Chapitre 17 : L'Épéiste

« Tu n'es pas obligée de faire ça, tu sais. Je peux retrouver mon chemin tout seul. Probablement. Et ça ne me dérangerait pas d'explorer encore un peu...

-Le Jeune Maître m'a dit de te raccompagner à ta chambre. » Pekoyama le regarda de haut. « Nous allons à ta chambre. »

Ah, ça n'avait pas marché. Naegi se mordilla la lèvre. Pekoyama se retourna brusquement vers l'avant. Elle avançait d'une démarche énergique et rapide et Naegi était pratiquement contraint de trotter pour ne pas se retrouver à la traîne.

« Je sais que tu ne m'aimes pas beaucoup, dit Naegi. Je... Je suis désolé ? C'est quelque chose que j'ai dit tout à l'heure ? Je sais que Kuzuryu-kun s'est énervé quand je lui ai dit que je ne faisais pas partie du Désespoir Ultime, mais c'est vrai. Je ne suis pas comme vous...

-Arrête. »

Naegi fronça les sourcils. « Hein ? Je...

-J'ai dit arrête ! »

Pekoyama se plaça vivement devant lui, lui barrant la route. Elle leva le bras, ses doigts se refermant autour de la poignée de l'épée rangée dans son dos. Ses yeux rouges brûlaient de colère ; montrant les dents, elle siffla avec hargne :

« Ne me compare pas à eux. »

Il n'y avait qu'une raison pour laquelle la comparaison pouvait la contrarier. Et c'était inimaginable. Elle était , non ? Elle les aidait. Comment pourrait-elle ne pas … ?

Il devait en avoir le cœur net. « Pekoyama-san, es-tu en train de dire que tu ne fais pas partie du Désespoir Ultime ?

-Je suis une extension de la volonté du Jeune Maître. » Une partie de sa fureur avait quitté sa voix. Naegi ne savait pas si c'était parce que sa question l'avait calmée ou parce qu'elle avait réalisé d'elle-même qu'elle allait trop loin. « A travers lui, peut-être, je suis un agent du Désespoir. Mais je n'y appartiendrai jamais.

-C'est ... » C'est incroyable, était sur le bout de sa langue, mais il se tint coi, ne sachant pas comment elle allait le prendre. « Tu veux dire que tu es là depuis tout ce temps et que tu as réussi quand même à résister au désespoir ?

-Je n'avais pas le choix. » Lentement, le bras de Pekoyama retomba. « Mon Jeune Maître ne vit plus que pour le désespoir à présent. C'est pourquoi il doit trahir sa conscience, asservir ses alliés, blesser ses proches... » Elle hésita un instant puis lui tourna rapidement le dos. « Chacun de ses mots cruels est une supplication de nourrir son désir, et ma douleur... c'est ce qui lui apporte du désespoir. Si je succombais au désespoir maintenant, je commencerais à apprécier sa cruauté. Je le priverais de ce désespoir. Et c'est... » Ses tresses se balancèrent quand elle fit un pas en avant et pivota sur ses talons. « C'est pourquoi je dois continuer à endurer ça. Pour mon Jeune Maître, je ne peux pas désespérer ! »

Ce type de loyauté, c'était quelque chose que Naegi ne pouvait pas comprendre. Si Kirigiri ou Asahina ou un autre de ses amis avait sombré et avait rejoint le Désespoir Ultime, il n'aurait pas pu lui rester loyal. Il aurait essayé de l'aider, oui, de le soigner, mais il n'aurait jamais pu collaborer avec lui.

« Pekoyama-san, je peux voir que tu es très loyale à Kuzuryu-kun, mais est-ce encore qui il est vraiment ? Je ne pense pas qu'il ait toujours été comme ça... »

Naegi s'interrompit. L'épée de Pekoyama, très tranchante, très dangereuse, flottait à un pouce de sa jugulaire.

« Je suis toujours là, dit-elle d'un ton féroce. Je suis toujours vivante. Il m'appelle Peko. Mon Maître vit encore quelque part en lui. Aussi longtemps que restera une trace de lui, mon devoir est envers lui. Si c'est la voie qu'il a prise, alors je le suivrai.

