Note : Bonsoir, bonsoir, on se retrouve déjà pour la suite !
Je préviens, je ne pense clairement pas rester sur le rythme d'un chapitre par semaine (le dernier date du vendredi 26 avril), la suite si tôt c'est exceptionnel mais ce chapitre s'est écrit tout seul. Je posterai le prochain au plus vite, pas dans 50 ans non plus xD - on va voir quand par contre, étant bien inspirée :3. Mini-moment autopub, mais à titre informatif pour ceux qui voudraient peut-être d'autres histoires de ma patte, pas mal de trucs vont sortir ce mois-ci, selon mon temps et mon inspi.
Quant à ce chapitre, on a de l'action, de l'introspection, et du mystère, entres autres choses.
Je vous laisse à la lecture !
Partie 4 - Greedy
Kanda fut réveillé en sursaut. Il avait entendu un gueulement, un mélange de cri d'animal blessé et d'un son à vous faire dresser un mort. Il ne mit pas longtemps à comprendre, dans la peur qui l'envahit instinctivement lui aussi, qu'il s'agissait de l'effroi.
C'était le Moyashi.
Il avait vu quelque chose qui l'avait assez effrayé, pour pousser un son pareil. Lui qui voyait des choses que personne d'autre ne pouvaient voir avec son œil maudit... Kanda fut convaincu dès lors que c'était du sérieux. Il se précipita sur Allen, Lavi en miroir à ses gestes. Les deux garçons posèrent leur main sur l'épaule de l'oméga. Allen pointait la fenêtre du doigt. Lavi fut le premier à s'y rendre.
Il fronça les sourcils, passant ses mains dans ses cheveux, remettant son cache-œil en place, encore nerveux.
« Il n'y a rien.
—C'est pas possible ! » s'écria Allen. « Il était là. Un Akuma, d'une taille gigantesque ! Mais mon œil n'a pas réagi... Il faut me croire ! Ce n'est pas un level 4, ça a l'air d'être... autre chose ! Je ne comprends rien ! »
Il était complètement perdu. Son expression mortifiée, tandis qu'il se griffait presque les bras qu'il retenait contre sa poitrine, témoignait de l'intensité de sa confusion.
Kanda s'avança à son tour, prenant Mugen pour la forme. Lavi n'avait peut-être rien vu, mais il fallait faire confiance à Allen. Son œil n'avait pas réagi pour une raison étrange. Il lui était déjà arrivé la même chose suite à une blessure, si Kanda se souvenait bien. À sa connaissance, Allen n'avait souffert d'aucune lésion oculaire ni d'aucune attaque portée sur son visage, mais peut-être qu'il y avait une raison pour que sa malédiction ne lui permette pas de détecter cet Akuma. Quelque chose qu'ils ignoraient.
Tout ce que Kanda savait, c'était que s'il y avait un enfoiré qui comptait les emmerder en pleine nuit, ils allaient le recevoir. Lui en particulier.
« Écarte-toi, le lapin crétin. »
Sans demander son reste, Lavi s'exécuta. Il attrapa lui aussi son maillet. Allen semblait prêt à transformer son bras, mais il restait en arrière, à toucher son visage, sans comprendre pourquoi son œil ne le brûlait pas.
Kanda ouvrit la fenêtre, faisant un pas de côté, sur le point de bondir...
Il n'y avait rien. Rien d'autre que la brume.
Il parvenait à distinguer quelques habitations, selon les mouvements de l'air, et ses sens surdéveloppés lui auraient permis de détecter le moindre bruit. Il n'aurait pas pu être berné.
Refermant la fenêtre, Kanda pivota vers ses camarades.
« Ouais, il y a rien.
—Je vous jure que y avait quelque chose ! »
Allen combattit sa peur tétanique et sauta sur ses pieds, accourant à la fenêtre pour vérifier par lui-même.
« Je comprends pas pourquoi mon œil n'a pas réagi, je ne comprends pas... C'était si grand, ses yeux faisaient la taille de ta tête, Kanda !
—Moyashi. »
En dépit de son ton sec, Kanda lui envoya instinctivement des phéromones apaisantes. L'oméga en avait besoin. Il paniquait de plus en plus. Et il ne fallait pas qu'il se mette dans tous ses états.
L'alpha posa à nouveau sa main sur l'épaule d'Allen, tentant de fait de le rasséréner. L'oméga s'irritait en scrutant dehors. Kanda l'examina, les sourcils froncés. Ses épaules tremblaient, il le sentait sous sa paume, son dos était transpirant, ses cheveux aussi... Il avait tout l'air d'avoir fait un cauchemar. Un cauchemar mordant, sans nul doute. Il grogna entre ses dents, résolu à chercher à apaiser Allen en l'attirant contre lui, malgré la présence de Lavi. S'il ne voulait pas lui donner du grain à moudre, Kanda sentait qu'Allen ne redescendrait pas sans ça.
Pourtant, le rouquin ne dit rien. Il ébouriffa rapidement les cheveux d'Allen, prenant une inspiration pour relâcher la tension montée en flèche chez lui comme chez eux.
Ils avaient tous eu peur.
Cette histoire d'Akuma géant avait de quoi être terrifiante. Quand ils pensaient à la difficulté qu'ils avaient à vaincre des levels 4 ordinaire, cette chose, quoique ça puisse être, ne leur disait rien qui vaille.
« Kanda, conjura Allen, je te jure...
—C'est bon. »
Kanda le plaquait contre son torse, lui faisant sentir son odeur.
« Non..., » Allen marmonna, se débattant sans trop d'assurance car il hésitait. « Non, je vous assure...
—Al, tu as dû rêver, mon pote. Ça va. On est là. »
Fâché, Allen repoussa Kanda et jeta un regard apeuré dehors. En examinant la fenêtre de plus près, il passa son doigt sur quelques fissures, et les tapota de son ongle avec un sourire de victoire.
