Hermione se murmure à elle-même tout en déambulant dans les couloirs de Poudlard. Les pierres résonnent sous ses pas pressés. « Je suis forte. Je suis indépendante. J'en suis capable. Je vais y arriver. » Les mots tournent en boucle, comme un sortilège pour se donner courage. Les vacances chez ses parents viennent de se terminer et la réalité de Poudlard se rappelle à elle. « Je vais réussir. Je suis adulte. Je suis Gryffondor. » Les mots se font mantra, armure contre l'anxiété du retour.
Elle arrive au niveau de l'escalier des professeurs. Là, elle croise Siméon Stern, le professeur de soins aux créatures magiques, un grand type sec qui a gardé des restes de beauté de sa jeunesse. Son sourire lui donne un air de Gilderoy Lockhart sans le charme, juste l'arrogance. Hermione le salue distraitement, mais il l'aborde aussitôt, dévidant des banalités. Enfin, c'est ce qu'elle imagine ; elle ne l'écoute pas vraiment.
« Et vous qui avez travaillé avec lui ? Travailler aux côtés d'un tel colosse de charisme a dut être indéniablement un exercice en humilité et en admiration, mais aussi, permettez-moi de vous le dire, un véritable honneur. Quelle chance incroyable que de côtoyer un esprit aussi brillant ! Quant à ses réformes, leur génie n'est surpassé que par leur nécessité pour restaurer la grandeur de notre chère Grande-Bretagne. Comment peut-on raisonnablement tolérer ces incessantes entraves de Severus, ces obstacles mesquins qu'il érige avec une obstination presque insultante ? Franchement, c'est un scandale que de voir un tel projet de loi, dénué de toute élégance, se dresser contre le bien de l'État. » Ah, le sujet Biggins. Hermione sent son agacement monter en flèche. Ni Biggins, ni Stern ne trouvent grâce à ses yeux. Et ce en toute circonstance. « Je suis zen »
Elle répond d'une voix où perce à peine son irritation : « Siméon, avez-vous déjà pris le temps de discuter avec lui de vive voix, ou préférez-vous seulement le louer à distance ? Je suis sûre qu'il serait ravi de recevoir une lettre de votre part, admirant son infaillible génie. D'ailleurs, j'ai son adresse, au cas où votre plume brûlerait d'impatience. Et concernant Severus, j'espère que vous soulèverez cette question ce soir, lors de notre dîner de pré-rentrée. Cela nous offrira un répit bien mérité de vos lamentations habituelles sur le refus obstiné de Minerva de vous laisser dresser les centaures de la foret interdite. Ne trouvez-vous pas ? »
Simeon continue de hocher la tête, mais son allure s'est affaissée, comme si le poids de ses propres paroles venait de retomber sur ses épaules. Son sourire autrefois assuré s'évanouit peu à peu, remplacé par une moue contrite. Il ressemble à un mérou. Hermione, quant à elle, avance, ses pensées déjà loin, réfléchissant à la manière dont va se dérouler le diner.
Elle tourne un coin, laissant derrière elle un Siméon Stern désormais plongé dans ses pensées, peut-être un peu moins sûr de ses positions et de ses alliances. Hermione, le regard fixé devant elle, répète à nouveau ses mantras. « Je suis sereine. »
Severus, ça le rend fou ces réunions de pré-rentrée. Après les vacances d'été, à la limite, ça peut passer, un peu de sens là-dedans, peut-être. Mais celles de février ? Une vraie blague. Écouter encore et encore ces geignements sur le dressage des centaures, ou pire, les divagations apocalyptiques de la Mante Religieuse... Il préférerait encore qu'on lui arrache les ongles un à un avec une pince rouillée. Ce serait moins barbare.
Il monte les escaliers vers cette satanée salle de réunion, ses pensées aussi sombres que sa robe de sorcier. Et voilà, Aurora et son cirque de révolution éternelle, quelle farce. Comme si ça ne suffisait pas, il est piégé à son siège habituel, en plein dans l'arène. Vice-directeur, c'est son titre, mais ça le condamne à être en face de Minerva, qui l'observe comme un faucon guette sa proie, toujours prête à plonger, craignant qu'il balance un sortilège à un de ces chers collègues. Ah oui, il l'a déjà fait. À plusieurs reprises, d'ailleurs. Mais chaque incantation était une grâce masquée, même si ces idiots n'en ont jamais saisi la valeur.