-Est-ce que c'est ce qu'il aurait voulu ? demanda Naegi. Pas ce Kuzuryu-kun, mais celui que tu avais connu au début et à qui tu faisais confiance. Tu penses que ce Kuzuryu-kun aurait voulu que tu ailles aussi loin ?

-Ce qu'il voulait n'a pas d'importance, déclara Pekoyama. Je me soucie seulement de ce qu'il veut.

-Mais aller jusqu'à le soutenir peu importent ses actions, peu importe la cruauté de ses projets, même quand tu sais qu'il ne l'aurait jamais voulu... n'est-ce pas en soi une trahison ? »

Pekoyama resta silencieuse. La pointe de son épée frémit.

Ce fut un pur instinct primitif qui l'avertit. Il trébucha quand il tenta de s'écarter… ce qui lui offrit un gros plan de l'épée de Pekoyama passant au-dessus de son visage. Des fissures s'étendirent comme une toile d'araignée autour de la lame quand elle s'enfonça dans le mur.

« Comment oses-tu. » Une ombre avait recouvert le visage de l'Épéiste Sa frange lui tombait sur les yeux, mais leur couleur rouge semblait briller entre les mèches.

« Je suis désolé, je ne voulais pas t'insulter... !

-Tu es juste comme elle, dit Pekoyama alors que Naegi se hâtait de s'asseoir. « A viser les doutes et les peurs, à manipuler et contrôler les autres par des mots. J'ai vu ce que tu as fait à Komaeda Nagito. Il est devenu... agressif. Tu l'as transformé en chien de garde.

-Je n'ai rien fait ! rétorqua Naegi depuis le sol. C'est lui qui a choisi de faire tout ça. Je veux juste qu'il me laisse partir ! »

Ses mains l'attrapèrent par le col avec tant de force que ses articulations en devinrent blanches. Elle le releva et le plaqua contre le mur. L'éclat de ses yeux rouges enflait et engloutissait le monde, le peignant de teintes écarlates.

Elle demanda : « Pourquoi devrais-je écouter les paroles du Désespoir Ultime ? »

A cet instant, il oublia. Il oublia le titre de son interlocutrice et l'épée empalée à moins de trente centimètres de son cerveau. Il lui agrippa le poignet et serra, bien qu'elle ne parut pas le sentir.

« Je ne suis pas l'un d'eux ! cracha-t-il. Je ne renoncerai jamais ! »

Elle croisa son regard avec froideur. « Si tu le dis. »

Il dut se rappeler de respirer et il s'exécuta agressivement, chauffant l'air qui les séparait. Pekoyama ne bougea pas. Elle le tenait toujours par sa chemise et son col s'enfonçait dans son cou. Ses poings serrés tremblaient, de peur ou d'indignation, il ne saurait le dire. L'électricité dansait sur sa peau, sautant de muscle en muscle. Il ouvrit la bouche, incertain de ce qui allait sortir...

« Désespoir en danger ! »

D'un mouvement rapide, Pekoyama le relâcha, se retourna vivement et trancha en deux le robot Monokuma qui se précipitait vers eux. Pris par surprise, Naegi heurta le sol de plein fouet. Pekoyama se retourna à demi vers lui. Son épée élégante était luisante d'huile.

« Elle était censée avoir disparu, dit Pekoyama. Cela a grandement fait souffrir mon Maître, mais j'étais si heureuse qu'elle soit morte. Mais maintenant tu es là. Elle survit à travers toi. Son influence est aussi résistante qu'un cafard.

-C'est en rapport avec les trucs bizarres que Komaeda-kun a racontés ? demanda-t-il. Il a tort. Je ne suis pas comme elle. Je ne suis pas Enoshima ou son enfant ou quoi que ce soit.

-Que tu sois réellement connecté à Enoshima Junko ou non est sans importance, dit Pekoyama. Ce qui importe c'est qu'ils le croient. Tu es l'Espoir Ultime... et maintenant, tu es devenu l'espoir du Désespoir Ultime. Ils sont revigorés par ta présence. Tous les dégâts apportés par la mort d'Enoshima ont été annulés.

-Ce... Ce n'est pas possible ! » Il était heureux d'être assis, car sinon ses jambes se seraient dérobées. Il aidait le désespoir ? Non. Non, c'était impossible ! Rien ne l'indiquait. C'était faux !

