Luzula-spicata : Ahahah, ca fait ultra plaisir de savoir que la lecture t'a tenu en haleine ! J'espère que la suite te plaira et que le changement de rythme de lecture ne sera pas trop frustrant :D

En passant : T'es vraiment adorable, merci de ton soutien ! Et bravo pour ta tolérance :D il a beau n'avoir rien fait de mal, le nouveau, personne ici n'a envie que Drago lui tombe dans les bras, pas vrai ?


« Pourtant, c'est mignon comme prénom, Drago… »

Drago haussa les épaules :

« Je préfère qu'on m'appelle Malfoy.

– T'es pas facile à amadouer… »

Ils étaient sur la plage, installés sur l'un des petits bancs qui longeaient désormais l'allée qui reliait le ponton de l'île aux gigantesques portes d'entrée du château. Kieran Price avait commandé quelques mystérieuses fournitures d'architecte et il avait proposé à Drago d'attendre la livraison du ferry avec lui. Étrangement, les albatros refusaient de s'en occuper : ils n'acceptaient de livrer que le courrier qui portait le sceau de la prison. Drago avait pourtant insisté longtemps, argumenté, bataillé, avait offert des friandises aux volatiles… Même Vif-Eclair, pour lui montrer son opinion sur la question, avait fini par lâcher une déjection puante en le fixant. Drago avait compris le message.

Kieran Price l'attendait à la fin des réunions d'équipe et l'aidait parfois à porter ses affaires. Kieran Price lui proposait de lui amener une tasse de thé, et même s'il s'agissait toujours du pitoyable breuvage premier prix d'Azkaban, Drago acceptait systématiquement l'offre. Kieran Price savait ce qu'il voulait, mais il avait la délicatesse de tourner autour du pot, et Drago hésitait à laisser une chance à l'architecte.

Kieran Price était à mille lieux des hommes que Drago avait pu fréquenter par le passé. Il va sans dire qu'il n'avait rien d'un Rockwood ou d'un Waren, et sa galanterie faisait même passer les plus délicats de ses violeurs pour des brutes épaisses. Il n'avait rien à voir non plus avec les malheureux garçons avec qui il avait flirté ou s'était envoyé en l'air à Poudlard : C'était un homme adulte et intelligent, et ses hormones ne lui dictaient pas sa conduite. Il avait le charme très discret d'une personne sans histoire, et Drago commençait à se dire que c'était peut-être de ça dont il avait besoin après le désastre Potter.

« Des fois, t'as tellement l'air dans ton monde…

– Pardon ? » Drago se retourna vers lui, surpris.

« Je disais que t'étais pas facile à amadouer, répéta patiemment Kieran Price. Il y en a d'autres que Harry Potter qui ont le droit de t'appeler par ton prénom ?

– En fait, il a pris ce droit de lui-même. Je préfèrerais qu'il s'abstienne.

– Difficile de lui dire non, pas vrai ? »

Drago émit un ricanement gêné.

Difficile, en effet. Ça faisait désormais quatre fois qu'il avait accepté de diner avec Potter, et l'exercice s'était transformé en rendez-vous routinier et pas totalement désagréable. Drago n'avait à s'occuper de rien, ce qui était rare : il glissait ses pieds sous la table, et laissait Potter lui remplir de ventre de nourriture moldue et les oreilles d'histoires plus ou moins crédibles, mais toujours divertissantes.

Il avait cessé ses exigences extravagantes de soupe hors de prix et de balai de course. À quoi bon ? Peu importe ce que Drago faisait, Potter agissait comme s'il s'agissait d'une réaction qu'il avait attendue et espérée…

Drago s'était même surpris, lors du diner de la semaine précédente, à prendre la parole de lui-même : L'anniversaire du petit Teddy Lupin-Tonks approchait, et Potter se plaignait de ne pas savoir quoi lui offrir. Drago avait émis poliment quelques suggestions. Potter s'était interrogé sur l'intérêt d'un déguisement magique. Drago, pour sa part, ne comprenait pas comment pouvait fonctionner un déguisement moldu… Quoi qu'il en soit, il s'était mis à décrire le joli costume du lac des cygnes qu'il avait reçu lors d'un Noël lointain, et porté jusqu'à ce que le tissu soit si élimé qu'on pouvait voir à travers et que les coutures craquent. Il l'avait tant et tant utilisé que même les elfes de Maison n'avaient plus pu le rafistoler. Il avait fini par l'enterrer dans le jardin du manoir pour pouvoir lui dire adieu de la seule façon qu'il avait trouvé appropriée. Il se souvenait des centaines de pirouettes qu'il avait effectué dans la grande salle de bal du manoir ou dans les jardins, sous le regard encourageant et admiratif de Narcissa Black Malfoy.

Et puis il avait paniqué en se rappelant là où il se trouvait et en présence de qui.

