Salutations ! Je suis vraiment ravi de vous retrouver pour ce nouveau chapitre de « Crevette métallique » ! Je profite de cette petite introduction pour vous annoncer que le chapitre 10 est déjà écrit et sera publié également dans le courant de la semaine (*bombe le torse fièrement*). Pour la petite histoire, alors que je rédigeais la suite de cette fiction, je me suis subitement laissé emporter par la frénésie de l'écriture et je me suis rendu compte après coup que le chapitre 9 allait être BEAUCOUP trop long si je le postais tout entier. J'ai donc décidé de le scinder en deux et de faire de la deuxième moitié le chapitre suivant. Mais trêve de bavardages, je vous laisse découvrir ce nouveau chapitre qui j'espère, vous plaira.

Avertissement : Ce chapitre contient une scène de violences physiques dont je me sens obligé de vous informer à l'avance. Même si de mon point de vue, la scène est plutôt soft, je sais pertinemment que nous n'avons pas tous la même appréhension ou la même résistance lors des passages difficiles d'un récit. Et je ne voudrais pas que certains d'entre vous soient pris au dépourvu. À bon entendeur…

Bonne lecture à tous !

Chapitre 9

Vêtu de son habituelle veste en cuir rouge, Igneel Dragneel arpentait à pas feutrés les couloirs du manoir Redfox, un dossier débordant de papiers sous le bras.

Le père de Natsu revenait tout juste d'un entretien avec les représentants de la compagnie qui gérait l'assurance de son garage, ayant mis un point d'honneur à ce que son entreprise fonctionne dans la plus parfaite légalité.

L'entretien s'était déroulé de manière tout à fait cordiale et la compagnie d'assurance avait gracieusement accepté d'indemniser l'intégralité du préjudice subi par le beau-frère de Métallicana. suite à l'incendie.

Mais en dépit de cette bonne nouvelle, Igneel restait amer. Alors qu'il exposait à ses interlocuteurs son impatience de remettre son affaire sur les rails, il avait encore une nouvelle fois lu dans leurs yeux la même émotion que celle qui animait tous ceux qu'il avait précédemment rencontré pour monter son commerce.

La crainte.

Les assureurs n'avaient pas acquiescé à son dédommagement parce qu'ils pensaient que l'affaire du père de Natsu était fructueuse, ni parce qu'ils le considéraient comme un client fidèle et scrupuleux. Mais bel et bien parce qu'ils s'imaginaient avoir de graves problèmes au moindre refus.

En sortant du rendez-vous, Igneel avait poussé un long soupir. Jamais il ne pourrait prétendre mener des affaires comme le ferait un entrepreneur normal. Il fallait se rendre à l'évidence. Il serait pour toujours et pour tout le monde le beau-frère de Métallicana Redfox, un mafieux inspirant davantage la peur que l'admiration.

Contrarié, le père de Natsu s'était arrêté près de la machine à café trônant dans le hall de l'immeuble de bureaux et avait sorti son portefeuille en cuir pour s'acheter une boisson. Et tandis qu'il hésitait encore entre chocolat chaud et thé au citron, il avait rapidement été rejoint par l'une des responsables de l'agence. Une femme blonde à la tenue soignée et à l'air avenant.

Après avoir échangé quelques banalités et sans trop savoir comment, il s'était retrouvé à discuter plus en détail avec cette femme.

Il lui parla entre autres de son travail au garage, de sa passion dévorante pour le hard-rock mais aussi du fait qu'il avait un fils de vingt et un ans qui lui en faisait voir de toutes les couleurs au quotidien. La femme l'avait écouté avec attention et lui avait à son tour fait part de quelques détails sur sa vie. Elle avait passé presque toute son enfance et son adolescence à Magnolia et avait fait des études de droit et d'économie avant de s'orienter plus spécifiquement vers les assurances. Elle avait également un fils, âgé de sept ans, issu d'une précédente union, et auquel elle tenait naturellement comme à la prunelle de ses yeux.

Durant toute leur conversation, un léger sourire avait flotté sur les lèvres d'Igneel. En plus de son évidente beauté, cette femme avait de la conversation et de l'esprit. Pourtant, au moment de porter à nouveau sa boisson à ses lèvres, le mafieux s'était figé et avait regardé fixement le fond de son gobelet en carton.

La mère de Natsu le taquinait en permanence sur le fait qu'il préfère encore le chocolat chaud au café malgré son âge. Ce souvenir apparemment désuet en entraina rapidement d'autres et bientôt Igneel se sentit oppressé.

Mettant fin poliment à la conversation, il salua la jeune femme et sortit rapidement de l'immeuble de bureaux, comme si le diable était à ses trousses. Il ne s'arrêta que quelques rues plus loin, avant de finalement décider de rejoindre sa voiture, le pas traînant.

Même si de nombreuses années s'étaient écoulées depuis sa mort, Igneel n'avait toujours pas fait le deuil de son épouse. Le simple fait de flirter avec une femme s'apparentait encore pour lui à une insupportable trahison. Le mafieux n'arrivait toujours pas à s'imaginer avec quelqu'un d'autre et n'était clairement pas prêt à refaire sa vie. Il se demandait même comment Natsu réagirait s'il apprenait qu'il fréquentait une autre femme, lui qui était encore si attaché au souvenir de sa mère.

La solitude avait beau peser sur ses épaules comme une chape de plomb, Igneel demeurait convaincu que la meilleure solution était de laisser le temps faire son ouvrage.

Marchant tel un automate, le père de Natsu prit la direction du bureau de Métallicana dans le but de ranger l'épais dossier qui l'encombrait depuis plusieurs heures.

Mais lorsqu'il entendit des coups violents et des bruits de verre brisé émaner du fond du couloir, Igneel accéléra brusquement le pas. Il ouvrit la porte du bureau à la hâte et ce qu'il vit le laissa sans voix.

Un capharnaüm indescriptible régnait dans l'espace de travail du parrain. Des meubles avaient été renversés, des documents jonchaient le sol et de petits éclats de verre s'étaient répandus comme si quelqu'un les avait saupoudrés un peu partout dans la pièce.

Mais ce qui surprit davantage Igneel, c'était l'identité de la personne visiblement responsable de ce carnage.

Gajeel était assis sur le sol, adossé contre le bureau en bois de son père. Il ne pleurait pas, mais semblait malgré tout dans un état de détresse considérable. Ses yeux paraissaient vides et ses cheveux étaient encore plus indisciplinés que d'habitude.

« Bon sang Gajeel… qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? demanda Igneel, interloqué.

Gajeel ne prit pas la peine de répondre et se contenta de tourner la tête vers l'imposante fenêtre donnant sur le jardin.

- Fiche-moi la paix oncle Igneel… bougonna Gajeel. Retourne donc astiquer les pare-chocs de tes bagnoles hors de prix.

