Bien le bonjour ! J'espère que vous vous portez tous bien et que vous êtes aussi impatients que moi pour ces fêtes de fin d'année x) Me voici de retour pour ce huitième chapitre qu'il me tardait vraiment de vous poster.

Bonne lecture à tous !

Chapitre 8

Les portes battantes de l'infirmerie du manoir s'ouvrirent à la volée. Gray, Gajeel et Levy pénétrèrent à l'intérieur. L'étudiante regarda rapidement autour d'elle, impressionnée. Les Redfox disposaient dans leur manoir de l'équivalent d'un mini-hôpital, avec tout l'équipement et le personnel nécessaire. Plusieurs lits étaient placés dans le vaste espace et on devinait au fond une salle d'examen remplie de matériel médical plus poussé.

Au centre de la pièce, Laxus et plusieurs mafieux entouraient un lit sur lequel était allongé Bixrow. Le pauvre n'avait vraiment pas l'air en forme. Son front était recouvert de sueur. Sa peau avait pris une teinte jaunâtre. Son corps était parcouru de tremblements et sous ses yeux clos, ses pupilles semblaient s'agiter dans tous les sens.

Lorsque Gajeel s'approcha du lit, tous s'écartèrent. Levy, quant à elle, choisit de rester en retrait. Elle ne se sentait pas vraiment légitime à être au beau milieu de tout ça.

En plus, elle ne s'était pas encore remise du baiser qu'elle avait échangé avec Gajeel dans le garage du manoir. Leur échange avait été si intense… Elle n'avait jamais ressenti cela. Il était clair qu'il lui plaisait et elle se sentait de plus en plus attachée à lui. Mais oserait-elle envisager quelque chose avec un homme dont le quotidien conduisait des proches sur un lit d'hôpital ?

Gajeel posa une main sur l'épaule de Bixrow. Toutes les émotions semblaient défiler sur le visage du mafieux. Il semblait à la fois stupéfait, inquiet et furieux.

« J'exige un rapport. Dites-moi immédiatement ce qu'il a.

- La vieille arrive, l'informa Laxus en pointant du doigt la salle d'examen.

À l'instant où il prononça ses mots, la porte de la pièce tapissée de blanc s'ouvrit, laissant apparaitre une personne que Levy reconnut instantanément. Polyussica, l'infirmière scolaire. Elle avait entre les mains un plateau sur lequel reposait plusieurs seringues, des compresses et ce que Levy devina être du désinfectant.

« Il me parait évident qu'il a été empoisonné, commença l'infirmière en se rapprochant du malade. La plaie à l'épaule a dû être causée par un couteau imprégné d'un poison dont j'ignore encore la nature. Ce poison s'est mélangé à son sang et est en train d'affecter l'ensemble de son organisme.

- Je veux qu'il soit soigné le plus vite possible, exigea Gajeel.

Polyussica fronça les sourcils. Visiblement, elle n'aimait pas qu'on lui donne des ordres. Avec le contenu de l'une des seringues, elle alimenta la perfusion maintenue à l'avant-bras de Bixrow. Levy devina aisément que l'infirmière agissait plus par devoir médical que parce qu'un mafieux le lui ordonnait.

- Ce qu'il y a là-dedans va renforcer ses défenses, reprit Polyussica, imperturbable. Cependant, tant que je ne connaitrais pas la nature exacte de la substance qui lui a été administré, je ne pourrai pas le neutraliser et il ira de mal en pis. Si on ne trouve pas rapidement le contre-poison, j'estime qu'il ne passera pas la nuit.

Le visage du futur chef mafieux se tendit encore plus. La fureur avait maintenant pris toute la place. Il pouvait le jurer, celui qui avait fait ça allait le payer. Très cher.

- Écoutez-moi bien. Nous allons nous renseigner sur tous ceux qui auraient pu fournir ce type de poison à son agresseur, ordonna Gajeel à ses hommes. Une lame imbibée de toxine n'est pas une arme traditionnelle, il doit forcément y avoir des traces. Tous ensemble, nous allons faire le tour de nos contacts et retrouver celui ou celle qui est à l'origine de tout ce merdier.

Laxus s'avança, visiblement contrarié par l'annonce de son chef.

- Gajeel… tu ne peux pas nous accompagner. On risque de s'aventurer sur des territoires qui ne sont pas les nôtres. Tu es le fils héritier, c'est beaucoup trop risqué.

- Ma décision est prise, claqua le fils du parrain sur un ton qui n'admettait aucune contestation.

Tous se turent face à la détermination du mafieux.

- Très bien. Vous avez entendu, allons-y, annonça Laxus, qui sortit à la suite des autres.

De son côté, Levy était impressionnée par le charisme du mafieux. C'était incontestablement de l'une des plus grandes qualités de Gajeel. Il n'hésitait pas à se mettre en danger et à se salir les mains pour sauver ses hommes. Et en retour, on sentait la dévotion qu'il inspirait chez eux. Tous semblaient prêts à le suivre jusqu'en enfer si cela s'avérait nécessaire.

Gajeel se rapprocha de l'étudiante à la robe orangée.

- Levy… tu ferais sûrement mieux de rentrer chez toi, suggéra Gajeel.

D'abord surprise, l'étudiante afficha ensuite une mine contrite. Même si elle ne pouvait pas faire grand chose pour aider à cet instant, elle n'appréciait pas du tout qu'on la mette sur la touche.

- J'aimerais rester, insista t-elle. Je pourrais veiller sur Bixrow en attendant votre retour.

Face aux paroles de la jeune femme, Gajeel se rapprocha un peu plus, créant une intimité dans cette pièce qui ne s'y prêtait pas.

- Écoute… commença t-il en rapprochant son front du celui de Levy. Je suis pas doué pour ces trucs-là mais… je regrette pas du tout ce qui s'est passé tout à l'heure. Et pour être franc, j'attendais ça depuis un moment.

L'expression déterminée de Levy laissa place à une gêne plus que palpable qui lui fit baisser légèrement la tête.

- Moi non plus, je ne regrette pas, murmura Levy. Tu peux me croire.

Un léger sourire apparut sur les lèvres du mafieux.

- Mais ceci n'est pas ton combat, poursuivit Gajeel. Tu n'es pas censée assister à tout ça.

- Je sais que tu veux m'épargner les inconvénients du monde dans lequel tu vis. Mais je suis bien plus solide que tu ne le crois.

- Je n'en ai jamais douté. Et c'est ce qui me plait chez toi, tu le sais bien. Mais…

- Tu n'as pas besoin de chercher à m'épargner, coupa Levy. Laisse-moi veiller sur ton ami. Je sais que je pourrais me rendre utile.

Le mafieux claqua sa langue contre son palais, agacé.

- Bon sang, t'es vraiment une tête de mule… soupira Gajeel en se grattant la tête. Bon okay, on fait comme ça. Mais je veux être prévenu au moindre souci. C'est clair ?

Levy acquiesça, heureuse que le mafieux lui accorde sa confiance. Le couple s'était considérablement rapproché au fil de leur échange, si bien que la main de Levy frôlait désormais celle de Gajeel.

L'homme aux piercings se détourna finalement, jeta un dernier regard à Levy, puis à son ami gisant sur son lit d'hôpital, avant de finalement sortir de l'infirmerie à la suite de ses hommes.

Focalisée sur le départ de Gajeel, Levy ne vit pas le regard contrarié de Polyussica suite à l'échange auquel l'infirmière venait d'assister.


Au Crocus Garden, l'ambiance était bien différente. Les derniers rayons de soleil de cette fin d'après-midi se reflétaient sur les eaux de la piscine du penthouse. À l'intérieur du bassin, Sting s'appliquait à enchainer les longueurs en crawl sans jamais s'arrêter, désirant entretenir à tout prix son physique parfait qui faisait saliver toutes les nanas.

La quiétude de ce moment fut perturbée lorsque l'un des domestiques sortit sur la terrasse et s'arrêta au bord de la piscine. Le voyant faire, Sting stoppa sa nage.

« Quoi maintenant ? grogna le mafieux, furieux d'être interrompu.

- Hum… Monsieur Weisslogia Eucliffe vous attend dans le salon. Il a exigé de vous voir immédiatement.

- Quelle plaie… marmonna le blond. Prévenez-le que j'arrive tout de suite.

Le domestique acquiesça fébrilement de la tête avant de rentrer à l'intérieur. D'une ample impulsion des bras, Sting sortit de la piscine et attrapa la longue serviette placée près du bassin. Il s'en servit pour sécher ses cheveux blonds et les coiffer en arrière. Il passa ensuite la serviette autour de son cou avant de se diriger dans le salon.

Une silhouette l'attendait impatiemment, la main posée sur l'une des têtières du canapé.

