Hey mes cocos, merci de m'avoir attendus. Je vous préviens qu'il est mention d'abus et de violence dans ce chapitre. Si ce sont des sujets sensibles pour vous, je vous laisse passer ce chapitre.
Bizette
Chapitre VI:
Deux semaines plus tard…
Dans la cuisine sobrement ornée des Snape, un silence confortable s'installe ce dimanche de février. La lumière blafarde, filtrant à travers un rideau élimé, révèle les contours usés mais propres de l'endroit. Eileen, les cheveux d'un gris perle tirés en un chignon strict, s'affaire devant sa vieille cuisinière émaillée. Elle manie avec une expertise tranquille une spatule ébréchée, retournant son "Bubble and squeak" improvisé. Pas de steak aujourd'hui, mais un œuf au plat trône fièrement au centre, frémissant légèrement.
À l'entrée de la pièce, Severus, le visage émacié s'appuie nonchalamment contre l'encadrement de la porte. Sous son bras, il tient une tourte, subtilisée plus tôt dans la matinée des cuisines de Poudlard. Son regard sombre et scrutateur détaille la scène devant lui, un sourcil légèrement arqué, une expression de scepticisme peinte sur ses traits fins.
« Heureusement que j'ai rapporté de la tourte… » lance-t-il d'un ton qui se veut détaché, mais dont la froideur contraste étrangement avec la chaleur émanant du fourneau.
Eileen, sans interrompre son mouvement rythmé, répond sans se retourner, sa voix portant cette pointe d'ironie teintée d'affection que seul un fils pourrait déceler. « Ne fais pas de manière, Severus. Tu en mangeais de bon cœur quand tu étais enfant. »
Il s'avance lentement, posant la tourte sur la table recouverte d'une nappe à carreaux légèrement passée. « Oui, évidemment, j'en mangeais de bon cœur, » réplique-t-il, son sarcasme mordant soulignant les mots de bon cœur comme pour marquer une distance non seulement avec le plat en question, mais aussi envers un passé où le « bon cœur » de Severus n'était autre qu'une résignation silencieuse, une préférence pour engloutir sa nourriture sans broncher plutôt que de se prendre une mandale de son père.
Severus croise les bras, s'appuyant de tout son long contre le bois de la porte. Son regard ne quitte pas sa mère qui, avec un soupir presque imperceptible, dépose l'œuf sur le plat déjà prêt. « Et maintenant, tu ramènes des restes de Poudlard comme si nous étions à court de nourriture ici. » ajoute-t-elle lasse.
Un frisson insaisissable se faufile à travers la pièce, comme une brise soudaine et impalpable. Les non-dits ces petits êtres invisibles et agités, galopent sur le carrelage usé, tournicotant autour de la table, glissant sous les chaises, grimpant le long des murs écaillés. Ils dansent, entrelaçant Severus et Eileen dans une étreinte invisible, aussi habituelle que le hurlement de la cocotte-minute sur le feu. C'est un jeu ancien et bien rodé entre eux, une danse de mots tus et de regards qui en disent long, une chorégraphie de silence où chaque pause et chaque geste sont chargés de tout ce qui reste inexprimé. Ils s'en accommodent, habitués à ces compagnons silencieux qui partagent leur espace, flottant entre les casseroles qui mijotent et les vieilles recettes qui se perpétuent, tissant un fil qui relie la mère et le fils.
Severus, pour toute réponse, se détache de la porte et s'approche de la table, effleurant du doigt la croûte dorée de la tourte. Son geste, presque révérencieux, semble chercher à réconcilier, l'image d'une mère autrefois d'une négligence passive avec celle qu'elle incarne aujourd'hui.
« Sois gentil, et mets la table. Et ne fais pas ta forte tête. » insiste Eileen, connaissant trop bien la réticence de son fils à se conformer même aux plus petites attentes familiales. Elle pose le plat principal au centre de la table, un geste qui se veut aussi apaisant que directif.
