Chapitre 6 La flamme de la détermination
Ils en avaient eu tous les deux, des blessures. Profondes. Violentes. Venimeuses et insidieuses. Des blessures à vif qui endurcissent et rendent intransigeant. Intransigeants, brutaux et dénués d'émotions. C'est ce qu'ils étaient devenus. Chacun de leur côté.
L'un des deux avait grandi dans une famille... particulière. Sa propre mère avait été malmenée, maltraitée par ses géniteurs parce qu'elle était née fille, à une époque où il n'était pas bon de l'être. Utilisée comme simple servante et boniche. Mais elle n'était pas une fille comme les autres : Elle avait des pouvoirs inexpliqués que les siens ne comprenaient pas. Elle avait défailli. S'était enfuie non sans avoir tué de sang froid les parents qui lui avaient servi de famille. Elle s'était entichée à la folie d'un homme dur. Un moldu qui rêvait de gloire, qui rêvait de puissance et de crainte. C'était ainsi, au sein de la famille Parsons : Ils n'en avaient jamais assez. Ils s'enrichissaient et ils étaient prêts à tout faire pour que les leurs soient bien : Même à écraser tous les autres êtres vivants aux alentours. Ils devaient briller par tous les moyens. Alors, lorsque Thomas Parsons avait vu cette jeune femme, qui défiait n'importe qui du regard, prête à en découdre à la moindre occasion, il l'avait fait sienne. Les pouvoirs de Mary ne faisant qu'aider les Parsons dans leur montée en puissance. Une famille de mafieux qui effrayait tout Londres, associée à une jeune sorcière aux pouvoirs enivrants. Darell Parsons était né de cette union sulfureuse. Un père intransigeant qui dominait et gouvernait sa famille d'une main de maître, une mère blessée dans son image de femme, mais capable de mettre le feu à une maison d'une simple pensée, sous un coup d'énervement. Il avait grandi au milieu d'oncles, tantes, et cousins plus fous les uns que les autres, prêts à frapper pour un regard de travers, prêts à tuer pour une bousculade, prêts à se saouler à la moindre occasion. Darell était beau depuis tout petit, mais déjà glacial. Comme s'il avait su qu'il n'avait pas le choix. Ses pouvoirs à lui, différents de ceux de sa mère, ne furent pas vraiment acceptés.
Comment est-ce qu'un gang de mafieux pouvait accepter que l'un des leurs soit télépathe ? Comment son père, le grand dur, l'infaillible pouvait-il se permettre qu'un rejeton lise en lui et découvre ses peurs, ses failles ? Personne ne pouvait être plus fort. Et surtout pas un môme. Ils tentèrent de le brimer, de le soumettre. Mais plus la violence s'accentuait, plus les pouvoirs de Darell semblaient se développer. Et, un jour, la balle de pistolet que son père voulut lui coller entre les deux yeux sembla tourner au ralenti, faire demi-tour et se planter droit dans le crâne de son paternel. Sa mère était restée choquée, figée. Elle n'avait même pas eu le temps de bouger d'un pouce qu'un de ses oncles l'avait abattue à son tour. Elle avait emmené le diable dans leur demeure. On ne touchait pas les frères Parsons. On ne tuait pas l'un des leurs, sous peine de mort. Ils s'étaient tournés vers lui, tous les quatre. Et il n'était pas suffisamment fort, à douze ans, pour s'en sortir. Il essaya à plusieurs reprises de se défendre, de tenter le coup de la balle. Ça ne fonctionnait plus. Alors il subit leur foudre, durant de longues, très longues semaines. Ils ne l'avaient pas remis dans son « école de tarés » comme ils l'appelaient. C'est pourtant cette école qui le sauva en partie. Savoir qu'il pouvait encore développer sa magie, savoir qu'il pouvait être plus fort en continuant d'apprendre. Savoir qu'il allait devoir montrer patte blanche pour survivre et s'endurcir ensuite. Poudlard restait dans un coin de sa tête pour le sortir de sa torture. Ils avaient cessé de se méfier, au bout de plusieurs semaines de mesures coercitives. Il avait cessé de répondre, arrêté de les regarder, il reculait quand ils approchaient, il ne disait plus ce qu'il captait, il faisait corps avec les murs, avec les meubles. Alors, seulement là, le cadet commis son erreur et le laissa sortir.
