étant même restée muette à un point où cela en devenait gênant.
« Je pense que tout est en ordre, marmonna-t-elle à la Gryffondor au regard plissé.
_ Ça veut dire que je peux reprendre les cours ? demanda la jeune femme avec empressement.
_ Vous le pouvez, ainsi que vous Severus. »
L'homme n'en attendit pas plus pour bondir sur ses pieds tout en gardant un certain self control. Une fois debout, il se parut de son air le plus supérieur possible, le dos crispé, mais ses traits toujours aussi figés dans cette expression se voulant indifférente face au monde.
« Bien, lâcha-t-il sans un regard pour Hermione qui se posta à côté de lui, mal à l'aise. Vous avez tenu Minerva au courant ?
_ Mi-Minerva, balbutia l'infirmière avant de se racler la gorge. Hé bien oui, elle se fit entièrement à mon jugement pour cela. »
Hermione envoya un sourire timide vers la sorcière, un peu touchée par son histoire qu'elle n'avait qu'entre-aperçu.
« Parfait. »
Hermione observa le maître des potions s'en aller sans un rictus ni un coup d'oeil vers elle. En vérité, il semblait aussi contrarié qu'à l'accoutumé, voire plus. La concernée prit alors une inspiration, avant de se dérober plus gentiment de l'attention de la medicomage.
Reprendre sa vie dans le château était quelque peu angoissant pour elle, en particulier, retrouver ses camarades.
Merlin, comment réagiraient-ils ? L'angoisse lui tordait les tripes et elle sentait son coeur s'emballer au fil de ses pas. Et si Harry, Ron, et tous ceux qu'elle avait connu ne voulaient plus lui adresser la parole ? C'était que, malgré l'implication manifeste et la dévotion à l'ordre depuis toujours, Snape continuait de s'attirer tant de foudres.
Vaincre Voldemort avait du être un grand soulagement pour lui, comme pour tout le monde d'ailleurs, sans compter sur son jeu de double espion dévoilé au monde (bien que, pour cela, Harry était resté extrêmement flou sur le contenu des visions qui lui avaient été communiquées). Cela n'avait néanmoins rien changé de ses méthodes académiques.
Snape avait accepté de reprendre son poste de professeur de potions, n'étant plus vraiment intéressé par celui de Défense contre les forces du mal depuis que sa mission de protéger Potter avait pris fin.
Sa dette était payée, en quelque sorte… même si, dans le fond, il ne se sentait guère enclin à se pardonner lui-même un jour. Cela n'empêchait pas qu'il demeurait un professeur abominable, quoiqu'en dise le monde. Harry ne disait souvent pas un mot concernant son enseignement, et Snape et lui s'ignorait royalement, mais ce n'était pas le cas des autres.
Lorsque Hermione arriva jusqu'à la Grande Salle afin de prendre son repas, la plupart des étudiants de cette huitième année exceptionnelle se turent soudain en la suivant du regard, toutes maisons confondues.
La Gryffondor se précipita alors vers sa table, la tête baissée et le souffle coupé. Ne pouvaient-ils pas, au moins faire semblant ?
Seigneur au moins, Snape avait eu le bon sens de ne pas venir diner.
Hermione leva un regard timide vers Ron qui la fixait d'un air ahuri. La jeune femme soupira alors de dépit, fixant son assiette contenant une part de tourte à la viande et la recula, s'apprêtant à s'en aller d'ici pour fuir tous ces regards inquisiteurs. Nom d'une chouette, comment avait bien pu faire Harry pour supporter une chose pareille durant toute son adolescence ?
« Hermione, est-ce que ça va ? demanda soudain une petite voix féminine à côté d'elle. »
La jeune femme cligna des yeux vers Lavande, et ce ne fut que lorsque cette dernière demanda avec un réel interêt l'état dans lequel elle se trouvait que la majeur partie des Gryffondors, des Serpentards, suivit bientôt par les autres élèves de dernière année se précipitèrent autour d'elle avec un interêt ainsi qu'une compassion plutôt hors du commun.
« On a tout vu, intervint une des Poufsouffles.
_ C'est tellement triste votre histoire, tu es sure d'aller bien ? s'enquérit Pansy Parkinson.
_ Oui Hermione, est-ce que tu veux qu'on fasse quelque chose ? Tu peux tout nous demander ! lâcha Ron.
