Elfe Bêta : Mokonalex
Note de l'auteur : Voilà la suite. J'attaque le prochain chapitre sous peu, il va être lui aussi riche en rebondissements.
Bonne lecture à tous.
Dans le comté du Dorset, non loin de la côte, il existait un petit village si minuscule qu'il apparaissait à peine sur les cartes routières moldues et était souvent d'ailleurs confondu avec un simple hameau à l'horreur de ses habitants – au nombre de soixante-trois – et qui tenaient à leur appellation de village, merci bien. Ce village se nommait Carton-Les-Mites et portait bien son nom car, là-bas, les maisons étaient toutes décrépies par manque de ressources. Pour vivre dans ce trou, il fallait soit y être né et ne pas savoir que le reste du monde existait ou alors désirer se cacher du Trésor de Sa Majesté ou de Scotland Yard.
Autrefois, ce trou paumé avait bien atteint les trois cents âmes, mais dès que la fortune était un peu venue à ces petits veinards, ils étaient allés se faire pendre ailleurs, notamment dans la grosse bourgade d'à-côté qui, elle, tentait de se faire passer pour une ville avec ses deux mille cent douze habitants : Brouette-Sous-Fourneau, le Fourneau étant simplement le nom du ruisselet qui serpentait misérablement entre les touffes d'herbe des champs de moutons.
Carton-Les-Mites se vantait de son pub à la façade lépreuse (Au Gant Percé), de sa petite église Sainte-Truffe et de la petite dizaine de cottages tout autour, ainsi que des maisons mitoyennes qui encadraient la route de Dorchester pompeusement renommée Rue Eliphas Andrews du nom du maire qui dix ans auparavant avait ouvert le camping naturiste devant apporter des devises au village. Raté, les devises étaient toutes allées à Brouette-Sous-Fourneau. Forcément ! Il n'y avait aucun commerce autre que le pub Au Gant Percé, et le propriétaire était un margoulin qui servait de la bière éventée et du whisky coupé à l'eau…
Dans cet « agréable » lieu de villégiature, à un demi-mile de là, dissimulé sous des barrières magiques anti-moldus, se trouvait le sinistre Manoir Prewett, ancienne gloire de la famille, mais à présent un tas de cailloux lépreux menaçant ruine et ne tenant encore debout que par magie.
Il s'agissait d'une construction de plan rectangulaire datant de l'époque médiévale et n'ayant jamais été améliorée depuis. Elle affichait insolemment trois étages aux rares fenêtres à meneaux lourdement grillagées de fer forgé médiéval, qui, pour la plupart, fermaient très mal et laissaient passer les intempéries. Lorsqu'on arrivait par l'allée bordée de chênes plus que centenaires, la bâtisse se dressait sombre et agressive devant vous. On ne voyait que les hauts murs à peines percés de trois ou quatre ouvertures. Il était commun de comparer cette demeure à une sinistre prison. Les visiteurs découvrant le lieu pour la première fois avaient tous cette impression.
De plus, le jardin n'était plus entretenu depuis des lustres, et même quelques décennies, et il devenait difficile de se frayer un chemin à travers cette jungle qu'il était devenu. Ah, si Ignatius Prewett avait encore été en vie, ça aurait été une autre paire de manches ! Jamais il n'aurait toléré un tel laisser-aller, un tel abandon ! Sa sœur Muriel, seule survivante de cette génération, aurait entendu parler du pays, comme disent les Moldus. Mais hélas… elle était encore il y a peu la dernière occupante du Manoir dont elle avait partagé la propriété avec son frère et dont elle gardait l'usufruit et ceci jusqu'à sa mort. Ensuite, Molly en ferait ce qu'elle voudrait, puisqu'elle était normalement la future héritière.
Enfin… si la fureur de Tante Muriel ne la faisait pas déshériter…
Ce matin-là, le hibou apportant la Gazette du Sorcier était comme à l'accoutumée passé par la porte de la cuisine laissée ouverte sur l'extérieur par les Elfes. Ceux-ci, au nombre de trois, étaient des créatures magiques au bout de leurs vies et qui avaient à peine la force de se traîner dans le Manoir et pouvaient à peine également s'occuper de leur terrible maîtresse. Avant l'arrivée de Molly à présent ex-Weasley, ils ne faisaient plus de ménage depuis longtemps, et n'entretenaient et chauffaient que la cuisine, la chambre de Madame et le boudoir où elle prenait ses repas et passait sa journée à écouter la RITM.
Muriel avait fait contre mauvaise fortune bon cœur. Elle avait accueilli sa nièce déchue et répudiée et l'avait nourrie et logée, mais en contrepartie, ladite nièce avait été relookée en Elfe-De-Maison… On lui avait quand même épargné le torchon… ne soyons pas mauvaises langues…
Il n'avait pas fallu plus d'une semaine pour que Percy ne fuie les lieux en prétextant devoir être plus proche du Ministère et le rusé avait pris une chambre au Chaudron Baveur en pension complète.
Ginny à Poudlard, Molly s'était donc retrouvée seule avec Tante Muriel. Et la vieille peau acariâtre lui faisait depuis bien payer son infortune par insultes, menaces d'être déshéritée et autres joyeusetés. Mais… depuis une petite quinzaine de jours, Ginny était rentrée, l'année scolaire s'étant écoulée et elles étaient deux à supporter la mauvaise humeur de Muriel et à faire toutes les corvées et la cuisine.
Ce matin-là, les Elfes vaquaient donc dans la cuisine, préparant le thé et faisant griller les toasts. Non, pas d'English Breakfast chez Muriel, ça coûtait trop cher ! On faisait rôtir sur une grille dans la cheminée les tranches du pain de la veille. Pas question de gaspiller !
Un plateau fut préparé par l'Elfe nommé Turpitude pour Muriel pas encore levée, tandis que sa sœur, Infamie, popait à l'étage où la maîtresse dormait afin de savoir où elle en était de son lever. Leur mère, Sinécure, bavait totalement gâteuse au coin de la cheminée, les pieds dans les cendres chaudes. Turpitude prit le journal et déposa une piécette dans la bourse du rapace qui reprit aussitôt les airs. La Gazette fut placée sur le plateau sans un autre regard et lorsqu'Infamie revint, elle annonça que Maîtresse Muriel faisait ses ablutions et qu'on pouvait apporter le plateau.
Les ordres donnés aux Elfes par Muriel avaient été très clairs. Si Molly voulait quelque chose, elle devrait descendre aux cuisines et se le préparer elle-même. Ils n'avaient pas à la servir. Muriel était gonflée car Molly faisait malgré tout partie de la famille et d'ailleurs elle était née et avait été élevée entre les murs de ce même manoir. En arrivant, la répudiée avait d'ailleurs récupéré sa chambre de jeune fille, tandis que ses enfants avaient été répartis dans les chambres libres. Percy avait été installé dans la chambre des défunts Fabian et Gideon, les frères jumeaux de Molly. Ginny s'était plainte du soi-disant placard où on l'avait reléguée – en fait une ancienne nursery – et après la fuite de Percy, elle s'était installée dans la chambre brusquement libérée.
Muriel descendit en ronchonnant l'escalier de bois noir usé par les ans. Elle prit quand même le temps de vérifier que Molly avait fait les poussières, retiré les toiles d'araignées, encaustiqué les meubles et lavé les vitres de toutes les pièces qu'elle traversait pour aller de sa chambre à la vétuste salle de bain pour ensuite réintégrer son boudoir d'où elle ne sortirait que pour aboyer ses ordres et râler sur les deux ingrates qu'elle devait à présent héberger. Enroulée dans son peignoir en lainage mité, elle entra dans le boudoir, jeta un œil négligent sur le plateau au maigre contenu et s'installa à la petite table afin d'y débuter son triste festin. D'un coup de baguette magique elle alluma son gros poste de radio à ampoules afin d'y écouter les inepties serinées à cette heure par la présentatrice vedette Glenda Chittok. Pour le moment, ces imbéciles de la RITM faisaient suer les auditeurs en leur imposant les derniers tubes des Bizzar'sisters, de Celestina Moldubec et de Lorcan d'Eath. Pffff ! Aucun goût, ces programmateurs !
Elle se versa une tasse de thé, une demi petite cuillère de sucre en poudre et écarta le journal pour y prendre son couteau afin de beurrer ses deux tartines matinales. Libéré de son anneau de carton par Turpitude, le quotidien sorcier gisait plié en deux sur la table. Les gros titres lui firent pousser un cri étouffé et tomber son couteau sur le plateau.
Nouveau scandale dans le Monde Magique !
Molly Prewett accusée d'adultère et d'avoir fait passer trois bâtards pour des Weasley légitimes !
De notre envoyée spéciale Jenny Biscus.
