Hey !

Ca va vous ?

Je suis la fatigue incarnée et non, j'ai aucun temps mais je réitère que je finirai cette histoire, pour les deux ou trois personnes qui la lise et moi-même dans la foulée.

Dans tous les cas, si quelqu'un lit ces lignes... merci.

Des bisous, bonne lecture.

Merci à favoria qui a eut la gentillesse d'essayer de m'aider mais je suis un cas désespérée et désespérant alors bon courage quand même. Acclamons-la !

Et Happy Pride Month à tous !

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Chapitre 62

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Je me suis assoupie.

J'ouvre le yeux, vaseuse, la bouche sèche.

Ah, c'est vrai, j'ai eu droit à ma dose d'anti-douleur, ils m'ont un peu assommé. Je papillonne… jusqu'à ce que mon regard croise celui de Hina, à peu près aussi léthargique que le mien, qui me sourit.

Elle est assise à côté de moi et je comprends soudain que je me suis endormie sur elle. Gênée, je rougie en me redressant d'un coup.

- Désolée.

- Ce n'est rien. Ça va mieux ?

- Oui…

Elle aussi sort du bloc opératoire. Mais elle tient bien mieux la douleur que moi. Nous avons toutes deux refusées une anesthésie générale lorsque les urgentistes sont arrivés. Alors même si je n'ai pas senti grand-chose lorsqu'ils m'ont enfin retiré la balle de ma main (un épisode que j'ai profondément ignoré et que j'essaie d'effacer d'ors et déjà de ma mémoire), le réveil de la douleur sous mon attelle n'a pas manqué de me mettre K.O.

Hina est sortie d'un autre bloc, presque le sourire aux lèvres. Soulagée. La balle qu'elle s'est prise s'est logée juste sous son gilet pare-balle, incrustée dans l'os de sa hanche sans faire de dégât dramatique. Elle a eu une chance insolente…

Seule Bonney y a passé plus de deux heures. Elle avait des plaies et des contusions de tous les côtés, une balle dans le flan, une autre dans le bras, une dernière dans la cuisse. Elle n'avait même pas l'aire d'en souffrir. Je ne sais pas en quoi est faite cette femme, n'importe qui d'autre serait mort trois fois exsangue avant même l'intervention des secours.

Celui qui a eu le plus de mal à quand même été Law.

Doffy lui a planté un cran d'arrêt dans le bras. Deux fois. Si par miracle, il n'a pas touché l'artère, il a « le triceps et le deltoïde en charpie, c'est du soudjouk ce bordel » dixit le Dr Kureha.

Il a passé du temps au bloc lui aussi, pour ressortir avec une attelle et l'impossibilité de bouger son bras droit pendant des mois… Une chance qu'il soit ambidextre mais impossible pour lui de reprendre le travail.

On a tous plus ou moins fait des allers-retours dans la salle que l'on nous a libéré pour nous isoler, soit pour se faire soigner, soit pour prendre l'air. Garp a dû partir le premier, gérer et superviser le reste des opérations. Il a promis de revenir au plus vite.

On a brancards et fauteuils à notre disposition. Je me suis installée sur l'un d'entre eux et ils sont traites ! Je me suis endormie en quelques secondes malgré mes perfusions. C'est ma deuxième poche de sang qui passe. Apparemment j'étais pas mal anémiée. Bonney a eut droit à trois poches…

Il me faut une seconde de plus pour regarder autour de moi, remontant mes lunettes qui ont glissés.

Hina continue à me sourire. Smoker est au téléphone dans un coin et nous ignore complètement. Lui non plus n'a pas décroché des opérations et est en lien avec Garp et le reste de la Brigade depuis des heures.

Viola s'est allongée sur un brancard et s'est endormie en nous tournant le dos. Si j'ai bien compris ce que m'a expliqué Law, elle doit encore attendre avant de retrouver sa famille qui n'est plus sur l'île, et injoignable. Mais tant que tout n'est pas terminé, elle ne peut pas récupérer sa nièce (qui si j'ai bien compris étudie ici malgré tout sous une autre identité) et quitter la Cité. Alors elle attend.

Bonney est allongée sur le côté qui ménage sa blessure à la hanche et suit elle aussi son Commandant par téléphone.

- Où sont Law et Lamy ? j'ose finalement demander.

- Partie demander des repas, me répond Bonney en se redressant un peu pour attacher ses cheveux. Et nous prendre à boire.

Le timing est parfait car à cet instant, la porte coulissante s'ouvre à nouveau sur eux, côtes à côtes. Lamy tend vers nous un sac en tissu, victorieuse.

- De l'eau, des sodas et du jus de citron. On a dévalisé le distributeur.

- Merci, soupire de soulagement Hina. Je commençais à mourir de soif.

Law entre à son tour et lui tend de sa main valide un second sac où elle se sert une bouteille d'eau qu'elle descend en un temps record.

Je ne peux m'empêcher de sourire en voyant la fratrie se mouvoir, l'un avec l'autre comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Et le regard que pose Law sur sa sœur à chaque fois qu'il la voit… Comme s'il ne croyait pas sa chance. Comme s'il la voyait pour la première fois à nouveau. Il doit être sur un petit nuage et pas seulement à cause de la perte de sang…

Il me tend un soda en me souriant et j'y répond de même. Il a l'air presque rêveur et je suis si heureuse de le voir ainsi.

Lamy est allée donner sa dose de sucre à Smoker qui hoche la tête, reconnaissant, avant d'aller rejoindre sa compagne qui s'est décalée pour lui faire une place à ses côtés. Law se laisse plus ou moins tomber à côté de moi et nous trinquons avec nos canettes.

- Ça fait combien de temps qu'on est là… ?

- Six heures maintenant, signale Law. Entre nos passages au bloc et notre sommeil aléatoire.

La redescente d'adrénaline nous a tous mis dans un sale état.

- Garp arrive, intervint Smoker en raccrochant enfin avant de s'approcher de Viola pour la réveiller doucement et ils nous rejoignent. Il a besoin d'une pause.

- Comment ça se passe ? demande Hina.