Alors qu'il avale encore un palier, ses pensées dérivent vers ses luttes de parlementaire. La tension monte avec ce projet de loi anti-corruption qu'il pousse, ciblant directement ce rat de Biggins. Et ce Biggins, qui essaie de se faufiler hors de portée, voulant le traîner devant le Magenmagot pour malversations. Mauvais coup pour l'ex-patron d'Hermione, ses affaires sont trop bien ficelées.
Mais Severus, qui tient la barre du stoïcisme, avec ce truc qu'il sent mais n'admet pas, l'amour, là, qui rôde dans l'ombre de sa tête, un truc qu'il ne peut pas toucher, pas voir, comme un fantôme. Ses pensées les plus noires, celles qui dansent un peu trop près de l'affection, cette bête qu'il a toujours vue comme une menace.
Les souvenirs de ses parents, un père violent et une mère soumise, lui ont bien bétonné l'idée que l'amour, n'est qu'une suite de coups qui te marquent l'âme, te laissant des balafres qui cicatrisent mal.
Severus, après avoir flirté avec les ténèbres comme Mangemort avant de virer à l'Ordre du Phénix, il connaît le truc sur le bout des doigts, la manière dont ces camps utilisent les tripes, les sentiments des troupes. Les Mangemorts s'enfoncent dans la rancœur, la haine, nous contre eux, tout ça sans une once de logique, mais avec un gros coup de cœur pour la révolte, la pureté, ce genre de connerie.
Pareil pour l'Ordre du Phénix, eux, ils sont « la lumière » mais tue derrière le dos dans les petites ruelles. Ils jouent sur la trouille, l'amour pour les menacés, pour t'entraîner à faire des trucs que la tête froide ne t'aurait jamais laissé faire. La tête froide, ça a toujours été lui. Même là lumière a besoin d'un homme de main, dont l'âme est déjà tachée, pas très regardant sur qui il y a en face de la baguette. Severus, voit bien où ça mène, l'amour et les passions, pas des trucs de lumière mais des armes, des outils pour tirer les ficelles.
Ce n'est que poison, une faiblesse qui te laisse à la merci de n'importe qui. L'amour, c'est une porte ouverte pour te faire avoir, comme il l'a vu, encore et encore, dans les deux camps. Jouer avec les sentiments, c'est comme ça qu'on mobilise les foules, qu'on tient les rênes. C'est cette idée de l'amour, mêlée à des années de luttes, qui lui dicte comment il joue avec le monde, toujours derrière son mur de mépris.
Hermione Granger, avec son esprit vif et son cœur, aurait pu être une étincelle pour un cœur moins barricadé que celui de Severus. Mais non, pour lui, elle est un risque, un déséquilibre dans son contrôle de fer. Il la regarde de loin, son absence lui pèse chaque heure un peu plus. Il ne l'admettra jamais. Admettre, c'est déjà trop donner.
Dans les couloirs sombres de l'école, parfois son regard s'attarde un peu trop sur elle qui s'éloigne. Ces moments de faiblesse, il les balaie vite avec une bonne dose de rigueur. L'amour, il pense, c'est un esclavage, une folie qui te détourne. Pourquoi se soumettre à ça ? Non, Severus, préfère l'efficacité à l'affection, la logique à l'attachement. Même si Hermione ne lui ferait jamais de mal exprès, juste ouvrir son cœur serait une invitation au désastre.
Chaque soir, enfermé dans son laboratoire, il espère secrètement qu'elle vienne. Peut-être pour parler d'une découverte, ou juste pour partager le silence. Mais il sait que c'est peine perdue.
Et quand la nuit tombe, juste avant que le sommeil le prenne, il se permet de penser à elle. Juste un instant, avant de s'interdire de rêver, de désirer, de vouloir. Dans ces moments-là, Severus, le sorcier craint et respecté, se retrouve face à sa plus grande peur : non pas celle de l'amour, mais celle de se découvrir capable de ressentir un tel sentiment. Il n'en veut pas.
