A la fin de l'année, Ron et Hermione annoncèrent qu'ils allaient se marier. Puisqu'il était de bon ton d'être heureux pour les futurs mariés dans ces cas-là, Harry fit semblant de partager leur enthousiasme. En vérité, l'idée que ses deux amis se marient ne faisait pas naitre en lui beaucoup d'émotions en dehors d'une douce indifférence, comme c'était le cas pour la plupart des choses de la vie. Il n'y avait que Ginny qui le faisait vibrer un peu et qui chassait la morosité de ses journées.

Evidemment, on ne parla plus que de ça, ou presque. Molly Weasley était survoltée, l'air éperdument heureuse de marier son plus jeune fils. Harry se faisait la réflexion qu'elle aurait été beaucoup moins enthousiaste si Harry avait annoncé qu'il sortait avec Drago Malefoy. Mais non, tout allait bien, Ron était exactement comme tout le monde et voilà un nouveau fils de caser ! Ne restait plus que Charlie mais ça, c'était un cas désespéré sans doute. D'ailleurs, cela faisait bien longtemps qu'il n'était pas rentré… La prochaine sur la liste, c'était donc Ginny, la fille chérie qui – oh, le hasard fait bien les choses – avait eu la bonne idée de tomber amoureuse de Harry Potter. Et Harry s'horrifiait d'avoir des pensées aussi mesquines et cyniques mais il ne pouvait les empêcher de glisser à la surface de sa conscience. C'était comme une voix sournoise qui lui faisait remarquer toutes les petites imperfections qui l'entouraient. L'affection de Molly qui n'était pas si inconditionnelle que ça, l'amitié de Ron qui n'était pas toujours si tolérante que ça, l'amour de Ginny qui n'était peut-être pas si entièrement désintéressé que ça… Non, songeait Harry, il était injuste avec Ginny. Elle n'était pas Drago, elle ne voulait rien de lui à part son amour. Il ne devait pas tout gâcher.

Ils passèrent Noël ensemble, comme d'habitude, dans la joie et la bonne humeur, ou presque. Il y avait de plus en plus d'enfants dans la famille Weasley, qui couraient, criaient, pleuraient, ouvraient leurs cadeaux, se bagarraient et posaient des questions. Ils faisaient un boucan de tous les diables mais cela occupait Harry. Observer les enfants lui permettait de penser à autre chose. Autre chose que quoi ? Il ne savait pas trop. Il alla voir Teddy Lupin aussi, avec Ginny, pour lui offrir son cadeau de Noël. Le petit garçon continuait à grandir, inéluctablement, trop vite au goût d'Andromeda. Harry, lui, trouvait cela plaisant. Plus Teddy grandissait et plus c'était intéressant de passer du temps avec lui.

Harry avait de plus en plus de responsabilités au Ministère et gravissait lentement mais surement les échelons. Bientôt, il le savait, il aurait l'honneur de devenir un membre du Magenmagot à part entière. Assister à des procès l'attirait inexorablement, sans qu'il sache trop pourquoi. Il pourrait défendre des gens, comme on ne l'avait jamais défendu lui. Comme on n'avait pas défendu Drago. Et en même temps, il se demandait s'il supporterait d'assister aux condamnations et s'il arriverait à dormir en sachant qu'il avait envoyé quelqu'un à Azkaban. Pour certains accusés, oui, surement. Mais pour les autres, ce n'était pas sûr. Cela l'effrayait un peu. Il voyait la loi changer légèrement mais pas aussi rapidement qu'il l'aurait voulu. Il savait que ça rendait Hermione folle de dépit et il l'entendait de plus en plus tenir des propos méprisants et rancuniers envers la communauté sorcière. Un jour, elle déclara même qu'elle hésitait à retourner chez les Moldus où là-bas, au moins, les gens se battaient pour améliorer les droits de chacun. Ron eut l'air épouvanté. Harry savait, lui, qu'Hermione ne ferait jamais une chose pareille. Elle aimait trop leur monde et elle savait qu'elle était plus utile chez les sorciers que chez les Moldus. Il pouvait comprendre son exaspération, toutefois. Il avait une expérience amère de la justice magique et il continuait à être témoins d'injustices qui l'agaçaient profondément. L'interdiction de pratiquer la magie avant dix-sept ans lui paraissait absurde. L'interdiction de pratiquer la magie devant des Moldus lui paraissait stupide. Certes, pour leur sécurité à tous, il n'était pas pertinent de faire n'importe quoi mais si c'était discret, si cela aidait, pourquoi pas ? Il repensait souvent au fait qu'il avait failli aller à Azkaban parce qu'il avait fait apparaitre un Patronus devant Dudley. C'était pour les protéger, il n'avait rien fait de mal. Et même s'il n'y avait pas eu de détraqueur, était-ce si grave que cela ? Dudley savait bien que son cousin était un sorcier, pourquoi en faire tout un cirque ? Bref, Harry aurait aimé simplifier certaines lois sorcières, en changer d'autres, les rendre moins étroites et stupides.

OoOoOoO

Il y eut un jour où, emporté par l'intensité du moment, Drago embrassa Franck peu avant de jouir en s'accrochant à son cou avec trop d'enthousiasme. Sur le moment, Franck se laissa faire mais plus tard, après avoir passé la journée sur sa couchette à y penser, sans doute, il dit :

- Drago, je pense qu'il vaudrait mieux arrêter, les masturbations et tout ça.

- Pourquoi ? demanda Drago, tendu. C'est parce que je t'ai embrassé, c'est ça ? Je ne le ferai plus.

Franck regarda Drago avec un mélange de tristesse et de pitié qui exaspéra l'autre.

- Quoi ? demanda sèchement Drago.

- Je te l'ai dit, j'aime les femmes. Se toucher comme on le fait, c'est agréable, je ne vais pas mentir. Mais je ne peux pas te donner autre chose que ça.

- Je ne t'ai jamais demandé autre…

- Si, dit doucement Franck. Tes yeux demandent autre chose, ton corps aussi. Je n'ai aucune envie d'encourager chez toi des sentiments que je ne pourrai pas te rendre. Et ça me rend mal de t'utiliser de cette manière alors que je sais que tu voudrais plus. C'est égoïste et malhonnête de ma part.

Drago ouvrit la bouche puis la referma, incapable de répondre. C'était désespérant cette tendance qu'il avait à tomber sur des mecs bien qu'il finissait par perdre. Harry d'abord, Franck ensuite.

- Drago ? appela doucement Franck, l'air désolé.

- Oui ?

- Soyons amis, c'est tout. Je te l'ai dit, tu me fais penser à mon petit frère, j'aime bien m'entrainer avec toi et…

- Oui, ça va, j'ai compris. Faisons ça.

Ce fut douloureux, parce qu'il n'y avait pas grand-chose pour distraire Drago de cette perte et en même temps, pas tant que ça non plus. Franck était toujours là, solide et amical, c'était le plus important. Drago ne savait toujours pas s'il était amoureux de Franck ou non. Oui un peu, sans doute. S'il l'avait pu, il aurait aimé être vraiment avec Franck, dormir contre lui, sentir ses bras autour de lui et se sentir aimé en retour. Il avait envie de ça mais il savait qu'il ne l'aurait pas et il se sentait misérable de ne pas l'avoir.