- Jamais aucun de nos plans n'a aussi bien marché, tous les Lieutenants sont aux fers et on a main mise sur Yellow Days, la production de César et les comptes. Apparemment la comptable n'avait pas prévu de tomber sur quelqu'un qui se défendrait alors elle n'a rien supprimé…

Bonney me lance un regard de fierté absolue.

- Bien joué gamine.

- J'ai eu un excellent professeur, je lui souris.

Un portable sonne. Celui de Law qui grimace en voyant le contact s'afficher. Et je suis assez près pour qu'un rapide coup d'œil m'en informe également. Bepo. Il ne décroche pas. Captant mon regard peiné, il secoue la tête.

- Il va falloir que je leur parle, mais pas par téléphone.

Je hoche la tête, comprenant parfaitement son dilemme.

Enfin, Garp passe la porte. Il a l'air épuisé avec sa tasse de café fumante et sans attendre, il se tourne vers Viola.

- Tout est réglé. Tu peux quitter l'Île. Passe juste par mon bureau récupérer tes laissez-passer, récupère ta nièce et allez voir les vôtres. Tu as assez attendu.

Elle se lève d'un bon, les yeux brillants et sans un regard en arrière, passe la porte en courant. Garp se laisse tomber sur un siège autour de la table basse.

- Ça va chef ? demande Hina, un brin inquiète.

- Je rêve de la retraite, marmonne-t-il en se massant les yeux. Mais on est bon. Ils n'ont pas besoin de moi pour le reste, ils finissent de tout rapatrier à la Brigade pour les scellés. César m'a mis une migraine pas possible à hurler… il a vraiment une voix criarde.

Un certain soulagement se propage parmi nous. L'ombre de Rosinante nous empêche de vraiment nous détendre, mais un sentiment d'apaisement bienvenu nous réconforte.

Garp se tourne vers Lamy.

- Tu as étais parfaite ma grande.

Lamy sourit en refaisant sa longue tresse caramel.

- C'était un véritable plaisir.

Je finis par poser la question qui me brûle les lèvres depuis la seconde où il est entré :

- Sabo et Koala vont bien ?

Il soupire, les traits tirés et sa barbe me semble si grise sur sa peau rendue cireuse par les derniers évènements.

- Sous le choc, mais ils vont bien. Je me suis arrangé pour qu'ils ne restent pas dans mes pattes et j'ai chargé Ray de leur faire un briefing. Il te souhaite un bon rétablissement, au passage. Ça va aller ta main ?

- Je suis gauchère, une chance !

Ma main droite sera inutilisable un moment.

Il s'enquit de l'état de santé de chacun, faisant sûrement les comptes de qui a besoin de plus de repos.

- Kureha vous a préparé des chambres individuelles pour ce soir. Smoker, tu es le seul qui n'est pas blessé mais tu peux rester avec Hina si tu veux. Lamy aussi.

- Je veux rentrer, marmonne Bonney, un brin dépité.

- Tu n'échapperas pas à Kureha, la prévient Hina avec dépit. Et vu le nombre de balles que tu as mangé, si tu fais le moindre geste de travers tu finiras attachée. Pour ta santé. Elle en est capable.

Bonney baragouine des insultes de plus belle alors que sa petite amie lève les yeux au ciel avant de l'embrasser sur la joue avec douceur.

- Ne t'en fait pas, je resterai avec toi pour te protéger de la grande méchante Doctorine.

Ça a le don de lui clouer le bec très efficacement.

- Je déclare forfait, annonce Hina en se levant dans une belle grimace, soutenue par son mari. J'ai besoin de ma dose de morphine, de manger et de dormir. Chef, les gars…

- Kureha est dans le bureau infirmier, elle vous indiquera votre chambre. Reposez-vous, les encourage Garp. Coupez vos téléphones aussi, ça vous fera du bien. Pas de travail avant l'autorisation de Kureha, c'est un ordre.

Le couple hoche la tête avec respect pour leur supérieur. Leur attitude toujours professionnel avec lui entre deux insultes ou attitudes désinvoltes m'amusera toujours. Même dans leurs états respectifs, ils trouvent encore le moyen d'être… des aberrations de flics.

Elle nous salut d'un petit geste de la main et quitte la pièce en clopinant, aidée de Smoker qui se contente de nous dire au revoir d'un coup de menton.

Finalement, je me sentirai bien dans un lit, moi aussi. Après tout, je ne suis pas sûre d'être utile à quoi que ce soit ici. Voire, avoir ma place ici tout court, puisque le reste de cette histoire ne concerne que la Brigade et leurs acteurs.

Je me lève à mon tour et m'étire de toute ma longueur, courbaturée que je suis.

- Je vais utiliser un vrai oreiller, puisque Hina est partie…

- Je t'accompagne, propose Law en se levant à son tour pour se tourner vers Lamy. Je reviens.

- Ne te sens pas obligé, renifle Bonney mais sa voix manque de piquant.

Law l'ignore, embrasse le front de sa petite sœur qui lui répond d'un sourire éblouissant et m'ouvre la porte pour me laisser pousser mon pied à perfusion. Il est silencieux à côté de moi lorsque je m'enquis du numéro de ma chambre et que les infirmières me retire ma perfusion et ne me laisse que le cathéter et un petit gobelet de comprimés. Il m'accompagne dans un pas lent.

- Tu n'étais pas obligé de me chaperonner, tu sais, je lui signale en guettant sa réponse.

Il ne m'est pas tombé dessus avec colère lorsqu'il a comprit que j'avais rencontré Lamy avant lui et que je lui ai caché. Cette perspective ne m'avait même pas effleuré avec de voir la réaction de Bonney. Maintenant, j'espérai juste qu'il n'allait pas… trop… m'en vouloir.

Je sais qu'il sait pourquoi j'ai tenu ma langue. Mais quand même. Lui s'était confié à moi et je lui avais caché quelque chose d'aussi immense dans sa vie. N'importe qui s'en sentirait humilié ? Trahi ? A vrai dire je ne suis pas sûre de ce qu'il a dans la tête à cet instant lorsqu'il répond à mon regard avec sourire sûr et paisible.

