Résumé du chapitre précédent :
Lysander Maxwell, l'avocat de Harry, met la main sur un acte de propriété magique pour la maison de ses grands-parents, Fleamont et Euphemia Potter. Malgré la difficulté de retourner à Eridge Green après y avoir perdu Rowan, Draco et Harry décident d'aller y jeter un nouveau coup d'œil. Ils sont accueillis par des Moldus, Alan et Claudia Gibson, qui ont conservé énormément de choses ayant appartenu au couple et à James. Harry et Draco repartent les bras chargés de photos et d'un portrait malheureusement non magique. Harry demande aux Gibson de lui vendre la maison, même si, pour ménager Andromeda, il prétend ne pas souhaiter y habiter.
A la fin du mois de mars, Draco découvre qu'il attend un enfant et en informe immédiatement Harry
Avril 2004
Draco quitta le bureau du directeur de l'hôpital après la discussion la plus humiliante qu'il ait eu avec lui en cinq ans, et se retint de claquer la porte derrière lui. Il en avait pourtant eu son lot. Mais entendre Malcolm lui demander ce qu'il comptait inventer d'autre par la suite pour se rendre intéressant l'avait rempli d'une rage teintée d'une tristement familière honte.
Il s'arrêta au milieu du couloir administratif au bout de quelques pas et souffla doucement en levant le poignet pour regarder sa montre. Au moins avait-il obtenu confirmation qu'il pouvait poursuivre ses études et passer ses examens si ça lui chantait.
« Connard, » murmura Draco entre ses dents avant de prendre une grande inspiration.
Il la regretta aussitôt et détourna le visage en fermant les yeux avec une grimace. Il n'avait aucune idée de ce qu'il sentait, son odorat lui jouait des tours depuis une semaine, mais c'était infâme et pourtant probablement quelque chose d'aussi inoffensif que le parfum d'un passant ou le fumet d'un thé préparé dans la petite salle de pause voisine. Il se remit en marche dans la direction des escaliers. C'était bien sa veine d'être ainsi affecté, lui qui avait déjà le nez si sensible.
« Guérisseur Tonks, » le salua le Guérisseur Denver, qui avait la direction du Département de Pathologies des Sortilèges depuis la création du Service des Urgences Magiques sous la houlette de McLaggan. « Vous n'êtes pas dans mon service ce matin ? » demanda-t-il en sortant de son bureau.
« Si, je m'y rendais, » l'informa-t-il alors que l'autre homme verrouillait sa porte, un paquet de dossiers sous le bras.
« Vous vouliez me dire quelque chose ? »
Draco le fixa avec interrogation et se demanda comment et pourquoi le directeur de l'hôpital l'avait informé de sa grossesse alors qu'il venait juste de lui dire de faire ses annonces lui-même, puisqu'il aimait tellement se donner en spectacle. Puis il comprit que Denver le croyait à cet étage pour rejoindre son bureau.
« Heu, non, je passais juste, » répondit-il simplement. Il était hors de question qu'il informe qui que ce soit d'autre que le Directeur Malcolm avant au moins deux mois, s'il réussissait à contrôler ses fulgurantes nausées jusque-là.
« Oh. Très bien, » émit passivement Denver avec un haussement d'épaules avant de s'engager dans le couloir, Draco à ses côtés. « Puisque vous êtes là, prenez vos dossiers, » dit-il en séparant sa pile pour lui en donner un petit paquet.
Curieux, Draco commença à les feuilleter. Apparemment, Calvin Navenby s'était pris un vicieux Reducto qui avait ciblé son triceps brachial et s'était implanté trop profondément pour être efficacement retiré. Sa blessure l'empêchait d'étendre le coude et le faisait hurler de douleur dès qu'il tentait de bouger l'épaule.
« C'est son bras dominant ? » demanda Draco alors qu'ils atteignaient les escaliers, et Denver jeta un coup d'œil à ce qu'il lisait. « Comment est-ce qu'il s'est fait ça ? » s'interrogea-t-il encore à voix haute. Le nom de ce patient lui disait quelque chose. Il lui semblait qu'il s'agissait d'un Sang-Pur réparti à Serdaigle quelques années après lui.
« Il n'a pas voulu dire comment il s'est fait ça, » poursuivit le directeur du service de pathologies des sortilèges. « Et non, ce n'est pas son bras dominant, ce qui est effectivement étrange. »
« Oui, c'est plutôt le bras tenant la baguette qui est ciblé lors d'un duel… » murmura Draco pour lui-même. Il ne voyait pas d'autre contexte que celui d'un combat pour recevoir un Reducto.
« Je ne comptais pas vous confier ce dossier, à vrai dire… » reprit Denver d'un ton embarrassé, la main sur la rampe de l'escalier. « Pas que je doute de vous mais plutôt du fait qu'il accepte que vous le soigniez. »
Draco lui jeta un coup d'œil fatigué, puis expira par le nez et referma le dossier qu'il lui avait confié par erreur pour le lui rendre. Il avait appris à ne pas discuter lorsque ses tuteurs lui déconseillaient de prendre un patient, aussi intéressant le sujet soit-il. Ça lui évitait l'humiliation qu'on exige qu'il sorte de la salle.
« Désolé, » soupira Denver en remettant le dossier dans sa pile. « Entre nous, ce n'est pas une grosse perte pour vous, il est exécrable, » dit-il à voix basse alors qu'ils atteignaient le palier de son service.
« Est-ce que je pourrai lire le dossier quand vous en aurez terminé ? Ça m'intéresserait de savoir comment vous allez traiter ça. »
« Bien sûr. Mais je pense que je vais m'en servir de support pour le cours que je donne à votre année la semaine prochaine, quelle que soit l'issue du dossier. C'est un bon cas d'école, » approuva Denver. « La Guérisseuse Everlorn est en salle 4, vous pouvez commencer par-là, » ajouta-t-il en mentionnant une titulaire un peu plus âgée que Draco.
Ce dernier hocha la tête, et, ses dossiers sous le bras, s'éloigna dans la direction indiquée.
Il passa les trois heures suivantes dans le service. La plupart des dossiers ne lui apprirent rien, mais au moins les patients qu'il traita avec la Guérisseuse Everlorn et le Guérisseur Salmar ne firent ni mine de l'insulter ni de lui demander de sortir. Il eut son habituel lot de coups d'œil curieux et méfiants, mais rien qui ne l'empêchait de travailler efficacement. Son dernier cas l'avait néanmoins laissé perplexe, car ce qu'ils avaient cru être un simple sortilège d'inversion de mots s'était avéré résistant au contre-sort. Pressé par le temps et par son estomac, il dut néanmoins baisser les bras et passer le flambeau à l'étudiante de quatrième année qui démarrait son service.
Il mangea à la cafétéria de l'hôpital, et puisque ses camarades étaient soit de repos soit coincés dans leurs affectations respectives, il se laissa absorber et perturber par les nouvelles nominations au Magenmagot annoncées par la Gazette du Sorcier. Les conservateurs prenaient énormément de terrain. Il ne donnait pas cher du peu de décrets qui avaient réussi à passer depuis la guerre pour éliminer le favoritisme fait aux Sang-Purs dans l'attribution des postes ministériels.
Il rejoignit ensuite le SUM, où McLaggan l'expédia immédiatement au sous-sol pour ravitailler le service en potions comme s'il n'était qu'un nouveau venu traînant dans ses pattes. Irrité, il transplana aux vestiaires pour gagner quelques minutes. Il dût néanmoins admettre qu'il était logique que le chef de service envoie une personne n'étant pas encore occupée pour ce genre de tâches ingrates, plutôt que d'extirper un de ses autres employés de l'urgence qu'il était en train de gérer.
Il atteignit rapidement le service d'apothicaire de l'hôpital, qu'il aurait pu rejoindre les yeux fermés, uniquement guidé par son nez. Fort heureusement, il n'avait pas à entrer dans les laboratoires de confection et de recherche, uniquement dans la réserve. Il attrapa un chariot en métal qui trainait sous l'escalier et le poussa jusqu'à la porte avant d'insuffler sa signature magique à la poignée. Celle-ci se déverrouilla bruyamment et il put alors pousser la porte avec son dos tout en tirant le chariot pour le faire entrer dans la pièce.
Il y faisait frais et l'odeur d'herbes et d'ingrédients d'origine animale y était moins puissante, malgré la quantité de fioles rangées dans de hautes étagères en bois qui envahissaient la pièce.
« Oh, Tonks, » s'étonna la voix de Michael alors qu'il peinait à faire effectuer un demi-tour à son chariot à cause du mécanisme trop raide de ses roues.
« Corner, » le salua-t-il, surpris, en le voyant devant l'étagère réservée aux potions Tue-Loup où il était vraisemblablement occupé à étiqueter des fioles. « Tu es puni ? »
C'était plutôt dans les laboratoires que Michael était de service, habituellement.
« Non. Je finalise mon œuvre, » fit-il crânement en désignant le rayon devant lui.
« C'est toi qui as préparé la potion ? » demanda Draco, impressionné. Le Tue-Loup était notablement difficile à produire, et les fioles de Ste-Mangouste l'étaient d'autant plus, puisque affinées pour l'utilisation spécifique de patients de l'hôpital atteints de Lycanthropie et d'autres pathologies concomitantes.
« Ouaip. »
« Impressionnant, » accorda Draco, mais il dût néanmoins ricaner de l'expression fière de Corner. « N'y prends pas goût. »
Michael roula des yeux et se détourna de lui pour reprendre son étiquetage.