Les jours continuaient donc, avec une lenteur morbide, tous semblables. Parfois, Drago regardait à travers les barreaux de sa cellule, avec une envie de sortir d'ici qui lui broyait les tripes et lui donnait l'impression d'être fou. C'était long, long, long, long, ça ne finissait jamais, il n'avait rien à faire. Le monde vivait sans lui et il était coincé là. Sans Franck, il aurait totalement perdu l'esprit, il n'en doutait pas. C'était peut-être uniquement pour cela qu'il aimait Franck, au fond. Il n'en savait rien.

Les colis qu'il recevait étaient l'autre chose qui lui permettait de rester à peu près sain d'esprit. Des livres, des chocolats, des chaussettes, des mots croisés, des gâteaux. Il reçut un mini poste de radio, un jour, pour Noël et il fut stupéfait que les gardiens le laissent posséder cela. Le poste ne diffusait que la station sorcière, la RITM mais c'était tout ce qui intéressait Drago. Au début, Franck n'eut pas l'air emballé et prévint qu'il ne supporterait pas d'entendre parler sans arrêt. Pour autant, ils se prirent tous deux de passion pour les passages musicaux qui leur donnèrent l'impression d'être humains et libres à nouveaux. Et les informations, ça aussi ils aimaient bien. Même s'ils ne se sentaient pas vraiment concernés par le monde du dehors, ils éprouvaient une satisfaction intense à suivre ce qui se passait en Angleterre. Ils écoutaient avec intérêt les nouvelles de la vie qu'ils avaient perdues, les interviews et les reportages. Le ministre de la Magie était agréable à écouter, Drago aimait bien sa voix grave et posée. Il y avait la voix moins posée de Leo Black qui avait l'air constamment indigné quand il était interrogé, d'autant que les journalistes de la RITM essayaient toujours de le coincer et de dénigrer ce qu'il faisait. Un jour, il y eut la voix d'Hermione Granger, porte-parole du Département de la Justice Magique. Et puis, fatalement – et Drago l'avait attendu avec fébrilité – il y eut la voix de Harry Potter, qui était interrogé sur la nouvelle modification de loi qui allait affecter le Magenmagot, loi qui avait été portée par Agatha Greengrass et lui-même, en grande partie. La loi devrait permettre aux condamnés d'être défendus par un tiers.

- Il y a eu de nombreuses injustices par le passé, disait Harry d'une voix calme et assurée. Moi-même, j'ai expérimenté le fait d'être accusé et de ne pouvoir me défendre. Si Albus Dumbledore n'était pas intervenu en personne, j'aurais été enfermé à Azkaban. Il faut que cela change.

L'interview continua encore quelques minutes jusqu'à ce que le journaliste finisse par dire :

- Bien sûr, c'est difficile de vous entendre dire tout cela et de ne pas penser au procès de Drago Malefoy, quelques années plus tôt. Il était votre compagnon à l'époque, vous avez vécu le procès de près. Est-ce cela qui vous motive aujourd'hui à vouloir permettre aux accusés de se défendre ?

Il y eut un silence et Drago fixa le poste de radio avec intensité.

- C'est certain que les choses auraient été différentes si Drago Malefoy avait été mieux défendu. C'est Mrs Greengrass qui avait pris sur elle de le faire alors que ce n'est pas vraiment le rôle des membres du Magenmagot. Ce genre de choses n'est pas normal. Chaque accusé devrait pouvoir être défendu correctement. C'est ce que va permettre cette nouvelle loi.

- Oui mais pensez-vous que Drago Malefoy aurait dû avoir une peine moins…

- Ce sera tout, merci, coupa Harry.

L'interview prit fin car Harry dut quitter le plateau, sans doute. Drago resta immobile sur sa couchette, sans trop savoir ce qu'il en pensait. Ça avait été délicieux d'entendre Harry, d'entendre son nom dans la bouche de Harry aussi. Et même si Harry ne répondait pas vraiment à la question, Drago était sûr que c'était en partie pour lui qu'il s'était battu pour cette loi. Ou du moins, Drago eut envie de le croire, ça lui faisait du bien. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas réellement pensé à Harry, davantage que brièvement avec nostalgie et douceur. Mais après avoir entendu sa voix à la radio et l'avoir entendu parler de lui, Harry lui manqua à nouveau. Il aurait aimé lui parler, lui dire que c'était bien de changer les règles du Magenmagot. Lui dire n'importe quoi en fait, mais juste le voir et lui parler. C'était dur de ne recevoir aucune visite mais c'était bon de savoir que Harry continuait à penser à lui, à son travail. Ce fut comme un souffle frais sur la douleur de Drago.

En février, il reçut un carnet dans son colis, avec un stylo. C'était de la jolie papeterie, décorée, avec une reliure en cuir. Drago s'amusa à s'en servir comme journal intime puis se mit à écrire ce qui lui passait par la tête, des réflexions, des sortes de poèmes, des lettres imaginaires. Cela lui plaisait beaucoup comme activité. Il ne savait toujours pas qui il devait remercier pour ces cadeaux mais il continuait à les apprécier à leur juste valeur.

OoOoOoO

Ron et Hermione se marièrent au début du mois de mars 2003, par une belle journée fraiche et ensoleillé. Harry était au premier rang, bien sûr, aux côtés de Ginny. Ils firent la fête, mangèrent comme des princes, dansèrent toute la nuit. Tout le monde avait l'air heureux, même les parents d'Hermione qui avaient passé la journée à regarder autour d'eux avec émerveillement et stupéfaction. Même s'ils connaissaient l'existence de la magie depuis longtemps, ils n'avaient pas souvent l'occasion de la voir autant en pratique. Tout se déroula normalement, sans problème particulier et ils rentrèrent tous chez eux, fatigués et plus ou moins saouls, comme le voulaient les mariages.

Ce fut le lendemain, alors que Harry et Ginny buvaient leur tisane agrémentée de potion contre la gueule de bois, qu'ils eurent la conversation qui devait fatalement arriver un jour ou l'autre. Ils étaient assis à la table de la cuisine et regardaient les nuages avancer dans le ciel bleu vif de cette fin d'hiver. Ginny dit :

- C'était une belle cérémonie, tu ne trouves pas ? Ils avaient l'air heureux et satisfaits de leur journée.

- Oui, confirma Harry.

- Tu ne voudrais pas qu'on se marie aussi ? proposa Ginny d'une voix douce.

Harry leva les yeux vers elle et la regarda un instant. Il pouvait sentir qu'elle en avait envie. Qu'elle en avait besoin, même. Elle avait été élevée pour cela, pour vouloir se marier. Il savait que s'il acceptait, il la rendrait heureuse. Il l'imagina dans une jolie robe blanche, comme celle d'Hermione, avec ses cheveux roux flamboyants. Elle serait magnifique, il n'en doutait pas. Peut-être même qu'il serait heureux, lui aussi, qui sait ? Et puisqu'il ne voulait pas la perdre et qu'il ne voulait que son bonheur, il répondit :

- Oui, on devrait se marier.

Il se dit que le sourire qui illumina le visage de Ginny valait bien un mariage. Ils l'annoncèrent donc à tout le monde, rapidement. Puisque Harry avait dit oui, inutile de faire trainer les choses. Ron et Hermione semblèrent heureux pour eux, heureux aussi que leur ami partage les mêmes expériences qu'eux. Molly et Arthur furent transportés de joie, naturellement. Ils ne devaient attendre que cela. Ils planifièrent tout avec enthousiasme. Harry et Ginny pourraient se marier en septembre, il ferait encore beau, ça leur laissait quand même suffisamment de temps pour s'organiser. Ils réfléchirent aux gens qu'ils voulaient inviter, à la façon dont la cérémonie devrait se dérouler.

