Blabla de début de l'auteure :

Je n'ai pas du tout respecté les délais que je m'étais fixée XD. J'espère que la conclusion vous plaira. Bonne lecture !

Il reste sans doute des fautes, désolée !


À toi, bienaimé.

Part 3.

Life Is Short, Baby.


Certains jours, Naruto se dit qu'il aurait dû rester coucher.

Alors qu'il rentrait du travail, épuisé jusqu'à la moelle, et qu'il reçut un appel inattendu d'Iruka, il se dit qu'apparemment, aujourd'hui était un de ces jours.

« Attends quoi ? », dit-il avec incrédulité, le téléphone toujours coincé entre sa joue et son épaule. Il n'avait pas encore eu le temps de déposer son sac d'ordinateur ni d'enlever ses chaussures. « Un oncle ? »

« Oui, du côté de ta mère apparemment », expliqua Iruka d'un ton incroyablement patient. « Il a deux enfants, un garçon et une fille. Ils souhaitent te rencontrer. »

Trop abasourdi pour émettre un commentaire, il laissa Iruka poursuivre :

« Ils sont passés par moi parce que je suis le seul numéro que l'assistance sociale du foyer où tu vivais a réussi à retrouver. »

Naruto ouvrit la bouche, puis la referma, les mots comme aspirés dans sa gorge.

« Euh…je sais pas quoi dire, en fait. »

Un soupir se fit entendre de l'autre côté du fil.

« Je m'en doute. »

Il n'y avait pas de venin dans ces mots, évidemment, c'était d'Iruka dont il s'agissait. Pratiquement un saint à ce stade, la personne la plus gentille et la plus désintéressée que Naruto connaissait.

Il s'était toujours contenté de lui. Ils s'étaient suffis à tous les deux pendant des années, avant que Kakashi ne rentre dans l'équation. Et même à ce moment-là, Naruto avait eu du mal à s'habituer à sa présence désormais quasi constante. Mais il y était parvenu.

Bref, tout ça pour dire qu'il n'avait jamais su facilement faire de la place à de nouvelle personne.

Les gens avec qu'il aimait aujourd'hui, il les aimait déjà il y a des années.

Aujourd'hui, apparemment, il allait devoir ni apprendre à aimer cette nouvelle famille sortie de nulle part.

« Essaye d'y réfléchir, d'accord ? », lui dit Iruka d'une voix douce, comme s'il pouvait deviner sa cacophonie intérieure, même à l'autre bout de la ville.

« Ouais, d'accord. Bien sûr. », assura-t-il bien que ces mots n'aient pas réellement de sens pour l'instant. « À plus tard Iruka, je t'aime. »

« Je t'aime aussi, mon grand. »

Naruto laissa tomber son sac et s'adossa contre sa porte d'entrée, le regard dans le vague.

Eh bien merde, alors.

Apparemment, il avait un oncle et des cousins maintenant.

Il devrait se sentir excité, curieux, ou peut-être même confus, mais il ressentait juste un mélange de…rien de particulier. C'était étrange comme sentiment, cette espèce de désintérêt total. Se redressant, il jeta un coup d'œil à son appartement plongé dans une semi pénombre, la froideur s'en dégageant n'ayant rien de bien attirant.

Sans réfléchir, il ressortit, verrouilla derrière lui et prit l'ascenseur jusqu'en bas. Il traversa le hall d'entrée d'un pas fébrile, saluant les deux vigiles de gardes et se dirigea vers sa voiture.

Il n'avait pas de destination en tête, mais il pensa qu'aller faire un tour chez Iruka n'était pas si mal, pour qu'il puisse discuter de cette nouvelle situation de vive voix. Seulement, après avoir roulé plusieurs kilomètres, il s'aperçut qu'il s'était trompé de direction. Il fit demi-tour et se perdit dans un dédale de rues qui ne lui étaient guères familières, avant de se retrouver finalement sur l'autoroute.

Le cœur un peu tremblant, il emprunta la sortie qui menait au le quartier de Sasuke.

À n'en point douter, Sasuke ne s'attendait nullement à sa visite, car lorsqu'il ouvrit la porte, pour le découvrir planter devant son seuil, son visage se ferma.

Naruto sentit sa cage thoracique se figer de peur d'avoir outrepasser les limites. Leurs rendez-vous hebdomadaires se tenaient généralement le samedi, jour pratique pour eux deux. Il ne s'était jamais invité chez Sasuke en dehors de cet intervalle et encore moins à l'improviste en plein soir de semaine.

« Naruto. Je ne t'attendais pas. », se reprit le brun.

Mais c'était trop tard, sa première réaction avait laissé une impression indélébile à Naruto.

« Je dérange ? », s'enquit-il d'une voix faussement détachée. « Tu ne me caches pas un type brun et athlétique quelqu'un part, j'espère ? »

Il fit mine de jeter un coup d'œil dans l'appartement pour voir si quelqu'un se dissimulait derrière un meuble, attendant qu'il déguerpisse.

Sasuke eut un sourire narquois.

« Il vient de partir, je suis prêt pour le blond. »

Naruto rejeta la tête et arrière pour rire de bon cœur. Putain, ça faisait du bien de ne plus broyer du noir.

Sasuke ne le poussa pas pour qu'il se confie à lui, il ne lui posa même pas une seule question. Il se contenta juste d'ouvrir plus grandement sa porte pour lui permettre d'entrer.

Naruto plongea dans ses bras, et aussitôt, se sentit rentrer dans un chez-soi qu'il n'avait jamais connu. Il y resta, là, abrité – prêt à le défendre de tout; prêt à faire n'importe quoi, tant que cette sensation durait pour toujours.

Depuis quand ?

Depuis quand Sasuke était-il devenu la première personne vers qui il se tournait lorsque ça n'allait pas ? Depuis quand étaient-ils passés de se donner des tapes viriles dans le dos lorsqu'ils se sentaient devenir curieusement émotifs à se lover l'un contre l'autre sur un canapé ? Education oblige, Sasuke n'avait pas grandi dans un environnement où on tolérait le moindre signe de faiblesse. De son côté, il avait toujours dû être fort, pour les autres et pour lui-même. Après tous les moments insouciants qu'ils avaient partagés, il ne put s'empêcher d'éprouver une sorte de panique.

« Tu n'es pas obligé de m'en parler », lui dit Sasuke en passant un bras autour de ses épaules.

Naruto hocha la tête.

« Je sais. »

Mais il le fit quand même. Il avait envie de le faire.

À ce qu'il savait, la famille adoptive se sentait souvent menacer lorsque les enfants décidaient de partir à la recherche de leurs origines, mais ce n'était pas le cas avec Iruka et Kakashi. Bien au contraire, ils l'avaient toujours encouragé à connaitre ses racines s'il le souhaitait. Ça ne pourrait rien changer à sa vie, s'il ne le désirait pas.

Seulement, ses parents étaient morts depuis plus de trente ans. Que restait-il après trente ans ? Pas grand-chose. Qu'aurait-il à dire des gens dont il ne se sentait plus lier que par de lointains souvenirs, dont la plupart, ne lui appartenaient guère ? Malgré tout, il sentait trop troubler pour ne pas en tenir compte. Ce n'était pas tous les jours que des soi-disant membres de sa famille apparaissaient de nulle part. De plus, il avait assuré à Iruka qu'il y réfléchirait sérieusement.