_ On peut essayer de parler avec le professeur Snape si tu veux, lâcha Lavande.
_ Lui parler, bafouilla Hermione, perdue, en alternant son regard sur les visages de tous les élèves autour d'elle.
_ Oui, en lui rappelant ce qu'il t'as dit, lâcha Ginny telle une évidence, enfin, ce que vous vous êtes dit.
_ Ce serait terrible qu'il ne s'en souvienne pas, dit Luna d'un air rêveur.
_ Ce serait tellement dramatique, lâcha Lavande, émotive. »
Hermione leva un sourcil en voyant la jeune fille porter un mouchoir vers son nez. S'il n'y avait eu qu'elle, elle aurait songé à une vaste blague, seulement… Enfin, tous n'avaient pas pu se mettre d'accord de la sorte pour lui jouer un tel tour !
Hermione cligna d'autant plus les yeux en voyant Pansy tendre un autre mouchoir à Lavande qui l'accepta d'un « merci » timide.
« Il se souvient de tout, n'est-ce pas ? demanda Luna. »
Hermione ouvrit la bouche, devant une bande de vingts étudiants pendus à ses lèvres. Puis, elle la ferma sans savoir que répondre. C'est qu'elle était soudain si intimidée qu'elle n'osait pas sortir un mot, et même, tous ces camarades attendant la « bonne réponse » de sa part en devenait presque angoissant, sans compter sur le lourd silence qui venait de se former autour d'elle, accompagnant ces paires d'yeux illuminés.
« Je…suppose, finit-elle par répondre, hésitante. »
L'ensemble des étudiants soupirèrent d'un « ouf » commun, comme soulagés d'un poids.
« Est-ce que McGonagall est d'accord avec ça ? Parce qu'une petite voix me dit qu'elle ne cautionnera jamais une chose pareille, argua Pansy.
_ On sera là pour vous couvrir, lança soudain Lavande, confidente.
_ On a déjà tout prévu, acquiesça une Serdaigle au loin.
_ Oui, on s'est tous mis d'accord pour une fois, confirma une autre Poufsouffle, avant que Hermione ne remue la tête en postant ses mains devant elle dans une posture défensive.
_ Attendez, vous mettre d'accord sur quoi ?
_ Sur toi et Snape quelle question, répondit Ginny. Sur un plan pour couvrir votre histoire d'amour à Poudlard, étant donné que tu es encore son élève.
_ Moi et… »
Hermione aspira l'air plus qu'elle ne le respira réellement. Elle était devenu blême par la surprise, le choc et… l'horreur ! Non mais ils avaient tous perdus la tête ou quoi ?
« Vous êtes dingues, s'écria soudain Hermione en se levant de sa chaise. Il n'y a rien entre moi et le professeur Snape !
_ Ça ne sert à rien de nier, soupira Ginny en secouant la tête. Mais ne t'inquiète pas, nous te soutenons.
_ Je n'ai pas besoin de soutien ni d'aide, fulmina-t-elle. »
Hermione serra alors sa mâchoire tout comme ses poings. Excédée, c'était comme si ses dents étaient sur le point de céder sous la force qu'elle y exerçait. Comment avaient-ils pu imaginer une seule seconde jouer les entremetteurs ? C'était ridicule, et humiliant.
« Ecoutez, lâcha-t-elle avec calme. Evoquez une seule fois cette histoire devant le professeur Snape et il vous trucide tous un par un. C'est déjà un miracle que je sois sortie de l'infirmerie en vie. Est-ce que le message est assez clair pour vous, ou vous avez besoin de plus d'explications ? »
Quelques étudiants blêmirent, certains se regardèrent d'un coup d'oeil perplexe, et d'autres fixèrent le sol.
Il n'y eut que Lavande qui continuait de sécher nerveusement son nez, comme hermétique aux revendications d'Hermione, qui s'en alla d'ailleurs, totalement excédée.
A son plus grand soulagement, plus personne n'évoqua le sujet par la suite, comme ce fut le cas pour Snape.
Le professeur de potions ne fit face à aucune allusion, aucun regard bizarre, s'en était même devenu suspect. Il s'était attendu à devoir remettre un ou deux élèves en place, mais il ne s'était rien passé de tel.
