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Sacrifice.

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« Potter ! » La course de Tom stoppa soudainement et Harry l'entendit tousser douloureusement. Il s'arrêta à son tour, tournant toujours dos à son poursuivant. Si Tom avait voulu le tuer, il aurait eu mille possibilités, mais cette tête de mule s'acharnait à lancer ses sorts de sorte à ce qu'ils ne l'atteignent jamais.

Harry aurait préféré qu'il se batte réellement, qu'il veuille sincèrement le tuer comme il l'avait fait… plus tard. Ça aurait été plus facile : il aurait pu répondre en… légitime défense. Mais il s'était contenté de la course-poursuite, lançant de temps en temps un sortilège en direction d'Harry comme un vague avertissement auquel il ne croyait pas plus que ça.

Ce n'était pas l'attitude d'un grand mage noir et cela ne déclenchait en Harry aucun désir combatif.

« Potter. – répéta Tom entre deux quintes de toux – Tu ne peux pas fuir éternellement. »

Harry serra les dents. Il avait raison, mais la fuite était… plus simple.

« Potter. Regarde-moi. »

Harry se retourna et… oh, il n'aurait pas dû. Tom le regardait, le souffle court. Non seulement la blessure que l'ours lui avait causée s'était réouverte, mais Harry n'avait pas manqué sa cible avec son 'diffindo' et le sort lui avait lacéré toute l'épaule.

Tom fit un pas en avant : « Tu sais qu'il n'y a qu'une seule façon de m'empêcher d'obtenir ce que je veux. Et je sais que tu en es incapable. Il suffit de voir l'air terrorisé que tu as affiché quand tu t'es rendu compte que tu m'avais blessé. Tu n'es… pas capable de me faire du mal. Alors, donne-moi l'artefact et j'oublierai… ta petite rébellion. »

Tom s'approchait lentement, un pas après l'autre, son regard fixé sur Harry avec une intensité troublante. Harry détourna les yeux et son regard se posa sur le diadème de Serdaigle qu'il tenait toujours entre ses mains. Il sentit son cœur battre la chamade. Il fallait… faire ce choix… maintenant : « Tu as raison, Tom. Tu as raison et tu as tort. Oui, je suis incapable de te blesser ou de te tuer. – Il releva un regard décidé sur son compagnon – Mais ce n'est pas la seule solution. Je ne t'ai jamais considéré comme mon sacrifice. »

Tom esquissa une grimace d'incompréhension : « Quoi ? »

Harry tendit les bras devant lui et le bijou scintilla sous le froid soleil de décembre : « Il y a un autre moyen de te faire entendre ma voix. De toute façon, je n'ai jamais aimé impliquer d'autres personnes que moi-même. »

Tom commençait probablement à comprendre car il ouvrit lentement la main en un avertissement muet : « Je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais quoi que ce soit, ne fais rien de stupide. »

Harry lui sourit : « Ce n'est pas vraiment comme si tu me laissais d'autres options, n'est-ce pas ? » Et il leva doucement les bras au-dessus de sa tête.

Tom fit un nouveau pas vers lui et sa voix trembla légèrement : « Potter. Ne fais pas ça. Ça pourrait te tuer. Tu as vu par toi-même ce que cette magie à fait à toute une forêt. N'imagine pas que tu t'en sortiras indemne si tu fais ça. Qu'est-ce que tu comptes prouver exactement ? »

Harry eut un rire léger : « Prouver ? Mais rien du tout, Tom. Non, je veux juste que tu m'écoutes, pour une fois. Je suis prêt à en assumer les conséquences, quelles qu'elles soient, et ce depuis le moment où tu es entré dans ma vie. »

Tom serra les dents : « Très bien. Je t'écoute. »