Il a passé la journée chez sa mère, et ce n'est pas exactement l'endroit le plus réjouissant sur Terre. L'ambiance y est toujours tendue. Tout ce que cela fait, c'est rendre son humeur encore plus noire.
Alors qu'il approche de la porte de la salle de réunion, une dernière pensée lui traverse l'esprit : peut-être pourrait-il s'amuser un peu ce soir, après tout. Un sort bien placé, discret mais efficace, pour détendre ses nerfs. Oui, cela pourrait rendre la soirée légèrement plus supportable. Que va-t-il inventer ?
Long. Chiant. Inutile. Ces mots tournent dans la tête de Severus alors qu'il quitte enfin la salle de réunion, les échos de la séance lui martelant encore les oreilles. Stern, avec ses idées grandioses, veut soumettre les centaures, comme si la chose était aussi simple que de régler un devoir sur parchemin. Aurora, elle, en pleine croisade de contrôle, souhaite interdire aux élèves l'accès à la salle des professeurs après 18 heures, ajoutant une nouvelle couche de règles inutiles à leur quotidien déjà bien chargé. Et puis, il y la mante religieuse, prophétisant la fin du monde dans les flammes – un scénario d'apocalypse qu'elle dépeint avec une conviction qui friserait le comique si elle n'était pas si tragiquement convaincue de sa véracité. Il n'a même pas pu exhiber sa baguette plus de dix secondes pour un petit sort de détente sans croiser le regard noir de Minerva.
Hermione, elle, semble avoir passé l'intégralité de la réunion plongée à chuchoter avec Deauclaire.
À côté de lui, Remus manifestait son impatience par un tapotement incessant du pied, un bruit de fond irritant qui n'a fait qu'ajouter à la tension de Severus. Rien de nouveau n'a été appris, rien d'utile n'a été dit, juste un autre rassemblement de paroles et de postures, un bal masqué de prétentions académiques.
À présent, tout ce que Severus désire, c'est de s'échapper dans ses quartiers. Il veut retourner à son calme relatif, loin du cirque des réunions où chaque professeur joue son rôle dans une pièce mal écrite. Il marche d'un pas rapide, presque martial, à travers les couloirs. Il est perdu dans ses pensées, si profondément qu'il sursaute quand une présence s'ajoute à ses côtés, silencieuse comme un fantôme. C'est Hermione qui marche là, collée à lui, si proche et pourtant apparue de nulle part.
« Je ne t'avais pas vu, d'où tu viens ?
— À la catéchèse on m'a dit d'Adam et Ève, et toi ? » Hermione lance avec un brin d'humour, sa main glissant à l'intérieur du bras de Severus. Ce n'est pas la première fois qu'elle fait cela, mais c'est rare. D'habitude, c'est quand elle a besoin de s'appuyer sur lui, ou pour l'entraîner quelque part avec urgence. Mais cette fois, ça ne ressemble à rien de tout ça. C'est presque comme s'ils se tenaient la main, mais sans vraiment se la tenir. Il ne comprend pas. Elle l'a fui pendant trois semaines, depuis cette crise de larmes devant l'infirmerie. Pas de nouvelles, rien. Et là, elle réapparaît, maniant l'humour comme si de rien n'était. Doit-il s'adapter ou lui demander des comptes ? Après tout, elle ne lui doit rien. Severus a l'impression de devenir paranoïaque.
« Espèce de papiste… » rétorque-t-il, un sourire en coin malgré la confusion qui le tenaille.
« Schismatique. Tu viens boire un verre chez John et Ruby ? » demande Hermione, sa voix un mélange de taquinerie et de sérieux.
« Je n'ai pas été invité.
— Ruby n'allait pas proposer ça durant la réunion. Tu as envie de discuter de la nouvelle fin du monde ?
— Résolument pas. Quelle heure ?
