Un OS écrit en une petite soirée. J'ai peut-être une idée pour une deuxième partie... a voir, si j'ai le temps...
N'hésitez pas a me dire ce que vous en pensez c'est toujours sympa !
Bonne lecture !
Le verre de vin
Miss Granger le fixait depuis un moment déjà, ses yeux suivant chacun de ses gestes, peu importe où il allait, tant qu'il restait près de son bureau. Lorsqu'il s'approchait un peu trop d'elle, une alarme semblait s'allumer dans sa jolie (jolie ? s'étonna-t-il) petite tête frisée, la poussant aussitôt à fixer le sol. Au début, il trouvait amusant d'attirer autant l'attention d'une jeune femme. Mais au-delà de l'amusement, c'était surtout très gratifiant. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'une héroïne de guerre vous regarde deux fois, surtout une héroïne aussi belle. Cela ne lui arrivait presque jamais, voire pas du tout.
Si vous étiez dans un bar, pas les Trois Balais (trop de monde), un bar moldu plutôt, dans une zone pas trop fréquentée ni trop isolée. Ce genre de bar où seuls les habitués connaissent l'adresse, le genre de bar que Severus aime fréquenter lors de ses vendredis soirs de libre. Lorsqu'il n'est pas perturbé par Minerva McGonagall, la très chère directrice de Poudlard, qui souhaite organiser des réunions soporifiques de personnel lorsque son quotidien lui semble tout à coup trop plat. Il avait pris l'habitude de trouver de superbes excuses pour s'extirper des blablas redondants des autres professeurs, qui lui semblaient être les mêmes depuis la nuit des temps.
Miss Granger serait assise près du bar, sur un tabouret haut, le dos droit mais détendu. Un verre de whiskey… Non, elle boirait quelque chose de plus doux, un mojito… Toujours pas, trop frais pour elle qui semble rechercher plus de chaleur… Alors, un verre de vin. Lequel ? Rosé, blanc, rouge ? Rosé, trop adolescent, trop estival.
Elle refait sa septième année en tant qu'externe et reste une étudiante, mais elle n'en est pas moins devenue une femme. Alors, du blanc, pourtant il pensait qu'elle se tournerait très probablement vers un rouge. S'il avait été amateur de vin et moins de whiskey pur feu, il aurait été capable de donner un nom et une année. Cependant, il était tout à fait capable d'en décrire le goût : sucré, un peu fruité, assez pour masquer l'alcool sans être trop doux. L'acidité viendrait après, piquant ses papilles. Elle viendrait lécher délicatement ses lèvres, dans une sensualité involontaire, pour attraper les dernières saveurs de cerise et de bois. Elle prendrait de petites gorgées, à intervalles réguliers, ni trop rapides ni trop lentes. Un tempo sans prise de tête, une soirée où elle voudrait simplement se décharger les épaules quelques instants.
Quelques hommes la regarderaient sans oser l'approcher. Elle porterait ses bottines à talons qu'il l'avait vue porter un mercredi alors qu'elle passait rapidement à Poudlard pour prendre un thé avec Minerva. L'uniforme n'étant pas obligatoire pour les élèves reprenant leurs études en septième année après la guerre, elle suivait les cours simplement pour valider ses ASPIC. Donc, ces petits talons, ce jean noir et ce chemisier bordeaux. Un accord parfait avec le vin. Ses cheveux bouclés seraient détachés, relâchant même dans son apparence la pression qu'elle semblait se mettre sur les épaules le reste de la journée.
Le barman viendrait échanger quelques mots avec elle, espérant probablement apprendre à la connaître un peu plus.
— Vous attendez quelqu'un ?
— Non.
— Puis-je vous resservir ?
— Non merci, je conduis après.
Ce dernier mensonge cacherait le fait qu'elle transplanerait après et qu'il valait mieux avoir les idées claires pour le faire si l'on ne veut pas être déchiqueté en morceaux. Elle voulait se détendre mais restait néanmoins la Miss Je-sais-tout raisonnable qu'il connaissait.