Quelques heures plus tard, dans la soirée, une fois que l'alcool eut coulé à flot, et que ses oncles dormaient à moitié dans leur propre bar, la flamme se ralluma dans ses yeux. Et, comme par magie, le bar explosa, les flammes léchant ce qui restait de briques et de corps humains. Darell poursuivit sa jeune vie entre l'orphelinat et sa chère école Poudlard. Plus aucun enfant n'osait trop l'approcher. Son histoire effrayait. Ceux de l'orphelinat le craignait, ceux de l'école le prenait pour un mort vivant suite à sa disparition éphémère. Mais il continuait de s'amuser à effrayer les autres.
Quoi de mieux que d'être craint ?
Quoi de mieux que de tenir les autres loin de soi ?
C'était si simple de se protéger et d'être admiré finalement.
Pour le second, c'était tout aussi violent. Il avait grandi dans une famille de sorciers au sang pur. Toujours pur. La famille Malefoy. Sorciers ou moldus, peu importe la famille, les enfants pouvaient grandir dans une profusion de violence si leur famille était extrémiste. Caius avait un père détraqué et extrémiste. Il était le premier enfant, l'aîné. Il avait appris la haine de celui qui aurait dû lui apprendre à aimer. Dès petit, il avait appris à détacher son esprit, ses émotions. Quand les coups pleuvaient, les cris, les sortilèges, quand la porte de sa chambre se refermait et se verrouillait, il se coupait. Vite, il ne ressentit plus rien que du vide. Du vide et de la rage. Une insoutenable rage.
Rage qu'il ne parvenait pas à canaliser.
Pourquoi lui seul devait souffrir ?
Pourquoi pas les suivants ?
Abraxas, son jeune frère aux yeux tendres,
Johanna, sa petite sœur au visage d'ange.
Eux, ils ne connaissaient pas tout ça. Pas autant. Pas si fort.
Alors, il s'était appliqué à le leur apprendre. Avec un soin méticuleux. Ils paieraient pour leur paternel. Au centuple s'il le fallait.
D'âmes en peine, ils étaient devenus monstres de haine.
Le destin n'a pas décidé de les aider. Bien au contraire, il les a fait se rencontrer.
[...]
Il avait posé ses affaires méticuleusement pour prendre l'ensemble de la place dans son compartiment. Darell resterait seul pour cette seconde année. Ou s'entourerait de camarades effrayés. Il n'avait besoin de personne. Il ignorait que, quelques compartiments plus loin, un autre garçon, aussi brun que lui, le regard si dur aussi, avait pensé et fait la même chose. Les deux garçons évoluaient dans le même monde, dans la même classe, mais ne se côtoyaient pas. Bien sûr, ils échangeaient parfois de longs regards, mais leur silence était lourd de sens :
« Ne m'approche surtout pas sinon tu le paieras ».
C'était le message qu'ils passaient à l'ensemble de leurs camarades. Silencieusement. Et ils n'avaient pas besoin de plus, en principe. Un Malefoy et un Parsons avaient rarement besoin d'insister, déjà à douze ans.
[...]
- Monsieur Malefoy, lâchez votre camarade ! Immédiatement !
Ce jour-là, Caius frappait sans relâche un élève de Gryffondor qui, par un quelconque élan de sottise, s'était amusé à l'insulter. À genoux sur lui, il cognait, encore et encore, sans jamais s'arrêter, et sous les yeux de l'ensemble de la grande salle. Il en avait même oublié qu'il était un sorcier, sa baguette magique avait été abandonnée au profit de ses mains. Darell observait attentivement, calme, mais intéressé. Il fut intéressé car, malgré les recommandations, les ordres des professeurs, malgré le fait qu'un professeur tentait de l'éloigner en le traînant à moitié, Caius Malefoy y retournait de plus belle, sourd aux appels, sourd au monde entier.