— Oh, d'ici une demi-heure je pense, Ruby doit régler un problème de financement de nouveaux draps pour l'infirmerie avec Minerva. À tout à l'heure. »
Avec ces mots, Hermione disparaît derrière le tableau de Boris le Hagard, laissant Severus seul dans le couloir. Il reste là un moment, perplexe, fixant l'endroit où elle vient de s'évanouir. Il se sent à la fois intrigué et légèrement irrité par cette réapparition soudaine et sa familiarité. Alors qu'il reprend sa marche, ses pas sont plus lents, sa réflexion plus profonde. Les corridors de Poudlard semblent plus silencieux après le départ d'Hermione, comme si même les pierres retenaient leur souffle. Dans cette solitude imposée, les émotions de Severus s'agitent, un tourbillon de questions sans réponse. La légèreté apparente d'Hermione, son retour inattendu, et cette invitation tout aussi soudaine chez John et Ruby le perturbent plus qu'il ne veut l'admettre. Stoïcisme, Severus, pense Zénon de Kition.
Hermione arrive avec un retard piquant. 22h, alors qu'elle avait promis 21h30. Elle dépose sa cape à l'entrée, furtive et file droit vers Ruby, capturée par un éclat de rire sur son canapé. Elles échangent quelques mots, un semblant de conversation avant que Ruby ne se tourne vers Hannah. Elles se lancent dans le sujet éculé du rachat des Trois Balais par Hannah. Ce n'est pas que cela ennuie Hermione, mais elles ont déjà mâché ce débat une demi-douzaine de fois ce mois-ci. L'impression de déjà-vu l'ennuie, son esprit flottant ailleurs, accroché peut-être encore aux fils de la journée. Ses pensées s'évadent, glissent loin des discussions réchauffées sur les affaires de Pré-au-Lard. Elle se sent déphasée, comme perdue dans un flot de paroles trop familières. Sa présence ici, maintenant, semble presque superflue, un décor à cette scène de convivialité usée.
Hermione glisse à travers la pièce, esquivant habilement Remus, John, et Neville, dont les rires tonitruants rappellent ceux de dindons goguenards. Elle se fraye un chemin vers la cuisine où elle aperçoit Penelope, Percy, et Severus en pleine discussion. Enfin, discussion est un bien grand mot : tandis que Percy et Severus échangent des mots qui semblent chargés de toute la gravité du monde, Penelope semble perdue dans une contemplation morose du fond de son verre.
En grande héroïne de guerre décide de voler au secours de cette pauvre Penny, une mission de sauvetage en territoire miné. Elle s'infiltre et lance, d'une voix claire et teintée d'amusement :
« Je sais que je ne suis pas la plus avisée en divination, mais l'avenir, ça se lit dans des tasses de thé, pas dans les verres de Saumur-Champigny.
— Il faudra prévenir Sybil alors, parce que ça fait des années qu'elle cherche les chiffres du loto dans le punch coco. » Hermione rit, trouvant toujours un plaisir coupable à se moquer de Sybil. Après tout, ils aiment tous bien rire aux dépens de Sybil, et de Simeon. Parfois, elle se demande ce que ces deux-là peuvent bien avoir en commun, et elle préfère ne pas savoir. Entre l'adorateur suprême de Biggins et la siffleuse de punch coco, les mystères restent entiers.
Severus, lui, n'a pas l'air de particulièrement apprécier la conversation avec Percy. Ce n'est pas surprenant. Avant de quitter son poste, Percy était un de ses collègues qui briguaient, tout comme elle, le poste de Biggins. Le départ d'Hermione a bien servi le rouquin, et les dernières manœuvres de Severus, tendant à faire tomber Biggins, pourraient encore plus l'avantager. Mais Severus se demande s'il ne ferait pas mieux d'inspecter toute la hiérarchie de Biggins. Percy a grandi, il est moins lèche-culs, mais il reste le plus Serpentard des Weasley. Pas le plus intelligent, mais certainement le plus roublard.
Hermione et Severus échangent un regard. Travailler dans les bureaux leur avait tous appris à parler avec les yeux. Elle avait tenté d'enseigner cet art à Severus, mais ses yeux restent souvent des abîmes insondables. Puis, sans qu'elle sache vraiment pourquoi, environ un an et demi après, il avait commencé à le faire lui aussi, fréquemment. Hermione avait sa théorie : cela avait peut-être à voir avec l'occlumencie. Peut-être baissait-il un peu ses barrières. Juste un peu. Théodore, lui, détestait quand Severus utilisait ce regard en sa présence. Hermione trouvait cela puéril ; la plupart des adultes maîtrisent l'art de "parler avec les yeux". Ne demandez pas à George, il en est le spécialiste. Mais lorsque c'était avec Severus, cela agaçait profondément Théodore.