Elle modifia sa prise sur son épée. Son seul regard était suffisamment tranchant pour faire couler le sang.

« Debout. »

Quand Naegi hésita, elle le releva brutalement. Elle le saisit à nouveau par le bras et l'entraîna avec elle. Il ne résista pas et laissa Pekoyama le conduire le long du couloir. À un moment, elle jeta un coup d'œil latéralement et parut visiblement surprise.

Naegi suivit son regard.

Oh. Depuis combien de temps Kamukura regardait-il ?

Pekoyama pressa le pas. Elle tressaillait comme si elle s'empêchait de regarder derrière elle. Naegi, cependant, n'était pas limité par des restrictions similaires, et ne s'en priva pas. Kamukura les suivait d'un pas assuré ; on aurait dit qu'il ne cillait même pas. Il avait une démarche très particulière. Ses pas ne faisaient pas le moindre bruit et ni ses bras ni ses épaules ne bougeaient.

« Voilà. » Pekoyama le poussa vers la porte de la chambre – qui portait à présent, en effet, la plaque avec son nom dessus. « J'ai accompli ma tâche. »

Elle s'éloignant, faisant un large détour pour éviter Kamukura quand elle passa devant lui. Kamukura ne la regarda même pas.

« Naegi Makoto. J'ai cru comprendre que tu étais plutôt doué pour lire les autres.

-Je suppose ? » Naegi haussa vaguement les épaules. « Enfin, je m'entends bien avec la plupart des gens donc je suppose que je suis plutôt bon à ça. »

Il y eut une longue pause. C'était apparemment chose normale quand on avait affaire à Kamukura.

« Je savais que tu provoquerais cette réponse de sa part, et pourtant... pourquoi ? » interrogea Kamukura. Il cligna des yeux. Le mouvement paraissait plus forcé que naturel. « Étais-tu au courant qu'elle avait reçu l'ordre de ne pas te faire de mal ?

-Vraiment ? On n'aurait pas dit.

- … Il doit te manquer un instinct de conservation.

-Hé ! Ce n'est pas... !

-Je n'ai jamais vu une créature aussi déterminée à faire pencher la balance en sa défaveur, continua Kamukura. Est-ce que ta malchance en est un prolongement ?

-Je n'essaie pas de m'autosaboter ! C'est juste qui je suis », marmonna-t-il, ses joues s'enflammant.

Un autre silence caractéristique.

« Je vois. »

Que... qu'est-ce que ça voulait dire ? Kamukura n'avait pas bougé, mais son langage corporel semblait soudain beaucoup plus menaçant. Restant dos au mur et gardant les yeux rivés sur Kamukura, Naegi chercha la poignée à tâtons. Dès qu'il l'eut trouvée, il ouvrit la porte à la volée et bondit à l'intérieur.

Il eut droit à environ trois secondes de répit avant que Kamukura n'ouvre simplement la porte et le suive à l'intérieur.

Et zut.

« J'espérais être un peu seul », se plaignit Naegi.

Kamukura la fixa. Au moins il serait silencieux. Mais qui parlait en arrière-plan ?

Naegi se retourna lentement, rétiçant toujours à tourner le dos à Kamukura. Là-bas, accrochée au mur en face de son lit, se trouvait la télévision que Soda lui avait promise. Elle était de bonne taille, et l'image était bien nette, c'était juste que... que...

Que diffusait-elle ?

On y voyait une sorte de rassemblement. La plupart des gens dans la foule portaient des masques Monokuma. Ils formaient un large cercle autour d'une plate-forme en bois surélevée, laissant dégagé un chemin reliant les marches de la plate-forme à l'extérieur de l'écran. Soudain, des acclamations s'élevèrent et quelques secondes plus tard, une fille souriante apparut à l'écran, saluant la foule de la main. Sonia Nevermind, Princesse Ultime par excellence, décocha un baiser à la foule en adoration avant de monter les marches de la plate-forme, passant entre deux torches. Elle était suivie d'un peloton de gardes royaux et d'une jeune fille rousse portant un appareil photo.

« C'est ça que tout le monde regarde en ce moment ? » demanda Naegi. Kamukura ne répondit pas. Il pensait sans doute que la question était idiote.