Comment donc pouvait-il être aussi violent et enragé ?
À cet instant, l'autre garçon avait attiré son intérêt, trois ans après avoir intégré l'école Poudlard. Darell commençait à l'observer fréquemment. Par exemple, lorsque ses parents se déplacèrent pour un énième conseil de discipline. Il vit la tension dans son corps lorsqu'il aperçut son père, Caleb Malefoy. Il vit le repli lorsqu'il le colla contre le mur, violemment, se retenant à grand peine de lui refaire le portrait au sein même de l'école. Il vit le sortilège, sournois, qui avait échappé au père et créé une profonde entaille dans le bras du garçon. Puis, il remarqua avec attention l'apparence neutre et détachée que Caius avait affichée lorsque le directeur Dippet était venu les retrouver.
Le feu et la glace.
Cette métaphore arracha un sourire au jeune Darell, lui qui ne souriait jamais.
Caius, lui, mit plus de temps à réaliser qu'ils se ressemblaient. Ils ne se parlaient, jusqu'à présent, que lorsqu'ils y étaient obligés, souvent dans les cours où il fallait être en binôme. Pourtant, bien que très discret, Darell créait une meute au fil du temps. Une meute qui semblait prête à tout pour le suivre. Une meute qui le regardait comme un chef. Et Caius ne comprenait pas pourquoi. Il n'était pas bien impressionnant physiquement pourtant. Il pensait ainsi, jusqu'à ce qu'il y soit confronté lui-même. Quand ils eurent le même ennemi avec qui régler des comptes...
- McKellen est à moi, Parsons.
- Je ne crois pas, non.
- Ce n'était pas une question.
Il fut surpris de voir un air indifférent sur le visage du jeune Parsons. Il lui avait répondu d'un ton tranquille, comme s'il parlait de la météo. De plus en plus d'élèves craignaient de froisser Caius. Mais pas lui. Darell l'avait fixé droit dans les yeux sans la moindre émotion. Caius s'apprêtait à avancer pour cogner - seule chose qu'il avait réellement apprise dans son éducation - quand, soudain, il fut comme pétrifié, bloqué. Comme si Darell avait fait apparaître un bouclier invisible entre eux. Il essayait de passer en vain. Il ne pût alors s'empêcher de faire les gros yeux mais, contre toute attente, ne s'énerva pas.
- Comment tu as fait ça ?
- C'est dans mes gênes. Répondit simplement Darell. Ma mère avait une magie un peu particulière. Je pense que toi aussi tu l'as.
Darell plongea son regard dans celui de Caius.
- Je peux t'aider à la développer.
- Personne n'a ce genre de magie. On apprend à faire des sortilèges avec notre baguette, c'est tout. Et, au fur et à mesure, on parvient à utiliser les sortilèges informulés. C'est ce que tu as fait. Mais tu es jeune pour arriver à ça...
Pourtant, malgré ses dires, Caius s'était rapproché de lui.
- Parce que cela demande d'y consacrer vraiment son temps. C'est ce que je fais depuis plus d'un an, ça se développe. Mais il faut des capacités au départ.
- Tu es venu à Poudlard pour faire ça ?
- Non. Je suis venu pour apprendre à améliorer et contrôler ma magie, de façon globale.
- Moi aussi. Apprendre des sortilèges pour faire le plus de mal possible.
- Pour faire du mal, ou pour te défendre ? Questionna Darell en le fixant droit dans les yeux.
- Pour faire du mal. Répliqua Caius d'un ton cinglant. Pourquoi aurais-je besoin de me défendre ?
Darell avait laissé un instant de silence.
- Tu aurais besoin de te défendre de ton père.
Caius s'était soudainement assombri, il serrait les poings et le foudroyait du regard.
- Je n'ai à me défendre de personne. Siffla t-il.
- Bien sûr que si.
- Je te dis que NON.
