Salut tout le monde ! Comme prévu, me voici de retour pour le chapitre 10 de cette fanfiction. Navré pour ce (long) retard mais certains évènements personnels, ainsi que la correction de la syntaxe et de l'orthographe, m'ont un peu mis des bâtons dans les roues. Quoi qu'il en soit, j'espère que cette longue suite vous plaira ! N'hésitez pas à me laisser un review, ça fait toujours plaisir d'avoir vos retours x)

Avertissement : Comme pour le chapitre précédent, ce chapitre contient des scènes pouvant être dures pour certains lecteurs.

Bonne lecture à tous !

Chapitre 10

Tandis que le son des carillons de la cathédrale Kaldia résonnait dans tout Magnolia, les habitants de l'ouest de la ville vaquaient tranquillement à leurs occupations. Les commerçants approvisionnaient leurs étals, les promeneurs déambulaient dans les rues pavées et quelques bambins couraient avec ardeur dans les rues, s'adonnant à toutes sortes de jeux de plein air dont ils paraissaient ne jamais se lasser.

Au milieu de toute cette agitation, deux hommes attirèrent considérablement l'attention des passants. Le premier était vêtu d'un uniforme entièrement noir, la partie inférieure du visage recouvert d'un foulard qui semblait lui servir de masque tandis que l'autre portait un simple ensemble de survêtement rouge et orange.

Après être sortis d'une vieille imprimerie située au croisement des rues Libra et Pisces, l'étrange duo se dirigea d'un pas rapide vers ce qui semblait être leur véhicule.

Sur leur chemin, tous les habitants du quartier s'écartèrent de façon plus ou moins appuyée. Tous avaient vus de quel bâtiment ces hommes avaient émergé. Tous savaient que cette imprimerie servait en réalité de couverture aux activités du gang des Twilight Ogre, l'un des nombreux groupes criminels subalternes que comptait la ville de Magnolia.

Ouvrant la portière de la voiture, l'homme masqué s'installa à la place conducteur. Son partenaire, quant à lui, prit place sur le siège passager.

« Nom de Dieu ! s'exclama Dobengal en ajustant le volant. J'ai bien cru que le vieux n'allait jamais se résoudre à nous lâcher le blé.

- Peut-être que si tu y étais allé un peu plus en douceur avec lui, il aurait été plus enclin à nous payer, suggéra Warren.

Dobengal secoua la tête d'un air réprobateur.

- J'ai pas besoin d'être tendre avec ce vieux croulant. Les Twilight Ogre ont juré fidélité et soumission aux Eucliffe depuis que le monde est monde. J'ai autre chose à foutre que de leur rappeler tous les mois le prix de leur engagement.

Warren pinça les lèvres. Il savait qu'il était inutile de discuter avec son camarade lorsque cela concernait l'argent. Après tout, il avait intégré le clan Eucliffe depuis bien plus longtemps que lui.

Avec un sourire sournois dissimulé derrière son masque, Dobengal s'employa à ouvrir le précieux sac à dos sur lequel il avait veillé comme à la prunelle de ses yeux depuis qu'ils avaient quitté l'imprimerie. La fermeture éclair zippa et d'innombrables liasses de billets s'exposèrent à sa vue.

- Regarde-moi tout ce fric ! s'enthousiasma le mafieux. On va pouvoir chopper une belle part sur tout ça. À nous la belle vie, mon vieux !

L'homme masqué donna un coup de coude amical à son camarade qui esquissa un sourire timide. Dobengal ne se formalisa pas de l'absence de réaction de son partenaire. Au fil du temps, il s'était habitué à son caractère taciturne et avait même fini par l'apprécier.

Pourtant, deux ans en arrière, le mafieux avait longuement râlé lorsqu'on lui avait appris qu'il allait avoir un bleu dans les pattes. Dobengal faisait partie de ces mafieux qui demeuraient convaincus que l'on apprenait pas les ficelles du métier si la vie ne nous y avait pas contraint avant. Mais au fil des mois, le nouveau avait su lui prouver qu'il avait eu tort de douter de lui. Warren savait se montrer efficace, discret, et son allégeance au clan paraissait pleine et entière. Dobengal était convaincu que s'il continuait sur cette voie, le jeune homme allait certainement se faire une place importante au sein du clan.

« Au lieu de renifler ce tas de blé, tu pourrais démarrer, s'exclama Warren. J'en ai ma claque de traîner dans ce quartier.

Un ricanement s'échappa de la bouche recouverte de Dobengal.

- Tu as vraiment le chic pour casser l'ambiance, le bleu. Allez, on bouge.

Après avoir jeté le sac à l'arrière, le mafieux aux cheveux châtains démarra la berline et leur fit quitter le secteur à vive allure.

Durant un quart d'heure, la voiture des mafieux avala des centaines de mètres de route recouverte d'un asphalte brûlant, traversant des quartiers plus ou moins fréquentables de la métropole.

Jusqu'à ce qu'une sonnerie se fasse entendre dans l'habitacle du véhicule.

D'un geste souple, Warren s'empara de son téléphone et le consulta avec empressement.

« C'est encore ta nana mystère ? demanda Dobengal avec un petit rire. Depuis qu'on se connait, je crois pas avoir vu passer un jour sans que vous ne vous envoyiez des mots doux. Tu comptes me la présenter un de ces quatre ? Promis, j'essaierai pas de te la piquer !

Enfoncé dans son siège, Warren ne répondait pas. Il se contentait de fixer l'écran de l'appareil. Ses yeux étaient légèrement écarquillés, comme s'il ne parvenait pas à croire ce qu'il venait de lire.

- Qu'est-ce qui se passe le bleu ? Me dit pas qu'elle vient de te larguer par une si belle journée ! Ce serait le comble !

En guise de réponse, Dobbengall entendit un léger cliquetis sur sa droite. Tournant la tête vers son camarade, ce qu'il vit faillit lui faire lâcher le volant. L'avant-bras tendu, Warren venait de dégainer son arme et en pointait désormais le canon en direction de son partenaire.

- Mais… qu'est ce que tu fous ?! s'exclama Dobengal. T'es malade ? Pose-moi ça tout de suite !

- Ferme-là, ordonna Warren sur un ton ferme. Tu vas continuer de rouler jusqu'à la prochaine sortie. Une fois là-bas, tu prendras la direction de Fort Term. Obéis ou j'hésiterai pas à te descendre, quitte à envoyer la bagnole dans le décor. Je plaisante pas Dob'.

Incrédule face à l'arme pointée dans sa direction, le mafieux obtempéra et prit la direction indiquée. Il ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer.

Fort Term. Ce nom désignait un bâtiment bien connu de tous les magnoliens.

Quelques années auparavant, le maire précédent avait tenté d'ériger un complexe touristique entouré par les montagnes à l'extérieur de Magnolia. Dès le début, le projet avait été jugé dangereux par de nombreux géologues et organisations écologistes en raison de la mauvaise qualité du terrain. Malgré cela, les travaux avaient rapidement démarré et la moitié des entreprises de construction de la ville s'étaient attelées à la tâche afin de bâtir ce qui devait être le joyau de l'architecture magnolienne.

Hélas, à peine un mois plus tard, un glissement de terrain provoquait l'effondrement d'une bonne partie de l'édifice en construction. Plusieurs ouvriers trouvèrent la mort et le bâtiment à peine érigé avait totalement été laissé à l'abandon. Cet accident avait coûté son mandat au maire et fait courir une véritable légende urbaine dans tout Magnolia. L'endroit était désormais considéré comme maudit et une large majorité d'habitants auraient préféré se casser une jambe plutôt que d'y mettre les pieds.

C'était pourtant vers là que Dobengal se dirigeait, obéissant aux instructions dictées par Warren.

- Je pige rien, mec. Qu'est-ce qu'on va foutre ici ? Et qu'est-ce qui te prend à la fin ?!

- Boucle-là et continue de rouler. Gare-toi près de l'enceinte.

Arrivant sur le terrain parsemé de roches, la voiture se stationna devant un large mur ébréché. Des morceaux de fer rouillés paraissaient s'en échapper, témoignant des effondrements réguliers qui survenaient en ce lieu.

- Bien. À présent, file-moi ton arme, commanda Warren en rapprochant le canon. Et avec la main droite, je sais très bien que tu es gaucher.

Le regard se chargeant de colère, le mafieux ôta son revolver de son uniforme noir et le tendit lentement à Warren.

- T'es qu'un sale traître si je comprends bien… Pour qui tu roules au juste, on peut savoir ?

- Maintenant, les couteaux que tu as sur toi, ajouta Warren, ignorant la question de son ancien camarade. Un par un. Lentement. Et aussi avec la main droite.

Le mafieux extirpa lentement les multiples couteaux qu'il cachait savamment dans son uniforme qui ne payait pourtant pas de mine.

Il leva ensuite les mains pour signifier qu'il avait terminé.

- Celui dans la poche dissimulée dans ta manche droite aussi, indiqua Warren en agitant le revolver. N'essaie pas de me la faire à l'envers Dob' ou tu le regretteras.

Dobengal soupira bruyamment. Cet enflure avait retenu toutes ses bottes secrètes. Il regrettait désormais amèrement de s'être autant confié à celui qu'il considérait comme un allié quelques instants plus tôt.

- Et maintenant ? Tu veux que je me foutes à poil ? vociféra Dobengal.

Tout en gardant son interlocuteur en joue, Warren pianota sur son téléphone pour afficher une photo. Il la montra ensuite au membre du clan Eucliffe.

- Est-ce que tu sais où est cette fille ?

Dobengal plissa les yeux. La photo représentait une jeune femme avec des cheveux bleus, des yeux noisettes et un foulard orange surmonté d'une fleur rose.

Le mafieux écarquilla les yeux. Il n'avait jamais vu cette fille en personne mais il la reconnaissait. C'était celle qui avait cogné le chef Sting dans un resto du centre-ville, il y a peu de temps de cela. Si Warren s'intéressait à cette fille, il n'y avait plus de doute.

Il bossait pour les Redfox. Ses pires ennemis.

- Jamais je lâcherai quoi que ce soit à un salaud dans ton genre.

Un coup de feu retentit dans l'habitacle et la vitre côté conducteur explosa en mille morceaux. Warren visa à nouveau la tête de son ancien camarade. Le courage de ce dernier venait clairement de baisser d'un cran.

- Okay, okay ! Bon… si je te donne des infos, tu me laisses partir ? demanda Dobengal. Ou tu me colles une balle en pleine tête dès que tu auras ce que tu veux ?

- Ça dépendra de ce que tu me diras. Mais pour être honnête, actuellement, mon coeur balance.

- Espèce d'enflure…

Warren plaça ostensiblement son doigt sur la gâchette de l'arme. Il lui fallait montrer qu'il ne bluffait pas.

- Tu sais où elle est, oui ou non ? répéta Warren.

L'homme de main du clan Eucliffe serra les dents. Il ne reconnaissait plus du tout celui qui l'avait épaulé pendant deux ans sous les ordres de Sting. La détermination et le détachement avaient remplacé chez Warren l'appréhension et la crainte qui le caractérisaient la plupart du temps.

- C'est possible. Il y a plusieurs endroits possibles où il pourrait la planquer.

- Je t'écoute.

Contraint et forcé, Dobengal énuméra les trois endroits où il pensait que la fille de la photo pourrait être planquée.