La Princesse parlait dans une langue qu'il ne comprenait pas. Elle fit signe à quelque chose en dehors de l'écran puis, par le chemin qu'elle avait emprunté, arriva une file de prisonniers enchaînés. Chacun était encadré par deux gardes. Naegi ne pouvait pas distinguer leurs visages à cette distance, ni ne savait pourquoi ils étaient présents. Le premier homme de la file fut sélectionné et traîné sur la plate-forme. Sonia se tourna vers son public, s'adressant à elle avec force et assurance et derrière elle, un des gardes s'empara d'un long morceau de métal et le tint dans les flammes brûlantes...

« Kamukura-kun, comment je fais pour l'éteindre ? »

Kamukura ne répondit pas.

« Kamukura-kun... ! »

Des frissons lui parcoururent l'échine quand les hurlements s'élevèrent de la télévision. Il tournait le dos à l'écran, mais il pouvait entendre assez de cris pour imaginer la scène. Il courut aux étagères, en quête de la première chose qui ressemblerait à une télécommande.

Kamukura soupira. « C'est si prévisible. »

Il attrapa un de ses romans et l'utilisa pour bloquer sa vue. Il détestait l'idée de s'approcher de la source des cris, comme s'il entrait réellement sur le plateau lui-même, mais il devait le faire. Il tâtonna sur les bords de la télévision, cherchant une plaque ou un moyen d'atteindre le cordon d'alimentation, mais la télévision avait été vissée directement dans le mur. Impossible de passer derrière pour trouver l'alimentation et la télévision elle-même n'avait pas de bouton. Naegi cessa ses recherches pour réfléchir, respirant à vive allure, et les cris qu'il entendait se turent brusquement.

Le silence était pire.

Il n'osa pas regarder. Sans possibilité d'éteindre le poste lui-même, il tambourina sur le mur de droite, appelant le nom de Komaeda. A peine une seconde s'écoula avant que le garçon aux cheveux blancs ne passe la tête par la porte.

« Naegi-kun ! ronronna-t-il. Tu t'es souvenu de moi ! »

Naegi pointa la télévision du doigt. « Comment tu fais pour l'éteindre ? »

Komaeda parut perplexe pendant une seconde. « Ah, ne t'inquiète pas pour ça. Elle est déjà programmée pour s'éteindre automatiquement à dix heures chaque soir.

-Ok, mais je veux l'éteindre tout de suite. Ou je veux changer de chaîne, ou... Il n'y a pas moyen que je le fasse ? »

Komaeda émit un léger « hmm ». Il entra nonchalamment dans la pièce, les mains dans les poches. « Je suis content que tu m'aies appelé. J'étais sur le point d'aller te chercher de toute manière. Quelle aubaine !

- … La chaîne ?

-Oui, nous allons devoir la changer, dit Komaeda. Ce n'est pas la bonne chaîne. Ce n'est pas celle qu'on veut. »

Naegi ne dit rien. Quelque chose ne tournait pas rond. Komaeda acquiesçait mais son visage avait revêtu le même air absent que lorsqu'il choisissait de ne pas vraiment écouter. Il passa tranquillement devant Naegi et s'assit au bord du lit. Le regard qu'il lança ensuite à Naegi était amical, mais il y avait derrière une couche d'autorité qui exigeait l'obéissance. Se sentant comme une souris approchant un chat, Naegi le rejoignit et s'assit à côté de lui. Komaeda sortit ce qui était indéniablement une télécommande et changea de chaîne. Il zappait tellement vite que Naegi ne pouvait avoir aucun aperçu du thème des émissions avant que la chaîne ne se stabilise.

Il y avait une table. Près d'elle, se trouvait ce qui semblait être un chariot bien rempli du centre médical. Tsumiki était présente, inspectant le contenu du chariot.

« Je connais cette pièce », marmonna Naegi. Il avait l'estomac lourd.

Komaeda lui tapota la main. « Pense juste de manière optimiste, Naegi-kun. »

Pendant un moment, il n'y eut que ça : Tsumiki tournant autour du chariot. L'unique lumière de la pièce projetait des ombres longues et grotesques qui se tordaient à chaque fois que l'infirmière bougeait.