« Le monstre était là, il les a faites, c'est la preuve, regardez ! C'est frais ! »
Kanda leva les yeux au ciel, agacé malgré lui qu'il s'obstine alors qu'il était si tard. Allen était rarement de mauvaise foi. Oh, sur certains sujets, Kanda jugeait que oui, mais pas sur ça. Il le pensait aussi assez intelligent pour se rendre compte de quand il fallait s'arrêter. En revanche, s'il était convaincu qu'il ne rêvait pas, bien sûr, ça méritait d'y réfléchir. Kanda gardait confiance en lui. Il avait conscience aussi que son Moyashi était têtu, parfois trop, et à présent, il semblait envahi par les émotions et s'y accrochait.
« Moyashi, on va tous aller se coucher. Si y avait un Akuma, tu l'aurais ressenti. Et sinon... il est parti.
—Tu me crois pas. »
Ça n'avait rien d'une question.
Kanda soupira. Lavi intervint, tout en tirant le rideau convenablement, et attrapant une chaise pour bloquer la fenêtre.
« C'est pas qu'on te croit pas, mais... des fois, les rêves... Je nous barricade, et Yû reste sur ses gardes. Tu l'entendras le premier, s'il revient, hein, mon Yûyû ? »
Se retenant de l'engueuler, décidément plus l'énergie pour ça à même pas trois heures du matin, Kanda hocha la tête.
« Ouais. Je le mettrai en pièces. »
Allen soupira à son tour, se laissant tomber sur le lit.
« Croyez-moi, au moment où j'ai crié, j'étais déjà réveillé... Cette brume, il y a quelque chose de bizarre, je le sens. Cette créature... Je l'ai vu comme je vous vois. »
Sa terreur était palpable. Même Lavi et Kanda n'étaient pas assez cons pour remettre en question ça.
« Alors on sera vigilants, trancha Kanda, décidant de rester sur sa décision d'accorder du crédit à Allen bien que ce soit étrange. Repose-toi. Tu ne pourras pas te battre si tu es crevé. »
L'alpha et l'oméga échangèrent un long regard. Kanda le soutint, voulant transmettre à Allen que justement, il acceptait de le croire, bien que la perspective d'un cauchemar ne l'aurait pas étonné non plus, comme disait le lapin. Allen baissa la tête, un peu honteux, puis il la hocha, acceptant de se calmer et de les écouter.
« Je suis désolé... Je ne comprends vraiment pas...
—Ne le sois pas, rétorqua Kanda avec un ton plat, je ne dormirai que d'un œil. »
Allen lui adressa un fin sourire.
« Merci, Kanda.
—Si Yû veille, tout va bien. Sur ce, bonne nuit les gars ! » s'écria joyeusement Lavi.
Il se jeta entre les draps, éteignant la lumière pour illustrer ses propos. Allen haussa les sourcils, de même que Kanda. Il y en avait un qui était pressé de retrouver son lit. Le maudit finit par avoir un rire léger, soufflant entre ses dents. Sa réaction paisible montrait bien qu'il optait en fait pour le cauchemar. Kanda s'attendit à percevoir de l'agacement chez l'oméga, mais Allen n'en semblait pas blessé. Kanda se doutait de toute façon qu'en se calmant un peu, il serait capable de se dire que lui aussi aurait eu le même sentiment, car ça en avait tout l'air, si l'un d'eux avait fait ce coup-là.
Il y avait quelque chose qui ne collait pas, dont le fait que la créature ne les ait pas attaqués alors qu'elle avait un avantage stratégique net.
Dans l'obscurité, Kanda rejoignit Allen sur son lit, voyant l'autre garçon sursauter à peine en apercevant sa silhouette.
« Tu veux que je reste avec toi ? chuchota l'alpha.
—T-Tu sais que Lavi est là, s'il nous voit... Tu as dit que... tu ne voulais pas... »
Kanda haussa les épaules, Allen finit par distinguer sa silhouette en mouvement. En dépit de l'obscurité, les yeux de Kanda distinguaient suffisamment bien le langage corporel du maudit pour comprendre qu'il était touché par son effort manifeste pour le calmer. Sa main se rapprocha de la sienne, sans la tenir pour autant. Si le geste surprit Kanda, il ne se déroba pas. Il laissa sa main proche de celle d'Allen, agitant à peine son index, leurs doigts se frôlant. Allen devait se demander pourquoi il prenait de si gros risques, lui qui l'avait réprimandé de s'être trop étalé sur leur situation. Kanda trouvait la réponse dans ses narines, bien sûr.
« Tes phéromones, elles sont agitées. J'aime pas ça. Je reste au moins le temps que tu t'en dormes. Si ce truc revient, je m'en occupe.
—J'ai pas peur au point d'être incapable de m'en occuper moi, s'irrita Allen. C'est juste que... Merde... »
Allen eut un petit soupir. Kanda n'aimait pas sentir Allen en détresse. Vraiment pas. Et puis, il voyait bien que le plus jeune avait besoin de ça. Ils n'avaient pas fait de vrais échanges d'odeurs depuis quelques jours, et ça leur pesait. À tout les deux.
S'il était totalement honnête, Kanda en avait besoin. Comme s'il était en manque. Ça lui mit une foutue claque dans la gueule, avec elle un frisson dans le dos. C'était le cas, une claire sensation d'absence qui s'avérait insoutenable. Comme arrêter de respirer sous l'eau quelques secondes.