Une fois cela fait, Warren fit sortir son ancien camarade de la voiture et l'incita à s'éloigner à bonne distance du véhicule. Il se mit ensuite au volant, pointant toujours son arme à travers la vitre désormais brisée.

- Je te remercie Dob', acheva Warren. Et ne t'inquiète pas, je profiterai bien du fric.

La voiture redémarra en trombe, avec cette fois un seul et unique conducteur.

Délesté de tout ce qu'il possédait, Dobengal se retrouva complètement seul dans l'enceinte de Fort Term. Le mafieux fut pris d'une violente quinte de toux, déclenchée par la poussière sablonneuse que Warren avait laissé dans son sillage. Il regarda ensuite autour de lui. Il allait lui falloir probablement plusieurs heures de marche sous un soleil de plomb pour parvenir à rejoindre la première habitation à pied.

Un hurlement rageur s'éleva dans les airs et se répéta en écho dans les montagnes. Puis ce fut le silence.


« Prochaine question miss McGarden, continua Minerva qui tournait autour de Levy comme un vautour autour d'une carcasse fraîche. À combien estimerais-tu le nombre de gardes chargés de la protection du manoir ? On sait que leur nombre a été renforcé depuis la trahison de Jellal ici présent. Combien en as-tu dénombré à ton arrivée ?

- Je ne me souviens pas… murmura Levy, la tête baissée.

L'interrogatoire avait repris depuis à peine un quart d'heure mais Levy avait l'impression que ce calvaire avait déjà duré une éternité. Elle n'en voyait pas la fin et sa résistance commençait sérieusement à faiblir.

- C'est vraiment dommage. Si ta mémoire continue à te faire défaut, je vais à nouveau être forcée de sévir…

Levy secoua la tête. Elle ne devait pas pleurer. Pas une seule larme ne devait sortir de ses yeux. Plutôt crever que de faire ce plaisir à cette malade.

- Foutez-lui la paix… souffla faiblement Jellal qui parvenait à peine à encaisser le dernier coup de poing qu'on lui avait infligé.

À l'entente de la voix de l'ancien mafieux, Minerva écarquilla les yeux. La fille du Boucher aux dents de sabre se leva et se rapprocha de son prisonnier, désormais bien mal en point.

- Excuse-moi ? Qu'est-ce que tu as dit ? J'ai cru mal entendre… On aurait presque dit que tu te permettais de me donner un ordre.

La tortionnaire plaça sa main sur le bras de Jellal et fit lentement remonter ses longs ongles le long de son avant-bras, griffant la chair et infligeant une vive douleur au captif.

- Écoute-moi bien. Je ne reçois mes ordres de personne, hormis lorsque j'estime qu'il en est de mon intérêt. Je suis la seule à décider ce que je fais et avec qui je le fais. Est-ce que tu m'as bien compris ?

Jellal ne répondit pas, choisissant visiblement de garder le silence pour éviter qu'on ne lui inflige d'autres blessures.

Satisfaite, Minerva s'éloigna et s'apprêtait à s'adresser une nouvelle fois à Levy lorsque la porte de la salle d'interrogatoire s'ouvrit en grand.

Le sang de Levy se glaça. Devant elle, se tenait une personne que l'étudiante en lettres se serait bien passée de revoir dans sa vie.

- Ma parole ! Je vois que les festivités ont déjà bien commencé ici ! s'exclama joyeusement Sting.

Le visage de Minerva s'éclaira soudain, comme le ferait celui d'un enfant qui vient d'apercevoir un camarade pour s'amuser le mercredi après-midi.

- En effet, très cher ! Tu n'as aucune inquiétude à avoir, je me suis déjà assurée que ces deux-là sachent ce qu'il en coûte de s'en prendre au clan Eucliffe.

- Tu es une véritable perle Minerva, complimenta Sting. Au tout début, lorsque j'ai commencé à reprendre les affaires de mon père, je trouvais que ce genre de divertissement faisait un peu vieux jeu. De pauvres victimes retenues contre leur gré dans un endroit lugubre, la peur leur vrillant les tripes. Mais je dois bien reconnaître aujourd'hui que je trouve ce spectacle particulièrement divertissant.

- Je suis tout à fait d'accord, approuva sans surprise Minerva.

Le mafieux à la chevelure blonde tourna son regard vers Levy. Un regard acéré dans lequel Levy pouvait percevoir toute sa délectation de la tenir enfin entre ses mains.

- Levy McGarden… susurra Sting. Nous voilà enfin entre nous. Je dois bien dire qu'après ce qu'il s'est passé dans ce boui-boui minable, j'attendais avec impatience nos retrouvailles.

Levy adressa à peine un coup d'oeil au mafieux avant de baisser à nouveau la tête. À quoi bon répondre à ça ? À l'intérieur d'elle-même, Levy se sentait épuisée et complètement vide. Elle avait compris à l'arrivée de Sting qu'elle n'avait probablement aucune chance de sortir d'ici. Aucune chance de revoir un jour ses frères, ses parents, ses amis.

Aucune chance de le revoir lui…

- C'est tout ? demanda Sting, faussement déçu. Pas d'injures ? Pas de flot d'invectives ? Même pas un petit couplet sur la morale humaine ? T'es pourtant censée être une tête, d'après ce qu'on dit.

Le mafieux ricana tout seul, fier de sa plaisanterie.

- Bon sang, si j'avais su à quel point il allait être facile de briser la petite traînée de Gajeel Redfox, je n'aurais pas attendu que ces enfoirés planifient une attaque contre moi… Je serais passé à l'acte bien plus tôt.

Reculant d'un pas, le fils héritier du clan Eucliffe écarta les bras, prenant à parti le reste de ses hommes.

- Figurez-vous que cet enfoiré a osé me menacer alors même que j'ai gagné la partie ! Vous vous rendez compte, messieurs ?

Des exclamations indignées retentirent dans le vaste espace.

D'un pas lent résonnant sur le béton, Sting se rapprocha progressivement de Levy. Il passa derrière elle, hors de portée du regard de l'étudiante. Impuissante, elle ne pouvait qu'entendre sa voix murmurer à son oreille.

- Ce cher Gajeel semble oublier qu'à l'heure actuelle, c'est à moi qu'appartient sa précieuse petite fée…

Le pouls de Levy s'accéléra lorsque qu'elle sentit la main de Sting glisser lentement à l'arrière de sa nuque, puis remonter longuement le long de son cou, puis de sa mâchoire. L'étudiante tenta de se détourner mais la main changea d'angle et caressa à nouveau son visage.

- À présent, c'est moi qui peux te toucher, sentir ta peau entre mes doigts, le rythme de ta respiration… Je peux faire de toi tout ce que je veux.

Levy entendit avec horreur la voix du mafieux se faire de plus en plus suave, de plus en plus sensuelle.

Elle savait à quoi il était en train de jouer, ce qu'il avait en tête. Même dans ses pires cauchemars, Levy n'aurait jamais cru être un jour victime d'une telle chose.

Rapidement, la jeune femme sentit la chair de poule recouvrir sa peau et la terreur tétaniser ses membres. Elle n'arrivait plus à penser, à réfléchir. Elle était complètement paralysée, alors que la main du mafieux reprenait ses assauts, caressant lentement sa tempe, sa joue…

Elle sentit son autre main s'attaquer à la bretelle de son haut, dévoilant une épaule nue où déjà de la sueur froide commençait à apparaitre.

Levy ferma les yeux et sentit à nouveau les larmes monter.

Elle n'en pouvait plus. Elle voulait que tout ça s'arrête. S'endormir et ne plus jamais revoir cette cellule atroce, ni aucun de ces monstres dépourvus d'humanité.

Les larmes progressèrent le long du creux de sa paupière. Bientôt, elles franchiraient ses cils, s'écouleraient sur ses joues, laissant dans leur sillage un arrière goût salé sur sa peau. Et à cet instant, Levy aurait définitivement perdu la partie.

Alors que l'étudiante semblait s'être résignée à subir son triste sort, des paroles émergèrent soudainement de son esprit. Des paroles issues d'un souvenir. La voix grave et profonde de Gajeel s'imprima dans son esprit. Aussi claire que si le mafieux se tenait devant elle à cet instant.

« Ne baisse jamais la tête. Et ne montre jamais que tu es blessée. Reste la fille forte qui m'a foutu une raclée pas plus tard que hier, compris ? »

Ce souvenir eut sur Levy l'effet d'un électrochoc. Très rapidement, la jeune femme sentit monter à nouveau en elle la colère sourde qui l'avait habitée au Dragon d'acier, puis plus tard au 8-Island. Une colère puissante et dévastatrice, un feu que nul ne pouvait empêcher de brûler. Une force de caractère démesurée qui se réveillait à présent alors qu'elle paraissait être endormie depuis toujours.

Alors que le pouce de Sting s'apprêtait à caresser ses lèvres, Levy rouvrit brusquement les yeux. Elle savait ce qu'elle devait faire. Tout son corps lui criait d'assouvir cette pulsion, de laisser libre cours à sa vengeance.

Reprenant ses esprits, la jeune femme ouvrit la bouche en grand et mordit la main du mafieux de toutes ses forces, pile entre le pouce et l'index. Ses dents s'enfoncèrent dans la chair et un cri de douleur démentiel s'échappa de la bouche du mafieux, résonnant dans tout le bâtiment.

Minerva et ses hommes restèrent paralysés par la surprise tandis que le mafieux poussait violemment le visage de la captive pour déloger sa main.

Sous le mouvement, Levy lâcha prise. Mais elle n'en avait rien à faire. Elle avait réussi faire souffrir ce monstre. Et elle pouvait désormais sentir sur sa langue un goût métallique reconnaissable entre tous. Elle l'avait mordu jusqu'au sang.

- Les Redfox et moi-même vous saluons bien… souffla fièrement Levy, quelques gouttes de sang maculant ses lèvres.

- ESPECE DE PETITE SALOPE !

Rageusement, le mafieux lança un coup de pied dans la chaise de Levy qui bascula en arrière, la faisant chuter de tout son poids contre le sol en béton et lui causant une vive douleur au niveau du bassin.

- Fingers ! hurla Sting en direction d'un de ses hommes, les yeux brillants de rage. Corrige-moi cette garce immédiatement ! EXÉCUTION !

En quelques enjambées, un colosse coiffé d'une queue de cheval se rapprocha de Levy. L'instant suivant, plusieurs coups s'abattirent sur l'étudiante qui se recroquevilla instinctivement. La douleur irradia à plusieurs endroits. Sur son bras gauche et son mollet droit qui allaient certainement bleuir. Autour de sa lèvre désormais fendue sur le côté droit.

Mais Levy n'avait que faire de cette douleur. Bien au contraire, elle la faisait se sentir vivante.

Elle n'avait finalement pas baissé les bras. Elle était restée forte. Pour Gajeel. Pour elle-même.


Dans les lugubres souterrains de la ville de Magnolia, une quarantaine d'hommes patientaient depuis maintenant plusieurs heures, côtoyant avec plus ou moins d'inconfort les tunnels de pierre peu reluisants d'où émanaient une exécrable odeur d'oeuf pourri.

Les sourcils froncés, Gray Fullbuster regarda une énième fois sa montre. Les heures défilaient et toujours aucune nouvelle de Gajeel. C'était pourtant lui qui était censé leur donner le signal de départ de l'attaque qu'ils avaient planifié avec tant de soin.

Le mafieux aux cheveux de jais était loin d'être serein. Ce genre de retard ne ressemblait pas au fils du parrain. S'était-il passé quelque chose ? Avait-il eu un contretemps l'obligeant à repousser l'heure de l'attaque ?