Les yeux de Severus ont toujours eu cette étincelle particulière, un mélange de mystère et d'intensité. Elle comprend maintenant pourquoi il les barricade avec l'occlumencie. Peut-être comprend-elle aussi un peu pourquoi Théodore n'aimait pas qu'elle partage ce langage silencieux avec Severus. Ils sont comme le Pandemonium de John Martin, un chaos maîtrisé, une tempête de ténèbres où chaque regard est un défi à déchiffrer. Lorsqu'ils se communiquent sans mots, c'est une énigme, un cryptogramme complexe que seul Hermione peut résoudre. Et là crient qu'il en a assez de cette conversation. Percy est bavard, terriblement bavard.
Il continue de déverser un flot incessant de mots, inconscient de l'orage sous le calme apparent de Severus. Hermione ressent une pointe de sympathie pour Severus, partageant son agacement. Elle envisage brièvement de détourner la conversation, peut-être de l'introduire sur un terrain moins glissant, moins ennuyeux. Mais elle sait aussi que parfois, la meilleure stratégie est de laisser couler, de laisser Percy s'épuiser de ses propres paroles.
La voix de Penny coupe à travers le bourdonnement des conversations, tranchante et fatiguée.
« Ho, j'ai hâte que Padma accouche, je n'en peux plus d'entendre Ron parler de son fils. » se lamente-t-elle, les yeux roulant presque visiblement sous le poids de son exaspération.
Esquissant un sourire, Hermione réplique avec une pointe de sarcasme doux. « Ça va s'aggraver après tu vas voir.
— Je veux retrouver mon amie.
— Tu ne la retrouveras que le jour où tu seras maman, Penny. Padma est passée du côté obscur de la maternité. »
L'air de Penny s'illumine d'un rire clair, une éclat de gaieté dans le murmure continu des discussions. « Je l'ai perdu à jamais alors, » rit-elle, sous le regard attentif d'Hermione, confie alors, « Je n'en veux pas et Percy non plus, je n'en ai jamais voulu, et Percy trouve qu'il y a déjà bien assez Weasley dans ce monde, et il veut se consacrer au travail. »
Percy, ayant enfin cessé de parler, hoche la tête aux paroles de Penelope, une validation silencieuse de leur décision partagée. Hermione capte ce moment, le sérieux de Percy contrastant avec le ton léger de la conversation.
« Ah c'est bien si vous êtes d'accord là-dessus, » réagit Hermione, Severus, à ses côtés, observe la scène, écoutant sans intervenir, son visage impassible.
Penny est surprise par la révélation de la Gryffondor. Elle penche la tête, sceptique. « Tu en veux ? Ça m'étonne, j'aurais cru que non. » dit-elle, scrutant Hermione pour une explication plus profonde.
Hermione hésite un instant, cherchant les mots justes. « J'ai souvent hésité, mais oui. » Sa voix est douce, mais résolue.
« Et qu'est-ce qui t'as fait te décider ? » Penny incline son corps vers Hermione, captivée par le fil de sa pensée.
Hermione prend une inspiration, ses yeux se perdant un moment dans le vague. « C'est un peu égoïste comme vision, mais je veux ma famille. »
Severus, jusqu'alors silencieux, intervient, son ton est acéré, critique. « Les gens ne seront jamais ta propriété, même s'ils sont ta famille. C'est un acte égoïste de penser le contraire. » dit-il, les sourcils légèrement froncés.
Hermione tourne son regard vers Severus, une étincelle de défi dans les yeux. » Je ne cherche pas à posséder des personnes comme s'il s'agissait de Playmobil, Severus. Mon désir de fonder une famille est fondé sur les valeurs d'amour et de respect que mes parents m'ont inculquées. »
Penny observe l'échange, sa main jouant distraitement avec le pied de son verre.
« Et ça ne te suffit pas ? » Severus pousse un peu plus, ses yeux sombres scrutant Hermione.
