« ...L'opération était secrète et n'a fait aucune victime. Ces événements se sont déroulés à quelques mètres de ce studio. Mais personne n'a été alerté du danger. Et cela pose la question de l'identité de cet androïde. S'agit-il d'un individu isolé ou d'un groupe organisé ? Est-ce un accident isolé... ou le signe que la technologie est devenue une menace pour nous tous ? Après ce qui s'est passé aujourd'hui, pouvons-nous encore faire confiance à nos machines ? »
Natalia baissa le volume de la radio alors que le taxi approchait du siège de CyberLife. Elle leva les yeux vers l'imposante structure, un monolithe de verre et d'acier qui s'étirait vers un ciel tardivement lumineux de fin d'après-midi.
Alors que le véhicule ralentissait, elle prit une profonde inspiration, rassemblant son courage pour affronter ce qui l'attendait. La portière s'ouvrit avec un clic léger, et elle glissa hors du taxi, ses talons claquant sur le trottoir.
Connor la suivit de près, son allure toujours impeccable et son expression neutre.
Ensemble, ils se dirigèrent vers l'entrée principale, leurs silhouettes se découpant nettement contre le grand hall d'entrée baigné dans la lumière dorée du soleil couchant.
— Bordel, j'ai l'impression d'aller présenter mon nouveau petit-copain à mon père.
— « Petit-copain » ?
— C'est une blague, Connor. Ça veut juste dire que je suis angoissée de voir mon père, mais surtout qu'il puisse faire une remarque sur le fait que tu m'accompagnes.
Ils franchirent les portes vitrées du hall où la réception les accueillit avec une familiarité réservée aux visiteurs habituels. Leurs noms furent rapidement vérifiés et autorisés, éliminant la nécessité d'un accompagnement supplémentaire.
Une fois à l'intérieur de l'ascenseur, leur transparence offrant une vue imprenable sur l'intérieur épuré du bâtiment, Natalia sélectionna leur destination sur le panneau de contrôle tactile.
— Natalia Volkova, niveau -45.
— Reconnaissance de voix validée. Accès autorisé au département de Recherche et Développement. Bon retour à CyberLife, mademoiselle Volkova.
— Vous avez un accès privilégié ici ?
— J'ai accès à chaque étage de la tour grâce à Elijah Kamski. En tant que sa stagiaire, je devais le suivre partout, donc tout m'a été déverrouillé et c'est resté comme ça, même après son départ. Comme tous les déplacements sont surveillés, je n'aurais pas d'intérêt à m'aventurer ailleurs que dans le département de mon père.
L'ascenseur ralentit enfin, arrivant avec un doux bip sonore au niveau -45, un étage lumineux et spacieux réservé aux projets de recherche avancée.
La porte s'ouvrit sur un couloir blanc immaculé, où chaque porte avait une plaque de verre indiquant la nature confidentielle des projets traités à l'intérieur.
— On ne visite pas souvent ces niveaux sans raison spécifique, ajouta Natalia en menant Connor à travers les couloirs sécurisés. Chaque département ici a sa propre sécurité, donc même avec mes accès, il y a des limites.
Ils arrivèrent finalement devant une porte épaisse marquée d'un simple nom en lettres noires : « Dr. Mikhael Volkova - Département de Biotechnologie ».
Natalia posa sa main sur le scanner à côté de la porte. Un faisceau lumineux balaya sa paume avant que la porte ne s'ouvre silencieusement, révélant un laboratoire où des écrans affichaient des schémas complexes et où des machines bourdonnaient doucement, travaillant sur des données incompréhensibles pour la plupart mais familières à Natalia.
À peine avaient-ils franchi le seuil que, du fond du laboratoire, une androïde à l'apparence soignée se détacha de son poste de travail et s'avança vers eux avec une démarche fluide et précise.
— Bonjour, mademoiselle Volkova. Veuillez me suivre.
Natalia hocha la tête puis jeta un coup d'œil à Connor, qui observait la scène avec intérêt, analysant probablement chaque détail autour d'eux.
L'androïde les conduisit à travers le laboratoire. Les chercheurs, plongés dans leurs travaux, ne leur prêtaient aucune attention, leur concentration entièrement capturée par les données qu'ils manipulaient. Le cliquetis des claviers et le bourdonnement des équipements remplissaient l'espace, témoignant de l'intensité de la recherche en cours.
— Monsieur Volkova, votre fille vient d'arriver.
Dos à eux et immergé dans ses recherches devant une immense interface de contrôle holographique, Mikhael Volkova semblait commander un orchestre de données et de graphiques animés.
À l'annonce de l'androïde, l'homme d'âge mûr se retourna lentement pour faire face à ses visiteurs. Son regard perçant les détailla un instant avant qu'il ne passe une main dans ses cheveux argentés et réajuste ses lunettes fines.
— Ma plus belle création, articula-t-il d'un ton où l'admiration pour son œuvre surpassait toute chaleur familiale.
Natalia sentit un frisson d'inconfort parcourir son dos à l'entente de ces mots, trop familiers et pourtant toujours aussi distants. Son expression resta neutre, presque aussi inexpressive que celle de Connor à ses côtés, mais ses yeux ne purent cacher une lueur de défiance.
— Pourquoi est-ce qu'un RK800 t'accompagne ?
— Il s'appelle Connor. Il aide tonton à traquer les déviants.
— Ça doit être compliqué de travailler avec un alcoolique dépressif bête comme ses pieds.