Avec colère, une colère latente et pourtant apaisée car ils n'y pouvaient rien, Kanda se disait qu'à chaque fois qu'ils laissaient le lien gagner du terrain, ça se retournait contre eux. Les échanges d'odeurs, ils en avaient maintenant une envie folle. Les marques d'affections, les gestes çà et là, même les embrassades, putain, le sexe qu'ils désiraient autant l'un que l'autre, même si Allen avait peur... Tout ce que le lien les avait d'abord forcés à faire, ils y revenaient comme deux connards sans aucun contrôle.
C'est pas bon, que ça m'affecte, ni que j'abandonne. Je devrais pas. Je peux pas. Je dois lutter.
Ce connard de lien avait pris le pouvoir. Même Kanda Yû n'était pas assez fort contre ça.
Oh, bien sûr, Allen et lui n'avaient pas disparus pour devenir des marionnettes. Ils avaient apprécié ce qu'il y avait d'appréciable. Ils avaient fait avec. Les paroles de Link tournaient encore dans la tête de Kanda, accepter et ne plus subir, d'une façon ou d'une autre. Ce qui faisait chier Kanda, ce n'était pas d'aimer tout ça. C'était la cause initiale. Même si elle n'était plus seule, car il ne fallait pas non plus se leurrer, le lien n'était pas seul à avoir terrassé l'armure de Kanda. Allen l'avait fait. Tout seul, comme un grand. Kanda avait juste du mal à démêler le pourquoi du comment. Il ne pouvait pas non plus se dire que sans le lien, ça serait arrivé quand même. C'était dur à digérer. Le lien leur avait permis de se connaître en tant qu'individus, et là-dedans, Kanda y trouvait une consolation.
Plus le temps passait, plus Kanda se disait qu'une bribe de réponse se formait en lui sur ce qu'il pensait de sa relation avec Allen Walker.
Ce pourquoi, Kanda se demandait si Allen n'avait pas raison. Pourquoi se battre quand c'était perdu d'avance ? C'était agréable, d'être ensemble. Kanda ne... détestait plus Allen. Il ne l'avait jamais haï, comme on en veut personnellement à quelqu'un, mais il avait eu du mal avec sa personne.
Cependant, il avait appris à l'aimer. L'apprécier, du moins. Malgré son contact avec sa vulnérabilité la plus nue, qui aurait pu achever le peu de respect qu'il avait pour ce foutu Moyashi parce que bordel ce qu'il avait été chiant, insécure comme un enfant, en quête de validation, d'assurance, mendiant son affection, submergé par l'angoisse et criblé de doutes. S'il n'avait pas ressenti littéralement ses émotions, Kanda aurait été moins indulgent et moins ouvert, sans conteste. Il aurait seulement détesté sa fragilité, sans la comprendre. De même que si Allen ne lui avait pas parlé des raisons derrière tout ça, il n'aurait pas eu les éléments de compréhension pour se montrer justement compréhensif. Kanda avait compris Allen, en plus d'avoir été aux premières loges pour voir que ce connard de lien et ses putains de chaleurs étaient l'élément déclencheur qui lui manquait pour vaciller de la faible prise qu'il possédait sur tout ça. Ça ne leur avait pas facilité la tâche, loin de là.
Et il avait fini par le respecter justement à cause de ça. Pour sa façon de puiser sa force dans le fait de donner de l'énergie aux autres, un peu comme Lenalee le faisait. Le fait qu'il l'avait vu être autre chose que cet enfant apeuré, le fait qu'il le voyait devenir autre chose et avancer, comme il le disait toujours et essayait de le faire à tâtons sans renoncer. La différence, c'est qu'Allen y allait avec de plus en plus d'assurance.
Ce qu'il aimait, le plus, c'était le fait qu'ils pouvaient plutôt bien s'entendre, à titre personnel, quand ils essayaient. Ils s'amusaient, vraiment. Kanda avait trouvé en lui un ami dont il ne se serait pas imaginé avoir besoin.
Pour le reste, Moyashi était jeune, il ne fallait pas l'oublier. Ses insécurités termineraient de guérir avec le temps. Un temps qu'ils n'avaient pas, mais encore une fois, Allen évoluait. Kanda aussi. Assez pour ne plus se borner bêtement. Quand bien même il avait fallu toute cette violence pour le décoincer, Kanda ne regrettait pas.
Puis, il y avait le reste. Cette femme de son ancienne vie qu'il recherchait. Alma qui le hantait. Il commençait à se demander s'il n'y avait pas moyen de conjuguer tout ça, quelque part. Kanda était toutefois déterminé à ne pas mêler Allen à tout ça, parce que c'était trop compliqué.
Cette colère, cette impatience, cette haine de la vie qu'on lui faisait vivre qui ne donnait rien de bon à part de la frustration.
Allen... balayait tout ça, sans que ça disparaisse, mais assez pour le mettre sur le côté. Il le faisait vivre dans le présent. Autant que maintenant que lorsqu'il l'énervait à n'en plus pouvoir. Ça arrivait encore. C'était ça aussi, les relations humaines.
Ça faisait chier Kanda de l'admettre, mais le Moyashi le rendait meilleur. Allen.
Ce n'était pas ça, qu'on cherchait, dans une relation amoureuse ?
Putain, j'suis paumé. J'y pige rien. Et ça me soûle, bordel.
Il ne sut à quoi Allen réfléchissait le temps que Kanda lui-même se demandait tout ça, mais l'oméga finit par avoir le cran de recouvrir sa main de la sienne en chuchotant un "oui" si bas que Kanda crut avoir rêver.
Faisant fi de sa fierté qui devait bien sûr lui dire de refuser, Kanda n'était pas dupe et connaissait son Moyashi, là-dessus, ils étaient un peu pareil, Allen se coucha. Il laissa juste assez de place pour que Kanda se mette derrière lui.