Weisslogia Eucliffe faisait partie de ces hommes dont la seule carrure suffit à imposer le respect. De grande taille, il avait encore de larges épaules, des bras solides et un dos parfaitement droit, en dépit de ses soixante ans passés. Ses cheveux viraient sur le blanc, bien qu'autrefois ils devaient être aussi blonds que ceux de son fils. Ses yeux étaient d'un bleu polaire et il arborait en permanence un air dur et implacable. Le genre d'homme pour qui le plus grand affront serait de montrer la moindre faiblesse.

« Bonsoir père, salua Sting en s'avançant. Que me vaut l'honneur de votre visite dans ces lieux ?

Le regard inflexible de Weisslogia s'orienta vers son fils et ne le lâcha pas.

- Je suis ici à cause des dépenses astronomiques que tu as réalisé ces derniers jours, annonça durement Weisslogia. J'exige d'avoir une explication sur le but que tu poursuivais en dilapidant de telles sommes.

Sting renifla d'un air amusé. Il avait parié mille joyaux avec Cobra que son père se ramènerait dans la semaine pour cette même raison.

- Je n'ai fait que prendre une avance sur mon héritage afin de défendre les intérêts de notre clan, répondit Sting en s'étirant lascivement. Qu'est-ce que vous vous imaginiez ? Que j'avais fait un don aux bonnes oeuvres ?

Weisslogia resta muet face à la réponse de son fils, le fixant sans cligner des yeux un seul instant.

D'un pas sûr, il contourna lentement le canapé et se rapprocha de Sting. Il se plaça juste devant lui, le surplombant légèrement et forçant le fils héritier à relever la tête. Sting fit mine de ne pas être impressionné mais en réalité, il n'en menait pas large. Il avait trop souvent vécu cette situation. Il savait très bien que s'il baissait la tête pour regarder les mains de son père, il verrait que leurs jointures avaient viré au blanc, le parrain se retenant de ne pas cogner son fils face aux domestiques.

La tête de Weisslogia s'abaissa légèrement pour arriver au niveau de l'oreille gauche de sa progéniture.

- Je te conseille vivement de ne plus jamais prendre cet air de petit con arrogant avec moi, souffla le père de Sting. Peut-être que ça excite les traînées qui passent leurs journées ici mais pas moi… Me suis-je bien fait comprendre ?

La peau de Sting Eucliffe se couvrit de chair de poule à l'entente de la voix faussement douce de son paternel. Il baissa la tête en signe de soumission. Il n'était pas encore le chef du clan, il ne pouvait pas faire autrement.

- Je vous prie de m'excuser, répondit platement Sting.

Satisfait, Weisslogia recula de quelques pas, avant de marcher lentement devant la baie vitrée qui donnait sur la terrasse. Les rayons crépusculaires qui passaient au travers donnaient l'impression que la chevelure du mafieux avait retrouvé sa couleur d'origine.

- Qu'est-ce que tu entends précisément par « défendre les intérêts de notre clan » ? demanda le père de Sting, de nouveau imperturbable.

Ce dernier reprit contenance avant de répondre à son père.

- L'attaque contre le night-club des Redfox, il y a quelques jours.

L'annonce de Sting eut le mérite de faire réagir Weisslogia. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement et son regard se fit tout de suite plus vif. Le fils héritier devina sans peine qu'il venait en un instant de ranimer la haine viscérale que son père éprouvait pour leurs vieux ennemis.

- Tu es en train de me dire que tu as lancé seul une attaque frontale contre les Redfox ? reprit Weisslogia.

- C'est exact. C'est le genre d'initiative que j'aurai à prendre lorsque je vous succèderai.

Sting se retint de préciser qu'en réalité, ses forces n'étaient pas intervenues seules lors de cette attaque. Il avait en effet conclu une alliance avec le mystérieux ennemi qui nuisait aux Redfox depuis plusieurs semaines déjà. Son interlocuteur avait été un mystérieux garçon aux cheveux noirs avec une cicatrice sur le nez. Ce type dégageait une aura sombre qui en imposait pas mal.

Mais le fils Eucliffe savait très bien que malgré les airs qu'il se donnait, ce type ne faisait que recevoir les ordres. Caché dans l'ombre, quelqu'un d'autre tirait les ficelles. Et cela ne posait aucun problème à Sting étant donné que ce mystérieux commanditaire et lui avaient visiblement un ennemi commun.

Mais alors qu'il pensait obtenir l'approbation de son père, ce fut une toute autre réaction qui anima Weisslogia. Le mafieux secoua la tête d'un air dépité avant de pousser un long soupir.

« Tu n'as toujours rien appris… souffla t-il. À quoi ont servi les heures que j'ai passé à t'entraîner à ce rôle qui sera un jour le tien ?

- Que voulez-vous dire ? Enfin père… vous haïssez les Redfox depuis plus longtemps que n'importe qui dans cette ville !

Le poing de Weisslogia s'abattit sur la table du salon dans un bruit sourd.

- Et c'est précisément pour cette raison que jamais je n'aurai mis en oeuvre une idée aussi stupide ! Une attaque comme celle-ci n'aura d'autre effet que d'entrainer une riposte en cascade de laquelle nous ressortirons aussi amochés qu'eux !

Le même air craintif s'afficha sur la mine du jeune mafieux aux cheveux blonds. Weisslogia respira profondément avant de prendre une voix plus posée.

- Mon fils… je ne te reproche pas d'avoir voulu nuire à ces enfoirés… Mais un bon chef sait employer la meilleure stratégie pour nuire à ses ennemis sans avoir à déployer ses forces. Il suffit d'être malin et de savoir appuyer là ou ça fait mal.

Weisslogia croisa les bras d'un air soucieux.

- Face à une telle attaque, les Redfox ne resteront pas sans rien faire. Attends-toi à une riposte dans les jours à venir. Et fais-en sorte de la parer correctement.

La conversation entre père et fils fut interrompue par Cobra qui venait de sortir de l'ascenseur menant au penthouse. Il paraissait légèrement essoufflé, comme s'il avait rapidement marché pour parvenir jusque là. Le second couteau écarquilla les yeux en voyant le père de Sting dans le salon de son boss. Il baissa légèrement la tête, autant pour le saluer que pour signifier sa soumission.

« Quoi encore Cobra ? râla Sting, qui se sentait mis de côté.

- Désolé de vous interrompre mais notre contact nous a envoyé un message. Il faut que tu voies ça…

Sting prit dans sa main le papier que Cobra lui tendit et y jeta un coup d'oeil. Weisslogia se rapprocha derrière l'épaule de son fils pour lire lui aussi le message.

« La menace me parait sérieuse, commenta Cobra. Vous voulez que je dise aux gars de doubler la sécurité demain soir ? demanda Cobra.

Weisslogia posa une main sur l'épaule de Sting, exerçant une légère pression.

- Voici une bonne occasion de tester ta capacité à endosser ton futur rôle de chef. Que vas-tu faire face à cette menace ?

Sting prit un instant pour réfléchir. Puis il se souvint de quelque chose. Il disposait à présent d'un atout secret, volé aux Redfox il y a peu de temps. C'était l'occasion parfaite pour l'utiliser.

- Ne vous inquiétez pas, père. J'ai le plein contrôle de la situation. Croyez-moi…


Levy trempa un linge dans la bassine d'eau froide placée à côté d'elle, avant de l'appliquer sur le front brûlant de Bixrow. Le pauvre souffrait d'une fièvre qui battait des records d'heure en heure. Sa respiration se faisait de plus en plus rapide et saccadée, comme si tout son corps était une cocotte-minute prête à exploser. L'étudiante en lettres regrettait de ne pouvoir faire davantage pour aider le malheureux mais suivait scrupuleusement les instructions de Polyussica. La vieille femme n'était pas commode mais Levy savait instinctivement qu'elle était douée.

Depuis que les mafieux étaient partis chercher l'antidote, l'infirmière lui avait dicté de nombreuses consignes visant à faire en sorte que son patient tienne le plus longtemps possible en attendant le remède salvateur. La soignante travaillait toujours en silence, se contentant de phrases à l'impératif ponctuées par quelques soufflements.

Pourtant, en dépit de son caractère peu loquace, elle vint s'installer également au chevet de Bixrow, juste en face de Levy. Ses yeux, encadrés par des paupières légèrement ridées, fixaient le malade avec une intensité sans pareille.

« J'ai soigné tant de gens de son espèce entre ces quatre murs…souffla l'infirmière. Tant de pauvres bougres qui souffraient le martyr après un affrontement quelconque… Je ne compte plus les fois où j'ai dû me plier en quatre pour sauver leurs vies… et les fois où malheureusement, leurs vies m'ont échappé…

- J'en déduis que vous connaissez les Redfox depuis longtemps, devina Levy.