« Alors ? », demanda-t-il dans un souffle.

« Alors quoi », répondit Sasuke.

« Qu'est-ce que tu penses que je devrais faire ? Les rencontrer ? Ne pas le faire ? Décider ça à la courte paille ou avec une tige de pissenlit ? »

« Je pense que tu devrais faire ce qui te rend le plus heureux. »

Naruto resta silencieux un long moment. Sasuke disait quelque chose de si simple. Et il le disait avec tellement de sérieux qu'on aurait pu croire que c'était l'une des lois de la mécanique newtonienne :

1) Un objet en mouvement restera en mouvement à moins qu'une force opposée n'agisse sur lui.

2) Force égale au produit de la masse par l'accélération de la pesanteur.

3) Pour chaque action, il y a une action égale et opposée.

4) Naruto devrait faire ce qui le rend le plus heureux.

D'autant plus que c'était très vague 'faire ce qui le rendait heureux'. En y réfléchissant, c'était même un conseil plutôt pourri.

Mais impuissamment, cela le fit sourire.

Dehors, un orage s'était mis à faire rage. Le ciel de tempête au-dessus de Tokyo semblait refléter ses propres turbulences intérieures. Il avait toujours été sensible aux orages. Et ce soir, les perturbations atmosphériques semblaient exacerber tous ses sens.

« As-tu mangé ? », lui demanda Sasuke, quelque instants plus tard.

Naruto grimaça puis inclina la tête sur le côté en lui servant un grand sourire.

« Un sandwich à l'heure du déjeuner, ça compte ? »

Le regard réprimandant made in Uchiha s'avéra douloureux.

« Naruto… »

« Argh,je sais, je sais, j'ai les habitudes alimentaires d'un gamin de cinq ans, tu l'as déjà dit. »

« Tu devrais mieux prendre soin de toi. », soupira Sasuke en enlevant son bras autour de ses épaules. « Suis-moi, je vais te préparer quelque chose. »

Il se leva et lui tendit la main.

« On croirait entendre Iruka… », grommela-t-il dans sa barbe en acceptant tout de même sa main.

Dans la cuisine, Sasuke se dirigea vers une armoire et sortit un verre à vin. Naruto s'installa sur son tabouret fétiche et sirota la liqueur que le brun lui versa.

Lorsque ce dernier posa, quelques minutes plus tard, une assiette de soupe fumante devant lui, la faim lui donna l'impression d'être sur le point de défaillir. À moins qu'il s'agisse d'un des effets du vin ou tout simplement du charme ensorcelant de Sasuke.

« Mange », lui ordonna carrément celui-ci.

En plus du potage épicé, il lui avait concocté un menu oriental, composé d'un taboulé, de petites boulettes de viande fourrées aux pignons de pin et de galettes garnies de houmous.

C'était copieux, bien plus que les ramens instantanées qu'il avait prévu de se faire en rentrant, mais pas moins délicieux. La compagnie d'un homme aussi sexy que ténébreux était un plus agréable.

« C'était exquis ! », s'exclama-t-il après avoir avalé sa dernière bouchée, une délicieuse saveur de cumin s'attardant sur son palais.

« Reprends-en », le pressa Sasuke. « Tu n'as rien mangé depuis le déjeuner. »

« C'est gentil mais, je ne crois plus pouvoir avaler autre chose. Tout était vraiment un régal. »

Sasuke se contenta de lui offrir ce tic de ses lèvres qui ressemblait presque à un sourire.

« C'est un des rares plats que je ne rate jamais. »

Naruto s'accouda au bar, le visage dans sa main, intéressé.

« Tu aimes vraiment cuisiner alors ? »

« Tu essayes de savoir des choses sur moi l'air de rien ? »

Naruto leva les yeux au ciel. Il allait rétorquer quelque chose de cinglant mais Sasuke le devança :

« Ça me détend. C'est…satisfaisant, de voir que les gens pour qui je cuisine apprécient ce qu'ils mangent. »

« Hum, franchement, moi je suis nulle en cuisine, je n'en vois pas l'intérêt non plus, passer deux heures à faire un plat qu'on mange en cinq minutes ? Ça m'aurait trop frustré d'être cuisinier. Mais j'adore ta cuisine ! »

Sasuke arborait à nouveau ce presque sourire.

« Tu recommences à être un moulin à parole, ça veut dire que tu vas mieux. »

« Uchiha, espèce de… »

Mais il fut distrait par les mains de Sasuke qui se posèrent sur ses hanches. Eh bien quoi ? Elles étaient vraiment belles, longues et pâles.

« Tu sais, si tu n'es toujours pas remis, je connais un très bon moyen de te changer les idées. »

Naruto avait son sourire de renard. Il poussa la poitrine de Sasuke du plat de la main, et détourna les yeux dans une piètre imitation du jeune homme timide qu'il n'était pas du tout.

« Uchiha, allumeur va ! »

Sasuke ricana, ses mains glissaient le long de ses bras. Il se pencha vers lui, et captura doucement ses lèvres. Puis il le prit dans ses bras et l'entraina tout contre lui.

Alors qu'il appuyait son baiser pour en faire un véritable acte érotique, Naruto y répondit avec une ferveur non dissimulée. Une saveur citronnée mêlée à celle du vin et à ce gout si particulier qu'avait les lèvres de Sasuke lui envahit les sens, il sentit ses jambes se liquéfier et s'agrippa au tee-shirt noir de brun pour garder l'équilibre.

Les mains expertes de son amant remontaient sous sa chemise à la rencontre de sa poitrine, pour redescendre le loin de ses hanches. Il sentit chaque cellule de son corps s'embraser et se laissa envahir par une fièvre exquise: il voulait déguster cet homme, goûter à tous les délices qu'il avait à lui offrir.

L'érection de Sasuke se pressa contre son ventre.

Immédiatement ruisselant de désir, Naruto l'embrassa à pleine bouche, jusqu'à en perdre l'haleine.

« C'est ce que tu veux, n'est-ce pas ? », lui demanda Sasuke entre deux souffles saccadés.

Naruto acquiesça d'un signe de tête. Faisant un pas de côté, en direction de la chambre, il interrogea Sasuke du regard pour s'assurer que les signaux qu'il lui envoyait avaient été suffisamment clairs. Mais l'Uchiha n'avait pas besoin d'encouragements. D'un geste confiant, sûr de lui, il lui prit la main.

Alors qu'il avançait d'un pas décidé, Naruto tendit le visage pour gouter une nouvelle fois à ses lèvres brulantes. Arrivé au lit, ils s'allongèrent sur les draps et se contemplèrent l'un l'autre d'un regard de braise tandis que le blond attendait, le souffle court, en proie à une excitation plus violente encore que l'orage qui venait de s'abattre sur la ville.

« J'ai des préservatifs dans mon portefeuille, si tu veux », souffla-t-il.

Ils s'étaient faits tester tous les deux, mais c'était devenu une sorte de blague entre eux.