Pendant ce temps, la radio crachote en fond sonore, grésillant sous le poids des nouvelles du jour. Le ministre des finances, Alistair Darling, avec une voix qui porte autant de résolution que d'inquiétude, annonce la nécessité d'un rapport indépendant concernant la gestion des banques et les primes extravagantes de leurs dirigeants : « Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était. J'attends de l'étude des recommandations sur l'efficacité de la gestion du risque de la part des conseils d'administration des banques, notamment sur l'influence de la rémunération sur la prise de risque. Tout le monde a intérêt à ce que les banques soient bien gouvernées. Ce serait une erreur de récompenser des gens dont les risques excessifs ont fait plonger les banques et causé le malheur de millions de clients… »
« C'est ça, cause toujours. » marmonne-t-il, son ton chargé d'un cynisme à peine voilé. Il se dirige vers la vieille radio posée sur le rebord de la fenêtre, et d'un geste brusque mais précis, il tourne le bouton pour éteindre l'appareil.
« J'écoutais, Severus. » marmonne sa mère en retour, son ton mi-agacé, mi-résigné, tandis qu'elle ajuste les couverts avec plus de force que nécessaire. Elle jette un regard à son fils, ses yeux exprimant un mélange de reproche et de compréhension tacite. Le silence qui s'installe n'est pas juste l'absence de son de la radio, mais un espace chargé, des frustrations partagées face à un monde qui semble, à leurs yeux, de plus en plus incohérent.
Severus s'approche de la table, d'un coup de poignet il fait flotter les verre sur la table, son esprit encore partagé entre l'agacement provoqué par les nouvelles, le Bubble and beurk et les problèmes récents à Poudlard. Eileen, le regard attentif aux moindres frémissements de la poêle, laisse échapper ces mots avec une fermeté : « Merci pour ta tourte, mais nous mangerons quand même le Bubble, il ne faut pas gâcher. » Elle a ce ton, celui de la résolution mêlée de pragmatisme, qui sait si bien trancher l'air.
Severus lève les yeux au ciel, un geste qui a toute la lassitude d'un homme confronté encore et toujours aux mêmes rituels. La fatigue dans son regard semble presque sculpter les cernes sous ses yeux. Il y a dans son attitude une sorte de rébellion silencieuse, celle qui n'attend pas de victoire mais exprime une résignation teintée d'ironie.
Sans se retourner, elle capte ce mouvement avec l'acuité d'une mère qui a appris à lire les silences de son fils aussi clairement que les mots prononcés. « Et ne fais pas cette tête, c'est une recette familiale. » dit-elle, insistant sur le terme familial comme pour en renforcer le poids, le rendre aussi incontournable que les murs de cette vieille cuisine.
« Une recette de la mère de Tobias. » rétorque Severus, son ton chargé d'un mélange de dédain et d'indifférence. La mention ouverte de son père apporte une ombre plus sombre à la conversation, une nuance de gris qui s'infiltre entre les carreaux jaunis.
Eileen s'arrête un instant, spatule en main, et se retourne pour fixer Severus avec intensité. « C'est bien ce que je dis. C'est une recette familiale que tu devrais connaître pour la transmettre à ton tour. » Sa voix, bien que ferme, tremble légèrement sur les derniers mots, comme si l'évocation de la transmission ravivait en elle des souvenirs d'autres transmissions, d'autres héritages, moins tangibles mais tout aussi présents.
Severus aimerait pouvoir répondre « Le viol conjugal et l'inceste, sont aussi des traditions familiales à transmettre ? » mais il ne le fait pas.
Même s'il sait, même si elle sait.
Évoquer le prénom de son père avait toujours été lourd, mais aborder le reste serait trop. Severus répond donc d'une manière qui se veut légère, un rire forcé s'échappant de ses lèvres comme une brise maladroite cherchant à dissiper le brouillard dense de non-dits qui s'accumule dans la cuisine. « Pour transmettre à qui ? » Sa question, lancée dans un semblant de jovialité, se veut un bouclier, une manière de dévier la conversation loin des territoires trop personnels. Il faut alléger l'air de la pièce, pour sa mère, mais pour lui aussi.