Ça faisait... depuis ses chaleurs, qu'ils ne s'étaient pas retrouvés à partager un lit. En s'installant, passant ses bras autour du corps d'Allen et le collant contre son torse, de manière à ce que son crâne repose juste sous son menton, ses mains sur son ventre, Kanda se rendit compte qu'un échange si intime, si complet, lui avait manqué. Et ça lui fit quelque chose de... vraiment bizarre à l'intérieur, cette idée palpable d'aimer partager son putain de lit. Il hésitait. Il ne savait pas si trop se laisser aller avec Allen au dépit du bon sens devait le freiner, ou au contraire si c'était bien. Juste bien.
Il trancha pour le fait que ça allait, pour le moment, lorsqu'Allen poussa un soupir de bien-être qui se voulut discret mais ne le fut pas. Kanda se retint de ricaner. Il était mignon, ça bordel, on ne pouvait pas le lui enlever.
« Te laisse pas trop distraire par mes phéromones, Bakanda, chuchota Allen à l'entente de son rire, si ce truc revient... il faut qu'on soit tous prêts...
—Je t'ai dit que je le déchirerai. Je te fais confiance, toi, fais-moi confiance. »
Allen grommela dans sa barbe inexistante, insistant sans doute sur le fait qu'il ne comptait pas sur lui pour le tuer. Kanda ne renchérit pas sur ça, il le savait très bien. Il voulut en revanche rétorquer que c'était plutôt lui, qui se laissait avoir par ses phéromones, vu celles de béatitude qu'il lui envoyait. Il ne dit rien, cependant. Il laissait Allen se calmer, le sentant bien sûr malgré lui tout en prêtant une attention particulière aux bruits alentours.
Rien. Il n'y avait aucun son. Que leurs respirations, et celle déjà sifflante de Lavi. Putain, lui, il avait du sommeil en retard pour ronfler en même pas dix minutes.
Et Allen finit par accepter de se détendre vraiment, ses mains à peine hésitantes se posant au-dessus de celles de Kanda, renforçant leur étreinte. Il paraissait particulièrement friand de ce câlin qu'ils échangeaient.
Pour être franc, Kanda aussi. Encore une saloperie d'émotion. Il n'aurait jamais cru autant aimer le contact physique. Ça n'aurait pas marché avec quiconque, à part Allen.
Le coupable était derechef désigné, ou peut-être était-ce un vestige de ce qu'il était - bien avant d'être Kanda. Il se refusait à y penser. Ça ne l'empêchait pas de se demander quel genre d'homme il avait été, en étant pas une abomination scientifique. Il ne le saurait jamais. Il présumait que son caractère devait forcément avoir ressembler au sien, son actuelle personnalité, mais avec des traits plus ou moins fort, accentués par les épreuves de la vie. Ce qui signifiait aussi qu'il aurait pu être très différent. L'idée le perturbait. C'était con, de ne pas savoir qui on était vraiment.
Quand il était avec Allen, ce genre de questions, qu'il ne se posait que peu sous le gré de pensées fugaces qui le saisissaient parfois au vif, n'existaient pas. Seule la sensation de s'être trouvé, essentielle, le submergeait.
Kanda finit par s'endormir au son de la respiration d'Allen, oubliant totalement de regagner son lit.
Quand Allen ouvrit les yeux, cette fois, il était coincé contre le torse de Kanda. La lumière filtrait à peine derrière les rideaux. Lavi dormait encore, il le vit par-dessus l'épaule de Kanda, en se dégageant un peu.
Soulagé, Allen se blottit contre Kanda avec allégresse, dans une sensation de confort. Le fait qu'il l'ait rejoint hier... son instinct d'oméga s'en sentait contenté. Il n'aurait pas pu rêver mieux. Et... encore une fois, Kanda lui prouvait qu'il assumait ce qu'ils avaient. Oh, il ne serait jamais le genre à lui dire des mots doux devant tout le monde, ou à lui démontrer trop d'affection en public, sauf cas exceptionnel - quand il s'était blessé, Allen avait été si choqué qu'il l'ait examiné, cela dit, Kanda était très entier. S'il s'inquiétait réellement, il ne le cacherait pas, bien que sa pudeur domine. -Allen imaginait bien que s'ils prenaient le parti d'avoir une relation comme ça, certaines choses ne changeraient pas. Mais le savoir capable d'être à ses côtés dans l'intimité d'une chambre pour le réconforter, malgré la présence de Lavi, ça le rassurait. Ça le touchait, même, et ça faisait bouillir les sentiments doux qui animaient son cœur quand il regardait le plus âgé. Allen se rendit compte que ça lui avait manqué, lorsque Kanda, dans un réflexe inconscient, serra l'emprise de ses bras autour de son corps.
Comme hier, Allen fut envahi par sa chaleur et se sentit instantanément à l'aise.
Il ne savait pas ce qu'il avait vu cette nuit. Il avait été paniqué, cette peur viscérale... Il fallait qu'il en ait le cœur net, lors de l'enquête d'aujourd'hui. Il ne voulait pas avoir le droit à une autre frayeur de la sorte. Pourtant... les deux autres lui avaient mis le doute. Lavi semblait plus dubitatif que Kanda, bien qu'il soit évident que ce dernier était également perplexe. Allen n'était pas fou. Il avait bien vu les marques sur les carreaux, et elles n'étaient pas là avant. Il le croyait, du moins. En revanche, aurait-il pu ne pas y faire attention ?
De manière honnête, il s'interrogeait. Aurait-il pu rêver si profondément qu'il avait confondu ça avec la réalité ?
La seule fois où ça avait été si tangible, à cause du lien, et dieu qu'il n'aimait pas s'en rappeler, il avait fini par comprendre qu'il avait rêvé une fois bien ancrer dans le réel. Or, il n'y avait pas eu de changement, ce décalage de la conscience après le réveil. Cela ne voulait dire qu'une chose. Il ne rêvait pas.