« Vraiment ? », dit Sasuke avec un sourire amusé. « Alors si nous n'en avons pas assez, nous utiliserons les tiens. »

À ces mots, il ouvrit le tiroir de la table de chevet et en sortit une grosse poignée ainsi qu'une bouteille de lubrifiant haut de gamme et déposer le tout sur l'oreiller.

« Bien », dit Naruto en retenant son souffle. « Et maintenantque se passe-t-il ? »

Ils s'étaient masturbés ensemble, embrassé des milliers de fois au moins, sucer, mais ils n'étaient jamais allés plus loin. Pour l'instant. Quelque chose disait à Naruto que ça n'allait pas être le cas pour bien longtemps.

Sasuke s'étendit à côté de lui sur le lit, s'appuyant sur un coude, comme pour mieux le contempler.

« Pour commencer, nous allons nous embrasser », murmura-t-il en posant ses lèvres sur les siennes, avant de les promener allégrement sur ses joues bronzées, ses sourcils, ses tempes.

Lorsqu'il atteignit sa gorge, la fougue de ses petits baisers s'intensifia, et Naruto se sentit gonfler d'impatience.

« Tu ne veux pas enlever ma chemise ? », demanda-t-il à l'Uchiha d'une voix suave et haletante.

Sasuke leva un sourcil d'un joueur.

« Qui y a-t-il en dessous ? »

« À toi de le découvrir », susurra-t-il, le cœur tambourinant contre sa poitrine.

Visiblement prêt à relever le défi, le brun changea de position pour s'intéresser d'abord à son pied gauche. Sans un mot, il se mit à lui masser doucement la voute plantaire, avant de se penche pour embrasser délicatement le creux de sa cheville.

Seigneur, qui aurait pu croire que les pieds et les chevilles étaient à ce point érogènes ? Des rivières de volupté coulaient à présent depuis le long de sa jambe, remontant lentement jusqu'au centre de son désir, entre ses cuisses, et sa queue palpitante.

« L'autre pied, Sasuke », gémit-il en s'enfonçant un peu plus dans le lit.

L'interpellé obtempéra et reproduisit le même assaut sur sa cheville droite tout en le déshabillant du regard. Naruto frémit alors que les mains aventureuses de Sasuke remontaient maintenant le long de ses jambes, les caressant presque avec vénération. Lorsqu'il arriva au niveau de ses genoux, il fit une petite pause, semblant retirer une grande satisfaction sensuelle du contact de sa peau brulante. Plus il le caressait, plus il se sentait irradié par cette onde luxurieuse.

Et son regard…son regard chargé de désir et de provocation transformait son corps en véritable brasier. Sasuke était si habile, ses doigts incandescents remontaient à présent le long de ses cuisses, s'immisçaient sous l'ourlet de la chemise, effleuraient les chairs sensibles du haut de ses cuisses, jouaient avec l'élastique de son boxer.

Alors qu'il s'attendait à ce que Sasuke le lui enlève, ce dernier se pencha au-dessus de lui et traça avec sa langue un chemin de feu le long de son ventre, se rapprochant immanquablement du centre vibrionnant de son désir.

Sa bouche s'assécha alors que Sasuke était sur le point d'effleurer son point le plus sensible, mais il choisit ce moment pour relever le visage et le scruter d'un air diaboliquement coquin.

« Maintenant débarrassons nous de cette chemise… »

Il dit cela puis déposa une pluie de baisers enflammées en direction de son nombril, jusqu'à atteindre l'élastique de son caleçon. À cet instant, il fit une nouvelle pause. Leurs regards se croisèrent, et Naruto l'aida à se débarrasser définitivement de ses derniers vêtements.

Après l'avoir longuement contemplé, Sasuke le prit dans ses bras et l'embrassa, tendrement pour commencer puis avec une fougue allant crescendo. Alors que sa langue ensorcelait la sienne, Naruto sentit le cœur de son amant palpiter contre le sien en une sorte d'osmose magnétique. Ivre de désir et d'émotions, chaque pore de son corps semblant vouloir se fondre en lui, il s'agrippa à cette sensation avec ferveur, se plaqua contre Sasuke, avide de plus contact de sa peau brulante.

Sasuke l'allongea contre ses draps, attrapa le lubrifiant pour commencer à s'en servir. Il en versa une noix sur sa paume, le réchauffa dans le creux de sa main puis entama le processus un peu ennuyeux qu'était de l'ouvrir. Un doigt après l'autre, diaboliquement lent et insistant, implacable. Naruto se tortilla tout le long, au point au Sasuke le clouer au lit avec une main sur sa hanche. À la fin, l'érection du blond avait un peu faibli, mais un autre épisode de baisers enflammés, pendant que Sasuke lui branlait la queue ramena son degré d'excitation à son pic.

Comme d'habitude au lit, Sasuke était bavard. Mais lorsque Naruto referma ses doigts autour de son sexe, il se tut sur le champ. Contre sa paume, le blond le sentait palpiter, chaud, doux. Et bien trop imposant. Il était toujours impressionné – et diaboliquement excité -, par son sexe enflé et dressé vers lui, peu importe le nombre de fois qu'il le voyait.

Relâchant la pression de ses doigts, il entreprit de les faire courir sur toute la longueur de sa virilité. La façon dont la peau de Sasuke bougeait et se plissait le fascinait. Lorsqu'il continua en serrant davantage, ce dernier laissa échapper un gémissement sourd, la tête rejetée en arrière.

« Mets-toi au-dessus de moi. », l'enjoignit-il.

Il s'allongea sur le dos et le tira sur sa poitrine, l'invitant à piéger sa cage thoracique avec ses cuisses.

Naruto se mordit la lèvre, un peu étourdie par l'adrénaline et le plaisir. Sasuke avait raison. Dans cette position, il aurait plus d'amplitude pour trouver le bon angle et guider leur poussée. Sasuke avait une taille conséquente, alors il savait qu'il leur faudrait beaucoup d'entrainement avant qu'il puisse le chevaucher jusqu'à l'abandon, mais il avait actuellement assez confiance à la force de ses cuisses et de son bassin pour que la position soit confortable et leur apporte à tous les deux ce plaisir qu'ils recherchaient.

Sasuke enfila le préservatif sur sa bite pendant que Naruto ajusta sa position au-dessus de lui. Ensuite, à tâtons, il tendit la main derrière lui et pressa le gland de Sasuke contre son entrée. Il accueillit la brulure de la pénétration, dépassé de loin par le bonheur et la satisfaction qu'il ressentait à accueillir Sasuke en lui.

« Ça va ? », s'enquit ce dernier en posant ses mains sur ses hanches pour l'immobiliser.

Naruto geignit. Il n'entendait plus rien arquer contre lui. Comme saisit d'ivresse. Il se sentait groggy, étiré, empli, délicieusement possédé, mais ce n'était pas douloureux. S'arc-boutant, il invita Sasuke à s'enfoncer davantage.

« Ouais. Ouais, refait-ça. Bouge, Sasuke… »

Et sans le quitter une seule fois de yeux se mit à onduler, lentement, sensuellement. Gémissant lorsque le sexe à l'intérieur de lui touchait ses points les plus sensibles, rejetait la tête en arrière quand Sasuke synchronisait la poussée de ses hanches avec les siennes.