- Si, qu'est-ce que tu crois ? Qu'il te lâchera ? Qu'il cessera de se coller à toi pour que même ton corps réagisse à la peur ? Qu'il cessera de te poursuivre ? Qu'il cessera de te frapper, de te violenter, de t'insulter, de te rabaisser ? Arrête de rêver, franchement. Ce n'est pas comme ça que ça se passe ! Tant qu'il ne sera pas supprimé, il continuera.
Caius s'était levé. Entre eux, en pleine cour de Poudlard, une bataille insoutenable, d'une violence sans égale s'était engagée. Les hurlements, les coups, les sortilèges, les serpents, les cris et les larmes se mêlèrent. Ils expulsèrent dans cette guerre hors du commun tout ce qu'ils n'avaient jamais pu évacuer. Le résultat fut sans appel : deux semaines chacun à l'infirmerie, dans un état catastrophique. Caius était dans un état pire encore, à l'intérieur de sa tête. Chaque nuit était ponctuée de hurlements sans fin, de larmes, il se débattait contre les liens magiques qui le maintenaient à son lit. Darell assistait, impuissant et dépassé, à la réaction qu'il avait lui-même engendrée par ses provocations. Il semblait ne pas y avoir de point final à la souffrance de son camarade. Chaque nuit, cela recommençait. Après une semaine, Caleb Malefoy passa les portes de l'infirmerie. Caius dormait enfin paisiblement grâce à la potion de sommeil sans rêves qu'on lui avait administré. Son père le secoua longuement pour le réveiller. Brutalement. Darell s'était alors redressé dans le lit d'en face.
- Qu'est ce qu'ils lui ont donné ces abrutis ? Je me suis déplacé pour rien.
- Une potion. Pour qu'il puisse enfin dormir tranquillement, pour une fois.
Caleb releva la tête et fixa le jeune garçon d'un air dédaigneux. Mais Darell Parsons n'était aucunement impressionné par les adultes, et encore moins par les hommes violents sans la moindre once de réflexion et d'intelligence.
- C'est toi le morveux qui provoque mon fils et lui attire encore davantage d'ennuis ?
- Et vous ?
- Quoi moi ? Siffla l'homme, ne supportant pas le ton insolent employé par le jeune garçon.
- C'est bien vous que j'ai aperçu l'autre jour dans un couloir, à coller votre fils contre le mur ? À l'entailler avec un sortilège ? À le brutaliser ?
- Pour qui tu te prends espèce de...
- Et vous ? Demanda à nouveau Darell, d'une voix posée mais avec tout son mépris, la tête haute et bien droite. Pour qui vous vous prenez ?
Malefoy avait alors esquissé un pas vers lui. Un seul. Mais il sembla se cogner contre un bouclier invisible. Ses yeux foudroyèrent le jeune Parsons. Darell, lui, regardait l'homme avec un mépris non dissimulé.
- Vous ne me connaissez pas, mais moi je sais qui vous êtes. Je sais ce que vous avez fait à votre fils. Je le sais, parce que je sais tout ce qui se passe dans votre satané cerveau. Et croyez-moi, vous allez arrêter. Vous allez arrêter de vous-même, avant que je ne vienne m'insinuer dans votre crâne chaque nuit pour vous empêcher de dormir. Est-ce que c'est suffisamment clair ?
- Espèce de...
Un bras invisible sembla débarquer de nulle part et rouer l'homme de coups, ce dernier se répandit en cris de rage. Le bras continuait d'attaquer, violemment, sans cesse, sans répit. Alors que Caius s'éveillait doucement, il vit une drôle de scène. Son père semblait se battre avec un ennemi invisible, recevant la plupart des coups sans pouvoir en donner, pour une fois.
C'était le bouclier invisible de Darell Parsons. Il ne savait pas où ça mènerait mais à cet instant, et pour la première fois de sa vie, il se sentit indestructible.
[...]