Pour le moment, du moins, il choisissait de l'ignorer. Ils enquêteraient, ils allaient trouver une solution. L'odeur de Kanda l'aidait à ne pas s'angoisser, parce que la perspective que le pouvoir de son œil ne fonctionne plus le rendait désespéré. La seule fois où c'était arrivé, Allen s'était senti si démuni... De la même façon que lorsqu'il avait été incapable d'utiliser son Innocence. Ça avait beau lui pourrir la vie, ça faisait partie de lui. Il était un Exorciste, il était maudit, et ces capacités qui étaient aussi une malédiction qu'un don, il les avait apprivoisées.
Sans elles, il perdait une part de son être.
Allen aurait aimé rester contre Kanda aussi longtemps que possible, surtout quand son endormissement si profond le faisait sentir si bon. Il était fatigué. Sa nuit fragmentée ne l'avait pas aidé à récupérer.
Kanda finit par se réveiller, lui aussi, et son visage resta détendu lorsqu'il réalisa qu'il s'était endormi ici, contrairement à ce qu'il avait prévu initialement. Allen lui sourit, ne recevant pas le retour, mais pas une expression fermée non plus. Ce qui était encourageant. Il aurait pu se retrouver avec un Kanda bougon de fierté.
Le Japonais n'attendit pas avant de se lever, se soustrayant à la couverture, laissant l'air plus frais rentrer dans le cocon de chaleur que leurs corps avaient créé. Allen frissonna.
« Je vais me lever, et aller explorer dehors. Rejoins-moi avec l'autre crétin dès qu'il se réveillera.
—Oui, murmura Allen à contre-cœur. Merci, Kanda. Pour avoir passé la nuit... contre moi. »
Kanda sembla rougir, bien qu'à peine, et grogna entre ses dents en se relevant. Comme il lui jeta un dernier regard en balançant un 'tch', le maudit sut qu'il n'avait pas été trop loin. Non, Allen l'avait seulement embarrassé. Ça l'amusa un petit peu. Il n'insista pas plus, s'étirant lorsque Kanda sortit du lit. Le plus vieux se dépêcha d'aller faire un tour dans la salle de bain, Allen tournant un œil vers Lavi qui ronflait tout son soûl. Il ne devait pas être plus de 8h, sans quoi, les Traqueurs seraient venus les réveiller. Kanda était toujours le plus lève-tôt de la bande. En dehors des missions Lavi dormait comme un loir si son grand-père lui en laissait l'occasion. Allen pouvait quant à lui être un entre deux. Malgré sa fatigue, il se résolut à sortir lui aussi de son lit, ignorant son grincement de dents lorsque ses pieds touchèrent la moquette fraîche, et donna une petite tape sur l'épaule de Lavi.
Le rouquin grogna, gémissant une première fois, puis une deuxième lorsqu'il persista.
« Lavi, on va devoir y aller.
—C'est bon, c'est bon, j'arrive..., geignit-il, Je dormais bien, moi... »
Allen ricana doucement à son ton plaintif. Lavi se redressa, remettant son cache-œil en place qui avait à peine glissé, et envoya un sourire à Allen, son œil tiré et ses cheveux en bataille reste de son sommeil agité.
Ils allaient tous être dans le même bateau, aujourd'hui.
Les trois exorcistes se préparèrent. Aussi peu réveillés les uns les autres, sauf peut-être Kanda qui affichait une expression mesurée, ils ne se décrochèrent pas un mot et rejoignirent les Traqueurs dehors. Ils convinrent de se séparer. Allen et Lavi auraient pour objectif de chercher des informations au marché, Kanda en patrouille aux alentours. Ils seraient bien sûr escortés, cela leur laisserait le temps d'inspecter les lieux et de se faire une réelle opinion sur ce qui s'y tramait, en restant préparé à une attaque d'Akumas à tout moment.
Allen était vraiment déterminé à trouver des réponses.
Aussi, il savait que si quelqu'un avait déjà vu la même chose que lui, si on lui décrivait cette étrange créature, il saurait qu'il n'avait pas imaginé des choses. Le fait d'en avoir confirmation lui aurait fait du bien. Un truc comme ça qui se baladait, ça ne passait pas inaperçu. Lavi et lui insistèrent en faisant bien attention à poser la question à leurs interlocuteurs et à demander des descriptions.
Pour le moment, personne ne leur avait rapporté quoique ce soit d'un tel acabit. Il semblait seul à avoir aperçu cette gigantesque bête griffue aux grands yeux rouges. Allen ne savait pas s'il trouvait cet Akuma encore plus flippant que les autres, justement parce qu'il ne voyait pas son âme humaine, ou à cause de sa taille. C'était devenu une consolation pour lui, de voir que les monstres avaient le visage humain. L'idée que ce soit autre chose lui effleurait l'esprit. Mais quoi ?
Il avait beau réfléchir, il n'en avait pas la moindre foutue idée. Il espéra que Kanda serait moins bredouille qu'eux. Surtout, qu'il n'aurait pas à affronter ce truc tout seul. Il avait son Golem, Allen avait Timcanpy qui le sentait anxieux et se collait contre son cou et ses joues. Ils pouvaient se joindre. Ça restait inquiétant. Kanda était un alpha, et fort. Ce truc pouvait l'être plus que lui. Rien que l'idée qu'il arrive quelque chose lui nouait l'estomac.
Il avait beau chercher l'apaisement dans des petites choses et les certitudes qu'ils trouveraient une solution, il n'arrivait pas à se défaire de cette trouille. Comme s'il sentait que ce n'était pas comme d'habitude.
Qu'ils pénétraient dans des ronces dont ils n'étaient pas prêts de sortir.