C'était bon. Meilleur encore que les innombrables baisers et caresses qu'ils avaient échangés. Naruto s'abandonna avec gratitude à cette magie renouvelée qui lui permettait d'oublier un moment les craintes du lendemain.

Et quand Sasuke le regardait ainsi, avec une telle dévotion, un tel émerveillement, comme s'ils avaient arraché toutes les constellations du ciel pour les déposer à ses pieds, Naruto ne se sentait plus lui-même. Il se sentait transporter vers un autre monde, une sorte de jardin féérique, où des étoiles scintillaient parmi des parfums magiques.

« Pourquoi me regardes-tu ainsi ? », souffla-t-il.

Il se mordit la lèvre inférieure. Il n'avait pas voulu dire ça à voix haute, mais c'était trop tard, l'intensité des prunelles de Sasuke parut s'accroitre.

Lequel se redressa sur coude pour pouvoir une voler un bref baiser, libérant sa lèvre martyrisée.

« Parce que je te trouve beau. »

Les joues en feu, Naruto voulut disparaitre sous le plancher.

« Oh, Sasuke, pas la peine d'essayer de m'embrouiller avec tes belles paroles. »

Sasuke lui pinça la hanche.

« Tu devrais apprendre à accepter les compliments à leur juste valeur, idiot. »

Il sentit un rire lui monter dans la gorge. Il le laissa sortir, ferma les yeux et recommença à onduler d'une manière qui leur fit du bien à tous les deux.

D'un seul coup, le plaisir le terrassa. C'était soudain, si brutal, si intense, qu'il n'aurait jamais imaginé qu'une chose pareille puisse exister. Il avait l'impression de voir les étoiles, une myriade d'étoile.

.

.

.

Naruto se réveilla avec quelque chose d'humide et de chaud autour de sa queue.

« Oh mon Dieu », s'entendit-il à peine grogner, plus incapable d'arrêter la poussée de ses hanches que d'aligner une phrase correcte.

Paresseusement, il s'appuya sur ses coudes et baissa les yeux, découvrant, avec un certain émerveillement, la conséquente bosse qui déformait la joue de Sasuke. Cet homme cruel et incompréhensible, qui allait causer sa perte. Une de ses incroyables mains habiles tenait la base de son pénis pour le maintenir droit vers sa cavité buccale et l'autre se baladait sur le haut de sa cuisse tout en passant par intermittence entre ses bourses et son périnée en de diaboliques caresses.

Des secousses de plaisir dansaient sur la poitrine et les bras de Naruto tandis que l'Uchiha faisait tourbillonner sa langue autour du bout de sa bite. Il lécha une longue bande jusqu'à ses couilles, sans rompre le contact visuel qu'ils avaient établi, tout suçant et tirant la peau surchauffée du blond comme si c'était un bonbon à la menthe.

Naruto se sentait en combustion instantanée, son excitation faisant rapidement déguerpir ses derniers relents de sommeil. Qu'est-ce qu'était le sommeil, d'ailleurs? Il s'en fichait, il n'arrivait plus à penser clairement, confus et terrassé par le plaisir que lui procurait méthodiquement son amant. Et quand Sasuke tata son entrée du bout de son doigt sec, tout en enfonçant les ongles de son autre main dans la chair du haut de sa cuisse gauche, il ne put en supporter plus. Il vint dans un long grognement d'homme des cavernes, tout en balançant ses hanches, désespéré de faire durer la sensation exaltante.

Désossé par son orgasme, il s'étendit en étoile de mer sur tout le lit et poussa un long gémissement de bien-être.

Quelle merveilleuse manière de commencer la journée.

« J'ai besoin d'un café », déclara-t-il au bout d'un moment, la voix un peu râpeuse.

On aurait dit que c'était lui qui avait donné une fellation et pas l'inverse.

Il plaqua son menton contre le haut de son torse et regarda Sasuke, qui essuyait les restes de son sperme au coin de ses lèvres et se léchait goulûment les doigts, pareillement à si c'était de la crème anglaise.

« Tu veux bien me faire un café ? », minauda Naruto dans une moue qu'il espérait mignonne.

Sasuke haussa un sourcil parfaitement dessiné dans sa direction.

« Tu m'as pris pour qui ? Ton esclave ? Tu connais la route de la cuisine. »

Sans un mot de plus, il lui donna une claque sur la cuisse, se leva et disparu dans la salle de bain, ignorant ses protestations.

« Mais Sasukkeeee, personne ne fait le café aussi bien que toi ! »

Ce qui était un crime, puisqu'il n'en buvait même pas. Préférant des thés à la camomille ou aux gingembres – des trucs snobs dans le genre. Sasuke l'avait habitué avec ses repas plus sophistiqués que certains restaurants huppés de la ville et son café divin avec des grains moulus tout droit venus d'une ferme bio en Côte d'Ivoire. Il l'avait fait devenir un vrai enfant gâté, et maintenant il refusait d'en assumer les conséquences ?

Or, malgré toutes ses plaintes et pleurnicheries misérables, Sasuke – cet homme ignoble et sans cœur -, ne montra toujours pas le bout de son stupide nez aristocratique.

Résigné, Naruto s'arracha à contrecœur de la douceur des draps et traina des pieds jusqu'à la cuisine, pour s'arrêter net, lorsqu'il vit nul autre qu'Itachi Uchiha installé sur une des chaises du bar.

Pendant une longue et douloureuse minute, Naruto subit un bug comme une calculatrice mal programmée. Il pouvait presque voir les mots 'math error' défilés derrière ses paupières.

Tout son corps devint glacé de panique. C'était la première fois qu'il comprenait parfaitement ce qu'un cerf devait ressentir, quand il se retrouvait prit entre les phares d'une voiture, quelque seconde avant l'impact fatal.

Et le jeune homme se demanda brièvement s'il était encore temps pour lui de fuir. Si sauter par une fenêtre au dixième étage le tuerait d'un coup ou s'il souffrirait avant de mourir.

Seulement, à son plus grand malheur, il n'eut de toute façon pas l'occasion de vérifier ces hypothèses, puisqu'Itachi se tourna vers lui.

Naruto se racla la gorge :

« Bonjour ? »

« Bonjour, Naruto », répondit Itachi Uchiha, les yeux plissés de ce qui ressemblait à de l'amusement. « Vous vous joignez à moi pour le petit déjeuner ? »

Silencieusement, l'interpellé acquiesça et alla s'installer sur un des tabourets de l'autre côté de l'îlot central, et se versa une tasse de café qu'il sirota distraitement.

Le café de Sasuke était meilleur, pensa-t-il en boudant.

Itachi était le directeur général de Global Enterprise Uchiha Corporation depuis aussi longtemps que Naruto s'en souvienne. Il y avait quelque chose de profondément grisant à prendre le petit déjeuner avec celui qui était techniquement son patron quand il ne portait que son boxeur rouge de la veille et un des tee-shirts doux du petit frère dudit patron. Il ne s'était même pas brossé les dents ou laver le visage. Et il y avait à peine deux minutes, il voltigeait encore dans les brumes de l'un des orgasmes les plus dévastateurs de sa vie.