- Je sais, j'avais juste envi de m'assurer que ça irait.

- Tu dis ça comme si je partais en exploration, je me moque gentiment pour essayer de faire descendre ma propre pression interne.

Il rit avec moi, plus sincèrement que moi ceci-dit.

- Avec la malchance des rencontres qui te caractérise, tu pourrais tomber sur d'autres personnes peu recommandables sur le trajet entre la salle de pause et ta chambre.

Je ne peux même pas nier, et il s'amuse derechef de ma moue résignée.

- Bof, je m'en sors pas trop mal jusqu'à présent.

Nonobstant ma main dans une attelle et quelques cicatrices bien sûr.

- Je ne nie pas, reconnaît Law.

Il a un ton si léger pour le poids que j'ai sur le cœur, que je préfère me taire. A la place, j'ouvre la porte de ma chambre d'hôpital et me dirige sans attendre vers la télécommande pour baisser les stores à demi. Ce n'est pas la première fois que je prends des antalgiques un peu fort, je sais d'avance la migraine qu'il en résultera alors je préfère prendre mes dispositions avant de dormir de tout mon saoul.

Law derrière moi est entré sans objectif particulier. Mains dans les poches, il me regarde faire mon manège sans commenter. Croisant mon regard après quelques secondes, il fronce les sourcils.

- Ça va ? Tu fais une drôle de tête. On dirait que tu as peur que je casse un truc.

Je ne sais pas si j'ai vraiment cette tête ou s'il projette ses envies de violence mais je ne suis pas sûre de vouloir savoir.

Je ne suis pas non plus sûre d'avoir envie de lui cacher quoi que ce soit. L'idée qu'un malaise puisse s'installer entre nous m'est insupportable et pèse sur ma poitrine et mes nerfs.

- Pas loin, je lui confis en me tournant vers lui, résignée.

S'il doit crier, je préfère parler de l'éléphant dans la pièce au lieu de tourner autour pendant des heures en redoutant le carnage. Alors je prends sur moi et une grande inspiration dans ma petite poitrine serrée :

- A quel point tu m'en veux ?

Il cligne des yeux, plus surprit qu'en colère. Et a un demi sourire qui doit se vouloir réconfortant mais qui pourrait faire flipper n'importe qui avec de telles cernes.

- Je ne sais pas ce qu'il se passe dans ta tête, mais je pense qu'il y a un malentendu. Pourquoi est-ce que je t'en voudrais ?

- Pour Lamy.

Et il semble sincèrement surprit à nouveau. Mais il se reprend très vite, s'approchant de moi avec une attitude décontractée nouvelle mais qui lui sciait bien. Mais n'arrive pas vraiment à me rassurer.

- Cara, je n'en veux à personne d'autre qu'à Doffy. Ni à Lamy, ni à Garp, ni à toi et même pas à Bonney. Tu as fais ce que tu avais à faire. Et je sais que Lamy te l'avait demandé, comme à Garp.

Je secoue la tête. Quand bien même, je reste… inexplicablement mal à l'aise.

- Tu as vraiment cru que je t'en voudrais ? Depuis combien de temps tu rumines comme ça des reproches imaginaires ?

Je ris de moi-même sans arriver à me débarrasser de ma culpabilité.

- Depuis environs trois heures.

Il fait une drôle de tête en réponse, entre amusement et circonspection.

- J'étais tellement stressée par la situation de Lamy avant ça que ça ne m'a même pas effleuré. Assez égoïste, hein ? Mais maintenant, la seule chose à laquelle je pense c'est ce que tu as pu ressentir en découvrant que nous- que je t'ai caché quelque chose d'aussi important. Alors que tu as été si transparent avec moi.

Malgré le pic d'angoisse qui fait remonter mon cœur battant trop vite, j'ai encore la force de fixer ses yeux, attentive à ce qui peut lui traverser l'esprit.

Mais, sans savoir si c'est à cause de la panique qui menace de m'engouffrer à chaque seconde ou de la pénombre de la pièce, son regard métallisé m'est à nouveau illisible. Impossible de percevoir ses pensées. Indéchiffrable.

- Tu…

Il interromps, pince les lèvres. Mais quelque part, alors que je sens mes jambes plus faibles que jamais sous son regard, je ne peux m'empêcher de réaliser qu'il semble plus prêter d'attention à mon attitude envers lui qu'à ce qu'il peut bien ressentir.

- Cara, l'idée même de colère ou de reproche ne m'a pas effleuré, en réalité. Ni envers Garp, ni envers toi. A vrai dire, je suis plus inquiet du poids que ça a dû être à porter en plus dans cette situation. Tu as aidé ma sœur et tu m'as aidé à travers elle. Moi tout ce que je constate, c'est que ma dette envers toi à encore augmenté.

Il lève sa main valide pour la passer avec douceur sur mon crâne, encrant enfin dans la réalité ses mots jusque dans ma tête, jusqu'à ce qu'ils fassent sens pour moi. Ma respiration se délie un peu, je pince les lèvres, mal à l'aise sous son regard si sincère et calme. Lorsqu'il retire sa main, me souriant paisiblement, j'ai un vertige.

Soudain, je réalise que la blessure que j'anticipais de son rejet, si sa main fut un baume apaisant, me laisse plus bouleversée que ce que j'aurais pu imaginer.

Le maelstrom d'émotion qui menaçait de me submerger, s'il s'est retiré, laisse derrière lui bien plus que ce que j'avais anticipé. S'il décide de m'écarter de sa vie, s'il décide que je n'y ai plus ma place… je crois que je n'étais pas prête à envisager cette option ces dernières semaines, alors que tout était si tendu pour tout le monde.

Je crois que tout ce que j'ai soigneusement évité m'est soudain revenu dans la figure au moment où je m'y attendais le moins, c'est à dire maintenant face à Law à qui la décontraction va bien mais surtout, m'aide à m'éclaircir les idées.