Potter l'observait avec des yeux encore plus brillants que ne l'avaient été ceux de sa mère.

Drago s'était levé d'un bond pour aller s'enfermer aux toilettes. Il avait hésité à se fourrer deux doigts au fond de la gorge pour se purger de ce genre de réflexion, mais avait réalisé que Potter risquait de l'entendre. Il s'était refait une apparence, était revenu dans le salon, et avait accusé le plat du jour – des sushis, de nouveau – d'être avarié.

« C'est vrai que vous êtes sortis ensemble, toi et Harry Potter ?

– On a eu une relation, s'empressa de corriger Drago. Et je n'avais pas le choix ! Il m'avait laissé le choix, mais je… » Drago réalisa qu'il s'embrouillait en parlant trop vite. Il reprit sa voix trainante et maitrisée : « Nous avons essayé. Ça n'a pas fonctionné. Nous n'avons rien en commun. J'étais simplement le seul homosexuel de son âge sur l'île.

– Et c'est comme ça que t'as obtenu ce job ? »

Drago détourna le visage. Il s'était prostitué, mais c'était du passé. Il réalisait son travail à la perfection, et c'était pour cette raison-là qu'il avait conservé le poste.

« Il est sympa, quand-même, non ? C'est pas tout le monde qui maintiendrait son ex en place… »

Drago haussa de nouveau les épaules.

Quand le ferry arriva finalement, Potter, comme à son habitude, en descendit en sautant directement sur le ponton pour aider à l'amarrage. Kieran Price et Drago se levèrent et se dirigèrent vers l'endroit où les Surveillants étaient déjà occupés à décharger les fournitures. Potter redressa la tête à leur approche :

« Ah, Price ! Votre colis est… Drago ?! Ça va ? »

Il cessait toujours chaque activité ou discussion en cours pour s'en assurer. Drago n'aimait pas beaucoup cette habitude désinvolte qui le forçait à répondre s'il ne voulait perdre encore plus de temps et passer pour irrespectueux.

« Très bien, Potter, marmonna-t-il en baissant le nez.

– Tiens. »

Il s'empara docilement du sac contenant le repas du jour.

« Reste pas là, tu vas attraper froid. Comme je vous disais, Price, vos affaires sont par ici… J'ai vu votre nom passer. »

Drago adressa un hochement de tête et une grimace d'excuses à l'architecte et reprit la direction du château et des appartements du Directeur.

À présent, ceux-ci étaient si bien rangés qu'ils ressemblaient aux pages de publicité des catalogues du Mobilier Orpington. Rien ne traînait et tout reluisait. Les seuls indices que quelqu'un vivait ici tenaient dans les aménagements que Drago avait apportés lui-même, du temps où il s'occupait du ménage de Potter : La bibliothèque avec les deux albums photos posés en valeur, la corbeille de fruits frais (maintenue en état par un discret charme de stase), le râtelier à balais, les trois disques vinyles posés perpendiculairement aux autres…

Bien sûr, tout ça était de la poudre aux yeux. La semaine précédente, il était resté interloqué plusieurs secondes quand il avait pénétré la cuisine et réalisé que celle-ci servait de débarras. Ce soir-là aussi, il s'y rendit pour prendre deux verres et un pichet d'eau dans un placard – il semblait que les moldus n'avaient pas besoin de boire, ou bien qu'ils s'en abstenaient dans les restaurants de nourriture à emporter – et une nouvelle fois, se figea. La fibre ménagère de Potter s'était finalement aussi étendue à cette pièce.

Il prit ce qu'il était venu chercher, mit la table, puis par curiosité morbide, alla entrouvrir la porte de la chambre à coucher et jeter un œil dans celle-ci. Sans surprise, il découvrit un monceau de vêtements abandonnés, de livres et de feuilles volantes sur le lit.

« J'avais pas prévu que tu viennes fouiner dans cette pièce-là », fit une voix dans son dos.

Drago referma doucement la porte et se retourna pour voir Potter accrocher sa cape à la patère.

« Ce n'est pas vraiment comme ça qu'on est censé ranger un lieu d'habitation…

– Ouais, mais quitte à me répéter : T'étais pas censé voir ça. Je fais du ménage ici pour que tu t'y sentes un peu plus à l'aise, mais je considère que c'est une perte de temps partout ailleurs.

– Tu perdrais moins tes affaires si tu étais un peu plus méthodique », assena Drago en venant s'asseoir à sa place habituelle.

Il ne savait pas trop quoi faire de ce genre d'attentions.

« Où as-tu décidé de m'emmener ce soir ? demanda-t-il ensuite.