- Oui très longtemps. À l'époque, j'étais infirmière dans une petite clinique de village, pas très loin de Magnolia. C'était mon premier poste, ma première expérience en tant que guérisseuse. J'ai… rapidement été ennuyée par le fait de soigner les petits bobos du quotidien. La plupart de mes patients étaient des personnes âgées venues soigner un rhume des foins ou se plaindre de leurs rhumatismes incessants. J'étais jeune, ambitieuse et je rêvais à de plus grandes actions que celles-ci…

L'infirmière s'arrêta quelques instants. Elle affichait un air nostalgique, celui que prennent les gens qui se remémorent une époque qu'ils regrettent amèrement.

- Et puis un jour, quelqu'un a frappé à la porte de la clinique, alors que la nuit était déjà tombée. Exceptionnellement, je finissais de faire l'inventaire des médicaments que j'avais repoussé à maintes reprises. J'étais seule, et même si c'était très imprudent, j'ai ouvert la porte d'entrée. Un jeune homme était devant moi, soutenant un homme plus âgé, visiblement blessé à la hanche. Il saignait abondamment, si bien que le paillasson de l'entrée était déjà recouvert de tâches de sang. Il s'était pris une balle qui avait traversé. Le jeune m'a supplié d'aider son père, de le guérir. Et j'ai accédé à leur requête…

- Qui étaient-ils ? demanda Levy, intéressée.

- Le plus jeune était Métallicana, et l'homme blessé était son père qui dirigeait le clan à cette époque.

- Ils n'étaient que tous les deux ? s'étonna Levy.

- A l'époque, les Redfox n'avaient pas autant de ressources qu'aujourd'hui, expliqua Polyussica. Les transactions se faisaient souvent en petit comité et dans des endroits plutôt incongrus. Ils s'étaient fait attaquer au cours de l'une d'elles, près de l'usine hydro-éléctrique qui jouxtait le fleuve traversant Magnolia. Métallicana avait trainé son père blessé jusqu'à la clinique, sans même savoir si il y aurait quelqu'un…

Polyussica quitta ses lunettes et se frictionna les paupières du bas.

- Je lui ai sauvé la vie. Ma discrétion et mes compétences les ont ensuite convaincu de m'embaucher en tant que médecin en chef du clan. Et comme une idiote, j'ai accepté le poste. Naïvement, j'ai cru que cela m'offrirait de nombreuses opportunités et me fournirait la dose d'adrénaline qui me manquait dans ce travail si ennuyeux. Je sais maintenant que cela revenait à ouvrir la boîte de Pandore.

Le regard de Polyussica se porta sur Levy qu'elle fixa droit dans les yeux.

- À présent, il est de mon devoir de te mettre en garde, jeune fille. Ne fais pas la même erreur que moi en t'immisçant dans un monde qui n'est pas le tien. Tu m'as tout l'air d'une personne honnête et intègre. Si tu veux le rester et ne pas mettre le doigt dans cet engrenage infernal, je te conseille de prendre au plus vite tes distances avec ce milieu et avec Gajeel. Ou tout cet univers finira par te broyer, comme il en a broyé bien d'autres avant toi au fil des ans.

Un léger bip métallique mit fin à la tirade de Polyussica. Cette dernière, jetant un oeil aux constantes de Bixrow affichées sur le moniteur, se leva prestement.

- Je reviens dans un moment, je dois aller chercher de quoi lui faire une nouvelle injection.

Levy acquiesça silencieusement en esquissant un léger sourire. Le récit de Polyussica continuait à lui trotter en tête. Elle était parfaitement consciente que la mafia était un milieu dangereux. Il lui suffisait de regarder Bixrow pour en avoir la preuve. Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à Gajeel. L'aurait-elle autant apprécié si il n'en avait pas fait partie ? Sûrement. Mais aujourd'hui, elle ne pouvait pas envisager quoi que ce soit avec le jeune homme sans s'immerger toute entière dans ce monde plein de dangers…


Dans un recoin isolé de Magnolia, se trouvait un quartier plutôt malfamé connu sous le nom de Mad Drug. Un quartier comme on en voit que dans les films, dans lequel déambulaient à longueur de journée toutes sortes d'individus plus ou moins louches, venus assouvir leur soif de vices en tout genre. On y trouvait des bars clandestins, des boutiques vendant toutes sortes de substances et quelques magasins d'antiquités dont personne ne savait trop comment ils parvenaient à subsister.

C'est devant l'une de ses boutiques, sur la devanture de laquelle était écrit en lettres grossières « Herboristerie » que Gajeel et Laxus s'arrêtèrent, accompagnés de plusieurs de leurs hommes. Les membres du clan s'étaient chacun répartis les différentes boutiques dans lesquelles l'agresseur de Bixrow aurait pu potentiellement acheter son arme. Le caractère particulièrement singulier de l'objet restreignait considérablement le nombre d'endroits où chercher.

La sonnette clinquante du magasin retentit au moment où les deux mafieux pénétrèrent à l'intérieur. Un homme aux cheveux bruns apparut de l'autre côté du guichet. Il était vêtu d'un pull en laine de couleur kaki et d'un pantalon blanc cassé assez usé qui paraissait ne pas avoir vu la couleur d'une lessive depuis un moment. Sur son nez se trouvaient des lunettes rondes encadrées par des branches faites en simili-bois.

Dès qu'il aperçut les deux mafieux, les yeux du magasinier s'écarquillèrent légèrement, traduisant une légère expression de surprise. Gajeel plissa les yeux. Chacune des personnes présentes savait à qui elle avait affaire. La notoriété des Redfox n'avait, après tout, rien d'exagéré.

« Monsieur Redfox… monsieur Dreyar… commença le gérant. En quoi puis-je vous aider ?

Laxus s'avança légèrement devant Gajeel. Des deux garçons, il était certainement le plus diplomate. Autant tabler sur lui en premier.

- Nous voudrions savoir si à tout hasard, vous n'auriez pas vendu récemment une lame imprégnée d'une toxine quelconque à l'un de vos… consommateurs.

- Hmm… je vois difficilement comment j'aurais pu faire une chose pareille. Je ne suis qu'un modeste herboriste et ma boutique a déjà bien du mal à…

- Épargnez-nous le couplet sur vos difficultés à finir le mois, coupa Laxus. Nous savons vous comme moi que vous ne vendez pas que de la camomille. Vous êtes l'interlocuteur privilégié de tueurs à gages et autres mercenaires pour la fourniture de toxines et poisons en tout genres.

Le commerçant étouffa un petit rire. Apparemment, le fait que sa couverture d'honnête commerçant soit si rapidement grillée l'amusait au plus haut point.

- Je vois que ma réputation me précède… reprit le gérant avec un sourire. Pour répondre à votre question, en effet, j'ai vendu une telle arme il y a quelques semaines.

Gajeel et Laxus retinrent leur souffle. Ils avaient finalement trouvé ce qu'ils étaient venus chercher.

- Et pourriez-vous nous dire de quel poison était imbibée la lame que vous avez vendu ? Cela nous serait très utile.

Le sourire du commerçant s'élargit davantage. Ce n'était pas le genre de sourire que l'on voit sur une personne avenante qui ne vous veut que du bien. Il s'agissait d'un rictus bien plus vicieux, celui de quelqu'un qui vient de dénicher une bonne affaire au détriment de quelqu'un d'autre.

- Hmm… je ne sais plus vraiment. Ma mémoire n'est plus ce qu'elle était… Peut-être pourrait-elle s'améliorer… moyennant une certaine somme…

Le poing de Gajeel se serra et une colère sourde commença à monter en lui. Comment ce type osait-il marchander de la sorte dans un moment pareil ?

Voyant que son chef commençait à bouillonner, Laxus reprit la parole et son ton se fit plus dur.

- Il est absolument hors de question que nous vous donnions le moindre joyau. La vente de cette arme a fait du tort à notre clan et croyez-moi, il est dans votre intérêt de réparer cet affront en nous disant ce que nous voulons savoir.

Le refus de Laxus fit immédiatement perdre son air faussement aimable au magasinier.

- Sachez que vos menaces voilées n'ont absolument aucun effet sur moi. Ma boutique n'est pas sur votre territoire. Elle est même sous la protection d'un autre clan. Toute offensive contre moi serait interprétée comme une agression. Et vous le savez très bien.

Laxus se souvint qu'en effet, le quartier de Mad Drug était majoritairement contrôlé par Jura Nekis, un autre mafieux dont le clan était bien moins puissant que ceux de Metallicana Redfox ou Weisslogia Eucliffe mais qui avait malgré tout du poids dans le contrôle de la ville. Nekis était un véritable solitaire, n'accordant sa confiance qu'à un cercle très fermé d'individus et participant à peu d'alliances. Ni les Redfox, ni les Eucliffe n'avaient jamais réussi à le rallier à leur cause.

Le mafieux à la cicatrice ne put donc que constater qu'ils étaient dans une impasse.