- Comme celle de Ron et Hermione, non ? suggéra Harry qui n'avait aucune envie de réfléchir davantage.

De toute façon, tous les mariages se ressemblaient. Pourquoi vouloir faire original quand on faisait dans tous les cas exactement comme tout le monde ? Autant ne pas se prendre la tête. Ils feraient ça chez les Weasley, évidemment. Harry se demanda vaguement si tous les sorciers se mariaient chez leurs parents de cette manière ou si c'était propre à cette famille. Il n'en savait rien, il n'avait assisté qu'à leurs mariages.

A son travail, Harry n'avait pas parlé de son mariage. Il n'avait aucune envie d'entendre les remarques, les suggestions ou les conseils de ses collègues. Il ne l'avait dit qu'à Agatha, parce qu'elle était son amie et qu'il savait qu'elle ne l'embêterait pas avec ça. Et puis, il avait prévu de l'inviter. Il l'annonça à Andromeda et Serena, aussi, puisqu'elles seraient également de la fête. Teddy était suffisamment grand pour comprendre à peu près ce qu'un mariage signifiait – était-on jamais assez grand pour le comprendre pleinement ? Il n'eut pas l'air très emballé par l'idée.

- Donc ça veut dire que tu vas avoir un bébé après ? Demanda-t-il.

Visiblement, cela ne le remplissait pas de joie et il était trop jeune pour dissimuler la jalousie évidente que cette idée faisait naitre en lui. Harry, lui, écarta brutalement la question. Il n'avait aucune envie de penser à cela non plus. Il rassura Teddy comme il le put. Qu'il soit marié ou pas ne changerait rien, il viendrait toujours lui rendre visite et il serait toujours son parrain. Le petit garçon eut l'air moins anxieux et Harry se promit de faire attention à lui et de ne pas le négliger, même involontairement. Il savait trop bien comme les adultes solides et aimants étaient importants pour un enfant, surtout pour un orphelin. Il ne voulait pas infliger à Teddy ce qu'il avait vécu lui-même.

Les jours passèrent vite, comme toujours et le mois de mai s'installa, avec sa douceur, ses journées plus longues et ses rayons de soleil. Les préparatifs du mariage avançaient bien et ils en parlaient moins, ce qui soulageait Harry. Les grosses décisions avaient été prises, il fallait maintenant peaufiner les détails. C'était le plus pénible mais c'étaient aussi des sujets dont on ne discutait pas forcément autour d'un thé le dimanche après-midi. De toute façon, Ron avait bien compris que Harry n'aimait pas qu'on s'étende sur le sujet et il ne posait plus de questions. Hermione n'en avait jamais posé beaucoup, sans doute parce qu'elle s'intéressait bien plus à la politique du Ministère qu'à la couleur des fleurs qu'ils avaient choisies. Harry aussi et il voyait avec plaisir se mettre en place une formation pour les gens destinés à défendre les accusés lors des procès. Les choses bougeaient, il était fier de lui, pour la première fois de sa vie.

Malheureusement, la vie n'était jamais très tendre avec Harry et elle lui réserva une autre surprise, à laquelle il ne s'attendait pas. Il était déjà rentré du travail quand Ginny revint à son tour, ce soir-là. Il y avait eu un match de Quidditch dans l'après-midi et elle avait dû écrire à ce sujet, rapidement, pour que l'article sorte le lendemain matin. Cela arrivait souvent, c'était le jeu de ce métier. Evidemment, en tant que journaliste sportive, Ginny était tout de même moins sujette aux urgences car ses articles, bien qu'appréciés, étaient plus facilement prévisibles. Ses collègues, en revanche, qui géraient la politique, le social, le culturel, étaient souvent obligés de passer des soirées entières à rédiger ou modifier un article en fonction de ce qui se passait au Ministère. Parfois, Ginny restait pour les aider. Ce soir-là, quand elle rentra, Harry put immédiatement voir qu'elle était tendue et soucieuse. Elle ne sourit pas comme d'habitude, elle avait l'esprit ailleurs. Il avait fait à manger et elle s'assit à la table où elle joua avec son dîner.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Harry.

- Je n'ai toujours pas mes règles, j'ai une semaine de retard.

Harry assimila la nouvelle et se sentit froid.

- Et ? Tu n'as jamais eu autant de retard avant ?

- Non, pas vraiment…

- Tu veux dire que tu es enceinte ?

Il avait posé la question un peu sèchement, avec une appréhension évidente. Ginny leva les yeux vers lui.

- Je n'en sais rien, c'est un peu tôt pour le dire. Mais… peut-être.

- Comment est-ce possible ? Tu prends toujours la potion, ça ne peut pas arriver.

Il y eut un léger silence pendant lequel le visage de Ginny s'assombrit.

- Il se peut que j'aie oublié d'en boire, une fois. Il y eu un soir, il y a quelques semaines où… je ne me rappelle plus si je l'ai prise ou pas.

- Mais…

Harry eut une expression d'impuissance. Il eut envie de lui faire un reproche, de lui dire qu'elle aurait pu faire attention mais il savait que ce serait dégueulasse. Et c'était quelque chose qui l'agaçait, justement. Il aurait préféré qu'ils soient sur un même pied d'égalité pour ces choses-là.

- Les Moldus ont des tests, il faudrait en faire un, dit Harry.

Ginny se tendit.

- Et si je suis enceinte ? Qu'est-ce que tu en penserais ?

Harry hésita à répondre. Il ne voulait pas la blesser mais entre eux, ils avaient toujours été honnêtes et francs. Il pouvait lui dire ce qu'il pensait et c'était en partie pour cela qu'il l'aimait.

- Je n'ai aucune envie que tu sois enceinte.

Ginny écarquilla les yeux, comme si elle avait reçu un choc.

- Vraiment ?

- Je ne veux pas d'enfant, pas maintenant en tout cas. Je ne suis pas prêt, je ne veux pas de ça. Jusqu'à présent, nous n'avons jamais parlé d'avoir un enfant, je pensais qu'il était évident que…

- Nous allons nous marier dans quelques mois, coupa Ginny. Avoir un enfant maintenant, ça accélère un peu les choses mais est-ce vraiment si grave ?

- Ah parce que tu avais prévu de faire un enfant juste après notre mariage ? demanda sèchement Harry.

- Non, pas juste après mais forcément, nous en aurions parlé, non ?

Harry sentit la panique le gagner et l'étouffer un peu plus à chaque instant. Se marier pour lui faire plaisir, pourquoi pas. De toute façon, ça ne voulait pas dire grand-chose. Mais avoir un enfant, ça, non, c'était bien plus engageant. Il n'avait jamais voulu ça, il ne se sentait pas capable d'avoir un enfant maintenant. Qu'en ferait-il ? Que lui apprendrait-il ? Il peinait à être heureux, il peinait à trouver de la beauté dans la vie. Tout le laissait indifférent, il n'aimait rien, ou presque. Quel genre de père serait-il alors ? Il ne voulait infliger ça à personne, surtout pas. Rien que l'idée d'avoir un bébé dans les bras le terrifiait. Il faudrait l'élever, le protéger, lui apprendre à vivre. Il ne savait même pas vivre lui-même. Harry tourna un regard affolé vers Ginny.

- Sommes-nous vraiment obligés de faire tout ça ? demanda-t-il dans une supplique.

- Tout ça quoi ?