Nous avons appris très récemment qu'Arthur Weasley, après avoir déjà demandé le divorce le mois dernier, s'était présenté au Service des Affaires Familiales muni de parchemins d'Héritage et avait fourni ainsi aux employées assermentées de ce bureau les preuves que trois de ses sept enfants n'étaient pas de lui. Il demandait expressément le reniement magique officiel de ces bâtards que Molly ex-Weasley avait tenté de faire passer pour des enfants légitimes issus de leur mariage. Car les parchemins d'Héritage prouvaient de façon absolue que les nommés Perceval, Ronald et Ginevra n'étaient pas des Weasley !
Pire, mes chers lecteurs ! Pire ! Perceval est le fruit d'une liaison avec l'actuellement défunt et à l'époque très marié Bartemius Croupton Senior, ex employé au Ministère. Le récemment décédé Ronald était, chose épouvantable, le fils du tristement célèbre Mangemort Igor Karkaroff, arrêté et emprisonné, puis échangé contre informations ! Et Ginevra n'est autre que la fille d'un banal Moldu.
Que de mensonges, que d'infamies ! Quelle honte ! Une sorcière bien née, de sang-pur, qui s'est comportée par trois fois minimum comme une traînée ! On ne s'étonne donc plus qu'Arthur Weasley ait demandé le divorce. Le malheureux n'avait finalement pas d'autre choix. Nous n'avions pas été avisés, ici à la Gazette, des raisons qui avaient poussé l'ancien Directeur du Service des Détournements de l'Artisanat Moldu à se séparer de la sorcière qui était son épouse depuis trente ans, mais à présent nous comprenons et compatissons. En vérité, Arthur Weasley n'avait pas le choix : il serait en effet impensable à tout honorable sorcier de rester marié à une telle catin.
Nous rappelons que Ronald soi-disant Weasley a été récemment accusé de crimes odieux qui ont choqué l'entièreté de notre monde (voir rappel des faits en page trois) avant de trépasser entre les sinistres murs d'Azkaban ! Guère étonnant si on en croit son lignage !
Que fait donc le Ministère ? Il faut impérativement mettre des sanctions dans ces cas précis ! Quels héritiers dits de sang-pur sont actuellement des bâtards issus de Moldus ? Nous encourageons tous ceux qui ont des suspicions à utiliser la potion vendue par Maître Prince. Le Ministère devrait d'ailleurs la rendre légale et même… OBLIGATOIRE ! /…
Muriel, horrifiée, laissa tomber le journal comme s'il l'avait brûlée. Molly ? Molly avait osé ? Comment était-ce même possible ? Elle devait savoir, tout de suite !
— INFAMIE !
L'Elfe susnommé popa aussitôt et s'inclina cérémonieusement. La Maîtresse avait l'air furax, il allait falloir faire attention afin d'éviter un possible Maléfice Cuisant. C'est que la vieille bique avait la baguette en main et les mauvais sorts faciles…
— Miss Muriel a demandé son Infamie ? Que peut faire Infamie pour sa Maîtresse ?
— Va me chercher Molly immédiatement, ainsi que Ginevra ! Et je n'admettrai aucun délai !
N'ayant pas lu la Gazette au petit-déjeuner à cause de la lettre d'Arthur qui depuis la veille les perturbaient, Harry et Severus, attablés pour le repas de midi, venaient de prendre connaissance de l'article qui avait mis Muriel Prewett en fureur. Le Maître des Potions avait lu à voix haute la première page à son compagnon qui riait à présent, heureux de la déconfiture de sa Tante Molly, ô combien détestée.
— Tant mieux ! Et si la Grand-Tante Muriel la déshérite et la vire, ce sera un bienfait de Merlin !
— Muriel est la pire mégère du Monde Magique, selon Minerva, s'amusa Severus, un rare sourire au coin des lèvres. Molly va manger chaud, tu peux me croire.
— Ne me rappelle pas que cette vieille peau odieuse est ma grand-tante, Sev', par pitié. Je ne suis pas fier de tous les membres nouvellement découverts de ma famille.
— C'est sûr que ça te change d'Arthur et de ses véritables enfants ainsi que de ton cousin Rick. Tu comptes faire quoi de ta journée ? Moi je sens que je vais devoir faire en urgence des Potions d'Héritage et des Potions d'Adoption si j'en crois Miss Biscus. Je suis quasi certain que beaucoup de sorciers vont tester en douce ou pas leurs héritiers et qu'on va avoir des surprises. D'ailleurs…
Severus s'interrompit en voyant le hibou bien connu de Maître Shield entrer par la porte de la cuisine laissée ouverte par Dobby pour aérer. Harry terminait son dessert (une glace au chocolat) et se prit à sourire quand il vit son compagnon ricaner après avoir ouvert la missive de parchemin.
— Qu'est-ce que je te disais ! Héritage et Adoption ! Trente flacons de chacune ! Ben voyons ! Allez, je peux remonter. Dobby, un café, s'il te plaît, et bien serré… On a du boulot, Winky et moi, cet après-midi.
— Je dois transplaner chez Hermione. On va remplir nos demandes pour l'Université Moldue. Elle me suit en archéologie… Ça va être trop bien, ajouta Harry, rêveur.
— Ah oui, c'est vrai. Tu m'en as parlé déjà. Elle ne s'est pas plu en Droit.
— C'est ça. Et comme elle adore l'Histoire, je lui ai suggéré de venir avec moi. Et elle a accepté. Trop cool…
— Tu as eu des nouvelles d'Arthur ? Il devait voir hier son ami, à propos de sa demande sur le grand-père de Rick.
— Nan, Sev'rus. Rien encore. Mais avec ça… pas étonnant, fit Harry en désignant du menton le torchon de papier pompeusement appelé journal. J'attends aussi des nouvelles du Professeur Dumbledore dans la journée, il doit se rendre avec Walt au Service des Successions et Héritages Magiques pour voir si maintenant qu'il est un sorcier, Walt ne pourrait pas récupérer son Manoir et les coffres des Lestrange.
— Ah oui, Albus m'en avait parlé, mais j'ignorais que c'était aujourd'hui.
— MMmm, oui… Walt m'en a glissé un mot l'autre jour, juste avant qu'on rentre ici. Je te tiens au courant dès que j'ai du nouveau.
— Pas de souci.
Severus se pencha pour embrasser Harry sur la bouche et quitta la cuisine aussitôt afin de se plonger dans les délices ineffables de deux ou trois chaudrons bouillonnants voluptueusement. Le pied intégral, quoi !
La veille, Arthur Weasley avait voulu joindre Fergus Nutcombe, mais la gracieuse Madame Mathilda, qui tenait la caisse ce matin-là, lui avait dévoilé que le Boss n'était pas dans leurs murs. Il était sorti avec Cicéron et un certain Monsieur Ed et en aurait, paraît-il, pour la journée. Ses cours ne reprenant que l'après-midi même, sa matinée était libre et à peine levé, lavé, rasé puis restauré, l'ancien Gryffondor avait transplané jusqu'au Chemin de Traverse et s'était dirigé d'un bon pas vers l'Allée des Embrumes sans un regard pour les curieux le regardant en chuchotant, certainement pour commenter ses récentes infortunes. Par Merlin, jamais avant il n'avait mis les pieds dans cette allée et maintenant, il s'y rendait régulièrement ! Si on lui avait dit ça quelques mois auparavant, il ne l'aurait jamais cru.
Lorsque la porte blindée s'ouvrit, le sourire de Kenny l'accueillit ainsi qu'un hochement de tête de Miss Titania, présente à l'accueil en ce jour.
— Bonjour, Kenny. Je viens voir le Boss, c'est urgent. J'espère que tu seras en cours cet après-midi !
— 'jour, Professeur ! Ouais, je serai là ! Bien sûr que j'y serai ! M'dame Titania ? Le Professeur Weasley veut voir le patron !
— Je le préviens tout de suite.
Et encore une fois Madame de Mortecouille décrocha son téléphone magique et appela le bureau de l'étage. Deux minutes plus tard, Cicéron descendait et le rejoignait à l'accueil.
— Venez, Professeur, le Boss va vous recevoir.
Arthur hocha la tête, souleva son chapeau que dans sa précipitation il avait conservé, et s'inclina respectueusement devant la tenancière.
Dans l'escalier, il croisa un ancien confrère du Ministère qui rougit de le rencontrer en ce lieu, mais Arthur ne l'avait même pas remarqué et aurait été bien en peine de l'identifier. On le fit passer derrière la tapisserie et entrer dans l'antichambre. Cicéron frappa à la porte du Boss pour signaler leur arrivée.
— V'nez, Professeur, le patron vous attend.
— Entre, Arthur, et laisse-nous, Cicéron. C'est une conversation privée. Fais-nous apporter du Vieil Ogden et deux verres, je te prie.
— Je vous envoie un Elfe, Boss.
Cicéron sortit et referma la porte derrière lui.
— Assieds-toi, mon garçon. Tu reviens bien vite. Aurais-tu déjà trouvé quelque chose ?
— Oh oui, M'sieur Nutcombe. J'ai trouvé, révéla Arthur en prenant place dans le siège des visiteurs. Je dois vous avouer que je n'ai aucun mérite, et que tout ceci tient du hasard le plus troublant.