Elle prend un moment, son regard se perdant dans un coin de la pièce, comme si elle cherchait ses réponses dans les ombres. « Je suis fille unique, j'ai souvent souhaité avoir des frères et sœurs. » Sa voix devient plus douce, plus introspective. « Née dans le monde moldu et vivant dans le monde sorcier, je ressens tous les jours comme si j'étais une expatriée sans jamais avoir déménagé. »
Severus l'écoute, son expression devenant légèrement moins dure, mais toujours sceptique.
« Avoir une famille, pour moi, c'est créer un ancrage, un socle. Bien sûr, mes enfants ne m'appartiendront pas. Je désire qu'ils soient libres et aimés.
— Créer une famille pour se sentir mieux ? Pauvre substitut à une thérapie. Tu idéalises trop. »Sa voix, tranchante et froide, coupe à travers le murmure de la soirée, laissant un silence tendu dans son sillage.
Percy, pris au dépourvu par la dureté de la remarque, échange un regard étonné avec Penny. Penny, elle, semble se retirer encore plus dans sa coquille, ses yeux fixant le fond de son verre, comme si elle cherchait refuge dans l'obscurité du Saumur Champigny.
« Non, c'est toi qui noircis le trait. » Hermione répond, un peu piquée.
Severus lance alors une salve, amère. « La famille, une excuse pour ne pas se sentir seul ? On n'est jamais aussi isolé que lorsqu'on dîne en face d'étrangers qu'on supporte depuis des décennies, utilisant ce prétexte de 'famille' pour justifier des comportements inacceptables. La famille nucléaire n'est rien de plus que le summum de la bassesse humaine, déguisée en idéal par une campagne de marketing bien huilée pour écouler des peluches à Noël. »
Hermione regarde Severus, voyant ses yeux se fermer, un rideau sombre tombant sur ce visage d'ordinaire si clair pour elle. Ça la blesse. Elle devine, derrière cette muraille qu'il dresse, un déluge de douleurs, d'histoires lourdes qui colorent sa vision noire de la famille. Elle, avec ses souvenirs familiaux chauds et sécurisants, ça tranche, ça coupe net avec le sien, qu'elle imagine glacé, solitaire.
À côté, Penny sent la tension qui sature l'air, palpable et presque suffocante. Son sourire, un peu forcé, est une tentative désespérée de ramener une légèreté dans la conversation qui a pris un tournant trop sérieux, trop intime. Elle tient la bouteille de vin, non seulement comme une offre de plus, mais aussi comme un bouclier contre l'inconfort qui la submerge. Sa proposition, « Je vous ressert ? » est moins une question qu'une échappatoire, une façon de détourner l'attention de la lourdeur des émotions dévoilées.
Percy, qui a suivi la conversation avec une surprise grandissante, ressent un malaise croissant. Il n'est pas habitué à ce que des échanges aussi chargés se déroulent devant lui, surtout pas avec des gens qu'il considère comme des collègues.
Ainsi, lorsque Penny commence à resservir du vin au autres convives, Percy se joint à elle rapidement, une synchronisation silencieuse dans leur mouvement. Il veut lui aussi échapper à l'intensité de la conversation, espérant que l'alcool puisse lubrifier les engrenages d'une soirée qui s'est enrayée. Pendant ce temps, laissant Hermione et Severus seuls, il espère qu'ils trouveront un terrain d'entente dans leur isolement partagé.
Dans la lumière tamisée de la cuisine, le silence s'étire. Ils sont tous deux accoudés contre la table, une proximité forcée par le manque d'espace plutôt que par un choix délibéré. Severus passe une main sur son visage, et pousse un soupir lourd.
« Je te présente des excuses, c'était déplacé, » murmure-t-il, les mots semblant lui coûter.
Surprise par son ton de voix, un mélange de regret et de résignation, elle hésite avant de répondre. « Tu ne veux pas en parler ? »
« Pas ici, pas maintenant. » répond-il brièvement, avant de porter à ses lèvres le verre de vin que Penelope lui avait resservi, comme pour combler le vide qui s'installait entre eux.