Gray soupira. D'ordinaire, être aussi impatient ne lui ressemblait pas. Il n'était pas comme cet imbécile de Natsu qui fonçait toujours tête baissée sans se préoccuper des conséquences.

Tournant la tête, il interrogea du regard Laxus qui se contentait d'attendre patiemment, son habituel air impassible sur le visage. Depuis leur arrivée, le bras droit de Gajeel avait déjà fait deux fois le tour de ses hommes, inspectant avec minutie leur équipement et les briefant sur le déroulé exact de l'opération.

N'y tenant plus, Gray se décolla du mur humide contre lequel il était appuyé et rejoignit Laxus en deux enjambées.

« Tu as une idée de ce que fabrique le boss ? demanda Gray plus abruptement qu'il ne l'aurait voulu. Ça va faire des plombes qu'on est coincé dans ces souterrains qui puent la mort.

Le mafieux à la cicatrice grogna.

- Je te rappelle que c'était ton idée de nous infliger cette puanteur, rappela Laxus. Et tu as bien vu que j'étais resté avec toi durant tout ce temps. Pourquoi crois-tu que j'en saurais davantage ?

Courroucé de s'être fait rembarré par son camarade, Gray retourna s'avachir plus loin, dans un coin qu'il espérait plus confortable et moins odorant que le précédent.

De son côté, même s'il faisait tout pour donner le change, Laxus était lui aussi inquiet. Ce retard était clairement anormal. Il était déjà arrivé que Gajeel décide de changer leurs plans au dernier moment. Mais à chaque fois, il lui en faisait part avant de se décider. Il l'avertissait afin qu'il puisse préparer la suite avec ses hommes. Alors que dans ce cas précis, il n'avait aucune nouvelle.

Encore une bonne demie-heure s'écoula avant que le portable prépayé de Laxus ne se mette finalement à vibrer. Le mafieux le consulta alors que les regards de tous ses hommes étaient tournés vers lui. Gray y compris.

« Alors ? C'est bon, on peux y aller ? demanda ce dernier.

Laxus referma le clapet du téléphone d'un coup sec. Les ordres mentionnés sur le message étaient très clairs.

- Changement de plan, les gars. On laisse tomber l'entrepôt d'Eucliffe. On part débusquer ces vermines dans leur cachette.


Jellal n'aurait jamais pensé assister un jour à une scène pareille. Levy, la jeune fille frêle qu'il avait lui-même enlevé et qu'il avait vu sombrer petit à petit dans ce trou puant, venait désormais de se classer dans son top 3 des individus les plus tarés qu'il connaissait.

Lorsqu'il l'avait vu mordre la main de Sting sans prévenir, l'ancien mafieux n'en était pas revenu. Il avait carrément failli en tourner de l'oeil. Jamais il n'avait jamais vu un cran pareil de toute sa vie. Il s'étonnait même que cette fille soit encore en vie après un tel acte. Humilier un mafieux de la sorte devant ses hommes aurait normalement dû la conduire illico au cimetière.

Pourtant, la jeune femme était encore avec lui dans cette cellule, la tête haute et paraissant bien plus fière que quelques heures plus tôt.

Jellal eut un pincement au coeur. À cet instant, elle lui rappelait vraiment Erza. Elle aussi était du genre à foutre une déculottée aux méchants sans sourciller.

« Ce que tu as fait ne restera pas impuni, prévint Jellal. Sting va tout faire pour que tu en baves un maximum.

- Son gorille ne m'a déjà pas raté, je te signale… grimaça Levy en se mouvant sur le côté.

- La souffrance physique est une chose, mais la souffrance psychologique en est une autre. Et si Sting aime déléguer la première à ses hommes, il excelle dans l'art d'infliger la seconde. Enfin, c'est ce qu'on raconte.

- Tu es le compagnon de cellule le moins rassurant du monde…

- Je ne fais que dire la vérité. Je préférais que tu le saches pour pouvoir t'y préparer.

- Eh bien, merci infiniment Jellal, je me sens tout de suite beaucoup mieux.

L'ancien mafieux esquissa un léger rictus face au sarcasme de sa voisine de cellule. Le tutoiement était venu naturellement entre eux, mais c'était la première fois que la jeune femme l'appelait par son prénom. Les deux captifs n'étaient pas encore les meilleurs amis du monde mais faute de mieux, ils tâchaient de se soutenir au maximum dans cette épreuve.

Une nouvelle heure s'écoula sans que rien ne se passe. Puis progressivement, des éclats de voix provenant de l'extérieur du bâtiment se firent entendre. Des détonations et des coups de feu suivirent et gagnèrent en intensité à mesure que les minutes défilaient.

Jellal et Levy tendirent l'oreille. Ils entendirent des bruits de pas de l'autre côté de la porte de leur cellule. Un grésillement électrique s'en suivit et deux bruits sourds retentirent. La porte en acier se déverrouilla et s'ouvrit dans un grincement métallique. Yukino apparut sur le seuil, les corps des deux gardes postés devant la cellule étalés sur le sol.

Levy était bouche bée. Que venait faire la sous-fifre de Minerva ici ?

« Yukino ? s'exclama Levy. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu…

- Les Redfox sont ici, expliqua rapidement la jeune femme en entrant. Les hommes de M. Eucliffe sont partis défendre ce bâtiment. C'est l'enfer à l'extérieur. Je dois vous faire sortir.

- Sting et Minerva ? demanda Jellal.

- Ils s'apprêtent à partir par la sortie sud. Et il est probable qu'ils ordonnent qu'on vous tue plutôt que de laisser les Redfox vous libérer.

Yukino se mit à fouiller la veste de l'un des gardes qu'elle venait de neutraliser. Levy remarqua que ses mains tremblaient terriblement.

- S'ils ont ordonné cela, pourquoi tu nous aides dans ce cas ? demanda Levy.

La jeune femme aux cheveux d'argent stoppa sa manoeuvre. Ses épaules étaient voûtées et ses membres tremblaient ostensiblement. Elle paraissait en proie à un véritable dilemme intérieur.

- J'ai déçu Mademoiselle Minerva. Elle va certainement se débarrasser de moi à un moment ou un autre. Une déception de plus ou de moins n'y changera rien.

Levy plissa les yeux, comme pour lire à l'intérieur de cette fille dont elle se méfiait fortement.

- Tu aurais pu t'enfuir et nous laisser là, insista Levy. Pourquoi prendre le risque de t'attirer toi aussi leurs foudres ?

Yukino baissa légèrement la tête. Pour la première fois, Levy aperçut une émotion qui ne paraissait pas feinte sur le visage de la jeune femme.

- Tout à l'heure dans la salle d'interrogatoire, tu m'as rappelé ma soeur… répondit Yukino. Elle aussi n'avait pas peur. Elle… n'a pas voulu se soumettre et en est morte. J'aurais voulu être comme elle mais… je n'en ai pas eu le courage à l'époque. À présent, j'en ai assez de salir sa mémoire en menant cette vie déplorable…

La jeune femme reprit sa fouille et extirpa un trousseau de clés. Se rapprochant, elle détacha Levy qui s'empressa de se lever.

La manoeuvre fit grimacer l'étudiante de douleur. Il valait mieux éviter les mouvements trop brusques avant de voir un médecin.

Yukino détacha ensuite Jellal qui eut beaucoup plus de mal à se mettre debout. Ses blessures étaient plus sérieuses que celles de Levy et elles entravaient grandement sa mobilité.

- Il va nous ralentir… prévint Yukino, réticente. Et d'autres hommes vont certainement arriver pour nous faire la peau.

- On l'emmène et il n'y a pas de discussion, contra Levy. Aide-moi à le porter.

Sans rien ajouter, Levy et Yukino firent passer les bras de Jellal derrière leurs épaules et l'aidèrent à marcher du mieux qu'elles purent. Les trois fugitifs quittèrent la cellule et parcoururent tant bien que mal les couloirs du bâtiment, sous les indications de Yukino.

- Au fait, on est où ici ? demanda Levy.

- Dans une ancienne scierie qui appartient à la famille Eucliffe depuis des années. Plus exactement dans le bâtiment annexe où dormaient les ouvriers. Le bâtiment principal est juste en face et c'est là-bas que l'attaque a débuté. J'avoue que je ne comprends pas comment les Redfox ont pu vous retrouver ici.

- Ils ne sont pas là pour moi, ça c'est sûr… grommela Jellal, les dents serrées par la douleur.

Levy, Yukino et Jellal continuèrent leur marche jusqu'à parvenir à un embranchement où ils s'arrêtèrent pour regarder à l'extérieur à travers une large fenêtre.

Yukino n'avait pas menti. De nombreux véhicules s'étaient arrêtés près du bâtiment situé en face et les trois fuyards pouvaient voir au loin de multiples flashs provenant probablement d'armes à feu.

- Cet escalier de service conduit directement vers l'arrière du bâtiment principal, expliqua Yukino. en pointant du doigt les marches situées devant eux. Je suppose que de là, il est possible de contourner les hommes de M. Eucliffe.

Levy observa un instant la structure désignée par Yukino. Un vieil escalier en acier rouillé dont la stabilité paraissait douteuse. Mais pour quitter cet enfer, la jeune femme était prête à tout, même à grimper le mont Hakobe à mains nues s'il le fallait.

- Levy va emprunter l'escalier de service, annonça Jellal. Et pour nous deux, il va falloir trouver une autre sortie.

- Quoi ? s'exclama la jeune fille. Pourquoi cela ?

Jellal poussa un soufflement plaintif. Il était visiblement à bout de forces.

- Tu es dans les petits papiers du clan Redfox, c'est un fait. Mais c'est loin d'être le cas pour Yukino et moi. Si on se fait chopper par tes amis, ils nous liquideront avant même qu'on ait quitté cet endroit.

- Mais vous n'êtes plus du côté de Sting à présent ! protesta Levy. Je peux leur expliquer que vous m'avez aidé et…

- Ne surestimes pas l'influence que tu as sur eux Levy, coupa Jellal. J'ai trahi leur clan et tué deux de leurs hommes. Yukino a assisté l'une des membres les plus influentes du clan Eucliffe pendant Dieu sait combien de temps. Tu crois vraiment qu'ils vont effacer nos ardoises aussi facilement ?

Levy ne trouva rien à dire face à cet argumentaire. Ça l'attristait de le reconnaitre mais Jellal avait raison. Que valait la parole d'une serveuse d'un de leurs établissements face au ressentiment si profondément enfoui de Gajeel et les siens ?

- T'inquiète pas pour nous, reprit Jellal. Yukino connait les lieux, on va trouver un moyen de s'en sortir. File maintenant.

Un puissant malaise s'empara de l'étudiante. Elle n'avait pas l'habitude d'abandonner des gens derrière elle. C'était même un comportement qui la répugnait en temps normal. Seulement, cette sitaution n'avait rien de normal. Il fallait qu'elle pense à elle, à sa survie avant tout.

Hésitant encore une moment, Levy finit par se diriger vers la sortie désignée par Yukino. Elle regarda en arrière vers ses deux compagnons d'infortune. Jamais elle n'aurait cru qu'elle en viendrait à s'inquiéter pour l'avenir de ces deux-là.

Elle dévala les escaliers et se mit à courir selon les indications données par Yukino. Le fait de se retrouver à nouveau seule rendait Levy fébrile. Elle avait l'impression d'être une funambule avançant sans filet et à qui la moindre petite erreur pourrait coûter la vie.