« Tu ravitailles le SUM ? » lui demanda-t-il alors qu'il poussait le chariot sous l'étagère des anti-douleurs. « Il y a l'air d'y avoir de l'action, là-haut. »
« Aucune idée, j'ai à peine eu le temps d'y mettre un pied, » admit Draco en attrapant quatre fioles par main. Il les coinça entre ses doigts et les déposa à l'étage inférieur du chariot dans un cliquetis de verre. « Pourquoi tu dis ça ? »
« Il y avait un monde fou dans la salle d'attente quand j'y suis passé en rentrant de déjeuner, »
« C'est donc pour ça que je ne t'ai pas vu ce midi, » s'amusa-t-il en reprenant huit potions.
« Oh, je t'ai manqué ? » railla Corner.
« Comment veux-tu que j'arrive à te faire m'appeler par mon prénom si tu n'honores pas au moins nos déjeuners informels ? » plaisanta Draco en se redressant, les mains libres, pour aller attraper des potions de régénération sanguine sur l'étagère d'en face.
Michael eut un rire surpris qui se termina presque comme un grognement de cochon.
« Laisse tomber, Mal-Tonks-Foy, tu n'y arriveras jamais. »
Draco pouffa légèrement et déposa ses fioles en bas du chariot.
« Joli, » avoua-t-il.
« Un peu difficile à prononcer mais oui, j'aime bien, » rigola l'ancien Serdaigle.
Draco poursuivit son avancée dans la réserve et récupéra de l'Essence de Dictame, quelques fioles de potion de force, du Poussos, des potions Coup-de-Fouet, des solutions d'hydratation express, quelques Wiggenweld, des onguents anti-brûlures et des philtres calmants.
Puisqu'il devait de toute façon le faire pour permettre au chariot de gravir les escaliers, Draco en activa la lévitation et le poussa dans les airs pour retourner près de la porte.
« Dis… » commença Corner d'un ton étrangement sérieux sans pour autant se tourner vers lui. « C'est pas un peu dangereux pour toi de descendre ici ? Avec tout ce qu'on respire. »
Surpris, Draco ralentit le pas jusqu'à s'arrêter à quelques mètres de lui. Il n'avait rien dit à ses camarades de promotion et il était revenu en cours le lendemain de sa fuite dans les toilettes comme si de rien n'était. Personne ne lui avait posé de question, mais ils n'étaient pas stupides.
« Ce n'est pas plus dangereux pour toi que pour moi, » fit-il remarquer.
Michael tourna la tête dans sa direction, la moitié de son visage songeur caché par ses raides cheveux noirs, puis haussa les épaules en finissant d'apposer une étiquette sur une fiole.
« Certes, » admit-il.
« Mais merci, » poursuivit sincèrement Draco, touché par l'inquiétude d'une personne qui, malgré ses opinions tranchées et son caractère bien trempé, avait fait beaucoup d'efforts pour finalement le voir comme un égal.
Corner le regarda à nouveau, un sourcil haussé et une moue sarcastique sur le visage.
« N'y prends pas goût, » lui renvoya-t-il dans les dents, et Draco rit en poursuivant son avancée vers la porte.
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« Alors, comment ça s'est passé ? » demanda Andromeda à peine fut-il entré dans la cuisine après avoir salué Teddy dans le salon, très certainement au sujet de son rendez-vous avec le directeur.
« Hmm… Bien. Même s'il est odieux, » répondit-il en s'approchant de l'évier pour attraper un torchon pendu à la poignée de porte d'un placard.
« N'est-ce pas, » soupira-t-elle. « Et c'est tellement dommage. Il est intelligent, c'est un excellent gestionnaire, personne n'a à se plaindre de son travail ni de son organisation mais… Dès qu'il ouvre la bouche, on a envie de lui en coller une. »
Draco rit un peu et attrapa une casserole posée à l'envers sur l'égouttoir pour l'essuyer.
« Et toi, ta journée ? » lui demanda-t-il alors qu'elle frottait énergiquement une poêle.
« Oh, classique. Rien d'extraordinaire… » répondit-elle évasivement.
« Tu as travaillé sur la blessure de Navenby ? » interrogea Draco en faisant le tour du fond de la casserole avec son torchon. Il n'avait pas du tout vu sa tante pendant sa rotation aux Pathologies des Sortilèges, et avait supposé qu'il lui avait été assigné.
« Non, » lâcha-t-elle presque sèchement avant de soupirer. Elle stoppa ses gestes mais garda ses deux mains dans l'eau pour se tourner vers lui avec une expression excédée. « Tu sais que ce sale petit morveux m'a demandé de sortir de sa chambre quand je me suis présentée ? »
« A cause de moi ? » supposa-t-il avec malaise.
« A cause de sa propre stupidité et de son horrible éducation, » corrigea-t-elle avec véhémence. Elle reprit son furieux nettoyage de la poêle. « Heureusement qu'Andrew m'a fait sortir de sa chambre, j'étais prête à lui proposer une amputation express. »
Draco se mit à rire avant de subitement s'arrêter et de fixer le profil de sa tante avec surprise, puis amusement.
« Andrew, hm ? » répéta-t-il narquoisement le prénom du Guérisseur Denver.
Andromeda haussa un sourcil et lui coula un regard noir qui manquait néanmoins de froideur. Il était de toute façon, même au pire de sa mauvaise humeur, bien moins effrayant que celui de Bellatrix.
« Il a été mon collègue pendant vingt ans avant d'être mon chef, » fit-elle remarquer.
« Urgh, c'est vrai, » concéda-t-il avec déception. « Même pas drôle. »
« Mais il est divorcé. Et plutôt pas mal pour un vieillard de mon âge, » prononça-t-elle néanmoins d'un ton joueur.
« Andromeda ! Pas ton patron ! » fit semblant de s'outrer Draco pendant que sa tante ricanait.
Il plaisantait, bien sûr. Mais cela faisait six ans que Ted était mort, et bien que sa disparition la fasse toujours souffrir, la blessure n'était plus aussi fraîche et douloureuse. Même si son mari lui manquait probablement encore beaucoup, Draco et Harry sentaient qu'elle se préparait doucement à l'idée de tourner la page. Et il espérait que ce genre de discussions innocentes lui permettait de comprendre qu'ils approuvaient.
« Tu n'as pas des cours à réviser ? » lui demanda-t-elle d'un ton faussement irrité. Il soupira.
« Si. Mais j'ai besoin d'une pause. »
« Donc… Tu essuies la vaisselle, » nota-t-elle platement alors qu'il posait la casserole et s'apprêtait à prendre la poêle.
« C'est vrai. C'est un réflexe, » réalisa-t-il avec amusement. Il accrocha son torchon au placard, un peu mal à l'aise de la laisser travailler seule alors qu'elle avait vraisemblablement préparé le dîner après sa propre journée à Ste-Mangouste. Mais il avait convenu avec elle et Harry qu'il se concentrerait sur ses études jusqu'au mois de Juin et qu'il était exempté de toute tache sapant son énergie. Essuyer la vaisselle ne rentrait pas vraiment dans cette catégorie, mais quitte à faire une pause, il préférait largement aller s'asseoir avec Teddy.
Son petit-cousin était à genoux devant la table basse, des dessins inachevés devant lui et un crayon gras à la main. Il tourna la tête dans sa direction à son entrée et lui adressa un large sourire. Draco s'assit à côté de lui puis se pencha légèrement pour cogner son bras contre son épaule. Teddy n'était pas très câlin en ce moment, sauf quand il était fatigué, et c'était un peu difficile pour Draco mais encore plus pour Harry de se contenir afin de ne pas l'ennuyer. L'époque où il se jetait dans leurs bras avec bonheur lui manquait.
« Alors, qui est-ce qu'on a ici… » demanda-t-il rhétoriquement en attrapant un des dessins sur la table. Ses personnages n'étaient pas encore très détaillés, mais ils étaient très colorés et facilement reconnaissables. « Harry, Andy… Est-ce que c'est moi ? Je crois reconnaître mon nez, » prétendit-il alors que la couleur de ses cheveux, de ses yeux, et sa taille exagérée l'identifiaient facilement. Teddy rit un peu. « C'est Ron, ça ? Pourquoi est-ce qu'il est plus grand que moi ? » fit-il semblant de ronchonner en désignant la grande perche rousse vêtue du pourpre des Aurors.
« Il est plus grand que toi ! »
« Faux ! Il a juste de plus gros muscles. Ah, ça c'est Victoire… Molly… Fred ? Et là, Roxane ? Et Dominique est au coin ? » rigola-t-il.
« Elle boude, » expliqua Teddy avec un sourire pincé comme pour cacher son rire.
« Et c'est Scorpius, ça ? » demanda-t-il en désignant un petit bonhomme blond dressé sur deux pattes en bâton, étonnement loin de son propre personnage.
« C'est Louis, » corrigea son cousin avec un haussement d'épaules.
« Oh. » émit Draco avant de fouiller le dessin des yeux à la recherche de quelqu'un pouvant représenter son frère, sans succès. Il se retint d'en faire la remarque, mais Scorpius apparaissait de moins en moins souvent dans les œuvres de Teddy. Ce n'était pas surprenant. L'attente était trop longue, et si Remus et Nymphadora étaient presque toujours dessinés, Teddy manquait d'informations et d'histoires pour stimuler son imaginaire et l'inclure sans devoir se projeter dans un avenir incertain. C'était douloureux pour Draco, qui ne passait pas une demi-journée sans penser à son frère, le cœur serré d'angoisse et de tristesse. Mais Teddy avait tellement de monde autour de lui. Comment le blâmer ?
« Pourquoi est-ce qu'il est aussi grand que Dominique ? » poursuivit-il en forçant un rire.
« C'est dur de dessiner tout petit, » s'amusa son cousin.