Alors que Laxus était prêt à céder et à sortir une liasse de billets de sa poche, la silhouette de Gajeel passa devant lui à la vitesse de l'éclair. Le mafieux aux piercings se pencha par dessus le guichet, saisit violemment le commerçant par le col et le souleva comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'un fétu de paille. Il l'étala de tout son long sur le comptoir et appuya son avant-bras sur la gorge de la victime, lui coupant instantanément la respiration.

- Écoute-moi bien, sombre merde… souffla Gajeel dont la prise se resserrait. Un de mes amis est en train de crever à cause de toi et de ton foutu business. Le salaud derrière tout ça n'a réussi à le faire qu'à cause de tes petites magouilles. Donc je peux t'assurer que si tu continues à nous faire perdre du temps… et qu'il meurt par ta faute… tu le suivras dans la tombe, toi et toute ta famille… Tu as bien compris ?

Terrorisé, l'homme n'osait plus faire un geste face au regard flambant de rage du mafieux. Gajeel appuya encore plus fort sur la gorge de l'homme qui grimaça de douleur.

- Est-ce que tu as compris ?! reprit le mafieux qui hurlait presque.

Sous la poigne de Gajeel, l'homme était clairement en train de suffoquer. Ses jambes s'agitaient frénétiquement et son teint était en train de blanchir à vue d'oeil.

- Gajeel… tu es en train de le tuer… avertit Laxus.

Le mafieux blond avait vu plus d'une fois cette rage dans les yeux de son supérieur. Dans ces moments-là, Gajeel laissait le contrôle à une part beaucoup plus sombre de lui-même. Mais même dans ce cas de figure, Laxus n'avait aucun droit d'agir contre son chef. Il ne pouvait que regarder.

Par des gestes frénétiques, le commerçant continuait à supplier pour que le mafieux le lâche. Il était clairement prêt à parler.

Gajeel relâcha sa prise et l'homme se pencha en avant, toussant et crachotant pour reprendre son souffle. Dix secondes de plus, et il aurait certainement basculé dans l'autre monde.

- De la yakutrinka… souffla l'homme, haletant. La lame que j'ai vendue était imbibée avec de la yakutrinka… C'est une plante endémique de l'île de Tenrô… très toxique… On soigne ce poison… avec un jasmin spécial qui pousse aussi sur cette île… J'en ai dans ma boutique… Vous pouvez en prendre… ingéré ou bu en infusion… il soignera votre ami.

- Et qui vous a acheté cette lame ? demanda Gajeel, encore animé par la colère.

- Un jeune homme avec des cheveux noirs assez courts et avec une cicatrice au dessus du nez. Je crois qu'il s'appelait… Frog… non… Rogue, voilà c'est cela. Rogue. Je le sais car l'un des hommes qui l'accompagnait l'a appelé comme ça. Je serai incapable de vous décrire l'autre homme en revanche.

- Bien… Laxus, je te laisse terminer l'affaire, ordonna Gajeel, sur un ton sévère avant de tourner les talons.

Le mafieux à la cicatrice opina et resta dans la boutique en attendant que le gérant leur donne la précieuse herbe capable de soigner Bixrow.

Gajeel quant à lui, sortit dans la rue pour rejoindre la voiture, accompagné de ses hommes qui patientaient à l'extérieur. Le mafieux avait le visage totalement fermé. Il avait recouru à une violence presque animale pour obtenir ces informations et il n'aimait pas quand cette partie de lui prenait le dessus. Cette violence qui l'habitait avait été façonnée par son père durant toute son enfance, année après année, à coups de brimades et de réprimandes. Être comme ça lui rappelait tous ces durs moments et il se dégoutait de laisser une fois de plus l'influence de son père prendre le contrôle de sa vie.

Laxus le rejoignit quelques minutes plus tard à l'arrière de la voiture. Nab, toujours au volant, démarra juste après. Même si les deux mafieux étaient soulagés d'avoir de quoi sauver leur ami, le silence régna dans l'habitacle durant la moitié du trajet.

« Je sais que Gray est ami avec Lyon Bastia, le plus proche lieutenant de Jura Nekis, annonça Laxus à son supérieur. Je suis sûr qu'il pourrait jouer des coudes pour que ce qui s'est passé ne soit pas perçu par le chauve comme une attaque directe.

- Inutile, marmonna Gajeel. Cet enfoiré d'herboriste ne dira rien du tout.

- Comment tu peux en être si sûr ?

Gajeel continua à fixer le paysage qui défilait à travers la vitre avant de répondre. Il connaissait par coeur ce cas de figure, pour l'avoir expérimenté maintes et maintes fois avec son père.

- Quand on utilise ainsi la force, tu peux me croire, ils ne parlent jamais. Jamais.


Une légère brise soufflait le long du jardin qui entourait l'arrière du manoir Redfox, créant de légères vagues sur le gazon fraichement tondu. Le versant sud de la bâtisse était dominé par une imposante terrasse faite de pierre grise, à l'instar du reste de la demeure. Une immense pergola parcourue de rideaux blancs y était installée et abritait une grande table d'extérieur en marbre noir autour de laquelle étaient placés d'élégants fauteuils gris.

Tout l'espace était doucement éclairé par des lanternes, placées à des endroits stratégiques le long du balcon en pierre afin d'offrir une luminosité optimale.

Levy parvint jusqu'à l'entrée de la terrasse et jeta un oeil à l'extérieur. Elle y aperçut de loin celui qu'elle cherchait.

Assis sur les premières marches du balcon, Gajeel lui tournait le dos et semblait regarder pensivement le jardin.

Se rapprochant lentement, l'étudiante en lettres vint s'asseoir à côté du mafieux, sans rien dire. Ce dernier ne fit pas le moindre geste de surprise face à son arrivée. Il avait certainement déjà senti sa présence.

Levy regarda discrètement l'expression du mafieux. Il paraissait complètement perdu dans ses pensées.

« Polyussica dit que Bixrow est sorti d'affaire, annonça Levy. La plante que vous avez ramené a neutralisé le poison qui l'avait infecté. Selon elle, il devrait même s'en tirer sans aucune séquelle.

Le mafieux aux longs cheveux noirs ne répondit rien à l'annonce de la jeune femme. Il gardait la même expression inquiète, presque triste. Levy avait pourtant cru que c'était l'état de son ami qui préoccupait Gajeel. Apparemment, il n'y avait pas que ça.

De longues minutes s'écoulèrent, sans que Gajeel ne prononce le moindre mot, à tel point que Levy se demanda finalement si sa présence ne le dérangeait pas.

Alors qu'elle s'apprêtait à partir pour le laisser tranquille, la voix de l'homme s'éleva.

« Reste… souffla Gajeel. S'il te plait…

Stupéfaite par le ton presque suppliant du mafieux, l'étudiante se rassit doucement. Et alors qu'elle croyait que Gajeel allait une nouvelle fois se réfugier dans le mutisme, il tourna la tête dans sa direction.

« Levy… redis-moi ce que tu m'as dit dans le garage… la dernière chose que tu m'as dite…

Levy écarquilla légèrement les yeux à la demande du mafieux. Il lui avait fait cette demande avec une telle intensité… Comme si cela relevait d'un besoin impérieux, presque vital.

Levy essaya de se rappeler des mots qu'elle avait utilisé à ce moment-là. Qu'avait-elle bien pu lui dire de si particulier ? Elle essaya de repasser dans sa tête leur conversation et elle trouva ce que le mafieux désirait entendre. Tout s'assembla dans l'esprit de la jeune femme.

Gajeel avait peur. Pas d'avoir failli perdre son ami, ni même des dangers qu'il encourait au quotidien dans ce milieu qui était le sien. Il avait peur de lui-même. De la souffrance qu'on lui avait appris à infliger aux autres et des pêchés qu'il avait dû commettre pour défendre le clan.

S'humidifiant légèrement les lèvres, Levy prit une voix à la fois douce et ferme.

« Je n'ai pas peur de toi. Et rien de ce que tu pourras dire ou faire ne m'effraiera non plus. »

Un léger soulagement apparut sur l'expression du mafieux. Ses traits se firent moins sombres. Comme si les paroles de la jeune femme procuraient l'effet d'un baume sur une plaie à vif.

Pourtant, d'ordinaire, Levy n'était pas très douée pour réconforter les gens, ayant toujours un peu de mal à exprimer ses propres sentiments bien souvent refoulés. Mais à cet instant, elle semblait être la seule capable de faire sortir Gajeel de la tristesse dans laquelle il paraissait emmuré.

- Dis-le moi encore… S'il te plait…

Levy tendit le bras pour prendre délicatement la main du mafieux dans la sienne. Elle était grande, large, et la peau qui la recouvrait était rugueuse, parsemée de petites cicatrices. Le témoignage flagrant d'une vie passée à encaisser les coups et à en donner.