Je crois… en fait ce que je crois n'a que peut d'importance en réalité. Parce que dans la réalité, Law est là, face à moi et ne semble ni en colère, ni avoir l'intention de partir. Les épaules détendues malgré sa blessure et l'atèle qu'il porte, presque nonchalant.

- Je suis quand même désolée, je murmure autant pour lui que pour moi.

- Il n'y a vraiment aucune raison, me répond-t-il sur le même ton.

Lorsque je croise à nouveau son regard et son sourire en coin nonchalant, le soulagement prend enfin le dessus sur le reste de mes émotions et je me permets de lui rendre.

Il n'a pas l'air décider à juste me laisser de côté maintenant qu'il a sa liberté, et c'est tout ce que j'ose espérer. Perdre Law et son amitié serait… serait une déchirure que je préfère continuer à ignorer tant que ce n'est pas d'actualité. Alors, je n'ai qu'à profiter du moment présent.

Il secoue la tête avec amusement lorsqu'il croise mon regard, détendu. Et ouvre la main, invitation à laquelle je réponds avec plaisir. Je lui rends l'étreinte qu'il me donne en ménageant son bras comme je peux. Sa main contre mon dos est chaude et réconfortante. J'espère qu'il peut sentir dans les miennes tout le bonheur que je lui souhaite et la reconnaissance que j'ai pour lui.

- Merci.

- Merci à toi.

Lorsqu'il s'écarte, il passe une dernière fois sa main dans mes cheveux. Une chance que j'ai du les laver avant de passer au bloc, sinon il aurait les mains pleines de poussière à force.

Je m'apprête à lui faire remarquer lorsque je vois qu'il s'est perdu un instant dans ses pensées. Et que ce qu'il y vit n'est pas bon du tout. Mais je sais déjà ce dont il s'agit.

Corazone.

- Law ?

Il se secoue mais la peine reste.

- Hey, Cara…

Sa voix est basse, presque hésitante. Ça ne lui ressemble pas. Il baisse le visage alors je me rapproche, inquiète.

Mais dans ses yeux, la peine a débordé. Une larme s'échappe, une autre la suit.

Je panique une seconde… Ses iris grises sont à peine visibles, ses cernes si prononcés… Ma poitrine se serre à cette vision et je ne peux que prendre son bras en soutient.

Il a l'air… brisé.

- Désolé. Juste une minute.

Sa voix est si grave mais j'y décèle un craquement qui ne manque pas de résonner dans mon cœur comme une plaie ouverte.

- Autant qu'il en faudra.

Mais il ne se l'accorde pas, pas tout de suite. Il essuie rapidement ses larmes. La pression retombe… Le voir ainsi… m'est douloureux. Je m'exhorte au calme.

Je laisse ma main descendre jusqu'à la sienne, réconfortante. Il la serre en retour, reconnaissant.

Ce n'est pas d'une minute dont il a besoin, c'est d'une vraie nuit de sommeil. C'est de se retrouver enfin un peu seul… c'est d'embrasser sa sœur… c'est de pleurer Cora et de faire son deuil à son rythme… mais il est là.

Alors je lui offre tout le soutient que je peux lui transmettre.

Lorsqu'enfin il a un soupir de soulagement et qu'il se redresse sans me lâcher, il est à nouveau lui-même, maître de lui. J'en suis plus sereine. Il a tenu trop longtemps, il avait besoin de craquer.

- Merci.

Je lui réponds d'un sourire en coin, mes yeux humides malgré moi.

- Tu-

BAM !

Nous sursautons lorsque la porte de la chambre s'ouvre d'un coup sec, nous séparant dans notre mouvement de recul respectif.

- Ah-AH ! Trouvé !

Cette voix… Miséricorde…

Law se fige, stupéfait.

- Les gars, qu'est-ce que vous faites là ?

- Ça va pas d'ignorer nos appels comme ça ?! s'insurge Pen'.

- On était mort d'inquiétude, soupire Shachi en croisant les bras, contrarié.

- Désolés de débarquer, murmure Bepo.

Pen' lui donne un coup sur l'épaule.

- Ah non ! Interdiction de t'excuser ! C'est à lui de s'excuser. Et il est blessé en plus ! Non mais regardez-moi ce travail !

- Les gars, je grimace en levant les mains dans l'espoir de les calmer. C'est un hôpital ici…

- Salut Cara ! me sourit le trio en changeant soudain de visage… avant de se renfrogner davantage en se tournant vers Law.

- Toi ! Tu viens avec nous.

Et ils se jettent sur lui pour le tirer hors de la chambre manu militari.

- On te l'emprunte ! me sourit quand même Shachi en poussant son dos. Mais je ne sais pas quand on te le rendra !

- Soigne toi bien, marmonne Bepo avec timidité.

- Merci d'avoir pris soin de lui ! lance une dernière fois Pen' en passant la tête par la porte… et en la refermant aussi sec.

Le silence retombe.

Quelque chose me dit qu'ils n'étaient pas si inconscients que ce que ça quant à ses activités extra-hospitalières. Et je n'ai pas vraiment l'impression qu'ils lui en veulent…

Je souris, rassérénée. Je suis heureuse pour lui. Ça lui pesait sur la conscience depuis trop longtemps, ça aussi.

Je frisonne. Il serait préférable que j'aille dormir. Je me change pour me glisse dans les draps, retire mes lunettes, m'envoie un comprimé de morphine pour ma douleur qui se réveille… et je m'endors sur le ventre, épuisée.

.

La porte glisse dans un chuintement doux, mais les antalgiques me rendent sensible au moindre bruit. J'ouvre un œil, captant sans mes lunettes la haute silhouette de Law qui s'avance à pas feutrés dans la pièce plongée dans la nuit. Je lui souris sans la moindre force pour bouger.

- Ça va ?

Il a un mouvement de surprise en constatant que je suis réveillée mais s'avance jusqu'à moi.

- Ils veulent que je paie toutes leurs ardoises sur l'année à venir.

Je ris de bon cœur malgré la faiblesse de ma voix.

- Crois-moi, ils n'ont pas été indulgents…

Il grimace et s'avance jusqu'à moi, portant une main à mon front.