« Et toi, où est-ce que tu es ? »
« J'avais plus de place, je suis là, » pointa-t-il fièrement sur une autre feuille. « Tu pourras coller les parchemins ? Regarde, j'ai fait Maman et Papa par-là » désigna-t-il tour à tour sur un autre dessin. Et Draco y trouva Scorpius, avec tous les autres absents. Il sourit tristement.
« Pourquoi est-ce que tu es tout seul ? »
« Je voulais dessiner Victoire mais elle est déjà là-bas… » Expliqua-t-il avec une expression ennuyée. « Je ne peux pas la dessiner deux fois. »
« Pourquoi pas ? C'est ton dessin, tu fais ce que tu veux. »
« Hmm… » émit Teddy avant de pointer du doigt les deux petits bruns qui représentaient Fred et Roxane. « Tu peux effacer les jambes de Fred ? Je voudrais recommencer. »
« Pas de problème, » répondit Draco en tirant sa baguette de sa manche pour s'exécuter, même s'il ne voyait pas où était le problème sur le dessin. « Il faut que j'aille travailler un peu. Tu pourras venir me chercher pour manger ? »
« Ok ! »
Draco embrassa ses cheveux qui noircirent et s'épaissirent alors qu'il dessinait ceux de Harry, puis quitta le rez-de-chaussée pour s'installer à son bureau.
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La sensation de quelque chose s'échappant de ses mains le réveilla, et, toujours assis contre ses oreillers et les jambes sous les couvertures, Draco entrouvrit les yeux pour voir Harry grimacer légèrement avec une expression désolée. Hagard, il le regarda refermer le volume qu'il avait été en train d'étudier avant de s'endormir et le poser sur la table de chevet. La faible lumière jaune créait des ombres inquiétantes sur son visage, mais son sourire était doux lorsqu'il lui caressa les cheveux. Les siens étaient mouillés, comme s'il sortait de la douche, ce que confirma l'odeur de savon qui s'infiltra dans ses narines lorsqu'il se pencha sur lui pour l'embrasser.
« Rendors-toi, » l'entendit-il murmurer, et il ne lutta pas contre la sensation de lourdeur de ses paupières malgré son inquiétude d'avoir perdu du temps dans ses révisions. Il avait été stupide de s'installer dans son lit.
Il tâtonna derrière lui pour retirer un oreiller et pouvoir s'allonger.
« Pas de bodo ? » marmonna-t-il.
L'hésitation de Harry avant de répondre fut suffisante pour lui faire rouvrir un œil.
« Rien de grave. Je vais aller voir Andy. Dors, » exigea-t-il en se levant de sa position assise au bord du lit.
Trop fatigué pour protester, Draco ne sut émettre qu'un vague grognement. Il se tourna sur le côté et se rendormit aussitôt.
Il se réveilla à nouveau après un rêve stupide et stressant où Teddy n'arrêtait pas de changer de forme, lui faisant craindre de le perdre dans la foule qui avait envahi la salle des admissions de Ste Mangouste. Il avait ce qui semblait être le poids de la tête de Harry sur un omoplate, son bras en travers de son dos et plié sous ses côtes, et sa main coincée entre son ventre et le matelas, comme si Draco l'avait entraîné avec lui en roulant pour dormir sur le ventre. La position devait être terriblement inconfortable pour lui, mais ce fut néanmoins en essayant de bouger le moins possible que Draco tendit un bras pour attraper son réveil, un sourire aux lèvres.
Soulagé de voir qu'il avait encore du temps pour dormir, il constata néanmoins qu'il n'avait pas activé son alarme et corrigea son oubli avant de laisser retomber son bras. Il se rendormit avec le poids, la chaleur et la magie de Harry contre lui.
Ce fut pourtant seul et avant le déclenchement de son réveil qu'il rouvrit les yeux avant le lever du jour. Il eut à peine une seconde de douce confusion avant d'être foudroyé par une intense nausée qui le propulsa hors de son lit, puis à travers la chambre, le couloir, et enfin la salle de bain où il vomit brutalement dans le lavabo, n'ayant pas eu le temps d'atteindre les toilettes au fond de la pièce.
Les avant-bras collés au comptoir glacé, penché en avant, il toussa entre ses haut-le-cœur et enregistra à peine le rideau de la douche être tiré puis l'eau cesser de couler. Il redressa la tête avec horreur, et son propre visage blafard et ses yeux presque aussi pâles entrèrent dans son champ de vision dans le miroir. S'était-il introduit dans la salle de bain pendant la douche d'Andromeda ?
« Wow, ça va ? » fit la voix de Harry. Draco rebaissa la tête avec soulagement avant de grimacer face à l'odeur du lavabo qui lui souleva à nouveau l'estomac.
« Tip-top, » répondit-il avec ironie et d'une voix rauque en allumant le robinet. Ça ne faisait que trois fois en autant de semaines qu'une telle chose lui arrivait, et il s'estimait heureux de ne pas être plus affligé mais ça ne l'empêchait pas de souhaiter avoir été complètement épargné.
« Désolé, question stupide, » convint Harry en sortant de la baignoire.
Draco n'aurait d'habitude pas eu de vergogne à regarder son corps nu, mais se rincer la bouche lui sembla plus urgent. Il se frotta ensuite le visage à l'eau fraîche puis l'essuya avant d'attraper sa brosse à dent et le dentifrice.
Il se nettoya les dents avec la hanche appuyée contre le comptoir pour regarder Harry se sécher vigoureusement, partagé entre admiration, excitation, et catalogage de ses cicatrices. Il en avait une nouvelle sur la cuisse, très récente et légèrement boursouflée, typique des blessures uniquement guéries par Essence de Dictame. Le sourire coupable de Harry lui fit lever les yeux au ciel. Il se tourna vers le lavabo.
« Tu n'es pas allé voir Andy, » constata-t-il en direction du miroir une fois qu'il eut rangé sa brosse à dents dans le pot de grès sur le comptoir.
Harry, qui enfilait ses sous-vêtements, évita son regard.
« Elle dormait. »
« Crétin. »
« C'est juste une cicatrice de plus. Ce n'est pas comme si ça faisait une grande différence, » souffla-t-il en écartant les bras derrière Draco pour exposer une partie des dommages sur son corps musclé dans le miroir. Celle sur sa hanche, qui quittait sa cuisse pour s'enrouler autour de son bassin jusqu'à rejoindre ses reins, était toujours la plus impressionnante. La blessure avait été bien trop sérieuse pour réussir à lui épargner une cicatrice. Sur son torse, entre les quelques brûlures magiques et les traces anciennes de lacération, les coups de griffes d'un Loup-Garou étaient finalement les moins visibles, simples lignes blanches sur sa peau mate.
« Est-ce que tu l'as nettoyée avant, au moins ? »
« Oui Docteur, » railla Harry. Il attrapa un T-shirt pour l'enfiler. « Comment tu te sens, toi ? »
« Ça va, c'est passé, » assura-t-il malgré son estomac encore serré. « Je vais me laver, tu pars tout de suite ? »
« Non, prends ton temps, » répondit Harry. Il l'attrapa par la hanche pour embrasser sa joue puis quitta la salle de bain.
Le soleil était levé lorsque Draco le retrouva dans leur chambre après sa douche, habillé de la courte tunique et du pantalon pourpre de son uniforme. Il abandonna alors son projet de vite enfiler ses propres vêtements, croyant avoir eu à le rejoindre dans la cuisine, et opta plutôt pour s'installer sur le lit à côté de lui. Il tenta de jeter un coup d'œil curieux aux documents qu'il était en train de consulter, mais Harry les tourna hors de sa vue et les expédia magiquement sous sa robe d'Auror qui traînait sur le fauteuil.
« Tssk, » siffla Draco avec contrariété en se laissant tomber sur le dos. Mais il sourit du contact de sa main chaude qui caressait ses côtes et qui glissa vers le bas jusqu'à s'arrêter sur son ventre.
« Est-ce que tu as pensé à l'incantation d'Animagus ? » l'interrogea-t-il.
« Peut-être, » répondit mystérieusement Harry comme à chaque fois qu'il songeait à lui rappeler de ne pas l'oublier. « Est-ce que tu as faim ? »
« Absolument pas, » exprima franchement Draco en retroussant le nez, avant de frémir lorsque sa main se glissa sous la serviette légèrement humide qu'il portait autour des hanches. « Il faudrait quand même que je mange quelque chose avant de partir, » raisonna-t-il à haute voix, mais il tourna un sourire sournois vers Harry et lui retira ses lunettes. « Mais j'ai un peu de temps. »
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Mai 2004
Draco se frottait doucement le front de la main qui tenait sa tête, et il cligna plusieurs fois des yeux devant le dossier d'une patiente de la veille qui l'avait taraudé depuis. La petite bibliothèque de l'hôpital était calme autour de lui, malgré la présence de nombreux autres élèves aux tables voisines. Seul le grattement de plumes sur les parchemins et le murmure de pages qui se tournent perturbaient le silence.
La vieille porte s'ouvrit alors en grinçant et attira tous les regards, même ceux des plus absorbés et anxieux d'entre eux. Hannah esquissa un sourire crispé et referma la porte derrière elle avant de se déplacer en ligne droite pour le rejoindre au fond de la bibliothèque, à la table la plus isolée qu'ils avaient réussi à obtenir presque deux ans plus tôt après la titularisation des précédents cinquième-années. Il y avait eu un trou dans les promotions, puisque les ASPIC ne s'étaient pas tenus en 1998 à Poudlard et qu'ils étaient absolument obligatoires pour étudier à Ste Mangouste.