Natalia ouvrit grand les yeux face aux mots cruels prononcé en russe par son père avant qu'il ne l'invite à s'allonger sur la table d'examen à sa droite.
— Je veux vérifier l'état de ta pompe à thirium à cause de l'alerte de tout à l'heure. Déshabille-toi.
Elle jeta un rapide coup d'œil à Connor, qui restait immobile à ses côtés. Son père capta l'échange et fronça les sourcils.
— Est-ce que la présence de cet androïde te met mal à l'aise ?
— Non, ça ira, répondit-elle d'une voix ferme, essayant de dissimuler son malaise.
— Un instant, j'ai cru que tu suivais le chemin de ta mère, fricotant inutilement avec ces machines, railla-t-il en russe.
— Ce sont des machines que tu as toi-même conçues, et n'oublie pas que c'est toi qui es à l'origine des modèles 'Traci', destinés aux plaisirs humains.
Mikhael balaya ses commentaires d'un geste de la main.
— Déshabille-toi jusqu'à la taille. Nous devons procéder à l'inspection.
Natalia commença à défaire les boutons de sa veste, puis l'attache de son soutien-gorge. Sa main tremblait légèrement sous le poids du jugement paternel, mais elle se força à maintenir une façade de calme.
Connor observait la scène, son regard neutre cachant difficilement une trace de compassion pour la jeune femme mise à nu devant lui.
Une fois déshabillée, Natalia s'allongea sur la table froide et métallique, ses muscles tendus trahissant son inconfort. Mikhael activa alors une série d'écrans au-dessus de la table, chacun affichant des données biométriques et des schémas de la pompe à thirium.
— Ne bouge pas, ordonna-t-il en ajustant quelques instruments au-dessus d'elle.
Connor se tenait à une distance respectueuse, mais son attention était entièrement tournée vers Natalia. Mikhael, les mains habiles, manipulait les commandes avec une précision mécanique, analysant les données qui s'affichaient en temps réel sur les écrans.
— Ta pompe montre des signes de stress anormaux. Tu as une défaillance technique, commenta-t-il, ses yeux ne quittant pas les moniteurs. Que s'est-il passé ?
Natalia resta silencieuse et déglutit, lorsque son père poussa un soupir.
— Tu es fatigante... RK800, que s'est-il passé ?
— Natalia a été confrontée à un déviant qui l'a attaqué avec sa seringue en plein dans le cœur. Je l'ai retiré avec précision puis, après avoir analysé son état, j'ai administré une dose de thirium de secours pour stabiliser sa pompe et contrebalancer le choc, expliqua-t-il, le regard alternant entre le père et sa fille.
Mikhael hochait la tête, appuyant sur quelques touches pour agrandir une série de graphiques qui montraient des fluctuations anormales dans le fonctionnement de la pompe à thirium.
Jusqu'à ce qu'il fixe Connor d'un regard perplexe, ses sourcils se fronçant légèrement.
— Précisément, où as-tu touché sur son corps ? demanda-t-il, son ton empreint d'une rigueur scientifique.
— Ici, au-dessus du cœur, répondit Connor, pointant du doigt le haut de sa poitrine. Elle portait encore son sous-vêtement. Mon contact a été strictement professionnel, sans atteindre aucune zone inappropriée.
Mikhael acquiesça lentement, son regard toujours fixé sur Connor, puis se tourna vers Natalia, l'expression grave.
— Natalia, je vais devoir accéder directement à la pompe.
— Hein ?
Avant que Natalia puisse montrer la moindre résistance, Mikhael pressa un bouton sur un panneau de contrôle proche de la table d'examen. Instantanément, une aiguille se déploya de l'appareil au-dessus et s'enfonça doucement dans sa peau, libérant une substance transparente dans son système.
Natalia sentit ses paupières devenir lourdes presque immédiatement, sa conscience commençant à s'obscurcir.
— Détends-toi, cela ne prendra pas longtemps, murmura Mikhael, surveillant attentivement les moniteurs.
Quelques secondes plus tard, elle sombra dans l'inconscience, sa tête basculant légèrement sur le côté. Mikhael vérifia les signes vitaux sur les écrans avant de se tourner vers un autre panneau de contrôle.
Il tapa une série de commandes complexes, et bientôt, les grandes vitres transparentes qui donnaient sur le laboratoire devinrent opaques, et un léger bourdonnement indiqua à Connor, en plus de son analyse sur les caméras, qu'elles avaient été désactivées.
— La procédure nécessite une confidentialité absolue, dit-il à Connor. Les informations concernant l'état de Natalia et les technologies utilisées ici ne doivent pas quitter cette pièce.
Connor acquiesça, son regard balayant la salle pour s'assurer qu'aucun autre dispositif n'était actif jusqu'à ce qu'il ne puisse plus cacher sa surprise.
Le scientifique venait de révéler plusieurs interfaces de connexion qui n'étaient pas visibles auparavant sur la peau de sa fille. Sur son flanc droit, un panneau de maintenance finement incrusté dans sa peau s'ouvrit, révélant une série de circuits complexes et de biocomposants.
— Vous avez remplacé une partie de son anatomie par des composants cybernétiques.
Connor fixa le visage endormi de Natalia et se souvint de toutes ses paroles et ses doutes sur son humanité et sa vie, avant de revenir au visage impassible de Mikhael Volkova et de murmurer :
— Vous êtes en train de faire de votre fille une androïde... et elle n'en a même pas conscience.
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