Minerva l'avait convoqué dans son bureau bien évidemment, mais il avait été clair sur le fait qu'il était tout à fait à même de maintenir ses cours et de garder Granger en tant qu'élève. La question avait été légitime à se poser après tout. Mais il se souvenait à peine de cette vie, et ce n'était pas comme s'il n'avait pas pu être également l'enseignant de Harry Potter malgré tout ce que cela comportait dans le passé. Pour Granger néanmoins, il garda une certaine part de rancoeur qu'il tenta d'enfouir au plus profond de lui. Ainsi, cela passa plutôt inaperçu aux yeux de la directrice qui se laissa convaincre.
Elle avait toujours compté sur sa capacité à demeurer hermétique, alors il continuerait sur cette voie. Après tout, c'était ce qu'il savait faire de mieux.
Et il pourrait tester cela sans attendre d'ailleurs, car le premier cours du lendemain de sa sortie de l'infirmerie était consacré aux dernières années.
Un silence de mort s'était instauré dans la pièce dès son arrivée.
Snape avait envoyé une oeillade dissuasive à l'ensemble de ses étudiants qui semblaient attendre la sentence de ce cours, car il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il trouverait fatalement une façon de se venger pour s'être vu se dévoiler de la sorte à un auditoire.
Ainsi, le professeur Snape prit place vers son bureau, et se mit à réfléchir à toute allure. Dans le cadre du programme, si tant est qu'il puisse en avoir réellement un en vue des circonstances, il devrait leur apprendre la base théorique des Elixirs éternels. Pourtant, une partie de lui soupira d'avance.
Il leva un regard discret vers Hermione Granger qui prenait soin de rester stoïque, imperturbable, peut-être un peu trop en vue de sa posture crispée.
Fatalement, elle connaitrait d'avance toutes les réponses à ce cours, il n'en avait aucun doute.
« Sortez vos chaudrons, vous devrez pour aujourd'hui parvenir à préparer du Véritaserum. »
L'ensemble des étudiants retinrent leur respiration, d'autre eurent une exclamation aussi outrée que brève. Hermione se figea soudain en une expression d'horreur, avant de fixer son professeur qui ne daigna pas le faire en retour.
Le véritaserum était une potion extrêmement complexe, sujet à une réglementation stricte et ils n'étaient supposés n'en étudier que la théorie. Cette potion n'était d'ailleurs fabriquée que dans les apprentissages supérieurs.
Merlin, était-ce là sa vengeance pour avoir été témoin de son histoire ? C'était si… injuste, personne n'était responsable de cette situation.
Hermione souffla lourdement l'air par son nez, contrariée.
Elle observa son manuel comme si elle assistait à une explosion en direct, et se décida à s'atteler à la tâche avec un dépit certain.
Elle n'avait jamais eu l'intention de fabriquer cette horrible potion de sa vie ! Autant dire que pour la première fois en huit ans, elle n'avait aucune idée sur la façon de le concocter, ni même par où commencer.
Alors qu'elle éminçait les ingrédients avec hésitation, Snape passa dans les rangs.
Il n'avait agit que par impulsivité, devait-il l'avouer. Quelle idée avait-il eu de leur faire faire un philtre aussi difficile ? Peut-être état-ce de la faute de Granger, en fin de compte.
L'homme grogna à l'abri des regards de sa classe.
Il éprouvait tant… d'amertume. Cette situation était injuste, pour lui. Pourquoi avait-il fallu que ce qu'il tentait tellement de cacher au fond de lui ne soit montrer aux yeux de tous de cette façon ? Pourquoi avait-il fallu que sa route ne croise la sienne, et qu'il soit assez faible pour la laisser le dépouiller de toutes ses barrières ? C'était comme… comme se retrouver tout nu devant tout le monde !
Certes, la vision avait montré Severus Hart, à une autre époque où les temps ainsi que les moeurs et son histoire avaient été tout autre. Mais merde, il se sentait tout de même tellement en colère.
Il en avait assez de ne pas être tranquille.
En dehors de ce sentiment, quelque part, il en avait aussi peut-être assez d'avoir dans sa classe, une étudiante dont il avait le sentiment de ne rien apprendre de plus qu'elle ne savait déjà.