La mafieux haussa légèrement un sourcil. Même si son neveu n'aurait probablement pas apprécié la comparaison, il ne pouvait que constater que Gajeel était bien le fils de son père. Lorsqu'ils étaient plus jeunes, Métallicana avait longtemps eu exactement le même comportement avec Igneel. Au moindre problème, il s'enfermait dans le mutisme et les répliques blessantes.

L'oncle de Gajeel s'approcha à pas lents de son neveu, comme le ferait un dompteur s'aventurant dans la cage d'un animal rétif.

« Ce sont… les affaires qui t'ont mis dans un état pareil ? demanda doucement Igneel.

Pendant un long moment, seul le silence répondit à sa question. Puis la voix de Gajeel s'éleva sur un ton morne.

- Si seulement, il n'y avait que ça… J'suis dans la merde, oncle Igneel…

Gajeel avait lâché ces derniers mots comme s'il venait de faire la confession la plus inavouable qui soit. Et Igneel savait très bien d'où lui venait cette culpabilité.

Durant toute l'enfance de Natsu et Gajeel, il avait pu voir à maintes reprises ce dernier être rabroué et brimé par son père à la moindre esquisse de faiblesse. Même si Igneel savait parfaitement que Métallicana ne faisait que reproduire le schéma que lui-même avait connu avec son propre père, il n'arrivait pas à cautionner la dureté avec laquelle le parrain élevait son fils. Comme si le fils héritier n'était qu'un bout de fer à transformer en arme, à grand renforts de coups de marteau et de jets de flammes.

Igneel se rapprocha encore davantage de son neveu jusqu'à ce que ce dernier n'ait d'autre choix que de le regarder.

« Tu sais, je ne suis pas ton père. Je n'exigerai jamais de toi que tu restes impassible et stoïque comme si rien ne pouvait t'affecter ou t'émouvoir. Parce que ce n'est tout simplement pas possible. Un homme, aussi fort soit-il, doit toujours écouter ses émotions et savoir en tirer un enseignement. J'aurai aimé que Métalicana se rappelle plus souvent de ça avec toi…

Le coeur de Gajeel fit une embardée. Son oncle venait de critiquer ouvertement le chef du clan. Et dans son propre bureau qui plus est.

La voix d'Igneel se fit soudain plus ferme et empreinte d'autorité.

- Ceci étant dit, je suis d'accord avec ton père sur un point. Tout comme les Dragneel, les Redfox ne peuvent pas se permettre de baisser les bras et de courber l'échine. Tu peux te sentir abattu, être affecté de la pire des manières. Mais tu n'as en aucun cas le droit de te lamenter sur ton sort. Relève toi maintenant. Et explique-moi ce qui se passe.

Les poings de Gajeel se serrèrent. Les paroles de son oncle firent leur chemin dans son esprit et quelques secondes plus tard, le mafieux se releva, faisant grincer le parquet ciré qui recouvrait le sol du bureau.

Le père de Natsu recula d'un pas. Il avait oublié que son neveu le dépassait presque d'une tête désormais. Et qu'il fréquentait assurément davantage la salle de musculation que lui.

- Je ne suis peut-être qu'un vieux croulant qui commence à perdre ses cheveux, reprit Igneel. Mais je pense avoir assez d'expérience pour pouvoir t'aider. Il n'y a aucune honte à s'appuyer sur la famille en des temps difficiles.

La mâchoire de Gajeel se contracta. Et sans qu'il ne l'ait vraiment décidé, un flot de paroles ininterrompu s'échappa de sa bouche. Il raconta tout. Tout ce qui était arrivé ces dernières vingt-quatre heures.

À la fin de sa tirade, Igneel se passa une main sur le front, visiblement stupéfait.

- Bon sang Gajeel… c'est du sérieux ton histoire…

- Je te l'avais dit. Je ne sais pas quoi faire oncle Igneel… Putain, j'ai retourné le problème dans tous les sens… mais je ne vois vraiment aucune solution. Je ne peux pas simplement obéir aux ordres d'Eucliffe mais… j'ai envie de gerber à la seule idée de la savoir entre ses griffes quelque part…

Malgré la gravité de la situation, Igneel ne pouvait s'empêcher d'être attendri par ce qu'il avait sous les yeux. Son neveu paraissait réellement mort d'inquiétude face à l'enlèvement de cette jeune femme.

- J'ai comme l'impression que tu es très attaché à elle…

Prenant conscience qu'il était à cet instant un livre ouvert pour son oncle, Gajeel tâcha de reprendre le contrôle de ses émotions.

- Elle n'est pas comme nous. C'est une fille forte mais… elle n'est pas faite pour résister à ce qu'il va lui faire subir…

Igneel prit quelques instants pour réfléchir. Il ne pouvait pas rester sans rien faire. Il était de son devoir de venir en aide au fils unique de sa défunte soeur.

- Bon, premièrement, dans la configuration actuelle, je doute que tu puisses mener à bien l'attaque que tu avais planifié contre Sting Eucliffe, affirma Igneel. Il faut écarter définitivement cette option. Nous devons être réalistes. Bien que j'ignore comment, il est à présent au courant de ce projet et aura sûrement pris des précautions pour le contrer, en plus de l'ultimatum qu'il t'a imposé.

Gajeel acquiesça à la remarque de son oncle. La stratégie qu'il avait élaboré Gray et Laxus reposait principalement sur l'effet de surprise. Maintenant qu'Eucliffe était au courant, tout son plan était bon à jeter aux ordures.

- Ceci étant dit, tu as peut-être encore une chance de sauver ton amie tout en infligeant des dégâts à l'organisation d'Eucliffe… rajouta Igneel.

Gajeel se tourna vers son oncle, le regard plein d'espoir.

- Tu as une idée ? demanda le mafieux aux piercings.

- Ça se pourrait bien.

Le père de Natsu frictionna sa barbe avant de prendre une grande inspiration. Il allait peut-être regretter pour toujours d'avoir suggéré cela à son neveu.

- Écoute-moi bien Gajeel. La manoeuvre que je vais te proposer pourrait être selon moi la solution à tous tes problèmes. Mais elle pourrait tout autant être l'étincelle qui mettra définitivement le feu aux poudres… Et il n'y aura pas de retour en arrière possible une fois que la machine sera lancée. À toi de décider.


Cela faisait maintenant plusieurs heures que Levy était prisonnière de cette pièce lugubre dans laquelle on l'avait enfermée. Toujours étroitement surveillée par un geôlier dont elle ignorait absolument tout, jusqu'à son nom. Elle avait pourtant essayé de le lui demander à plusieurs reprises mais l'homme était resté désespérément mutique. Comme si le simple fait de répondre à Levy allait lui fournir une occasion d'échapper à sa vigilance.