« Hey, » le salua-t-elle à voix basse. Elle posa une pile de documents sur le bureau et souleva la chaise en face de la sienne pour s'y asseoir le plus silencieusement possible. « Ça va ? Tu as l'air crevé. »
« Je suis crevé, » admit-il. Il avait énormément de mal à récupérer des gardes de nuit qu'il avait faites en début de semaine, et qui avaient malheureusement été suivies d'intenses journées de cours et d'un service particulièrement épuisant au SUM. Heureusement, le reste de sa semaine était partagé entre le service des empoisonnements par potions et plantes et celui des virus et microbes magiques, deux départements un peu moins demandeurs physiquement et magiquement.
Hannah esquissa un sourire désolé, puis fouilla dans la poche de sa blouse pour déposer deux biscuits emballés sur la table. Draco eut un souffle amusé. Son amie le gavait de biscuits au gingembre depuis quelques semaines, et bien qu'il ait été sceptique au début, il devait avouer qu'ils l'avaient aidé à naviguer entre quelques rares mais difficiles passages nauséeux.
« J'en ai encore quatre dans ma poche, » l'informa-t-il, mais il les attrapa néanmoins. « Merci. Et toi, comment ça va ? »
« Stressée, » avoua Hannah. « Je n'ai vu ni Neville ni Harry mais… Susan est au SUM et l'Auror Fenley est en pathologies des sortilèges, » Confia-t-elle à voix basse.
La nouvelle l'alarma immédiatement.
« Tu as vérifié avec les admissions ? »
« Oui. Ils n'ont pas été admis. Et ça n'a pas l'air trop sérieux pour Susan et Fenley mais… Dis-moi que tu sens comme moi qu'il se trame quelque chose. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » murmura-t-il avec un coup d'œil vers les têtes studieuses derrière elle.
« Je ne suis pas sûre… Le calme plat dans les journaux. L'appel aux candidatures du Bureau des Aurors dans les vestiaires pour la Brigade d'Intervention Médicomagique d'Urgence. Et Neville qui bosse sans arrêt. C'est de pire en pire, je le vois à peine, » chuchota-t-elle avec détresse.
Draco la fixa un instant en silence, les mains suspendues dans son geste d'ouvrir le paquet de biscuits. Il comprenait tout à fait l'état de stress d'Hannah, mais… Cela faisait des années qu'il vivait avec. Les multiples blessures et les allées et venues de Harry en dehors de son planning affiché dans la cuisine. L'angoisse de voir son père apparaître à l'accueil de l'hôpital. Les tensions, morts et disparitions autour du Magenmagot. L'inexorable bascule du gouvernement vers une politique conservatrice, à peine six ans après la fin officielle de la guerre…
Lazare avait plaisanté en lui demandant s'il comptait postuler à la BIMU après son diplôme, mais Draco n'avait pas trouvé cela drôle. Parce que s'il n'y avait pas eu le bébé, s'il n'y avait pas Teddy, il aurait postulé malgré sa peur de se retrouver en plein combat, ne serait-ce que pour tenter de protéger Harry.
Si l'idée qu'il devienne un Animagus et qu'il ne se déclare pas sur le registre du Ministère de la Magie avait alimenté son stress pendant des mois, Draco était à présent anxieux qu'il finalise le processus, si ce n'était pas déjà fait. Une forme animale inconnue de ses suspects pourrait faire la différence entre sa vie et sa mort et lui permettre de s'échapper d'une situation délicate, même s'il doutait que ce soit le but imaginé par Harry pour sa transformation. La capacité à se métamorphoser était un outil stratégique, même s'il était à double tranchant.
Parce que les Mangemorts étaient plus discrets et dangereux que jamais et focalisés sur un seul but : dominer le monde magique en silence jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour y faire quoique ce soit. Et c'était certainement Harry, ne serait-ce que pour le symbole qu'il représentait, qui avait la plus grosse cible dans le dos.
« J'ai cette sensation aussi, » confessa-t-il à voix basse. Il ne pouvait pas lui dire qu'il ne remarquait rien et la laisser seule dans son angoisse. Ou pire, tourner son inquiétude à la dérision pour détourner son attention. Hannah était son amie et sa méfiance pourrait s'avérer lui être vitale, à elle ou à ses proches. Mais il était néanmoins impressionné par le temps qu'elle avait mis à avoir la puce à l'oreille. Londubat avait dû très bien donner le change, pendant tout ce temps. « Mais… Le métier des Aurors a toujours été dangereux. Ce n'est pas surprenant qu'ils soient blessés de temps à autre. »
« C'est vrai, c'est juste… Une accumulation de petites choses… » soupira-t-elle. « Et l'approche des exam' n'aide pas, je suppose… » ajouta-t-elle en baissant tristement les yeux vers le paquet de notes qu'elle avait déposé sur la table. « Est-ce que Harry t'a parlé de quelque chose ? Au sujet de… Ce qui se trame ? »
« Non. Je ne sais rien, » murmura-t-il.
Hannah se mordilla les lèvres, puis, avec une expression tendue, attrapa son premier parchemin pour le soulever légèrement devant elle.
« Je ne sais pas si c'est pire ou mieux que de savoir… » expira-t-elle avec pessimisme.
/
L'étrangeté des allées et venues de Harry s'avéra d'autant plus visible lorsque le dernier marathon de révisions de Draco avant d'être officiellement diplômé démarra. Il ne quittait quasiment plus son uniforme, même lors de ses jours de repos. Il lui arrivait de revenir à la maison au milieu de la nuit et de repartir avant le lever du jour. Il rentrait parfois en cours de journée pour dormir, se laver, manger, avant de disparaître à nouveau. Il était entièrement présent lorsqu'il était avec eux, pour jouer avec Teddy, discuter avec Andromeda, et profiter du peu de temps que Draco pouvait lui accorder dans son monstrueux planning de révisions, mais il y avait une tension chez lui, une sombre impatience, une dangereuse résolution qui lui rappelait le Harry qu'il voyait les week-ends qu'il avait passés chez sa tante lorsqu'il était encore à Poudlard. Il semblait n'attendre qu'un signe pour bondir hors de la maison et en découdre.
Andromeda et Draco avaient depuis longtemps cessé de lui poser des questions. Il ne pouvait pas, ou ne voulait pas leur répondre. Draco espérait juste qu'il n'hésiterait pas à les appeler à l'aide s'il en avait besoin, que ce soit psychologiquement ou physiquement. Mais il en doutait. Et le lui rappeler ne semblait pas amener de changement.
Draco ferma son épais volume de potiologie appliquée à la médicomagie et s'appuya au dossier de sa chaise, sonné. Il fixa ses parchemins, cinq années de notes lues et relues, agrémentées, commentées, et gravées dans sa mémoire jusqu'à ce qu'il puisse exactement savoir comment et pourquoi utiliser une potion, quand la préférer à un sortilège, dans quelle condition l'utiliser plutôt qu'une autre, et que vérifier avant et après l'avoir administrée. Il releva les yeux vers son planning et enregistra seulement alors le bruyant chant des oiseaux par la fenêtre entrouverte de la chambre, et le bruit du vent qui agitait les feuilles de la nature alentour. Il eut alors la soudaine sensation de revenir dans son corps, comme si travailler l'avait fait le quitter ou l'oublier. Il avait faim, très envie d'aller aux toilettes, et ses yeux brûlaient.
Il se pencha sur son bureau pour barrer de la pointe de sa plume la section potiologie de son calendrier de révisions. Il avait pris un peu d'avance. Presque une journée. Ce n'était pas énorme, fondamentalement, mais assez pour le remplir d'une satisfaction dont il n'oserait se vanter auprès de personne. Il sourit pour lui-même, posa sa plume et se frotta les paupières, puis s'appuya à nouveau contre son dossier avec un soupir de contentement, une main posée sur les prémices de rondeur de son ventre. Pas assez pour justifier un changement de garde-robe, mais assez pour l'encourager à porter ses pantalons les plus confortables et les moins serrés, considérant le temps qu'il passait assis et penché en avant ces derniers jours. Pas assez pour que qui que ce soit d'autres que Harry et lui ne le remarque, mais assez pour le rendre hyper-conscient de sa présence.
Cela faisait presque trois mois, et ce délai mettait derrière eux une grande partie de leurs craintes de fausse-couche. Sans les éliminer totalement, il leur permettait de s'autoriser à se projeter un peu plus, ou en tout cas Draco, puisqu'il connaissait assez bien Harry pour savoir que lui le faisait depuis le premier jour même sans vraiment l'exprimer à haute voix. Il avait la main quasiment collée à son ventre depuis des semaines.
La fin des trois mois justifiait aussi qu'ils se mettent à en parler. Mais le timing n'était le bon pour personne. Harry était trop occupé pour les traîner chez les Weasley, et Draco n'allait certainement pas aller leur en parler tout seul. Et il était lui-même bien plus préoccupé par le fait d'avoir son diplôme que par celui de mettre tout le monde au courant. Mais dès ses examens derrière lui, il comptait bien informer Teddy avant tous les autres. Il était le seul dont l'avis sur la question l'intéressait.
Les mains jointes en l'air, Draco s'étira sur sa chaise. Son dos craqua légèrement, puis sa nuque lorsqu'il la fit lentement rouler. Il quitta ensuite la chambre, et sortit des toilettes lorsque Harry gravit les escaliers, en uniforme.
« Je me change et je pars faire quelques courses, tu voudrais quelque chose ? A part des pommes, » dit-il avec un sourire en coin, anticipant parfaitement ce qu'il allait lui répondre.
Draco n'avait même pas d'amour particulier pour les pommes, mais elles avaient le mérite de calmer les fringales qu'il commençait à avoir au milieu de la nuit lorsqu'il en mangeait une le soir.
« Hmm… Non, rien de particulier, » réfléchit-il alors que Harry atteignait le palier du premier étage. « Je peux venir avec toi ? » plaida-t-il, pris d'une soudaine envie de sortir.
Harry s'arrêta devant lui avec une expression surprise.