Lorsque son regard se leva vers elle, il en sourit un peu. Elle était tout bonnement dépitée. Il aurait du faire ça avant après mure réflexion, et tant pis si les autres en pâtissait : voir Hermione Granger ramer à ce point était tout bonnement délectable, sans compter sur le fait qu'il régnait un silence plombant, induit pour une fois par l'absence de questions de sa part. Il fallait dire qu'elle avait l'air si déstabilisée et perdue, serait-il possible qu'il se soit produit un miracle ce matin lorsqu'il avait enfin trouvé le moyen de clouer le bec de la pire Miss Je Sais Tout de Poudlard ? Merlin, il ne manquerait plus qu'il finisse enfin par remplir son rôle de professeur auprès d'elle.
« A ce que je constate, murmura-t-il en arrivant à sa hauteur, vous êtes bien moins volubile lorsqu'on aborde des sujets plus pointus. »
Hermione serra les dents et grogna en levant le regard vers le directeur des Serpentards. Elle en jurait sur la tête de tous elfes de maison de ce château, Snape n'avait jamais semblé si fier de lui.
« Vous venez de nous donner une potion à faire sans même avoir eu le cours théorique, c'est…déloyal, lâcha-t-elle sur le bout des lèvres. »
Snape leva un sourcil, mais le léger tremblement du coin de ses lèvres le trahissait. Hermione ne s'en rendit même pas compte et ouvrit un bocal de fèves soporifiques. C'est alors que Snape fronça les sourcils en la voyant couper l'ingrédient.
« Pas comme ça, nia-t-il. Il faut l'écraser.
_ Ce n'est pas écrit dans le manuel pourtant…
_ C'est pour cela que je suis votre professeur Miss Granger, il serait temps pour vous de le comprendre. »
Hermione soupira de dépit. Elle fronça les sourcils, prit en main la fève, et se demanda par quel procédé elle pourrait l'écraser. Avec un poids, un sort, son pilon ?
Elle pensait que Snape était parti, mais elle l'entendît soupirer à son tour devant son air interrogateur. Alors, il lui mit un couteau en argent dans les mains.
« Vous m'aviez dit de ne pas le couper, souleva-t-elle en levant un sourcil.
_ A ce stade, je vais commencer par croire que vous le faites exprès. »
Hermione fit une grimace, et voulu utiliser le plat du couteau pour écraser la fève. Néanmoins, elle n'eut pas assez de force pour le faire. Impulsive et, Snape fit le tour de sa paillasse pour se poster derrière elle, et la guider dans son mouvement. Hermione tressaillit à sa présence, d'autant plus lorsque sa paume toucha la sienne afin d'utiliser le couteau convenablement.
« Depuis le temps, vous n'avez pas remarqué que c'était plus simple de cette façon, marmonna-t-il. Il suffit juste d'appuyer au bon endroit.
_ Il faut dire que d'ordinaire, je n'ai pas besoin d'aide, grogna-t-elle.
_ Oh Merlin, serait-il possible que j'ai pu enfin apprendre quelque chose à la Miss Je Sais maintenant Presque Tout ? »
Lavande cacha son sourire derrière ses cheveux, elle ainsi que la plupart de ses camarades d'ailleurs qui ne pipèrent pas une remarque devant la phrase émie par leur professeur pourtant à demi mot, mais ayant une drôle d'impression de déjà-entendu.
« En procédant ainsi, le jus sera plus épais, et votre potion plus efficace.
_ Comment est-ce que vous savez ça, souffla-t-elle.
_ Parce que je suis plus intelligent que vous. »
Hermione leva les yeux au ciel.
Au loin, aucun des deux ne remarqua Drago, ainsi que Harry se regarder de connivence. Il fallait dire que Snape n'aidait jamais personne dans ses cours, se contentant de gronder et de laisser tomber son couperet au hasard sur la tête de ses élèves. Quant à tenir ce genre de positions, plutôt mourir oui.
« Cette variété perd de sa couleur dès qu'on l'ouvre, ce qui signifie qu'elle est sensible à l'air. Si vous la coupez, vous risquez de l'y exposer avant d'en extraire les propriétés. »
Hermione sourit avec satisfaction, car elle n'avait jamais entendu cela nul part bien que les fèves soporifiques soient beaucoup utilisées dans les potions. C'était une chose rare, c'était sans doute même exceptionnel, mais il lui semblait que Snape avait enfin réussi à lui apprendre quelque chose.