Un Elfe popa avec un plateau, le posa sur le bureau sans un mot, s'inclina et disparu aussitôt.
— Raconte-moi ! Tu as donc trouvé Ulric Mortensen ?
— Harry Potter l'a trouvé. En fait… même pas, il le connaissait déjà.
— Comment est-ce possible ? Il n'est pas mort ?
— Si, précisa Arthur en acceptant le verre que lui tendait Fergus. Ce monsieur est décédé depuis plusieurs décennies. Selon ce qu'Harry m'a révélé, votre beau-frère se serait marié avec une Cracmolle de sang-pur, mais sans me préciser son identité. Ils auraient eu une fille prénommée Ann. Unique, très certainement car il n'a pas mentionné d'autres enfants. Cette Ann Mortensen a épousé un Moldu nommé Joseph Evans et ils ont eu un fils appelé Rick. Et ce Rick, c'est le cousin d'Harry Potter. Joseph Evans est le frère du grand-père moldu d'Harry Potter.
— Par Merlin ! Et ce… Rick, un sobriquet sans nul doute, est-il un sorcier ? Et cette Ann, est-elle en vie ?
— Je l'ignore, M'sieur Nutcombe. Harry n'a rien mentionné à ce sujet. Et je n'ai jamais entendu parler d'un sorcier nommé Evans depuis Lily Evans, la mère d'Harry.
— Oui, je me souviens de cette sorcière. Les journaux avaient publié sa photo à l'époque de son trépas ainsi que celui de son époux. Une belle femme rousse… jeune ! Quelle pitié !
— Il faut que je vous dise, M'sieur Nutcombe. Cette Lily Evans, ce n'était pas une née-moldue comme on l'a dit partout. C'était une sang-mêlé. Sa mère était une Cracmolle nommée Daisy Prewett, la propre sœur de mon ex-femme, Molly.
— Eh bien ! Que de révélations ! Mais ça ne doit guère t'étonner, mon garçon. Tous les sorciers sont apparentés. C'est prouvé depuis très longtemps. Et les nés-moldus ne sont que les descendants des Cracmols qu'on a abandonné chez les Moldus au cours des siècles ! Peux-tu te renseigner et savoir si ce Rick est magique ou pas ? Je dois malheureusement avouer que les Mortensen étaient fort peu puissants, j'ignore pourquoi d'ailleurs. Cette Ann, la nièce de ma chère femme, aurait dû être une sorcière avec deux parents cracmols, mais…
Le Boss secoua la tête de désolation. Les mariages arrangés pour garder le sang le plus pur possible avaient affaibli les plus grandes lignées et on en voyait le résultat. La descendance de Sven n'avait été qu'un Cracmol et une sorcière ne valant guère mieux. Peut-être que la potion du Prince pourrait faire des miracles ? Il allait envoyer Cicéron en chercher un flacon chez Shield immédiatement et le cacher dans son tiroir…
— Arthur, pourrais-tu t'arranger avec Harry Potter pour que je puisse rencontrer mon petit-neveu voire sa mère si elle vit encore, le plus rapidement possible ? Puisque tu sembles en si bon terme avec ce jeune homme…
— Je vais lui passer un coup de cheminette en rentrant. Mais… Boss… il faut que je vous dise une autre chose… ce Rick Evans, c'est… comment dire… ce que le Ministère appelle un déviant. Et il vit en couple avec un certain Walt qui est le cousin de Severus Rogue.
— Tu sais très bien que ça n'a aucune importance, Arthur. Ils seront les bienvenus dans ma famille. Enfin… ce qu'il en reste. Et le jeune Potter également, avec son compagnon.
— Ils sont interdits de séjour dans le Monde Magique, M'sieur Nutcombe.
— Je lis les journaux, Arthur, s'amusa le Boss, un petit sourire au coin des lèvres. Mais je ne crois pas me tromper en disant que ça n'arrête certainement pas ces deux-là. Rogue n'était-il pas le Directeur de Serpentard ?
— Si fait.
— Et il n'y a pas plus roublards que ces serpents, crois-moi… Allons, Arthur ! Trinquons ! ajouta le père de Kyle en débouchant la bouteille neuve apportée par son Elfe pour remplir enfin le verre d'Arthur.
Il était à peine treize heures trente quand Albus Dumbledore et Walter Lestrange sortirent d'une des cheminettes de l'atrium du Ministère de la Magie. Le vieux sorcier lâcha le bras du jeune homme qu'il avait tenu pour le transport magique, Walt n'étant pas familier de la cheminette.
— Waouuuh ! s'exclama le jeune Lestrange ébahi, en regardant tout autour de lui avec des yeux comme des soucoupes. C'est grand ! Et c'est beau ! Et toutes ces cheminées… mais ça sert à quoi ?
— A transporter les visiteurs, mon garçon. Nous sommes venus par une cheminée du côté gauche, pour les retours il faut prendre une cheminée du côté droit.
— Ok. C'est bizarre mais bon. Et c'est quoi ça ? Une fontaine ?
— Oui. La Fontaine de la Fraternité Magique. Y jeter une pièce porte chance, dit-on.
— Pfff… Comme si on pouvait provoquer la chance, s'amusa Walt en s'approchant des statues d'or d'où l'eau jaillissait pour retomber dans le bassin. Et… tous ces sous, là… ils en font quoi ?
— Régulièrement les pièces sont retirées et mises dans le coffre bancaire de l'Hôpital Sainte-Mangouste.
— Ah oui ? Pas bête, ça… Et maintenant, on va où ?
— Nous allons devoir nous présenter au bureau du sorcier-vigile là-bas. Monsieur Munch va peser nos baguettes et nous donner un badge.
Walt crut mourir de rire en voyant sa nouvelle baguette dans le plateau d'une balance. Pourtant il cessa de ricaner en entendant Éric Munch être capable de détailler la composition exacte de sa baguette, sa longueur et sa date de mise en service, rien qu'avec sa fichue balance. Il écarquilla des yeux en découvrant que la baguette d'Albus Dumbledore semblait en service depuis… plus de mille ans ? Non… il y avait une erreur, certainement… Mais l'air absolument serein d'Albus et celui totalement blasé du sorcier-vigile en lui rendant sa baguette de sureau lui prouvaient que non, il ne semblait pas y avoir d'erreur. Son badge mentionnant « Demande d'Héritage » accroché à sa cape d'été, Walt suivit le vieux Professeur au fond de l'atrium et franchit les lourdes portes d'or menant à un nouveau couloir rempli cette fois-ci d'ascenseurs.
L'expérience fut particulièrement traumatisante et malgré la poignée pendant au plafond style autobus moldus, le jeune Serpentard fut secoué comme une tournée de linge à l'essorage, selon ses propres termes. Il poussa un soupir de soulagement en sortant de la cabine grillagée en marmonnant que les sorciers étaient fous pour créer de tels engins de torture et pire, pour les utiliser !
Son appréhension grandit soudainement lorsqu'il entra dans le couloir desservant les Services Administratifs. Et si on l'envoyait promener ? Et si des gens occupaient les lieux depuis des années ? Et qu'il ne pouvait plus rien espérer, pas même récupérer quelques souvenirs de sa mère ou de Rabastan… Pourtant le Professeur Dumbledore paraissait confiant. Il disait que la Loi lui permettait de prétendre à l'héritage à présent.
Ils allaient le savoir dans quelques minutes.
Comme Arthur quelques jours auparavant, ils entrèrent dans un nouveau couloir et cherchèrent la porte marquée « Service des Successions et Héritages Magiques ». Albus sonna et entra, Walt à sa suite.
Le lieu était absolument semblable au bureau d'Hestia Jones, porte d'à côté. Mais pour le savoir, il fallait encore avoir visité les deux. Dumbledore semblait en pays de connaissance car il salua l'homme derrière le comptoir, d'un signe de tête et d'un sourire.
— Bonjour, Monsieur Cockburn, comment allez-vous ?
— Bonjour, Professeur Dumbledore. Je vais bien, merci. Que puis-je faire pour vous ?
Alistair Cockburn, ancien Poufsouffle, était le chef de ce bureau. Sous ses ordres, deux autres sorciers œuvraient dans cet endroit et résolvaient tous les problèmes de successions et d'héritages et, par Merlin, ce n'était pas ce qu'il manquait depuis l'arrivée sur le marché de la fameuse potion Retour de Magie pour Cracmol de ce Prince sorti on ne savait d'où.
— Je vous présente Monsieur Dionysus Walter Lestrange, un ancien Cracmol, et qui vient se renseigner sur la possibilité de récupérer le Manoir de ses parents défunts. Avant que vous ne demandiez, non, il n'y a pas d'autres héritiers. Les deux frères de Monsieur Lestrange, Rodolphus et Rabastan sont décédés depuis des années.
— Oui, des Mangemorts. Je me souviens très bien de cette affaire. Nous allons voir ce que nous pouvons faire et examiner ce dossier.