La jeune femme finit par atteindre la porte de sortie et se retrouva bien vite à l'extérieur. Les coups de feu se firent plus forts et elle put entendre également des éclats de voix près de sa position. Levy se remit à courir jusqu'à ce qu'une voix résonne derrière elle.

« Plus un geste ! Arrêtez-vous ! »

Levy se retourna et ses yeux s'écarquillèrent d'effroi.

Un homme la tenait en joue avec un pistolet. Elle l'avait immédiatement reconnu. C'était l'un des hommes présents dans la salle d'interrogatoire lorsque Minerva l'interrogeait. Contre toute attente, il l'avait rattrapée.

« Eh ben alors, on pensait se faire la malle ? s'exclama l'homme avec un sourire retors. Je sais que le patron a donné l'ordre de te liquider mais je vais peut-être remettre ça à plus tard. Le temps que je m'amuse un peu avec toi dans la planque la plus pro…

L'homme n'eut pas le temps d'en dire davantage. Deux coups de feu retentirent dans son dos et il s'écroula de tout son long sur le sol.

Derrière lui, Levy put apercevoir Gray, une arme à feu entre les mains, et qui venait vraisemblablement de lui sauver la vie. Face à cette vision, la jeune femme ne réagit pas tout de suite, pétrifiée par la vision du cadavre étendu devant elle.

Le mafieux aux cheveux de jais rangea son arme dans son holster, enjamba le corps et se rapprocha de Levy. Il lui secoua vivement le bras

« Tu vas bien ? demanda Gray, inquiet.

Levy secoua la tête.

« Viens avec moi, on ne doit pas traîner ici. Le groupe auquel j'appartiens était chargé de te retrouver. Maintenant que c'est chose faite, on doit dégager d'ici. Allez, on se magne.

Gray entraina Levy à sa suite en la prenant par la main. La jeune femme était totalement sous le choc. Elle n'aurait jamais cru voir un jour dans sa vie un homme être abattu de sang-froid, même dans un cas de légitime défense. La course à pied qui suivit lui apparut comme un rêve flou et distant. Comme si elle n'était qu'une spectatrice de ce qu'elle était en train de vivre.

Le duo atteignit rapidement l'enceinte de la scierie où plusieurs véhicules étaient restés en retrait. Gray indiqua l'une des voitures aux vitres teintées à Levy et ils montèrent à bord. Au volant, elle reconnut immédiatement Nab dont la chemise était imbibée de sueur et qui paraissait être au bord de la syncope. Visiblement, il n'était pas habitué aux opérations de sauvetage.

Le véhicule démarra en trombe, laissant derrière lui le lugubre bâtiment dans lequel avait été retenue Levy. Cette dernière ne put s'empêcher de regarder en arrière, incapable de prononcer le moindre mot. Elle n'arrivait pas encore à se réjouir d'être sortie de cet enfer. Et elle espérait réellement que Jellal et Yukino aient pu avoir la même chance…


La voiture roula durant vingt bonnes minutes avant de finalement arriver à bon port. Levy regarda à travers la vitre et discerna sans mal la silhouette du manoir Redfox. Le véhicule traversa l'allée centrale et fit le tour de la bâtisse pour pouvoir stationner dans le garage.

Sous les yeux incrédules des domestiques qui s'affairaient à cet étage, Gray conduisit Levy dans l'une des suites que comportait l'immense demeure. Une grande pièce aux tapisseries couleur crème et aux élégants meubles en bois sculpté. Dans un coin, une table avait déjà été dressée et de nombreuses pâtisseries et boissons étaient joliment disposées sur un service en porcelaine.

Plus loin, dans l'espace qui faisait visiblement office de chambre, un imposant lit à baldaquin trônait fièrement, entouré de deux tables de nuit en marbre faisant face à un grand bureau en marqueterie parfaitement ciré.

Cependant, l'aspect majestueux de la pièce restait totalement à l'opposé des émotions qui habitaient Levy à cet instant. Elle marchait de manière mécanique, peinant toujours à réaliser qu'elle avait retrouvé sa liberté. Les images de ce qu'elle avait vécu continuaient à tourner sans répit dans sa tête

Gray indiqua de la main un sac de voyage posé sur le matelas du lit à baldaquin.

« Comme tu le vois, nous avons pris la liberté de t'apporter quelques-unes de tes affaires. Le strict minimum. J'espère que ça ne te dérange pas.

Seul le silence répondit au mafieux aux cheveux de jais.

« Je vais te laisser un peu tranquille, tu as sans doute envie de te changer et… de te débarbouiller. La salle de bains est juste à côté.

Levy acquiesça doucement, sans rien répondre.

Comprenant que la jeune femme avait sans doute besoin d'intimité, Gray se mit en mouvement pour quitter la pièce mais fut stoppé par la voix de Levy qui s'éleva dans son dos.

- Je peux savoir… où est Gajeel ? S'il vous plait…

Gray haussa un sourcil avant de pousser un soupir. Bon sang, si le chef paraissait plus qu'accro à cette fille, la réciproque était visiblement vraie.

- Il est pas mal occupé, répondit le mafieux. Il a dû… prendre certaines mesures pour pouvoir te sortir de là. Il tâche d'en régler les inconvénients. Nous pourrons en parler plus tard si tu veux bien.

La réponse de Gray fit naître de multiples questions dans l'esprit de Levy. Qu'est-ce que Gajeel avait bien pu faire pour la retrouver ? Que faisait-il en ce moment ? Et quels étaient les inconvénients dont parlait Gray ?

Cependant, même si la curiosité habitait Levy à cet instant, elle ne se sentait pas physiquement capable de tenter de l'assouvir. Après la journée qu'elle venait de passer, ses forces lui manquaient et ses jambes la portaient à peine.

Elle se contenta de remercier Gray pour son aide et le mafieux quitta prestement la pièce.

Une fois seule, Levy prit le sac contenant ses affaires et l'ouvrit. Les hommes de Gajeel avaient été prévenants. Le bagage contenait des affaires de toilette, des vêtements pour tenir quelques jours et même quelques bouquins. Même si elle devait se sentir contrariée que des inconnus se soient rendus chez elle sans sa permission, elle était à cet instant soulagée de retrouver ces objets qui lui étaient familiers.

Atteignant d'un pas lent la salle de bains et après en avoir verrouillé la porte, Levy se déshabilla, laissant tomber ses vêtements à terre sans même prendre la peine de les ramasser. Sentant le marbre froid sous ses pieds, elle se glissa sous la douche italienne placée dans un coin de la pièce et alluma sans attendre le jet. L'eau était chaude, presque brûlante. Un nuage de vapeur envahit progressivement la pièce et créa de la buée sur le miroir de la salle de bains.

Malgré la chaleur environnante, Levy n'arrivait pas à se réchauffer. Elle se sentait complètement frigorifiée de l'intérieur. L'étudiante dut rester sous la douche durant au moins un quart d'heure avant que ses muscles, engourdis par le stress et la pression qu'elle avait ressenti, ne daignent enfin se détendre.

À la sortie de la douche, Levy reçut de plein fouet une avalanche d'émotions contradictoires. La barrière émotionnelle qu'elle avait érigée autour d'elle pour tenir le coup commençait vraisemblablement à céder. Prenant appui sur les rebords du lavabo, elle s'efforça de retrouver tant bien que mal un semblant de calme et de courage.

Tout était fini. Elle ne retournerait pas dans cet endroit lugubre. Plus jamais. Elle était en sécurité.

Grâce à Gajeel.

Comment le chef mafieux avait-il fait pour la retrouver ? Cette question cruciale trottait en permanence dans un coin de la tête de l'étudiante.

Une demie-heure plus tard, alors qu'elle admirait la vue dégagée sur le jardin que lui offrait la large fenêtre de la suite, Levy vit Gray entrer de nouveau, rapidement suivi de Laxus.

« Est-ce que tu te sens mieux ? demanda Gray avec sollicitude. Tu as pu manger quelque chose ?

- Oui merci, répondit Levy. C'était vraiment très aimable de préparer tout ça.

En réalité, même si la nourriture qu'on lui avait amenée paraissait très appétissante, Levy n'avait pas eu le courage de toucher à quoi que ce soit. Encore tenaillée par le stress, elle redoutait que son corps ne lui fasse dégobiller tout aliment qui aurait l'audace de franchir ses lèvres.

L'étudiante détailla du regard les mafieux qui lui faisaient face. Si Gray semblait plutôt détendu, Laxus affichait un air encore plus renfrogné et sombre que les rares fois où elle l'avait aperçu. Quelque chose le contrariait visiblement.

- Nous aimerions… comment dire… connaitre les détails de ton enlèvement, commença Gray. Toutes les infos que tu as pu recueillir pourront nous êtes utiles. Je sais que ça ne doit pas être facile pour toi mais…

- Je vais le faire, coupa Levy. Ne vous inquiétez pas pour moi. C'est la moindre des choses que je puisse faire pour vous remercier.

Après avoir pris une profonde inspiration, la jeune femme raconta tout. L'enlèvement dans son appartement, les pièces dans lesquelles on l'avait enfermé, la séance d'interrogatoire orchestrée par Minerva, la tentative d'évasion ratée. Absolument tout.

Hormis le fait qu'elle avait mordu Sting.

Levy ne savait pas pourquoi, mais elle tenait à garder ce détail pour elle seule. Peut-être pour éviter que les mafieux ne lui reprochent d'avoir encore une fois mis de l'huile sur le feu. Après tout, si elle n'était pas intervenue au 8-Island, rien de tout cela ne se serait produit. Et ils n'auraient pas eu à intervenir pour la sauver.

Les yeux de Gray et Laxus s'écarquillèrent lorsque Levy mentionna la présence de Jellal dans la vieille scierie des Eucliffe. Visiblement, son ancien geôlier n'avait rien exagéré sur ses rapports tendus avec les Redfox. Entre eux, ce n'était clairement pas l'amour fou.

- Tu dis que tu as décidé de fuir avec ce salaud et une complice de Sting qui a subitement retourné sa veste ? demanda Laxus, médusé.

Levy acquiesça.

- J'admets que ça peut paraître étrange compte tenu des circonstances mais à cet instant nous n'avions pas trop le choix. Unir nos forces nous a paru être la meilleure façon de fuir.

- Et visiblement, ça n'a pas dérangé cette ordure de se servir de toi pour s'échapper, fulmina le bras de droit de Gajeel.

- Il faut que tu comprennes Levy, poursuivit Gray avec plus de diplomatie. Jellal Fernandes est un type dangereux. Dangereux et pas fiable pour un sou. Il a liquidé deux de nos hommes sans aucune hésitation parce qu'ils l'empêchaient d'avoir accès à l'argent qu'il convoitait. Ces hommes n'avaient rien demandé à personne. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils étaient des anges, mais ils étaient des pères, des maris, des frères…

Levy n'en croyait pas ses oreilles. Elle se doutait que Jellal avait dû faire quelque chose de grave pour s'attirer les foudres de Gajeel et de son clan. Mais elle était bien loin d'imaginer ce qu'elle venait d'entendre. Pour autant, l'étudiante ne parvenait pas à s'empêcher d'être inquiète pour Jellal. Elle demeurait convaincue qu'en dépit de ses actions, le garçon à la marque rouge n'était pas quelqu'un de fondamentalement mauvais.