Depuis qu'il lui avait annoncé qu'elle était en danger si le commanditaire de son enlèvement n'obtenait pas ce qu'il voulait, le stress et la peur dominaient l'étudiante comme jamais auparavant. Elle se surprenait à faire des gestes mécaniques et répétitifs, comme si tout son corps essayait d'évacuer tant bien que mal l'angoisse qu'elle ressentait.

Il fallait à tout prix qu'elle survive, qu'elle échappe à ce qui l'attendait et qu'elle reprenne la situation en main.

La jeune femme se redressa et s'assit en tailleur sur son lit, bien en face de l'homme adossé au mur. Les menottes en acier tintèrent contre le barreau.

« S'il vous plaît, je sais que vous ne me répondrez sûrement pas, mais vous devez me relâcher… implora l'étudiante.

L'homme leva un instant les yeux vers elle. Ils étaient légèrement dorés et la marque rouge formait comme une arabesque autour des paupières.

Aucune réponse.

Mais Levy ne se découragea pas.

« Écoutez… vous m'avez dit que ma liberté ne dépendait pas de vous… Mais je sais aussi que vous n'aimez pas ce que vous êtes en train de faire…

Levy guetta une réaction dans les pupilles de son geôlier. Il n'avait toujours pas fait un geste, ni prononcé une parole. Mais un léger éclat s'était allumé dans ses yeux. Une étincelle d'intérêt. Elle était sur la bonne voie.

« Si votre employeur est capable de vous ordonner de séquestrer quelqu'un et de l'enchaîner comme un chien enragé, vous croyez vraiment qu'il s'agit d'une personne digne de confiance ? Peu importe les raisons qui vous poussent à faire cela, vous ne pouvez pas continuer sur cette vo…

- Vous ne savez rien de ma situation.

Levy écarquilla les yeux, surprise d'entendre à nouveau la voix de son kidnappeur. Il lui répondait, c'était déjà ça. Pour autant, elle ne devait pas crier victoire. Le ton employé était sec, dur, et sans appel.

- Qu'est-ce que vous croyez ? continua l'homme. Que j'obéis à ces enfoirés pour m'amuser ? Que je prends mon pied à vous voir attachée à ce lit miteux, peut-être ? J'ai une très bonne raison de faire ce que je fais !

- Je n'ai jamais dit le contraire… mais…

- Si je vous relâche, je n'ai plus aucune chance de survie. C'est aussi simple que ça. Je serai condamné à plus ou moins long terme. Mais si je vais jusqu'au bout, je pourrai peut-être m'en sortir. Moi et une amie très chère. Elle compte sur moi pour la sortir de là où elle est. Je le lui ai promis. Donc non, je ne vous relâcherai pas.

L'homme tourna les yeux vers le mur, comme pour signifier que la conversation était terminée. Mais Levy persista. Sa vie était en jeu, elle ne pouvait pas juste laisser tomber et passer à autre chose.

- Je peux comprendre que vous ayez une bonne raison pour agir ainsi… je vous assure. Mais si vous avez autant de problèmes que ce que vous dites, il y a peut-être une autre solution.

L'homme porta à nouveau son regard vers Levy, attendant probablement qu'elle développe.

- Je connais quelqu'un de très influent qui pourrait peut-être vous aider à disparaître avec votre amie.

Hélas, Levy comprit rapidement qu'elle venait de miser sur le mauvais cheval. L'homme se décolla du mur et s'avança rapidement vers elle, la fureur déformant ses traits.

- Vous parlez des Redfox et de toute leur clique, c'est ça ? C'est à eux que vous me suggérez d'avoir recours pour solutionner tous les problèmes ? La belle affaire ! À qui vous croyez que j'essaye d'échapper depuis des mois ?

L'homme se rapprocha encore et releva brusquement son t-shirt. Des points de suture encore frais parcouraient son abdomen, témoins irréfutables d'une blessure récente.

- Qui m'a planté le bide au point que je pisse le sang dans votre immeuble à votre avis ? Vos chers amis si prévenants sont prêts à tout pour m'envoyer six pieds sous terre ! Et vous pouvez me croire, je ferai tout pour qu'ils n'aient jamais ce plaisir !

Le sang de Levy se glaça dans ses veines. Aussi bien à la vue de la blessure qu'à l'entente des mots acides prononcés par cet homme.

Gajeel et ses hommes avaient-ils vraiment fait ça ? Traquer un homme comme un animal pour pouvoir ensuite le mettre à mort ? Lui infliger une telle blessure ?

Elle n'aurait pourtant pas dû être étonnée que les membres du clan Redfox soient capables de telles actions. Ils restaient des mafieux après tout. Éliminer leurs ennemis faisait partie de leur quotidien, quitte à mépriser la loi et la morale la plus élémentaire.

Pourtant, depuis qu'elle connaissait Gajeel, Levy avait complètement occulté cette réalité. Elle avait sciemment choisi de la mettre au second plan, préférant ne retenir que les moments agréables passés en compagnie du mafieux. La vision de cette blessure la renvoyait désormais à cette cruelle réalité, bien plus encore que son enlèvement ou la prison dans laquelle elle était enfermée.

L'homme baissa son t-shirt et repartit s'adosser contre le mur froid et décoloré, affichant un air encore plus sombre.

Levy aurait pu tenter d'argumenter à nouveau. Essayer de convaincre ce type que les Redfox passeraient l'éponge sur ce qu'il leur avait fait s'il la libérait. Mais la vérité, c'est qu'elle-même n'en était pas sûre. Elle ne pouvait donc pas le lui garantir.

Une nouvelle heure s'écoula avant que le silence dans lequel la pièce était plongée fut rompu. De nombreux bruits s'élevèrent. Des bruits de portes métalliques, des éclats de voix lointains.

À l'entente de ces sons, l'homme sortit précipitamment de la pièce, laissant Levy complètement seule. L'étudiante ne pouvait s'empêcher de s'imaginer un million de scénarios possibles. Est-ce que c'était la police ? Gajeel qui l'avait retrouvée ? Un secours quelconque ? Elle ne pouvait que l'espérer.

Cinq bonnes minutes s'écoulèrent avant que la porte de la cellule ne s'ouvre en grand, laissant à nouveau apparaitre le jeune homme aux cheveux bleus. Son visage ne trahissait aucun affolement. Ce n'était définitivement pas les secours.

Il se rapprocha lentement de Levy, la surplombant de toute sa hauteur.

« Vous devez venir avec moi, annonça t-il. Je vais vous détacher le pied et vous passer les menottes. À la moindre tentative d'évasion de votre part, je n'hésiterai pas à vous frapper, quelles qu'en soient les conséquences. C'est bien compris ?

Levy acquiesça doucement.

- Je ne tenterai rien, promit la jeune femme. Je vous assure.

Sans un mot, l'homme défit le lien entravant la cheville de sa prisonnière. Levy tendit docilement ses poignets pour qu'il puisse y passer les menottes. Il aida ensuite Levy à se relever.