- Tu es rouge. Mais tu ne sembles pas avoir de fièvre.

- Morphine, je marmonne en frottant mon nez contre l'oreiller.

Il hoche la tête et s'assoit à côté de moi. Sa main est fraîche sur mon front…

- Tu as une mauvaise tolérance, s'amuse-t-il. Tu es complètement dans les vapes.

Il se moque de moi, mais ça me passe complètement au-dessus. J'ai la tête qui tourne agréablement… Je soupire de contentement.

- Ils veulent rencontrer Lamy aussi.

Je ne suis même pas sûre s'il me parle à moi… ou s'il parle tout seul… dans le fond je m'en fiche, sa voix est agréable à mes oreilles.

- Arrange toi pour que Bonney soit dans le coin à ce moment-là alors… sinon ils risquent de ressortir leur numéro de draveurs… non dragueurs… heu…

Je balbutie, ma voix est hachée et ma tête est dans un brouillard familier. J'ai vraiment une mauvaise tolérance comme il dit… mais je n'ai plus mal pour le moment, c'est tout ce qui compte.

Il rit derechef devant mes babillements. M'en fiche… je ferme les yeux… je peux me rendormir d'une seconde à l'autre… sa présence est rassurante… je me sens si bien…

- Dors, murmure-t-il.

- Hum…

Il passe une main dans mes cheveux… elle est douce, apaisante… je pourrais… ne jamais m'en lasser…

Et l'angoisse me reprend soudain. Moins intense que tout à l'heure mais comme si je n'avais pas complètement refermé la porte tout à l'heure.

Mais je n'arrive pas à- je…

- Dis…

- Hum ?

Je me force à ouvrir les yeux… dans la pénombre et sans mes lunettes… je ne distingue que sa silhouette.

- Maintenant… tu ne partiras pas… n'est-ce pas ?

Sa main dans mes cheveux se fige. Mon ventre se tord étrangement. J'ai soudain… peur ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Oh… il n'a pas compris… mais…

- S'il te plaît…

Je me redresse comme je peux… m'effondre contre son épaule. J'ai la tête qui tourne… mais je veux lui dire…

- Ne disparais pas… d'accord ? Je ne le supporterai pas.

Je suis égoïste. Si égoïste…

Si seulement je m'étais rendormie… je ne veux pas qu'il voit cette partie de moi…

Mais il passe une main légère dans mon dos… cale son menton sur ma tête… me serre doucement contre lui… Il est trop gentil avec moi… je dois lui faire de la peine à… agir comme la gamine que je suis.

Mais tant qu'il m'offre ça, je vais en profiter. Profiter de toute sa chaleur… profiter de son étreinte… profiter de son odeur… de sa gentillesse…

- Law…

- Je ne vais nul part, Cara.

J'hoche la tête contre sa poitrine. Ma peau est plus sensible à cause des médicaments. J'adore ça. Je pourrais devenir accros… à son étreinte…

Qu'est-ce que je pense… je suis dans les vapes…

- Dors, Cara. Je suis là.

Il me rallonge en douceur et je n'ai aucune force à lui opposer. Je me contente de retrouver mon oreiller avec délice et lorsque sa main chaude reste sur mon dos, je l'en remercie… je ne veux pas m'endormir… je veux… encore ressentir ça… Juste… encore un peu…

.

J'ai trop somnolé.

J'ai la gueule de bois.

J'ai mal à la main.

Mais qu'est-ce que j'ai bien dormi. Plus de douze heures à en croire mon téléphone.

Je me dépêche de me lever et m'habiller pour rejoindre les autres dans la salle de pause qui nous est privétisée.

Garp est déjà là, et revient sur les derniers évènements de la nuit.

L'affaire est close. Ne reste que les procès.

Viola est chez les siens. Ils reviennent emménager sur l'Île le mois prochain.

Son statut et celui de Law ont été rendu officiel à la Brigade.

Le coronaire s'est dépêché de terminer son travail pour que Rosinante soit inhumé le plus rapidement possible.

Le reste… Il n'y a pas vraiment de « restes ».

Le souffle retombe.

Hina, Bonney, Law et moi sommes cloués à l'hôpital encore un moment. Smoker a pris des vacances. Lamy a démissionné.

Nous passons la plupart de nos journées ensembles.

Ace vient presque tous les jours après les cours. Ray passe discuter volontiers avec Hina ou Law. Ils s'entendent bien. Pen', Shachi et Bepo viennent souvent : ils sont en chômage technique avec la fermeture de Yellow Days.

Une semaine passe comme un coup de vent.

Jusqu'au jour où Bonney eut la bonne idée de passer le temps avec un jeu de cartes. Si Smoker et Hina ont passé leur tour parce qu'ils préfèrent le poker, nous voilà à jouer au bridge.

Je fonce les sourcils, comptant mes cartes. Si je me trompe encore, Bonney va vraiment se fâcher. Elle veut réussir un grand chelem contre Law et Ace, et je ne suis pas la partenaire idéale.

Elle claque sa langue, irritée.

- Concentre-toi tu veux ?

- Je suis hyper-concentrée Bonney, je souffle sans lever les yeux de ma main.

- Tellement qu'on dirait qu'tes cheveux s'dressent sur ton crâne, ricane Ace en reprenant ses propres comptes. On va vous écrasez, pas vrai Law ?

- Un jeu d'enfant, s'amuse son partenaire avec un sourire de vainqueur parfaitement exaspérant.

Je grogne. Ces deux-là ont déjà gagné deux parties. Intolérable pour Bonney. Elle veut sa revanche et si je ne veux pas dormir dehors en sortant de l'hôpital, j'ai intérêt à assurer.

Évidemment, on toque à la porte de la salle de repos au moment où je touche mes cartes pour jouer. Lamy ouvre la porte et glisse son nez mutin vers nous.

- Qui gagne ?

- Les D. ! s'amuse Ace.

- C'est pas finit gamin, le coupe Bonney. Lamy, qu'est-ce que tu veux ? Tu déconcentres ma partenaire, elle est déjà assez nulle comme ça.