« Vous voyez, quand vous ne ramenez pas votre science à tout bout de champ, lâcha-t-il pensivement en remuant sa préparation. »
Hermione fronça les sourcils en un regard noir, ne se contentant que de tourner le visage vers le maître des cachots qui se contenu de sourire bêtement. Il sortit de sa position pour reprendre sa marche méditative entre les rangs et Hermione se racla la gorge en tentant de retrouver un peu de contenance.
Il l'avait touché.
C'était la première fois qu'il le faisait de cette façon, et elle sentait encore sa paume, ses doigts agrippant les siens autour du couteau. Hermione ne cessait d'y penser, avant de se secouer la tête. La seconde heure de cours fut consacrée cette fois, à la théorie sur plusieurs lois réglementant les potions tels que le Véritaserum.
Hermione, pour une fois, écoutait avec attention. Et le regard de Snape croisait parfois le sien avec une… lueur particulière, difficile à décrire.
Tout ce qu'elle savait était que cela la faisait rougir comme une gamine, tant et si bien qu'elle baissait le sien vers ses notes à chaque fois et que l'homme tentait tant bien que mal de cacher son amusement en retournant à sa lecture de façon systématique. Cela n'échappait pourtant guère au regard du survivant qui secouait la tête de dépit avant de sourire un peu, lui aussi.
Il était certain que Snape leur avait filé cette potion uniquement car elle était la seule qu'Hermione ne connaissait pas, la seule sur laquelle il pourrait l'aider et lui apprendre quelque chose. Est-ce que c'était injuste ? Oui, totalement, mais pour une fois, il n'en avait rien à faire. Il récolterait un T, la belle affaire.
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Lorsque Harry et Ron lui avait bassiné les oreilles à propos de Snape dont le regard portait soit disant une « étincelle unique » vers elle, Hermione s'était enfuit plus qu'elle n'avait quitté les espaces communs aux Gryffondors.
Quels idiots ils faisaient ! Mais elle n'arrivait pas à leur en vouloir dans le fond, car ils ne faisaient aucune distinctions entre leurs eux passé et présent. Elle avait en plus, entendu dire que leurs apparences étaient assez similaires.
Bien sûr, il n'avait pas porté sa redingote habituelle sur le bateau, mais plutôt un costume simple dont le col lui remontait tout autant que ses vêtements de sorciers. Les cheveux mi longs de Hart étaient correctement coiffés en arrière, et il était rasé de très prés, toujours impeccable, contrairement à Snape dont les cheveux retombaient mollement autour de son visage. Après mure réflexion, peut-être se ressemblaient-ils trop pour que ses camarades n'aient le bon sens de ne pas les confondre.
Mais elle le faisait, elle savait que Hart et Snape étaient différents et trouvait ainsi leurs allusions tout à fait ridicules.
Snape ne l'appréciait pas. Il n'avait aimé qu'une femme d'ailleurs dans sa vie, et elle avait porté le doux nom de Lily Potter. Pour le reste, Hermione n'était qu'une étudiante parmi d'autre, et peut-être était-elle heurtée par sa froideur, sa façon de l'ignorer et de ne pas apprécier sa valeur académique, mais cela se limitait là. Car si Snape l'avait aidé dans le passé, s'il l'avait protégé, cela n'avait été que pour servir sa mission concernant Harry et rien d'autre. D'ailleurs, il avait été aidé de nombreux étudiants, ne leur en déplaise ! Non, définitivement, Snape ne risquait pas d'éprouver quoique ce soit d'autre que de l'agacement pour elle.
Amère, Hermione n'avait enfilé qu'une veste épaisse en oubliant son écharpe avant de se diriger vers le stade de Quidditch, le seul endroit où elle ne risquait pas de croiser un Gryffondor sur son chemin. Merlin, elle n'en pouvait tellement plus de leur insistance qu'elle n'osait même plus se rendre dans la bibliothèque !
Le match amical d'aujourd'hui opposant Poufsouffle contre Serpentard, elle avait songé qu'au moins, personne ne viendrait l'y chercher.
Lasse, Hermione se fit discrète et s'installa timidement dans les rangs des Poufsouffles lesquels demeuraient dépités face au score minable de leur équipe. La jeune femme leur souriait avec compassion avant de suivre le déroulé du match avec une attention brève. Le Quidditch n'avait jamais été une grande passion chez elle, pas autant que cela avait pu être le cas pour ses deux meilleurs amis.