« Je suis en avance sur mon planning et je ferais bien une petite pause, » se justifia Draco.
« Hmm… » sembla hésiter Harry, dont les traits se tendaient légèrement.
« A moins que tu ne comptais pas réellement aller faire des courses ? »
« Si si, » assura-t-il. « C'est juste… » Il détourna le regard, puis se frotta le visage avant d'afficher un sourire crispé. « Ok, allons-y. Donne-moi deux minutes, que je me change, » demanda-t-il en se dirigeant vers leur chambre.
Décontenancé, Draco baissa les yeux vers son propre accoutrement, puis, à l'aide de sa maigre expérience du monde moldu, jugea qu'il ne devrait pas trop attirer l'attention en chemise et pantalon, et descendit les escaliers.
Une fois sur le chemin de gravier aux côtés de Harry qui avait enfilé un T-shirt, un jean, et une veste pour pouvoir cacher sa baguette dans sa manche, ils marchèrent jusqu'au portail près duquel l'arbre de Rowan avait retrouvé toutes ses belles feuilles dentelées et dont les branches s'agitaient en chuchotant dans la brise.
« Portree, ça te va ? » interrogea Harry en s'arrêtant à l'extérieur des protections.
« Je ne sais pas vraiment où c'est, mais je m'en fiche, » avoua Draco avec un rire bref. « Si tu peux juste… Y aller doucement sur le transplanage… Si possible. »
Harry afficha une grimace désolée et lui tendit la main, qu'il attrapa sans hésitation.
« Je vais essayer. »
Un craquement plus tard, Draco lâcha ses doigts pour s'agripper à son épaule. Sa tête tournait légèrement et il toussa un peu pour évacuer les crépitements de magie qu'il avait dans les poumons. Il battit des paupières en fixant son regard sur un panneau vert indiquant une sortie de secours, jusqu'à ce que sa vision se stabilise. Malgré les années à s'habituer et même à accueillir la magie de Harry, le transplanage restait une épreuve désagréable.
« Ça va ? »
Draco souffla lentement par la bouche puis hocha la tête. Il n'avait pas envie de vomir, ce qui avait été sa principale crainte.
« Oui. C'est bon, on peut y aller, » assura-t-il en se redressant.
Il le suivit en dehors du sous-sol, jusqu'à l'entrée du supermarché, puis à travers les rayons incroyablement bien rangés du magasin. Ça devait sembler stupide à ceux qui en avaient l'habitude, mais il était toujours impressionné par l'ordre qui régnait dans ce genre d'endroits. Le monde sorcier était chaotique, biscornu, rempli de bric-à-brac. Il connaissait trop peu le monde moldu pour en faire une comparaison objective, mais les supermarchés le fascinaient un peu. Tellement de choix dans une telle impression d'ordre. Il n'oserait jamais s'y rendre sans Andromeda ou Harry, il y avait encore trop de choses qu'il ne comprenait pas et il était étrangement paniqué à l'idée de se perdre dans les rayons, mais, en poussant un caddy que remplissait Harry, il avait tout le loisir d'observer et d'absorber cette étrange sensation de netteté, malgré la foule d'informations inutiles qui l'assaillait.
Harry, néanmoins, était tout sauf détendu. Il gardait constamment sa main droite libre, se retournait sans cesse pour regarder derrière eux, dévisageait discrètement les clients empruntant les mêmes rayons, et paraissait sur le point de bondir à chaque intersection. A le voir complètement tendu alors qu'ils attendaient leur tour à la boucherie, où il donnait l'impression de se sentir entièrement à découvert, la culpabilité rongea Draco.
« Désolé, j'aurais dû te laisser venir tout seul, » s'excusa-t-il à voix basse. Son anxiété déteignait sur lui, même s'il avait du mal à croire qu'on puisse les reconnaître, et pire, les cibler dans un supermarché moldu en pleine journée.
Harry lui jeta un bref coup d'œil circonspect avant de se réintéresser à leur environnement. Sa main gauche paraissait sur le point de l'agripper pour le faire transplaner et la droite pendait le long de sa cuisse, prête à dégainer.
« Non, je comprends. Je ne sais pas comment tu fais. A ta place, je deviendrais complètement fou, » répondit-il sans le regarder.
Draco fronça les sourcils, perdu.
« Comment ça ? »
« Hôpital, maison, hôpital, maison, » répéta-t-il en se tournant à moitié pour pouvoir regarder derrière eux. C'était subtil, mais il réalisa qu'il le gardait entre lui et la vitrine du boucher. « Ça doit être pénible. »
« … Non, ça ne me dérange pas, » émit Draco avec surprise. « C'est sûr que… En hiver j'ai l'impression de ne pas voir la lumière du jour, mais à part ça… Ça ne me dérange pas plus que ça. »
Et n'était-ce pas étrange ? Cela faisait cinq ans qu'il vivait ainsi, et il n'avait jamais remarqué à quel point il bougeait peu. Il passait de Ste Mangouste à la maison, de la maison à Ste Mangouste, les seuls lieux le faisant déroger à cette règle étant le Bad Gekko et ses excursions avec Harry quelques fois par an. Et… Ça lui convenait. Il n'avait pas besoin de plus. Le Chemin de Traverse ne lui manquait même pas.
« Je ne suis pas surpris de ne pas être un grand aventurier mais je n'avais pas réalisé à quel point j'étais casanier… » murmura-t-il pour lui-même, perturbé.
Mais il avait toujours été plus ou moins ainsi, finalement. Il avait passé la totalité de son enfance au Manoir, et n'en était sorti qu'au gré des soudaines envies de Lucius de lui faire une leçon ou de l'exhiber devant ses associés pour lui montrer comment un Malfoy devait se faire respecter. Puis il y avait eu Poudlard, et le Chemin de Traverse deux fois par an mais… C'était tout. Et Poudlard et le Manoir étaient tellement grands, il ne s'était jamais vraiment senti enfermé, sauf à partir de la sixième année.
Harry tourna un sourire affectueux dans sa direction malgré sa tension.
« Tu es un chat d'intérieur. »
« Quoi ? » pouffa Draco. « J'aime bien être dehors, je pense que je sortirais plus si la maison n'avait pas de jardin. Et je me balade souvent dans les environs avec Teddy, » rappela-t-il, mais ça ne sembla pas impressionner Harry qui poursuivit son analyse de leur environnement avec une expression amusée.
Ils transplanèrent à nouveau devant la maison d'Andromeda quelque temps plus tard, les bras chargés de courses, et Harry patienta quelques secondes en stabilisant Draco.
« N'hésite pas à m'envoyer balader la prochaine fois qu'une idée comme ça me prend, » lui dit ce dernier lorsque le monde cessa de vaciller sous ses yeux.
« Ça ne me dérange pas. »
« Harry, je ne pense pas que tu aies besoin de ce genre de stress supplémentaire. »
« Je n'étais pas stressé. »
« Merlin, tu mens aussi mal que Teddy. Continue ta stratégie de ne rien dire plutôt que de mentir, tu t'en sors mieux, » gloussa Draco, et Harry pinça légèrement les lèvres, la nuque et les pommettes colorées par l'embarras.
« De toute façon, tu ne vas plus pouvoir faire de telles sorties pendant un certain temps, d'ici peu, » fit-il remarquer.
« Certes… » admit Draco avec un soupir amusé en se dirigeant vers le portail.
Un hibou fendit alors l'air pour se poser sur l'épaule de Harry, un petit parchemin roulé accroché à sa patte. Harry posa ses courses par terre pour détacher la missive, et l'oiseau fila vers le sud.
La main sur le loquet du portail, Draco fixa Harry avec inquiétude avant de voir son visage fatigué se fendre d'un immense sourire.
« C'est Lysander. Les Gibson ont accepté la vente, » annonça-t-il avec excitation.
/
Les yeux fatigués de Draco traquaient le mouvement hypnotique de l'épluchure qui s'enroulait, s'enroulait, s'enroulait en se détachant de la pomme tenue par Andromeda. Son couteau tournait rapidement autour du fruit, avec une habileté qui croissait avec les jours. Il avait arrêté de lui dire qu'il savait le faire tout seul. C'était sa façon à elle de prendre soin de lui, et s'il était honnête, il détestait avoir les mains poisseuses de jus de pomme.
Il observa sa tante couper des quartiers égaux et soigneusement retirer le cœur, puis battit des paupières lorsque l'assiette fut poussée dans sa direction sur la table basse. Il sortit difficilement de sa transe et accepta l'offrande avec un remerciement murmuré.
Ce ne fut qu'en croquant son premier morceau qu'il réalisa le silence autour de lui et les regards posés sur sa personne. Il les leur rendit avec surprise, la bouche pleine.
« Est-ce que ça va ? » l'interrogea Harry avec inquiétude. Il était assis avec raideur sur le bord du canapé, comme prêt à en décoller, et son regard était tellement rempli d'effroi que Draco hocha rapidement la tête et se dépêcha de mâcher.
« Ça va. Je suis juste fatigué, » assura-t-il dans sa direction. Ses traits et ses épaules se détendirent. « J'ai loupé quelque chose ? »
« Je te demandais ce que tu pensais du fait de rester ici plutôt que de déménager à Eridge Green. » l'informa Andromeda depuis son fauteuil en face d'eux.
Elle portait son instinctif masque des Black, qui lissait son expression pour cacher à quel point le sujet la touchait. Mais l'absence d'émotions était justement un indice de son émoi pour Draco. Il posa son assiette sur son genou et haussa les épaules avec désinvolture.
« Je suis bien ici, » répondit-il simplement.
Andy le dévisagea un instant, comme si elle cherchait à percer son propre masque. Il eut l'étrange réflexe de relever ses barrières mentales, un exercice qu'il n'employait plus que face à certains patients au regard trop perçant pour son confort, mais c'était inutile. Sa tante n'était pas une Légilimencienne et Draco disait la vérité.