Harry pencha légèrement la tête sur le côté : « Tu sais, quand tu mens, cette minuscule fossette qui apparaît au coin droit de ta bouche te trahit. Merci de me dire ce que j'ai envie d'entendre. Si seulement c'était aussi simple... Mais je te connais trop bien, malheureusement, et je sais que tant que tu ne seras pas au pied du mur tu continueras à n'en faire qu'à ta tête. Alors marque cette date dans ta mémoire, car c'est aujourd'hui que le grand Harry Potter va t'empêcher de faire la plus grosse connerie de toute ta vie. C'est aujourd'hui que je vais… sauver ce qu'il reste de toi. »

Et, sans attendre de réponse, alors que Tom se précipitait vers lui, il plaça le diadème sur sa tête.

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Un frisson parcourut son corps alors que l'artefact magique s'imbriquait dans son esprit et la douleur l'assaillit au moment même où le métal froid touchait son crâne.

Il tomba à genoux, ses mains agrippant ses tempes dans une tentative désespérée de contenir l'orage qui grondait dans son esprit, la bouche ouverte dans un hurlement muet.

Le diadème lui révélait un flot incessant de connaissances, une avalanche de savoir qui déferlait sur sa conscience comme un torrent indomptable. Des images, des pensées, des souvenirs jaillissaient dans son cerveau, comme des éclairs de lumière aveuglante, chaque fragment de connaissance apportant avec lui une souffrance inimaginable.

Harry se sentit submergé, dépassé par l'ampleur de ce qu'il recevait. Les flashs se succédaient à une vitesse vertigineuse, la mémoire collective de l'humanité, la sagesse millénaire de la Terre, les secrets de l'univers lui-même.

Mais un tel savoir était bien trop lourd à porter pour un esprit humain, aussi puissant soit-il.

Son nez, ses yeux, ses oreilles saignaient… la douleur était indescriptible, déchirante, comme si son cerveau était sur le point d'exploser sous la pression de l'information. Pendant un instant qui sembla durer une éternité, il fut plongé dans un abîme de désespoir.

Tom se précipita vers Harry avec une hâte désespérée et ses doigts se refermèrent sur le diadème qui lui enserrait toujours le crâne. D'un geste brusque et plein de rage, il arracha l'artefact, le jeta au loin et invoqua un Feudeymon ; contrairement aux craintes d'Harry, un peu plus tôt, Tom maîtrisait parfaitement le sort et le bijou se racornit et fondit en grésillant sous sa chaleur infernale sans réduire en cendres le reste de la forêt.

Il rattrapa de justesse le corps de Harry qui s'effondrait, inanimé, dans ses bras. Une grimace de panique déforma son visage alors qu'il observait celui de son compagnon, ses traits tirés par la douleur, pâle comme la mort. « Espèce d'imbécile ! Je t'avais dit de ne pas le mettre ! »

Mais Harry ne répondit pas. Son corps semblait flotter dans un état de semi-conscience et ses yeux vitreux ne réagissaient à aucune parole. Dans le silence pesant de la forêt, Tom le pressa contre lui, une lueur d'angoisse dans les yeux.

Tout cela n'avait duré que le temps d'un souffle, mais cette toute petite minute venait de sceller la fin de leur histoire.

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Un croassement retentit et Tom leva des yeux désespérés vers la cime des arbres. La créature plana lentement au-dessus d'eux avant de se poser légèrement sur la terre battue. Puis un craquement sec tordit la tête de l'oiseau et une petite main s'extirpa de son bec ouvert.