Agacé, Allen donna un coup de pied dans un caillou, qui partit en vol plané, rasant de très près la tête d'un commerçant - ou plutôt d'une commerçante, une jeune femme dans la vingtaine qui les fusilla de son regard bleuté sous ses lunettes et ses cheveux blonds coupés en carré. Allen devint rouge d'embarras, se confondant en excuse, avec un Lavi plié de rire à côté.
« J'suis désolé, vieux, mais là, t'as fait fort.
—Lavi, enfonce pas le clou...
—T'as déjà fait le taffe, mon petit Al. »
S'il lui darda des pupilles meurtrières, Allen reconnaissait qu'il n'avait pas tort. Cachant sa honte dans sa poche, et prenant son courage à deux mains, Allen fit un signe de tête à Lavi. Ils se rapprochèrent de la jeune blonde, décidant de s'adresser à elle pour des renseignements. Bien que l'entrée en matière ne fût pas bonne, ils ne savaient pas ce qui allait en ressortir.
« Bonjour, madame, » commença poliment Allen, essayant de rattraper le coup. « On aurait quelques questions à vous poser, nous sommes des Exorcistes et...
—Je sais qui vous êtes, coupa la jeune femme. Je vous entends parler à tout le monde depuis tout à l'heure. »
Elle avait décidément la dent dure. Il fallait dire que le caillou aurait pu faire mal.
« Alors vous savez ce qu'on recherche, intervint Lavi, prenant son plus beau sourire charmeur. Allez, soyez pas fâchée, mon pote a pas fait exprès. J'peux me faire pardonner pour lui, si vous voulez. »
Allez, c'est reparti, enterrez-moi, pensa Allen, songeant qu'il retrouvait au moins "son" Lavi s'il se remettait à draguer.
« C'est bon, ça ira, soupira la femme, ce n'est pas grave. Je vous écoute. »
Allen s'excusa quand même en se faisant tout petit.
Lavi eut un sourire ravi. Il ne prit pas mal le rejet sous-jacent. Allen s'éclaircit la gorge. Ne voulant pas se retrouver à tenir la chandelle pendant que le rouquin contait fleurette, il fallait mieux qu'il parle.
« Vous savez quelque chose sur cette brume ? »
La jeune femme remit ses lunettes en place.
« Rien de plus que tout le monde. On m'a interdit de sortir après 22 heures, pour ne pas disparaître. C'est tout. »
Cette histoire de couvre-feu était revenue.
Apparemment, il serait mal vu que des étrangers le transgressent, c'était ce que le Maire, à qui ils avaient bien sûr été parlé le premier, leur avait fait comprendre, du moins. Il craignait que si quelque chose devait leur arriver, la faute incombe au village. Ils avaient insisté sur le fait que c'était justement leur métier, de prendre des risques, qu'ils avaient faits appel à eux pour régler le problème, et non pour jouer la carte de la sécurité. L'homme était frileux, craignant que justement, si même des Exorcistes succombaient, ils n'auraient plus personne pour les aider. Cette perspective était compréhensible, néanmoins, tout semblait indiquer qu'il faille justement se promener dans les environs le soir pour en avoir le cœur net.
Allen et Lavi avaient acquiescé pour la forme. Le regard qu'ils avaient échangé avec les deux Traqueurs fut toutefois parlant.
Ils devaient agir en soirée.
« Qui vous a interdit ? minauda Lavi, prenant un air affecté. J'ai du mal à croire qu'on puisse limiter une femme telle que vous.
—Mon mari, » cingla-t-elle avec véhémence, agacée du petit jeu du roux.
Tu l'as pas volé, celle-là, Lavi.
Pas gêné pour deux sous, le rouquin rebondit :
« Je vous conseille d'en trouver un mieux, dit-il en conséquence, un qui vous laisse libre de vous mouvoir en toute tranquillité.
—Bon, ça suffit. J'ai du travail. Si vous n'avez rien à m'acheter, partez. »
Le message semblait clair.
« On va vous laisser tranquille, merci quand même. »
Sur ces mots, Allen tira sur la manche du rouquin en s'éloignant. Visiblement, ils dérangeaient et l'expression fâchée de la commerçante attirait l'attention. S'ils passaient pour des rustres, ça compliquerait les choses et on ne leur dirait rien.
« Attendez. Vous, l'oméga aux cheveux blancs. »
La voix de la jeune femme retentit, contre toute attente. Allen se retourna, laissant Lavi faire quelques pas plus loin. Il évita soigneusement un groupe de personnes qui s'était mis entre eux et l'étalage de vente, revenant se positionner à portée d'écoute.
« Mon époux a participé aux premières enquêtes, avant que le couvre-feu ne soit décidé. On m'a dit qu'il y avait beaucoup d'activité dans le cimetière, et à l'extérieur de la ville. C'est tout ce dont je me rappelle. »
Allen eut un grand sourire.
« Merci, ça va beaucoup nous aider ! »
Cette fois, la blonde lui rendit le sourire.
Allen rejoignit Lavi, et ils avancèrent entre la foule, un nouvel indice pour accomplissement. Quelque chose de concret. Plus l'heure passait, plus il y avait de monde au marché, c'était assez difficile de faire plus de deux pas sans manquer de se cogner à quelqu'un. Difficile donc de rejoindre les étalages commerçant, et sonner aux portes ne servirait à rien. Tout le monde était réuni ici, alors écouter distraitement semblait le mieux. Les deux exorcistes se fondirent dans la foule, déambulant en tendant l'oreille.
« Tu vois, finit par dire Lavi alors qu'ils observaient, j'aurais pas fait tout ça, elle t'aurait pas apprécié plus que moi et elle nous aurait rien dit. »
Allen rit franchement.
« Tu vas me faire croire que c'était calculé comme ça ?
—Bien sûr que oui, je suis plus malin que j'en ai l'air. »
Le maudit eut un petit sourire, ne pouvant s'empêcher de lui donner un petit coup de coude.