Miss Granger, assise au bar, regarderait la salle sans se concentrer sur quiconque. Elle ne cherche rien, ni personne, elle observe simplement. Elle reprendrait une gorgée et constaterait qu'il ne lui resterait plus grand-chose dans son verre. Il n'était pas tard, elle n'était ni fatiguée ni bouleversée. Son regard l'accrocherait alors. Pensa Severus. Comme il le faisait maintenant, sans aucune honte, elle le détaillerait, comme elle le faisait maintenant. Une aura entourerait sa personne d'une tranquillité inhabituelle pour les personnes de son âge, comme actuellement.
Cependant, contrairement à ce qu'il se passe dans le présent, Severus ne s'embêterait pas à imaginer tout ce scénario. Il se serait installé au bar, l'aurait remarquée en mettant un seul pas dans la pièce. La force et le mental de Miss Granger, bien que très calmes en apparence, sont en fait toujours submergés de questions, d'interrogations et de pensées qui auraient tout de suite fait grésiller son Occlumancie. Toujours en contradiction avec la situation initiale, elle lui aurait parlé, trop curieuse d'en savoir plus sur lui. Il n'y aurait pas eu la barrière de professeur et d'élève dans ce lieu. Ils auraient été deux parfaits inconnus.
Elle se serait levée, l'aurait approché et aurait demandé :
— Cette place est prise ?
— Non, aurait-il répondu.
Bien qu'un peu sec, il aurait probablement mis plus de douceur que pour n'importe qui d'autre. C'est tout de même assez rare qu'une femme le détaille ainsi sans un air dégoûté sur le visage. Enfin, dans le rêve de Severus, ses cheveux seraient moins gras car il ne sortirait probablement pas avec ses cheveux dans cet état à cause des effluves de potions. Il aurait probablement l'air beaucoup plus ouvert que dans cette classe où la quantité d'idiots au mètre carré atteint des records et ne serait peut-être pas habillé avec cette redingote le protégeant de la bouillie, que ses « élèves », mettons des guillemets car il vaut mieux les nommer « insupportables, irritables petits cons à la cervelle sous-développée et au QI inférieur à celui d'une huître », que les appeler « élèves ».
Il porterait cette chemise noire qu'il cache en dessous et un pantalon bien plus confortable. Il n'aurait probablement rien à voir avec le professeur et bien plus avec Severus. Ce genre de soirée est tout à fait ce qu'il imagine lorsqu'il pense à sa vie de rêve. Du calme, une femme magnifique assise à côté de lui et un verre de Whiskey dans sa main qu'il n'aurait pas eu besoin de demander au serveur, il faisait lui aussi partie des habitués.
Au début, il ne la regarderait pas, la laissant la juger. Il attendrait qu'elle se détourne à cause son manque de considération. Mais la fille est bien trop tenace pour ne pas dire têtue ou bornée pour abandonner.
Faisant preuve de bien plus de réflexion que dans la vraie vie, elle n'aurait pas insisté pour parler voyant que son interlocuteur n'était pas très cocasse. Ils se seraient échangé des regards, elle avec un petit sourire discret. Il aurait alors eu tout loisir de la détailler elle aussi, comme elle l'avait impitoyablement fait quand il était entré. Il aurait apprécié son visage et ses yeux ambrés, de la même couleur que la meilleure bouteille de sa cave, ainsi que le pétillement formé par les interrogations qui circulent dans son cerveau.
Il aurait probablement jeté un coup d'œil rapide à son décolleté, pas plongeant mais tout en finesse. Quelque chose de simple, comme lui et comme elle. Il n'aurait pas été insistant, seulement flatteur. Une chose que tous ces adolescents boutonneux ne savent pas encore faire, pensant qu'en regardant avec insistance les attributs d'une femme, ils gagneraient ses faveurs. Severus n'avait pas des manières parfaites mais était tout à fait capable de respecter une femme comme Miss Granger : un cerveau et une beauté mêlés. Il aurait jeté un petit coup d'œil à son collier, où pendait une fine bague. S'il ne la connaissait pas, il se serait dit qu'elle était trop jeune pour avoir été mariée, divorcée ou veuve, mais peu importe.