Certes, Naruto était sans vergogne, mais pas à ce point.

« Désolé », s'excusa-t-il maladroitement. « Si j'avais su que vous seriez là, je me serais rendu plus présentable. Sasuke ne m'a pas prévenu. »

Itachi agita la main avec bonhomie.

« Hum, ça ne m'étonne pas. Mais il n'y a pas de mal, je ne suis que de passage. Il ne me reste plus que quelques objets à emballer. »

« Oh, vous partez en vacances ? »

Itachi laissa échapper un petit rire sans méchanceté.

« Quelque chose d'un peu plus définitif », expliqua-t-il. « Avec une équipe de géologues nous partons pour une excursion de deux ans pour étudier les milieux vivants dans les environnements à fort taux de pressions. Le voyage débute vers les côtes d'Hawaï et nous espérons parvenir à cartographier la zone. »

Naruto ouvrit de grands yeux impressionnés :

« Waouh, c'est une totale reconversion ! »

Itachi eut un autre petit rire tout en acquiesçant d'un hochement de tête.

« Oui, on peut le dire. Ça n'a rien avoir avec ce que je fais actuellement. », déclara-t-il avant d'adopter un ton un peu rêveur. « J'ai attendu longtemps avant de me décider…mais je pense que le moment ne pourrait pas être plus propice que maintenant. »

Naruto, lui, ignorait s'il aurait un jour le courage de tenter une folie pareille. Tout plaquer derrière lui, foutre le camp, faire ce qu'il avait vraiment envie de faire, c'est-à-dire enseigner, et aller au bout de ses rêves. Lever un bon gros doigt d'honneur à quiconque aurait quelque chose à redire. C'est vrai, il aimait l'informatique, dans une certaine mesure, c'est cette discipline qu'il avait apprise à l'école, celle qui avait fini par lui garantir une stabilité financière, lui qui avait été si affamé avant qu'Iruka ne le prenne avec lui. Toutefois, ce n'était pas sa vraie vocation, ce n'était pas dont il rêvait.

Malheureusement, les choses n'étaient jamais simples. Il y avait des tas de gens comme lui, qui se levaient chaque matin pour accomplir des tâches qu'ils n'aimaient pas particulièrement, parce qu'ainsi était faite la vie: pas là pour vous donner ce que vous voulez, mais ce dont vous avez besoin.

Naruto pensait pourtant qu'il l'avait assimilé depuis le temps, qu'il s'y était résigné. Or, quand il entendait le frère de Sasuke parler de se lancer à bras le corps dans une aventure dont il n'était même pas certain qu'elle le mènerait quelque part, l'espoir ne pouvait que fleurir.

Puis le jeune homme se rappela qu'Itachi Uchiha pouvait se le permettre. Lui et son frère étaient les héritiers d'un empire, des bébés rentiers qui n'avaient pas réellement besoin de travailler un jour dans leur vie, mais voulant cependant l'indépendance par rapport à leur nom de famille.

« Naruto, je tenais à vous remercier », reprit Itachi, le sortant ainsi de ses rêveries.

« Me remercier ? », s'étrangla-t-il, les yeux écarquillés. « Mais pourquoi ? »

« J'ai compris que mon frère fréquentait quelqu'un parce qu'il était un peu plus détendu, ces deniers jours. Sasuke n'est pas toujours le plus facile à vivre, j'ai bien trop souvent peur que les gens s'en tiennent à son mauvais caractère pour le juger, mais il est bien plus que cela, vous savez ? »

Naruto ne répondit pas. Il avait le sentiment que ce n'était même pas véritablement une question, malgré l'intonation dans laquelle elle était prononcée.

« Ça me fait plaisir de le voir heureux », poursuivit l'ainé Uchiha, sans se départir de son sourire chaleureux. « Ça me permet de partir l'esprit tranquille. Avec l'entreprise en de bonnes mains. Alors je vous remercie d'être à ses côtés et de veiller sur lui, quand je n'ai pas la possibilité de le faire. »

Le blond, complètement bouchée bée, cligna plusieurs fois des yeux. D'abord hébété, il fixa Itachi comme s'il espérait l'entendre dire qu'il s'agissait en vérité d'une plaisanterie. Mais le voyant parfaitement sérieux, sa stupeur céda progressivement la place à une grande confusion.

Merde, ce n'était pas bon, ça. Itachi croyait que Sasuke et lui étaient dans ce genre de relation là ? Son frère ne lui avait donc rien dit de la nature purement transactionnelle de leur rapport ? Deux adultes qui ne s'appréciaient pas vraiment mais qui se procuraient mutuellement du plaisir sans que cela devienne prise de tête.

Comment était-il censé brisé l'image qu'Itachi s'était fait d'eux à présent qu'il semblait croire dur comme fer, que lui, Naruto Uzumaki, rendait son frère heureux. Quel genre de monstre serait-il s'il piétinait les espoirs innocents d'un grand frère qui n'avait qu'à cœur le bonheur de son cadet ?

C'était peut-être un peu mélodramatique comme chemin de pensées mais il déclara tout de même:

« Pas besoin de me remercier. C'est la moindre des choses, dans un couple, hein ? »

Il porta sa tasse de café à ses lèvres, bu une gorgée pour humidifier sa gorge sèche et termina d'une petite voix:

« Il me rend heureux aussi. »

Et à sa plus grande mortification, il découvrit que cette déclaration n'était pas dénuée d'un semblant de vérité. Sasuke était drôle dans son genre, intelligent, et bien qu'il ne soit pas un grand causeur, avait le sens de la répartie. Il critiquait les émissions de télé-réalités mais continuait à les regarder, jurait comme un charretier lorsqu'il prenait le volant, avait la grâce d'une véritable fée du logis lorsqu'il était derrière ses fourneaux. Il n'était pas patient, ni même gentil la plupart du temps. Il était simplement lui. Il disait ce qu'il pensait, faisait ce qu'il le voulait. Et c'était tellement rare, dans leur société conditionnée par les faux semblants et l'hypocrisie. Naruto le trouvait rafraichissant, à sa manière.

Il aurait aimé découvrir un Sasuke pareil au cours de leur période scolaire. Pas le connard sournois qui avait gâché chacune de ses pauses pendant trois années consécutives. Peut-être qu'ils auraient pu être ce qu'ils étaient bien plus tôt.

Qu'importe ce qu'ils étaient.

Il était toutefois certain qu'ils n'étaient pas un couple fou amoureux comme Itachi le pensait. Oh ça non. Si c'était le cas, Naruto le saurait. Mais au moins, ils n'étaient plus ennemis dans le sens strict du terme, et c'était déjà plus que ce qu'il aurait pu espérer pour eux deux.

Mais puisque Naruto s'était déjà enlisé dans ce mensonge sordide, il ne pouvait plus faire marche arrière, au risque de se discrédité. Il ne pouvait qu'espérer que Sasuke ne s'en trouve pas trop horrifié en découvrant qu'il avait laissé croire à son grand frère – même si c'était ledit grand frère qui avait tiré ses propres conclusions tout seul, en vérité -, qu'ils étaient des partenaires romantiques. Tout du moins, il espérait ne pas être dans les parages, si les deux Uchiha avaient cette discussion.