- Tout ça, nous marier, avoir un enfant. Est-ce vraiment nécessaire ? Ne sommes-nous pas bien tels que nous sommes ?

Ginny pâlit et eut un mouvement de recul manifeste sur sa chaise.

- Ah parce que tu ne veux pas te marier non plus ? demanda-t-elle d'une voix blanche.

- Si tu en as envie, pourquoi pas mais au fond, non, je m'en fiche.

- Mais pourquoi as-tu accepté alors ?

- Pour te faire plaisir, parce que tu as l'air de trouver ça important.

Elle le fixa comme si elle ne le connaissait pas.

- Et toi, tu ne trouves pas ça important ?

- Non, admit Harry. Pour moi, ça ne sert à rien. On peut se promettre de s'aimer autant qu'on veut, ça n'empêche pas les gens de mourir, de partir ou de se blesser. Le fait de le faire devant plein de gens ne change rien, ça n'a aucun sens.

Il s'arrêta là mais il aurait pu continuer. Le mariage, ce n'était qu'une fable pour se rassurer. Ses parents s'étaient mariés et ils étaient morts un an après, pour ce que ça avait servi. Et le mari de Serena Black qui l'avait quittée et avait abandonné leurs deux enfants ? Harry n'avait pas confiance dans les promesses irréalisables de ce genre, il n'y croyait plus. Sirius lui avait promis des choses et il était mort. Dumbledore aussi, et même Remus. Drago l'avait trahi et abandonné et il sentait bien que s'il était resté avec lui, Ron, Mrs Weasley et les autres l'auraient sans doute abandonné aussi. Oh oui, Ginny pouvait enfiler une robe de conte de fée et jurer de l'aimer pour la vie devant toutes leurs connaissances, quelle importance ? Il ne la croirait pas davantage.

Ginny se leva de la chaise avec un mouvement raide.

- Attendons déjà de savoir si je suis enceinte ou pas, dit-elle d'un ton froid. Je vais prendre une douche.

Elle y resta des heures, enfermée dans la salle de bain. Elle s'allongea dans le lit près de Harry, prit soin de ne pas le toucher et ne lui adressa pas un mot. Il eut l'impression qu'il venait de briser tout ce qu'ils avaient mais il avait été honnête. Aurait-il dû mentir ? Il ne savait plus.

Le lendemain soir, Ginny rentra avant lui et l'attendit dans le salon. Quand il rentra à son tour du travail, il la trouva assise sur le canapé, droite et tendue. Elle avait visiblement quelque chose à dire et il s'assit face à elle.

- J'ai fait un test, annonça-t-elle. Je suis enceinte.

- Oh non, gémit Harry en cachant son visage derrière ses mains.

- Je veux le garder.

- Pourquoi ? soupira Harry. Nous étions bien tous les deux, pourquoi vouloir autre chose ?

- C'est mon enfant, je veux le garder, répéta-t-elle durement.

Harry inspira profondément et se redressa en essayant d'ignorer les tremblements de ses mains.

- Dans ce cas, je ne peux rien y faire, céda-t-il. Marions-nous et essayons de faire de notre mieux pour nous occuper de lui.

Ginny posa sur Harry un regard tranchant.

- Parce que tu crois vraiment que j'ai envie de me marier et de faire un enfant avec un homme qui ne veux ni se marier avec moi ni avoir d'enfant avec moi ?

- Quoi ? bafouilla Harry, surpris.

- C'est fini, Harry, par le grand Merlin ! Pour qui est-ce que tu me prends ? Tu ne veux pas te marier, tu ne veux pas d'enfant, je ne vais pas te trainer de force !

- Mais…

- Je vais avoir cet enfant. La place que tu auras dans sa vie, c'est à toi de la choisir.

Ginny se leva et Harry l'imita, plein de peur, de détresse et de sidération.

- Qu'est-ce que tu racontes ? cria-t-il. Tu me quittes, là, comme ça ?

- Et que veux-tu que je fasse d'autre ? rétorqua Ginny d'un ton hargneux.

- M'épouser comme prévu et rester avec moi !

- Tu ne veux pas m'épouser !

- J'ai dit que je m'en fichais ! Faisons-le si tu veux, si c'est si important !

Ginny écarta les bras avec désespoir. Elle avait les larmes aux yeux.

- Tu ne comprends rien, Harry, souffla-t-elle. Moi je voudrais que tu sois heureux de te marier avec moi, que tu sois heureux d'avoir cet enfant avec moi. Je ne veux pas d'un homme qui se force pour me faire plaisir !

- Et moi je voudrais que tu m'aimes assez pour que je te suffise ! Nous étions ensemble, nous étions heureux. Pourquoi as-tu voulu tout changer ? Pourquoi vouloir un mariage, un bébé ou je ne sais quoi ? Nous étions tous les deux, moi ça me suffisait…

Ginny parut ébranlée par la tirade de Harry et elle secoua la tête, pleine de douleur.

- Nous ne voulons pas du tout la même chose, dit-elle d'une voix brisée. J'aurais dû m'en rendre compte plus tôt.

Elle partit, avec ses affaires et tous les espoirs de Harry. En une soirée, il avait appris que son mariage était annulé, que Ginny le quittait et qu'il allait avoir un enfant. Sa vie était un désastre.

OoOoOoO

Drago se trouvait à l'infirmerie de la prison, une fois encore. Cette fois-ci, pourtant, il n'était que visiteur. C'était Franck qui était allongé dans un lit, sa peau plus pâle que d'habitude, un bandage autour du torse. Drago avait eu droit à quinze minutes de visite et il fixait Franck, choqué et plein de colère. Une colère nettement moins accablante que ce qu'il avait pu connaitre, toutefois, car Drago ne s'était pas senti impuissant. Pour la première fois de sa vie, il s'était battu, il ne s'était pas laissé faire et il avait gagné.

Il y avait eu une bagarre dans le réfectoire, lancée par les Mangemorts. Pas par les plus vieux mais par des jeunes prisonniers stupides qui avaient rejoint leurs rangs et se croyaient malins en arborant des tatouages de la Marque des Ténèbres, comme si Voldemort les avait marqués lui-même. Cela faisait maintenant plusieurs mois que le petit groupe grossissait et faisait des histoires. Ils insultaient les prisonniers Nés-Moldus de tous les noms, ils regardaient tout le monde comme de la vermine. Ils détestaient Drago, qu'ils considéraient évidemment comme un traitre, en plus d'être pédé. Drago les ignorait du mieux qu'il pouvait mais c'était parfois difficile de ne pas se sentir blessé par leurs remarques. Il y avait déjà eu quelques bagarres mineures que les gardiens avaient immédiatement arrêtées et les repas se passaient souvent sous tension, plus encore que d'habitude. Drago savait que les anciens Mangemorts attisaient la haine et la stupidité des jeunes et les poussaient à agir. C'était drôle de les regarder agresser un Sang de Bourbe et de ne pas avoir à craindre des représailles soi-même. Drago les méprisait de tout son cœur pour leur lâcheté et leur sournoiserie.

