Écrit par HateWeasel
383. Noblesse et sincérité.
La soirée continua, même lorsque la danse du duo de démons prit fin. Les deux garçons firent une petite révérence l'un à l'autre pour s'amuser, et leurs mains finirent par se retrouver lorsqu'ils quittèrent la piste de danse. On aurait dit qu'ils avaient tout simplement oublié que leurs invités étaient toujours là alors qu'ils riaient et discutaient librement sans avoir peur d'être jugé. Même Ciel, qui était constamment sur ses gardes, avait oublié avec la présence du blond.
Il s'assit avec l'autre garçon sur un canapé dans un coin, son bras autour des épaules d'Alois, ce dernier se reposant contre lui. Les spectateurs pourraient croire qu'ils ressemblaient à n'importe quel couple ordinaire, et s'ils n'étaient au courant de rien, ils y auraient cru au vu de l'atmosphère agréable qui régnait actuellement. La menace blonde, il fallait l'admettre, était quelque peu surprise, étant donné la réticence du Phantomhive vis-à-vis de l'affection en public. Alois reposait sa tête dans le creux du cou du bleuté, profitant du moment et de la proximité tant que cela durait.
- Tu sais vraiment comment rendre une fille spéciale, hein, Phantomhive ? plaisanta-t-il, souriant en sentant les vibrations provoquées par le ricanement de l'autre garçon.
- Vraiment ? Je croyais que tu étais un garçon. Peut-être que je devrais revoir ma biologie, répondit Ciel sur le même ton.
- Tu sais ce que je veux dire, dit son bien-aimé. Si tu continues à me gâter comme ça, je vais finir par ne pas pouvoir te laisser partir.
- Parfait. C'est mon intention, dit le bleuté. Je vais te garder rien que pour moi pour toujours, et tu ne peux rien faire pour m'arrêter.
- Oh la la, quel vilain tu fais.
- Je suis un "dragon", tu te souviens ?
- Oh mon Dieu, tu t'en rappelles ? demanda Alois alors qu'il s'éloigna du garçon pour le regarder.
Un rire naquit dans sa gorge en voyant l'expression du Phantomhive.
- Malheureusement, répondit le bleuté. Pourquoi ai-je parlé de ça déjà ?
- Parce que tu es arrogant, et que tu pensais pouvoir surpasser les effets de l'herbe-à-démon avec ta seule volonté, répondit le blond.
Le sourire de Ciel tomba quelque peu en entendant les paroles du blond. Instantanément, les mots du chef des démons de la Black Annis résonnèrent dans ses oreilles. Il était arrogant, et pensait pouvoir vaincre un adversaire beaucoup plus fort que lui s'il le souhaitait vraiment. De toute évidence, ce n'était pas le cas.
- Oui... dit-il, détournant quelque peu le regard. On me le dit souvent...
- Eh... dit Alois en prenant le menton de l'autre garçon dans sa main pour le forcer à croiser son regard. Ce n'est pas ce que je voulais dire...
- Je sais, c'est juste... un peu dur à accepter... dit le Phantomhive. Je ne savais pas que j'étais aussi faible...
- Tu n'es pas faible. Ces gars-là ont juste pleins de capacités bizarres auxquelles on ne s'attendait pas, et qu'on ne comprends pas vraiment, répondit le blond. Ça arrive.
- Tu dis ça comme si connaître une défaite ne viendrait pas avec des conséquences, dit Ciel. Regarde Charlotte, Amélie, et Heinrich. Ils doivent tous aller en thérapie pour de vieilles blessures.
Il prit le poignet de son bien-aimé, mettant la main de ce dernier au niveau de son œil.
- Regarde ta main ! reprit-il en observant le membre mutilé.
Les marques laissées par les morceaux du Jarnglofar guérissaient bien mais lentement, en comparaison avec une blessure non causée par une technologie anti-monstre.
- C'est juste une égratignure, répondit le blond. J'ai merdé. Maintenant que je sais qu'elle peut faire ça, je serais plus prudent. Ciel, ce n'est rien, vraiment-
- ... Ça l'est pour moi, interrompit le bleuté en lâchant le poignet de la menace.