Étant restée un moment allongée, l'étudiante sentit des fourmis lui parcourir les jambes. L'homme lui prit le bras et la conduisit en dehors de la pièce pour emprunter un dédale de longs couloirs sombres.

Quel que soit l'endroit dans lequel ils se trouvaient, Levy comprit rapidement que c'était gigantesque. Les couloirs étaient particulièrement larges et de nombreuses portes les parcouraient, laissant deviner un grand nombre de pièces attenantes.

D'imposants tuyaux en acier parcouraient le plafond, parsemés ça et là de toiles d'araignée couvertes de poussière. Les corridors étaient éclairés par de vieux néons, dont quelques-uns clignotaient frénétiquement. Une odeur de bois pourri flottait dans l'air et paraissait les suivre au fur et à mesure de leur déambulation.

Levy tâcha de mémoriser autant que possible l'agencement des lieux. Même si pour l'instant, elle ne pouvait espérer s'évader de cet endroit, cela ne serait peut-être pas toujours le cas.

Sentant la peur s'insinuer dans ses tripes, l'étudiante tenta le tout pour le tout.

« Il n'est pas encore trop tard vous savez… Vous pouvez encore mettre fin à tout ça.

- Taisez-vous, ordonna l'homme en resserrant sa poigne autour du bras de Levy.

La jeune femme n'en menait pas large. Alors qu'elle réfléchissait encore à un moyen de s'enfuir, ils arrivèrent dans une vaste pièce, bien moins sale et lugubre que sa cellule et bien mieux éclairée. Mais malgré tout, à cet instant, Levy aurait volontiers tout donné pour retourner dans son cachot.

Au centre de la pièce attendait une jeune femme vêtue d'une robe bustier de couleur bleue. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en deux chignons situés sur les côtés de sa tête et en deux tresses dégringolant sur les côtés de sa chevelure. Son visage semblait sévère et dépourvu de toute émotion. Une aura malsaine entourait cette femme et Levy sentit aussitôt un frisson glacé parcourir son dos.

La femme s'avança et rapprocha son visage à quelques centimètres de celui de Levy, un sourire narquois sur le visage.

« Tiens, tiens, voilà la justicière du 8-Island, en chair et en os. Sting m'a demandé bien de m'occuper de toi. Tu peux m'appeler Mademoiselle ».


Une gueule de bois. La pire de toutes les gueules de bois. C'est précisément ce à quoi pensa Bixrow lorsqu'il ouvrit les paupières. À l'intérieur de sa tête résonnait l'équivalent du bruit d'un marteau-piqueur. Une violente nausée l'assaillit, si bien qu'il crut rendre ce qui lui restait dans l'estomac. Tant bien que mal, il parvint à se retenir et regarda vaguement autour de lui.

La première chose qui entra dans son champ de vision fut une chevelure rosée, accompagnée d'un franc sourire.

« Salut mec ! s'exclama Natsu. T'as bien failli nous filer entre les doigts, dis donc !

Bixrow plissa faiblement les yeux. Ses oreilles lui renvoyaient la voix de son camarade dans un écho extrêmement désagréable.

- Même à moitié mort, je suis obligé de voir ta sale tronche… murmura Bixrow d'une voix faible.

Le rosé éclata de rire avant de reprendre son sérieux.

- Tu sais bien qu'on se débarrasse pas de moi comme ça. Alors, comment tu te sens ? T'as bien dit à la grande faucheuse d'aller se rhabiller j'espère ?

Le mafieux au tatouage facial réprima un sourire.

- C'est horrible… Bon sang, j'ai l'impression d'avoir passé la moitié de ma vie à picoler…

Le blessé tenta maladroitement de se relever pour s'asseoir mais il stoppa bien vite sa manoeuvre. Sa tête lui paraissait terriblement lourde, comme si tout l'intérieur de son crâne était rempli de plomb.

- Je vous déconseille de vous lever, s'exclama Polyussica qui se rapprochait. Vous n'êtes pas encore complètement remis et vous avez besoin de repos.

Bixrow capitula, sa tête retombant lourdement contre le coussin placé dans son dos. Il détestait l'idée d'être cloué dans un lit d'hôpital.

- Écoute ce que dit la toubib, conseilla Natsu. On a besoin de toi entier pour faire la peau à Eucliffe.

Le mafieux aux cheveux bleus fronça les sourcils.

Eucliffe… C'était pour ça qu'il était dans cet état, il s'en rappelait à présent. Il était parti enquêter sur les attaques menées contre le clan et… on l'avait attaqué.

- Natsu… souffla Bixrow en saisissant le bras du concerné. Il faut que tu transmettes un message à Gajeel de ma part…

Le cousin du parrain gonfla les joues. Il n'avait aucune envie d'aller trouver cette tête d'abruti qui l'avait forcé à rester s'ennuyer au manoir alors que de la baston s'annonçait dehors.

Cependant, Natsu vit clairement dans le regard de Bixrow que sa requête était urgente.

- Très bien… Qu'est-ce que tu veux que je lui dise ?

- Il n'y pas que Sting Eucliffe sur l'échiquier. Quelqu'un d'autre a organisé toutes ces attaques… Et qui que ce soit, tu peux me croire, ce n'est pas notre ami…


Levy fut traînée sans ménagement jusqu'à une chaise métallique située au centre de la pièce par deux gros bras, jusqu'à présent dissimulés dans un coin sombre.

On lui plaqua les mains dans le dos avant de les menotter au dossier de la chaise, la plaçant ainsi dans une posture très inconfortable. Ses bras la tiraient atrocement et sa position lui faisait sentir chacun des légers tremblements qui agitaient son corps.

L'étudiante en lettres se fustigea mentalement. Elle aurait dû le voir venir. Elle aurait dû deviner que Sting Eucliffe se cachait derrière tout ça. Il n'y avait que lui qui puisse la considérer comme une monnaie d'échange suffisante pour faire plier Gajeel.

La femme à la robe bleue se rapprocha d'elle à pas de loup, la toisant avec le plus grand mépris.

« C'est donc toi la petite garce qui a osé lever la main sur Sting…

- Et vous, vous êtes qui ? On peut savoir ? demanda Levy en lui lançant un regard noir.

- Je vois que j'ai affaire à une répondante. Mais ici, ce n'est pas toi qui pose les questions ma chère. Tu vas très vite le comprendre.

Levy fronça les sourcils. Cette femme, « Mademoiselle », transpirait la cruauté et la méchanceté. Tout en elle trahissait ces traits de caractère. Sa démarche, ses gestes, son regard… Cette femme n'augurait vraiment rien de bon.

Elle s'empara d'une autre chaise métallique qu'elle plaça juste en face de Levy, avant de s'asseoir dessus d'un air faussement nonchalant. Elle étira ses longues jambes et les croisa avec une lenteur calculée.