Cockburn tourna sa tête brune vers le fond de la pièce et interpella un sorcier à lunettes qui écrivait à la plume sur un registre de parchemin.
— Grover ? Pourriez-vous m'apporter le dossier Lestrange, s'il vous plaît ?
Le nommé Grover Snowbell leva les yeux de son registre, posa sa plume et acquiesça aussitôt.
— Grover sait où se trouvent tous les dossiers et aussi connait leurs contenus. Il a une mémoire phénoménale, révéla Alistair Cockburn à ses deux interlocuteurs.
— Oui, je m'en souviens très bien, confirma Dumbledore en hochant la tête.
En effet, un important dossier lévita depuis le vaste placard où le sorcier était entré et se dirigea paresseusement vers le comptoir où il retomba en dégageant un nuage de poussière.
— Désolé. Il n'a pas servi depuis longtemps.
Cockburn ouvrit la chemise de carton épais entoilé fermée par des lacets de cuirs, sous les yeux remplis d'appréhension de Walt.
— Je dois vérifier votre identité, Monsieur, avant toute chose.
— Oh… heuu… oui… j'ai une carte d'identité moldue.
— Inutile ! Ces pièces sont irrecevables ici car trop facilement falsifiables. Nous avons mieux !
Le sorcier prit une petite carte de visite dans une boite. Le bristol semblait avoir été recouvert d'une potion quelconque car on y remarquait encore des traces de coups de pinceau.
— Votre doigt, Monsieur !
Walt lança un regard inquiet à son accompagnant. Albus se décida à prendre les choses en main.
— Je vais m'occuper de mon élève, Monsieur Cockburn. Il n'est pas encore familier des usages du Ministère. Il a quitté le Monde Magique à onze ans, voyez-vous…
Oui, Alistair Cockburn voyait très bien. Encore un Cracmol abandonné dans une ruelle moldue comme un sac poubelle Magic'ordur' plein. Il en voyait revenir un presque chaque jour, depuis que LA fameuse potion avait été inventée.
Le chef de bureau regarda le Directeur de Poudlard piquer l'index gauche de son protégé et déposer une goutte de sang sur la petite carte laissée sur le comptoir. Aussitôt, l'identité du nouveau sorcier fut confirmée :
Dionysus Walter Lestrange, fils légitime d'Appolonius Marcus Lestrange et de Séraphina Philomena Evergreen.
En lisant à voix haute la preuve de l'identité de Walt, Alistair Cockburn hocha la tête avec satisfaction.
— Maintenant que votre identité est formellement établie, nous pouvons procéder à la vérification du dossier, annonça-t-il en tournant rapidement les pages empilées devant lui. Ces documents indiquent que vos parents sont décédés ainsi que vos deux frères, et que vous n'avez pas d'autre famille directe. Le Manoir Lestrange est donc tombé dans l'escarcelle du Trésor Magique, et il y est toujours. Ils ont tenté de le vendre, mais personne n'a désiré acheter la demeure de Mangemorts condamnés et exécutés. Je vous rappelle que votre frère Rodolphus a hérité des biens de votre famille, pour seulement quelques années, sans avoir le loisir d'en profiter étant donné son incarcération. A son exécution, votre frère Rabastan a automatiquement hérité, mais il a été exécuté quinze minutes après votre aîné. C'est là que tout est devenu possession du Trésor car votre frère Rodolphus, bien que marié à une demoiselle Bellatrix Druella Black, n'a jamais eu de descendance.
— Oui. C'est ce que j'ai appris depuis mon retour, acquiesça Walt avec un hochement de tête. Mais maintenant que je suis un sorcier, est-ce que je peux tout récupérer ?
— Oui. Mais vous allez devoir me prouver votre qualité de sorcier. Je suis navré mais c'est la procédure.
Walt sortit sa baguette du holster de poignet que Severus lui avait offert. Il la tendit devant lui et marmonna un Lumos qui alluma comme prévu son artéfact magique.
— Excellent. Je note la confirmation de votre qualité de sorcier, poursuivit Cockburn. Selon l'inventaire que j'ai devant les yeux et qui a été établi par Gringotts, l'or contenu dans les divers coffres a été encaissé par le Trésor. Il vous sera restitué mais pour cela vous devrez ouvrir un coffre à Gringotts si vous n'en possédez pas encore un. Oui, les anciens coffres ont été fermés puis réattribués.
Walt lança un regard interrogatif à Albus Dumbledore mais celui-ci lui tapota le poignet dans un geste rassurant.
— Nous allons nous occuper de faire cette démarche en sortant ici, Walt. Ne vous inquiétez pas.
— Merci, Professeur Dumbledore. Monsieur ? Et… le Manoir ? Il a été vidé de son mobilier ? Et les Elfes ? Que sont-ils devenus ?
— Il semblerait que les Elfes aient été laissés sur place afin d'entretenir les lieux. S'ils n'étaient pas trop âgés aux trépas de vos parents, il est tout à fait possible qu'ils soient toujours en vie et présents sur place.
— Ils étaient âgés, soupira Walt. Ce n'est pas certain du tout qu'ils ne soient pas morts eux aussi.
Cockburn prit un formulaire dans un tiroir du bureau le plus proche et déposa sur le comptoir une énorme clé en fer forgé trouvée dans le dossier.
— Monsieur Lestrange, veuillez s'il vous plaît remplir le formulaire officiel. Son enregistrement fera de vous le propriétaire des biens de votre famille et ordonnera le déblocage de l'or tenu en dépôt par le Trésor.
Ouais, tenu en dépôt… dérobé plutôt ! Walt songea aussi aux artéfacts qui devaient avoir été présents dans les coffres. On avait intérêt à tout lui rendre ou gare !
— Pourrais-je, s'il vous plaît, avoir une copie de l'inventaire ?
— Bien entendu, répondit Cockburn en déposant devant Walt et Albus, une plume, un encrier et un buvard monté sur une petite bascule en bois munie d'une poignée et dix secondes après, le fameux document demandé.
Alors que le dernier Lestrange écrivait ses noms, prénoms et date de naissance, puis adresse dans les cases prévues, Grover Snowbell approchait avec un second dossier.
— Hem, hem… excusez-moi de vous déranger, mais je viens de me souvenir de ce dossier. Il s'agit de la succession Prince.
— Prince ? demanda Cockburn avec étonnement. Mais, Grover, ça vient faire quoi ici ?
— Si vous permettez… Monsieur Cockburn…
— Faites donc, Grover, répondit Alistair, intrigué.
— Monsieur Lestrange, pouvez-vous me donner les identités de vos grands-parents Evergreen, s'il vous plaît ? Si vous les connaissez, bien entendu.
— Oui, bien sûr. Lester Evergreen et Philomena Prince.
— C'est bien cela. Oui… marmonna Snowbell en délaçant les cordons de cuir fermant son dossier. Monsieur Lestrange, votre grand-mère Philomena Prince était la sœur de feu Septimus Prince. Ce sorcier n'avait pas d'autre héritier que sa fille unique Eileen qu'il a eu l'imprudence de chasser et de déshériter il y a une petite quarantaine d'années. Les biens de ce monsieur auraient dû normalement être légués à sa sœur Philomena et donc à votre mère ensuite. Seulement… suite à… comment dire… une erreur du Ministère en ce temps-là, voyez-vous… Le Trésor Magique a tout récupéré et vendu à vil prix pour conserver l'or par devers lui. Grave erreur ! Or, le sorcier qui avait acheté la propriété n'en a jamais rien fait. Il est décédé moins de deux mois après la transaction et n'avait pas d'héritiers. Ses biens sont donc revenus au Ministère. C'est là que nos services de l'époque ont repéré l'erreur. La vente a donc été considérée nulle et non avenue car entachée d'une grave irrégularité. Depuis nous attendons un héritier légitime pour cette succession. Il semblerait que vous soyez cette personne.
— Non. Elle ne devrait pas me revenir. Mon grand-oncle Septimus avait un petit-fils, vous savez. C'est lui qui devrait hériter.
— Nous sommes au courant, Monsieur Lestrange. Miss Eileen Prince a épousé un dénommé Tobias Ebenezer Rogue et a eu un fils légitime de cette union. Severus Rogue aurait pu hériter si son grand-père avait rédigé un testament en sa faveur mais cela n'a pas été le cas. Il a refusé, d'après la rumeur. Vous êtes donc actuellement le seul héritier possible de la succession Prince.
Walt regarda Albus avec des yeux remplis de stupeur.
— Professeur Dumbledore, je ne peux pas prendre les biens de Grand-Oncle Septimus. C'est pas juste pour Severus. Je peux pas lui faire ça.
— Walt, mon petit, murmura Albus à l'oreille de son élève. Acceptez ce legs. Après tout, rien ne vous oblige à le conserver, si vous n'en voulez pas. Vous pourriez, par exemple… en faire don à votre cousin défavorisé…
— Je… Ouais ! Super ! Bonne idée ! On fait comme ça ! Monsieur ? Je vais accepter l'héritage de mon grand-oncle puisque c'est possible. Il n'y a aucun problème.