Ils s'étaient collés l'un à l'autre, presque front à front, prêts à se battre et à en découdre. Encore une fois. La violence et la rage. Deux âmes incomprises et malmenées. Deux âmes résolument puissantes et venimeuses. Pourtant, ce furent les lèvres de Darell qui vinrent trouver celles de Caius. Pas amoureusement, non. Darell ne savait pas vraiment aimer. Mais fougueusement. Remplies de désir et d'envie. Une envie bestiale contre laquelle il ne pouvait pas lutter. Même s'il n'était pas sujet à ce genre de faiblesses humaines, Caius avait tendance à le désarçonner plus que de raison. Il sentit mentalement que Caius voulait se défiler, avant même qu'il ne bouge, il ne le laissa pas s'échapper pour autant. Il recommença, presque rageusement cette fois.
- Darell. Murmura Caius.
- Tais-toi.
Il continua, violemment, rageusement, en le plaquant contre le mur. Parce qu'il ne supportait pas d'être rejeté. Ses mains étaient fébriles. Il avait envie de l'embrasser et c'était maintenant. Point à la ligne. Il voulait goûter à ses lèvres, le connaître plus encore, le toucher. Il avait tellement envie et besoin d'écouter ses pulsions qu'il ne ressentit pas la crispation extrême de son camarade et seul ami.
- Darell...
- La ferme.
Il fut alors repoussé avec une violence sans nom. La rage emplit ses yeux bleus clairs, une rage extrême et il donna une gifle à Caius, malgré lui, bien trop obnubilé par l'envie de joindre ses lèvres aux siennes. Ce dernier lui lança un regard venimeux, attrapant son poignet avec hargne. Les yeux plein de haine, le regard plein de douleurs non exprimées, et Darell comprit. Trop tard. Mais il comprit.
- Arrête Caius. Je ne veux pas être violent ni te blesser. C'est humain, c'est logique et naturel.
L'autre essayait de reprendre une respiration normale.
- Je n'y arrive pas. Je ne peux pas. Ce n'est pas...
- Normal ? Je ne suis pas normal ?
- Ce n'est pas ce que j'ai...
- Mais tu l'as pensé !
Darell le poussa brutalement contre le mur, bien plus violemment qu'il ne l'aurait voulu. Mais il était trop tard pour se rattraper. Caius le foudroyait du regard, il le repoussa à nouveau et s'enfuit vivement à travers les couloirs. Darell passa furieusement une main dans ses cheveux. Il devait s'y prendre autrement. Pourtant, il n'y arrivait pas. Il ne savait pas faire en douceur, elle ne lui était pas coutumière. Ce n'était pas son style : la douceur, l'amour. Tout ça. Lui il n'était que pulsion, envie, et il doutait que ça change un jour. Il ne se posait pas de questions de couple ou quoi que ce soit d'autre. Il savait, en prime, que les unions entre hommes ou femmes n'étaient pas forcément acceptées par les familles telles que celle de Caius. Mais, de plus en plus, il avait besoin et envie de cette proximité, sans pouvoir se l'expliquer. Et personne n'était mieux placé que Caius à ses yeux pour le combler. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, il ne se souvenait pas d'avoir vraiment posé ses yeux sur quelqu'un d'autre que Caius.
Il n'avait jamais vraiment regardé d'autres personnes.
Peut-être parce qu'il n'y avait que Caius qui avait une place dans son monde.
[...]
Ils avaient tout appris ensemble, ils avaient grandi ensemble. Deux âmes perdues dans la noirceur des ténèbres. Deux âmes égarées depuis bien longtemps. Ils s'étaient construits des noms, ils avaient bâti un empire autour de la peur. Leur empire. Dans les couloirs de Poudlard, mêmes leurs camarades de Serpentard les évitaient. Ils évoluaient seuls ou à deux. Avec personne d'autre. Les autres élèves n'étaient qu'un décor futile. Lorsqu'ils étaient entourés, ce n'était qu'une couverture pour briller. Une couverture pour masquer toute la violence qu'ils avaient déjà crée et engendrée. Leur monde de violence et de chaos.
[...]
Le jeune homme avançait, confiant et déterminé, dans les couloirs sombres. Arrivé au bout du plus long couloir, il leva la main et deux grandes portes de chêne apparurent, il frappa et entra lorsque la voix lui répondit.
- Caius, bonsoir.
- Bonsoir, Maître.
- Des avancées ?