« Comme je te l'ai dit, Sting m'a chargé de m'occuper de toi pendant ta détention ici. Nous savons de source sûre que tu t'es rendue au manoir des Redfox et que tu travailles dans leur night-club minable en centre-ville. Tu es donc une source potentielle d'informations pour nous…

- Votre source n'est pas si fiable que ça. Parce que je ne sais rien du tout.

L'expression de Mademoiselle se durcit instantanément.

- Je me doute bien que tu ne nous donneras pas ces informations de ton plein gré. Tu as beau n'être qu'une étudiante au physique des plus banals, tu possèdes un certain… cran.

Elle avait craché ce dernier mot comme s'il s'agissait davantage d'une insulte que d'un compliment. Mais bien vite, la femme se reprit avant d'afficher un large sourire qui fit craindre le pire à Levy.

- C'est pourquoi j'ai imaginé un petit jeu pour pimenter les choses… annonça t-elle. J'aime beaucoup les jeux, surtout ceux dans lesquels je suis sûre de gagner.

Mademoiselle leva la main et claqua des doigts.

Immédiatement, les hommes de main restés en retrait se rapprochèrent de Jellal et l'encerclèrent. Le jeune homme regarda autour de lui, plein d'incompréhension. Ses deux bras furent saisis de part et d'autre par les hommes de Sting.

« Attendez… Qu'est-ce que vous faites ? s'exclama Jellal, paniqué. On avait un accord ! Je vous ai amené la fille comme convenu ! Et je vous ai dit tout ce que je savais !

- Mon pauvre Jellal… ricana Mademoiselle en regardant ses ongles. Tu pensais vraiment que Sting Eucliffe allait s'abaisser à traiter avec un loser comme toi ? Tu as vraiment cru que tu allais pouvoir tranquillement prendre la poudre d'escampette et pouvoir te la couler douce, tout ça à ses frais ? Tu es décidément bien naïf. Tu n'étais qu'un outil dont nous nous sommes servis pour arriver à nos fins. Rien de plus. Mais rassure-toi, je compte bien te faire rester sur le devant de la scène…

Levy écarquilla les yeux devant la scène à laquelle elle assistait.

Jellal. Son kidnappeur s'appelait Jellal.

Et il venait visiblement d'être victime de l'un des tours les plus retors qui soit : l'arroseur arrosé.

Alors qu'il se débattait comme un beau diable, les hommes de Sting traînèrent Jellal jusqu'à une chaise qu'ils placèrent à quelques mètres sur la droite de Levy. Ils lui attachèrent les poignets avec de solides lanières et ses pieds ne tardèrent pas à subir le même traitement. Ils le bâillonnèrent ensuite avec ce qui ressemblait à un vieux torchon. L'ancien geôlier était contre toute attente devenu captif.

« Hmm… je crois qu'il nous manque une personne pour compléter ce magnifique tableau, souligna Mademoiselle. Faites-là entrer messieurs.

La porte de la salle d'interrogatoire s'ouvrit, laissant apparaitre une nouvelle personne. Et la mâchoire de Levy faillit se décrocher à sa vue.

Docilement, Yukino s'avança jusqu'au centre de la pièce. Elle était toujours vêtue de la même tenue blanche et son visage arborait une teinte tout aussi livide. Lorsque son regard croisa celui de Mademoiselle, la terreur déforma immédiatement ses traits. Levy devina que c'était loin d'être leur première rencontre.

« Mademoiselle Minerva… chuchota Yukino, je suis vraiment désolée. Je… je vous assure que j'ai fait tout mon possible pour accomplir ma mission. Mais…

- Silence ! Tu as lamentablement échoué dans ta tentative de te rapprocher de cette petite sotte. Le peu de jugeote que j'avais réussi à t'inculquer n'a visiblement pas suffi à combler le fait que tu sois complètement tordue ! Tu es décidément aussi gourde que l'était ta soeur avant toi ! Pour la peine, tu vas assister sans broncher à ce que j'ai prévu pour ces deux-là.

La geôlière se tourna à nouveau vers ses deux captifs mais l'attention de Levy était ailleurs. Yukino avait appelé l'autre folle Minerva. Et étrangement, ce nom lui disait quelque chose. Elle avait certainement dû lire quelque chose à son sujet. Mais impossible pour l'étudiante de remettre le doigt dessus.

« Parfait ! Maintenant que tout est en place, je vais à présent vous expliquer les règles, annonça Minerva. Toi la petite sotte, je vais te poser des questions et tu vas me donner des réponses. Si ce qui parvient à mes oreilles ne me convient pas, le pauvre Jellal ici présent en subira les conséquences. Tu as bien saisi le concept ?

Levy resta bouche bée, effrayée par l'annonce qui venait de lui être faite. Sa première intuition ne l'avait pas trompée. Cette femme était la tortionnaire attitrée du clan Eucliffe.

« Qu'est-ce qui vous fait croire que je me soucie de son sort ? tenta Levy. Ce type m'a enlevé et il m'a séquestré pendant des heures. Je me fiche pas mal de ce que vous lui ferez.

- Très malin comme réponse, commenta Minerva. Mais tu ne me duperas pas, très chère. Je sais comment les filles comme toi raisonnent. Tu serais sans doute capable de résister pendant un temps face à ta propre douleur. Mais celle que pourraient endurer les autres par ta faute te sera beaucoup plus insupportable. Et c'est tout l'attrait du jeu.

La complice de Sting tapa dans ses mains, comme le ferait une institutrice pour annoncer la fin de la récréation.

- Assez de débats. Nous allons commencer. Première question très chère : combien d'entrées as-tu pu dénombrer lors de ta venue au manoir de ces enfoirés ?

Le stress serra brusquement le coeur de Levy. Toutes les personnes présentes dans la pièce paraissaient attendre ce qu'elle pourrait dire. Mais elle n'avait aucune envie de participer au jeu sadique de cette malade. Elle n'avait pas mérité de subir une telle épreuve.

- Pourquoi souhaitez-vous savoir ça ? Qu'est-ce que ça peut vous apporter ?

- J'ai dit que c'était moi qui posait les questions. Et tu ferais mieux de ne pas abuser de ma patience.

L'étudiante prit quelques secondes pour réfléchir. Elle avait toujours eu une très bonne mémoire visuelle. Elle connaissait la réponse à la question posée par la folle qui l'interrogeait. Mais malgré cela, la volonté de Levy oscillait dans des directions contradictoires.

Si elle ne parlait pas, Jellal allait souffrir, c'était certain. Même s'il l'avait retenue contre son gré, il semblait apparemment avoir de bonnes raisons. Et personne ne méritait d'être torturé comme cette femme semblait avoir l'habitude de le faire.

Mais à l'inverse, si elle parlait, elle mettrait peut-être la vie de Gajeel et ses hommes en danger. Les Redfox seraient exposés et ce serait sa faute à elle. Et même si elle savait à présent qu'ils n'étaient pas dénués de tout pêché, elle pourrait encore moins supporter qu'il leur arrive malheur.