— Bien, décréta alors Alistair Cockburn. Terminez de remplir votre document pour la succession Lestrange, Monsieur Snowbell va préparer les papiers pour la succession Prince.
Cockburn était plutôt ravi de ce tournant dans les affaires de ce matin-là. Deux successions en moins, classées et archivées pour midi, surtout deux successions aussi problématiques…
Une demi-heure plus tard, Walt s'apprêtait à quitter le Ministère de la Magie en serrant contre lui un porte-document conjuré par Albus. Dedans, il y avait toutes les preuves des deux héritages… A présent, il fallait reprendre la cheminette – une de celles de l'autre côté – et filer aussitôt à Gringotts pour ouvrir un compte. C'est-à-dire, dans le Monde Magique, faire une demande officielle d'attribution d'un coffre.
— Venez, mon petit, nous allons à la banque. Une fois ceci fait, il ne vous restera plus qu'à attendre des nouvelles du Trésor Magique. Monsieur Cockburn ne va pas manquer de leur donner vos coordonnées et ils prendront contact par hibou afin de vous aviser que les remboursements ont bien été effectués, une fois que Gringotts leur aura donné votre numéro de coffre.
— On aura le temps, Professeur Dumbledore ? Je ne voudrais pas être en retard en cours ! Le Professeur Weasley est bien accommodant, mais je ne veux surtout pas prendre de retard.
— Il n'y aura pas de souci. Je connais du monde à Gringotts. Nous n'aurons pas à attendre.
— Quand je vais raconter à ça Severus ce soir ! Il ne va pas en revenir !
— Vous devez vous voir aujourd'hui ?
— Non, je vais juste leur passer un coup de téléphone… pourquoi ?
Aidé de Winky, Severus avait terminé les potions demandées par Marcus Shield pour la fin de l'après-midi. Il avait fallu faire deux chaudrons de chaque et ça avait donc pris un peu de temps. Les potions refroidies avaient été embouteillées, cachetées et les étiquettes remplies et collées. A présent, les flacons étaient rangés debout dans des caissettes en bois contenant des cases prévues à cet usage. Severus jeta un coup d'œil sur la pendule moldue accrochée depuis peu sur un des murs. Encore une initiative de Dobby, bien sûr… Il avait entendu Harry se plaindre que Severus passait trop de temps dans son labo, et oubliait trop souvent l'heure.
Le potionniste abaissa sur ses avant-bras pâles ses manches de chemise qu'il avait remontées pour travailler. Winky venait de terminer de laver les chaudrons dans l'évier et ils séchaient à présent sur la paillasse, prêts pour la prochaine commande. Il était l'heure du dîner et Harry devait l'attendre dans la cuisine. Il avait passé l'après-midi chez Hermione car ils avaient des choses à faire, des dossiers d'inscription à remplir, une demande de bourses… Eh ! Il n'avait plus de parents, pas de revenus officiels et était « hébergé » par quelqu'un qui n'était pas de sa famille. Il pouvait bien tenter de grapiller quelques centaines de livres sterling au gouvernement de Sa Gracieuse Majesté… Il n'avait même pas de compte en banque moldu. Ils pourraient vérifier : Harry James Potter était un miséreux, chez les Moldus.
Severus descendit l'escalier, traversa le salon et entra dans la cuisine. Comme il l'avait pressenti, son Gryffondor personnel était à table et avait commencé à se servir en entrées. Visiblement, Dobby avait prévu des crudités et des viandes froides car les plats étaient étalés sur la table et il y avait de quoi se composer une belle salade.
— Alors ? Ces potions ? demanda Harry en se servant en tomates vinaigrette. Tu as réussi à tout faire ?
— Oui, répondit Severus en s'asseyant à sa place habituelle. La commande est complète. J'ai décidé de reprendre mon déguisement de Sevan Prince et d'aller faire un tour demain matin dans l'Allée des Embrumes. Je vais aller porter moi-même sa commande à Shield. Midnight et Hedwige ont besoin de se reposer un peu. Ensuite, je pense que je bosserai un peu sur ma potion de grossesse masculine. Il faut que j'arrive à trouver un système pour combiner deux spermatozoïdes et ça ne va pas être facile.
— Tu penses que tu vas y arriver ? s'inquiéta Harry, la fourchette à la main.
— Je l'espère. Ça sera long, je ne me fais aucune illusion, mais… ça m'occupera en attendant les prochaines commandes.
— Sev… faudra qu'on cherche une maison près de la mer. J'ai vraiment envie qu'on aille à la plage, qu'on puisse se baigner, un peu comme des vacanciers, tu vois. Sauf qu'on serait vraiment chez nous… et qu'on pourrait y aller comme on voudrait. On pourrait inviter Rick et Walt et aussi le Professeur Dumbledore, et Oncle Arthur avec les jumeaux…
— Oui, je vois… Toute la famille, quoi ! s'amusa le Maître des Potions.
— C'est ça.
— Ecoute, si tu y tiens à ce point, on pourrait aller faire un tour au Chemin de Traverse demain après-midi. Il y a une agence immobilière juste à côté des bureaux de la Gazette du Sorcier.
— Ok, ça marche, on ira demain. Et si on ne trouve rien à nous plaire, on tentera côté moldu. Sev' ? Tu devrais essayer cette Piémontaise, elle est super bonne. Dobby l'a bien réussie.
Remontons un peu le temps de quelques heures… Qu'avait-il donc bien pu se passer ce matin-là à Carton-Les-Mites dans la presque ruine que Muriel Prewett appelait pompeusement Manoir ?
Appelées par Infamie, Molly et Ginny avaient soupiré en se regardant et abandonné provisoirement leurs occupations : son tricot pour Molly et son magazine de Quidditch pour Ginny. Que voulait encore cette vieille bique acariâtre ?
Les deux sorcières avaient donc quitté le petit salon de l'étage qu'elles avaient investi et descendu le vieil escalier de bois noirci par les ans.
— Si c'est pour encore exiger que je jardine, elle va m'entendre, avait marmonné Molly, furieuse. Elle sait que je déteste le jardinage ! Je refuse de toucher à cette forêt vierge. Elle n'a qu'à engager un jardinier ! Elle a de l'or pour ça !
Arrivées à l'étage inférieur, celui où se trouvaient la chambre et le boudoir de Tante Muriel, elles avaient longé le couloir en foulant le long tapis rouge mangé aux mites et frappé à la porte dudit boudoir.
— ENTREZ ! avait aboyé une voix glaciale et passablement énervée, vu le ton employé.
Molly avait ouvert la porte et aussitôt demandé :
— Tu as besoin de quelque chose, Tante Muriel ?
— Oui ! Des explications ! avait-elle répondu en lui lançant le numéro du jour de la Gazette qu'elle tenait entre ses mains.
Machinalement, Molly avait saisi le journal au vol et affiché un air d'incompréhension. Puis elle avait ouvert le battant de bois au large et était entrée dans la pièce suivie de Ginny qui avait aussitôt regardé partout autour d'elle d'un air curieux car elle n'avait précédemment jamais été admise dans cette pièce.
Le papier peint victorien était usé et décoloré. Il avait même des traînées de crasse un peu partout surtout autour de la cheminée allumée à l'année. Le parquet était usé et n'avait plus vraiment de couleur, le tapis avait des trous et le mobilier aurait fait le bonheur d'une déchetterie moldue. Le gros poste de radio à ampoules trônait sur une petite table ornée d'une nappe en tapisserie aux franges par endroits manquantes. Le lustre poussiéreux ne portait qu'une seule bougie jaunâtre par souci d'économie. Les deux fenêtres étroites ne laissaient passer que peu de lumière et l'atmosphère était lourde et sombre. Un boudoir, ça ? Plutôt l'antichambre d'une chambre funéraire, s'était pris à penser Ginny en suivant sa mère.
— Le journal ? Pourquoi faire ? Tu veux qu'on te fasse la lecture ?
Le visage de Muriel s'était encore un peu plus durci, si c'était humainement possible sans avoir l'air d'une momie millénaire figée dans un fauteuil.
— Lis la première page ! En silence ! Je n'ai nul besoin d'entendre ces monstruosités !
Molly avait donc déplié la Gazette, soudainement plus très rassurée. Qu'il y avait-il encore là-dedans qui avait pu mettre Muriel dans cet état ?
En découvrant les gros titres, la sorcière récemment répudiée avait mortellement pâli et le thé qu'elle avait avalé quinze minutes auparavant dans la cuisine s'était mis à dangereusement remuer dans son estomac. Par la barbe de Merlin ! Comme était-ce possible ? Qui avait donc bien pu suggérer à Arthur de tester tous ses enfants avec la Potion d'Héritage du Prince ? C'était dramatique car son secret si chèrement gardé toutes ses années était à présent dévoilé et à la face du Monde Magique dans son entièreté. Que faire ?