- Gajeel Redfox, répéta Levy, je n'ai pas peur de toi. Et rien de ce que tu pourras dire ou faire ne m'effraiera non p…

Les mots de Levy furent coupés par les lèvres de Gajeel qui se déposèrent une nouvelle fois sur les siennes. Mais cette fois-ci, le baiser fut beaucoup plus doux, beaucoup plus tendre et bien moins fiévreux que la dernière fois.

La jeune femme répondit au baiser, caressant délicatement la joue du mafieux. Une affection à l'état pur transparaissait dans cet échange. Une nouvelle fois, Levy sentit son coeur s'embraser, comme à chaque fois qu'elle se retrouvait aussi près de Gajeel.

Ce n'était pas que de l'attirance physique qui était à l'oeuvre à cet instant mais une véritable alchimie entre ces deux êtres, aux existences pourtant si différentes. Chacun à sa façon avait un besoin pressant de l'autre et ce baiser en était la preuve flagrante.

Lorsqu'ils se séparèrent, les orbes rouges du mafieux fixaient Levy avec une reconnaissance plus que palpable.

« Merci…. souffla Gajeel en passant sa main dans les cheveux de Levy. Merci beaucoup…

Levy se sentit traversée par un véritable flot d'émotions. Elle était consciente que ce n'était pas la première fois que ce genre de doutes assaillaient le mafieux. Toute une vie passée dans la violence ne s'effaçait pas aussi simplement.

- Je te le dirai tout les jours, si il faut. Jusqu'à ce que ça rentre.

- Ça veut dire que tu vas venir tous les jours ? demanda Gajeel, soudainement intéressé.

- Humm… peut-être, souffla l'étudiante, taquine.

À cet instant, un miaulement se fit entendre à proximité du couple. Levy tourna la tête. Un chat noir au museau blanc et aux oreilles légèrement arrondies regardait la jeune femme d'un air interrogateur.

« Oh qu'il est beau… s'enthousiasma Levy en caressant la tête du félin. D'où est-ce que tu viens toi ?

L'animal miaula à nouveau, comme pour répondre à la question.

- C'est mon chat, expliqua Gajeel. Il s'appelle Panther Lily.

- Panther Lily ? C'est… un drôle de nom pour un chat, non ?

Le mafieux adopta une mine boudeuse.

- J'avais huit ans quand je l'ai choisi, se justifia Gajeel. Et moi au moins, j'ai été original. Natsu a appelé le sien Happy, juste parce qu'il était heureux en le voyant…

Levy pouffa de rire. De ce qu'elle avait pu en juger, cela ressemblait bien au mafieux à la chevelure rose.

- C'est sa mère qui me l'a offert en même temps que le sien, poursuivit Gajeel. Elle savait très bien que mon père ne m'aurait jamais offert un animal de compagnie et elle ne voulait pas que je jalouse mon cousin pour ça.

- Je vois… répondit Levy.

C'était la deuxième fois que Gajeel parlait de son père en des termes peu élogieux. Levy s'interrogea. Quel genre d'homme pouvait bien être Métallicana Redfox ?

Le félin au pelage noir se redressa et posa ses deux pattes avant sur la jambe de la jeune femme.

- On dirait qu'il t'aime bien, commenta Gajeel.

Levy ne pouvait pas dire le contraire. Le chat paraissait focalisé sur elle, se frottant sans cesse pour réclamer des caresses.

- Comme son maître d'ailleurs… ajouta doucement le mafieux.

La main en mouvement de Levy s'immobilisa. Se tournant lentement vers Gajeel, elle vit que le mafieux affichait une expression tout à fait sérieuse. La confession du mafieux l'avait totalement prise au dépourvu.

Elle s'apprêtait à répondre quelque chose lorsque la porte de la terrasse s'ouvrit, laissant apparaitre la silhouette de Nab. Le pauvre bougre paraissait totalement à bout de souffle. Sans doute avait-il arpenté l'intégralité du manoir pour retrouver son patron.

« Qu'est-ce que tu veux Nab ? râla Gajeel, contrarié d'être interrompu une fois de plus.

- Excusez-moi de vous déranger monsieur, mais la voiture est prête pour ramener mademoiselle…

- Laisse-nous cinq minutes, ordonna Gajeel.

Acquiesçant frénétiquement, le chauffeur s'éclipsa aussi vite qu'il était apparu.

Le couple se leva, restant malgré tout au bord des marches.

- Je crois qu'il va falloir que j'y aille… annonça l'étudiante.

Le mafieux se rapprocha et prit les mains de Levy dans les siennes.

- Je reviendrai te voir demain après-midi. Fried risque de râler mais je m'en contrefous.

- Tu oserais vraiment empêcher une assistante bibliothécaire d'accomplir son dur labeur ? demanda Levy, avec un air faussement outré.

Le mafieux afficha un sourire en coin avant de se pencher vers l'oreille de Levy. Son souffle chatouilla le lobe, créant un délicieux frisson.

- Les voyous osent tout, tu le sais bien… susurra Gajeel d'une voix suave.

Avec une lenteur contrôlée, le mafieux glissa sa main derrière la nuque de Levy et se pencha en avant pour l'embrasser à nouveau. Galvanisée par le ton sensuel qu'il avait employé, Levy se mit sur la pointe des pieds et réduisit l'écart entre eux deux pour sceller leurs lèvres avec empressement. Un grognement approbateur émana de Gajeel qui passa ses bras autour de la taille de Levy, la soulevant légèrement.

Cette fois-ci le baiser se fit plus intense, plus sauvage, car tous deux semblaient conscients que c'était probablement leur dernier avant un moment. Chacun goûtait aux lèvres de l'autre, semblant ne jamais vouloir s'arrêter.

C'est le souffle haletant que les deux amants se séparèrent. À regret, Levy lâcha la main de Gajeel. Elle lui adressa un léger signe de tête, comme une promesse qu'elle reviendrait bien le lendemain. Le mafieux sembla l'interpréter ainsi et lui rendit son salut. Il l'accompagna à l'intérieur où Nab les attendait.

- Veille à la ramener correctement chez elle, ordonna Gajeel.

- Bien sûr monsieur.

Quelques instants plus tard, Levy suivit Nab à l'extérieur. Une berline noire attendait effectivement devant l'entrée de l'immense bâtiment, tous feux allumés. Le chauffeur ouvrit la porte à la jeune femme. Elle l'en remercia avant de s'engouffrer rapidement dans le véhicule.

La voiture démarra ensuite et s'engagea dans l'allée gravillonnée du manoir. Levy poussa un long soupir. Un constat s'était imposé à elle après cette soirée, un constat aussi clair que de l'eau de roche.

Après cette journée, jamais elle n'arriverait à se délivrer de son attirance pour Gajeel Redfox…


Le lendemain matin, la vie routinière de Levy reprit malgré tout son cours. Elle se leva de bonne heure, petit-déjeuna rapidement et fonça à la faculté de Fairy Tail pour suivre ses cours de la matinée. Juste avant de rentrer dans la salle de cours qui lui avait été attribuée, elle envoya quelques messages à Lucy et Juvia. Si son amie aux cheveux bleus répondit sans le moindre problème, la journaliste était apparemment aux abonnés absents. La messagerie instantanée du portable de Levy indiquait que Lucy n'avait même pas lu ses messages. Peut être traversait-elle une mauvaise passe en ce moment…

Les cours de la matinée se déroulèrent sans accroc, à l'exception de celui du professeur Golemine qui, toujours vêtu d'un étrange chapeau noir clouté qui lui donnait l'air d'un magicien, se complaisait à n'étudier que des textes extrêmement sombres au seul motif que cela faisait « vibrer son âme sauvage ». Un personnage tout à fait déroutant, mais qui semblait néanmoins être la norme dans cette université aussi étrange que prestigieuse.

Après avoir fini ses cours, Levy prit la navette qui la conduisait jusque chez elle. En face de son siège, dans la rangée qui jouxtait la sienne, deux garçons discutaient avec ardeur, visiblement armés de leurs portables respectifs. La ressemblance entre eux deux était frappante. Même visage, même chevelure, même yeux, même silhouette. Les deux étudiants étaient incontestablement de vrais jumeaux.

Cette vision fit dériver les pensées de Levy vers ses propres frères, Jett et Droy. Eux aussi étaient des jumeaux, même si leur physique était fort différent, tout comme leur caractère d'ailleurs.

Jett était le casse-cou de la fratrie. Toujours rempli d'énergie et bougeant dans tous les sens, il avait à maintes reprises donné du fil à retordre aux parents McGarden qui tâchaient de canaliser autant que possible son énergie débordante. Pour cela, le travail à la ferme avait bien aidé. Jett était de loin le plus productif de la famille lorsqu'il s'agissait d'accomplir rapidement des tâches rudes dans les champs de céréales avoisinants.

Droy, lui, était l'opposé exact de son frère. D'un tempérament calme et serein, il prenait beaucoup plus de plaisir à entretenir les végétaux les plus fragiles installés sous l'immense serre qui jouxtait l'exploitation. Son don pour faire pousser toute plante qui passait entre ses mains lui avait d'ailleurs valu une récompense lors d'un concours de jardinage organisé par le village de Clover.