La maison était et serait toujours pour lui celle d'Andromeda. Mais il n'y était plus un invité, il était un résident permanent qui acceptait son autorité comme maîtresse des lieux. Il ne laissait pas autant de traces que Harry, il n'y avait pas de portraits de ses proches accrochés dans le salon, pas de pile de son courrier sur le manteau de la cheminée, pas de balai appuyé contre la rampe des escaliers dans l'entrée, pas de photos de ses amis sur le réfrigérateur. Il avait une brosse à dents dans la salle de bain et le détail de ses gardes sur un calendrier dans la cuisine, et tout le reste de ses affaires était dans sa chambre. Mais il était chez lui.
Comme sa mère adoptive, il n'était pas un adepte du changement. Il savait que Harry y était bien moins réfractaire, que sa vie l'avait habitué à une absence de repères. Il savait que s'il n'avait pas été soucieux de ménager les états d'âme d'Andromeda, il serait déjà en train de mentalement planifier leur déménagement à Eridge Green plutôt que de tenter de la persuader qu'ils voulaient rester ici.
« Ça sera parfait pour un changement de décors de temps en temps, » poursuivit-il en prenant un nouveau quartier de pomme dans son assiette. « Mais elle est beaucoup trop grande pour nous. On passerait notre temps à se chercher les uns les autres, » plaisanta-t-il.
Ça avait été un avantage au Manoir, particulièrement à la période où Voldemort et Bellatrix y résidaient. Les elfes avaient eu tendance à rapporter à leurs maîtres les endroits où il se cachait, ses tentatives n'avaient donc pas toujours été fructueuses, mais il n'avait jamais eu grand mal à s'isoler.
Si la demeure ancestrale des Potter était bien loin des volumes extravagants de l'endroit où il avait grandi, elle restait néanmoins grande pour quatre personnes, et même pour bientôt cinq, voire six. Il aimait savoir Teddy juste à côté d'eux, constamment à portée d'oreille. Il s'adapterait s'il le fallait, mais il préférait voir leur famille s'agrandir sous ce toit qui l'avait plus protégé que n'importe quel autre.
Les traits d'Andromeda se décrispèrent et elle afficha une moue sceptique.
« Nous allons bientôt être à l'étroit, » fit-elle remarquer.
« Est-ce que tu essayes de nous faire partir ? » interrogea Draco avec humour, et sa tante le fixa d'un regard mêlant irritation et amusement.
« Je pense qu'on pourrait faire quelque chose du grenier, » intervint Harry avec une expression songeuse, un morceau de pomme devant la bouche.
« Il y a sans doute des choses qu'on pourrait stocker à Eridge Green pour faire de la place, » approuva-t-il avant d'énoncer le plus gros souci qu'il avait avec cette solution. « Mais je ne tiens pas debout dans la quasi-totalité de la pièce. »
« Le toit doit pouvoir être magiquement surélevé, » proposa Andy.
« Ou bien on reste au premier étage et on laisse le grenier aux enfants. »
« Vu la taille de Remus, je pense que Teddy n'y sera rapidement plus à l'aise. Et Scorpius non plus, à vrai dire, » souleva Draco à la proposition de Harry qui mâchait en l'observant pensivement.
« Et faire construire un deuxième étage ? »
Ils tournèrent la tête vers Andromeda, qui haussa les sourcils pour challenger leur perplexité.
« C'est ce qu'ont fait les Weasley. Plusieurs fois, » explicita-t-elle. « Évidemment, et sans vouloir critiquer les enchantements d'Arthur, je préférerais que le résultat soit moins… bancal. »
Harry toussota dans sa main alors que Draco se mordait inefficacement la lèvre pour ne pas rire.
« J'avais pensé à un étage en plus, » avoua Harry après avoir délogé un morceau de pomme de sa gorge. « Mais j'aimerais ne pas avoir à intégrer un architecte au Fidelius plus d'une journée. Qu'il soit d'accord pour avoir sa mémoire altérée après ses travaux ne rend pas l'Oubliette plus légal… »
Ce rappel de la situation complexe dans laquelle il se trouvait, que ce soit en tant qu'Auror ou en tant que Harry Potter, évapora l'humour que Draco trouvait dans leur discussion. Il posa son assiette entre eux sur le canapé et se frotta le visage des deux mains.
« Surélever le toit prendrait sans doute moins de temps qu'ajouter un étage, » raisonna Andy d'un ton grave.
« On n'est même pas obligés de faire quoique ce soit tout de suite, » ajouta Draco. « Scorpius et Teddy peuvent partager une chambre quelque temps, et le bébé peut rester avec nous en attendant… une période moins tendue. »
Harry soutint son regard avec les lèvres pincées, puis hocha lentement la tête.
« Est-ce que… tu penses que Scorpius pourrait bientôt nous rejoindre ? » ne put-il s'empêcher de demander avec espoir.
Mais sans surprise, tout ce que Harry put lui offrir comme réponse fut un sourire étroit.
/
Draco savait exactement pourquoi Ron et Hermione les avaient invités à dîner, et il avait terriblement hâte qu'ils vident leur sac pour pouvoir rentrer se coucher. Vu le temps que ça leur prenait, il était presque tenté de prétexter avoir trop de travail pour s'attarder, mais cela n'aurait fait que décaler la torture à un autre jour. Apparemment, sa présence était requise.
Comme souvent lorsque Hermione était là, la discussion tournait autour de la libération des elfes. Ron et Harry ne pouvaient pas parler de leur travail et n'avaient plus grand-chose à se dire considérant qu'ils passaient déjà leurs journées ensemble, et Draco avait vite compris que son métier barbait Ron. Ou bien était-ce simplement l'entendre parler. Il était cordial avec lui, mais on ne pouvait pas dire que Harry avait été suffisant pour les rapprocher. Il doutait qu'ils soient un jour amis.
Le sujet de la libération des elfes gonflait tout le monde sauf Hermione à table. Néanmoins, Harry n'avait de cesse de rebondir sur les propos de la sorcière et Draco avait un peu envie de lui enfoncer sa fourchette dans la main. Peut-être que sa fatigue, la nausée qu'il avait depuis le début de l'après-midi, et le stress de ses très prochains examens commençaient à atteindre son humeur. La ceinture de son pantalon le serrait aussi atrocement, et il n'avait qu'une envie, enfiler un pyjama pour dormir pendant douze heures.
« On voulait vous parler de quelque chose, mais pas devant le reste de la famille au cas où… Ça serait difficile à entendre, » amorça finalement Hermione.
Draco se retint de soupirer de soulagement alors que Harry émettait un son interrogateur avec une expression inquiète.
« Ron et moi allons avoir un bébé, » lâcha-t-elle enfin.
Harry eut un léger sursaut de surprise mais ne tarda aucunement à exprimer sa joie pour ses amis.
« Super ! Félicitations ! » exprima-t-il avant d'être atteint par l'expression hésitante de Ron et Hermione. « Non ? » demanda-t-il, penaud.
« Si, si si ! » émit rapidement Hermione, et elle jeta un coup d'œil à Ron puis à Draco avant de retourner sur Harry. « Merci. C'est juste… On ne s'attendait pas à… »
« Bien sûr que je suis content pour vous, » interrompit Harry d'une voix douce, avant de regarder dans sa direction alors que sa main venait toucher sa jambe sous la table.
« Moi aussi. Félicitations, » dit rapidement Draco.
Il s'en fichait, pour être parfaitement honnête. Mais il était poli. Et leur inquiétude pour leur réaction était touchante bien qu'inutile.
« Merci, » fit Ron, prenant finalement la parole. « Tu n'étais pas surpris, » déclara-t-il dans la direction de Draco.
« Je t'ai vu échanger ton verre avec celui d'Hermione, » l'informa-t-il alors. « Et je t'ai vu le faire chez tes parents il y a deux semaines. Une fois pouvait ne rien vouloir dire, mais deux fois, ça commence à être louche, » fit-il remarquer.
Ils rirent doucement alors que Harry tournait une expression trahie dans sa direction.
« Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »
« Pour être honnête, je n'ai pas pensé que ça signifiait quoique ce soit jusqu'à ce que je le voie le refaire, » répondit Draco avec un haussement d'épaules.
Il faillit mentionner que Harry buvait souvent dans son verre aussi, même s'il ne s'agissait pas d'alcool, mais il craignait que ça attire inutilement l'attention sur lui. Teddy avait toujours la priorité, même s'il ne doutait pas que Weasley et Granger puissent tenir leur langue.
« Observateur, » commenta Ron.
« Ça fait combien de temps ? C'est pour quand ? » interrogea Harry avec excitation.
« Décembre. Ça fait deux mois, » répondit Hermione. « C'est peut-être un peu tôt pour en parler mais je voulais… Je ne sais pas… Que vous ayez le temps de vous faire à l'idée avant tout le cirque que peuvent faire les Weasley autour de ce genre de choses. »
Draco ne put contenir une légère grimace à l'idée de subir les effusions qu'il avait pu voir Fleur et Angelina vivre à l'annonce de leurs grossesses. Il y avait bien peu de chance pour qu'une telle chose lui arrive aussi, mais l'image était angoissante. Il appréciait Molly mais ne supporterait pas qu'elle lui tourne sans arrêt autour comme elle pouvait le faire avec ses belles-filles.
« Qu'est-il arrivé à ta phobie des bébés ? » demanda-t-il avec une expression amusée.