Hermione observe Severus, le regard scrutateur. Elle sait que depuis trois semaines, depuis qu'elle a pris conscience de la complexité de la situation, elle s'est éloignée pour réfléchir. Revenir vers lui maintenant, c'est comme tenter d'apprivoiser un chat sauvage — avec prudence, douceur, sans mouvements brusques. Elle se rapproche légèrement, sa tête trouvant naturellement sa place contre l'épaule de Severus. Elle respire profondément, cherchant du réconfort dans son parfum — ça sent la pluie sur le bitume chaud de l'été, la menthe, le bois, et quelque chose d'indéfinissable, un arôme qu'elle ne saurait décrire. La laine de sa veste est rêche contre sa joue, mais elle ne bouge pas, appréciant le contact malgré le léger inconfort. C'est tiède.
Severus, quant à lui, fixe les magnets sur le frigo, perdu dans ses pensées. Le contact d'Hermione le surprend, mais il ne se dérobe pas. Au lieu de cela, après un moment d'hésitation presque imperceptible, il laisse sa main glisser contre la hanche d'Hermione. Il ne sait pas quoi faire de ses propres sentiments, de ce désir qu'il réprime, convaincu que c'est à sens unique.
Le temps semble suspendu une minute, deux, peut-être cinq, ils ne comptent plus. Hermione, la tête toujours appuyée sur l'épaule de Severus, pense déjà à l'arrivée des élèves demain. L'idée ne lui plaît guère ; elle n'est pas prête à renouer avec le tourbillon de Poudlard. Tandis que ces pensées défilent, Severus, distrait, laisse son index tracer des cercles lents sur la hanche d'Hermione, comme s'il mélangeait une potion par habitude, ses gestes doux et répétitifs.
Leur moment de quiétude est brusquement interrompu par Remus qui pénètre dans la cuisine, un air amusé peint sur le visage. « Hum, je dérange pas ? Je passe juste, Neville a renversé du tarama sur ma chemise, » annonce-t-il, montrant une tache étendue sur sa chemise autrefois impeccable.
Severus se tend légèrement à l'interruption, mais Hermione reste immobile, son refuge contre l'épaule trop précieux pour l'abandonner si rapidement. « Tu n'as pas ta baguette ? » demande-t-il, dubitatif.
« Je l'ai laissée à l'appartement. Et Percy est très bavard ce soir, ou c'est moi ?
Severus acquiesce avec un sourire en coin, Hermione amusé « Percy est infiniment bavard. Heureusement qu'il n'est pas professeur. »
Remus, s'attaquant à la tache avec une éponge, plaisante en retour : « On devrait inventer des cours de trois semaines, et sans pause-café. Il se vexerait. »
Severus observe la scène, un sourire furtif s'échappant alors que Remus étale la tache plutôt que de la nettoyer. « Tu étales ta tache. » commente-t-il, son amusement à peine voilé face à l'inefficacité de l'effort de Remus.
Hermione, toujours contre Severus, commence à ressentir la chaleur de la pièce. Elle tente de se défaire de son épais pull en laine. En faisant cela, sa chemise remonte légèrement, exposant un bout de peau. Severus, attentif, glisse doucement sa main dans son dos pour tenir la chemise, évitant qu'elle ne remonte trop. Hermione, touchée murmure un « Merci. » Elle plie soigneusement son pull et le pose sur la table de la cuisine, un sourire doux aux lèvres.
Remus quitte la pièce les laissant avec son commentaire « Vous voyez, c'est pour ce genre de comportement que les gens pensent que vous êtes ensemble. »
Hermione, insouciante ou peut-être simplement plus à l'aise avec la situation, se réinstalle contre lui avec une aisance déconcertante. « Il en faut peu. » Son murmure est léger, presque un souffle contre le tumulte de Severus.
Il se retrouve à naviguer dans un brouillard, tiraillé entre son désir de maintenir une distance et ce qu'il ressent pour Hermione. Les dernières semaines n'avaient été qu'éloignement et ce soir, l'équilibre semble encore plus précaire. Severus se demande sur quel pied danser, mais une petite voix lui murmure qu'il peut bien profiter tant qu'elle ne le repousse pas. Après tout, Hermione est adulte et pleinement capable de déterminer ce qu'elle veut ou ne veut pas. Cette réflexion le rassure, même si une part de lui reste sur ses gardes.
Il ne dit rien, choisissant de se perdre dans la chaleur d'Hermione contre lui. Il laisse les conjectures pour plus tard, pour un moment où le plaisir de sa compagnie ne sera pas teinté par les commentaires des autres. Pour l'instant, il s'accorde ce répit, cette proximité, tout en restant vigilant.