Se remémorant ces souvenirs, Levy prit son téléphone et composa le numéro de l'entreprise familiale. Discuter avec sa famille lui ferait certainement le plus grand bien.

Au bout de la quatrième sonnerie, une voix s'éleva enfin.

- Exploitation agricole McGarden bonjour, annonça la voix.

- … Jett, c'est toi ?

- Levy ? s'exclama le jeune homme. La vache, ça fait longtemps ! Comment tu vas soeurette ? Pourquoi tu appelles sur le numéro de la boutique ?

- Eh bien, je voulais joindre les parents et vu qu'ils y travaillent souvent le matin, je me suis dit que…

- Les parents ? Mais… ils ne sont pas avec toi ?

La stupeur dans la voix de son frère fit froncer les sourcils de Levy.

- Mais… bien sûr que non. Pourquoi voudrais-tu qu'ils soient avec moi ? interrogea la jeune femme.

Un silence s'installa à l'autre bout du fil. Pendant un moment, Levy n'entendit que la légère respiration de Jett dans le combiné.

- Ils ne sont pas ici Lev'… Ils sont partis il y a deux jours sans aucune explication.

Un frisson parcourut l'échine de Levy à l'entente du ton inquiet employé par son frère.

- Quoi ? s'exclama Levy. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

- Je t'assure, ils ont tracé la route un bon matin. Droy et moi, on a voulu savoir où ils allaient mais ils n'ont rien voulu nous dire. On a pensé qu'ils allaient te faire une surprise ou un truc dans le genre et qu'ils ne nous disaient rien pour ne pas qu'on vende la mèche… Apparemment, ce n'était pas ça.

La navette scolaire amorça un arrêt et Levy constata qu'elle était arrivée à bon port. Elle se leva et jeta maladroitement son sac sur son épaule avant de s'engager dans l'allée centrale, son téléphone toujours collé à l'oreille.

- C'est étrange… fit Levy en descendant les marches du bus. En dehors des vacances avec nous, ils ne s'absentent jamais en dehors de l'exploitation, sauf pour des rendez-vous avec des clients ou des fournisseurs…

- C'est aussi ce qu'on s'est dit, annonça Jett. Mais maintenant que j'y repense, ils faisaient vraiment une tête bizarre ce matin-là.

- Comment ça ?

- Ils avaient l'air… inquiets. Comme lorsque tu dois te rendre dans un endroit où tu n'as vraiment pas envie d'aller.

- Bon… je vais essayer de tirer cette histoire au clair, annonça Levy. En attendant, continuez à vous occuper de la ferme. On s'inquiète sûrement pour rien.

- Tu as sans doute raison, acquiesça Jett. Prends soin de toi petite soeur.

- Toi aussi grand frère.

Levy raccrocha le combiné. Même si elle avait essayé de faire bonne figure auprès de son frère, elle demeurait inquiète. S'absenter sans donner de raison n'était vraiment pas le genre de ses parents. Avaient-ils des problèmes avec la ferme qu'ils préféraient cacher à elles et ses frères ? Elle n'en avait aucune idée.

Montant les marches de son immeuble, elle chercha à contacter sa mère sur son portable. Aucune réponse. Tout ça était vraiment très étrange…

L'étudiante en lettres pénétra dans son appartement et jeta son sac sur son lit avant de se rendre dans sa salle de bains. Elle avait désespérément besoin de se passer un peu d'eau sur le visage.

Perturbée par ces nouvelles, Levy ne fit pas attention aux détails étranges qui aurait pu lui éviter ce qui allait suivre. Elle ne vit pas que son ordinateur, d'habitude toujours ouvert, était cette fois-ci fermé. Elle ne vit pas que les documents sur son bureau avaient été déplacés et que c'était son emploi du temps qui trônait sur la pile de papiers. Tout comme elle ne vit pas la porte de sa penderie s'ouvrir sans bruit, laissant une silhouette encapuchonnée en sortir.

Ce ne fut qu'au dernier moment que la jeune femme sentit la silhouette passer derrière elle et lui bloquer le bras droit dans le dos, l'empêchant de se mouvoir. Elle tenta de crier mais immédiatement, une main tenant un linge légèrement humide vint se plaquer sur son visage. L'odeur qui s'en dégageait était extrêmement forte et la panique prenant le dessus, Levy ne put rien faire d'autre que la respirer.

Elle essaya de se dégager mais la prise de son agresseur était bien trop forte et étrangement, ses forces étaient déjà en train de l'abandonner. Ses jambes devinrent rapidement aussi molles que du coton et ses yeux commencèrent à se fermer doucement. Elle eut à peine le temps d'apercevoir les contours du visage de son agresseur. Un garçon à la chevelure bleue et à la marque rouge en dessous de l'oeil gauche…


De l'autre côté de la ville, au Dragon d'acier, une nouvelle journée de travail venait de débuter pour remettre sur pied le night-club saccagé. Des ouvriers s'activaient dans tous les sens pour réparer ou remplacer ce qui avait été endommagé et redonner une allure normale à l'établissement de la famille Redfox.

Seule dans ce capharnaüm, Kinana s'occupait de coordonner le tout en l'absence d'Erza. En effet, la manager aux cheveux écarlates s'était absentée le temps d'aller remonter les bretelles d'un fournisseur peu scrupuleux qui avait eu l'audace d'augmenter le prix initial des nouvelles banquettes au moment de leur livraison. La barmaid ne doutait pas que sa supérieure allait réussir à convaincre le vendeur de revenir au prix initial, voire même de leur octroyer une ristourne.

Alors qu'elle était en train de vérifier la bonne installation des nouvelles vitres de l'entrée, Kinana sentit une présence à proximité.

Une passante venait de s'arrêter juste devant le Dragon d'acier et fixait la devanture avec attention.

Il s'agissait d'une femme, plutôt grande, qui devait avoir entre quarante et cinquante ans. Ses cheveux étaient d'un noir très profond mais qui ne paraissait pas tout à fait naturel. Elle portait un élégant chemisier blanc ajusté, un pantalon de tailleur noir amplifiant sa silhouette et des talons hauts, couleur chocolat.

Mais ce qui frappa Kinana en premier chez cette femme n'était pas sa tenue sophistiquée, mais bel et bien ses yeux. En amande, ils étaient d'une douce couleur noisette, qui lui rappelait vaguement les yeux de quelqu'un qu'elle avait déjà vu mais dont elle n'arrivait pas à se souvenir.

« Je peux vous aider, madame ? demanda poliment Kinana.

La femme se rapprocha, timidement, comme si elle avançait en terrain miné.

- Excusez-moi de vous déranger… Pour être franche, je me demandais ce qui s'était passé ici pour engendrer de tels dégâts…

Kinana retint un soupir. Même si la réparation du Dragon d'acier avait bien avancé, il restait dans un sale état et il n'était ainsi pas étonnant qu'il attire l'attention des badauds.

- Une bande de vandales a saccagé notre établissement il y a quelques jours, expliqua la barmaid . Mais ne vous inquiétez pas, nous serons ouverts à nouveau très bientôt. Vous êtes déjà venue ici ?

- Oh c'était il y a longtemps. Pour être honnête, je n'étais pas revenue à Magnolia depuis des années et à mon arrivée ici, j'ai eu envie de faire un tour dans les endroits que je fréquentais étant plus jeune.

- La nostalgie ne fait jamais de mal, commenta Kinana en souriant.

- Non en effet. Mais dites-moi… vous n'avez pas de mal à recruter du personnel avec ce genre d'incident ?

Kinana fronça légèrement les sourcils à la question.

- Notre personnel, comme notre clientèle, est particulièrement fidèle, souligna la barmaid. Et nous avons même récemment recruté trois nouvelles serveuses très douées et très motivées.

Une étincelle d'intérêt s'alluma dans les yeux de la femme à l'entente des paroles de Kinana.

- Vraiment ? Et seront-elles également présentes lors de votre réouverture, ces trois jeunes femmes ?

- Bien sûr, madame. Et si vous désirez venir, nous vous accueillerons avec plaisir.

Le passante replaça une mèche de cheveux derrière son oreille. La manche de son chemisier se retroussa et Kinana put apercevoir l'avant-bras de son interlocutrice. Une marque de brûlure, qui paraissait assez ancienne, striait son poignet.

Percevant son regard, la femme tira sur sa manche pour la dissimuler.

La conversation n'alla pas plus loin car deux ouvriers se rapprochèrent pour demander à Kinana où ils devaient installer les nouveaux projecteurs.

Occupée, elle n'entendit pas la femme reculer de quelques pas et murmurer :

- Je vous souhaite bien du courage mademoiselle. Croyez-moi. Ici, vous en aurez besoin.