Par la suite, quelque part dans le cours imprévisible de la diarrhée verbale qu'il déversait à Itachi, alors que le plus âgé leur avait remplis une deuxième tournée de café, Sasuke apparut. Naruto ne l'avait pas entendu arriver tellement il était absorbé par sa discussion avec l'ainé, et quand il leva les yeux, le cadet Uchiha se tenait simplement là devant eux, douché et parfaitement apprêté, les sourcils froncés dans son expression renfrognée habituelle.

« Tu es encore là ? Je croyais que tu t'étais déjà enfui pour suivre ton amant à l'autre beau du monde. »

Le blond mit bien une minute à comprendre que ce n'était pas à lui que la pique était adressée.

« Kisame n'est pas mon amant, petit frère », répliqua calmement Itachi dans un sourire qui creusait ses cernes. « Et je ne partirai jamais sans te dire au revoir, tu le sais. J'en ai encore pour quelques semaines avant que tu sois débarrassé de moi. »

« Quel bonheur », lâcha sardoniquement Sasuke.

Itachi ne parut pas se formaliser le moins du monde de l'attitude grincheuse de son petit frère. Il rit et termina son café d'une seule grande gorgée.

« Ce fut un plaisir de vous rencontrer de manière moins formelle, Naruto, passez une très bonne journée. »

« Merci », sourit le blond. « Vous aussi. »

Et après avoir mis sa tasse dans l'évier, l'ainé quitta la pièce, les laissant seul, Sasuke et lui, assit l'un en face de l'autre, seulement séparés par l'ilot central.

Sasuke était taciturne depuis qu'il était rentré dans la cuisine. Certes, il n'était et ne sera jamais une personne très bavarde, mais le mutisme dans lequel il s'était muré était surtout bizarre, dérangeant. Naruto se demanda si cela avait avoir avec le fait qu'il les avait surpris en train de discuter, lui et son frère. Ils n'étaient que des plans cul l'un pour l'autre, alors peut-être cela le mettait-il mal à l'aise de les voir ensemble comme s'il était un potentiel petit-ami qui devait subir le discours à la pelle du grand frère ?

Ignorant la boule qui s'était formée dans sa gorge à cette idée, il décida d'essayer d'alléger un peu l'ambiance.

« Ton frère part pour l'autre beau du monde pour suivre ses passions, je trouve ça très courageux de sa part ! »

« Hm. »

« Waouh.», dit-il d'un ton plat et sarcastique. « Ça a l'air de t'enchanter. »

Sasuke poussa un soupir, les paupières basses. Il resta immobile et silencieux pendant si longtemps que Naruto fut surpris de l'entendre reprendre parole:

« Il a mis sa vie entre parenthèse pendant des années, pour s'occuper de moi. Je ne me souviens pas d'un seul épisode de nos vies, où il n'a pas fait passer mes besoins avant les siens. »

Oh.

Ohhhhh.

Naruto venait de comprendre. Sasuke n'était pas en colère contre Itachi. En fait, il était triste. Triste de voir partir ce grand frère qui avait toujours représenté un roc dans son existence, une racine sûre sur laquelle s'appuyer. Mais il était aussi heureux de le voir suivre les chemins de son cœur. Et la seule manière qu'il avait de gérer tous ces sentiments contradictoires, c'était en exprimant de la colère.

Qui aurait cru que couché avec quelqu'un quasiment tous les week-end permettrait de le comprendre un peu mieux, hein ?!

Touché par la vulnérable que Sasuke ne s'autorisait à dévoiler que rarement, Naruto fut saisit de l'irrépressible envie de le prendre dans ses bras, et de porter sur lui-même une partie de cette triste mélancolie.

Aussi, poussé par cette impulsion, le jeune homme se leva, contourna le bar et enroula ses bras autour de Sasuke – lequel tenta immédiatement de le repousser.

« Qu'est-ce qui te prends ?! », s'insurgea-t-il, les yeux comiquement écarquillés.

Naruto ne tint pas compte de son effarouchement et resserra son étreinte.

« Shhh, laisse toi juste aller », dit-il en poussant la tête brune contre son épaule.

« Il te manque une case, Uzumaki. Sérieusement. »

Naruto émit un ricanement pour toute réponse, sachant pertinemment que Sasuke ne protestait que par principe. La preuve, ses épaules devenaient plus détendues de minute en minute. De plus, s'il n'avait vraiment pas voulu son contact, il ne serait pas passé par quatre chemins pour le lui faire comprendre.

Au final, le brun poussa un autre soupir, semblant incroyablement exaspéré. Il se laissa toutefois aller dans l'étreinte, certes maladroite, mais accueillante et chaleureuse du blond.

Ce dernier lui frotta le dos et savoura la chaleur qui émanait de sa personne. Comme d'habitude, Sasuke était une véritable fournaise, brûlant d'un feu si intense que son attitude froide ne laissant pas transparaitre de prime abord. Pour quelqu'un qui était censé jouer le rôle de consolateur, Naruto admettait qu'il appréciait un peu trop la situation. Comment le blâmer ? Le parfum enivrant de bois de santal et de fleurs sauvages qui émanait des cheveux et du col de Sasuke, son corps chaud et robuste pressé ainsi contre lui, étaient si agréable, à l'instar de sa respiration basse et régulière, vibrant doucement contre sa propre poitrine. Il ne put réprimer le sourire qui étira ses lèvres lorsque, finalement vaincu, Sasuke enroula à son tour ses bras autour de sa taille.

Ils restèrent là, au beau milieu de la cuisine, à se câliner et à respirer dans le cou de l'autre, jusqu'à ce que le bruit d'une porte qui se ferme – sans doute Itachi quittant l'appartement -, ne les fasses sursauter et se séparer tels deux adolescents idiots prit en flagrant délits.

Naruto s'écarta en se frottant la nuque, les joues rouges.

« Ça va ? », demanda-t-il.

Sasuke eut un maigre sourire en se réinstallant sur sa chaise. Naruto ne tarda pas à l'imiter, mais cette fois ci, il s'assit plus près de lui.

« Ouais, ça va », souffla l'Uchiha. Et il se racla la gorge, peut-être un peu gêné aussi, avant de terminer: « Merci. »

« Rien de tel qu'un bon câlin pour se remonter le moral ! », s'exclama Naruto avec entrain, afin de cacher son propre embarra. « D'ailleurs, on pourrait sortir ce samedi pour se changer les idées. Aller au cinéma ! J'ai entendu dire qu'ils passaient un nouveau… »

« J'ai déjà des plans pour ce week-end », l'interrompit Sasuke.

« Oh. », laissa-t-il échapper, complètement refroidit.

Le soudain pic de déception était amer, mais il s'efforça de rapidement le masquer. Il voulut enchainer sur un autre sujet de discussion, pour que ses émotions, si elles transparaissaient sur son expression, ne soient pas facilement déchiffrables. Mais impossible, la phrase de Sasuke le tourmentait d'ores et déjà.