Hermione frotta ses deux mains entre elles en soufflant dedans avant de lever les yeux au ciel lorsque un petit flocon de neige lui tomba sur le nez.
Noël approchait, et le froid l'y accompagnant. Mais elle songeait que ce n'était pas une si mauvaise chose, étant donné qu'elle aurait au moins le loisir de profiter d'un peu de solitude lorsque les vacances arriveraient et que la majorité des élèves de sa maison s'en iraient chez eux, y compris Harry et Ron.
Hermione se désintéressa un instant du match pour regarder devant elle, vers les tribunes des professeurs. Ils étaient presque tous présents. Madame Bibine observait le déroulé comme s'il se jouait une coupe du monde, Minerva semblait s'ennuyer, Flitwick s'endormait, Pomfresh venait de plaquer sa main sur son front et Snape lui, paraissait toujours aussi stoïque. Son regard balayait la pelouse et il réprima un bâillement avant de soupirer.
Bien sûr, il ne jeta aucun regard vers elle et dans tous les cas, il n'aurait aucun interêt à le faire. Elle était au milieu des Poufsouffles.
Severus quant à lui était sur le point de s'endormir sur place. Quel match ennuyeux. L'issue était déjà écrite d'avance depuis les quinze premières minutes, mais étant le directeur des Serpentards, il ne pouvait déroger à ce match, même amical. Histoire de stopper ce mal de tête à force de suivre ce fichu souafle partout, Snape soupira avant de diriger son regard droit devant lui. Machinalement et par une force étrange, il tomba sur une bouille qui n'avait rien à faire ici.
Hermione Granger.
Elle était parmi ses adversaires, en train de suivre le match tout en remuant les jambes avec nervosité. Elle soufflait dans ses mains et ne semblait même pas remarquer sa présence.
Pour quelle raison était-elle ici, parmi les perdants de ce match ? Un instant, le maître des cachots plissa les yeux vers sa chevelure, son regard, sa posture.
Dire qu'il ne pensait plus à Hermione Marshall ne serait qu'un doux mensonge. Il faisait son possible pour cacher son trouble, mais la croiser de nouveau soulevait de drôle de choses en lui, des sentiments qu'il refoulait autant que possible. S'il devait être honnête, Hermione Granger avait dans tous cas, toujours eu cette étrange capacité à attirer son attention, d'une façon ou d'une autre.
Alors, Snape tenta de l'ignorer, faisant son possible pour river ses yeux sur les balles en jeux. Une partie de lui essayait tant bien que mal de ne pas voir Granger en train de s'agiter, et il était presque fier d'y parvenir. Presque.
Hermione fronça les sourcils dans le vide lorsqu'une douce chaleur s'imposa en elle, et surtout, autour de ses bras qui ne frissonnaient plus. Elle cligna des paupières avant de redresser lentement son visage sur Snape qui regardaient toujours vers la pelouse, la bouche pincée.
Elle aurait pu penser qu'il n'avait rien à voir là dedans, qu'elle se faisait des idées, mais elle le vit cacher ses mains gantées de laines pourtant dans son manteau, avant de se crisper et de renfrogner son visage dans son épaisse écharpe comme s'il crevait de froid.
Alors, Hermione se mit à le fixer étrangement, parce qu'elle était certaine désormais de la provenance de cette chaleur. Etait-ce volontaire ? Elle l'ignorait, mais il finirait forcément par s'en rendre compte, non ?
Snape ne put s'empêcher de jeter un regard rapide, extrêmement rapide vers Granger. Lorsqu'il le fit, il dut s'y reprendre une fois, puis une seconde avant d'enfin, se rendre compte qu'elle faisait de même et d'oser fixer ses pupilles entre les siennes.
Désormais plongée dans une bulle chaleureuse, Hermione était perdue dans ses pensées. Son professeur semblait être un homme bien plus complexe qu'il n'avait pu être. Elle se demanda s'il était possible qu'il lui cache ses réelles intentions, avant de balayer cette réflexion de la main. C'était absurde, ridicule, impossible. Et pourtant, il la réchauffait alors qu'il faisait un froid de canard, il le faisait en étant lui même aussi gelé qu'elle et elle sentit à cet instant qu'il avait peut-être un peu de Severus Hart en lui, juste un peu. A moins que ce ne soit Hart qui ait un peu de Snape en lui ? Il était difficile de faire la distinction.