Le garçon regarda sur le côté, se faisant tout petit en sentant le regard surpris du Macken sur lui. Il fut surpris à son tour en sentant les lèvres de son bien-aimé contre sa joue, et le front d'Alois contre sa tempe.
- Je comprends... dit doucement le blond.
Ses mots étaient bas, presque chuchotés.
- Il n'y a rien de mal à avoir peur... Ça veut juste dire que tu as un cœur humain. Voilà pourquoi tu gagneras. Tu sais ce que dit Hellsing ?
Ciel se retourna pour faire face au garçon, se rappelant de ces mots, mais ce n'était pas aussi réconfortant que de les entendre sortir de la bouche de la menace blonde.
- "Il faut un homme pour tuer un monstre", dit Alois, le regard ferme et sérieux.
Il s'adoucit quelque peu, lorsqu'il leva la main pour écarter une mèche rebelle du visage de l'autre garçon.
- Mais et si je ne suis pas un homme ? demanda le Phantomhive. Et si je suis un monstre ? Je suis un démon, pas un humain.
- Un monstre ne serait pas aussi inquiet, répondit son petit ami. Si tu étais un monstre, alors pourquoi serais-tu aussi contrarié ? Pourquoi te préoccuperais-tu des autres ; de moi ?
Alois marqua une pause, regardant dans les iris saphir du bleuté dans l'espoir d'y trouver une réponse.
- Les monstres ne peuvent pas donner. Ils peuvent seulement prendre, dit le blond. Tu m'as tellement donné ; un foyer, une nouvelle chance de vivre, le bonheur... Tu m'as rendu tout ce que j'ai perdu, et tout ce que je n'ai jamais eu. Si Dieu existe, lui-même serait incapable de faire ça, Ciel.
Ciel ne put rien faire d'autre que de rester assis là, la bouche légèrement ouverte en encaissant les paroles du blond. Avait-il réellement fait tout cela ? Il n'en avait pas l'impression. En fait, cela ne semblait être rien. Pour Alois, cependant, c'était tout, et c'était désormais évident pour Ciel.
- Jim... murmura doucement le bleuté, son nom lui échappant.
Ce fut le seul mot qui lui sortit de la tête alors qu'il cherchait une réponse.
- Aw, vous êtes tellement mignons ! dit une voix, faisant sursauter le Phantomhive tout en le ramenant à la réalité.
Ils levèrent les yeux et virent une certaine Draculina se tenir devant eux, Mademoiselle Seras Victoria.
- Oh ! Je suis désolée ! Je ne voulais pas vous interrompre ! dit-elle avec sincérité tout en bougeant les mains devant elle. Ne faites pas attention à moi ! Je vais y aller, je pense...
- Seras ! dit le Macken en se levant pour voir l'agent H.E.L.L.S.I.N.G.
Mademoiselle Victoria et lui s'entendaient très bien, même s'ils se parlaient rarement. Ils éprouvaient une sorte d'étrange camaraderie, quoi qu'il en soit, alors qu'ils parlaient souvent de leurs supérieurs respectifs, et plutôt têtus, porteurs de cache-œil.
- Comment tu vas ? Je ne t'ai pas vu depuis une éternité ! reprit la menace avant de lui faire la bise.
- Je vais bien. Je crois qu'Integra commence à être un peu... disons... s'estompa la Draculina.
- ... Fatiguée de la fête ? dit Alois.
- Oui, on pourrait dire ça, répondit la femme en gloussant.
- Ciel est pareil, dit le Macken en jetant un œil au bleuté qui lui afficha une expression sévère pour tenter de sauver la face.
Cela ne fit, cependant, que ricaner Alois.
- Il a toujours été comme ça, de ce que je sais. Mais c'est marrant.
- Je vois. Oh ! Et joyeux anniversaire, d'ailleurs ! J'allais presque oublier !
- Ne t'inquiète pas, j'en aurai plein d'autres encore ! plaisanta Alois.
Il tendit une main à la femme.
- Ça n'a pas d'importance. M'accorderiez-vous cette danse, mademoiselle ?
- A deux conditions, dit Seras. Un : Ne reparle plus jamais comme ça, et deux : seulement si ton petit ami est d'accord.
- Chéri ? demanda la menace blonde en jetant un œil par-dessus son épaule.