Le choix de Levy était fait. À cet instant, elle pria intérieurement pour que sa volonté de protéger Gajeel soit plus forte que la terreur de voir un homme être torturé par sa faute. Elle baissa la tête, n'apportant comme seule réponse que son silence.

« Très bien. Je vois que tu as fait ton premier choix, très chère, constata t-elle. Je t'en suis reconnaissante, ça va me donner l'occasion de m'amuser un peu.

Levy n'eut même pas le temps de contredire Minerva. Cette dernière avait déjà fait un signe à l'un des hommes présents dans la pièce qui s'approcha de Jellal et lui décocha un violent coup de poing dans le ventre. Pile en dessous de la cage thoracique. La douleur remonta le long du sternum et irradia la poitrine du garçon à la marque rouge. Un grognement étouffé s'échappa de sa bouche. Un autre coup de poing suivit, cette fois-ci au dessus de la hanche droite. Nouveau gémissement de douleur.

Levy détourna le regard et regretta amèrement de ne pouvoir se boucher les oreilles. Quelques secondes de ce spectacle lui apprirent qu'elle s'était trompée. Elle ne tiendrait jamais face à ça.

Lorsqu'elle regarda à nouveau en direction de Jellal, Levy s'aperçut que Yukino paraissait encore plus perturbée qu'elle. Elle tremblait comme une feuille et semblait peiner à regarder la scène.

« Tu ne dois pas déjà flancher très chère, ricana Minerva en se rapprochant de Levy. La partie ne fait que commencer. Ce serait bête de s'arrêter en si bon chemin. Je te le demande à nouveau. Le nombre d'entrées potentielles que compte le manoir Redfox. Tu as dix secondes pour me répondre.

Le compte à rebours pétrifia Levy. Cette malade prenait son pied avec ses ultimatums, c'était évident.

La culpabilité serra le coeur de Levy. Que faire dans une telle situation ? Elle devait à tout prix tenter quelque chose.

« Cinq… capitula Levy, la voix empreinte de culpabilité. Il y a cinq entrées possibles.

Il y eut un long silence durant lequel on entendit plus que le grésillement des néons éclairant la pièce.

Minerva porta la main à sa bouche, comme paralysée par la surprise.

« Mon Dieu ! s'exclama t-elle. Quelle idiote je suis ! J'avais oublié de préciser une des règles du jeu…

Elle s'empara d'un couteau aiguisé dissimulé dans une attache de sa robe, avant de se placer à côté de Jellal, un air faussement innocent plaqué sur le visage. Puis elle se pencha jusqu'à ce que sa tête frôle celle du garçon, tout en continuant de fixer Levy quelques mètres plus loin.

« J'avais oublié de préciser qu'il est interdit de mentir… souffla t-elle d'une voix doucereuse.

Levy écarquilla les yeux, le sang pulsant dans ses veines.

- C'était un test, très chère. La réponse à la première question est toujours une info que je connais déjà. Ça m'aide à analyser la personnalité des prisonniers. Je sais parfaitement que le manoir Redfox a quatre entrées différentes, dont deux ne sont accessibles que par des véhicules. Cette ruse m'a permis de comprendre dont je me doutais déjà. Tu n'es qu'une sale petite garce qui croit pouvoir berner les gens en secouant les cheveux, tout ça parce qu'elle fréquente une université un peu cotée.

Mademoiselle porta ensuite son regard sur le torse de Jellal et plus précisément vers la blessure visible sur le côté droit de son abdomen.

- Quel dommage que cette blessure défigure ainsi ta plastique de rêve mon cher Jellal. Mais tu peux être rassuré, je vais remédier à cette dissymétrie sans délai.

Sans une once d'hésitation, Minerva appuya la lame du côté gauche de l'abdomen du prisonnier et la fit lentement parcourir la peau, laissant une profonde trainée rouge dans son sillage à l'exact opposé de la précédente blessure. Cette fois-ci, Jellal hurla dans son bâillon.

Levy ferma les yeux, ne pouvant plus supporter les cris de celui qu'elle faisait indirectement souffrir.

- Arrêtez ! supplia Levy. Arrêtez… je ne mentirai plus, je vous le jure.

- Tu y as intérêt. Car tu peux me croire, je n'hésiterai pas à le charcuter comme un morceau de boeuf jusqu'à ce que tu m'aie tout dit, ou jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Et je ne ressentirai aucune émotion lorsque je le ferai. J'ai été à bonne école. Mon père m'a tout appris.

À cet instant, ce fut comme si toutes les pièces du puzzle s'assemblaient dans l'esprit de Levy. Elle se rappelait à présent où elle avait lu le prénom de Minerva. Dans les chroniques criminelles des journaux magnoliens.

- Vous êtes la fille de Jiemma Orlando… Celui qu'on surnomme le Boucher aux dents de sabre… comprit Levy, stupéfaite.

- C'est exact, confirma Minerva, la fierté irradiant ses traits. Mon père a liquidé des dizaines de gens durant toute mon enfance, parfois juste devant mes yeux. À cette époque, j'étais comme cette chère Yukino, une pauvre petite chose fragile pleurant sans cesse et incapable de prendre la moindre initiative. Mais mon père m'a changée. Il m'a fait comprendre que répandre la mort était nécessaire et prolifique. Le sang a continué de couler et a assuré l'avenir de ma famille. Et désormais, c'est moi qui prend la relève.

Minerva s'accroupit à la droite de Levy, son visage frôlant celui de la prisonnière. Levy put sentir son parfum âcre et vit danser devant ses yeux la lame du poignard, encore souillée du sang de Jellal.

La tortionnaire se pencha pour murmurer aux oreilles de Levy.

- Alors à présent, dis moi, petite fée de Fairy Tail… Crois-tu toujours autant pouvoir sortir d'ici indemne ?


Depuis toujours dans la mafia magnolienne, il était courant d'attribuer un surnom aux membres de la pègre s'illustrant dans un domaine criminel particulier. Wakaba Mine faisait partie de ceux-là. À peine un mois après son entrée dans le milieu, la quasi-totalité des criminels de la ville le surnommaient déjà le « Refourgueur », car nul autre mafieux ne savait mener des trafics aussi discrètement et efficacement que lui. Cigarettes, bijoux, montres, tout y passait. Sauf les stupéfiants. Il s'était juré de ne jamais toucher à ces trucs-là. Métallicana ne lui aurait d'ailleurs pas permis. Vendre des stupéfiants à des junkies débutants ou confirmés était l'une des rares lignes morales que le parrain ne permettait pas à ses hommes de franchir.

En plus de sa réputation criminelle, Wakaba était connu pour être la caricature même du voyou profitant en permanence de la vie et de ses plaisirs.

