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Legilimancie.

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Harry ouvrit grand la bouche et expira longuement. La luminosité l'aveugla un instant, puis quand ses yeux s'habituèrent à la lumière du jour, il put enfin discerner Tom penché sur lui.

Il était mort. Il en était certain. Il sentait encore son cerveau exploser sous la magie du Diadème. Comment un truc aussi dangereux avait-il pu être laissé sans surveillance dans une école ?

Il était mort et puis… et puis quelque chose l'avait ramené. L'avait extirpé de force des limbes. Et c'était tout sauf naturel : il sentait que son corps… n'appréciait pas ce traitement. Oui c'était quelque chose comme ça : son corps était resté mort et son cerveau… sa conscience n'allait pas tarder à suivre.

« Merde, Tom. Qu'est-ce que tu as fait. » Sa voix était rauque, comme s'il s'éveillait d'un long sommeil.

Tom ne répondit rien mais un intense soulagement se lut sur son visage. Harry essaya de se redresser mais il était beaucoup trop faible pour cela et les bras de Tom l'enserraient beaucoup trop fort. À la place, il se contenta de lever une main pour replacer une mèche de cheveux qui tombait devant ses yeux sombres. Il eut un sourire pâle : « Mince, mon Lord, vous n'êtes pas vraiment au mieux de votre forme… »

Tom baissa la tête et son expression devint indéchiffrable : « Harry… pourquoi refuses-tu que je… avec plus de pouvoir, j'aurai pu mettre le monde à feu et à sang pour toi. »

« Et ce n'est pas ce que je te demande. Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'un monde entier quand je n'arrive même pas à gérer ma propre vie ? »

Tom grimaça et Harry noua ses deux mains autour de son cou pour l'attirer à lui, jusqu'à ce que leurs deux fronts soient plaqués l'un contre l'autre : « Je t'ai promis quelque chose, quand on s'est rencontré. – Les yeux de Tom n'avaient jamais été si sombres, comme si un trou-noir les avait engloutis. – Tu voulais savoir… alors je vais… te montrer pourquoi je ne veux pas… que tu continues dans cette voie. »

Quand il abaissa enfin ses barrières, Tom pénétra doucement dans ses souvenirs, avec une délicatesse qui le surprit. Au lieu de se sentir envahi ou menacé, il ressentit une étrange tranquillité, comme si c'était l'ordre des choses. Après tout, n'avait-il pas toujours vécu avec ce garçon – cet homme – dans un coin de sa tête ?

Harry s'était arrangé pour reclasser sa vie comme il l'entendait et c'était comme si le temps lui-même en avait été détraqué, commençant par la fin et remontant lentement vers le début : il y avait tout d'abord lui, à presque trente ans, dans son petit appartement londonien, en train de rendre ses trippes dans le pot d'une plante.

Puis l'image se troublait et ils assistaient à cette bataille : la dernière que son 'lui d'avant' avait dû mener. Tout n'était que carnage. C'était… difficile de revivre ça. Puis Voldemort apparut, plus hideux encore qu'auparavant et Tom s'éjecta soudainement des souvenirs : « Putain ! Harry ! Qu'est-ce que c'est que ça ! »

Harry n'avait pas détaché ses mains du cou de Tom, de sorte que celui-ci ne put pas fuir plus loin. Il essaya de prendre la voix la plus douce qu'il avait en stock : « Tom… Tu le sais déjà, n'est-ce pas ? Cet homme que tu as vu, c'est Lord Voldemort. C'est toi. C'est toi dans cinquante ans. »

Tom eut un ricanement rauque : « Ne dis pas… n'importe quoi. Ce n'est pas possible. Je ne peux pas… ça ne peut pas… tu n'es… » Il ne trouvait plus ses mots.

Harry l'aida : « Tout ce que je t'ai dit… ce n'était pas qu'une fable. Je ne suis pas vraiment de cette époque. Et je t'ai tué en 2008, lors de la Der des Der. Tu veux bien… voir le reste, s'il te plait ? »

Et le reste n'était guère mieux : Voldemort traquant Harry sans relâche, le soumettant à d'atroces tortures. Harry, de 16 ou 17 ans à peine, simulant sa propre mort pour sauver sa vie.