Son bien-aimé sortit de sa transe et se reprit.
- Allez-y, dit-il. Mais souviens-toi, je te surveille.
- Oui, Ciel ! dit dramatiquement le Macken avant d'en revenir à Seras. Parce que mon but depuis le début était de l'ajouter à mon harem !
- Je veux bien danser avec toi, mais je ne rejoindrai aucun harem, répondit la Draculina en riant.
- Oh, bah, au moins j'ai toujours monsieur grognognon pour assouvir mon affection, plaisanta Alois alors que la femme et lui se dirigèrent vers la piste de danse.
Il regarda derrière lui avec un sourire, sachant que le Phantomhive avait besoin d'un moment pour réfléchir.
Ce fut très apprécié, puisque le bleuté avait de quoi songer. Alors qu'il observait les deux blonds tournoyer bêtement, il ne put s'empêcher de penser à ce qu'Alois avait dit. Le garçon était si sincère, et il semblait presque blessé par les critiques que le bleuté s'infligeait. En y repensant, lorsque Ciel se traitait de faible cela rendait Alois faible. C'était l'anniversaire du blond, pourtant il n'avait pas demandé une seule chose au Phantomhive. S'il lui demandait, il affirmerait que le bleuté n'avait plus rien à lui offrir.
D'une certaine manière, il avait raison. Ciel commençait à comprendre en observant la pièce. Il se leva et se mit à s'y balader, trouvant d'amusantes décorations et plus de nourriture sur la table que d'invités, ainsi que des visages souriants de tous les côtés. Les autres résidents de la maison étaient également présents, cependant, l'un d'eux avait du mal à rester éveillé. Sebastian était occupé à persuader un Luka têtu d'aller au lit, son couvre-feu étant déjà bien passé. Luka voulait seulement continuer à jouer avec tout le monde, quelque chose qu'il n'aurait jamais pu faire s'il n'avait pas été ressuscité.
Alois avait une dette envers le bleuté qu'il ne pourrait, selon lui, jamais revaloir. Le Phantomhive avait tant fait, pas seulement pour Alois, mais aussi pour Luka. Il avait donné des secondes chances, et d'excellents traitements ; ce qu'une personne ordinaire n'aurait pas pu faire. Alois avait raison. Ciel n'était pas un monstre. C'était évident dans la manière qu'il avait de regarder le visage souriant du blond à l'autre bout de la salle.
C'était ce que Ciel voulait protéger et avait si peur de perdre. Il voulait qu'Alois ait un anniversaire chaque année, maintenant comme pour l'éternité. Que tout cela cesse détruirait et anéantirait le monde du Phantomhive. Tout disparaîtrait pour la deuxième et probablement la dernière fois.
Ciel ne savait pas ce qu'il ferait si cela arrivait et il ne voulait jamais savoir. Ce serait la fin de "Ciel Phantomhive", alors que son âme sombrerait dans le désespoir, et sa volonté serait écrasée par le deuil. S'il ne cessait pas d'exister à ce moment-là, il deviendrait très certainement, et sans aucun doute, un monstre. Ce fut lorsque cette pensée traversa son esprit qu'il tomba sur la Hellsing.
Integra se trouvait toute seule d'une manière pas si éloignée de celle que le bleuté avait adoptée. Elle était visiblement mal à l'aise, mais d'un autre côté, elle était connue pour ne pas être très fêtarde. Les nerfs de la femme semblaient presque prendre le dessus alors qu'elle mit un cigare entre ses dents tout en allumant son briquet.
- Ne vous ai-je pas demandé de ne pas fumer chez moi ? demanda sarcastiquement le Phantomhive.
Marquant une pause, la femme éteignit le briquet et remit le cigare dans sa boîte avant sa poche.
- C'est possible, répondit Integra sans l'intention de poursuivre la conversation.
Elle semblait un peu fatiguée, mais le bleuté la comprenait, n'étant lui-même pas très friand des événements sociaux.
- Votre époux vous a quitté ?
- Oui, pour une femme, j'en ai peur, répondit Ciel en regardant la piste de danse et la femme suivit son regard.
Un petit ricanement sortit de la gorge de la femme alors qu'elle comprit ce que le garçon voulait dire.