Puis, quelqu'un d'autre entra. Deux autres personnes, pour être exact. Il eut une sensation de déjà-vu ; peut-être que ce n'était pas Nidai, mais Naegi pouvait parfaitement se reconnaître en l'homme qui se débattait, amené par Owari. Il avait peine à croire à quelle point elle était forte, surtout quand elle était assez maigre pour qu'on puisse l'imaginer se briser en deux. Cela dit, elle eut du mal à tirer l'homme sur la table. Naegi n'aurait pas pensé que Tsumiki puisse faire une grande différence, mais ce fut apparemment le cas car toutes deux parvinrent avec succès à le soulever et à l'attacher.

Naegi tenta de regarder Komaeda pour se rassurer, mais le Chanceux lui attrapa le menton et l'orienta de nouveau vers l'écran en murmurant : « Ça va commencer. »

Tsumiki et Owari s'écartèrent toutes deux de la table, dégageant une vue imprenable sur l'homme. Bien qu'on était loin d'un gros plan, la terreur y était facilement lisible. La peau de l'homme était livide et Naegi sentit sa propre peau pâlir en retour. Il pouvait presque se voir lui-même là-bas, se débattant aux côtés de l'homme, une terreur chaude et glaciale lui mordillant les talons et lui léchant le fond de la gorge...

Il laissa même échapper un cri quand l'image changea. Celui ou celle qui dirigeait l'émission devait avoir changé quelle caméra diffusait parce que la prise de vue aérienne de la pièce laissa place en une fraction de seconde à une vue frontale sur Tsumiki qui souriait et faisait des signes de la main à l'objectif (Owari reprenait difficilement son souffle en arrière-plan). Tsumiki se pencha en avant, pouffant.

« Hello tout le monde ! chantonna Tsumiki de sa voix suraiguë. Je suis contente de vous revoir. »

Comment pouvait-elle être aussi frivole quand cet homme haletait et gémissait derrière elle ? Si Komaeda n'était pas intervenu, se serait-elle comportée ainsi avec lui sur la table ? Plus il y pensait, plus le monde se brouillait et une fois encore, il était là sur cette table, chevilles et poignets maintenus alors que des ongles s'enfonçaient dans ses lèvres...

« Je sais que notre émission n'est pas diffusée aujourd'hui d'habitude. J'espère que personne n'a dû choisir entre me regarder ou regarder quelqu'un d'autre...

-Si, dit Owari, bâillant à s'en décrocher la mâchoire. Sonia exécute des traîtres aujourd'hui.

- Hiiik ! » La chevelure de Tsumiki vola avec son cri. « Ah, Votre Majesté, je suis vraiment désolée ! S'il vous plaît n'en soyez pas fâchée. »

Mais alors elle baissa le ton. Des ombres jouaient sur son visage, lui donnant une apparence grisâtre semblable à celle d'une mauvaise fée.

« Mais je devais le faire. » Il n'y avait plus trace de timidité. Seulement quelque chose que Naegi ne pouvait décrire. Quelque chose … de sinistre. « Nous célébrons un événement très spécial après tout. »

Et elle était à nouveau radieuse et enjouée. « Nous avons un nouvel ajout à la famille !

-... Elle parle de moi, n'est-ce pas ? demanda Naegi.

-Je lui ai promis de faire en sorte que tu regardes son émission », dit Komaeda.

Comme si elle pouvait les entendre, Tsumiki agita la main. « Coucou, Makoto ! Fais attention à être bien attentif. Je vais tout t'apprendre sur mon travail. Ah, voyons voir... On était supposé commencer par une démonstration cette fois, non ? Owari-san, avons-nous des requêtes de la part des téléspectateurs ?

-Attends, je suis encore en train de regarder. » La langue coincée entre les dents, Owari passait ostensiblement quelques lettres en revue. « Hé, en voilà une bien. Apparemment, tu n'as jamais essayé ce truc vert que tu as fabriqué il y a deux semaines.

-Oh, c'est vrai. » Tsumiki pouffa à nouveau derrière sa main. « Je l'avais promis, non ? Je suppose que c'est la seringue numéro cinq, alors. »

Elle s'empara d'une énorme seringue remplie d'une sorte de liquide vert et brillant. Ou peut-être était-ce plus exact de parler d'une matière gluante ; quand elle l'agita, le liquide était particulièrement visqueux.