- Va te faire voir, je cingle sans vraiment leur prêter attention.

Reste concentrée Cara, tu peux le faire…

Mais Lamy rentre d'un pas hésitant.

- En fait, Cara a de la visite.

Ah ? Il n'y a personne pour me rendre visite qui aurait besoin d'être introduit par Lamy. Je lève à contre-cœur les yeux de mes cartes, un peu curieuse. Peut-être Marco qui m'a appelé hier pour prendre de mes nouvelles ou Brook, mais certainement pas-

Sabo et Koala.

Droits comme des I et vraiment très-très-très mal à l'aise.

Leurs yeux furètent partout dans la pièce, sans jamais croiser mon regard.

Ah.

Mon cœur fait un drôle de rebond dans ma gorge mais je m'exhorte au calme.

- On aurait voulu parler… à Cara.

La voix de Sabo n'a jamais été aussi peu assurée et ça me fend le cœur. Je n'aime pas le voir ainsi. J'ose à peine les regarder. Koala serre les poings, fixant obstinément la table basse.

Je me sens un peu fébrile, mais je-

- Ça attendra.

La voix glaciale de Bonney me coupe dans mon élan alors que j'allais me lever. Je la regarde, surprise par son coup d'éclat. Elle ignore les deux nouveaux venus pour se concentrer sur son jeu dans toute sa prestance, mais je ne suis pas dupe : elle est furieuse.

Ça ne semble pas atteindre Koala qui n'a pas compris la menace et tente d'en placer une.

- On veut juste-

- Ça-attendra-la-fin-de-la-partie. Comprit ?

Ils sursautent et déglutissent avec difficulté. Lamy soupire devant l'attitude de sa douce, mais ne fait aucun commentaire. Bonney dégage une haine tangible.

Là, il faudrait être suicidaire pour la contredire.

Ou être un D. : Ace ricane, brisant la glace.

- T'es sûre ? Tu peux profiter pour déclarer forfait maint'nant, on gagn'ra du temps…

- Compte là-dessus sale gosse, reprend Bonney, sa colère oubliée et son air revanchard retrouvé. On va vous écraser.

Elle claque ses doigts devant mes yeux… je n'écoutais que d'une oreille, fixant mes visiteurs… mais si je tiens à la vie, j'ai intérêt à gagner cette partie alors je me reconcentre.

- Ne prend pas trop la confiance, je le tacle à mon tour. Je n'ai pas besoin de mes deux mains pour vous mettre à terre.

- Oh, j'ai hâte d'voir ça !

Il surenchérit. Grave erreur : Bonney va le détruire, elle a une bonne main et la mienne n'est pas si mal.

Deux tours passent… Ace est de plus en plus sûr de lui… Lamy qui a le nez fin, finit par demander en zieutant par-dessus l'épaule de Law :

- Qu'est-ce qui est en jeu ? A part la fierté de Bonney ?

- Les perdants doivent demander à Kureha notre date de sortie de l'hôpital, l'informe Law en changeant deux cartes pendant que sa sœur grimace à cette perspective. En cinq manches.

- Joue au lieu de parler, le coupe ma partenaire, intraitable mais il ne relève pas et s'exécute avec une lenteur délibérée qui la frustre au plus haut point.

Je ris bas.

- Tu vas mordre la poussière, Trafalgar.

- Essaie un peu pour voir, me dit-il dans un de ses sourires de sadiques dont il a le secret. Si tu es si sûr de toi, il est encore temps de continuer à monter la mise.

Je plisse les yeux, joueuse, levant mes cartes pour cacher mon sourire.

- Tu bluffes… est-ce que tu restes serein si je propose disons… que les perdant devront également payer le restaurant pour fêter notre sortie ?

Il s'immobilise, un sourire glissant sur ses lèvres.

- Vendu. Pour nous cinq et les deux enfumés. Au minimum.

- Smoker a un appétit insatiable, souligne Bonney en ricanant.

- Regarde qui parle, je me moque. Te nourrir jusqu'à ce que tu n'ais plus faim sera le vrai challenge. Je n'ai jamais réussi.

- Moi non plus, soupire Lamy en fond.

- J'connais une bonne adresse, susurre Ace et je ris avec lui, devinant qu'il parle du Baratie.

La tension monte. Jusqu'à ce que Bonney et moi, nous abattions nos cartes dans un grand cri de victoire.

- Grand chelem !

On éclate de rire devant leurs mines déconfites avant de célébrer notre réussite en cognant nos poings ensembles. Elle ébouriffe mes cheveux, m'embrasse sur la joue dans un baiser volontairement bruyant et je lui rends son étreinte, hilare.

- Je n'ai jamais douté de toi ! ment-elle sans honte.

- Vous avez gagné qu'une manche ! se renfrogne Ace. On mène toujours !

- C'est ça, c'est ça, rassures toi ! je ris.

- Bien joué, soupire Law dans un sourire tranquille qui se mue en quelque chose de plus sadique en un clignement d'œil. Même si on va quand même gagner au final, vous aurez juste la victoire morale.

- Oh la ferme, je ris en lui envoyant mon cousin dans la figure, qu'il attrape adroitement pour me le renvoyer sans vraiment de force sur les genoux.

L'allégresse ne dure qu'une minute. Lorsque Ace récupère les cartes pour les battre, il jette un regard vers la porte… et grimace.

Sabo et Koala sont toujours là, toujours aussi tendus, toujours mal à l'aise.

Hum.

C'est plus que de l'appréhension qui me tord l'estomac, c'est de la peur. En fait, je suis terrifiée.

Bonney à côté de moi se redresse et a un reniflement méprisant.

- Vous avez vingt minutes, signale-t-elle d'une voix polaire. Après nous seront rejoint pas par des amis qui nous rapportent le repas. Je refuse de manger sans Cara ou de manger froid. Pigé ?

Elle est peut-être un peu surprotectrice. Mais je ne vais pas m'en plaindre. En voyant leur air gêné sous le regard dur de Bonney, je pose ma main valide sur son bras et me force à sourire.