« J'ai horreur des oiseaux. » La chose s'arracha totalement à la carcasse de l'animal et sembla se déplier dans l'espace, comme une poupée que l'on gonfle d'air. Une silhouette humanoïde apparut : de longues jambes enveloppées d'un collant de résille, de longs cheveux semblables aux toiles d'araignées et des yeux capables d'engloutir le monde entier. Mais Tom ne sembla pas impressionné par le miracle qui venait de s'accomplir devant lui. Le regard toujours rivé sur Harry, il demanda dans un murmure rauque : « Harry a dit que vous étiez un Dieu. Alors sauvez-le. »

La déité tapota du bout du pied le corps inanimé d'Harry : « Oui… oui, voyons… Pourquoi je ferais ça, exactement ? »

Tom lui jeta un regard de rage pure et il s'étrangla : « Pourquoi ? Pourquoi ? »

»Elle« lui sourit et sa myriade de petites dents scintillèrent brièvement : « Faites-le vous-même. »

La mâchoire de Tom se contracta : « Je ne connais pas… de sort… de soin. Alors… je… vous… en prie. » Les mots sortaient difficilement.

La créature s'accroupit pour se mettre à leur niveau et les fixa avec ennui : « Je n'ai que faire de vos prières, pour tout dire. Je suis… un peu plus ambitieux que ça. D'ailleurs, je croyais qu'il n'était pas capable de vous faire du mal ? C'est bien ce que vous lui avez dit, tout à l'heure, non ? »

La baguette de Tom jaillit soudainement et la pointe de celle-ci se plaqua sur la tête blanche de la déité : « Vous pouvez le sauver. Faite-le. »

« Je peux… beaucoup de choses. Mais… ça là… (»Elle« pointa du doigt Harry) c'était franchement une mauvaise idée. Vous voyez un micro-onde ? Non. Attendez, laissez-moi être plus précis. Vous voyez un œuf, dans un micro-onde ? (Tom ne voyait pas.) Et bien, ça cuit, ça cuit, et pouf, ça explose. »

Tom désigna du doigt ce qui restait du diadème : « Je l'ai retiré ! Je l'ai détruit ! »

La créature lui jeta un regard plein de pitié : « Oh ? Et vous pensez sérieusement que parce que vous avez fait ça, ça a arrêté la cuisson ? Mon pauvre enfant, toute cette naïveté est si touchante. Dire qu'il va mourir par votre faute. Seulement parce que vous n'avez pas voulu… l'écouter. Quelle tristesse. La vie humaine tient à peu de chose, hein ? »

Le souffle de Tom se coupa dans sa poitrine : « Il n'est pas… encore mort. »

« Non, pas encore… » et »Elle« jeta au corps d'Harry un regard de dégoût pur.

« Dites-moi… ce que vous voulez. Je ferais… ce que vous voulez. »

« Oui. Évidemment que vous le ferez. Mon enfant, un petit conseil à l'avenir : évitez de montrer si facilement vos faiblesses. Des personnes peu recommandables pourraient vous entendre et profiter de vous. Heureusement qu'il n'y a que moi ici, en ce moment. - »Elle« s'assit sur un rocher et croisa les jambes avec désinvolture – Comme je vous le disais tout à l'heure, j'ai… de l'ambition. Vous savez ce que c'est, n'est-ce pas ? J'en ai marre de ma condition actuelle. J'aimerai m'élever un peu… plus haut. » Et »Elle« pointa le ciel du doigt.

« Et pour ça, vous avez besoin de moi… »

La créature rit légèrement : « Non, pas vraiment, non. Je me suis juste dit que ça pourrait être… amusant. Je mourrais d'envie de voir la tête des vieux croulants si un humain dans votre genre en venait à… »

Tom l'interrompit, impatient : « Et qu'est-ce que j'y gagne ? »

»Elle« leva un sourcil amusé : « Oh non, la question est mal posée. Ce que vous devriez vous demander c'est plutôt : 'qu'est-ce que je ne perdrais pas, en faisant cela ?' »

Tom baissa les yeux sur Harry avant de capituler : « Très bien. »

« Non, non, non ! Ça ne suffit pas, n'est-ce pas ? Votre parole n'a que peu de valeur. Nous savons tous les deux que si je ne vous mets pas quelques chaînes aux pieds, vous ne respecterez jamais votre part du marché. Tenez. Tendez votre main, mon enfant. »

Et Tom obéit en silence.

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