Pour Eileen, cette question résonne différemment. Severus est toujours resté célibataire, un sujet délicat, rarement abordé de front mais constamment effleuré avec une douceur teintée d'amertume. Il aime bien frôler ce sujet, dans ces moments-là, elle se montre étrangement tendre avec son fils, une tendresse qui caresse presque la compassion. C'est comme si, en lui, elle cherchait à retrouver les traces d'un amour qu'elle avait espéré, en vain, découvrir derrière l'attitude de son mari.
Eileen soupire, le dos toujours tourné à son fils, comme si regarder Severus en face rendrait ses paroles trop réelles, trop sentimentale. « À quelqu'un qui saura t'apprécier, peut-être. Tu as un cerveau et des mains bien faites, ce n'est pas le cas de tout le monde. » Tendre. Presque, du moins, à la façon d'une personne qui croyait trouver de l'amour derrière l'attitude de Tobias.
« Mais on n'attrape pas des grinchebourdons avec du sirop, tout le monde ne partage pas ton cynisme, Severus. Et à cheval donné, on ne regarde pas la bride. » Eileen se retourne enfin vers lui, son regard pesant sur Severus comme pour enfoncer le message. « Il faudrait que tu sois aussi moins exigeant. Il faut baisser tes standards, si tu ne veux pas vieillir seul. »
Ses yeux glissent alors sur le visage de son fils, s'attardant sur des détails familiers, « Oh, et arrête de te couper les cheveux aussi court, je préférais avant, ça cachait un peu ton nez. » L'impasse du tisseur, avant c'était amer ou acide, maintenant, c'est plutôt aigre-doux.
À deux cents miles de là…
Dans la demeure des Granger, tout respire la tranquillité bourgeoise, une sorte de cocon douillet où les soucis semblent se dissoudre au contact des boiseries chaudes et des tapis épais. Ce jour-là, une lumière dorée filtrait à travers les rideaux de lin, jouant sur les meubles et les étagères croulant sous les livres, conférant à la pièce une ambiance d'un autre temps.
« Ta mère m'a demandé de mettre la table, tu peux le faire pour moi s'il te plaît, Hermy ? » demande John, avec cette voix qui a toujours su mélanger malice et autorité, un sourire en coin. Sa fille, est enfoncée dans un fauteuil, un livre ouvert sur les genoux, mais ses yeux se lèvent à l'appel de son père.
Sans un mot, elle lui sourit et, d'un geste nonchalant de la baguette, envoie les assiettes virevolter vers la table où elles se rangent en un parfait ordonnancement. La magie, utilisée ici pour des tâches domestiques, fait toujours briller les yeux de son père de merveilleux.
« Merci mon chéri. » dit-il en s'installant à côté d'elle avec un journal.
Hermione est de retour pour les vacances dans la maison qui l'a vue grandir jusqu'à un certain point.
Depuis sa rupture avec Theodore, elle n'a plus d'appartement fixe en dehors de Poudlard, ce qui lui donne une excuse pour revenir se nicher dans le confort familial, où chaque repas et chaque soirée ressemblent à des scènes d'une pièce bien huilée.
Elle sait qu'elle devrait chercher un nouvel appartement, retrouver un semblant d'autonomie, mais l'envie lui manque. L'atmosphère de la maison, avec ses couleurs chaudes et ses odeurs de cuisine, lui permet de mettre en pause ses responsabilités d'adulte. Ici, loin de Peeves, loin des élèves qui testent sa patience et des collègues avec lesquels elle partage ses journées, elle peut souffler ses dernières semaines.
Pourtant, elle ne peut s'empêcher de se sentir coupable. Est-ce vraiment normal, à son âge, de revenir se réfugier chez ses parents ? Cette question la taraude, surtout lorsqu'elle repense à ces vacances ci passées à Londres, à essayer de se remettre les idées en place, loin des distractions que représentent son travail, ses échecs sentimentaux, et même la déprime saisonnière qui semble guetter au tournant des jours les plus courts.
Kate, sa mère, entre dans la pièce avec une grâce qui contraste avec la lourdeur des pensées d'Hermione. « C'est prêt, vous venez ? » lance-t-elle, avec cette voix qui a toujours su commander l'attention sans jamais élever le ton.