Toutefois, cela n'empêchait pas ses yeux de rester plongés dans les siens, comme si un lien invisible et indéfectible venait de se former. Avec timidité, Hermione laissa un léger sourire se former avant de rougir. Puis, elle secoua la tête et enfin, détourna son regard.
Que lui prenait-elle ? Severus Snape était son professeur.
C'est la même réflexion que ce dernier se fit en regardant ailleurs. Jamais il n'avait eu ce genre de pensées auparavant, ni d'autres inquiétudes que celle de mener à bien sa mission. Se préoccuper du bien-être physique de quelqu'un était si désuet.
Snape soupira dans le vide, avant de regarder le sol et de se lever.
« Excusez-moi, marmonna-t-il. »
Le professeur Chourave ne releva même pas lorsque son « adversaire » s'échappa, bien trop occupée à couvrir son visage de ses mains, dépitée.
L'homme se retrouva au pied des gradins, prenant une profonde inspiration afin de reprendre ses esprits. Il fallait qu'il se sorte Granger de la tête ! Et pourtant, il grogna lorsqu'il la vit au loin, se mordillant l'ongle en grimaçant, comme anticipant le tempérament de dragon dont il pouvait faire preuve.
Et pour cause, Snape manqua de fulminer lorsqu'il remarqua sa présence, levant le visage vers le plafond en se tenant la taille, lui qui tournait en rond comme un véritable lion en cage. Oh elle allait le rendre dingue !
« Qu'est-ce que vous voulez, soupira-t-il d'une voix à peine perceptible.
_ Je suis désolée, finit-elle par s'excuser d'un timbre tout aussi bas. Je… Je ne pensais pas que vous serez ici.
_ Je ne pouvais qu'être présent pour ce match. Vous par contre…
_ J'évitais Harry et Ron, lâcha-t-elle soudain en l'interrompant. »
Snape ôta son regard du plafond pour le baisser vers elle, les sourcils froncés.
« Et… les autres également, ajouta-t-elle.
_ Les autres ? »
Hermione soupira en finissant par se poster à côté de lui. De là, son regard se perdit sur un point invisible vers une poutre devant elle afin d'éviter de croiser ses pupilles inquisitrices.
« Ils me cassent les pieds avec… vous. Et nous.
_ Nous ?
_ La vie antérieure qu'on partage, chassa Hermione du plat de la main.
_ Je vous avais prévenu me semble-t-il, lui glissa-t-il en se penchant vers elle, presque fier de lui. Ce n'est plus mon problème de toute façon. Et si je dois être honnête avec vous, vous rendre service ne ferait qu'alimenter les dires de vos camarades. »
Hermione fronça soudain les sourcils.
« Excusez-moi ?
_ Eh bien, si je commence à prendre votre défense, ils s'imagineront que je vole à votre secours, et c'est quelque chose que nous ne voulons pas. »
Hermione eut envie de lui demander si, en d'autres circonstances, il lui aurait tendu la main. Mais elle préféra éviter cette question qui, de toute façon, n'aurait jamais de vraies réponses car un telle situation n'existait pas.
« Je suis donc dans une impasse, lâcha-t-elle en grognant.
_ Ils finiront par se lasser lorsqu'il se rendront compte qu'il ne se passe rien entre nous. »
Snape termina sa phrase en expirant un air embrumé, se retenant de claquer des dents. Le tremblement de sa voix néanmoins, le trahissait et Hermione soupira en le regardant avec un peu plus de compassion. Il venait de fourrer ses mains contre lui en expirant un air glacial, tentant de remuer sur place pour retrouver un peu de chaleur.
« Arrêtez ça.
_ Ne pouviez-vous pas mieux vous vêtir ? accusa-t-il. Et figurez-vous que ce n'est pas volontaire de ma part. »
_ Je suis partie précipitamment pour les fuir, se justifia-t-elle. Vous devriez les voir tous, de vraies sangsues ! Autant dire que ma priorité n'était pas de remonter dans ma chambre pour me chercher une veste plus chaude, surtout quand je me fais harceler pour vous « laisser une chance ». Ils ont tous pété les plombs, je vous assure.
_ Ecoutez, moi je trouve que dans le fond, nous avons échappé au pire alors nous devrions… relativiser.