Finalement, alors que le silence s'éterniserait et qu'il s'interrogerait toujours sur la provenance de la bague, elle lui aurait dit :
— Un cadeau de mes parents. C'est la bague de fiançailles de ma mère.
Il se moquait souvent de l'esprit de Miss Granger, à cause du trop grand nombre de questions qu'il était capable de formuler, mais c'était l'hôpital qui se fout de la charité, car lui aussi avait la tête trop pleine de questions. Pourquoi ne la porte-t-elle pas à un de ses doigts ? Pourquoi autour du cou ? Finalement, cela l'amènerait à regarder ses mains. Fines, avec des ongles soignés, à l'opposé des siens, rongés, ses pensées auraient très probablement dévié à cet instant. Il se serait demandé ce que cela fait de tenir l'une de ses mains, de les voir le toucher. Comment est-elle dans l'intimité ?
À première vue, il la penserait douce et romantique, mais c'est sans compter sur son caractère fougueux et les étincelles dans ses yeux. Elle ne lui aurait pas dit oui pour ce soir, mais peut-être après plusieurs soirs, il aurait eu le droit de voir toute sa fougue. Aimait-elle être dominée ? ou aimait-elle dominer le rapport ? Peut-être les deux… Aventureuse ou sage ? Bruyante ou calme ? Il ne la voyait pas crier comme une harpie, mais pouvait imaginer ses gémissements rien qu'au son de sa voix.
Ses pensées qui commençaient à aller un peu trop loin auraient été coupées par le son de sa voix qu'il imaginait alors dans un tout autre contexte. Elle oublierait un instant la partie raisonnable de son cerveau et aurait pris à nouveau un verre.
Le serveur aurait eu un œil un peu insistant envers elle puis l'aurait probablement regardée dégoûté, se demandant ce qu'une femme de sa trempe trouverait dans la compagnie d'un homme taciturne. S'il ne pensait pas qu'il était laid. Severus ne pensait pas l'être, ou plutôt ne pensait plus l'être. La guerre était finie, ses dents ne recevaient plus de coups toutes les semaines et il ne fumait presque plus. Il avait pu prendre un rendez-vous chez un dentiste, qui avait grimacé en constatant l'étendue les dégâts, mais qui avait fait un travail merveilleux sur sa dentition, la faisant passer de dégoûtante à passable, et c'était un changement très appréciable.
Il ne souriait pas plus parce qu'il n'a jamais été quelqu'un d'heureux, mais au moins, il pouvait le faire convenablement maintenant. Son nez était toujours tordu et trop droit mais ce n'est pas quelque chose qu'il détestait chez lui, il avait toujours fait partie de son visage anguleux. Il pouvait le dire, si on oubliait les cernes et ses cheveux gras causés par les élèves, il était bien mieux qu'il y a un an. Et aurait tout à fait été capable de flirter avec la jeune femme devant lui car il avait quelque chose que le jeune homme du bar n'avait pas : un esprit et cela semblait être tout ce qui importait à la jeune femme.
Au final, bien qu'elle ne se soit pas mouvementée, sa soirée aurait été tout à fait agréable. Il aurait fini son verre. Il se serait levé, aurait fait signe au barman.
— Mettez les consommations de la jeune femme sur ma note.
— Vous ne prendrez rien d'autre ? lui aurait demandé le barman.
— Non, pas ce soir.
Miss Granger aurait rougi, et presque contesté. Elle semblait être le genre de femme à préférer faire moitié-moitié plutôt que de se faire payer un verre par un inconnu.
Il aurait levé un sourcil, comme pour la défier, puis aurait souri doucement avant de dire, utilisant la capacité de sa voix comme seul lui savait le faire pour la faire taire.
— Vous paierez la prochaine fois.
Cela sonnait comme une promesse.
Finalement, elle l'aurait rattrapé avant qu'il ne sorte.
— Professeur Snape ?
— Oui ? lui aurait-il répondu, bien que surpris qu'elle le connaisse aussi dans son rêve.