- Pour le moins surprenantes, Maître. Ils sont de plus en plus nombreux... Et cela devrait prendre de l'ampleur avec les années.
- C'est parfait. L'as-tu interrogé ?
Un sourire froid donna la réponse tant attendue. Lord Voldemort le regardait avec attention, bien sûr que son jeune et brillant serviteur avait du faire parler leur prisonnier. Avec probablement une crainte largement instaurée et une violence démesurée, il ne pouvait en être autrement.
- Darell est allé chercher sa famille, Maître. Comme convenu.
- Bien. Faîtes en sorte que sa femme et ses enfants y passent en premier. Cela lui apprendra à me défier.
- Evidemment, ce sera fait.
Il déambulait de nouveau à travers les couloirs lorsqu'un jeune homme le poussa doucement contre un mur. Il fut violemment repoussé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Leurs yeux se foudroyèrent mutuellement. Ledit Darell haussa les épaules, nullement contrarié.
- Ils sont tous dans les cachots.
- Bien. On fait ça maintenant.
- On fait ça quand tu veux... Sourit Darell.
La phrase lui avait complètement échappé. Son ami, son amour, le seul qui le comprenait, celui avec qui il avait grandi, évolué, s'était battu pour le meilleur et pour le pire, le foudroya clairement du regard. Il leva les mains en signe de paix.
- Ok, je respecte, j'arrête.
- Non. Tu ne respectes rien. Siffla Caius.
- Que fais-tu de la part d'amusement ? L'amour pendant le meurtre, tout ça ?
Caius avait eu un léger tic nerveux, ce n'était pas faute d'insister, de repousser, d'ignorer. L'autre n'abandonnait jamais. Même des années après.
- On pourrait faire de grandes choses, tous les deux...
- On en fait déjà. Coupa froidement Caius.
- Pff tu es dur en amour... Encore pire qu'en affaires...
Caius grogna, il le plaqua violemment contre le mur et arma son poing, fou de rage. Face à lui, Darell riait doucement, pas le moins du monde impressionné. Il avait eu exactement la réaction qu'il voulait.
- Arrête. De suite.
- Tant pis, je trouverai mieux. Répondit le jeune homme en haussant les épaules. Quelqu'un qui n'a pas peur...
- Je n'ai peur de rien. Siffla Caius, sans même s'apercevoir qu'il était tombé dans le piège.
Darell tapota légèrement et doucement le front de Caius du bout des doigts, un sourire moqueur sur les lèvres.
- Ne me mens pas, tu ne peux rien me cacher.
- Je n'ai pas peur.
- Tu es terrifié, Caius ! S'exclama Darell, sarcastique. Par la moindre proximité, le moindre signe, le moindre geste de douceur, la moindre attirance, tu trembles de rage à la simple allusion d'envie ou de désir, parce que tu n'es pas capable de gérer ça, tu refuses de prendre le risque. Pourquoi ?
Le jeune Malefoy ne s'était même pas rendu compte qu'il avait reculé, c'était Darell qui le dominait de sa puissance désormais. Et il était certes moins grand mais ô combien puissant... Caius serrait les dents. Parsons se pencha et murmura tout contre son oreille.
- Tu n'as pas à avoir peur. Toi et moi on a été créée pour ne faire qu'un. Je ne pourrais pas t'abandonner, même si je le voulais, ça nous dépasse à tous les deux.
Il s'était ensuite dirigé vers les cachots sans un mot de plus. Caius suivit le mouvement, reprenant sa façade calme et assurée.
- Bonsoir John. Susurra Darell en entrant dans le premier cachot.
L'homme avait pâli en les voyant rentrer tous les deux. Il regarda sa femme et ses enfants, puis à nouveau ses anciens collègues...
- S'il vous plaît, je ne pouvais pas faire autrement... Darell... Caius... Il... Ce n'est qu'un enfant... Il ne contrôle pas... Je ne... pouvais pas livrer mon propre enfant...
- Tu n'aurais pas dû le cacher. Sa magie fait de trop grandes étincelles. Personne n'a pu masquer les dégâts.
- C'est sorti de lui, c'était trop puissant, trop fort... Je ne...