Hermione observe sa mère, cette figure à la fois imposante et énigmatique. Kate, avec son allure de femme qui n'a jamais eu à se battre contre le courant, semble naviguer à travers les complexités de la vie avec une aisance déconcertante. Brillante, peut-être un peu distante, mais toujours incroyablement précise dans tout ce qu'elle entreprend. Hermione se demande, non sans un pincement au cœur, si elle parviendra un jour à atteindre ce même degré de sérénité apparente.
Kate Granger a toujours eu cette manière d'obtenir ce qu'elle désire sans jamais sembler pousser trop fort, comme si l'univers s'alignait spontanément sur ses attentes. Elle ne s'excuse jamais, et pourquoi le ferait-elle ? Il n'y a jamais rien à reprocher dans ses actions, rien qui nécessite une justification. Elle dirige son foyer, son mari, son cabinet dentaire avec une assurance qui frôle l'arrogance, mais qui, étrangement, ne suscite chez les autres que respect et admiration. Elle avance dans la vie sans jamais sembler jeter un regard en arrière, sans jamais douter.
Comment fait-elle ? Hermione se le demande souvent. Depuis la guerre, depuis qu'elle a dû reconstruire sa vie morceau par morceau, elle ne s'est jamais vraiment sentie comme une adulte accomplie. Certes, elle paie ses factures à temps, elle maîtrise l'art de coudre des ourlets et elle sait même ajouter des pignons de pin dans sa salade — un signe incontestable de maturité, n'est-ce pas ? Mais malgré ces preuves de son indépendance, le doute la ronge constamment.
Le doute sur sa capacité à être vraiment indépendante, car elle n'a même plus d'appartement à elle. Le doute sur sa capacité à influencer son monde comme sa mère le fait si aisément. Elle se sent souvent comme si elle était encore cette jeune fille à Poudlard, déchiffrant des mystères, plutôt qu'une femme qui devrait avoir toutes les réponses.
Elle regarde sa mère, qui discute maintenant avec son père à propos du cabinet, riant avec une aisance que Hermione envie parfois. Elle se demande si cette capacité à ne pas douter, à ne pas se remettre en question, est le fruit d'une époque révolue ou simplement une force de caractère qu'elle n'a pas encore réussie à cultiver.
Et au milieu de ces pensées, Hermione réalise que malgré toutes ses réussites, elle se sent souvent comme une étrangère dans sa propre vie, une spectatrice qui regarde les autres jouer leur rôle avec une confiance qu'elle tente désespérément d'imiter. Peut-être, pense-t-elle, est-ce simplement une partie de ce que signifie vraiment grandir. Peut-être que l'adulte complet et inébranlable est aussi mythique que les créatures qu'elle étudiait autrefois dans ses livres de soins au créatures magique ?
« Mon ange, tout va bien ? » interroge Kate, en lui resservant un verre d'eau avec une douceur presque médicinale, comme si l'eau claire pourrait dissoudre les pensées sombres d'Hermione.
« Pardon, j'étais dans la lune, maman, » répond t-elle, son sourire se voulant rassurant mais manquant légèrement de conviction. Elle fixe un point indéterminé au-delà de la table, comme si elle tentait de rassembler ses pensées éparpillées.
« Tu veux en parler ? » insiste Kate légèrement, la préoccupation évidente dans son ton, celui d'une mère qui connaît trop bien les silences de sa fille.
« Rien de particulièrement grave, ne t'en fais pas. » réplique Hermione, ses mots soigneusement choisis pour éloigner l'inquiétude sans mentir vraiment. Elle joue avec le pied de son verre, ses doigts traçant des cercles sur la nappe.
John, observant l'échange depuis l'autre bout de la table, intervient avec une pointe de malice dans la voix : « Elle a ses yeux là depuis qu'elle est arrivée, tu ne trouves pas ? »
« Oh, tu sais papa, j'ai les mêmes yeux depuis que je suis née. » répond Hermione, tentant de tourner la conversation vers la légèreté.