Lorsque la barmaid se retourna à nouveau vers son interlocutrice, l'espace qu'elle occupait était vide.

Cette femme mystérieuse avait visiblement disparu, sans demander son reste.


Les mêmes escaliers que quelqu'un monte quatre à quatre. La même porte que quelqu'un défonce à coups de pied. Le même corps inerte qui tombe à terre. Levy le voit maintenant. C'est celui d'une femme. Des bruits de pas se rapprochent à nouveau. Du sang coule le long du corps à même le sol. Un feu immense prend possession de l'appartement. Les flammes dansent tout autour de Levy mais elle ne peut pas bouger. Elle a des barreaux autour d'elle. Comme une prison. Elle pourrait sauter par dessus mais elle est trop petite. La fumée lui pique les yeux. Le feu avance vers elle. Il va l'engloutir, comme la dernière fois. Mais soudain, des bras apparaissent devant Levy et la soulèvent pour l'extraire du feu. Elle ne voit pas à qui ils appartiennent. Tout est noir autour d'elle.

Lorsque Levy ouvrit les yeux, une douleur sourde résonna dans sa boite crânienne. Encore le même cauchemar… Ses paupières s'ouvrirent, puis se refermèrent immédiatement, encore engourdies de fatigue. Au bout d'une dizaine de minutes, elle parvint à les rouvrir et à les maintenir ouvertes. Elle se redressa doucement se sentant complètement groggy.

Elle se rappelait difficilement de ce qui s'était passé. Les souvenirs finirent par affluer et une sensation de panique envahit la jeune femme. Elle avait été endormie, puis enlevée. Elle s'en souvenait à présent.

La pièce dans laquelle elle se trouvait étant très sombre, ses yeux mirent un moment à s'acclimater à cette luminosité particulière. Levy constata qu'elle était allongée sur ce qui semblait être un matelas, plutôt sale, posé sur un lit entièrement fait de fer. L'endroit paraissait plutôt grand mais particulièrement délabré. Le sol était recouvert d'un linoléum vert pâle présentant de multiples traces, montrant que des meubles avaient été déplacés.

Les murs étaient recouverts d'une peinture blanche qui semblait s'écailler petit à petit car des morceaux étaient dispersés un peu partout. Hormis le lit sur lequel elle était, Levy constata que la pièce était totalement vide, le seul élément notable étant une porte en métal noirci. L'unique fenêtre du lieu avait été barricadée avec des planches de bois grossières, laissant passer quelques filets de lumières par-ci par-là, et les clous qui les maintenaient paraissaient être dévorés par la rouille. Dans l'air, flottait une odeur de renfermé particulièrement désagréable qui rajoutait du dégoût à cet endroit qui en inspirait déjà suffisamment à sa seule vue.

Levy chercha à se lever du lit sur lequel elle était allongée mais un élément qu'elle n'avait pas encore aperçu l'en empêcha. Son pied gauche était maintenu à l'un des barreaux du lit par une paire de menottes en acier. L'étudiante chercha malgré tout à se lever, pensant pouvoir déplacer le lit avec elle mais ce dernier paraissait maintenu par des plaques métalliques insérées dans le sol. Elle était prise au piège.

Malgré elle, un sentiment de peur envahit Levy. Quelle que soit la personne qui l'ait enlevée, elle ne comptait pas la laisser partir si facilement. La jeune femme tenta d'enlever ses menottes à plusieurs reprises mais rien n'y faisait. Même si le lit paraissait assez vieillot, le fer qui le composait était aussi résistant que celui de ses entraves.

Levy sentit que les larmes lui montaient aux yeux. Comment avait-elle pu atterrir dans un endroit pareil ? Qui lui avait fait ça ? Ses pensées dérivèrent vers sa famille. Elle aurait donné cher pour les avoir avec elle en ce moment.

Ce fut ensuite l'image de Gajeel qui s'imprima dans son esprit. Ses longs cheveux noirs, son visage parsemé de piercings, ses yeux d'un rouge profond. Penser au mafieux ténébreux rassura Levy. Elle devait rester forte. Elle trouverait une façon de s'en sortir, quel que soit le danger. Tout du moins, elle l'espérait.

Un très long moment s'écoula avant que du bruit ne retentisse de l'autre côté de la porte. L'étudiante vit un filet de lumière apparaitre en dessous, signe que quelqu'un venait d'allumer de l'autre côté. L'ampoule accrochée au plafond s'illumina à son tour, éclairant la pièce d'une lumière faiblarde. La serrure se déverrouilla et la porte s'ouvrit dans un grincement sinistre. Un homme vêtu d'un pull à capuche pénétra dans la pièce.

Levy le reconnut instantanément et en eut le souffle coupé. C'était le type aux cheveux bleus qu'elle avait aperçu dans son immeuble, le premier jour de son arrivée. Celui avec une marque rouge autour de l'oeil et qui paraissait blessé. Il semblait aller mieux, bien que sa démarche soit toujours claudiquante.

« Qui êtes-vous ? s'exclama Levy d'une voix plus tremblante qu'elle ne l'aurait voulu. Qu'est-ce que je fais ici ?

Sans dire un mot, l'homme se rapprocha à pas lents du lit sur lequel elle était allongée. La jeune femme recula du mieux qu'elle put, les menottes clinquant contre le métal froid.

- N… n'approchez pas… avertit Levy, craignant ce qui allait suivre. Je vous préviens…

- Je ne vais rien vous faire, assura l'homme. Tenez.

Il tendit à Levy une grande bouteille d'eau en plastique mais l'étudiante ne fit pas le moindre geste pour la prendre. Comprenant ce que redoutait la jeune femme, il ouvrit la bouteille et sans porter le goulot à sa bouche, but une rasade de l'eau qu'elle contenait, démontrant ainsi qu'il n'avait rien mis dedans. Il la referma ensuite et la tendit de nouveau à Levy, qui cette fois-ci s'en empara.

Elle but l'eau fraîche à grandes gorgées car il fallait bien avouer qu'elle mourrait de soif. Après cela, l'homme se rapprocha lentement pour reprendre la bouteille.

En quelques secondes, Levy analysa l'occasion qui se présentait à elle. Elle savait que ce type était blessé mais elle ne savait pas exactement où. La hanche sûrement, l'abdomen peut-être. Malgré sa petite taille, un coup de pied bien placé et elle pourrait sans doute tenter de le neutraliser… Oui, mais après quoi ? Elle resterait toujours attachée à ce lit et elle ignorait si l'homme avait les clés des menottes sur lui. Elle ignorait également s'il était tout seul ou si d'autres se trouvaient dans cet endroit. Endroit dont elle ignorait également l'étendue, l'agencement et la localisation. Une tentative d'évasion, aussi audacieuse soit-elle, semblait ainsi, pour le moment, un mauvais investissement. Il valait mieux rester tranquille en attendant d'en savoir plus.

« Avez-vous faim ? demanda le geôlier de Levy.

- Hum… non. Je doute de pouvoir avaler quoi que ce soit.

- Je vois.

L'homme recula et alla se poster dans un coin de la pièce, son dos appuyé contre le mur.

« Relâchez-moi… demanda Levy. Je ne sais pas qui vous croyez avoir attrapé mais vous vous êtes sûrement trompé de personne.

- Je ne peux pas, répondit l'homme. Cela ne dépend pas de moi.

Levy nota le ton désolé utilisé par l'homme aux cheveux bleus. L'instinct de Levy ne l'avait pas trompé sur cet homme lorsqu'elle l'avait croisé la première fois. Il paraissait clairement aux abois, comme si sa vie ne lui appartenait plus. Il n'était certainement pas l'instigateur de tout ça, seulement un exécutant.

- Combien de temps comptez-vous me garder ici ? demanda à nouveau Levy.

- Si mon employeur obtient ce qu'il veut, vous serez libre avant ce soir, annonça l'homme qui se voulait rassurant.

Levy voulut lui demander le nom de son « employeur » mais il n'allait certainement pas lui faire de confidence.

- Et… dans le cas contraire ?

Malgré le regard qu'il portait sur elle, l'homme ne répondit pas et le sang de Levy se figea. Elle venait de comprendre ce que ce silence signifiait implicitement.

Si l'employeur de ce type n'obtenait pas satisfaction, elle allait certainement mourir…


Depuis une demi-heure, Gajeel tournait dans le bureau de son père comme un lion en cage. De l'extérieur, on aurait pu croire que ce qui tracassait le futur chef mafieux était l'attaque imminente sur l'entrepôt de son ennemi. Après tout, l'assaut allait bientôt commencer et les derniers préparatifs étaient désormais achevés.