« Je ne suis pas phobique, roh ! » rit-elle. « Juste… Impressionnée. Ils sont tellement fragiles et dépendants, c'est intimidant. »
« J'avais peur de tenir Teddy les premiers jours, même s'il avait déjà presque deux mois. Je compatis, » sourit Harry. « Mais ça vient très vite, rassure-toi. »
Draco n'avait pas pu porter son cousin avant ses sept mois, mais il avait eu quelques occasions de tenir des nouveaux nés à Ste Mangouste, et en entendant le ton doux de Harry, il réalisa à quel point il avait hâte de tenir le sien, de le voir, de le serrer contre lui. L'émotion le prit par surprise et lui serra la gorge. Il attrapa maladroitement son verre et il but une gorgée d'eau avant de se concentrer sur son assiette.
« Draco, je suis désolée… » murmura soudainement Hermione.
Il releva la tête avec alarme.
« Pourquoi ? Tout va bien, » assura-t-il malgré ses yeux brûlants, mais la meilleure amie de Harry continua de le dévisager avec inquiétude alors que le silence s'étirait autour de la table.
La main de Harry se serra sur sa jambe, comme s'il le pressait de faire quelque chose. Il esquissa une grimace et la délogea discrètement.
« Draco, je peux te parler dehors deux minutes ? » demanda alors soudainement Harry en se levant.
Il quitta immédiatement la pièce sous le regard stupéfait d'Hermione et celui très suspicieux de Ron. Draco soupira en inclinant le menton vers le plafond, puis posa sa serviette sur la table avant de se lever à son tour.
Le fauve de Granger cracha dans sa direction lorsqu'il passa à côté de son fauteuil couvert de poils roux, mais il l'ignora pour rejoindre Harry dans le jardin broussailleux.
« Que veux-tu que je- » commença-t-il avant de s'interrompre en voyant Harry lever une main devant lui et poser un doigt sur sa propre bouche pour le faire taire.
Draco fronça les sourcils et croisa les bras sur son torse en le regardant agiter sa baguette pour les englober d'une bulle de silence.
« Qu'est-ce qui se passe ? »
« Il faut leur dire, » déclara Harry avec une expression sérieuse.
« Non ! » s'insurgea-t-il.
« Draco, ils s'inquiètent pour nous, pour toi. C'est inutilement cruel. »
« Ron ne s'inquiète pas pour moi, » souffla Draco avec sarcasme.
« Peut-être pas, » concéda Harry avec un soupir. « Mais Hermione, si. Et ils ne diront rien à personne. »
« Je voulais le dire à Teddy avant. »
« Je sais et moi aussi… » gémit Harry avant de reprendre plus fermement. « Mais Teddy se fiche d'être le premier à savoir, tant qu'il peut être celui qui le dira à ses cousins. Et il n'est même pas vraiment le premier, Andy et tes collègues sont déjà au courant. »
« Je n'ai techniquement rien confirmé, » maugréa Draco avec mauvaise foi.
« Draco, s'il-te-plaît, j'ai envie de leur dire… Ne serait-ce pour que Hermione ne s'inquiète pas de nous blesser alors qu'elle devrait juste se préoccuper d'elle-même. Est-ce que tu ferais ça à Hannah ? Prendre le risque de la stresser alors que tu as la solution pour la rassurer ? »
Draco soupira et passa ses deux mains sur son visage avec fatigue.
« Non… » admit-il. « Mais est-ce qu'ils ne pourraient pas juste nous croire sur parole ? Qu'est-ce qu'on ferait si on n'avait aucune nouvelle à leur annoncer ? »
« On travaillerait à être plus convaincants et je me maudirais d'être en train d'échouer. »
« Bon sang, » grogna Draco, à court d'arguments. « Tu me fatigues. Cette soirée me fatigue. »
« Désolé, » répondit Harry entre ses dents. « Pour une fois que je peux passer du temps avec vous trois, c'est agréable. »
« Non, je… » geignit Draco en lui attrapant l'avant-bras, à la fois désolé et excédé. « Je suis vraiment fatigué, et j'ai mal au cœur, je n'ai pas faim, ça fait des heures que j'ai envie d'aller me coucher, et j'espérais pouvoir passer mes examens avant d'avoir à gérer tout ça, » avoua-t-il d'une traite, la gorge nouée.
Harry le dévisagea en silence un instant, le visage grave, puis esquissa un sourire triste avant de l'attirer contre lui. Sa chaleur et sa magie l'irradièrent et repoussèrent la fraîcheur de la nuit printanière, et Draco se laissa aller contre lui avec un soupir. Il se sentait pathétique d'être débordé par si peu alors que Harry gérait une guerre et des milliards de secrets en même temps que les difficultés et la vie quotidienne de sa famille. Mais il n'avait jamais rien su faire correctement qu'en se focalisant sur une seule tâche à la fois et sa vie lui semblait être sur le point de redevenir terriblement compliquée.
« Je comprends… » murmura Harry. « Mais dis-toi que… ça sera ça de moins à gérer après ton diplôme ? Il aurait fallu qu'on leur en parle avant les Weasley de toute façon. »
Draco eut un râle exagéré malgré la sagesse de ses propos.
« Okay… » souffla-t-il de mauvaise grâce.
« Merci, » fit Harry s'écartant de lui avec un léger sourire. Il attrapa le visage de Draco pour l'abaisser vers le sien, l'embrassa sur les lèvres puis lui prit la main pour à nouveau l'entraîner vers la maison.
« Bordel, » grommela Draco en touchant son ventre avant de tirer légèrement sur la ceinture de son pantalon. Bon sang ce qu'il était mal à l'aise.
Ils entrèrent dans le salon sous le regard suspicieux de Ron et inquiet de Hermione, et l'expression de la sorcière lui serra le cœur. Il avait beau être irrité, il comprit néanmoins la volonté de Harry de mettre fin à son tourment.
« Draco, est-ce que ça va ? » lui demanda-t-elle alors qu'il se réinstallait à sa place en contrôlant une grimace. « Je suis désolée, je ne voulais p- »
« Tu n'as pas à être désolée, » l'interrompit-il avec un bref soupir. « Bien sûr qu'on y pense toujours et qu'on est toujours tristes, mais ça ne nous empêche pas d'être contents pour vous. C'est gentil d'avoir pris ces précautions et de vous soucier de nos états d'âme, merci, mais ce n'est pas nécessaire. »
« Mais tu avais l'air… » commença-t-elle, mais elle ne sembla pas trouver les bons mots.
« Je pensais à autre chose, » dit-il avant de tourner les yeux vers Harry qui observait l'échange avec un mélange d'inquiétude et d'anticipation. « Tu me sors de là quand tu veux, Potter, » grogna-t-il dans sa direction.
« Oh, je pensais que tu… » émit-il faiblement avant de se redresser sur sa chaise avec nervosité. « Draco attend un bébé aussi. » dirigea-t-il alors vers ses deux meilleurs amis, qui se figèrent avec stupeur.
Le visage de Hermione passa très rapidement à une excitation émue, mais celui de Ron eut un instant de bref malaise avant d'afficher un sourire étonnement sincère en direction de Harry.
« Oh, c'est super ! » s'exclama Hermione, les larmes aux yeux et les mains jointes devant elle. « Je suis tellement contente pour vous ! » dit-elle vers Draco, et il n'eut absolument aucun doute qu'elle disait la vérité. « Félicitations Harry... » murmura-t-elle avec émotion avant de rapidement se lever pour aller enlacer son meilleur ami.
Harry lui tapota le dos avec un petit rire, puis elle s'écarta pour offrir la même étreinte à Draco qui la retourna maladroitement.
« Félicitations ! Et est-ce que ça va ? » demanda-t-elle en s'écartant de lui, une expression soucieuse sur le visage qu'elle baissait vers lui.
« Oui, tout va bien, » assura-t-il. « Mais pas un mot à qui que ce soit, s'il-vous-plaît. Il n'y a qu'Andromeda qui soit au courant. »
« Bien sûr, pas de problème, » sourit Hermione avant de retourner s'asseoir en passant sa main dans le dos de Weasley qui lui sourit amoureusement. « Et c'est pour quand ? »
« Fin novembre, » répondit-il après s'être correctement réinstallé.
« Oh waw, » souffla-t-elle, émue. « C'est vraiment super, je suis tellement contente, » répéta-t-elle, les larmes aux yeux.
Mal à l'aise devant son propre manque d'émotion face à l'annonce d'un nouveau Weasley, Draco sourit néanmoins de voir le mélange de joie et de fierté sur le beau visage de Harry. Il lui était difficile de rester irrité qu'il lui ait forcé la main en le voyant si heureux.
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Draco regarda Weasley débarrasser la table par magie avec envie. Les assiettes s'empilèrent, les couverts se rassemblèrent dans un plat de service, et les verres s'élevèrent un cliquetant entre eux, et le tout fut efficacement expédié vers la cuisine.
« Oh, Draco est-ce que… Ça te dérange si je te pose quelques questions Médicomagiques ? » interrogea Hermione.
« Non, pas du tout, » exprima sincèrement Draco. Il ne pouvait pas simuler d'être aussi content pour eux qu'elle l'était pour Harry et lui, mais ça, il pouvait très facilement le faire.
Hermione lui proposa alors de déplacer leur conversation sur la petite terrasse en bois à l'arrière de la maison, et il accepta de s'asseoir à côté d'elle sur un banc, malgré sa réticence à une nouvelle fois se trouver en position assise dans son pantalon trop serré à la taille.
Il guetta l'arrivée de Harry par la porte-arrière de la maison, mais Hermione lui offrit un sourire amusé.
« Ron a dû proposer de boire un coup à Harry. Désolée, c'est une chochotte. Il voit sans doute un cadavre par semaine mais la grossesse lui file la chair de poule, » dit-elle en roulant légèrement des yeux.
Draco fronça les sourcils. Il espérait sincèrement qu'elle exagérait son décompte de morts. Il tenta sans succès de trouver une position confortable et grogna avec humeur.