Mais John, avec la perspicacité d'un père qui a vu sa fille traverser tempêtes après tempêtes, ne se laisse pas si facilement distraire. « Non, tes yeux ont changé après ton entrée à Poudlard, encore après la guerre, et puis après Théodore... »
Kate, saisissant l'occasion, ajoute avec un rire léger qui ne réussit pas totalement à masquer son inquiétude : « Ça y est, elle a les yeux de la crise de la trentaine.
— J'ai surtout les yeux de quelqu'un qui resterait bien ici un peu plus longtemps...
— Partir pour mieux revenir, mon ange. Mais tu es sûre que tu ne veux pas nous dire ce qui te tracasse ? Tu sais qu'on ne te jugerait jamais, n'est-ce pas ? » Kate insiste, les yeux brillants d'un mélange de curiosité maternelle et de compassion.
Hermione soupire « Évidemment, je suis juste en pleine réflexion, rien de bien extravagant. Je dois faire un choix important qui aura de lourdes conséquences, et je ne veux pas me tromper car il n'y aura pas de retour en arrière.
— Raconte-nous, on pourra t'aider, et si on ne peut pas, on pourra au moins te changer les idées. » L'invitation de son père est à la fois un appel à la confidence et une promesse de soutien.
Hermione hésite, puis lance, un brin taquine : « Qui de vous deux a fait la demande en mariage ?
— Oh, ta mère, bien sûr. Moi, je n'ai jamais su faire de choix.
— Tu as su dire oui, c'est le plus important. Mais pourquoi cette question ? Tu envisages de te marier ? Quelqu'un t'a fait une proposition ? » L'œil de Kate s'allume d'une étincelle curieuse.
« Ma situation s'approche d'une demande en mariage, du moins dans l'idéal. » répond Hermione avec une pointe de mystère.
« C'est-à-dire ?
— Je crois aimer quelqu'un de très... binaire. Si je m'engage avec lui, je sais que ce sera à jamais, et si je pars, je ne pourrai plus revenir à la situation actuelle.
— Ah, Kate, elle parle de Severus ! » s'exclame John d'un ton qui veut être léger mais qui frôle l'indiscrétion.
« Évidemment, mais aie un minimum de tact et tais-toi, s'il te plaît. » coupe-t-elle, avec un regard qui oscille entre l'exaspération affectueuse et l'amusement. Elle observe sa fille sourire quelques secondes, puis commence à parler d'une voix douce, ponctuée par l'expérience des années. « Écoute, Hermione, je vais te donner un conseil qui vient de ce que j'ai appris au fil du temps. D'abord, il faut apprendre à agir sans toujours se poser mille questions. Il est essentiel de se remettre en question, bien sûr, mais il arrive un moment où il faut savoir passer à l'action. Si tu attends de n'avoir plus peur pour agir, tu risques de ne jamais avancer. La peur, c'est une partie de la vie, et elle ne doit pas t'empêcher de faire des choix. Parfois, même si cela fait peur, il faut se lancer, car il n'y a pas de « bon » choix. Tout choix aura ses conséquences, certaines douloureuses, mais l'indécision te freinera bien plus. Ensuite, il faut savoir choisir qui aimer. On ne peut pas toujours se fier aux élans du cœur ; suivre ses impulsions sans réfléchir peut mener au chaos. Il y a des gens qui te donneront des papillons dans le ventre mais qui ne seront pas bons pour toi, et inversement, les bonnes personnes ne te donneront pas toujours ces sensations. Si tu es incertaine, imagine une balance de Roberval : place les bénéfices de chaque côté, évalue les risques, et vois où penche la balance. Une fois que tu as pris ta décision, tiens-y-toi. Fuir au premier problème empêchera toute construction durable. »
John acquiesce à tout ce que dit sa femme. Tout en découpant méticuleusement le poulet avec une précision chirurgicale, relève la tête, ses yeux sérieux se fixant sur Hermione. Sa voix prend un ton grave, insistant sur chaque mot pour marquer leur importance : « Mais écoute-moi bien, Hermione. Si jamais Severus lève la main sur toi, essaie de te contrôler ou manque de respect envers toi de quelque manière que ce soit, tu lui pète la gueule. C'est clair ? »
Six cents miles plus loin…
« Oh bonjour Minerva ! Tu viens voir papa ? » s'exclame Teddy dès qu'il aperçoit Minerva à la porte.