Ce matin-là, cependant, les choses s'étaient aggravées. Les jeunes avaient commencé à s'en prendre à un groupe de prisonniers, à leur crier des insultes et des menaces. Et puis, au milieu de cette légère pagaille, Rabastan Lestrange avait sorti un couteau. Personne ne savait comment il l'avait eu, un pot de vin sans doute, un gardien travaillé au corps qui avait cédé. Dans tous les cas, Rabastan s'était rapproché de Franck et l'avait poignardé par surprise. Il avait choisi Franck, bien sûr, parce que Franck était un Sang de Bourbe qui l'avait plusieurs fois humilié, parce que Franck défendait Drago, parce que Drago était ami avec Franck. La scène s'était figée et tout le monde avait regardé Franck s'écrouler sur le sol, la main au côté, perdant trop de sang pour que ce soit bénin. Rabastan avait craché sur Franck, l'avait insulté et avait lâché que ce n'était que justice, qu'il l'avait cherché, qu'on ne pouvait pas se croire supérieur aux Sang Pur sans en payer les conséquences. Drago, horrifié, s'était penché au-dessus de Franck puis avait relevé la tête vers Rabastan. Plein de haine, il avait marché vers le Mangemort, décidé à l'affronter lui-même, cette fois-ci.

Il y avait eu la surprise de Rabastan quand Drago avait esquivé son coup de couteau d'un geste vif, puis quand il lui avait attrapé le poignet avec une force inattendue et quand il lui avait mis un violent coup de tête en plein visage. Le nez en sang, Rabastan avait lâché le couteau et Drago l'avait frappé encore. C'était exaltant de se sentir fort, enfin, de voir la peur dans les yeux de Rabastan, de savoir qu'on avait une chance de gagner, de ne plus être celui qui était allongé au sol et piétiné. Derrière Drago, une dizaine de sorciers s'étaient levés des bancs, hargneux et déterminés.

- Ils ont poignardé Franck ! cria quelqu'un.

- J'en ai assez d'entendre ces chiens nous traiter de Sang de Bourbe, réglons-leur leur compte !

Les Nés-Moldus s'étaient jetés sur les Mangemorts et le réfectoire avait tourné en bagarre générale. De nombreux prisonniers s'étaient levés et écartés pour rester en dehors des combats, d'autres avaient fui dans leurs chambres. Les femmes, agglutinées à la grille, encourageaient les combattants avec des cris remplis de haine.

- Tuez les Mangemorts ! Tuez ces fils de chiens ! Hurlaient-elles.

Lucius Malefoy et Edward Nott s'étaient éloignés et observaient la scène, froids et distants. Ils n'avaient aucune envie d'aller aider les Lestrange et les autres. La hargne de Nott envers les Nés-Moldus s'était éteinte quand son fils s'était ouvert les veines. Quant à celle de Lucius, elle s'était éteinte bien plus tôt, en vérité, à chaque fois que Voldemort l'avait traité comme de la merde. Ils ne voulaient surement pas se mêler à cette orgie ridicule. Lucius s'appuya contre un mur et regarda Drago frapper Rabastan de toutes ses forces, étonné. Décidément, il ne connaissait absolument pas son fils.

Rabastan était tombé et avait essayé de récupérer son couteau. Drago avait été plus rapide et quand sa main se referma sur l'arme, il y eut vraiment de la peur dans les yeux de Rabastan. Drago avait perdu toute pensée rationnelle et il essaya de toucher Rabastan avec la lame. Ce dernier eut un mouvement de recul et poussa un cri quand Drago lui entailla le visage. Il posa ses mains sur son visage, horrifié par le sang. Drago voulut recommencer mais un sortilège le força à tomber à genoux et à lâcher le couteau. Les gardiens étaient allés chercher des renforts mais maintenant ils étaient revenus et les sortilèges fusèrent, sans retenue, pour immobiliser les prisonniers et faire cesser les combats. Tout le monde avait ensuite été ramené dans sa cellule, les blessés avaient été conduits à l'infirmerie et le directeur avait reçu des dizaines de témoins pour savoir qui était responsable. Il apparut bien vite que les Mangemorts avaient commencé et que Rabastan Lestrange avait sorti le couteau en premier. Il serait donc puni.

Et Drago se retrouvait donc là, au chevet de Franck, qui n'allait de toute évidence pas mourir mais qui avait perdu beaucoup de sang.

- Tu vas bien ? demanda Franck d'une voix faible.

- Je vais très bien, oui. C'est toi qui es blessé !

- Rabastan ?

- Je lui ai fait payer, assura Drago d'un ton ferme.

- C'est bien, souffla Franck.

Drago avait les mains abîmées mais il n'avait rien de grave. Franck revint dans leur cellule au bout de quelques jours, remis en forme par des sortilèges efficaces. Il fallut reprendre des forces mais il s'en remettrait. Rabastan resta enfermé dans sa cellule pendant un mois, interdit de sortie même pour prendre ses repas. Quand il eut enfin le droit de quitter sa cellule, il fut accueilli fraichement par les autres prisonniers et rejoignit son groupe de Mangemorts. Il avait une cicatrice qui lui barrait le visage, du front jusqu'à la mâchoire, à la grande satisfaction de Drago. Leurs regards s'accrochèrent un instant. Celui de Rabastan était brillant de haine, celui de Drago était impassible et cachait bien sa jubilation.

- Je ne suis pas sûr que ce soit quand même très sain de se sentir mieux parce que tu as agressé quelqu'un, finit par lui dire Franck.

- Ce n'est pas parce que j'ai agressé quelqu'un que je me sens mieux, rétorqua Drago. C'est parce que j'ai gagné et que je n'ai pas été une victime faible et impuissante comme je l'ai toujours été.

- Je sais mais quand même…

C'était toutefois exagéré de dire que Drago se sentait mieux. Oui, effectivement, pendant quelques jours, il se sentit moins misérable. Malgré cela, l'angoisse et la tristesse revinrent vite. De toute façon, ils étaient à Azkaban et personne n'allait véritablement bien. Que pouvait espérer Drago ? C'était une illusion de croire qu'il pourrait trouver du bonheur ici.

- C'est vrai, admit Franck. Mais certains souffrent plus que d'autres. Je veux dire, tu as vécu des choses particulièrement difficiles avant d'arriver à Azkaban et personne ne t'a aidé à t'en guérir.

- Ce n'est certainement pas à Azkaban que je vais guérir, rétorqua froidement Drago.

Et pourtant, Franck voulait l'aider. Drago savait que son ami voulait son bien mais également que cette mission qu'il s'était donnée permettait à Franck d'avoir un but dans la vie. Il le laissa donc réfléchir tout seul à un moyen de soigner la souffrance de Drago, sans vraiment croire qu'il trouverait quelque chose. C'est ainsi qu'un jour, quelques mois plus tard, Drago reçut une visite, pour la première fois depuis des années.

Drago s'assit à l'une des tables et regarda la femme venir vers lui et prendre l'autre chaise. Elle avait les cheveux châtains qui lui tombaient jusqu'aux épaules, une frange qui lui allait bien, des yeux noisette. Elle avait trois anneaux dorés à chaque oreille et un débardeur en dentelle noire typiquement moldu qui laissait largement voir le joli galbe de ses seins. Elle sourit à Drago, d'une façon plus professionnelle qu'amicale.

- Bonjour Mr Malefoy, je suis Clia Klein. Franck m'a beaucoup parlé de vous.

- Il m'a parlé de vous aussi.

Clia croisa les mains sur la table et Drago essaya de la regarder sans penser au fait qu'elle avait été tabassée à mort sur un trottoir, une nuit de cauchemar dont elle se souviendrait sans doute toute sa vie.

- Je vais être franche, je ne fais pas ce genre de choses, normalement. Je ne fais pas de thérapie dans les salles de visite des prisons, ça ne fonctionne pas comme ça. Il faut un cadre, il faut de l'intimité, il faut un espace sûr.