Cette après-midi là, il dégustait un brandy au Bar Sun, l'un des salons clandestins les plus sélects de la ville de Magnolia. Depuis sa création, l'endroit n'était fréquenté que par les rares initiés autorisés à en connaitre l'existence. Se rendre là-bas, c'était avoir la garantie de se retrouver entouré de tout le gotha. Partout déambulaient quantité de gens riches, puissants mais aussi redoutablement dangereux.

Mais Wakaba appréciait tout particulièrement flirter ainsi avec le danger. Il aimait parcourir la vaste salle du regard et observer ces gens évoluer dans ce savant mélange de frivolité et de vice. Cela lui permettait d'oublier la morne vie domestique à laquelle il s'était condamné en se mariant sur le tard. Ne vous y trompez pas, il aimait sa femme. Mais échapper le plus souvent possible à son courroux lui allait aussi très bien.

Wakaba but une grande gorgée de son verre avant de s'emparer de l'un des cigares dissimulés dans la poche de sa veste. Il en coupa le bout, l'alluma et le porta à ses lèvres, avant de laisser s'échapper un nuage de fumée particulièrement dense. Bien peu de gens avaient déjà aperçu le mafieux sans un cigare hors de prix en bouche, certainement le plus dévorant de ses pêchers-mignons.

L'odeur de tabac envahit ses narines et les souvenirs affluèrent dans l'esprit de l'homme de pègre.

De nombreuses années en arrière, il s'était lié d'amitié avec Métallicana Redfox et l'avait aidé à remettre son clan sur les rails après la guerre sans merci qui s'était déroulée entre presque tous les grands clans de l'époque. Tous avaient été galvanisés par l'espoir de mettre la main sur Magnolia toute entière et par la même, sur le reste de la région.

À l'issue de cet affrontement, un statu quo s'était progressivement installé. Les clans Redfox et Eucliffe s'étaient partagés la ville, après que de nombreuses vies aient été perdues de toutes parts.

Mais les deux camps savaient que cet équilibre précaire n'était pas fait pour durer et allait probablement prendre fin un jour ou l'autre. Même si les enjeux territoriaux n'étaient pas son fort, Wakaba en était également convaincu.

Le mafieux fut extirpé de ses pensées par son portable qu'il sentit vibrer dans sa poche. Voyant le numéro qui y était affiché, il s'empressa de décrocher. Un appel du patron, ça ne se loupait pas.

« Qu'est-ce que tu veux, vieille branche ? s'exclama Wakaba, le cigare au bec.

- Wak'… c'est Gajeel,

Le mafieux se redressa d'un coup, surpris par l'identité de son interlocuteur.

- C'est toi gamin ? Excuse-moi, je croyais que j'avais affaire à ton vieux père. Mais… comment as-tu eu ce numéro dis moi ?

- Je t'appelle sur les conseils d'oncle Igneel. Le temps presse Wak'. J'ai un service à te demander. Un gros service.

Après une discussion de plusieurs minutes, Wakaba passa la main sur son front, désormais recouvert de sueur. Le stress n'était pourtant pas une émotion que le Refourgueur ressentait souvent.

- Nom de Dieu, tu te rends compte de ce que tu me demandes de faire, gamin ? User d'une telle mesure, c'est de la folie pure.

- J'en ai conscience, répondit Gajeel. Je sais qu'il y aura de nombreuses conséquences.

- C'est rien de le dire ! avertit Wakaba. Et il n'y a pas que ça. Si je prend part à ça, ton père va me demander des comptes lorsqu'il rentrera de Bosco. Et tu sais comme moi qu'il vaut mieux ne pas trop le contrarier. Même si nous sommes amis depuis longtemps, je n'ai aucune envie de finir la tête la première dans le lac.

- Je me chargerai de mon père, assura Gajeel. Je ferai en sorte que ça ne retombe pas sur toi, ni sur oncle Igneel. Je t'en donne ma parole.

- Je sais que je peux te faire confiance gamin, je t'assure. Mais ne m'en veux pas si je conserve encore quelques réserves à mettre en oeuvre quelque chose d'aussi radical.

- J'ai parfaitement conscience de ce que je fais, Wak'. Je te le demande comme un service car je sais que tu es l'un des plus grands alliés de ma famille. Ceci dit, je n'hésiterai pas à t'en donner l'ordre si nécessaire.

Quelques secondes s'écoulèrent avant que le front de Wakaba, plissé par l'inquiétude, ne finisse par se détendre. Un rire gras retentit aux oreilles de Gajeel.

- T'es bien le fils de ton père, va ! Très bien, je vais faire ce que tu me demandes. Mais je t'aurai prévenu sur les conséquences. Ton père ne va pas apprécier.

- Je te remercie Wak'. Tiens-moi informé lorsque tout sera en place.

L'appel se coupa. Wakaba reposa son cigare sur le cendrier qui trônait sur la table à laquelle il était installé. Il en avait à peine fumé la moitié. Un vrai gâchis. Mais l'heure n'était plus aux petits plaisirs. Désormais, le Refourgueur avait du pain sur la planche.

Comme il le pressentait, l'ère de paix qu'avait connue Magnolia allait bientôt prendre fin. Et jamais il n'aurait cru être l'un des principaux responsables.


Assise sur le sol dur et froid, Levy parvenait à peine à réaliser ce qu'elle venait de vivre. De toute sa vie, jamais elle n'avait vécu d'épreuve plus difficile, jamais elle n'avait ressenti une telle sensation d'impuissance et d'oppression. Elle avait pourtant essayé de rester forte face au sadisme de Minerva et de ses hommes. Mais la sournoiserie sans limites de cette femme était bien vite venue à bout de ses résistances.

Peu de temps auparavant, Jellal et elle avaient été conduits dans une autre des nombreuses cellules du bâtiment, puis enchaînés à des anneaux en métal solidement fixés aux murs. Les deux captifs se faisaient désormais face et s'étaient tous les deux murés dans un silence des plus profonds, seulement ponctué par les gémissements de douleur de l'ancien mafieux. Encore torse nu, des bleus et du sang séché recouvraient désormais sa poitrine.

Avant qu'ils ne quittent la salle d'interrogatoire, et alors que Minerva était occupée à donner des instructions à ses hommes, Yukino avait pris l'initiative de réaliser un bandage sommaire sur la blessure sanguinolente de Jellal. Même si cette fille paraissait quelque peu perturbée, Levy la soupçonnait d'avoir malgré tout un bon fond. L'influence néfaste de Minerva devait certainement la pousser à agir comme elle le faisait.

Le visage grimaçant, Jellal tenta de se placer dans une position qui lui ferait moins ressentir la douleur de sa blessure. Mais c'était peine perdue. Chaque nouvelle position se révélait finalement pire que la précédente.