- En tout cas, je me réjouis qu'il se soit fait charcuter par Eucliffe, reprit Laxus sur un ton froid. Nous pourrons au moins retirer une satisfaction de tout ce bordel.

L'hostilité affichée du mafieux à la cicatrice étonna grandement Levy. Les rares fois où elle l'avait croisé, le bras droit de Gajeel semblait réfréner en permanence ses émotions et agir avec calme et prudence. Peut-être était-il proche des deux hommes que Jellal avait tué au moment de sa trahison. Étant donné la virulence présente dans sa voix, c'était plus que probable.

La jeune femme poursuivit le récit de sa détention, essayant tant bien que mal de ne pas flancher devant les deux mafieux qui l'écoutaient attentivement.

Après avoir terminé son récit, l'étudiante osa enfin poser la question qui la taraudait depuis qu'elle était arrivée au manoir Redfox.

- J'aimerais savoir… comment m'avez-vous retrouvé ? Minerva avait l'air de croire que ce bâtiment était l'une des cachettes les plus sûres et secrètes de la famille Eucliffe.

La question de Levy fit vivement réagir ses interlocuteurs. Si Gray se gratta la tête d'un air gêné, les traits de Laxus se durcirent encore plus qu'auparavant.

D'une voix empreinte de gravité, le géant blond prit la parole.

- Gajeel a dû utiliser le plan de secours que nous avions mis en place dans le cas où l'un des membres de la famille Redfox serait en danger.

Levy écarquilla les yeux. Un plan de secours ?

- Je… je ne comprends pas, déclara Levy.

- Il s'agit d'une procédure d'urgence, mise en place il y a des années par les plus anciens membres de notre clan. Ce plan consiste à mobiliser l'ensemble de nos agents infiltrés dans les autres clans de la ville, voire de la région entière. Chaque personne à notre service, y compris les agents infiltrés depuis des années dans des clans ennemis ou dans d'autres organisations criminelles ont reçu des instructions leur demandant de recueillir des informations sur ta… disparition. C'est une sorte d'avis de recherche à très grande échelle.

En quelques secondes, les battements de coeur de Levy s'accélérèrent frénétiquement. Gajeel avait-il réellement fait cela ? Mobiliser l'ensemble des ressources de son clan pour la retrouver elle ?

Laxus étouffa un grognement, visiblement mécontent.

- Malheureusement, mettre en oeuvre ce plan a eu un prix. Un prix bien trop lourd.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ? demanda Levy, confuse.

- Pour obtenir les informations nécessaires en un minimum de temps, nos hommes ont dû user de moyens bien plus directs que ceux que nous employons d'habitude. Y compris griller leurs couvertures élaborées depuis des années pour bâtir notre réseau d'influence. Des mois, voire des années de travail ont été anéantis en quelques heures par l'utilisation de ce plan.

- Employer ce genre de mesure revient à utiliser tous ses jokers en une seule fois, résuma Gray.

Levy se mordit la lèvre. Elle comprenait maintenant d'où venait la malaise qui animait Laxus depuis qu'il était entré. Gajeel avait fait perdre à son clan de nombreuses sources d'influence et de pouvoir. Tout ça pour la secourir elle, une quasi-inconnue à leurs yeux.

- J'imagine que vous désapprouvez ce que Gajeel a dû faire pour me sauver, devina Levy sur un ton désolé.

Le mafieux blond secoua la tête d'un air renfrogné.

- Je n'ai pas mon mot à dire sur les ordres que je reçois. Mais j'admets que si j'avais été à la place de Gajeel, ce n'est pas le moyen que j'aurais choisi.

Gray tiqua face aux mots de son ami.

- De toute façon, ce qui est fait est fait, protesta le mafieux aux cheveux de jais. Gajeel a pris cette décision en connaissance de cause et nous devons la respecter.

Le mafieux orienta son regard vers Levy.

- De ton côté, tu t'en es sortie et c'est une très bonne chose. Mais il va falloir à présent que tu fasses profil bas et que tu restes ici pendant quelques temps.

- Je m'en doutais… répondit Levy. Combien de temps exactement ?

- Je ne saurais te le dire. Il est impossible de prévoir à l'avance comment vont tourner les évènements. Mais j'imagine que Gajeel ne verra aucun inconvénient à ce que tu restes aussi longtemps qu'il le faut…

Les joues de Levy s'empourprèrent immédiatement au sous-entendu prononcé par Gray.

De son côté, le mafieux affichait un petit sourire en coin. Taquiner le chef sur son béguin pour cette fille allait probablement devenir un jeu dont il ne se lasserait pas de sitôt.

Quelques instants plus tard, les hommes de Gajeel prirent congé de l'étudiante et Levy se retrouva à nouveau seule dans sa nouvelle et immense chambre.

Même si elle était soulagée de s'en être tirée grâce à Gajeel et à ses hommes, elle ne pouvait s'empêcher d'être inquiète. Après les derniers évènements, il était clair qu'elle venait de pénétrer définitivement dans ce monde qui n'était pas le sien, et qu'elle y était désormais coincée bien malgré elle. À présent, il allait falloir qu'elle se batte, qu'elle lutte de toutes ses forces pour peut-être espérer retrouver sa vie d'avant…


Lucy ne s'était jamais vraiment considérée auparavant comme une personne rancunière. La plupart du temps, lorsque quelqu'un lui faisait une crasse, elle se contentait de passer l'éponge, préférant utiliser son temps et son énergie à autre chose qu'à une bête vengeance qui ne lui apporterait rien.

Mais depuis la veille, la journaliste en herbe n'avait cessé de ruminer dans son appartement, encore furieuse du tour que lui avait joué cet imbécile de Natsu Dragneel. De retour chez elle, elle l'avait d'abord maudit mentalement sur plusieurs générations avant d'hésiter fortement à imprimer son visage sur une feuille A4 afin de s'entrainer ensuite aux fléchettes dessus.

Toute cette histoire affectait bien plus Lucy qu'elle n'aurait jamais voulu l'admettre. Natsu avait été jusqu'à marchander avec son rédacteur en chef pour obtenir un rendez-vous avec elle et lui faire miroiter qu'il était un parfait gentleman, alors qu'il n'attendait probablement d'elle qu'une relation d'un soir, comme à son habitude.

Soit. Elle allait lui montrer que personne ne se moque impunément de Lucy Heartfilia.

Évidemment, la jeune journaliste n'était pas folle au point de s'en prendre directement au mafieux aux cheveux roses mais elle comptait bien lui donner une bonne leçon.

Cherchant un moyen de prendre sa revanche, Lucy avait longtemps cogité avant que finalement une idée ne s'impose parmi toutes les autres dans son esprit.

Il était de notoriété que la fierté d'un mafieux est l'une des choses auxquelles ce dernier tient le plus. Or, dernièrement, cette fierté avait été largement entachée par les revers qu'avait subi le clan Redfox lors des semaines précédentes. Lucy se doutait qu'en bon lieutenant de Gajeel Redfox, Natsu allait oeuvrer dans les prochains jours à ce que les coupables soient réprimandés comme il se doit pour ces différents affronts.

Qu'à cela ne tienne, Lucy allait lui couper l'herbe sous le pied.

Depuis un moment, il se murmurait à Magnolia que c'était le clan Eucliffe qui était à l'origine de toutes les attaques essuyées par les Redfox. Et malgré le tumulte que ces évènements avaient généré à Magnolia, il était quasiment certain que les deux clans avaient oeuvré chacun de leur côté pour que la police n'ouvre pas d'enquête et ferme les yeux sur ce qui s'était passé, à grands renforts d'intimidations et de pots de vin.

Cependant, si Lucy parvenait à trouver suffisamment de preuves permettant de prouver l'implication des Eucliffe, elle pourrait les transmettre anonymement à la presse et ainsi exercer une pression suffisante pour que l'enquête soit ouverte et que les responsables soient condamnés. Elle pourrait alors montrer à ce crétin de Natsu que là où les siens avaient échoué, une simple journaliste avait réussi.

Ragaillardie par ce plan qu'elle estimait parfait, Lucy s'était levée de bonne heure et avait commencé sur le champ ses investigations. Elle se rendit aux alentours du Dragon d'acier qui demeurait le business des Redfox ayant subi l'attaque la plus récente. Pour passer incognito, la journaliste avait revêtu ses vêtements les plus passe-partout. Elle avait ensuite emmitouflé sa longue chevelure blonde dans un épais foulard et mis sa vieille paire de lunettes de soleil, achetée auprès d'un vendeur à la sauvette sur la plage d'Akane quelques étés en arrière.

Les premiers articles parus dans la presse affirmaient que les vandales avaient subitement émergé d'un groupe de voitures stationnées dans la rue en aval du night-club, avant de courir jusqu'à l'entrée et de pénétrer à l'intérieur pour accomplir leur sale besogne. En observant attentivement, Lucy vit que la rue devant le Dragon d'acier était équipée de caméras de surveillance. Bien évidemment, la municipalité n'avait pas eu l'audace de placer les appareils suffisamment près du night-club pour qu'ils en filment l'entrée, mais Lucy espérait au moins pouvoir apercevoir les véhicules des malfaiteurs ou même voir leurs visages afin de pouvoir les identifier.

La mort dans l'âme, la journaliste soudoya avec un billet de deux cents joyaux l'un des responsables de la société gérant la vidéosurveillance de la ville et réussit finalement à obtenir les précieuses vidéos. Elle fut cependant rapidement déçue. Les malfaiteurs avaient eu l'intelligence de stationner en dehors du champ des caméras.

Alors qu'elle était sur le point de remettre son enquête à plus tard, un détail attira subitement l'attention de Lucy.

L'une des intersections de la rue comportait un panneau sur lequel trônait l'un de ces miroirs réfléchissants qui habituellement permettent aux automobilistes de voir si une voiture arrive avant de s'engager. Plissant les yeux sur son écran d'ordinateur, la journaliste vit que le miroir en question réfléchissait ce qui ressemblait fort à la plaque d'immatriculation de l'un des véhicules.

Cliquant frénétiquement, Lucy zooma sur la partie de la vidéo qui l'intéressait. Mais une fois encore, le destin persistait à lui mettre des bâtons dans les roues. L'image était bien trop pixelisée pour être lisible. La jeune femme cogita pendant un moment sur un moyen de résoudre ce problème, jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'elle disposait d'un vieux logiciel de retouche de photos qu'elle avait acheté il y a quelques années lorsqu'elle s'était découvert une passion pour la photographie.

Méticuleusement, la journaliste réalisa une capture d'écran de la vidéo zoomée au maximum avant d'utiliser son programme pour la clarifier. Après quelques manipulations, les caractères de la plaque devinrent visibles et Lucy se retint d'en crier de joie. La chance lui souriait enfin.

Il lui fallait à présent remonter la piste de la voiture en question à l'aide du numéro de plaque chèrement obtenu.

Consciente qu'elle ne pouvait requérir aucune aide de la police, Lucy décida de faire appel à un type qu'elle ne connaissait malheureusement que trop bien.

Hibiki Leithis, un homme devenu l'une des personnalités les plus populaires de la région après son mariage avec la célèbre chanteuse Karen Lilica.

Quelques mois auparavant, Lucy avait décidé de garder le silence sur les nombreux égarements conjugaux du mari de la pop-star et depuis, ce dernier lui devait un service. Or, il se trouvait que l'un des (trop) nombreux talents cachés d'Hibiki Leithis était le piratage informatique.