Mais Molly était une Prewett… et Tante Muriel n'avait pas le monopole du sale caractère et des paroles acerbes.
— Oui, et alors ? Que veux-tu que ça me fasse ? avait-elle aussitôt répondu avec agressivité. Je n'ai rien à me reprocher !
— RIEN ? Tu as trompé ton époux, tu as fait trois enfants avec des amants dont un n'était qu'un vil moldu ! Et dois-je te rappeler qui était le père de Ronald, hein ? Traînée ! Messaline ! Comment as-tu osé commettre une telle infamie avec un Mangemort ? En plus !
Les yeux écarquillés d'horreur, Ginny avait regardé alternativement sa mère et la Tante Muriel sans comprendre. Un « pop » de transplanage elfique s'était fait entendre soudainement et Infamie, trompée par son douteux prénom, avait répondu à ce qu'elle pensait être un appel de sa maîtresse. L'Elfe n'était pas restée dans la pièce. Elle avait vite compris que personne n'avait fait appel à elle et était retournée à la cuisine en maudissant secrètement les jumeaux Prewett qui avaient eu l'audace de lui donner à elle et son frère des prénoms humiliants.
— De quoi tu parles, Tante Muriel ? s'était alors inquiété Ginny.
— Donne le journal à ta bâtarde, Molly ! Et explique-lui donc maintenant qu'elle n'est pas une Weasley ! Et qu'elle n'est pas une sang-pur ! Que son père n'était qu'un Moldu, un banal épicier moldu ! Apprends, fillette, que ta mère a eu trois enfants avec d'autres hommes qu'Arthur ! toi, Ronald et Perceval, vous êtes tous des bâtards ! Et le père de Ronald était Igor Karkaroff, un Mangemort des plus connus !
— Que… quoi… ? Je… je suis pas une Weasley ? Et Ron et Percy non plus ? Maman ! Pourquoi tu as fait ça ? gémit Ginny, bouleversée. Je vais être la risée de l'école l'an prochain. Personne ne va plus me parler. Déjà que d'être pauvre était dur, mais en plus maintenant je suis une bâtarde ?
— Arthur t'a reniée, petite, s'était amusé froidement Muriel. Tu n'as même plus le droit de porter le nom de Weasley. C'est écrit en toutes lettres. Molly, réponds à ta fille. Pourquoi as-tu fait ça ? Que tu trompes ton époux, c'est commun, je ne le nie pas, mais faire des enfants avec des amants ? C'est la pire des choses à faire ! Ne me dis pas que tu ne connais pas les sorts de contraception ou les potions du même genre ! Tu as toujours été excellente en potions et en sortilèges et enchantements. Alors POURQUOI ? Pourquoi mettre ainsi le déshonneur sur notre Maison ? Si mon pauvre frère était encore parmi nous… Il aurait ta tête ! Jézabel ! Messaline !
— Laisse Papa en dehors de ça ! Et pour répondre à ta question, tu crois que j'ai choisi Arthur ? ricana froidement Molly un rictus aux lèvres. Je sais pertinemment que c'est Mère qui l'a choisi, avec toi ! Et je n'ai rien eu à dire ! Et j'ai obéi bien gentiment, comme il se devait ! Et pourquoi ? Pour vivre dans la misère ! Pour me priver et priver mes enfants ! Tout ce que je voulais c'était une fille ! Et Arthur était visiblement incapable de m'en donner une. Tout le monde sait que les Weasley n'ont jamais de filles ! Sa cousine Mafalda a été adoptée, et c'est la seule fille depuis des siècles !
— CE N'EST PAS UNE RAISON, avait hurlé Muriel offusquée et la bave aux lèvres. UN MANGEMORT, MOLLY ! UN MANGEMORT !
— Pourquoi ? Mais tout simplement parce que c'était un excellent amant. Eh oui ! Et j'ai pris un pied d'enfer à chaque fois avec lui ! avait osé répondre Molly qui voulait choquer son odieuse tante.
— COMMENT OSES-TU ?
— Tu me poses la question, et donc je te réponds. Il faudrait savoir ce que tu veux. Quant à Barty… l'occasion a fait le larron, comme Arthur aime à dire… Lui et ses expressions moldues… Je l'ai croisé un jour au Ministère, j'étais jeune… plutôt jolie, disait-on… Je lui ai plu et il se sentait seul. Sa femme était tout le temps malade et ne lui apportait aucun agrément. Nous nous sommes entendus…
— OUI ! TELLEMENT BIEN QUE TU AS EU PERCEVAL AVEC LUI !
— Exactement ! Et je ne regrette rien, figure-toi ! Percy est brillant et ambitieux, comme lui !
Ginny avait lu entre temps tout l'article de la Gazette et en était bouleversée. Ron était le fils d'un Mangemort et ça expliquait certainement son comportement violent assez surprenant. Cette Jenny Biscus avait aussi fait le rapprochement. Mais elle… elle n'était que la fille d'un Moldu… un total inconnu avec un nom moldu. Un certain McCloud… un épicier. Quelle horreur ! Les Serpentards allaient lui mener la vie dure à la rentrée.
Une larme coula sur sa joue couverte de taches de son. Elle ne trouverait jamais à se marier à présent. Elle ne serait certainement pas recrutée non plus dans une équipe de Quidditch, pas en étant une bâtarde, ostracisée et sans or, sans appuis…
Mais Molly n'avait pas terminé sa diatribe et avait continué sur sa lancée.
— Quant à Steve… il était bel homme et je voulais une fille. Il m'a donné ma fille !
— Et tu es fière de toi… avait soupiré Muriel. Tu es bien avancée maintenant. Tu es seule, répudiée, ta fille reniée et Ronald est mort à cause de ses bêtises. Tessy a eu l'audace de me jeter dans les dents que c'était de ta faute car tu l'avais encouragé. Tu es avancée, tiens…
— Je n'ai rien à voir dans la mort de mon pauvre Ronny ! avait alors grondé Molly, furieuse. Il est mort à cause de ces deux dépravés, j'en suis sûre ! Harry Potter et Severus Rogue ! Ce sont eux, j'en suis certaine !
— Alastor m'a assuré qu'il n'en était rien, Molly, avait asséné Muriel, excédée. Ces deux déviants ont été interrogés sous Véritasérum et ils n'ont rien à voir dans l'affaire.
— Pfff ! Rogue a dû leur faire avaler une potion pour contrer le Véritasérum, c'est tout !
— Une telle potion n'existe pas, Molly ! Alastor me l'a confirmé quand je lui ai posé la question !
La vieille femme s'était alors tue et avait regardé sa nièce avec des yeux glacés. Sa dernière parente en vie était une traînée qui avait jeté l'opprobre sur leur honorable famille. Si seulement ces pauvres Gideon et Fabian n'avaient pas péri… Si seulement Daisy avait été une sorcière… Tout aurait été tellement plus facile. Pourtant, une idée saugrenue avait fait son apparition dans le cerveau torturé de Muriel. Il y avait encore une solution…
— Molly, tu vas faire tes malles et t'en aller, je ne veux plus te voir sous mon toit. Je te déshérite. Tu n'auras pas une noise de l'or des Prewett. J'ai dit ! Je te conseille le Monde Moldu puisque tu les aimes tant… suffisamment pour coucher avec eux. Tu ne trouveras rien pour toi dans le Monde Magique, ni position, ni logement, ni nouvel époux. Qui le voudrait ? Et ta fille également, donc tu l'emmènes avec toi. Dégagez ! Je ne veux plus vous voir ! DEHORS ! Vous avez quinze minutes pour faire vos malles ! Passé ce délai les barrières magiques vous expulseront !
Les yeux lançant des éclairs, Molly s'était drapée dans sa dignité outragée et était sortie de la pièce en maugréant et en maudissant la vieille toupie. Ginny sur les talons, elle était entrée dans sa chambre et en deux coups de baguette avait fait sa malle. Puis elle s'était dirigée vers la chambre occupée par Ginny, avait répété l'opération et réduit leurs deux malles. Sans un mot, la rouquine avait enfilé sa cape, ordonné à sa fille de l'imiter et l'avait saisie par un bras. Aussitôt, elles avaient transplané hors de la propriété sur la route menant au village. Les deux femmes avaient senti les barrières magiques se modifier pour leur interdire dorénavant l'accès au manoir.
— Maman, où on va aller ? On n'a plus de maison, on n'a pas d'or… Comment on va faire ?
— Ne t'en fais pas, ma chérie. Nous irons chez Percy en attendant.
— Mais Percy habite au Chaudron Baveur, Maman, il n'a pas de logement à lui.
— Eh bien, on ira chez les jumeaux, et c'est tout !