« Je l'ai invité pour le thé, Teddy, laisse-la entrer. » répond Remus depuis le salon, sa voix teintée d'un léger soulagement, comme s'il attend ce moment pour échapper à ses pensées solitaires.
« Alors tu vas mieux » demande Minerva à Teddy, qui a récemment souffert de la varicelle.
« Oh bah oui, ne t'en fais pas pour moi… Si tu tiens compagnie à papa, je vais dans ma chambre… Bonne après-midi » réplique Teddy avec un petit sourire, tentant de masquer son embarras face à sa récente maladie.
« Bonne après-midi à toi aussi, Teddy » dit Minerva en le regardant s'éloigner vers sa chambre.
Minerva entre dans les appartements de Remus, et un mélange d'arômes enveloppe ses sens. L'odeur riche du chocolat chaud, le parfum boisé du feu de cheminée et cette pointe d'odeur de désinfectant, un rappel curieux de l'ordre et de la propreté, titillent ses narines. Le chat en elle ronronne presque à cette fragrance familière de javel.
La pièce baigne dans une lumière douce, les flammes dans la cheminée crépitent mélodieusement, tandis que de vieux airs de jazz s'échappent de la radio, ajoutant une touche de nostalgie à l'atmosphère. Remus est affalé dans le canapé, un sourire accueillant aux lèvres, ses yeux brillent de malice. À ses côtés, une théière fumante et un plateau de gâteaux apportent une touche de convivialité.
« Merci d'être venue, Minerva, commence Remus, en indiquant du geste le canapé en face de lui. J'apprécie vraiment.
— C'est toujours un plaisir », répond-elle en s'asseyant, son regard balaye la pièce, observant les flammes dans la cheminée.
Dans la pénombre douce et tremblante du salon où se perdent les reflets du feu, Remus et Minerva se déballent les soucis et les joies, tout pêle-mêle, comme un inventaire qui se doit d'être fait avant la fin du jour. Ça parle de Poudlard, des couloirs qui résonnent encore des échos des pas des gamins, des rires et des pleurs, des petites victoires et des grandes peurs. C'est le thé qui fume entre eux, et les miettes qui jonchent la table, tout témoigne d'une vie dédiée à l'enseignement, à l'ombre des tours imposantes de l'école.
Remus, il a ce sourire un peu tiré, le sourire de celui qui porte un fardeau un peu trop lourd pour ses épaules fluettes. « Je n'aime pas vraiment être directeur, tu sais, » qu'il lâche, la voix un peu usée, un peu trop lasse pour l'heure du thé. Son visage se tord légèrement, comme si ce rôle lui arrachait plus qu'il ne pouvait donner. « Déjà gamin, avec Sirius et James, c'était pas moi le chef, c'était pas moi le guide. J'étais le suiveur, toujours un peu en retrait. Et aujourd'hui, voilà que je dois mener le bal pour tout un tas de petits sorciers. Merci Merlin, mon Teddy, lui, il est tranquille, il joue pas les héros… Mais l'autorité, ça me colle pas à la peau, ça n'a jamais été mon truc. »
Et Minerva, elle écoute, elle hoche la tête. Son regard est plein de cette compréhension des anciens, des vieux loups qui ont trop vu pour juger. Elle, l'autorité, ça la connaît. Ça la suit comme son ombre, fidèle au poste. Mais elle sait, oh oui elle sait que ce n'est pas la force de tous. « Ce n'est point une faiblesse, Remus, c'est tout simplement ta nature. Penses-tu qu'en adoptant une attitude dure, tu marqueras les esprits ? Non, c'est en touchant les jeunes par ta sincérité, par ton souci pour eux, comme si c'étaient tes propres enfants. Ce ne sont pas les discours grandiloquents qui font les grands maîtres, mais bien les grands cœurs.» Elle lui sourit en reposant sa tasse sur soucoupe
Remus baisse légèrement les yeux, sentant le poids de ses paroles s'abattre sur ses épaules déjà voûtées. Il ressent comme un soupir s'échapper de sa poitrine, libérant un peu de cette tension accumulée au fil des années passées à diriger Gryffondor. C'est un fardeau qu'il a porté avec honneur, mais aujourd'hui, il sent que le moment est venu de passer le flambeau, de laisser la place à quelqu'un de plus.