Darell les fit taire d'un seul geste et s'approcha du garçon qui le fixait attentivement. Étrangement, il ne semblait pas avoir peur. Comme si ça avait été écrit, que toute sa vie avait menée à ce moment. Il regardait Parsons avec une grande attention et tendit ses deux mains vers lui, vers sa tête. Darell acquiesça doucement et le laissa faire. L'enfant posa ses mains de chaque côté de son front et ferma les yeux. Parsons fit de même. Dans sa tête semblait se dessiner le film de leur avenir. L'enfant était puissant. Et, en l'occurrence, le garçon prénommé Wade savait qu'il n'allait pas mourir ce jour-là. Pourtant, il ne se faisait aucune illusion concernant sa propre famille, il savait déjà ce qui était prévu. Aussi, il avait formulé une demande silencieuse au télépathe. Darell acquiesça et, d'un simple geste de sa main, le père, la mère et la petite sœur, dans un craquement, tombèrent comme des poupées de chiffon sur le sol, morts. Sans souffrance aucune. Ce qui était une exception et une chance lorsque les victimes passaient devant Parsons et Malefoy.
- Darell. On doit les tuer tous les quatre. Ils ont fait preuve de trahison.
- Je ne tuerai pas l'enfant qui m'a montré le chemin. Je ne tuerai pas l'enfant qui va visiblement nous permettre de gagner en puissance et en compréhension.
- Darell !
Ce dernier se retourna et saisit Caius brutalement par le col.
- Si tu veux un jour devenir un des hommes les plus réputés du ministère, si tu veux un jour connaître ton fils, fais moi confiance.
- Mon... fils ? Que... Quoi ?
- Cette seconde partie ne m'enchante guère, crois moi. Wade peut connaître l'avenir. Alors je le garde avec moi.
Caius s'évertuait à lui faire entendre raison, ils avaient une mission et il était en train de la faire foirer. Darell le regarda un instant et posa une main sur son épaule.
- Avec lui, on peut tout comprendre. Tout. Sur la magie naturelle. Je me contrefiche du reste, tant que je peux continuer d'apprendre et développer mes capacités.
- Et tu veux qu'elles aillent jusqu'où tes capacités exactement ? Demanda Caius d'un ton ironique.
Darell Parsons esquissa à ce moment là un de ses sourires éblouissant, ceux qui pouvaient vous être destinés, soit pour vous amadouer, soit pour vous faire perdre la tête avec lui...
- Le plus loin possible, Caius. Je veux tout apprendre. Tout comprendre. Peu importe ce qu'il en coûte. Caius, mon rêve, c'est de faire de nous les rois de ce monde. C'est de faire de nous des mages en puissance. Que plus rien, nulle part, n'arrête la magie et ses possibilités. Mon rêve, c'est l'infini.
Caius le regarda s'éloigner et disparaître avec l'enfant, un air soucieux se dessinant sur son visage. Pourtant, malgré l'imprévu, malgré la défaillance de son ami envers le seigneur des ténèbres, Caius participa à masquer ses manquements. Darell n'avait peur de rien, parfois pas suffisamment. Il ne voyait pas, ne sentait pas que le seigneur des Ténèbres commençait déjà à se méfier de lui. Caius se permit de lui en faire part, quelques semaines plus tard. L'éclat de rire qui lui répondit lui fit froncer les sourcils.
- Et alors ?
- Et alors ? C'est ta réponse ? Le seigneur des ténèbres se méfie de toi et tu me réponds « et alors ? »
Darell lui adressa un sourire éblouissant qu'il était souvent le seul à voir, il ouvrit grand les bras et les mains comme s'il était prêt à accueillir tout ce qui pouvait se présenter : Son destin tout entier.
- Le dernier qui a essayé s'est pris sa propre balle de pistolet dans le crâne, j'avais douze ans. C'était mon père.
- Je sais. Et tu crois sérieusement que ça marche à tous les coups ? Souviens-toi que ce n'est pas le cas...
Parsons foudroya Caius du regard et secoua négativement la tête.