Lorsque Lucy vint à la rencontre du bellâtre pour lui demander de pénétrer dans la base de données de la police locale, ce dernier lui adressa un sourire enjôleur avant de commencer à taper sur les touches de son clavier.

« Tu sais Lucy, tu as toujours la vilaine manie de venir me voir dans des contextes très impersonnels. Figure-toi qu'il y a un salon de massage au coin de l'avenue Ariès qui propose des prestations absolument divines, et en toute discrétion. Si tu veux, toi et moi, on pourrait y faire un crochet un de ces jours…

Lucy lui tapa fermement l'arrière du crâne d'un air réprobateur.

- Cesse de me faire la liste de tes lieux de débauche Hibiki et dépêche-toi de me donner cette info. Je n'ai pas toute la journée…

Craignant de se faire à nouveau envoyer sur les roses, le hacker volage n'insista pas davantage. Un quart d'heure plus tard, Lucy apprenait que la voiture des malfaiteurs avait été achetée il y a peu de temps par une société dont les locaux se situaient à la périphérie de Magnolia.

En s'y rendant, Lucy fut à nouveau profondément dépitée. Devant elle se dressait un bâtiment laissé à l'abandon, depuis plusieurs années. Cette fameuse entreprise n'était rien de plus qu'une société fantôme.

Malgré tout, par acquis de conscience, Lucy fit le tour des pâtés de maisons avoisinantes, se faisant passer pour une étudiante réalisant un mémoire universitaire sur l'urbanisme. Après plusieurs visites infructueuses, Lucy loua la tendance des vieilles dames à lorgner toute la journée sur ce qui se passait aux alentours de leur maison. L'une d'elles informa Lucy que de nombreux véhicules faisaient sans cesse des allées et venues près du bâtiment abandonné et que des hommes vêtus de noir en sortaient pour « comploter ».

La journaliste décida alors de stationner discrètement la voiture qu'elle avait louée près du bâtiment en question afin de voir si le phénomène décrit par la vieille femme se reproduisait. Elle nourrissait peu d'espoir sur le fait que cette stratégie paye mais elle ne disposait malheureusement que de cette seule piste.

En nage à cause de la chaleur environnante, Lucy attendit presque toute l'après-midi, imaginant avec envie un verre de thé glacé posé sur la table de son appartement cosy.

Était-elle vraiment en train de perdre son temps à cause d'un garçon qu'elle n'avait en tout et pour tout rencontré que deux fois ? Ne valait-il pas mieux pour elle qu'elle abandonne et passe à autre chose ? Allait-elle oser retourner au Dragon d'acier après la réouverture, quitte à y croiser de nouveau Natsu ?

Lucy n'eut pas le temps de s'appesantir davantage sur ces questions car trois voitures noires arrivèrent et se garèrent dans un espace ombragé du bâtiment. Portant à ses yeux la paire de jumelles qu'elle avait emmené, la journaliste aperçut une dizaine d'hommes aux tenues diverses s'extirper des deux premiers véhicules pour rejoindre l'occupant du troisième qui les attendait.

Ce dernier avait des cheveux de la teinte la plus noire que Lucy ait pu voir durant toute sa vie. Il était très pâle de peau, ce qui contrastait grandement avec les vêtements qu'il portait, aussi noirs que ses cheveux.

Rien que par leur gestuelle, Lucy comprit toute l'histoire. Les hommes présents étaient en train de se faire payer en liquide par ce type qui était vraisemblablement leur commanditaire. Mais rapidement, quelque chose perturba Lucy. Il n'était pas commun pour les mafieux « traditionnels »d'employer ce genre de mercenaires pour accomplir leurs basses besognes.

La mafia était un milieu bien trop basé sur la confiance et l'appartenance pour permettre à des inconnus de participer si facilement aux affaires, même contre de l'argent. De plus, elle avait déjà aperçu de nombreuses photos de membres présumés du clan Eucliffe et ce type ne lui disait vraiment rien. Il ne devait certainement pas en faire partie.

Une fois la transaction effectuée, le type aux cheveux noirs remonta dans sa voiture et quitta aussitôt le bâtiment. Lucy mit immédiatement le contact et prit le type en filature pendant le reste de l'après-midi, tout en prenant de grandes précautions pour ne pas être repérée.

Le soleil était en train de se coucher sur Magnolia lorsque l'homme fit finalement halte vers un petit port de plaisance aux abords du lac Sciliora. Lucy s'était garée près d'une falaise située en hauteur, de façon à pouvoir facilement voir sans être vue.

Sur l'un des pontons, une femme paraissait attendre le mystérieux garçon. Avec les rayons du soleil qui l'éblouissaient, Lucy ne parvint pas à bien discerner son visage mais elle pouvait néanmoins voir que la femme avait de longs cheveux noirs et était vêtue d'un tailleur.

Dissimulée, Lucy dégaina son accessoire ultime qu'elle se remerciait d'avoir emporté. Un amplificateur de sons longue distance. L'accessoire indispensable de tout espion qui se respecte.

Plaçant le casque sur ses oreilles, Lucy régla la fréquence de l'appareil de sorte pouvoir entendre le mieux possible la conversation. Après quelques grésillements, la voix du couple finit par lui parvenir.

« Je te préviens tout de suite Rogue, je suis de très mauvaise humeur, commença la femme. J'espère que tu as eu le temps de faire tout ce que je t'ai demandé.

- Tout a été mis en place comme vous l'avez ordonné madame. Cela devrait survenir d'ici quelques minutes.

- Très bien.

- Excusez-moi mais… ce qui va se produire risque de grandement nous exposer. Êtes-vous sûre qu'il s'agit de la meilleure solution ?

La femme observa un moment son interlocuteur avant de répondre.

- Je croyais pouvoir épargner le fils de Weisslogia malgré ce qu'il s'est passé jadis. Hélas, il s'avère qu'il est aussi mauvais que son père l'est devenu… On ne le dira jamais assez, mais la haine engendre la haine. Et après ce qui s'est passé aujourd'hui, il représente un trop grand danger pour elle. Je m'en veux déjà suffisamment de ne pas avoir été plus rapide que les Redfox pour la sortir de là.

- Vous pensez réellement qu'elle est en danger en ce moment auprès d'eux ? D'après ce que mon contact m'a indiqué, ils ont mis gros en jeu pour réaliser son extraction.

- Ils l'ont peut-être sauvée cette fois-ci, mais tu ne te rends pas compte de la menace qui planera sur elle si elle reste avec eux. Pour l'instant, elle est une inconnue à leurs yeux. Ils la voient comme une fille lambda qui a échoué par le plus grand des hasards dans l'un de leurs business. Ils n'ont aucune idée de qui elle est en réalité. Mais à la minute où ils le découvriront, ils essaieront de la tuer. Le seul moyen de la garder en vie et en sécurité est d'anéantir les clans de Métallicana et de Weisslogia définitivement. Il n'y a pas d'alternative possible.

- Je vois… commenta le dénommé Rogue.

- Veille à ce que notre avertissement parvienne bien à Sting et à ses hommes. Nous attendrons ensuite que j'aie pris contact avec elle pour déclencher la suite.

Le garçon aux cheveux noirs acquiesça et quitta le ponton pour passer un coup de fil, laissant sa supérieure contempler le ciel, désormais noir comme de l'encre.

Les mains tremblantes, Lucy arracha son casque, déconnecta son appareil et se dépêcha de remballer toutes ses affaires. Si en venant ici elle espérait trouver un scoop, elle n'aurait jamais imaginé tomber sur ce qui ressemblait fort aux prémices d'une guerre…


Installée dans la suite qui lui avait été allouée, Levy avait reçu la visite de Polyussica, envoyée pour soigner les blessures de la jeune femme. Durant toute la consultation, comme à son habitude, l'infirmière n'avait pas prononcé un seul mot, hormis pour poser un diagnostic et annoncer à Levy qu'elle avait de multiples contusions et une côte cassée. Levy savait très bien que le silence de l'infirmière traduisait à lui seul la désapprobation qu'elle manifestait à son égard. Elle avait ensuite remercié la doctoresse et lui avait promis de prendre scrupuleusement les médicaments qu'elle lui avait prescrit.

En dehors de cet épisode, Levy était restée totalement seule. Et même si elle avait de quoi s'occuper avec les livres qu'on lui avait amené, l'étudiante parvenait à peine à focaliser son attention plus de quelques minutes. Son esprit ne cessait de vagabonder et de se demander ce qu'il se passait à l'extérieur, si le clan Redfox était désormais en mauvaise posture en raison de leur intervention.

Mais plus que toute autre chose au monde, c'est vers un certain mafieux aux longs cheveux sombres et aux yeux incandescents que la quasi-totalité des pensées de Levy étaient dirigées. Elle ne cessait de penser à Gajeel et imaginait en permanence ce qu'il était en train de faire. Était-il lui aussi dans le manoir ? Regrettait-il son choix de lui être venu en aide au détriment des intérêts de son clan ? Ou bien était-il soulagé de la savoir en sécurité ?

Épuisée, Levy se vêtit d'une nuisette et se glissa dans les confortables draps en satin du lit à baldaquin.

Malgré la fatigue qui l'accablait, l'étudiante mit un long moment à trouver le sommeil. Les souvenirs des couloirs ténébreux du bâtiment Eucliffe ne cessaient de la tourmenter, lui faisant revivre ce qui était certainement la journée la plus terrifiante de toute sa vie.

Finalement, vaincus par l'épuisement, les yeux de Levy finirent par se refermer, lui accordant enfin un repos salvateur.

Durant plusieurs heures, le sommeil de Levy ne fut pas perturbé.

Jusqu'à ce que vers minuit, la jeune femme sente quelqu'un lui caresser délicatement les cheveux.

Levy entrouvrit doucement les paupières. Elle crut d'abord être en train de faire un rêve éveillé et dut cligner plusieurs fois des yeux pour réaliser ce qu'elle voyait.

Gajeel était assis sur le côté droit du lit, juste à côté d'elle.

Malgré la pénombre, Levy discerna sans mal les orbes rougeoyants qui illuminaient le regard du mafieux.

Il était vêtu d'une chemise kaki à manches longues faisant ressortir les muscles de ses bras et la carrure de ses épaules. Comme à l'accoutumée, sa longue chevelure était retenue à l'avant par un bandeau de couleur beige.

Levy resta un instant immobile, peinant à croire que celui auquel elle avait tant pensé se trouvait à présent à côté d'elle. Elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas croisé ce regard carmin si intense.

- Tu es là… murmura Levy en se redressant.

- Je suis là, répéta Gajeel. Je voulais attendre jusqu'à demain matin mais… c'était juste pas possible.

À l'entente de l'aveu qui venait de lui être fait, le coeur de Levy se remit à accélérer frénétiquement. N'arrivant plus à retenir sa joie et son soulagement, elle se jeta dans les bras du mafieux qui la réceptionna. La jeune femme enroula ses bras autour du cou du Gajeel et nicha sa tête dans le creux de sa nuque. Un mélange de cèdre, de bois de santal et de vétiver parvint jusqu'à ses narines. Ce parfum lui avait tellement manqué qu'elle ne put s'empêcher de le respirer à pleins poumons.

Les mains de Gajeel se déposèrent délicatement sur le dos de Levy et cette dernière put sentir leur chaleur à travers le tissu de la nuisette qu'elle portait. La sensation était tellement agréable que Levy aurait voulu qu'elle dure éternellement. Après les mains, ce furent les bras du mafieux qui entourèrent la taille de la jeune femme avec force, comme si Gajeel craignait qu'elle ne s'évapore soudainement.