Alors que Molly entraînait sa fille dans un transplanage d'escorte vers le Chemin de Traverse, Tante Muriel avait débuté une lettre pour son petit-neveu Percy…
Il était plus que temps de mettre un peu d'ordre par ici…
Lorsque le téléphone avait sonné à l'Impasse du Tisseur, Harry avait à peine eu le temps de lever le nez du livre d'Histoire Moldue qu'il dévorait, suite aux recommandations d'Hermione. Severus était assis à la table de la cuisine et griffonnait dans un gros cahier vert de chez Scribenpenne. Dobby qui adorait ce nouveau jouet qu'était le téléphone – non Dobby, ce n'est pas un félétone, c'est un té-lé-pho-ne, avait dit Harry – s'était précipité dans le salon pour se saisir de l'appareil et décrocher.
— Allo ? Résidence des grands Harry Potter et Severus Rogue et des Elfes fidèles Dobby et Winky ! Dobby vous écoute !
Harry éclata de rire en l'entendant et Severus eut un petit sourire en coin et immobilisa sa plume en l'air.
— Maître Severus ? C'est Maître Walt Lestrange au téléphone. Il veut vous parler.
— Dis-lui que j'arrive tout de suite, Dobby, répondit Severus en reposant la plume qu'il tenait toujours sur son support en métal ouvragé.
Le potionniste referma son flacon d'encre et se leva, faisant racler sa chaise sur le sol carrelé de la cuisine. Derrière lui, Winky s'affairait avec de la farine et des œufs… Aucune idée de ce qu'elle avait prévu, mais ça serait sûrement bon. L'Elfe avait rarement l'occasion de cuisiner ou pâtisser car tous les repas provenaient de Poudlard, ce qui lui laissait le temps pour aider son maître avec ses potions.
— Passe-leur le bonjour, veux-tu, Sev ?
— Aucun souci, chaton.
Severus tendit la main et Dobby y déposa le combiné avec un grand sourire plein de dents. Quel cabotin, celui-là !
— Salut, Sev', c'est Walt. Je vous dérange pas ?
— Non Walt, on a dîné il y a un moment et là Harry bouquine et moi je recopie mes notes. Rien d'extravagant, une soirée tranquille quoi. Alors ? Comment ça s'est passé ? Tu devais aller au Ministère avec Albus aujourd'hui.
— Oui, on y est allés. Et je peux hériter de mes parents. Le Trésor Magique a tout piqué bien entendu, mais ils sont obligés de tout me rendre, et ils ont intérêt ! Je vais rien lâcher, tu peux me croire. Et on est allés à Gringotts aussi, parce qu'il me fallait un coffre, pour les sous, tu comprends.
— Bien entendu. Il faut que le Trésor Magique puisse faire le virement donc pour ça il te faut impérativement un coffre à Gringotts.
— C'est ça. Et alors, ben… on m'en a donné un. Le numéro 531. Et j'ai eu une clé ! En or ! Je l'ai accrochée à une chaîne à mon cou pour pas la perdre. C'est le Professeur Dumbledore qui m'a dit de faire comme ça.
— C'est une bonne idée. Ils t'ont dit quand tu récupérerais le tout ? L'or et le Manoir ?
— Non. Gringotts a déjà dû leur envoyer le numéro du coffre. Et pour le Manoir, je suppose que je serai convoqué avec un hibou ou je sais pas quoi. J'ai pas pensé demander. Mais… c'est pas tout, Sev'. J'ai pas hérité que des biens de mes parents.
— Ah bon ? Tu avais le droit à autre chose ?
— Ouais… J'en voulais pas au début, mais le Professeur Dumbledore m'a dit d'accepter.
— C'est quoi ?
— L'héritage de ton grand-père Prince, Sev'. C'est ma mère qui aurait dû l'avoir et donc maintenant, c'est moi.
— QUOI ? C'est toi qui… ? Mais… je croyais que tout avait été vendu à vil prix au profit du Trésor Magique ?
— C'était une erreur de leur part, une irrégularité il paraît et la vente a été annulée. J'ai hérité du Manoir, Sev'. Et comme j'en veux pas, je te le donne. C'est à toi d'avoir ça, pas à moi.
— Walt… je…
Choqué par cette annonce, Severus en perdait ses mots. Le voyant brusquement pâlir, Harry fronça les sourcils, reposa son livre sur la table de salon et quitta son fauteuil pour rejoindre son compagnon.
— Ça va, Sev' ? Tu en fais une tête, une mauvaise nouvelle ?
Sans un mot, Severus appuya sur le bouton du haut-parleur et la voix de Walt se fit entendre dans le salon.
— Non, Sev'rus, je te le dis, j'en veux pas. J'ai assez avec le Manoir Lestrange, j'ai pas besoin de celui de ton grand-père. Donc tu le prends. Il a été salaud de renier ta mère et toi avec du coup. Parce que le type au Ministère, il nous a bien dit qu'ils avaient tenté de lui faire rédiger un testament en ta faveur mais qu'il avait refusé. Ce vieux fou a préféré tout laisser au Trésor Magique alors qu'il avait un héritier. C'est dégueu ! C'est dégueu et injuste ! Je peux réparer ça, donc je le fais. De toute façon, que veux-tu que j'en fasse ? Je peux pas me couper en deux ni même en trois pour y vivre. On a déjà notre appart, Rick et moi, et je sais même pas ce qu'on va faire du Manoir de mon vieux, alors épargne-moi des soucis en plus, tu veux bien ?
— Ok, ok… J'accepte, Walt, et je te remercie bien. On en reparlera ce week-end ou avant si tu as des nouvelles du Ministère ou de la banque.
— Walt ! s'exclama Harry en les interrompant. Faut que je parle à Rick, j'allais oublier. Il est là ?
— Ouais, en bas… on est ouvert mais pour le moment c'est calme. Je vais descendre après, tu veux que je lui passe un message ?
— Oui, dis-lui que son grand-oncle Fergus voudrait le rencontrer. Ouais, mon oncle Arthur est ami avec ce sorcier. Il lui a dit qu'il recherchait les possibles descendants du frère de sa femme. La dame est morte y a trente ans environ, d'après ce que sais. Elle s'appelait Sonja Mortensen, c'était la sœur du pépé de Rick, oui le viking comme il dit. Comme Oncle Arthur ne savait pas comment faire il m'en a parlé et j'ai reconnu les noms. Alors il l'a dit à son ami et le gars il veut voir Rick. Il est hyper content, il paraît. J'ai eu Oncle Arthur à la cheminette avant le dîner et il m'a tout raconté.
— Tu m'en as pas parlé, protesta Severus.
— J'ai oublié ! éluda Harry avec un geste de la main. Tu lui diras, Walt ?
— Et comment ! Il va être trop content ! Tu sais bien qu'il a que son vieux et toi, et son vieux… tu sais bien qu'il l'a mis dehors à l'époque. Alors un grand-oncle, ma foi… c'est bien. Il s'appelle comment ce type, tu dis ?
— Fergus Nutcombe. Il doit avoir dans les soixante-quinze ans en gros, Oncle Arthur ne savait pas trop me dire. Juste il m'a dit que c'était le père de son meilleur ami quand il était à Poudlard, un Poufsouffle nommé Kyle et qui est décédé à quinze ans. Il m'a pas dit de quoi, par contre.
— Ok, j'ai noté, je file lui dire, ça va lui faire plaisir. A plus, soyez sages ! Bisouuuuuuu !
Walt raccrocha et on n'entendit plus que la tonalité dans le haut-parleur. Severus reposa le combiné sur le téléphone et coupa le haut-parleur. Il soupira en regardant Harry et passa une main lasse sur sa nuque.
— Kyle Nutcombe, hein ?
— Ouais, c'est le cousin de Rick. Enfin, c'était. Le pauvre… mourir si jeune.
— Chaton, Kyle Nutcombe a été le dernier gay à être exécuté pour déviance. C'était en 1965.
— Quoi ? fit Harry, les yeux écarquillés d'horreur. Ils… ils ont exécuté un ado de… de quinze ans ?
— Azkaban et Baiser du Détraqueur, pour avoir embrassé un garçon moldu de son âge. D'après ce que je sais, c'était la raison. Sa mère s'est suicidée dans les jours qui ont suivis.
— Quelle horreur… Sev', ça aurait pu nous arriver à nous aussi, si on avait vécu à cette époque-là.
— Oui. Allez, viens, n'y pense pas pour le moment. Allons nous coucher, j'ai un coup de barre là, et demain je dois me lever tôt.
Severus passa son bras autour des épaules d'Harry et le guida vers l'escalier sans un mot de plus. Le Gryffondor, visiblement sous le choc, se laissa entraîner sans lui répondre.
Debout devant les grilles menant à la forêt qu'était le jardin du Manoir Prewett, Percy ex-Weasley, un parchemin à la main et les yeux rougis, soupira. La lettre de Tante Muriel, reçue au Ministère, l'avait d'un premier abord totalement surpris. Après l'esclandre matinal, provoqué par les révélations de Miss Biscus, la nouvelle idiote de la Gazette, le pauvre garçon avait dû passer sa journée à supporter les questions insidieuses, les regards lourds et méprisants, les ricanements désobligeants et la condescendance de certains de ses collègues.