- C'est bien plus sûr ici que dans les douches, fit remarquer Drago.

- Sans doute, admit Clia. J'ai cru comprendre que vous y aviez vécu un événement difficile.

- Vous devez en savoir quelque chose, n'est-ce pas ?

Clia fixa Drago sans réaction particulière.

- Comme c'est délicat de votre part, siffla-t-elle.

Drago rougit un peu.

- Pardon, je ne voulais pas… Ecoutez, je sais des choses sur vous. Je sais que vous avez eu cette maladie vous aussi, celle où on ne mange plus. Je sais que vous avez été agressée avec Gabriela. Je sais que vous avez étudié chez les Moldus, ce qu'ils appellent la psychologie et que vous voulez aider les gens. Je ne connais rien à toutes ces choses-là, je ne suis même pas sûr de croire au fait que parler avec quelqu'un puisse vraiment guérir. Mais Franck a l'air d'y croire, lui et il veut bien faire. Alors je veux bien essayer, vous parler et… je ne sais pas.

Clia ne répondit pas tout de suite, semblant peser le pour et le contre. Elle caressa la table avec ses mains, mal à l'aise.

- Je tiens beaucoup à Franck. C'est un homme bien qui a pété les plombs quand Gabriela est morte. Je ne cautionne pas ce qu'il a fait, j'aurais préféré faire justice différemment. Cependant, je comprends aussi pourquoi il l'a fait, tout comme je comprends ce que vous avez fait, vous aussi. Il y a des gens dans ma vie que j'aurais bien aimé étriper de mes propres mains si j'avais pu. Je veux bien essayer de vous aider mais ce ne sont pas les bonnes conditions ici, je vous l'ai dit. Je peux vous proposer de venir vous voir de temps en temps, pour parler mais le mieux sera de venir me voir à votre sortie pour faire un vrai travail. Je pourrais venir, disons, deux fois par mois ?

- Je m'attendais à plus, pour être honnête.

- Oui mais je suis une Cracmol et je dois prendre le train pour venir jusqu'ici.

- Je paierai pour le train.

- J'espère bien.

Elle lui sourit, l'air ironique. Il pouvait deviner, dans son sourire, le léger mépris qu'elle avait pour lui. Parce qu'il était l'héritier d'une des plus riches et puissantes familles de Sang Pur et qu'elle était une Cracmol. Elle était tout ce qu'il méprisait et pourtant, il lui demandait de l'aide. Drago ne pouvait nier que cela piquait un peu son orgueil et qu'il hésitait à interrompre tout cela mais il fallait avouer qu'il était curieux. Cette femme-là – et il savait qu'être une femme était un combat quotidien pour elle – le comprenait certainement beaucoup plus que son père. C'était d'une ironie sans nom, c'était triste à en pleurer mais il fallait bien l'admettre. Il était plus proche de cette Cracmol transgenre que de son père et ses amis Mangemorts. Alors, foutu pour foutu, peut-être était-il temps qu'il se tourne vers des gens qui lui ressemblaient un peu plus, même si ces gens avaient été la cible de ses moqueries pendant des années. Il n'était jamais trop tard pour reconnaitre ses erreurs.

- L'anorexie, dit brusquement Clia.

- Pardon ?

- La maladie où on arrête de manger comme vous dites. Ça s'appelle l'anorexie.

- D'accord… Vous allez m'aider alors ?

- Je ferai ce que je pourrai.

Elle n'allait pas lui dire qu'elle le faisait essentiellement pour faire plaisir à Franck ou encore qu'elle le faisait parce qu'elle savait qui il était et que son histoire atypique piquait sa curiosité. Les thérapeutes n'avaient pas à donner leurs raisons. Elle trouvait aussi cela comique que Drago Malefoy lui demande de l'aide, à elle, la petite Cracmol sans pouvoir et inférieure. Elle avait grandi dans une famille de sorciers, elle connaissait les Malefoy et leurs idées. Alors voilà, pour le défi et aussi pour une légère satisfaction personnelle, elle allait essayer de l'aider. Ils verraient bien ce que ça donnerait.

OoOoOoO

Tout le monde, sans exception, en voulut à Harry. Il eut beau rappeler que c'était Ginny qui l'avait quitté, tout le monde le considéra comme le responsable de l'affaire. Ron lui fit clairement la gueule, déçu sans doute de voir comment son ami avait traité sa sœur. D'après ce qu'Hermione lui raconta, Molly et Arthur avaient été surpris eux aussi, pas dans le bon sens. Harry se garda donc bien d'aller au Terrier, il ne voulait pas les voir. Il avait honte de lui, il avait peur de leur réaction et de toute façon, il pressentait qu'ils n'avaient pas spécialement envie de le voir non plus. Il imaginait les sentiments qu'ils éprouvaient, à savoir Ginny enceinte, le mariage annulé, Harry qui ne voulait pas d'elle et de leur enfant. C'était le tableau qu'ils devaient en avoir et il n'était pas entièrement faux.

Il avait essayé de se justifier auprès d'Hermione, il lui avait raconté ce qui s'était passé. Elle avait quand même été en colère contre lui.

- Tu as le droit de ne pas vouloir te marier, Harry, mais il aurait fallu le dire tout de suite. Lui balancer ça au moment où elle te dit être enceinte, c'était vraiment odieux. Et tu as aussi le droit de ne pas vouloir d'enfant mais si vraiment c'était quelque chose qui t'angoissait et que tu étais sûr de ne pas désirer, tu avais le droit de mettre un préservatif et de gérer la chose toi-même.

Il n'avait pas grand-chose à dire pour sa défense mais il avait le sentiment que personne ne le comprenait et n'essayait de voir les choses à sa manière. Ils le faisaient tous chier avec leurs mariages, leurs gamins et leur belle morale. Oui, il aurait dû dire à Ginny qu'il ne voulait pas de tout ça, le dire dès le début. Mais d'un autre côté, pourquoi aurait-il forcément dû le dire ? Pourquoi les gens semblaient-ils tous penser que c'était normal de désirer ces choses dès qu'on avait une copine ? C'était pesant, Harry ne savait pas gérer ça. Ces seuls modèles de couples étaient les Dursley et les Weasley et en tout honnêteté, il ne voulait ressembler à aucun des deux. Il voulait quelque chose de différent, quelque chose de mieux, il ne savait pas quoi. Il aimait être avec Ginny, avant qu'elle ne se mette à parler de toutes ces choses.

Pendant les mois qui suivirent, Harry se sentit plus seul, plus misérable et plus sombre que jamais. Il hésitait sincèrement à se tuer, à peu près deux fois par jour. Il pensait à l'enfant qui allait naitre et dont la vie commençait déjà si mal. Il allait être malheureux, à n'en pas douter. Et Harry ferait un père horrible, à n'en pas douter non plus. L'idée de ne pas faire partie de la vie de cet enfant ne traversa cependant jamais l'esprit de Harry. Il n'était pas lâche à ce point. Et il avait suffisamment entendu Serena Black parler de son ex-mari et du traumatisme que son départ avait créé chez ses enfants pour savoir qu'il ne voulait pas être ce genre d'homme. Ça ne l'empêchait pas de se sentir comme une grosse merde. Il se sentait comme une grosse merde quand Leo Black venait l'interviewer parce qu'il imaginait des jugements qui n'existaient pas forcément. Le fait que Black soit le patron de Ginny n'arrangeait rien, il devait savoir et il devait le mépriser. Harry s'attendait à tout instant, au milieu d'une interview, à ce que Black lui demande : « Et sinon, vous avez abandonné votre fiancée enceinte et votre enfant à naitre, avez-vous quelque chose à dire là-dessus ? » Evidemment, Black ne le fit jamais.