- Je vois que cela vous brise le cœur, plaisanta Hellsing.
- Oui. Elle est beaucoup plus belle que moi, dit Ciel tandis qu'un sourire menaçait de courber ses lèvres en voyant la femme se retenir de rire.
Bien qu'il soit toujours étrange de parler de manière aussi nonchalante avec Sir Hellsing, c'était toujours beaucoup mieux que d'être constamment sur ses gardes autour d'elle.
- Ne profitez-vous pas aussi particulièrement des festivités ?
- Pour être franche, je ne suis pas vraiment intéressée par les fêtes, répondit Integra. Je ne l'ai jamais été, et je doute l'être un jour.
- Je suppose que nous sommes deux. Je préférerai résoudre un bon meurtre.
- Êtes-vous toujours aussi morbide ?
- Je le crains, dit le bleuté. Je crois bien que la dernière fois que je ne l'ai pas été était vers... 1885, je pense... Mais je n'aimais toujours pas les fêtes à cette époque là.
- Il est vraiment dur de vous imaginer être ne serait-ce qu'un peu normal.
- Je peux en dire autant de vous, mais je crois bien que c'est mieux ainsi, dit Ciel. Le royaume s'effondrerait sans Sir Integra Fairbrook Wingates Hellsing.
- Vous êtes trop bon, répondit la femme.
- Pas vraiment... s'estompa le Phantomhive en voyant la menace blonde et Seras lui faire signe de venir.
Il regarda la Hellsing qui lui fit signe d'y aller, mais lorsqu'il fut sur le point de les rejoindre, il fut accueilli par deux mots :
- Integra aussi ! dirent les deux hurluberlus et le bleuté comprit ce qu'ils voulaient.
Soupirant, il se frotta les tempes.
- Ils veulent que nous dansions, dit-il et Integra fronça les sourcils.
- Alors ils vont être déçus, dit-elle. Je ne danse pas.
- Je m'en doutais, répondit Ciel. Je ne me rappelle pas vous avoir déjà vu danser.
C'était la vérité. Ciel connaissait Integra depuis des années, et il était incapable de se souvenir de l'avoir vu danser à une fête. En fait, il avait du mal à se rappeler l'avoir vu faire quoi que ce soit à une fête, même lorsqu'elle était adolescente. Elle, comme Ciel, préférait rester sur le côté et observer avant d'en avoir assez et de rentrer. Contrairement au Phantomhive, cependant, elle n'avait personne pour la forcer à être sociale. Même Ciel se souvenait avoir dansé avec Elizabeth à diverses soirées, mais jamais Integra. La femme n'avait rien à voir avec sa grand-mère de ce côté-là. Une grande dirigeante ? Oui. Consciencieuse ? Oui. Juste ? Oui, une nouvelle fois. Elle, cependant, n'était pas du tout extravertie par rapport aux "petites choses" comme le fait de se faire des amis. Integra, comme Ciel, avait toujours été dans son monde, et ce fut pour cette raison que Ciel décida de tendre sa main.
- Quoi ? demanda la femme.
- Je ne vous ai jamais vu dansé auparavant, dit le Phantomhive. Une dame de votre statut a sûrement dansé par le passé.
- Une dame de mon statut n'a jamais le temps pour de telles frivolités, insista Integra.
- Vous avez le temps maintenant. Ce sera sûrement plus divertissant que de rester là à vous demander si vous pouvez fumer sur le patio.
- Devant tous ces gens ? Êtes-vous en train d'essayer de vous moquer de moi ?
- Ces gens sont des adolescents et des collègues de confiance. Ils n'oseraient pas sans en connaître les conséquences, dit le bleuté pour la rassurer.
Il regarda la femme marquer une pause, pesant le pour et le contre avec prudence.
- Vous n'allez pas laissé tomber, je me trompe ? demanda la femme.
- Probablement pas, répondit Ciel. Si je dois souffrir, autant vous emmener avec moi.