- Désolé d'avoir été si long… s'excusa Gajeel. J'avais… pas mal de trucs à faire.

- Je sais. Ce n'est pas grave. Tu es là maintenant. C'est tout ce qui compte.

Le couple mit fin à l'étreinte qu'ils partageaient et reprit un peu de distance. Leurs regards ne se lâchèrent pourtant pas, chacun paraissant perdu dans les yeux de l'autre.

Gajeel approcha sa main du visage de Levy pour prendre délicatement son menton entre ses doigts et le relever. Ses sourcils se froncèrent et sa posture devint soudainement plus rigide. Une étincelle rougeoyante dansait dans les iris du mafieux.

- Qui t'a fait ça ? demanda t-il d'une voix sourde.

Levy se demanda un instant à quoi le mafieux faisait référence, puis elle se souvint de sa lèvre inférieure toujours fendue, seul stigmate encore pleinement visible de son séjour chez les Eucliffe.

- Un des hommes de Sting. Un gros balèze avec une queue de cheval. Je me suis défendue et… il n'a pas apprécié.

Gajeel effleura délicatement du pouce la lèvre blessée de Levy. Son regard affichait une intensité sans pareille. Comme s'il cherchait à graver dans sa mémoire chaque détail de ce qu'il avait sous les yeux.

- Je suis désolé que tu aies eu à subir toute cette merde… souffla Gajeel.

- Ce n'est pas de ta faute. C'est moi qui ait frappé Sting en premier. Je me suis mise en danger toute seule. Et ce serait plutôt à moi de m'excuser.

Le mafieux aux piercings leva un sourcil d'incompréhension.

- Laxus m'a expliqué… ce que tu as dû faire pour me retrouver.

Gajeel étouffa un grognement. Son bras droit lui avait déjà fait part de sa désapprobation face au choix qu'il avait fait. Pas directement bien sûr, cela ne lui était pas permis. Mais au cours de toutes ces années, Gajeel avait appris à décrypter les positions de Laxus sans que celui-ci n'ait à les formuler.

- Je sais que les efforts que tu as déployé vont avoir des conséquences sur vos affaires, poursuivit Levy. Et j'en suis navrée.

Gajeel balaya les excuses de Levy d'un revers de main.

- Je ne vais pas le nier, notre influence va considérablement diminuer maintenant que la plupart de nos contacts sont grillés. Mais j'assume parfaitement mon choix. J'ai fait ce que j'avais à faire. Et si la même situation se représentait à nouveau, je referais la même chose.

À l'entente des paroles du mafieux, Levy ne put s'empêcher de sentir l'émotion qui l'étreignait. Comment un gros dur comme Gajeel pouvait également à cet instant paraitre aussi adorable ?

- Ça va s'arranger, reprit le mafieux. Même si on a pris un sacré coup, Eucliffe est loin de nous avoir mis à terre.

- Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ? Je veux dire… pour votre clan et tout le reste.

- Maintenant que nous sommes passés à l'offensive, il y aura sûrement de nouvelles attaques sur nos business les plus fragiles. Les conflits vont probablement monter en intensité. C'est comme ça que ça a commencé la dernière fois.

- La dernière fois ? répéta Levy.

Gajeel détourna le regard et fixa la fenêtre qui lui faisait face.

- Une guerre se prépare, Levy. Ma famille et celle d'Eucliffe avons repoussé l'inévitable pendant des années mais c'était une erreur.

Le mafieux inspira un grand coup, avant de lâcher les mots qu'il peinait visiblement à prononcer.

- Je veux que tu quittes la ville le plus rapidement possible. Que tu partes pour te mettre en sécurité.

- Je suis déjà en sécurité ici, protesta Levy.

- Le manoir est une bonne planque, c'est vrai. Mais très bientôt, aucun endroit ne sera plus sûr. Et tu ne peux pas te cacher indéfiniment ici. C'est pas une vie pour toi.

Levy gonfla les joues d'exaspération. Même si elle en avait bavé ces derniers temps, elle détestait toujours autant qu'on l'assimile à une petite créature fragile et sans défense.

- Je suis assez grande pour faire mes propres choix Gajeel. Et si tu crois que je vais prendre mes jambes à mon cou parce qu'un… salopard a décidé de me prendre pour cible, c'est que tu me connais mal, répliqua Levy.

Gajeel resta bouche bée face à la réponse de l'étudiante de Fairy Tail.

- Tu veux vraiment rester après… tout ce qui t'est arrivé ?

- J'ai bien réfléchi. Je ne m'en irais pas avant qu'on ait fini de botter le cul de Sting.

Malgré lui, un fin sourire se dessina sur les lèvres de Gajeel.

- Autant j'apprécie d'entendre une injure sortir de lèvres aussi attirantes, autant j'aimerais que tu m'écoutes pour une fois.

Le compliment sournoisement lancé fit légèrement rougir Levy, mais sa détermination ne flancha pas pour autant.

- Je suis sérieuse Gajeel. Je ne vais pas partir et céder à la peur. J'ai pris ma décision.

Un long moment s'écoula alors que le mafieux réfléchissait. Puis d'un geste lent, il leva la main pour caresser la joue de Levy du bout des doigts. Le geste était si tendre que Levy en eut momentanément le souffle coupé. Un délicieux frisson remonta le long de sa colonne vertébrale.

- Bon sang… souffla Gajeel. Pourquoi faut-il que je me sois amouraché de la crevette la plus courageuse qui existe sur cette planète ?

- Hé ! Tu avais promis de ne plus m'appeler comme ça !

- Oups, ricana le mafieux. On dirait que certaines habitudes ont la vie dure.

Levy frappa doucement le torse de Gajeel pour protester, ce qui redoubla le rire de ce dernier.

Le mafieux s'avança ensuite petit à petit jusqu'à se rapprocher suffisamment de Levy pour prendre son visage en coupe entre ses mains. Il pencha doucement la tête et effleura les lèvres de Levy avec les siennes, avant de finalement les réunir dans un soulagement palpable.

Chacun d'eux paraissait avoir attendu cet instant depuis une véritable éternité. Leurs souffles de plaisir se mêlaient et venaient ponctuer la danse enflammée dans laquelle ils s'étaient lancés.

- Si je n'étais pas aussi pressé par le temps, j'aurais bien passé le reste de la nuit à poursuivre cet échange… souffla Gajeel à l'oreille de Levy.

Le teint de Levy se colora immédiatement à ces paroles.

- Tu dois partir ? demanda t-elle.

Le mafieux ressentit la déception qui habitait la jeune femme. D'un geste ample, il déboutonna les deux premiers boutons de sa chemise et s'allongea près de Levy, le dos appuyé contre la tête de lit.

- Tu as besoin de dormir. Et j'ai encore quelques affaires à régler. Mais je vais rester jusqu'à ce que tu t'endormes. Marché conclu ?

Pour toute réponse, Levy s'extirpa de la couette et se rapprocha de Gajeel. Instinctivement, elle posa sa tête sur le torse du mafieux qui l'accueillit en passant un bras autour de sa taille. La main de Levy se posa sur la poitrine de Gajeel. Même à travers le vêtement, elle pouvait deviner au toucher le corps musclé qui se trouvait juste en dessus.

Même si cela était contraire au but recherché, Levy fit de son mieux pour lutter contre le sommeil qui la gagnait à nouveau. Elle voulait profiter au maximum de la présence de Gajeel, de l'homme qui lui avait tant manqué.

À cet instant, toutes les sombres souvenirs et pensées qui avaient envahi Levy depuis son arrivée au manoir paraissaient s'être dissipés. La présence de Gajeel auprès d'elle la rassurait. Pour la première fois depuis longtemps, Levy se sentait à nouveau protégée et en sécurité. Rien ne pouvait lui arriver tant que le mafieux restait auprès d'elle. Tant qu'ils restaient tous les deux, ensemble.

Malgré sa résistance, les paupières de Levy s'alourdirent progressivement jusqu'à ce que le sommeil ne gagne finalement la partie.

Sentant que sa protégée s'était endormie contre lui, Gajeel prit d'infinies précautions pour se dégager sans la réveiller. Il plaça ensuite délicatement les couvertures sur ses épaules avant de s'éloigner du lit.

Observant une dernière fois celle qu'il avait craint de ne plus jamais revoir, Gajeel quitta la suite sans faire de bruit.

Même si Levy était à présent en sécurité, la partie n'était pas encore finie. Il lui restait une dernière chose à faire avant qu'un jour nouveau ne se lève sur Magnolia…


Suivant le chemin lumineux tracé par les réverbères de la ville, la limousine blanche caractéristique du clan Eucliffe quitta le périphérique pour rejoindre la partie de la ville où était situé le Crocus Garden.

À l'intérieur du véhicule, Cobra était docilement occupé à enrouler un nouveau pansement autour de la main de son chef. La blessure n'était pas profonde mais il fallait faire en sorte qu'elle ne s'infecte pas et surtout que le fils de Weisslogia n'en retire aucune cicatrice.

« Elle t'a quand même pas loupé, commenta l'homme aux yeux reptiliens.

Immédiatement Sting fusilla du regard son subordonné.

- Je te dispense de ce genre de commentaires Cobra.

- Désolé chef.

Le poing du mafieux aux cheveux blonds se serra, empêchant son subordonné de refermer correctement le pansement.

- Cette sale traînée n'a gagné qu'un répit, rien de plus… Tu peux me croire, je vais détruire les Redfox jusqu'au dernier. Aucun n'en réchappera. Et lorsqu'ils seront tous à terre, cette fille sera le trophée de ma victoire. Quand j'en aurai fini avec elle, elle me suppliera de rejoindre ses protecteurs dans la tombe.

Alors qu'il percevait la fureur habiter son patron comme jamais auparavant, la sonnerie du téléphone de Cobra se déclencha. Un numéro inconnu était affiché sur l'écran. L'homme de main décrocha, échangea quelques mots avec le correspondant, puis tendit le téléphone à Sting.

- C'est pour toi.

Contrarié d'être interrompu dans l'élaboration de ses projets de vengeance, Sting attrapa le téléphone avec sa main blessée et le porta à son oreille.

Une voix féminine assurée s'éleva dans le combiné.

- Bonsoir Sting.

Le mafieux haussa un sourcil, surpris qu'une femme cherche à le contacter à cette heure de la nuit. D'ordinaire les seules femmes qu'il croisait à cette heure étaient celles chargées de satisfaire le moindre de ses désirs, à tous les niveaux possibles.

Le fils de Weisslogia observa l'extérieur à travers la vitre avant. Ils étaient presque arrivés au Crocus Garden.

- T'es qui toi ? demanda Sting en retour. On se connait ?

- Pas directement. Je suis celle grâce à qui vous avez pu faire tomber le Dragon d'acier, il y a peu de temps.

La lumière se fit instantanément dans l'esprit du mafieux.

- Ahhh… vous êtes la boss du gothique… comprit Sting avec un sourire. Je me doutais bien que ce freluquet n'était pas celui qui tenait les rênes.

- Croyez-moi, vous commettriez une grave erreur en le sous-estimant. Quoi qu'il en soit, vous n'aurez plus l'opportunité de profiter de ses capacités.

- Qu'est-ce que ça veut dire au juste ?

- Cela veut dire que notre collaboration prend fin immédiatement. Et que vous allez lourdement regretter d'avoir dépassé les bornes en enlevant une jeune fille sans défense.