« C'en est une grosse, dit Tsumiki, l'air sur le point de rire à une blague connue d'elle seule. Si longue et si dure ... »

En un clin d'œil, Komaeda avait plaqué ses mains sur les oreilles de Naegi. Komaeda ne le laissait toujours pas détourner le regard, mais au moins il n'avait plus à entendre les sons de détresse de l'homme.

Tsumiki tourna le dos à la caméra et fit face à la table, et Komaeda retira ses mains. Naegi lui jeta un regard interrogateur.

Les bras croisés, regardant le mur en fronçant les sourcils, Komaeda dit : « Tu es trop jeune. »

Quelque part en arrière-plan, Kamukura soupira.

Quand Komaeda força son menton à se retourner vers l'écran, ce fut pour voir un Monokuma portant une blouse blanche de laboratoire et un stéthoscope. L'ours se tenait devant une roue géante, semblable à celles que l'on verrait dans un jeu télévisé. Chaque tranche de la roue avait une différente partie du corps inscrite dessus et le Monokuma émit un rire similaire à Tsumiki quand la roue s'arrêta sur « sous l'ongle ».

« Ok ! » Un peu de liquide tomba du bout de l'aiguille alors qu'elle la levait dans les airs. « Allons-y ! »

Oh mon dieu. Il avait compris – oh mon dieu. Il tenta désespérément d'arracher ses yeux de l'écran, mais Komaeda ne l'entendit pas de cette oreille. Il déplaça ses jambes de manière à prendre Naegi en tenaille et lui attrapa le menton à deux mains pour le maintenir en place.

« Tu vas lui faire de la peine, dit Komaeda, comme si c'était ça le problème. Elle était si excitée de faire ça pour toi. »

Pourquoi... ? Pourquoi Komaeda lui faisait-il faire ça ? Il ferma les yeux ; au moins avait-il cela. Mais il ne pouvait rien faire pour protéger ses oreilles. Il tenta de se retirer en lui, d'éteindre ses sens, mais ce n'était pas comme ça que son esprit fonctionnait. Il entendit chaque cri, saisit chaque sifflement et gargouillis, les répétait dans son esprit jusqu'à ce qu'ils se mélangent. Il pouvait sentir le désespoir suinter de l'écran.

Il entendit la voix d'Owari. « Je ne pense pas qu'il tienne encore longtemps. »

Les muscles qui maintenaient ses yeux fermés commençaient à le lancer. Il crispa les mains et les bras pour se distraire.

« Ouaip. Ok. Il a trépassé. »

Cela lui apporta du soulagement, mais à peine. Il se tourna à moitié vers Komaeda, espérant que c'était terminé.

« Oh, c'en était une bonne ! s'écria Tsumiki. C'est peut-être bien le poison qu'elle recherche. J'espère que tu as vu ça, Makoto ! »

Il gémit.

Derrière lui, Komaeda bougea. « Hmm, peut-être que c'est suffisant pour le moment. Nous ne voulons pas exagérer le désespoir. On n'aura qu'à dire à Tsumiki-san que tu as tout regardé. »

Il appuya sur un bouton et l'écran s'éteignit.

« Je ne comprends pas, dit Naegi. Pourquoi fait-elle quelque chose de si horrible ? Comment peut-elle y prendre plaisir ? Pourquoi faire ça ?

-Pour le désespoir », dit Komaeda, et on aurait dit qu'il roulait des yeux.

Tu n'es pas vraiment mieux, il voulait dire, mais il garda le silence.

« Elle a fait ça pour moi, marmonna Naegi. Est-ce qu'elle pense vraiment que c'est ce que je veux ? »

Komaeda ne dit rien, alors Naegi continua. « Est-ce que tu... tu penses qu'elle m'écouterait si je lui disais d'arrêter ? Je pense que je pourrais lui faire arrêter de faire du mal aux gens pour moi, au moins. »

Komaeda lui serra l'épaule d'un geste encourageant. « C'est ça, Naegi-kun. Laisse ton espoir briller ! »

… Cet abruti. Il faillit dire quelque chose...

« Bon, c'était ennuyeux », dit Kamukura.

Parfois, Naegi ne savait pas s'il détestait davantage être enfermé ici ou à Hope's Peak.