Ainsi, Integra, bien que lentement, prit la main du démon et fut emmené sur la piste. Là, avec un air perplexe, elle prit la position standard avec le bleuté, se battant avec l'envie de gifler le garçon qui venait de toucher sa taille. Ciel faisait de son mieux pour ne pas sourire narquoisement face au changement microscopique de son expression en réaction au geste, avant de remarquer qu'il était toujours un peu plus petit que la femme. Même avec sa forme altérée pour ressembler à un adolescent plus âgé, Integra avait tout de même quelques centimètres de plus que lui, ce qui ne lui plaisait pas trop.
Étrangement, avec leur proximité, le garçon remarqua certaines choses chez la femme qu'il n'avait jamais vu auparavant. Il se plaignait souvent que la femme empestait le cigare, mais, un léger parfum de romarin émanait de ses vêtements, ce qu'il trouva plutôt rusé. A la grande surprise du Phantomhive, bien qu'Integra n'avait pas de délicatesse, ses traits étaient tout de même assez féminins, n'en déplaisent aux insultes passées de Ciel. Ce fut lorsqu'ils se mirent en mouvement, cependant, qu'il remarqua vraiment qu'Integra, même si elle vieillissait, devenait plus sage et plus puissante, était toujours au fond, l'étrange fille qu'il avait rencontré il y a plus de vingt ans.
- Faites comme moi, dit-il. Commencez à droite.
Pour la première fois, Ciel vit Integra détourner le regard pour regarder le sol, bien que ce ne soit que pour suivre les pieds du Phanntomhive. Elle était plutôt gracieuse dans ses mouvements de pieds, et ce malgré sa présence intimidante. Son aisance lui venait probablement de sa maîtrise de l'épée. Pas une seule fois elle ne piétina le pied de son partenaire, cependant, l'irritation sur son visage devenait de plus en plus évidente.
Ciel remarquait que dans la pièce, les gens regardaient, ceux pour qui elle était la supérieur inclus. C'était pénible pour la femme d'y penser. Elle avait passé la majorité de sa vie à perfectionner son image de force et de puissance, mais contrairement à Ciel, la sienne était sincère. Le seul problème était de faire à ce que les autres la prenne au sérieux.
Il semblerait que plus le temps passait, plus le Phantomhive se voyait en la femme. Peut-être était-ce le sang qu'ils partageaient. Même sans ce lien, cependant, le bleuté trouvait qu'elle était digne du respect qu'elle avait gagné, et qu'elle en avait bien plus que le droit. Alors, Ciel se mit à se demander s'il allait commencer à se lier d'amitié avec tous ses pires ennemis.
- Tête haute, Integra, dit-il, attirant l'attention de sa partenaire de danse. Montrez-leur la fierté de Hellsing.
Immédiatement, la femme se remit droite. Elle mit ses épaules en arrière et aligna correctement sa colonne vertébrale. Sa tête était haute et elle regardait Ciel de haut ; pas à cause de sa position politique supérieure, mais seulement à cause de sa taille. C'était incroyable de voir que quelques simples mots pouvaient faire disparaître tous les doutes chez quelqu'un.
La danse se termina sur cette pensée. Les deux nobles se séparèrent aussi calmement et vite que possible. C'était embarrassant, mais ils ne se sentaient pas spécialement menacés, ni l'un ni l'autre.
- Ce n'était pas aussi dur que ce que les gens disent, dit Integra en mettant ses mains dans ses poches.
Ciel était persuadée qu'elle prenait sa boîte de cigares.
- Il semblerait que vous êtes naturellement douée pour cela, songea le Phantomhive. Pour me faire pardonner de mon comportement agaçant, la terrasse est ouverte, si jamais vous aviez besoin de remédier à votre envie de nicotine.
- Oh ? Pas de remarque méprisante sur le fait que "ces choses vont me tuer" ? demanda la femme.
- Non, répondit Ciel. Vous êtes trop âgée pour être traitée comme une enfant.
Avec un petit rire hautain, la Hellsing acquiesça avant de lui faire un signe de tête. Elle sortit calmement, se rendant directement mais subtilement vers la terrasse. Il semblerait qu'elle n'ait pas d'arrière-pensées, mais Ciel avait souvent du mal à comprendre ce qu'il se passait dans la tête de son parent.
Il avait du mal avec beaucoup de choses, pour être franc. Mais quoi qu'il en soit, il semblerait qu'il ouvrait son esprit, le garçon pouvait mieux comprendre. Tandis que son esprit était ouvert, ses yeux étaient fermés alors qu'une main familière les couvrit de derrière lui.