Une demi-heure plus tôt, ses hommes s'étaient en effet mis en route jusqu'à l'entrée des souterrains de la ville d'où ils allaient pouvoir émerger comme prévu jusqu'à l'entrepôt de Sting Eucliffe. Gray et Laxus étaient parmi eux, ce qui constituait un gage de succès indéniable pour cette opération. Natsu quant à lui était resté au manoir parmi les renforts potentiels, ce qui avait beaucoup agacé le garçon aux cheveux roses qui n'aimait pas rester en dehors de l'action. Mais Gajeel lui avait imposé ce rôle, précisément pour le sanctionner de son absence de la veille.

Si tout allait bien, le bâtiment-cible ne serait plus que des cendres à la nuit tombée et la vengeance des Redfox serait accomplie.

Mais ce qui préoccupait Gajeel, plus que tout le reste à cet instant, était l'absence d'une certaine étudiante en lettres aux cheveux bleus.

Quelques minutes auparavant, Fried s'était rendu dans le bureau du parrain pour se plaindre de l'absence de Levy. Cette dernière ne s'était pas présentée à son poste et lui faisait ainsi perdre un temps considérable selon lui.

À cette annonce, Gajeel s'était inquiété. Levy lui avait promis qu'elle reviendrait au manoir. Et ça ne ressemblait pas vraiment à la jeune femme de poser un lapin sans prévenir qui que ce soit. Peut-être avait-elle eu un problème…

Cette idée ne cessait de passer en boucle dans l'esprit du mafieux qui cherchait malgré tout à se rassurer. Il n'y avait sûrement pas de raison de s'inquiéter.

Le téléphone de Gajeel se mit à vibrer. L'écran indiquait que l'appel venait d'un numéro masqué, ce qui n'était guère étonnant puisqu'en en temps normal, les appels entre mafieux s'effectuaient souvent de cette façon.

Convaincu que celui qui l'appelait était l'un de ses hommes, Gajeel décrocha sans une hésitation. Il le regretta amèrement quand une voix bien trop doucereuse émana du combiné, une voix qu'il reconnaitrait entre mille.

« Bien le bonjour, très cher, s'exclama Sting à travers le combiné. Comment-vas tu ?

Gajeel était médusé. Comment ce type osait-il l'appeler comme si de rien n'était ?

- Qu'est ce que tu veux Eucliffe ? gronda le mafieux aux piercings. Comment as-tu eu ce numéro ?

- Oh, j'ai mes sources. Tu sais bien à quelle époque nous vivons. Un peu d'argent, un type doué en informatique et hop, on trouve tout ce que l'on souhaite.

Gajeel était à deux doigts de raccrocher au nez de cet énergumène sans foi, ni loi.

- Bien, comme tu me l'as subtilement demandé, j'irai droit au but, poursuivit Sting qui prenait un plaisir évident à jouer avec les nerfs de son rival. Il me semble que tu as perdu quelque chose récemment. Je te laisse deviner… plutôt frêle, avec des cheveux bleus, un regard un peu affolé et une fichue manie de dévorer des bouquins…

La main de Gajeel serra le téléphone de toutes ses forces. Il avait compris en deux secondes à qui Sting faisait allusion.

- Je ne vois pas du tout de qui tu parles, tenta Gajeel en prenant un ton indifférent.

- Allons… N'essaie pas de me berner Gajeel. Je sais très bien que cette petite effrontée a rejoint ton cercle fermé et que tu en es complètement gaga.

- Tu es en train de me faire perdre mon temps, Eucliffe. Je ne vois toujours pas à qui tu fais allusion, insista Gajeel.

- Oh, vraiment ? Alors j'imagine que ce n'est pas un problème si mes hommes l'ont un peu amoché… Il faut dire que les filles comme ça, il suffit d'une pichenette pour les mettre à terre…

En un quart de seconde, le self-control de Gajeel se fit la malle, remplacé par une rage indescriptible qu'il n'essaya même pas de réfréner.

- Qu'est-ce que tu lui as fais, espèce de salopard ?! tonna Gajeel en serrant le poing.

- À la bonne heure ! La mémoire t'est finalement revenue. J'ai menti. Pour le moment, je n'ai rien fait à cette petite garce qui a quand même osé lever la main sur moi. Mais je te préviens, cela pourrait très vite changer…

Gajeel voyait très bien le topo. Ce fils de chien avait fait enlever Levy pour se servir d'elle comme moyen de pression sur lui. C'était précisément ce qu'il redoutait et ce contre quoi Laxus l'avait mis en garde. L'étudiante était devenue une cible.

- Qu'est-ce que tu veux ? interrogea Gajeel.

- Figure-toi que j'ai appris par le plus grand des hasards que l'équipe de bras cassés qui te sert d'hommes de main projetait une attaque sur l'une de mes installations très prochainement… Tu t'en doutes, cela m'a fort contrarié…

Le ton moqueur de Sting se transforma en une voix menaçante.

- Par conséquent, ma requête est simple. Si un seul de tes hommes s'approche de mon entrepôt aujourd'hui, si jamais mon business est perturbé de la moindre façon… la fille mourra dans les dix minutes qui suivent… Et tu peux me croire, je n'hésiterai pas une seconde à la faire liquider.

- Si tu es au courant de l'attaque, pourquoi ne pas envoyer tes hommes régler cette histoire et me faire chanter pour autre chose ?

- Allons… pourquoi s'épuiser à mener une longue bataille alors que l'on peut gagner dès le début ? Et pour être franc, la perspective de t'imaginer en train d'expliquer à tes hommes que c'est pour une nana sans intérêt que tu renonces à cette entreprise est bien assez jubilatoire pour moi.

Après un petit rire, Sting continua.

- Tu sais Gajeel… depuis des années, je cherchais un moyen d'être meilleur que toi, un moyen de te surpasser. Pour que toi et ta famille de minables, vous tombiez du piédestal sur lequel vous êtes installés depuis bien trop longtemps. Avec le temps, je commençais à être convaincu que tu n'avais aucune faiblesse sur laquelle je puisse m'appuyer. Aucun point faible. Et finalement un beau jour, cette fille est arrivée, me servant sur un plateau d'argent un moyen de t'atteindre directement. Je n'aurais jamais cru qu'un type comme toi puisse commettre une telle erreur… mais il faut croire que tu n'es finalement qu'un abruti comme tous les autres…

- Tu vas payer pour ce que tu viens de faire… gronda Gajeel. Tu peux me croire, je serai sans pitié et je ne m'arrêterai que lorsque tu seras détruit.

- Garde tes menaces pour toi. Aujourd'hui, c'est moi le vainqueur Gajeel. Et nous le savons tous les deux. Fais ce que je te dis ou tu retrouveras ta copine au fond du lac demain matin…

Un bip sonore retentit. La communication s'était coupée. Gajeel resta immobile quelques instants, son cerveau tentant d'intégrer le dilemme que Sting venait de lui imposer. Tout se mélangeait dans son esprit et il ne put garder le contrôle de lui-même plus longtemps.

D'un ample mouvement du bras, il lança son téléphone qui se brisa en mille morceaux contre le mur. Il fit ensuite basculer la chaise de bureau qui tomba sourdement sur le parquet. Le fils Redfox frappa ses poings sur la table de toutes ses forces, la douleur se diffusant tout le long de ses avant-bras.

- MERDE ! MERDE ! MERDE !

Fou de rage, Gajeel envoya valser l'intégralité de ce qui se trouvait sur le bureau. L'écran d'ordinateur et le clavier qui y était rattaché voltigèrent pour s'écraser à l'autre bout de la pièce. L'intégralité des dossiers tombèrent avec un bruit sourd répandant leur contenu sur le parquet ciré. Poussant un rugissement bestial, le mafieux s'empara d'un globe en verre qui faisait office de presse-papiers et le jeta violemment contre le miroir mordoré qui faisait face au bureau. Sous l'impact, l'objet se fissura de toutes parts là où le choc s'était produit.

Le mafieux continua à taper frénétiquement sur le bureau, se fichant totalement de la souffrance qu'il s'auto-infligeait, en proie à un désespoir infini.

Il était coincé. Complètement et définitivement coincé.

Toute sa vie, on lui avait appris à ne penser qu'au clan et au rôle qu'il devait endosser. Telle une machine, il avait été programmé pour cet objectif, pour être le futur chef du clan Redfox. Un homme fort, puissant et impitoyable.

Et malgré tout ça, il se sentait complètement démuni. Car aujourd'hui, son instinct le tiraillait en même temps vers une autre direction. Sauver la fille à laquelle il tenait.

Et pour la première fois de sa vie, Gajeel Redfox ne savait pas quoi faire. Il n'en avait pas la moindre idée…


C'est sur cette note amère que s'achève ce huitième chapitre ! Comment Levy va t-elle se tirer de ce mauvais pas ? Quelle décision va prendre Gajeel ? Qui était cette mystérieuse femme au Dragon d'acier ? N'hésitez pas à me faire part de vos hypothèses en review et à me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre. Pour ma part, je vous retrouve avec toujours autant de plaisir pour le prochain. En attendant, portez-vous bien. La bise !