« Merci, Minerva. Ce que j'essaye de t'expliquer, c'est que cette année sera ma dernière en tant que directeur de Gryffondor. Ce rôle me demande plus qu'on pourrait le croire, et avec l'entrée de Teddy à Poudlard l'année prochaine, je ne souhaite pas être son directeur s'il est réparti à Gryffondor. Être son professeur atteint déjà les limites de ce que je suis prêt à gérer. »
Le regard perplexe de Minerva ne fait que renforcer sa conviction. Il peut presque entendre les rouages de son esprit tourner à toute vitesse, cherchant une solution à ce dilemme soudain. Ses doigts effleurent machinalement le rebord de la tasse de thé. Elle se sent prise au dépourvu, déstabilisée par cette annonce inattendue.
« Je me demande bien ce que le corps enseignant a pu ingérer récemment, mais vous êtes en train de me rendre folle. » finit-elle par lâcher, un sourire désarmé étirant ses lèvres. Son regard plonge dans celui de Remus, comme pour chercher une réponse à cette énigme qu'il lui présente.
Remus relève la tête, croisant le regard inquisiteur de Minerva. Il se sent comme un animal acculé, obligé de défendre sa position malgré les doutes qui l'assaillent. Mais au fond de lui, il sait qu'il est sur la bonne voie.
« Je suis désolé, Minerva, mais je suis on ne peut plus certain de mon choix. » déclare-t-il d'une voix ferme, mais empreinte d'une légère tristesse. Il se sent comme un capitaine abandonnant son navire, mais il sait que c'est pour le mieux. « Et en ce qui concerne mon successeur, le choix se fait de lui-même. Qui d'autre qu'Hermione ? Elle a toutes les qualités. Juste, à l'écoute, organisée, autoritaire, et Gryffondor. »
Un léger frisson parcourt l'échine de Minerva à l'évocation du nom d'Hermione. Elle pense à la femme brillante, avide de connaissances, prête à tout. Jusqu' à y a encore quelques mois.
« Elle n'est guère reconnaissable ces temps-ci. » murmure-t-elle pensivement, comme pour exprimer ses doutes à voix haute. « De plus, cela ne fait que trois ans qu'elle est professeur titulaire ici. »
Remus hoche la tête, mais au fond de lui, il sait qu'Hermione est la meilleure candidate pour le poste. Il croit en elle, et puis ils ne vont tout de même pas donner ce poste à Neville…
« Tout le monde a des coups de vide. » réplique-t-il avec assurance, cherchant à dissiper les doutes qui planent dans l'air. « Et elle a été l'élève la plus brillante de sa génération, tu le dis toi-même, c'est ta petite fierté. »
Remus se tait un instant, laissant ses paroles flotter dans l'air comme une fumée épaisse. Il sent bien le regard de Minerva, mais il est sûr de son choix. Hermione, c'est une évidence. Elle a toujours eu cette aura de leader, cette intelligence hors du commun, et cette passion pour l'éducation. Il ne voit personne d'autre qui pourrait mieux prendre la relève. Pas du tout Neville en tout cas.
Minerva, elle, hoche la tête lentement, mais il y a toujours ce doute dans ses yeux. Elle se demande si Hermione est vraiment prête pour un tel poste, si elle a assez d'expérience, si elle a la force nécessaire pour diriger une maison comme Gryffondor.
« Et puis il y a cette toute petite minuscule rumeur qui a pris des proportions démentes. Et je l'avoue, la réaction d'Hermione m'a déçue un peu là-dessus, » confie-t-elle, le regard fixé sur les flammes, comme pour y chercher des réponses.