— Vous devriez regarder votre chaudron, la couleur semble étrange…
— Mon chaudron ?
Severus cligna des yeux plusieurs fois. La potion qu'il était en train de préparer pour les élèves avait viré jaunâtre, et ça ne sentait pas du tout bon. Tous les élèves avaient pincé leur nez, et Miss Granger aussi. Quand il la regarda, elle eut pourtant les yeux qui pétillaient et ses joues se teintèrent d'un rose léger. Putain. Il était en train de se ridiculiser devant sa classe de septième année, ou peut-être devrait-on dire huitième année, aucune foutrement idée, il se ridiculisait dans tous les cas.
Il nettoya le bordel d'un coup de baguette magique sans en enlever l'odeur. Ça leur apprendrait à se moquer de lui. Même s'il devait prendre trois douches et brûler ses vêtements pour s'en débarrasser, ils devraient faire de même.
— Un de mes ingrédients devait être passé.
— Bien sûr, entendit-il chuchoter. Cette fois-ci, Miss Granger ne le regardait plus et gardait la tête baissée.
— Un problème ? Demanda-t-il. Finissez votre potion, vous m'apporterez une fiole chacun à la fin du cours, je la noterai.
Tous les débiles devant lui se remirent aussitôt au travail et grognèrent.
Il passa le reste de l'heure à regarder tout sauf cette foutue Miss Granger qui avait elle aussi l'air de l'éviter du regard. Il ne passa pas à côté d'elle, ne lui dit rien et l'ignora tout simplement. Si elle ne le fixait pas avec autant d'insistance, son esprit n'aurait pas dérivé de la sorte par ennui et il n'aurait pas créé cette bouillie puante. Il était énervé. Pourquoi s'embêtait-elle à passer ces foutus examens alors que les portes de toutes les universités s'étaient ouvertes à elle à la fin de la guerre.
"Gnagnagna, je suis la meilleure amie du sauveur. Gnagnagna, j'ai aidé à sauver le monde. Gnagna, j'ai un cerveau et je sais m'en servir." Encore heureux sinon elle n'arriverait même pas à aligner un pas après l'autre, ce n'est pas d'une grande difficulté. C'est un organe qui lui appartient, bien que la majorité des gens aient l'air de ne même pas savoir où ils se situent.
Il avait envie de sortir, de brûler le parc. Il détestait rater une potion d'un niveau académiquement bas et qu'il aurait pu faire les yeux fermés. Il aurait dû la faire les yeux fermés, il aurait été moins embêté par cette Gryffondor, plus si Gryffondor depuis qu'elle n'arborait plus cet uniforme rouge et or et qu'elle devenait une jeune femme calme et réfléchie, qui semblait porter une multitude de couleurs différentes maintenant. Elle avait choisi ce vert sapin aujourd'hui. Bien trop Serpentard et surtout qui lui allait beaucoup trop bien, pour qu'il réfléchisse correctement. Pourquoi ! Pourquoi son cerveau s'entête à penser à ces choses ?
Il s'était rassis à son bureau et ne remarqua même pas que le cours était fini, les élèves rapportant rapidement leurs potions sur son bureau avant de déguerpir le plus rapidement possible de sa classe, dont l'odeur était à donner des haut-le-cœur.
Une forme devant lui ne semblait pas vouloir partir pour autant. Il releva la tête et tomba nez à nez avec son cauchemar de la journée.
— Voilà ma potion, Monsieur.
Elle ne dit plus rien, attendant une réponse de sa part, mais il se contenta de hausser un sourcil dédaigneux, comme pour dire : « J'ai remarqué, pas besoin de notifier une chose aussi évidente. Vous voudriez que je vous aide à écrire votre prénom dessus aussi ? » Mais il ne dit rien. Elle le regarda de côté avant de murmurer plus bas mais toujours assez fort pour qu'il l'entende :
— En fait, je n'aime pas vraiment le rouge. J'aurais pris du blanc.
Severus arrondit le regard. Et elle s'enfuit comme les autres avant de recevoir les foudres.