« Désolé il faut que je… » Il ouvrit le premier bouton de son pantalon malgré son embarras et soupira de soulagement en s'accoudant au bras en fer forgé du banc.
Hermione ricana à côté de lui.
« Je me disais aussi que tu avais pris un peu de poids. »
« Ah bon ? » s'alarma-t-il, les yeux baissés sur lui-même. Il ne lui semblait pas avoir pris ailleurs qu'au bas-ventre. Aucun de ses vêtements n'étaient serrés sauf à sa taille.
« Oui mais bon, tu avais un peu de marge. Tu en as toujours, même, » rit-elle. « J'ai appris un sort qui rend les fibres légèrement élastiques, si tu veux. »
« Andromeda me l'a appris, mais elle m'a prévenu que ça abîmait le tissu. »
Il n'avait aucune envie de ruiner le peu de vêtements qu'il avait. Il savait qu'il allait devoir investir dans une garde-robe plus confortable très vite, mais il était récalcitrant à l'idée de piocher dans le coffre de sa tante. Il n'avait pas encore réussi à sauter le pas, et il passait ses longues heures de révisions en pyjama de toute façon. Il pouvait éventuellement repousser le moment où il allait devoir affronter la foule pour se rhabiller en piochant dans les vêtements de Harry qui était plus large que lui, mais il était aussi plus petit et Draco ne pouvait pas se présenter à ses examens dans un de ses affreux shorts.
« Pas celui-là. Il a un contre-sort, » l'informa-t-elle.
« Ok… Ça m'intéresse, dans ce cas. » avoua Draco avec avidité. « Tu en as déjà besoin ? » interrogea-t-il lorsqu'elle lui eut enseigné le sortilège et qu'il eut refermé le bouton de son pantalon devenu effectivement plus confortable.
« Oui… Je passe mon temps à manger, c'est horrible, » se plaignit-elle.
« Tant que tu n'abuses pas, il n'y a pas de problème à manger si tu as faim. » la rassura-t-il. « C'est de ça que tu voulais parler ? »
« Hm, non, je n'avais pas vraiment de question de Médicomagie, en fait. J'ai déjà harcelé mon Guérisseur, tu me connais, » s'amusa-t-elle.
Draco ne la connaissait pas tant que cela, mais il n'était néanmoins pas surpris. S'il savait une chose sur Hermione Granger, c'était sa capacité de préparation face à n'importe quel événement.
« Qui te suit ? » demanda-t-il, aussi curieux à ce sujet qu'à celui qui l'avait poussé à les séparer de Ron et Harry.
« Le Guérisseur Deshmukh. »
« Ok, » répondit simplement Draco, qui ne connaissait pas vraiment le sorcier. Il avait une dizaine d'années de plus que lui et il partageait son planning entre le SUM et les consultations, mais c'était à peu près tout ce qu'il savait de lui.
« Il est bien ? »
« Je n'ai travaillé que quelques fois avec lui mais il a l'air professionnel. »
« Et toi ? »
« Oh, heu… Andromeda, je suppose, » s'amusa-t-il. Il avait régulièrement demandé à sa tante de lui lancer les sorts de diagnostic qui permettaient de contrôler que tout allait bien, et il était hors de question pour lui d'être suivi par un de ses collègues. « De quoi est-ce que tu voulais me parler ? »
Hermione coinça ses deux mains entre ses genoux, les épaules légèrement relevées dans ce qui pouvait être une façon de lutter contre la fraîcheur ou de se blinder psychologiquement.
« Rien de spécial, à vrai dire. Je voulais juste… Avoir l'occasion de te parler. Ça fait quatre ans que Harry et toi êtes ensemble et je n'en ai jamais vraiment eu l'occasion sans qu'il y ait dix personnes autour de nous, » dit-elle avec un rire faible.
« Tu t'inquiètes pour lui ? » demanda-t-il, sur la défensive.
« Non, » sourit-elle étrangement dans sa direction. « Enfin, oui, toujours, mais pas à ton sujet. Je vois comment tu le regardes, la façon dont tu lui parles et dont tu agis avec lui, je sais que tu l'aimes. Prends-le comme un compliment, tu n'es pas un assez bon acteur pour simuler ce genre de choses, » rit-elle. « Le fait de te voir au Terrier est une preuve suffisante. Dieu sait que je les aime mais que les voir tous ensemble est une épreuve. »
« Je ne viens vraiment pas souvent, » murmura-t-il, touché par sa description de son aperçu de leur relation.
« Non. Mais tu viens quand même. Et tu es poli, tu fais le médecin de famille, tu joues avec les enfants, tu discutes avec Molly et Arthur, et pas une fois je n'ai eu peur que tu mettes une droite à George ou Ginny alors que moi-même ça me démange parfois, » poursuivit-elle avec un éclat de rire, et Draco put presque sentir les vestiges d'un coup de poing qu'il avait reçu de sa part sur son visage. « Et je sais que tu le fais pour lui faire plaisir, et à Teddy aussi. Je n'ai aucun doute là-dessus. »
« Tu dois bien être la seule, » fit-il sombrement remarquer.
Hermione haussa les épaules et dirigea son regard vers les arbres obscurs qui se découpaient à peine dans le ciel d'encre.
« Harry est un excellent juge de caractère. Et si lui, qui était très loin d'approuver que tu passes du temps avec Teddy, rappelons-le, est tombé amoureux de toi, c'est qu'il n'y a aucun doute à avoir. »
« Je ne dis pas ça pour moi, mais par les temps qui courent, peut-être que tu bénéficierais à être plus méfiante, » nota doucement Draco.
« Je le suis. D'autant plus en tant que Née-moldue au Ministère, crois-moi, » fit-elle avec dérision. « Mais je suis quelqu'un qui croit aux secondes chances, et comme je le faisais remarquer à Harry quand il est venu hurler chez moi que tu avais osé venir chez Andromeda, je ne crois pas que tu en aies eu ne serait-ce qu'une première, » dit Hermione d'un ton doux en tournant un étroit sourire dans sa direction.
Draco dut serrer les dents pour contenir une vague d'émotions familières, honte, tristesse, injustice, qui s'ajoutèrent à sa fatigue pour lui brûler les yeux.
« Tu as montré qui tu étais vraiment quand tu as refusé de tuer Dumbledore malgré le risque pour ta propre vie. »
Draco eut un rire étranglé.
« Ce n'est pas exactement ce qui s'est passé, » protesta-t-il faiblement.
« Comment est-ce que tu appelles le fait de baisser ta baguette, avec cinq Mangemorts qui te surveillent, alors qu'on t'avait promis que toi et ta famille seraient tués si tu échouais ? » interrogea Hermione avec bienveillance.
Draco déglutit et détourna le regard. Cette nuit-là était une masse de confusion, de terreur et de désespoir dans son esprit, et il n'avait absolument pas envie d'y penser.
« Qu'est-ce qui t'es arrivé, après ça ? » demanda Hermione avec hésitation. « Après ta fuite avec Snape ? »
Draco serra à nouveau les dents alors que le souvenir de l'intense souffrance des Endoloris de Lucius embrasait brièvement ses nerfs. Il avait passé le pire été de sa vie, voilà ce qui s'était passé. Des mois de leçons brutales, psychologiquement et physiquement, où il avait assez régulièrement reçu le sortilège de douleur pour réussir à y trouver une faille, et qui avaient attisé sa rage de ne plus être aussi faible et lâche que ce que son père croyait. Sa fureur mal placée l'avait porté tout au long des deux années suivantes.
« Je n'ai pas envie d'en parler, » répondit-il à la place.
« Ok, » émit simplement Hermione. « Pas de problème. »
Un court silence s'installa avant qu'elle ne reprenne la parole.
« Comment tu te sens, sinon ? Ça ne doit pas être facile de gérer des examens et une grossesse en même temps. »
« Ça va, » souffla-t-il, assez mal à l'aise de parler de ce genre de choses avec elle mais soulagé par le changement de sujet.
« Tu n'es pas trop malade ? »
« Je suis surtout fatigué, » admit-il, ce qui lui attira un sourire compatissant. « Mais à part ça et quelques vomissements, je n'ai pas trop à me plaindre. Pour l'instant, » amenda-t-il avec une légère grimace. « Et toi ? »
« Fatiguée aussi. Et tout le temps faim. Mais absolument aucune nausée, ce qui est plutôt chouette, » rit-elle.
« Veinarde, » soupira Draco en frottant son propre estomac perturbé qui avait passé l'après-midi à sembler vouloir grimper dans sa gorge.
« Nos enfants vont être dans la même année à Poudlard, » réalisa alors Hermione avec un léger bond sur le banc. « Oh, ça leur fera un ami assuré, ça me soulage… » soupira-t-elle comme si cette perspective avait déjà été une grande source d'inquiétude pour elle.
« Peut-être qu'ils vont se détester, » ne put-il s'empêcher de supposer avec un peu d'amusement.
« Oh ne dis pas ça, » grimaça-t-elle en lui touchant le bras. « Ça me stressait tellement d'imaginer l'enfant de Hermione Granger et Ron Weasley être complètement à part comme pouvait l'être Harry à Poudlard. Au moins ils seront à deux. »
« Et avec une horde de Weasley, » ajouta-t-il avec ironie malgré sa soudaine angoisse.
Merlin, il n'avait pas pensé à cela. Quelle allait pouvoir être la vie scolaire de l'enfant de Harry Potter et Draco Tonks ? Elle n'allait certainement pas être facile, Hermione avait raison. Il contint un grognement en s'affaissant sur le banc, où son dos rencontra le bois froid du dossier.
Comme s'il avait besoin de ce stress supplémentaire…