- T'en fait pas, on va les écraser, je lui dis avec un coup de tête en direction de nos adversaires dans l'espoir de détendre l'atmosphère (ou de me détendre moi, je ne sais plus trop).

Elle hausse les épaules et fait semblant de se désintéresser de nous. Ace, l'air inquiet, passent son regard d'eux à moi. Law échange un regard avec Lamy. Bon, je ne vais pas m'éterniser moi.

Je me lève sans vraiment oser regarder dans leur direction. Mais leurs postures se détendent un peu à la perspective de changer d'environnement.

- Allons dans ma chambre.

Ma propre voix me semble plus assurée que je ne le suis. Miséricorde, je tremble presque. Il faut que je me reprenne. Comment je peux garder ma maîtrise de moi face à Vergo ou Sugar mais pas face à eux ?

Je prends les devants, quittant la pièce et ils me suivent. Je n'ai pas fait trois pas que Kureha apparaît soudainement devant nous.

- Oh, Cara. Tu tombes bien, m'apostrophe-t-elle avec l'air contrarié. Tu sais où ont disparu Smoker et Hina ? Sont pas dans leur chambre.

Ah.

- Ils doivent être sur le balcon de la salle de pause des infirmiers non ? je réfléchie. Ils voulaient fumer.

Aussitôt, elle voit rouge. Elle se retourne d'un bon.

- C'est mauvais pour la cicatrisation ! hurle-t-elle en disparaissant dans un angle de mur.

Oups. Elle va les massacrer. Et ils vont me massacrer après. Bah…

Je fais coulisser la porte de ma chambre et les fait entrer. Je regrette soudain le coup d'éclat de la Doctorine, la pièce est atrocement silencieuse. Je ne vais pas m'asseoir, eux non plus.

Nous voilà face à face dans un silence gênant. Je ne vais pas tenir. J'ose finalement un regard sur eux.

Koala a un peu coupé ses cheveux. Elle est belle et forte, comme toujours. Elle n'a pas changé. Mis à part qu'elle n'a jamais été aussi distante avec moi.

Sabo… je regarde enfin sa cicatrice. Je me rends compte que je l'avais inconsciemment occulté de mon esprit jusque-là… Elle est… elle ne le défigure pas. Elle prend tout le tour de son œil jusque sur son crâne, au-dessus de son oreille. Ils lui ont rasé cette partie de ses cheveux blonds pour aider à la cicatrisation. De grandes griffures rouges et encore boursoufflées. Mais il n'y a pas perdu la vue et son oreille n'est qu'égratignée. Ça lui fait un sacré style.

Mais si le silence s'éternise, ça risque d'être compliqué. C'est eux qui voulaient me parler et les voilà mutiques. Je ne suis pas sûre d'avoir le droit de dire quoi que ce soit à part « je suis désolée ». Mais on ne va pas se regarder dans le blanc des yeux éternellement.

- Garp m'a dit que vous n'aviez rien, je m'exhorte à parler. Tant mieux.

… voilà-voilà… belle entrée en matière Cara, bravo, t'es vraiment une-

- Comment va ta main ?

Koala.

Je hausse les épaules. La question me prend de court, j'avais déjà oublié mon attelle. De tous les sujets de conversation que l'on doit avoir, ma main ne rentrait pas dans l'équation pour moi.

- J'ai les os éclatés. Ils ont fait ce qu'ils ont pu, mais j'ai définitivement perdu la mobilité et la sensibilité du majeur et de l'annulaire. Je suis passée à deux doigts de la catastrophe !

Et merde. Me revoilà avec mon humour anti-stress. Ça m'a échappé. Et cette fois, ça ne m'aide pas vraiment à me sentir mieux. Surtout vu le regard qu'elle me lance.

- Je suis désolée, souffle-t-elle.

Je cligne des yeux, incertaine. Elle se force à s'expliquer.

- C'est parce que je t'ai déconcentré que tu as été touché. Tu… tu m'as sauvé…

Ah. Culpabilité. C'était donc ça. Je me disais aussi.

- Ce n'est pas toi qui tenais l'arme, je la tranquillise en haussant les épaules. Sugar m'aurait tiré dessus quoi qu'il arrive. Je suis plutôt contente qu'elle ait eu ma main et pas ma tête.

Ils sont donc venus pour ça…

Culpabilité.

En même temps, à quoi je m'attendais ? Ils sont toujours furieux, à juste titre. Mais quelque part, j'avais espoir de plus, ou du moins, d'autre chose. Un goût acide emplie ma bouche. Et ils ne parlent toujours pas.

Alors je n'ai plus aucune angoisse, plus aucune appréhension.

- Je vais vous raccompagner.

- Attend, Cara.

Sabo.

Il se mord la lèvre. Il hésite.

- On a… beaucoup parlé à Ace, Ray… et Garp nous a briffé sur ta situation. On comprend bien que tu ne pouvais pas tout nous dire…

- Mais avant que ça ne devienne compliqué, reprend Koala d'un ton ferme. Pourquoi tu ne nous as rien dit ? Pourquoi tu n'as pas demandé de l'aide ou… je sais pas. Ce type…

Elle est toujours en colère. Mais moi, j'ai fait la paix avec mes choix.

- Parce que vous aviez vous-même vos propres problèmes. Parce que je n'avais jamais rien gardé pour moi. Parce que je n'avais aucun secret pour vous. Parce que je ne savais pas comment ça allait finir. Parce que j'avais honte. Parce que j'avais une fierté en miette lorsqu'il m'a terrifié. Parce que moi aussi, je voulais être utile par moi-même, sans vous. Parce que « ce type », c'est Law… C'était mon problème, pas le vôtre.

Je soupire.

- Les choses auraient vraiment pris une autre tournure si je vous en avais parlé, c'est certain. Mais je suis heureuse que ça n'est pas été le cas parce que c'était vraiment le bordel et que vous vous seriez mis en danger vous aussi.

Mon regard et ma voix sont fermes lorsque je conclus mon maigre plaidoyer.