- Je ne pense pas être invincible, si c'est ce que tu insinues...
- Oui, c'est ce que j'insinue ! Du moins, tu te comportes comme tel ! Siffla sévèrement Malefoy.
Darell accrocha ses yeux aux siens et esquissa un de ces sourires malicieux dont il avait le secret.
- Et ça t'inquiètes, Caius ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as peur ? Peur que je cours à ma perte... ?
- Non. Grogna férocement Caius.
- Peur de me perdre ? Sourit innocemment Parsons.
Caius le poussa brutalement et se détourna, grommelant dans sa barbe que ça ne servait à rien d'essayer d'avoir des discussions avec lui, il partit seul dans son monologue ce qui fit redoubler le rire sans joie de Darell. Ce dernier se planta de nouveau face à lui, ses mains avaient entouré ses poignets, doucement mais fermement. Leurs yeux, d'un bleu différent mais tout aussi profond, s'accrochèrent à nouveau.
- Fais-moi confiance, Caius.
Malefoy esquissa un sourire froid, sans joie, les sourcils haussés. La confiance. Quelle belle utopie, quelle belle idée. Joliment foireuse. Caius n'avait ni confiance, ni foi, en personne. Uniquement en lui-même. Et Darell le savait parfaitement. Cela ne changerait probablement jamais. Il le savait aussi. Trop de douleurs, de souffrances refoulées, qui s'étaient transformées en rage pure. Il ne savait plus éprouver ce que les êtres humains normaux éprouvaient. Depuis tout jeune. Et ce n'est pas à vingt trois ans que cela changerait. Il était fini, à ce niveau, il le savait. D'ailleurs, ils l'étaient tous les deux. Ils ne savaient pas être des humains. Ils vivaient tous deux pour atteindre des objectifs communs, pour évoluer, pour découvrir tous les pans de la magie et ses possibilités. Ils ne vivaient pas comme les autres. Ils étaient à part, la violence avaient fait d'eux des êtres dénués de réelle sensibilité, d'émotions, de partage. Ils n'avaient pas besoin des autres.
- Je ne dirais pas exactement ça. J'aime bien partager le quotidien des humains lambda, cela m'aide à comprendre leur fonctionnement...
- Tu lis dans leurs pensées.
- Dans les tiennes aussi, mon cher Caius. C'est pour ça que tu dois avoir confiance en moi.
- Pourquoi ? répliqua froidement Malefoy.
- Parce que je connais tes craintes et que j'évolue à tes côtés depuis plus de dix ans. Fais-moi confiance, Caius, le Seigneur des ténèbres n'est pas notre avenir.
Caius le fixa avec de grands yeux outrés, il regarda aux alentours.
- Tu es complètement inconscient ? Murmura t-il furieusement.
- Oh oui, j'adore être inconscient ! S'esclaffa Darell.
- Tu es taré.
- Caius. Je ne suis pas fou, je suis réaliste. Laisse-moi te parler de mes découvertes, et laisse moi te raconter les prédictions de Wade.
- Tu fais trop confiance à ce gosse. Gronda Caius, les poings soudainement serrés.
- Non. Trancha froidement Darell. Je me fais confiance, nuance. Je nous fais confiance pour que tout se réalise. Je sais que tu es largement capable d'atteindre ce qui est prédit, et moi de même. Et, surtout, je sais que l'aveuglement du Seigneur des Ténèbres le fait déjà, et d'avance, courir à sa perte. Ca prendra du temps, Caius, mais ce sera toi et moi. Il n'y aura plus de lui. Si tu es patient, car moi je le suis, nous pourrons être bien plus, tous les deux. Ensemble.
Parsons fixait attentivement son compagnon, les yeux rivés aux siens. Seconde après seconde, les doutes, les tiraillements, les réflexions, s'éclipsèrent peu à peu du regard bleu glacé. Darell ne quitta pas ses yeux, et il vit, peu à peu, cette flamme, celle qu'il connaissait si bien, apparaître.
Celle qui brillait de mille feux, prête à faire mordre la poussière à n'importe qui : la flamme de la détermination.