Harry se sentait comme une merde quand Hermione venait le voir, seule, et lui disait que Ron avait trop de travail à la boutique pour l'accompagner. Ou quand Ron venait et que la discussion était tendue et peu naturelle. Quelque chose s'était cassé, plus encore que quand Ron l'avait abandonné dans la forêt en plein milieu de la guerre. Ron avait essayé de parler à Harry, une fois, pour lui demander de reconsidérer les choses mais Harry lui avait répété avec obstination que c'était Ginny qui avait mis fin à leur relation, pas lui. Il ne voulait pas vraiment l'épouser, certes, mais ce n'était pas une raison pour le quitter !

Il avait revu Ginny aussi, qui était moins en colère qu'avant et qui était surtout triste. Ils ne se comprenaient pas, ils ne désiraient pas les mêmes choses, elle n'imaginait plus être avec lui pour le moment. Elle ne lui faisait plus confiance. Combien de fois avait-il dit oui pour lui faire plaisir alors qu'il pensait non ? Elle ne voulait pas d'un homme comme ça, elle ne savait plus où elle en était. Il ne pouvait pas vraiment l'aider.

Il reçut une lettre de Molly qui l'invitait à prendre le thé et il s'y rendit, plus mort que vif. Elle l'accueillit moins chaleureusement que d'habitude mais elle lui servit du thé et Harry eut la surprise de voir Arthur dans le salon, qui les attendait. Ils discutèrent vraiment, comme ils ne l'avaient peut-être bien jamais fait. Harry s'expliqua, il n'avait jamais voulu blesser Ginny, au contraire, il avait voulu lui faire plaisir. Il ne comprenait pas comment les choses en étaient arrivées là. Il put lire de l'agacement dans le regard de Molly mais surtout, de la pitié.

- Je sais que tu ne voulais pas mal faire, admit Molly d'une voix plus douce qu'au début. Mais tu l'as blessée quand même.

- Elle aussi ! répliqua Harry, qui se sentit comme un enfant.

Ils avaient beau tous lui expliquer qu'il aurait dû lui dire plus tôt ce qu'il pensait, Harry en avait assez. Comme si dire les choses était facile ! Il aurait bien aimé savoir si Ron et Hermione se parlaient tant que ça, eux, s'ils se disaient les choses difficiles qu'ils avaient sur le cœur. « Je me sens nul et débile quand je suis avec toi », aurait dit Ron. Ah vraiment, disait-il des choses comme ça ? Harry était sûr que non. Et Molly et Arthur, se parlaient-ils ? Elle qui passait son temps à repriser des chaussettes et lui qui passait son temps au Ministère, avaient-ils régulièrement des conversations constructives ? Harry les emmerdait tous avec leurs leçons. On ne lui avait jamais appris ces choses-là, il ne savait pas y faire. Il avait voulu garder Ginny et il l'avait perdue en voulant bien faire. L'amour était cruel et mal fait, Harry n'était pas fait pour ça, il n'y comprenait rien. Peut-être devrait-il être comme Arthur, qui ne disait rien et se contentait d'obéir à sa femme pour avoir la paix, du moins en apparence et de faire dans son dos les choses qui lui plaisaient ? Charmant comme idée de couple.

Dans tous les cas, quand Noël arriva, il ne le fêta pas chez les Weasley. L'idée d'être seul lui était bien trop pénible et il se rendit chez Andromeda. Finalement, la soirée avec Teddy fut peut-être plus agréable que la soirée mouvementée et bruyante qu'il aurait eu à subir au Terrier. Andromeda, comme toujours, était peut-être la seule qui n'avait pas vraiment réagi à l'histoire de Harry. D'ailleurs, elle avait été la seule à faire un commentaire disant que si Ginny tenait réellement à lui, elle ne serait pas partie aussi facilement. Harry en avait été choqué et cela lui avait fait encore plus de mal que de bien, en fin de compte.

Et puis finalement, un jour sombre et triste de janvier, il reçut un mot de Ginny lui disant qu'elle allait surement accoucher. Elle n'avait écrit qu'à deux personnes, à Harry et à sa mère. Elle avait hésité pour Harry, une seconde, mais en vérité, elle espérait qu'il serait là pour vivre ça avec elle. Et il fut là. Il quitta le Ministère immédiatement, sans prendre le temps de réfléchir et il transplana jusqu'au petit appartement que Ginny louait depuis leur séparation. Il laissa Molly s'occuper de l'accouchement puisqu'elle s'y connaissait mieux que lui, assurément, mais il prit la main de Ginny dans la sienne et il ne la lâcha pas. Il eut un coup au cœur en voyant l'enfant sortir d'elle, en entendant ses cris et en voyant à quel point il était petit. C'était un garçon, avec une touffe de cheveux noirs et hirsutes sur le crâne. Ginny le serra contre elle puis le nettoya doucement, avec une serviette mouillée. Molly rangea tout, avec Harry qui agissait comme un automate. Quand il fut évident que la mère et l'enfant se portaient bien, Molly se tourna vers Harry.

- Je rentre, je vais prévenir tout le monde. Ça vous laisse un petit moment tous les trois.

- Merci.

Harry se sentit soulagé de la voir partir et il retourna auprès de Ginny. Elle caressait l'enfant, avec des gestes lents et répétitifs, encore un peu assommée par les potions contre la douleur.

- Il a tes cheveux.

- Oui, admit Harry.

- Comment allons-nous l'appeler ?

- Je ne sais pas.

- Nous avons le temps d'y réfléchir.

Harry tendit la main, lentement, très lentement, puis caressa la tête de son fils.

- Viens habiter chez moi quelques temps, proposa Harry. Tu ne peux pas rester seule, je veux m'occuper de lui aussi.

- Je pensais m'installer au Terrier.

- Viens chez moi, c'est mon fils.

Elle hésita.

- Je croyais que tu n'en voulais pas.

Harry soupira.

- Je n'en voulais pas mais maintenant il est là et c'est mon fils. Je suis toujours persuadé de ne pas être la hauteur mais je ferai de mon mieux.

Ginny accepta et revint s'installer chez lui. Contrairement à ce que Harry craignait, Molly soutint immédiatement le projet et n'essaya pas de convaincre sa fille de revenir à la maison. Maintenant qu'ils se retrouvèrent au calme, dans la grande maison qu'ils avaient partagée, ils purent réfléchir plus posément à leur fils. Ils décidèrent de l'appeler Albus, en hommage à Dumbledore. Il avait été une personne importante dans la vie de Harry et Ginny respectait beaucoup l'ancien directeur de Poudlard. Cela leur convenait à tous les deux. Pour son deuxième prénom, Harry laissa Ginny choisir celui de son grand-père paternel, qu'elle avait peu connu, malheureusement. Albus Septimus Potter, né le 11 janvier 2004 rejoignit donc la grande famille Weasley.