Puis, leurs esprits remontèrent encore dans le temps : Voldemort émergeait d'un cimetière sombre, se métamorphosant en cette abomination qu'il était destiné à devenir, sacrifiant un enfant innocent devant les yeux de Harry.

Les images tremblotèrent un instant et il distinguait désormais Harry, si jeune, combattre le basilic et lui trancher la tête, planter son croc dans le journal et il voyait Harry parler à son lui de seize ans.

Il se voyait gangréner la tête d'un professeur pour se nourrir du sang de licorne.

Il observait Harry, frêle enfant, relégué dans un placard sous l'escalier d'une maison moldue, victime de la cruauté de ses proches.

Puis il voyait un nouveau-né pleurant. Le corps d'un homme au sol. Une femme le suppliant. 'Ne tuez pas mon enfant – avait-elle dit – Ne tuez pas Harry. »

Puis… puis…

Harry, qui avait senti que Tom observait attentivement chaque détail, absorbant chaque émotion, chaque pensée qui se dégageait de ses souvenirs, perdit la connexion à ce moment précis.

Il avait fui, tout simplement. Harry rouvrit ses yeux qu'il ne se souvenait pas avoir fermé. Il était si fatigué. Tom le regardait d'un air ahuri, plus pâle encore que d'habitude, et, quand il relâcha doucement son étreinte, il recula d'un pas.

Harry sentit une vague de compassion le submerger et il tenta de relativiser : « Ce n'est pas si... »

« Pas si quoi, Potter ? - Tom l'avait coupé d'une voix tremblante. - Quand tu disais que quelqu'un avait assassiné tes parents... en fait, tu parlais de moi ? J'ai... toute ta vie, je l'ai... » Il fut incapable de finir sa phrase et recula d'un nouveau pas.

Harry tendit une main vers lui, essayant de l'atteindre : « Ce n'est pas encore arrivé. Tu as encore la possibilité de changer ce futur-là. »

Mais Tom resta silencieux, son regard vide fixé sur le sol. Quelque chose tremblota autour de lui. Quelques instants plus tard, un voile noir, fin, presque translucide, l'entoura.

Harry sentit une boule d'angoisse se former dans sa poitrine. Il s'approcha de Tom avec précaution, tentant désespérément de percer cette muraille de silence qui l'entourait : « Rien n'est encore inscrit dans le marbre. On a déjà commencé à changer l'avenir, ensemble. »

Il tendit les doigts mais, quand il frôla l'étrange barrière autour de son compagnon, un éclat de douleur le traversa. Il était… rejeté. Un grognement de rage sortit de sa gorge : « Tu n'as pas le droit de faire ça. Tu n'as pas le droit… après ce que tu as fait, de me laisser là, de m'empêcher de t'atteindre ! »

Mais Tom n'entendait probablement déjà plus. Il demeurait immobile, figé, son souffle devenu presque imperceptible. Les veines noires palpitaient sur son corps, serpentant avec une lenteur dérangeante jusqu'à atteindre son visage, injectant ses yeux d'une brume sombre. Son regard était vide, comme si son esprit avait été enveloppé par les ténèbres.

L'obscurité qui l'entourait s'opacifia, se resserrant autour de lui tel un étau, créant une gangue sombre qui semblait l'emprisonner de plus en plus étroitement.

« Si vous ne faites rien, il ne reviendra pas. » Harry releva les yeux pour voir cette déité l'observer avec tranquillité. Il essaya de se relever avec difficulté mais sa vue se brouilla et une nuée d'étoiles envahit son champ de vision. Il tituba sous l'effort. « Mais si vous faites quelque chose, c'est vous qui ne reviendrez pas. »

Il s'agenouilla devant Tom et répondit d'une voix tranquille : « De toute façon, je ne devrais déjà plus être ici, n'est-ce pas ? - La créature lui sourit aimablement – Laissez-moi juste… assez de temps pour le ramener. »

« Ainsi soit-il, mon Enfant. »

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