- Je suis sincèrement désolée de vous avoir blessé en ne vous disant rien. Mais je ne suis pas désolée de ma décision.

Ils accusent le coup. Koala ferme les yeux une seconde.

- Je suis désolée de ce que je t'ai dit. J'étais tellement furieuse.

Là, c'est moi qui me laisse envahir par une bouffée de colère. Je fronce les sourcils, contrôlant ma respiration.

- Pourquoi tu en parles au passé ? Inutile de me mentir parce que tu te sens coupable de ma blessure. Tu pensais chaque mot et tu les penses toujours. Toi non plus, tu n'as pas changé d'avis.

Sabo écarquille brièvement les yeux lorsque je l'apostrophe au passage. Mais j'ai tapé juste. La fatalité de la situation me tombe dessus. Mais je n'en ai pas envie. Tout ça pour ça ? J'ai peut-être fait la paix avec moi-même mais inutile de retourner le couteau dans la plaie plus longtemps.

- Si l'on est d'accord, alors-

- Non.

Cette fois Koala se redresse, assurée.

- Tu as raison. Je suis toujours en colère. On est toujours en colère. Et on culpabilise. Mais Cara…

Elle fait un pas dans ma direction sans oser faire le moindre geste.

- … tu restes ma précieuse amie. Tu ne m'as jamais autant manqué. Il y a un grand vide à ta place et je regrette qu'il ait fallu que je te rejette pour m'en rendre compte. A quel point tu comptes pour moi… J'ai fait une erreur en te repoussant et j'ai regretté mon geste si rapidement. Il m'a fallut du temps, pour faire le tri de ce que je ressentais. Je suis en colère oui, mais je suis surtout… désolée de t'avoir blessée, Cara.

Sabo s'avance à son tour.

- Tu étais… tu es ma meilleure amie Cara. Même si je suis en colère… ça ne change rien. Je… on sait que tu ne nous dois pas l'intégralité de ta vie. On l'avait juste… assumé. Et on sait que c'était stupide. Dans ma vie aussi, tu étais si importante. Et tu m'as tellement manqué. Je suis désolé.

Droit au cœur. Mais je ne me fais pas d'illusion. La fracture est trop profonde pour qu'elle guérisse complètement. Pour le moment du moins. J'espère…

- Ce ne sera plus jamais pareil.

Ils ne me contredisent pas. Ils ne peuvent pas. Pas maintenant. Peut-être un jour, avec le temps.

- Vous m'avez manqué aussi, je souffle. Atrocement.

Ils ont… une espèce de sourire. Tordu et douloureux, mais un sourire quand même. Ça aussi, ça m'avait manqué. J'y réponds comme je peux. Je ne dois pas avoir une meilleure figure qu'eux.

Après tout, il n'y a rien de plus à dire.

On toque doucement à la porte.

Law entre. Droit et calme. Assuré. C'est bien le seul dans cette pièce.

- Les gars sont là avec le repas. Et Bonney a faim. Vous restez manger avec nous ?

Traduction : comment s'est déroulée la conversation ?

Je darde un regard interrogateur aux concernés.

- C'est ok pour moi.

Qui échangent un regard. Après tout, ils ont fait le premier pas, je peux bien initier le second.

- Qu'est-ce qu'on mange ?

Traduction : ça va.

- Pizzas.

Je lève les yeux au ciel.

- Ça, je marmonne alors que Law acquiesce, c'est Bonney qui a joué de son charme sur Pen' et Shachi.

- Avant toutes choses…

Law s'est rapproché, plus sérieux et se tourne vers Sabo et Koala.

- Même indirectement, je vous ais causé beaucoup de torts. J'en suis désolé.

Ils ne répondent pas, mal à l'aise. Alors il continue, sa voix est ferme.

- Cara m'a sauvé la vie. Plus d'une fois. Je suis désolé que ma présence vous ait éloignée. Mais maintenant je peux le dire, je ne regrette pas que le hasard m'ait fait croiser sa route jusqu'à aujourd'hui où elle est une amie chère. Et tant qu'elle le voudra, je resterai près d'elle.

Mon cœur fond. Je lui offre un sourire chaleureux auquel il répond par un clin d'œil discret.

Sabo soupire, mais il semble soulagé que le froid soit passé.

- Ce n'est pas comme si nous avions notre mot à dire sur les relations de Cara.

Koala ne semble pas de cet avis.

- Je peux pas te sentir.

Toujours aussi franche. Elle le foudroie des yeux mais sa posture est un peu plus détendue. Ça lui pesait.

- Mais comme il dit. Cara peut bien être amie avec qui elle veut.

Law est serein.

- J'ai passé plus de dix ans de ma vie à devoir faire attention à chacun de mes gestes ou à tout ce que je disais. Maintenant, je peux bien dire ce que je pense.

Il sourit en croisant les bras, la toisant sans réelle animosité. Pas le genre de sourire amical. Plutôt entre l'amusement et la taquinerie.

- « Je m'en fiche ». Et j'ai faim. Vous faites ce que vous voulez, mais moi je vais manger.

Et il nous tourne le dos. Je lève les yeux au ciel pour répondre à la grimace explicite de Sabo et Koala avant de le suivre d'un pas plus léger et de m'accrocher à son bras avec reconnaissance. Il ne fait aucun commentaire mais son regard me suffit.

- Merci, je souffle juste assez bas pour que seul lui l'entende.

Et s'ils nous suivent, tant mieux. La décision leur appartient. La nôtre est prise.

Ace nous accueille avec un sourire. Bonney avec un regard mauvais mais Lamy a une main dans la sienne, apaisante et amoureuse. Smoker et Hina semblent avoir une sacrée gueule de bois. Ray sirote un verre de soda, Shakky à ses côtés, une cigarette (éteinte) à ses doigts. Pen', Shachi et Bepo s'acharnent à ouvrir une bouteille de soda récalcitrante. Garp distribue les parts et nous en tant une avec un sourire.

- A table !

.

Merci d'avoir lu !

C'est bientôt finit...

En fait il est long ce chapitre ! y'en a que deux à plus de 8 000 mots...

Tik tak tik tak...