Remus, assis en face, esquisse un sourire qui se veut léger, tentant de détendre l'atmosphère. « Oh pour ça, je te présente des excuses, j'ai mis un peu le bazar, » rit-il, essayant de minimiser son rôle dans l'escalade de la situation.
Minerva le regarde, son expression est impassible. « Ne dis pas de bêtises, tu n'y es pour rien… »
Mais il secoue la tête, un sourire complice étirant ses lèvres. « Hum, pas exactement. C'est moi qui ai assez volontairement raconté ce que j'avais entendu dans l'infirmerie à quelques portraits et fantômes… Bon, pour ce qu'il en est des deuxième années, la rumeur s'est propagée toute seule, mais— »
La sorcière fronce les sourcils, perplexe. « Pourquoi as-tu fait ça ? »
Le loup-garou se penche légèrement en avant, les yeux pétillants de malice. « Je voulais leur secouer les puces un petit peu. Après tout, tu l'as dit toi-même, c'est une toute minuscule petite rumeur, rien de grave. »
Minerva secoue doucement la tête, un sourire résigné se dessine finalement sur ses lèvres. « Vous êtes vraiment une bande d'enfants, je… »
Remus l'interrompt, son ton devenant soudain plus sérieux. « Minerva, il était temps. Hermione ne peut pas rester dans le déni éternellement, et quand bien même les sentiments de Severus ne seraient pas réciproques, il ne fallait pas qu'il reste sans réponses.
— Mais ce ne sont pas tes affaires. Et quand bien même tu ne pouvais pas simplement les faire discuter ? » sa voix, habituellement ferme et autoritaire, trahit une pointe d'irritation.
Remus, lui, se masse doucement le menton, un geste qui trahit sa réflexion, son regard fixé dans le vide. « La situation fait preuve que non. Et puis ce n'est pas comme si déjà une bonne partie de Poudlard les croyait déjà en couple. Même toi Minerva… » Il laisse sa phrase en suspens, les mots eux-mêmes pesaient trop lourd pour être prononcés entièrement.
Minerva lève les yeux au ciel, mais Remus continue. « Je ne veux pas revoir le Severus bougon d'il y a un an qui était absolument infecte avec tout le monde. Et va savoir étrangement, il est bien plus agréable depuis que Théodore est reparti à Prague, ou Vienne, je ne sais plus… »
Le souvenir du Serpentard bougon semble presque ramener un sourire sur le visage de Minerva, mais elle le réprime. « Il est détestable depuis trois semaines… »
« Oui, et bien tant pis. Je te présente mes excuses pour le désagrément, mais il était temps que ces deux-là se remettent un peu en question. » Remus, défendant sa position, étend ses mains devant lui, comme pour présenter son cas à une Minerva peu convaincue.
Le regard de Minerva est presque rieur. « Formidable technique pédagogique, je ne regrette pas que tu démissionnes de ton poste de directeur de Gryffondor. »
Alors Remus lance son idée avec un enthousiasme mal caché, comme s'il déroulait un parchemin de stratégies longuement méditées. « Minerva, voici mon plan. Hermione et Severus prendront les rôles de directeurs de Gryffondor et Serpentard respectivement. D'ici quelques années, lorsque tu décideras de prendre ta retraite, nous positionnerons Hermione à la tête de Poudlard. Severus a clairement détesté être directeur, ce n'est pas un secret. En le maintenant dans un rôle qu'il apprécie plus, et en élevant Hermione, nous leur donnons à tous deux la chance de s'épanouir. Imagine un peu : Severus, transformé en un aimable gentleman, et Hermione, une directrice clairvoyante et sage. Ils auront peut-être des enfants s'il se décide vite, et nous les observerons de loin, batifoler dans leur bonheur baveux. »
Il sourit, un sourire teinté d'une ironie douce, envisageant ce futur avec une pointe d'humour qui se veut rassurant. Mais Minerva, son regard, fixé sur Remus, semble traverser l'homme pour interroger directement ses intentions.
Finalement, avec un soupir qui résonne dans le calme du salon, elle lâche, « Vous me rendez dingue. Je vais prendre ma retraite plus tôt que prévue. »