Sting haussa les sourcils d'étonnement. Comment cette femme pouvait-elle déjà être au courant ?

- Est-ce que c'est une menace ? reprit Sting en prenant une voix plus ferme. Savez-vous au moins qui nous sommes, mon père et moi ?

Un rire sarcastique s'empara de la femme à l'autre bout du fil. Elle se reprit néanmoins bien vite et poursuivit sur un ton amusé.

- Croyez-moi, je vous connais certainement beaucoup plus votre père et vous que vous ne vous connaissez vous-mêmes. Et si vous pensez une seule seconde être capable de m'intimider, c'est que vous n'avez aucune idée de l'imminence de votre chute prochaine.

Une nouvelle vague de colère s'empara brusquement de Sting. Comment cette femme osait-elle le menacer de la sorte, lui l'héritier d'une des familles les plus puissantes de la région ? Les Redfox lui avaient déjà pourri la journée, il n'allait certainement pas laisser passer un outrage de plus.

- Écoute-moi bien, espèce de sale…

Un bip sonore prit de court la réponse du fils de Weisslogia. La femme venait de raccrocher.

- Encore une cinglée. Si ça ne tenait qu'à moi, toutes ces bonnes femmes seraient reléguées à leur place sans délai.

Arrivée à destination, la limousine de Sting s'arrêta devant l'imposant portail blanc de l'hôtel particulier. Plusieurs minutes s'écoulèrent mais la structure restait désespérément fermée.

Courroucé d'être ainsi mis en retard, Sting s'extirpa du véhicule et marcha en direction du poste des vigiles situé à côté.

- Mais qu'est-ce que vous foutez ? s'exclama Sting. Vous êtes en train de me faire perdre mon temps, bande d'incapables !

- Veuillez-nous excuser monsieur, répondit l'un des vigiles. Le groupe électrogène du bâtiment est tombé en panne il y a quelques minutes. Il n'y a plus de courant dans toutes les parties du complexe.

- Quoi ? s'étrangla Sting. Mais qu'est-que c'est que cette hist…

Avant que le mafieux n'aie fini sa phrase, une détonation s'éleva soudainement dans un bruit assourdissant et une gigantesque déflagration embrasa toute la façade du Crocus Garden. Les pierres des murs qui composaient l'édifice furent projetées dans les airs avant de s'abattre violemment sur l'imposant jardin en contrebas. Le verre des vitres vola dans toutes les directions possibles dans un bruit cristallin. Une épaisse fumée noire s'éleva dans le ciel alors que les flammes dévoraient déjà presque l'intégralité du bâtiment ainsi que les arbres situés à proximité.

Sting regarda avec stupéfaction ce qu'il avait devant les yeux.

Ce n'était pas possible…

En quelques secondes, le bastion de la famille Eucliffe venait de partir en fumée…


À l'heure où tout le monde dormait, dans le sous-sol d'une ancienne armurerie des bas fonds de Magnolia, deux hommes se faisaient face. Le premier affichait une expression des plus glaciales tandis que l'autre transpirait à grosses gouttes, attaché sur un vieux fauteuil.

Une quinzaine de minutes plus tôt, l'homme au regard inexpressif avait cueilli l'autre alors qu'il sortait à peine du bar où il était venu boire une pinte. Il l'avait ensuite conduit jusqu'au sous-sol où ils se trouvaient actuellement. L'endroit était particulièrement poussiéreux et inhospitalier, mais il avait le mérite d'offrir une certaine discrétion et d'être parfaitement insonorisé.

« Vous savez… j'ai toujours cru que l'innocence est la qualité la plus rare que l'on peut trouver chez un être humain… Partout où l'on va, quoi que l'on fasse, peu de gens peuvent encore se considérer comme dépourvus de tout pêché… Personnellement, je ne me suis jamais considéré comme quelqu'un d'innocent. Je n'ai jamais eu le luxe de croire que les actions que je menais étaient guidées par autre chose que par le pouvoir ou par l'argent. L'innocence qui caractérise chaque être humain dès sa naissance m'a été arrachée, morceau par morceau, tout au long de ma vie…

En face de son interlocuteur, l'homme attaché déglutit avec difficulté. Son visage était livide, la peur déformant progressivement tous ses traits.

- Je me souviens d'un soir en particulier… Je devais avoir à peine dix piges. J'étais tranquillement en train de dormir dans mon lit lorsque quelqu'un est venu m'en extirper pour me conduire au sous-sol de la maison. Un sous-sol exactement comme celui-ci. Là-bas, mon père m'attendait avec quelques-uns de ses gars. Je me rappelle très bien de cette scène. Chaque détail, chaque visage. Je me souviens d'absolument tout. La pièce était très faiblement éclairée, on se serait cru dans un mauvais polar. Une chaise était renversée sur le côté. Mais plus que tout… il y avait du sang. Partout. Sur le sol, sur les murs… Mon père m'a incité à me rapprocher. Je ne comprenais rien à ce qu'il se passait. Il m'a conduit jusqu'à une grande forme noire qui gisait sur le sol. À l'époque, je n'avais encore jamais vu de sac mortuaire. Mon père a ordonné à l'un de ses hommes de l'ouvrir pour me montrer ce qu'il y avait dedans. Son gars s'est exécuté. Dans le sac se trouvait le corps d'un type que je connaissais. Un homme de mon père que je croisais tous les jours dans les couloirs de notre manoir depuis ma naissance. À chaque fois, ce type me souriait en me voyant et me disait de faire attention à moi. Mais ce jour-là, il gisait sur le sol, des trous partout dans le corps, les doigts coupés, abattu comme un chien. Il avait vendu des informations sur notre clan à l'un de nos concurrents et mon père avait appliqué sur lui la sanction réservée aux traîtres. Je crois que c'est ce soir-là que mon innocence a définitivement été anéantie.

L'homme se racla la gorge. Énoncer ces sombres souvenirs était plus pénible qu'il ne l'avait prévu. Mais c'était un mal nécessaire pour expliquer ce qui allait suivre.

- Après cela, je n'ai plus été le même. J'ai observé mon père mener le clan d'une main de fer. J'ai commis moi aussi des exactions impardonnables. J'ai donné la mort à mon tour. Plusieurs fois. Pas de manière aussi sanglante, car je ne suis pas un barbare. Mais je l'ai fait malgré tout. Et j'ai accepté que jamais plus je ne pourrais retrouver un semblant d'innocence, après tous les pêchés que j'avais commis.

Ce constat fit ressentir une pointe de tristesse à l'homme qui continua malgré tout son monologue.

- Durant toutes ces années et sans que je m'en rende compte, je me suis retrouvé dans une sorte… de léthargie. J'amassais du pouvoir. De plus en plus de pouvoir, sans jamais rien ressentir. Parce qu'on m'avait convaincu que l'innocence et la bonté avaient une bonne fois pour toutes foutu le camp de ce monde… Jusqu'à ce que surgisse dans ma vie une personne qui m'a rappelé que la bonté et l'innocence n'avaient finalement pas disparu. Cette personne… c'est celle que vous avez martyrisé dans cette foutue scierie.

D'un geste ample, Gajeel extirpa un revolver du holster qu'il portait à la taille. Il pointa l'arme en direction de Fingers qui tressaillit quelques mètres plus loin.

- Vous avez battu une femme à coups de pieds alors qu'elle gisait à terre. Une femme seule et sans défense… Vous n'avez aucune idée de la manière dont un homme doit traiter une femme, n'est-ce pas ? Avouez-le… vous avez pris du plaisir à la cogner.

- Non… non…

- Vous avez fait souffrir une personne… plus pure… plus douce… plus merveilleuse que vous ne pourrez jamais l'imaginer… Probablement l'une des dernières personnes encore bienveillantes et altruistes sur cette terre… Une côte cassée, une lèvre fendue et des bleus sur tout son corps par votre faute…

- Pi… pitié ! Je… je ne faisais qu'obéir aux ordres. Je ne voulais pas lui faire de mal, je vous le jure !

- Jamais plus elle ne retrouvera l'innocence que vous lui avez volé, continua Gajeel, imperturbable. Jusqu'à la fin de ses jours, chaque fois qu'elle fermera les yeux, les souvenirs de ce que vous lui avez fait subir pourront revenir la tourmenter et lui rappeler le calvaire qu'elle a enduré…

Fingers secoua la tête, semblant désespérément chercher quelque chose à dire.

- Cette fille… Je sais que c'est une fille bien. Et je sais aussi qu'elle ne voudrait pas que vous me liquidiez… Si elle est aussi innocente que vous le dites, elle ne souhaiterait sûrement pas ça…

Gajeel haussa un sourcil et fit mine de réfléchir. Un long silence s'en suivit avant que le mafieux ne reprenne la parole.

- Vous avez raison… Elle souhaiterait probablement que je vous garde en vie. Elle voudrait que je vous livre à la police, que vous ayez un procès équitable et que vous soyez légalement puni pour ce que vous avez fait. Parce qu'en toute innocence, elle croit encore à la justice des hommes et au fait que chacun a droit à une seconde chance…

Le prisonnier agita frénétiquement la tête, approuvant les suggestions que Gajeel venait d'énoncer.

- … mais pas moi.

Fingers n'eut même pas le temps de comprendre. Trois coups de feu fusèrent du revolver que tenait Gajeel et vinrent frapper la poitrine de l'homme qui s'affaissa en avant. Sa chemise se teinta rapidement de rouge alors que le sang commençait déjà à se déverser et à se répandre sur le sol de la pièce.

Le mafieux aux piercings resta immobile un moment, les yeux fixés sur l'homme qu'il venait d'abattre. Puis il se releva et ordonna sans émotion aux hommes présents :

- Nettoyez-moi tout ça… Je veux qu'il n'y ait plus aucune trace d'ici demain matin. Vous m'avez entendu ? Plus aucune trace.

Alors qu'il venait à peine de sortir du sous-sol où il venait d'accomplir sa besogne, un de ses hommes le rejoignit à grandes enjambées.

- Excusez-moi monsieur, mais M. Dragneel souhaiterait s'entretenir avec vous le plus vite possible.

- Le père ou le fils ? demanda Gajeel, agacé d'avoir à poser la question.

- Hum… le fils monsieur. Il vous attend au manoir.

Gajeel grommela dans sa barbe. Décidément, aucun répit n'allait lui être accordé aujourd'hui.

- Très bien, je m'y rendrai tout à l'heure. Autre chose ?

- On m'a informé que… votre père est dans un avion en direction de Magnolia. Il devrait arriver demain dans la journée.

Cette annonce ne surprenait pas Gajeel. Il s'y était attendu. Son père rentrait pour lui demander des comptes.

Ainsi soit-il. Cette fois-ci, il allait lui faire face. Il ne pouvait plus se dérober.

Après tout… le ciel n'est pas assez grand pour que deux dragons y volent en même temps…


Et voilà ! Ce chapitre était plus sombre que les précédents, je pense que vous l'avez aussi remarqué. Est-ce qu'il vous a plu malgré tout ? Que pensez-vous de la manière dont les choses tournent pour Levy, Gajeel et les autres ? Les scènes avec les personnages secondaires vous paraissent t-elles intéressantes ? N'hésitez pas à me faire part de votre avis et je vous donne rendez-vous pour le chapitre 11 qui sera certainement beaucoup plus centré sur Levy et Gajeel x) Portez-vous bien ! La bise !