« Hm, je crois que ça dépend des jours, ça. »
Lavi siffla entre ses dents. Le coup avait été bien envoyé, il fallait dire. Loin de s'en offusquer, il saisit Allen par l'épaule et le rapprocha de lui, lui ébouriffant les cheveux de l'autre main. Allen se laissa faire, riant volontiers.
Il était content de voir Lavi comme ça.
« Ouais, je sais, je sais, fit le borgne en le lâchant. Des fois, je suis débile.
—J'aurais pas été si dur, Lavi, tu sais bien que c'est pas ce que je sous-entends non plus. »
Lavi secoua la tête, balayant l'air d'un geste.
« Non, mais je le sais très bien. Et je te remercie de me supporter malgré tout. »
Allen lui donna une accolade amicale, suivi d'un petit coup de l'épaule gentillet, et ils se remirent à avancer.
« Elle a dit qu'il y avait davantage d'activité hors de la ville... Tu penses que ça ira pour Kanda ?
—Il va s'en sortir. Yû s'en sort toujours. »
Le maudit avait un mauvais pressentiment. Il acquiesça en signe d'assentiment. Il faisait confiance à Kanda, après tout.
Kanda avait fait le tour de la ville, cherchant des traces d'activités suspectes avec minutie. Le Traqueur qui l'escortait faisait de même, à deux, ils avaient passé toute la zone au peigne fin. Il n'y avait rien à signaler, pour l'instant. Le kendoka décida de s'enfoncer un peu plus dans la forêt, là où le bois s'épaississait. Les sentiers devinrent vite escarpés, puis il n'y en eut plus du tout tant les pentes devenaient abruptes. Il devint évident qu'avancer au petit bonheur la chance serait leur seule option. Ils débouchèrent sur un immense ravin, donnant vers une autre partie de la forêt. Le terrain était humide, toujours si pentu, ce qui était de parfaites conditions pour trébucher comme un abruti, sauf qu'heureusement, il n'en était pas un. Pas ce type-là, du moins. N'empêche que c'était sacrément meuble, comme sol. Les prises sous son pied flanchaient plus vite que le peu de confiance qu'il acceptait de poser en la volonté divine. Il ordonna au Traqueur d'explorer d'un autre côté, il ne voulait pas avoir à le protéger s'ils se faisaient attaquer ici ni se retrouver à le ramasser en bas du dénivelé.
Il était persuadé que si un monstre se cachait ici, le genre de monstre qui les intéressaient, sa planque ne serait pas dans les endroits faciles d'accès. Alors il continuait, s'aidant de branches d'arbres fragiles pour garder son équilibre, jusqu'à enjamber une grande racine entremêlées avec ses sœurs. Il ne dut qu'à ses réflexes surhumains de se rattraper à l'arbre les possédant, car le dénivelé s'accentuait dangereusement.
Et un sourire sépara ses lèvres fines.
Son instinct ne le trompait jamais.
En contre bas, un premier arbre gisait au sol. Ça aurait pu être l'œuvre d'une tempête, mais le tronc était encore intact sur un bon mètre trente et semblait avoir été éventré par quelque chose. La foudre était une coupable toute trouvée dans ce cas. Or, ça ne collait toujours pas, car cet arbre n'était pas le seul. Il y en avait plusieurs. Que la foudre frappe au même endroit tant de fois était hautement improbable. Non, on aurait dit que ce ravin était le terrain de jeu d'une bestiole immense.
Ça concordait avec ce que Moyashi disait avoir vu.
Kanda fut content, ce qui se faisait suffisamment rare pour être souligné, et s'apprêta à descendre quand une sensation chaude le traversa, d'abord dans son dos.
Il n'eut pas le temps de se retourner qu'il était entouré par la brume, elle progressait autour de lui... et devenait de plus en plus brûlante.
Kanda pensa au Traqueur, qu'il avait envoyé de l'autre côté. Il n'en avait pas grand-chose à foutre, de ces mecs, mais... si la chaleur s'intensifiant lui collait presque la tête qui tourne, qu'y avait-il là-bas ?
Il resta planté une seconde de trop, lorsqu'une mèche de ses cheveux commença dangereusement à fumer.
Kanda entendit le hurlement de l'homme, que la brume bouillante devait avoir rejoint, et n'eut d'autre choix que de s'enfuir avant de succomber lui aussi.
Il se laissa glisser le long du ravin, la brume le suivant comme une sentence de mort. Kanda ne se mit à être effrayé que lorsqu'il s'aperçut que sa mèche n'avait pas simplement chauffée. Elle s'était dissout. Vu comme ses cheveux étaient abimés, cassant et enchevêtrés ensemble, ils semblaient avoir été littéralement brûlé par un composé chimique.
Ça ne signifiait qu'une chose, en son cœur, la brume devenait acide. Ce qu'ils recevaient étaient sa distillation, que les arbres et la forêt - bien trop calme ici pour que ce soit normal - rendaient possible. Ou alors, c'était quelque chose de calculé, qui se mêlait avec le véritable phénomène physique. Fort possible.
Kanda remonta par l'autre côté, là où la pente se faisait un peu moins raide. Il s'aperçut que la brume ne le suivait plus. Elle se dissipait. Comme si elle gardait quelque chose dont ils avaient été trop proche. Maintenant qu'elle l'avait fait fuir et qu'elle avait tué le Traqueur - Kanda n'avait aucun doute, le pauvre homme n'avait pas pu s'en sortir vivant - elle s'en allait.
Ne voulant pas brûler vivant, ni finir ébouillanté, le kendoka ne demanda pas son reste et s'appliqua à faire un détour avant de repartir en direction de la ville.
Il fallait qu'il parle de toute urgence à Moyashi et Lavi.