Le Ministre l'avait regardé avec pitié. Miss Bondupois l'avait toisé avec mépris et quelques anciens camarades de Poudlard, croisés par hasard à la cafétéria à midi, avait fait comme s'ils ne le connaissaient pas alors qu'habituellement ils se montraient amicaux. Seuls les anciens assistants et collègues de bureau de son défunt géniteur s'étaient montrés gentils, lui disant que Barty Croupton avait été un grand sorcier, droit et honnête, entièrement dévoué au Ministère, et qu'il devrait se montrer fier d'être son fils même illégitime. Au moins, lui, il lui faisait honneur, pas comme l'officiel, le Barty junior qui avait été exécuté pour avoir été un Mangemort.
Le choc d'être un bâtard et d'avoir été renié avait été rude. Surtout qu'il l'avait appris par la Gazette en arrivant au bureau, puis officiellement par un hibou ministériel qui lui avait apporté à la pause un parchemin timbré annonçant qu'il était devenu un Prewett.
Molly ne s'était pas manifestée et donc il n'avait reçu aucune explication. A midi, le vieil hibou de sa grand-tante Muriel lui avait juste remis cette convocation. La vieille taupe voulait lui parler. Elle avait des choses à régler par son intermédiaire, disait-elle. Percy se demandait bien ce qu'elle pouvait avoir à lui raconter. C'était à sa mère qu'elle devrait demander des comptes, pas à lui, ni même à Gin', tous deux pauvres victimes dans cette affaire !
Percy replia le parchemin qu'il tenait toujours et le rangea dans la poche de sa robe. Il prit une grande inspiration, lissa les plis de sa robe de sorcier neuve et franchit les barrières magiques qui l'acceptèrent sans aucun problème. Il ne sut pas qu'il était le dernier Prewett de nom hormis Muriel à avoir encore ce privilège.
Le jeune homme entra dans le Manoir par la porte de la cuisine au large ouverte comme toujours. Sinécure comatait sur sa chaise dans la cheminée, un filet de bave coulant de sa bouche tandis que les deux autres Elfes épluchaient des légumes pour la soupe du soir.
— Tante Muriel m'a demandé de passer, annonça-t-il à Turpitude qui le regardait avec inquisition.
— Turpitude sait, Maître Percy, Maîtresse Muriel nous a dit. Elle est là-haut dans le boudoir et attend.
— Je… je suppose qu'elle est furieuse, non ?
— Miss Muriel est très fâchée, répondit Infamie de sa voie de crécelle. La Maîtresse a mis Miss Molly dehors avec Miss Ginny. Elles n'ont plus le droit de revenir.
— Ah. Je vois. Bon, et bien je vais monter la voir.
La mort dans l'âme, ne sachant à quoi s'attendre et pensant au pire, Percy quitta la cuisine d'un pas lent.
— Infamie apporte du thé, Maître Percy !
Le rouquin hocha simplement la tête sans répondre et referma la porte donnant sur le couloir.
Il avait à peine terminé de gravir les marches menant à l'étage de Muriel que la voix rocailleuse et désagréable de la vieille bique se faisait entendre, impérieuse.
— PERCY ! Je sais que tu es là ! Presse-toi, garçon ! Je n'ai pas que ça à faire !
° Si… justement, Tante Muriel… Tu n'as que ça à faire… pourrir la vie des gens, famille ou pas… °
Quand Percy entra dans le boudoir dont la porte était au large ouverte, il fut accueilli par une créature décharnée à la bouche amère et aux yeux glaçants. Avec son face à main sur le nez, l'indigne vieillarde était un véritable cauchemar capable de terrifier plusieurs générations d'enfants. Elle secoua sa tête frisée après l'avoir examiné des pieds à la tête et marmonna une ou deux phrases qu'il ne comprit pas. Percy la salua.
— Bonsoir, Tante Muriel. Tu voulais me parler ?
— Oui. Assieds-toi ! Je suppose que tu es au courant des derniers évènements et des crimes révélés de ta mère !
— Oui, Tante Muriel. Je l'ai lu dans la Gazette de ce matin en arrivant au Ministère. Ensuite, j'ai reçu le parchemin officiel m'annonçant que j'étais devenu un Prewett. Ce matin, la porte de mon bureau affichait encore Perceval Weasley, et cet après-midi c'était marqué Perceval Prewett.
— Je vois qu'ils ont fait diligence. Sache mon garçon que j'ai déshérité ta mère. Elle n'aura pas une noise de l'or des Prewett à mon trépas. Je lui ai en outre ordonné de quitter les lieux avec sa fille. Nous sommes une honorable famille et je me refuse à ce que notre nom soit entaché ainsi par le comportement criminel d'un de ses membres. Déjà, les crimes de Ronald ont été choses affreuses, mais au vu de sa lignée… je ne suis plus étonnée. Un Mangemort ! Son père était un Mangemort, par Merlin ! Comment a-t-elle osé ?
Cette révélation particulière avait été le second choc de ce matin-là pour Percy. Il n'avait jamais compris le comportement de son cadet qui ne semblait avoir aucun filtre, aucune décence. Mais maintenant… il avait au moins un semblant d'explication.
Percy hocha la tête gravement. Comment avait-elle osé, en effet ! Arthur Weasley n'était pas ambitieux, il se contentait de peu, mais c'était un brave homme. Il n'avait pas été malheureux avec lui. Il avait toujours eu à manger, de quoi se vêtir même si pas toujours en bon état ni à la mode et il avait eu un toit, de quoi coucher et ses études à Poudlard payées. Pourquoi Molly avait-elle choisi de le tromper ainsi et surtout de faire des enfants avec d'autres hommes ? C'était la trahison suprême pour un sorcier marié. Ça ne se faisait pas ! La morale et la décence l'interdisaient !
Les crimes de Molly allaient lui causer bien des soucis très certainement. Il ne trouverait pas à se marier, il n'aurait pas l'avancement mérité malgré son travail acharné… Son avenir lui semblait incertain.
— J'ai donc modifié ce matin mon testament et j'ai fait Turpitude le remettre en main propre à Ragnok à Gringotts. C'est donc officiel. J'ai décidé que tu serais dorénavant mon seul héritier. Tu portes depuis ce matin le nom des Prewett. Ce nom, tu le transmettras par conséquent à tes enfants lorsque tu te marieras. Tu es donc chargé dès ce jour de redorer le blason de notre famille et de la faire prospérer comme autrefois.
Percy regarda Muriel les yeux écarquillés et la bouche ouverte sous la surprise. Par Merlin, il ne s'attendait pas à ça. Rassuré, il se redressa sur sa chaise inconfortable et passablement bancale.
— Je m'y emploierai, Tante Muriel.
— Au moins, ta mère t'a conçu avec un sorcier capable et de bonne renommée. Barty Croupton était un homme intègre dans son travail et très estimé au Ministère. Il a fait une très belle carrière. Son fils légitime a été sa perte. Savoir que tu es de sa lignée t'ouvrira officieusement quelques portes, j'y veillerai. J'en parlerai à Cornélius, et il verra son intérêt…
L'air qu'avait Muriel en disant cela indiquait que le Ministre allait avoir du souci à se faire s'il ne lui obéissait pas. Peut-être même avait-elle de quoi le faire chanter ou du moins marcher au pas. Avec elle, on devait s'attendre à tout…
— Merci, Tante Muriel.
— Oui, et bien au moins, il faut que les bêtises de ta mère nous servent ! Et comme toujours, c'est moi qui répare les chaudrons cassés ! Enfin, bref… j'ai l'intention de faire une déclaration officielle dans la presse pour annoncer que j'ai déshérité Molly à ton profit.
— Et… Ginny ?
— Ginny est la bâtarde d'un Moldu sorti d'on ne sait où. Je m'en lave les mains.
Percy ne releva pas la phrase mesquine et laissa Muriel continuer à pérorer. Il se félicitait intérieurement de s'en sortir aussi bien. Finalement, être un Prewett sans père légitime allait peut-être s'avérer une bonne chose. En tout cas, il se promettait bien de tout faire pour ça.
Infamie popa à ce moment-là avec un plateau entre ses mains. Il contenait une vieille théière, un sucrier assorti et deux mugs décolorés par les lavages au cours des décennies.
— Sers-nous un peu de thé, mon garçon. Ensuite, tu me parleras de tes projets personnels. Souhaites-tu que je te trouve une épouse ? J'ai encore des relations intéressantes et je sais que certaines de mes connaissances ont des petites-filles et des arrière-petites-filles à caser. Je pourrais entamer des négociations.
— Hé bien, Tante Muriel, je ne suis pas pressé, mais pourquoi pas. Je m'en remets à toi pour ça.
Percy croisa les doigts dans les plis de sa robe. Il s'en sortait bien. Au moins, lui, il était vivant et pas chassé comme un malpropre ni déshérité…
— C'est parfait, fit alors Muriel avec un léger sourire de contentement.
Oui, Perceval ferait un héritier Prewett parfaitement honorable. Elle allait le dresser pour ça, foi de Muriel !