_ Vous vous moquez de moi n'est-ce pas ? s'exclama Hermione, choquée.
_ Disons que je suis plutôt heureux que vos camarades n'aient pas assisté à vous et moi en pleine action alors que j'aurais été en train de vous… »
Snape mima les choses avec ses mains, mal à l'aise et Hermione devint blême avant d'ouvrir la bouche, outrée. Enfin, elle finit par oser le regarder en face alors qu'il n'en menait vraiment pas large.
« Nous n'allions pas faire ça, s'exclama-t-elle, indignée.
_ Bien sûr que si nous allions le faire, ricana Snape avec nervosité.
_ Je crois me souvenir que j'étais encore vierge dans cette vie.
_ Vierge, mariée et carrément prête à donner votre corps tout entier sur cette rambarde.
_ Par Merlin ! récria-t-elle par réflexe, scandalisée. »
L'homme rit cette fois de bon coeur alors qu'Hermione lui tapait le bras avec sa main, occultant sur l'instant qu'il était son professeur pour demeurer si familière en sa présence. Mais enfin, il fallait dire que le sujet de cette conversation ne l'était que bien trop pour garder ces étiquettes sur le dos.
« Vous imaginez la tronche de Minerva si je vous avais dépucelé devant tout le monde, se mit-il véritablement à plaisanter. »
Hermione ouvrit la bouche, mais Snape ne put s'empêcher de pouffer, encore. Merlin, comment pouvait-il en être autrement de toute façon ? Les faits de ces derniers jours l'avaient tant mis sur les nerfs qu'il fallait bien trouver un moyen de s'extirper de ce genre de pensées.
« Bref, trancha-t-elle. Cela ne résout pas le problème actuel.
_ Très bien, je vous propose un accord Miss Granger. »
La concernée fronça soudain les sourcils avec interêt. Elle croisa les bras devant elle, se tournant vers Snape d'un air intéressé.
« Je consens à vous aider à vous débarrasser de vos camarades collants à une seule condition, et croyez-moi qu'elle n'est pas chère payée. »
Hermione se mit à réfléchir à toute vitesse, anticipant avec crainte ce qu'il s'apprêtait à lui demander. Oh, faites qu'il ne dise pas quelque chose de trop fou, elle en avait assez !
« Vous me faites le plaisir de vous couvrir, trancha-t-il.
_ Quoi ? demanda Hermione, incertaine.
_ Malgré les couches de laine que je me met sur le dos, je suis frigorifié. Je ne peux pas continuer de cette façon, pas au vu de l'hiver qui ne vient que de s'annoncer. »
Hermione éclata de rire devant la mine pourtant bien sérieuse du maître des cachots qui se renfrogna.
« Bien. J'accepte ce marché.
_ Dans ce cas, je ne vous attends pas pour l'honorer dés maintenant, balança-t-il en voulant se dérober pour remonter vers sa place.
_ Quoi, non ! protesta-t-elle en le rattrapant. Je ne retournerais pas au château maintenant, je suis justement venu ici pour les fuir ! En plus, vous devez assister à la fin de ce match, et vous venez de promettre de les faire taire.»
Snape râla plus bruyamment, balançant son visage dans le vide.
« Vous me fatiguez ! »
Hermione se pinça la bouche, avant que Snape ne retire d'un geste brusque son manteau pour le lui mettre sur les épaules. Elle sursauta de surprise, mais c'était peut-être la meilleure solution pour lui étant donné l'allure horrible de ses mains plus blanches encore que d'habitude.
« Oh, merci, marmonna Hermione en enfilant les manches du par dessus en laine bien plus grand qu'elle alors qu'elle lui couvraient les mains.
_ Vous n'avez plus froid ?
_ Non, je vais parfaitement bien, s'exclama-t-elle, ravie.
_ Parfait. Maintenant, déguerpissez. »
Hermione sourit dans le vide en fixant son manteau avant de s'en aller vers les gradins des Poufsouffles. Snape leva les yeux au ciel en remontant les escaliers pour retrouver sa place. Il avait peut-être froid, mais bien moins que lorsque son corps s'évertuait à réchauffer celui de Granger.
Son regard la trouva vite parmi la foule en face de lui et il la vit se blottir dans son manteau en fourrant son nez dans son col.
Merlin, il n'était vraiment pas sorti de l'auberge.