Kanda ne revint qu'à la fin de la journée, retrouvant Lavi et Allen juste devant l'auberge où ils l'attendaient. Ils s'étaient vite aperçus que le kendoka était injoignable. Ils avaient envoyé les Traqueurs le chercher, après avoir eux-mêmes arpenté les environs et décidé de rester là au cas où leur camarade reviendrait. Allen se faisait un sang d'encre, tous les scénarios possibles valsant dans sa tête depuis une heure. Il avait réessayé d'appeler Kanda avec Timcanpy pendant toute la première demi-heure, mais ça n'avait toujours rien donné. Ça lui avait fait peur, en dépit de tout ce qu'il pouvait se dire pour se rassurer. Son pressentiment s'était confirmé, quelque chose était bien arrivé, il en voyait toutes les preuves.
Lavi faisait de son mieux pour ne pas montrer qu'il flippait tout autant. Les deux amis étaient sous tensions, à tourner comme des lions en cages.
Lorsque Kanda fut enfin devant eux, l'oméga accourut, alarmé de l'apercevoir seul, sans Traqueur et sans golem.
« Kanda ! Tout va bien ? Que s'est-il passé ? »
Le Japonais grinça dents. Allen avait le visage froncé d'inquiétude.
« Moi, ouais. Le type qui m'accompagnait a été bouffé par la brume.
—Comment ça ? » demanda Lavi, son œil unique s'ourlant.
Kanda eut une expression grave.
« C'est littéral. »
Il attrape une mèche de ses cheveux, montrant la partie salement brûlée. Allen fronçait davantage les sourcils, Lavi l'imitant actuellement.
« Je ne sais pas ce qu'il y a ici, mais ça veut pas de nous. Y a aussi plusieurs arbres défoncés. L'œuvre d'un gros Akuma, ou du moins, de quelque chose de très énervé. J'ai jamais vu ça. Moyashi, t'as pas rêvé. »
Lorsqu'il parla de sa sensation d'avoir été repoussé à dessein, de la façon dont la brume avait commencé à se dissiper et à ne plus le rechercher lorsqu'il avait choisi de s'éloigner, son détour étant la raison de son arrivée tardive - ne sachant jusqu'à quel point il était en sureté pour bifurquer, il avait préféré le faire d'un endroit qui lui avait paru assez éloigné. Il n'avait voulu prendre aucun risque. Même Kanda Yû semblait hagard. Tout cela devenait fort épineux. Ce n'était pas habituel, comme phénomène paranormaux, doublé d'être particulièrement violent. Ils restèrent à se poser les mêmes questions. Était-ce l'effet d'une Innocence ? Un problème plus gros, avec les Noah ? Était-ce même de leur seul ressort ? Devaient-ils prévenir Komui, Luberrier, pour demander du renfort ? Au moment où ils hésitèrent à le faire, des pas retentirent derrière eux.
Allen se tourna vers les deux autres Traqueurs, qui les rejoignirent. Il annonça la mort de leur camarade, frissonnant en pensant à l'horreur de ce qu'il avait dû subir lors de ses derniers instants.
Les deux hommes prirent le parti de faire leur rapport, laissant les trois Exorcistes se mettre d'accord sur la façon dont ils allaient procéder.
« Je crois qu'il n'y a qu'une chose à faire, déclara Allen, on doit aller dans ce fameux cimetière cette nuit. »
Lavi et Kanda opinèrent.
Allen était décidé. Tout se confirmerait ce soir.
Au moment où Lavi rentra le premier pour se préparer à l'hôtel, dans lequel ils prendraient un bon repas avant de repartir, Kanda s'approcha du jeune Anglais.
« Il faudra être prudent, Moyashi. Tu avais un bras dans le plâtre il y a même pas une semaine.
—Kanda, je vais bien. Arrête de t'inquiéter pour moi. Je ne régénère pas aussi vite que toi, mais mon Innocence me soigne, mon corps se rétablit vite, et je ne suis pas devenu impotent. »
Piqué au vif, Kanda rosit à peine et grogna un 'tch' entre ses dents.
S'il était un peu agacé de sa sollicitude, ça faisait deux fois qu'il mentionnait sa blessure en lui disant de faire attention, le caractère d'Allen ne lui faisant pas apprécier d'être trop couvé, il était aussi touché de son attitude protectrice en vérité.
Kanda saisit doucement son bras, comme pour transmettre l'intensité de ses émotions. Ses odeurs... affluèrent. Allen le huma malgré lui.
« Je suis sérieux. On ne sait pas ce qui se passe, ça peut être n'importe quoi, et je ne supporterai pas qu'il t'arrive quelque chose. »
Son sérieux fit fondre le cœur d'Allen. Il posa son autre main au-dessus de celle du plus âgé, la même détermination dans le regard.
« Moi non plus, Kanda. »
Ils étaient sur la même longueur d'ondes.
Kanda se déroba au contact le premier, autant par pudeur que parce qu'il était suffisant, et monta se reposer à son tour.
Allen darda un œil sur les arbres qui surplombaient la ville, d'où commençait à descendre une légère pointe de brume.
À suivre...
Note : Ça avance encore doucement au niveau du Yullen, mais ça avance bel et bien ! Je peux rien vous révéler directement (sinon ça serait dommage hein o/) maiiis tout ce que je peux dire c'est que la prochaine dizaine de chapitres va être déterminante pour ce qui est de la relation d'Allen et Kanda, et qu'on va se concentrer un peu plus sur ce cher Kanda.
Un avis ? Ça vous a plu/ça vous a pas plu/vous avez hâte de la suite ou vous avez une hypothèse à partager sur l'évolution de l'intrigue ?
N'hésitez pas à me le communiquer, ça fait toujours plaisir. TwT
Bon dimanche à vous et à la prochaine !