Il avait des plans pour le week-end, mais avec qui? Naruto était généralement la personne que l'Uchiha voyait le week-end. Pour baiser, certes, mais cela revenait au même.

Quand comptait-il lui faire part de ce changement de programme, d'ailleurs?

Pourquoi cela devait-il le déranger si profondément ? Bien sûr, un homme comme Sasuke sortait les samedis soir et ne passait pas tous ses instants de liberté en compagnie de quelqu'un avec qui les lignes amicales restaient encore floues. Naruto doutait que ce qui lui serrait si férocement le cœur soit une chose d'aussi claire et d'aussi facile que de la jalousie. Pourquoi être jaloux ? Il n'avait aucun droit sur lui. C'était plutôt la douloureuse constatation de voir qu'il y avait des passages entiers de la vie de Sasuke qui lui étaient inaccessibles.

Sauf que là encore, que pouvait-il réclamer ?

Ce qu'il vivait avec Sasuke – quoi que ce soit -, était intense. Certains de ses ex avaient fait moins que ce qu'ils entretenaient tous les deux pour le séduire et il s'était volontiers laissé tenter. Naruto n'était pas difficile, il était d'ailleurs tellement avide d'amour qu'il sortirait probablement avec n'importe qui lui témoignant un peu de tendresse. C'était sans doute pathétique, mais c'était la vérité.

Un psychologue estimerait que c'était lié au fait d'avoir été privée d'une véritable cellule familiale, dans la période la plus tumultueuse de son enfance.

Cependant, lui aussi il avait sa vie à vivre, indépendamment de Sasuke. Travail, maison, amis, responsabilités. Il fallait qu'il se montre intelligent. Ce qui les liait était une dévotion mutuelle pour une tâche qu'ils avaient entreprise. Le sexe était bon, le meilleur qu'il ait jamais eu, et il y avait des tas choses qu'ils n'avaient pas encore tenté mais qui les attirait tous les deux. Mais au-delà de ça, rien n'était permis, rien n'était même pensable. Tout ce qui, de sa vie, dépassait ce cadre était exclusivement sien, alors pourquoi avait-il tant besoin d'en savoir plus ?

Le fait était qu'il ignorait ce qu'il ressentait pour Sasuke. En revanche, il savait que quel que soit la teneur de ses sentiments, il ne pouvait plus faire marche arrière. Alors il se voilait la face. Il était conscient de se voiler la face. Mais c'était plus facile, moins contraignant, que de se pencher sur l'évidence.

« C'est chez mon père », ajouta Sasuke dans une grimace, après un instant interminable. « Il tenait à organiser une sorte de fête de départ pour Itachi. »

« Oh, je vois. », souffla Naruto, ignoble de se sentir soulagé. Il se racla la gorge, puis demanda : « Et tu vas y aller seul ? »

« Je…oui ? »

Ce n'était pas du tout son genre de bégayer ainsi. Sasuke était, il est vrai, très taciturne, mais lorsqu'il prenait la parole c'était d'une façon directe et assurée. Il était toujours si franc, que parfois Naruto préfèrerait qu'il soit plus doué pour mentir.

« Tu pourrais me demander de t'accompagner. Après tout j'ai rencontré Itachi, ça ne sera pas bizarre d'inviter un ami. », dit-il, comme l'Uchiha tergiversait toujours inhabituellement.

Il se détestait de se montrer aussi nécessiteux, de pousser ainsi, mais c'était plus fort que lui. Il avait toujours été farouchement possessif envers les gens qui lui était cher.

Sasuke entrait désormais dans cette catégorie, aussi difficile était la tâche de l'admettre.

« Naruto », soupira ce dernier, guère débarrassé de son air tiraillé. « Mon père est…compliqué, d'accord ? Il sait que je suis gay, mais il est de la vieille école. Nous ne nous entendons pas vraiment, je ne souhaite pas qu'il juge ta présence propice à entamer une énième guerre contre moi. »

« Et tu me penses incapable de gérer deux trois commentaires homophobes d'un père coincé au siècle dernier ? »

Les sourcils de Sasuke se froncèrent.

« Il n'est pas homophobe », rétorqua-t-il sur la défensive, le ton dur. « Juste…un peu campé sur ses convictions. »

À cela, Naruto plissa les yeux avec scepticisme. Bien sûr, juste un peu campé sur ses convictions. Quoi que cela veuille dire.

« Amène-moi avec toi, Sasuke », insista-t-il. « On n'est même pas obligé de prendre le train ou l'avion. On pourrait y aller en voiture. Ce serait comme une sorte de road trip ! »

« Un road trip ? », répéta le cadet Uchiha, les sourcils arqués d'incrédulité.

Naruto hocha vigoureusement la tête, sans laisser le pragmatisme de son amant entacher son enthousiasme renouvelé.

Quand il songeait à un road trip, l'image qui lui venait en tête était criante de vie : un groupe d'ami à l'intérieur d'un fourgon aménagé, en train de rouler sur la célèbre route 66. L'océan pacifique en vue. Des rires s'échappant hors de l'habitacle, à travers les vitres ouvertes, transportés par les effluves d'air extérieur. Une lumière rasante et chaude qui irradiait les cheveux des passagers, d'une étincelle teinte cuivrée.

« Ce sera géniale, tu verras ! »

Sasuke souffla de rire, un sourire étrangement indulgent aux lèvres. Naruto était sûr de l'avoir convaincu. Il était ridicule d'insister ainsi pour l'accompagner, à coup sûr, son père allait s'imaginer des choses tout comme Itachi, mais c'était plus fort que lui.

C'était déjà difficile de résister toute la semaine pour ne pas lui sauter dessus quand il se croisait au travail. Il voulait passer ce week-end avec Sasuke.

S'il était honnête avec lui-même, il admettrait qu'il voulait passer chaque minute, chaque seconde, de chaque jour avec lui.

Mais il n'en était pas encore là.

« Si tu le dis », reprit Sasuke en haussant les épaules. « Pourquoi pas. »

« Tu ne mas toujours rien demander », sourit Naruto, espiègle.

Sasuke leva les yeux au ciel, mais il souriait toujours. Il céda à son exigence :

« Veux-tu venir avec moi, Naruto ? »

« Oui ! »

Il aurait voulu rester pour commencer à discuter du voyage, mais il devait se préparer pour aller au travail. Il comptait emprunter des vêtements à Sasuke et d'autres articles de toilette, car retourner cher prendrait trop de temps.

Mais il était déjà tellement excité !

.

.

.

La veille de leur départ, ils décidèrent que Naruto allait passer toute la journée chez Sasuke. Ainsi, il serait plus facile de peaufiner ensemble les derniers détails de leur périple – lequel s'annonçant somme toute tumultueux -, notamment en décidant de l'heure du départ et également en déterminant le meilleur itinéraire à emprunter pour quitter Tokyo sans tomber dans d'interminables embouteillages.