Avec un geste doux mais déterminé, il enroule son bras autour de sa taille. Il la guide pour qu'elle se tourne vers lui, son mouvement fluide comme s'il avait répété ce geste mille fois dans son esprit. La tête d'Hermione trouve naturellement place dans le creux de son cou. Il incline sa tête, la posant délicatement sur la sienne.
Il sent la chaleur de son souffle contre son cou, une sensation qui le fait frissonner légèrement. Il regrette la présence de son foulard. Si seulement il pouvait sentir plus directement la douceur de sa peau contre la sienne.
Les mains d'Hermione glissent contre son torse, des mouvements lents et il se perd dans la sensation, tout en se demandant jusqu'où cela pourrait aller avant qu'elle ne le repousse. Il y a une tension, un fil ténu entre le désir et la retenue, et il navigue dessus avec prudence.
Il n'entend plus les rires et les conversations qui filtrent depuis le salon. Il se resserre légèrement autour d'Hermione, comme pour la garder dans ce cocon.
Il n'avait jamais vraiment réfléchi à ce qu'il attendait d'elle, car pour lui, espérer quelque chose d'elle semblait une cause perdue. Mais et si ? Après tout, il l'avait vue échanger des étreintes avec Potter ou Weasley. Doit-il y voir un signe, peut-il enfin se permettre d'espérer ? Mais même dans ses moments les plus audacieux, il ne s'était jamais laissé imaginer qu'elle pourrait s'intéresser à un vieux rabougri comme lui.
Ses mains glissent de sa taille à sa hanche, c'est comme si elles avaient leur propre volonté, effleurant la fine chemise d'Hermione. Est-ce qu'elle le repousserait s'il glissait ses mains en dessous ? Il respire l'odeur de ses cheveux, un mélange de shampoing, de coton et de badiane, une senteur qui le transporte ailleurs, loin des rire de Ruby et des bavardages de Perceval.
Hermione, elle, rumine. Serait-elle trop lunatique si, après trois semaines à l'ignorer, elle se mettait à l'embrasser là, tout de suite, dans la cuisine de Ruby ? Probablement que oui. Est-ce prématuré ? Peut-être, mais elle s'en fou. Prise dans ses bras, la chaleur de son corps contre le sien, l'odeur rassurante de Severus l'enveloppe. Elle sait qu'elle devrait probablement retourner dans le salon, mais la porte est fermée.
Mais avec un soupçon de bravoure elle glisse son nez contre son cou, juste au-dessus du foulard. Severus frissonne sous le contact. Encouragée, elle dépose un baiser là, juste à cet endroit, et attend, de voir comment il réagit. Et elle attend, le souffle court, son cœur battant un rythme fou.
Quelques secondes s'égrènent, suspendues dans un silence épais. Severus, incertain de la réalité de ce qu'il vient de sentir, laisse sa main parcourir doucement le dos d'Hermione. Sa prudence est palpable ; chaque geste est mesuré, réfléchi. L'autre main, plus audacieuse, glisse sous son chemisier, ses doigts effleurant à peine la peau de son dos dans un contact léger.
Il baisse la tête, guidé par un mélange de désir et d'hésitation, tandis qu'Hermione, répondant à son mouvement, redresse la sienne. Leurs yeux se rencontrent, et tout le reste semble s'évanouir autour d'eux.
À travers l'entrebâillement de la porte du salon, qui n'est pas aussi fermée qu'on pourrait le croire, Ruby et Remus observent.
« Bon, ça fait une plombe qu'ils sont là-dedans, Mus'... » murmure Ruby, son ton mi-amusé, mi-intrigué.
Lui qui vient de jeter un coup d'œil discret, répond d'un air complice : « Quand je suis entré, ils étaient bien partis.
— Tu vois quelque chose ? » insiste Ruby, essayant de se faire une meilleure idée de la situation.
« Ils se plotent. » note Remus, esquivant la question directe.
— Mais est-ce qu'ils s'embrassent ?
— Vous voulez pas leur laisser un peu d'intimité après ces semaines ? » demande Hannah, espérant peut-être mettre fin à cette surveillance.
« Non. » répondent Ruby et Remus en chœur, trop captivés.