- Quelle audace : danser avec "l'ennemi", dit une voix.
- Jim, dit Ciel avec un petit sourire, se retournant afin de voir la menace blonde.
- Est-ce que c'est moi ou on dirait que tu dragues tous tes anciens "rivaux" ? demanda le Macken d'un ton faussement agacé avec une main sur la hanche.
- Cela dépends d'à quel point ça te rend jaloux, taquina le bleuté. Je pensais que tu voulais que je danse avec Integra ?
- Bah, ouais, mais je ne pensais pas que tu le ferais vraiment, répondit Alois. Tu es censé savoir ces choses-là, Ciel !
- Je suis désolé, mais je ne peux pas lire dans les pensées.
- Et pourtant tu arrives toujours à lire en moi, ajouta le blond en rassemblant leurs mains.
Son compagnon accepta le geste, n'y faisant presque pas attention comme ce n'était rien d'inhabituel.
- Tu fais exactement la même chose avec moi, tu sais.
- Oui, commença Alois en séparant leurs mains pour mettre les siennes sur les épaules de l'autre garçon, mais quelqu'un doit te prévenir quand tu passes pour un idiot.
- C'est très courageux de ta part, mais d'un autre côté, tu n'as rien à craindre, si ?
- Bien sûr que non. Tu es juste un petit chiot qui a besoin de câlins et de papouilles.
- Heureusement que l'offre est forte, plaisanta Ciel, ses mains se mettant instinctivement autour de la taille de l'autre garçon.
- Je fais de mon mieux, répondit Alois. Mais, ce n'est rien comparé à toutes les choses grandioses que tu fais pour moi.
- Ce n'est pas si grandiose...
- Tu as ramené un enfant à la vie.
- C'était un accident, dit le bleuté.
- Tu as créé un réceptacle humain artificiel !
- D'accord, peut-être pas ça...
Alois se contenta de rire face à la tentative lamentable du Phantomhive pour se justifier. Il ferma les yeux et leurs fronts se touchèrent alors qu'ils se balançaient inconsciemment au rythme de la musique.
- Comment vais-je bien pouvoir te rendre la pareille pour tout ça ? demanda le blond. Et tu continues à en faire plus...
- Continue juste à rester à mes côtés, c'est bien plus que suffisant, répondit Ciel. D'accord ?
- Mm-hm, fit Alois. Je n'ai aucune envie de partir ; même avec ces satanés Annies.
- Promis ?
- Promis.
Ce simple mot amena tant de calme à l'esprit du Phantomhive, mais il y avait d'autant plus d'anxiété et de doutes qui restaient. Ciel marqua une pause, réfléchissant en long en large et en travers à ce qu'il allait faire ensuite. Il y avait déjà pensé, mais il ne savait pas vraiment comment l'autre démon allait réagir. Il ne savait pas comment quiconque réagirait, en fait. Quoi qu'il en soit, il ravala sa fierté et ses insécurités afin de donner vie à ses pensées.
- Jim ? dit-il, attirant l'attention de l'autre garçon.
- Mm-hm ? répondit Alois, profitant toujours de la proximité de son bien-aimé.
- Eh bien... hy... hypothétiquement parlant... commença le Phantoomhive, ... qu'en penserais-tu si nous... nous... euh...
Ciel hésitait. Prenant une profonde inspiration, cependant, il tenta de se reprendre en mains.
- Qu'en penserais-tu si nous... nous passions un pacte ensemble ?
Alois s'éloigna du bleuté afin de croiser son regard. Les yeux du blond étaient écarquillés d'étonnement et d'incrédulité tandis que ses joues étaient complètement rouges. Il fixa le bleuté afin d'être sûr d'avoir bien entendu. A en juger par l'air gêné et embarrassé du bleuté, c'était le cas, et le garçon était tout à fait sincère. Finalement, Alois se relaxa et mit ses mains à l'arrière du cou de son bien-aimé.
- Ce que j'en penserais ? demanda-t-il, essayant de trouver ses propres mots.
Il marqua une pause afin d'organiser ses pensées pour mieux articuler, mais tout ce qui lui vint fut :
- Et comment.