À l'intérieur de lui, l'ancien mafieux était loin d'être fier. Encore une fois, il s'était fait avoir. Les Eucliffe l'avaient trahi, presque de la même façon qu'il avait trahi les Redfox. Le destin venait de lui infliger un sacré retour de bâton, il fallait bien l'avouer.

Du coin de l'oeil, Jellal observa sa camarade d'infortune. La fille paraissait totalement amorphe et apathique. Ses yeux étaient perdus dans le vide et on pouvait sans mal deviner que le désespoir l'habitait à cet instant. Minerva avait réussi à la rendre muette, elle qui, selon la rumeur, avait frappé le fils héritier de l'un des plus grands clans mafieux du pays sans hésiter.

Jellal essaya de se rapprocher au maximum, autant que les chaînes qui lui entravaient les membres le permettaient.

« Levy ? Tu m'entends ? demanda le mafieux, la voix enrouée par la douleur.

La fille ne répondit pas et Jellal eut l'impression de se retrouver à sa place quelques heures plus tôt.

« C'est ça ton nom, n'est-ce pas ? Levy, il faut… qu'on se serre les coudes. Nous sommes dans la même galère à présent. Il faut qu'on essaye de trouver un moyen de sortir d'ici.

Les yeux de la captive s'écarquillèrent brusquement. Un sursaut de colère s'empara de l'étudiante de Fairy Tail.

« Qu'on se serre les coudes ? répéta t-elle. Sérieusement ? Elle est bien bonne celle-là ! C'est à cause de vous que j'en suis là, je vous rappelle ! Vous croyez vraiment que j'ai la moindre envie envie de faire équipe avec vous ? Vous croyez vraiment que je vais vous faire confiance ?

Les traits de Jellal se crispèrent. Il s'était attendu à cette réaction.

- Tu as raison, je l'admets. Tout est de ma faute. Je pensais choisir la meilleure option et j'ai visiblement fait le mauvais choix. Mais je ne vais pas m'excuser d'avoir essayé de sauver ma peau et d'échapper aux Redfox.

Levy ne répondit rien à la confession de son ancien geôlier. Elle n'avait ni la force, ni l'envie de l'aider à soulager sa conscience.

- Écoute, tu as toutes les raisons de m'en vouloir et je ne te reproche pas d'avoir gardé le silence face à Minerva. Tu pensais certainement protéger les Redfox en le faisant. Mais je vais te dire une chose. Je connais bien les mafieux. Même si je n'ai pas vu venir leur trahison à mon égard, je sais que les Eucliffe ne te relâcheront pas si facilement. Ils vont certainement faire pression sur les Redfox en se servant de toi le plus possible. Si on ne s'échappe pas d'ici là, je serai probablement mort dans quelques heures et de ton côté, tu seras retenue ici pendant des jours, voire des semaines jusqu'à ce qu'ils ne voient plus d'utilité à te garder en vie. Et à ce moment-là, ils te liquideront sans hésiter.

L'estomac de Levy se comprima. Elle avait déjà elle-même envisagé cette issue, mais l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre faisait redoubler son angoisse.

- Qu'est-ce que vous proposez alors ? murmura Levy.

Jellal souffla de soulagement. Au moins, elle ne l'avait pas envoyé une nouvelle fois promener.

- Le plus difficile sera d'arriver à sortir de cette cellule. Pour le reste, je connais l'agencement des lieux, je pourrais sans mal nous guider jusqu'à la sortie.

- Et comment on ferait pour sortir d'ici ? On est enchaînés comme des galériens je vous rappelle.

- Les effectifs de Minerva sont plutôt réduits. Seuls deux gardes seront chargés de venir nous chercher pour nous reconduire à elle. Lorsqu'ils viendront, on devra leur tomber dessus.

- Leur… tomber dessus ?

- On devra viser les zones vitales pour les assommer le plus vite possible. Et on aura que quelques secondes pour le faire.

- Vous m'avez bien regardé ? Je n'ai pas vraiment l'étoffe d'une combattante, répondit Levy, perplexe.

- Tu as bien mis une beigne à Sting sans hésiter, non ? Tout ce que je te demande, c'est de réitérer l'exploit pour qu'on puisse se tirer d'ici. Tous les deux.

La captive détailla du coin de l'oeil celui qui s'était introduit dans son appartement et l'avait conduite dans cet enfer. Même si elle éprouvait toujours une forte aversion à son égard, Levy devait se rendre à l'évidence. Seule, elle aurait très peu de chance de parvenir à sortir de ce pétrin. Elle n'avait pas d'autre choix que de collaborer avec ce type.

- Très bien, capitula Levy. Je vais le faire.

Jellal adressa à sa voisine un regard de remerciement que Levy choisit de superbement ignorer.

Une vingtaine de minutes plus tard, des bruits se firent à nouveau entendre.

Levy et Jellal baissèrent tout les deux la tête, prenant l'air le plus affaibli possible. La porte de la cellule s'ouvrit. Comme l'avait prévu Jellal, deux gardes pénétrèrent à l'intérieur et commencèrent à détacher leurs chaînes. Ils les forcèrent ensuite à se relever en les agrippant brutalement par les bras. Par dessus les épaules des gardes, les deux prisonniers eurent quelques secondes pour s'échanger un bref regard qui fit office de signal.

C'était maintenant ou jamais.

Prenant son courage à deux mains, Levy se rua sur le garde qui venait de défaire son lien et lui asséna un rapide coup de poing dans la poitrine. Le garde écarquilla les yeux sous la surprise et grogna de douleur. L'étudiante voulut lui porter un coup de pied dans l'entrejambe mais immédiatement son adversaire se décala et son coup partit dans le vide. Sans ménagement, le garde saisit ses cheveux et les tira en arrière avant de la plaquer violemment contre le mur.

À l'arrière, elle vit Jellal aux prises avec l'autre garde. Ce dernier avait été aussi réactif que son collègue et frappa l'ancien mafieux en plein sur sa blessure. Le garçon aux cheveux bleus cria, avant d'être rapidement traîné à l'extérieur, suivi par Levy.

- J'espère que ça vous servira de leçon à tous les deux, cracha l'un des gardes. Vous croyiez vraiment pouvoir échapper à notre boss de cette façon, sales vermines ? Vous n'imaginez pas encore ce qui vous attend…

Abattue par le désespoir, Levy ne put empêcher une larme de couler sur sa joue maculée de poussière. C'était fini. Il n'y avait plus rien à faire.

Leur plan d'évasion venait lamentablement d'échouer.


Et c'est ainsi que se termine ce chapitre ! Je suis navré de vous laisser toujours sur ce genre de scène mais je reste convaincu que le suspense met un peu de piment dans le récit x) J'espère malgré tout que cela vous aura plu, n'hésitez pas à me laisser une petite review pour me dire ce que vous en pensez. Comme énoncé plus haut, je vous donne rendez-vous dans le courant de la semaine pour le chapitre 10. La bise !