– Pour changer, on reste en Grande Bretagne, cette fois ! Fish and Chips ! »

Des Biéraubeurres accompagnaient le menu. Drago prit bien garde à ne pas boire trop rapidement la sienne. Comme d'habitude, Potter passa le repas à parler de tout et de rien. Il lui montra le déguisement d'hippogriffe qu'il avait dégoté pour son filleul, lui passa le nouveau catalogue de chez Dumalley Fils, se plaignit que les travaux n'avançaient pas aussi vite qu'il l'aurait voulu…

Au bout d'un moment, une pause dans le monologue parut s'étirer un peu plus longtemps que les autres. Quand Drago en prit conscience, il haussa un sourcil à l'attention de Potter et but une nouvelle gorgée de Biéraubeurre en silence.

« Et… Ça va, toi, en ce moment ? »

Drago continua à siroter sa boisson sans répondre. Potter tripota l'étiquette de la sienne avant de grimacer puis de le fixer en pinçant les lèvres.

« Kieran Price… Il, euh… Enfin, il te colle pas mal aux basques, non ? Il te dérange pas ? »

Drago hésita en faisant tourner le liquide dans sa bouche. Finalement, il avala et reposa sa bouteille.

« Kieran Price est d'une compagnie agréable », répondit-il doucement. Il posa ses coudes sur la table, croisa ses avant-bras, et adressa à Potter un regard qui le mettait au défi de poursuivre sur cette voix.

« Il s'intéresse à toi, annonça plus clairement Potter.

– Il semblerait. »

La question suivante mit un moment à arriver :

« Et toi ? Tu t'intéresses à lui ?

– Est-ce que ça te concernerait si c'était le cas ? Il n'est ni un prisonnier ni un membre du personnel. »

Potter se mit à se suçoter les lèvres, cherchant visiblement à ménager la chèvre et le chou. Au final, il tenta maladroitement de reprendre la situation à son avantage :

« Est-ce que ça me concernerait si c'était le cas ? répéta-t-il doucement. Est-ce que t'irais jusqu'à utiliser ce mec pour me donner une bonne leçon ?

– Bonne question, Potter, siffla Drago en plissant les yeux. Est-ce que je suis encore une pute prête à utiliser son cul pour obtenir ce qu'elle veut ? »

Potter tiqua quand l'insulte fut prononcée, mais il ne détourna pas les yeux, et ses sourcils prirent une inclinaison peinée. Encore une fois, il pesa longtemps ses mots avant de répliquer. Il semblait un joueur en position d'échec et redoutant le mat inévitable.

« Je pense pas que t'aies jamais été… » commença-t-il avant de s'interrompre dans un soupir… « Non, je pense pas que t'irais jusque-là, annonça-t-il finalement. Et ça ne me regarde pas, admit-il en se massant le front. Mais ça m'intéresse quand-même, tu t'en doutes. Je… Je m'inquiète. Mais si… Enfin, si… S'il est capable de te rendre heureux, alors je… Enfin, je… Je veux que ton bonheur, Drago… » gémit-il enfin d'un ton pitoyable.

Drago le considéra un moment, puis il haussa les épaules et se réinstalla confortablement contre le dossier de sa chaise. Quelques semaines auparavant, il aurait joui de la situation, de la détresse de Potter. Ou en tout cas, aurait rêvé d'en jouir. Il avait exigé de pouvoir coucher avec un matelot du ferry, mais n'avait jamais réellement envisagé de mettre cette « menace » à exécution. Peut-être bien que Potter l'avait deviné et que c'était pour cette raison qu'il avait accepté. À présent que la possibilité était à portée, tous les deux reconsidéraient la chose d'un nouvel œil. Et Drago n'avait plus envie de lui mentir.

« C'est trop tôt, annonça-t-il enfin en laissant son regard gêné errer dans la pièce vide. Je ne le connais pas encore très bien. J'ignore si quoi que ce soit de sérieux pourrait naître entre nous. Mais il est gentil et patient. Je n'exclue pas la possibilité que quelque chose arrive.

– Si… » Potter parlait presque aussi lentement que lui. « Si ça devenait sérieux, alors je… Enfin, je te l'ai dit : Je… Je te jure que je laisserai tomber, mais… »

Drago décida finalement de le regarder, et Potter s'interrompit avant de reprendre sans cligner des paupières :

« Mais je t'aime toujours, alors ça va pas être facile pour moi. Je vais essayer de pas m'en mêler, de vous laisser votre chance, mais je vais forcément faire des erreurs. Je vais forcément m'emporter à un moment ou à un autre, et… »

Drago détourna de nouveau les yeux en fronçant les sourcils. Ça commençait à ressembler à des menaces et il n'aimait pas ça.

« Et je te demande pas de m'excuser par avance pour ça. Je sais ce que tu penses des excuses imposées, mais… Mais je veux que tu te souviennes que je t'aime. Que je serai là si t'as besoin de quoi que ce soit. »