Ils reçurent de nombreuses visites, évidemment. Ron semblait un peu moins rancunier envers Harry en voyant qu'il n'avait pas l'intention d'abandonner Ginny et l'enfant. Il eut même l'air soulagé de voir que son ami ne faisait pas n'importe quoi. Toute la famille Weasley vint, Bill et Fleur, George et Angelina, Percy et Audrey, Charlie qui rentra pour l'occasion. Les amies de Ginny aussi, qui offrirent vêtements, jouets et peluches. Toute l'équipe du Sorcier Libre, qui débarqua avec des fleurs. Harry fut presque certain qu'il y avait plus de chaleur dans le regard de Leo Black maintenant qu'il était sûr que Harry ne s'était pas barré comme un connard. Agatha, Andromeda et Serena vinrent, avec Teddy. Ce dernier observa le bébé avec méfiance mais Harry le prit dans ses bras pour le porter au-dessus du berceau et Teddy eut l'air heureux. Il était un peu trop grand maintenant pour qu'on le prenne dans ses bras mais cela lui fit plaisir, une preuve que Harry ne l'avait pas totalement délaissé pour ce bébé rouge et ridé.

Harry et Ginny mirent en place une routine efficace et presque implicite. Albus, aux dires de tous, n'était pas un bébé très compliqué. Il ne pleurait pas beaucoup, il était en bonne santé. Il les réveillait la nuit, bien sûr, ils étaient fatigués, bien sûr mais étrangement, cela ne dérangeait pas trop Harry. La fatigue, le bébé, les biberons et les couches l'empêchaient de penser au reste. Il était de plus en plus à l'aise avec son fils, il aimait le porter dans ses bras, le regarder, respirer son odeur. Il avait eu peur des sentiments qu'il ressentirait pour cet enfant mais il fut rassuré : il l'aimait. Et parce qu'il l'aimait, sa peur, son sentiment d'incompétence et son désir de bien faire étaient plus violents encore.

Cela dura un mois. Ginny et Harry se croisaient dans la maison, dormaient dans des chambres différentes, mangeaient ensemble et s'extasiaient ensemble de leur bébé. Tout se passait plutôt bien, à vrai dire, mieux que Harry l'avait craint. Ginny et lui, après tout, s'étaient toujours bien entendus avant que ce malheureux malentendu vienne tout briser. Sans qu'ils s'en rendent compte, ils se remirent à rire ensemble, à plaisanter, à faire durer les soirées. Harry se sentait apaisé d'avoir Ginny près de lui et il se demandait combien de temps ça allait durer. Il n'osait rien espérer, rien souhaiter, il avait déjà bien trop perdu.

Un soir, alors qu'ils venaient de coucher Albus, ils se retrouvèrent tous les deux dans le salon. C'était toujours un moment agréable et détendu, où ils pouvaient discuter, se coucher, lire ou faire ce qu'ils voulaient. Harry se laissa tomber sur le canapé, fatigué mais pas trop malheureux, pour une fois. Il avait envie de boire un verre mais puisque Ginny ne pouvait pas, il résista à la tentation, par solidarité. Ginny, d'ailleurs, s'assit près de lui sur le canapé. Il put sentir son corps toucher le sien et il les recouvrit du plaid doux et moelleux qui leur permettait d'affronter les soirées d'hiver. De sa baguette, Harry rajouta une bûche dans le feu. Albus semblait dormir et Harry ne s'inquiétait pas. S'il se réveillait, Kreattur les préviendrait. Le vieil elfe avait un don pour entendre les pleurs du bébé, à tel point que c'en était presque effrayant. Harry se détendit et discuta avec Ginny. Elle avait hâte de retourner travailler, elle n'était pas faite pour rester à la maison. Ils pourraient laisser Albus sous la surveillance de Kreattur ou de Molly. Ils trouveraient des solutions. Elle ne parla pas de déménager et Harry en fut soulagé.

- Merci d'être resté auprès de nous, dit brusquement Ginny, d'une voix basse et hésitante. J'avais peur que tu ne veuilles pas t'occuper d'Albus.

- Non, je… Je n'ai jamais dit ça.

- Je sais mais je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Je m'étais dit que tu ferais peut-être comme avec Teddy, nous rendre visite de temps en temps.

- Non, ce n'est pas… Teddy est mon filleul et je l'aime mais Albus est notre fils, je ne peux pas le laisser.

Elle se tourna vers lui pour le regarder dans les yeux et il lui rendit son regard. Avec moins de douceur qu'elle l'aurait voulu, Ginny se pencha vers lui et l'embrassa. Son baiser avait quelque chose d'un peu désespéré et Harry lui répondit de la même manière. Elle rejeta le plaid et grimpa sur les cuisses de Harry pour lui faire face. Il la serra contre lui, l'embrassa à nouveau. Elle sentait bon, les fleurs, la vie et l'espoir. Il se recula pour la fixer, hésitant.

- Ginny… souffla Harry.

- Je t'aime Harry, dit Ginny d'une voix cassée. Je t'aime depuis toujours, je veux être avec toi. Je t'en prie, recommençons.

- Je t'aime aussi, assura Harry, le cœur gonflé de joie et de soulagement.

Il leva la main, caressa ses cheveux puis sa joue.

- Marions-nous, Ginny, dit doucement Harry. Je le pense vraiment, cette fois. Je ne veux pas te perdre. Marions-nous et élevons Albus ensemble.

Elle hocha la tête, soulagée elle aussi. Elle avait les larmes aux yeux et il n'en était pas loin lui non plus. Les courtes nuits qu'ils devaient supporter depuis quelques semaines ne les aidaient pas à rester sereins. Harry enfouit son visage dans le cou de Ginny. Il ne croyait toujours pas aux promesses mais il voulait être avec Ginny et avec son fils, il ferait donc le nécessaire. Et il se dit qu'après tout, la normalité le rendrait peut-être heureux, qu'en savait-il ?

Harry et Ginny se marièrent dès le mois de mars, en petit comité. Ce fut une cérémonie simple et rapide qui leur alla à tous les deux. Tout le monde eut l'air soulagé de ce mariage, comme si tout était revenu dans l'ordre. Vivre seule avec un enfant eu hors mariage n'était certes plus considéré comme une honte mais tout de même, personne ne souhaitait cela à Ginny. On pardonna à Harry son erreur de parcours – c'était la deuxième déjà mais allons bon – et la vie rentra dans l'ordre.

Ginny revint vivre au Square Grimmaurd, pour toujours cette fois-ci. Leur routine ne changea pas beaucoup de celle qu'elle était avant, si ce n'est que Ginny reprit sa place dans leur chambre, dans les bras de Harry. Ils retrouvèrent les plaisirs simples de leur vie d'avant, se réveiller l'un contre l'autre, aller voir des matchs de Quidditch, faire l'amour le dimanche matin, dîner devant la cheminée. Il y avait Albus maintenant, certes, mais cela ne les empêchait pas d'être ensemble.

Et Harry se mit à croire qu'il pourrait être heureux. Il le fut, sincèrement. Il avait Ginny près de lui, il l'aimait et il se sentait bien avec elle. Il avait Albus et cela l'effrayait mais Harry n'était pas un lâche. Et Albus était encore trop petit pour que Harry ait le sentiment de faire n'importe quoi. Pour l'instant, Harry était capable de lui donner de l'amour, de lui donner à manger, de changer sa couche, de lui raconter des histoires et de le garder au chaud dans ses bras. Il se disait que c'était l'essentiel, sans doute, et qu'il affronterait le plus difficile plus tard. Albus avait l'air plutôt heureux, lui, avec ses yeux verts, son sourire et ses petites mains qui s'agitaient. Harry croisait les doigts pour que ce bonheur dure le plus longtemps possible. Tant qu'il y aurait de la lumière dans les yeux de Ginny et des sourires sur le visage d'Albus, tout irait bien.