Ils passèrent toute la journée à se chamailler pour un oui ou pour un non plus souvent qu'ils s'étaient mis d'accord. À terminer de faire leurs bagages respectifs, tâche épuisante lorsqu'on était bordélique et insoucieux comme Naruto et maniaque et précautionneux comme Sasuke. À remplacer la trousse de toilettes de Naruto par des articles que Sasuke avait – sans surprise – en double dans ses placards de salles de bains, parce que le blond avait oublié celle qu'il avait préparé pour le voyage sur son lit comme un idiot et que c'était plus simple de piquer les articles neufs de Sasuke que de retourner chez lui la récupérer.

Enfin, ils partagèrent une routine de nuit, à se brosser les dents côtes à côtes comme un vieux couple marié plongé dans leur bonheur domestique. Ils se mirent au lit, enlacés étroitement, avec Sasuke en petite cuillère, parce qu'il aimait être tenu, même s'il préfèrerait probablement être saigné à mort plutôt que de le reconnaitre. Ce qui n'était pas grave, en réalité, parce que Naruto adorait le tenir tout autant que Sasuke appréciait être tenu.

Lorsqu'il s'éveilla en pleine nuit, le premier réflexe qui vint à Naruto fut d'éveiller Sasuke d'un baiser, espérant que cela serait assez clair qu'il était tout à fait disposé pour un autre round. Ce n'était pas la première fois – et certainement pas la dernière non plus -, qu'il avait une furieuse envie de sexe au point où il ne parvenait pas à être assez détendu pour dormir. Sa libido était comme qui dirait en feu depuis que Sasuke et lui couchaient ensemble. Et même avant, d'ailleurs.

Comment cela ne pourrait-il pas être le cas,quand son amant ressemblait à une représentation vivante d'un Adonis sur terre ?

Oui, comment résister ? Les lèvres de Sasuke étaient si douces, si chaudes et si consentantes entre les siennes que cela lui sembla merveilleusement naturel.

Bientôt, les grognements et soupirs extasiés du jeune homme brun le ravirent. Maintenant parfaitement réveillé, son amant répondait avec enthousiasme à chacun de ses transports.

Ils continuèrent à se procurer mutuellement du plaisir, se prélassant dans la douceur des draps de soies. Tant et si bien que Naruto se sentit totalement perdre la notion du temps. Il aurait pu être l'aurore ou le crépuscule sans que cela ne l'atteigne d'une quelconque façon.

Cependant, à regret, les deux jeunes hommes durent se séparer des bras de l'un de l'autre. Car Naruto constata brusquement qu'il mourait de faim. Sasuke se redressa et alluma un lumignon pour guider ses pas jusqu'à la cuisine.

Quand il revint au lit quelques minutes plus tard avec un grand plateau chargé de victuailles, Naruto poussa une exclamation aussi extasiée qu'un cri d'amour.

« Je suis affamé ! », déclara-t-il.

Ils improvisèrent un festin sur l'édredon de plumes et burent joyeusement le reste d'un vin blanc ouvert la veille. Puis Naruto s'allongea, rassasié…et ouvrit des yeux horrifiés en découvrant Sasuke allongé près de lui, l'air espiègle, une cuillère pleine de confiture de fraise à la main. Lorsqu'il commença à pencher la cuillère au-dessus de son ventre nu, un petit rire nerveux secoua le blond.

« Non ! », se recria-t-il. « Tu n'oserais pas, je sais que tu as horreur de gaspiller la nourriture. »

« Qui a parlé de gaspiller ? » répliqua Sasuke. « J'ai très envie d'une douceur pour terminer ce repas. »

Et sur ce, la confiture se mit à couler sur sa peau bronzée, s'enroulant autour de son nombril, dessinant un cœur sur son estomac, remontant entre la courbure de ses pectoraux. Il lâcha un cri offusqué, avant de frapper d'un coup de poing l'épaule musclée de son amant.

« Idiot ! Regarde dans quel état tu me mets ?! »

Sasuke se mit à rire, amusé par la vigueur de sa réaction et la verdeur de son intonation, teintée d'une pointe d'accent que Naruto ne laissait sortir qu'à de rares moments.

« Je vais tout nettoyer. », assura-t-il.

Alors qu'il se dressait sur ses coudes, toujours furieux, l'Uchiha se pencha sur lui et entreprit d'ôter la confiture à petits coup de langues. Un gémissement tremblant échappa à Naruto.

Il se retrouva à supplier, mais Sasuke n'y tint pas compte, poursuivant son manège. Et lorsque sa bouche prodigieuse se ferma un de ses tétons, Naruto renversa la tête en arrière, vaincu et totalement consentant. Sasuke continua un moment encore, lui tirant des plaintes de plaisir, et lorsqu'il n'y tint vraiment plus, se coula dans son ventre brulant.

Naruto se laissa aller dans ses bras, avec la sensation poignante que cette place était la sienne, depuis toujours – et pour l'éternité.

.

.

.

Quelques heures plus tard, après s'être douchés, habillés, et être parvenus à se décoller assez longtemps de la bouche de l'autre pour effectuer les tâches susmentionnées, ils descendirent dans le parking de l'immeuble de Sasuke pour charger leurs quelques bagages dans le coffre de la Dodge de Naruto.

Sasuke avait été un véritable bâtard à ce sujet. Le 'tas de ferraille' que le blond trimbalait depuis l'université méritait d'être perdu par sa conduite de dégénéré, ce qui n'était pas le cas de sa Mercedes tape à l'œil. Naruto avait simplement lever les yeux au ciel et ils avaient commencé à rouler.

Sans quitter la route des yeux, il tripatouilla d'une main quelques boutons de son lecteur audio pour entamer la playlist qu'il avait préparé spécialement pour l'occasion. Lorsque les premières notes de 'Monkey Gone To Heaven' s'élevèrent dans l'habitacle, Sasuke se tourna lentement vers lui avec une expression lugubre qui faillit le faire mourir de rire.

Ce voyage l'échauffait peut-être un peu plus que de raison, il l'admettait. Mais il fallait le comprendre, il avait toujours voulu faire un tour dans les vignobles, un peu plus haut sur la côte. Il adorait utiliser sa Dodge, et conduire dans une grande préfecture comme Tōkyō n'était pas souvent des plus plaisants.

Là, avec Sasuke, c'était un peu comme un confinement hors du grand monde. Un goût de convivialité, de rire, de chaleur, et même de bonheur. C'était comme sauté d'une falaise. Avec autour de soi la nature et rien d'autre, un silence où l'on percevait le vrombissement de la cascade, la force de gravité qui nous tirait vers les eaux cristallines. C'était incroyablement excitant.

Un quelque chose comme la liberté.

Sasuke critiquait ses goûts et sa culture musicale selon lui 'désastreuse et à refaire', mais son pied cognait le plancher de la voiture en rythme avec les sonorités rocks s'échappant du vieux lecteur radio. Il fit un geste très inélégant avec son majeur, lorsque Naruto l'attrapa, lui servant un sourire narquois.

Il pensa au Sasuke ignoble et détestable qui avait fait de sa vie un enfer au lycée, et l'homme aujourd'hui assit sur le siège passager de sa voiture, avec qui il échangeait désormais des blagues, des paroles salaces et des baisers à l'occasion, essayant de faire le parallèle.

Mais il devait se rappeler que Sasuke n'était plus un adolescent maladroit. Il était devenu un homme, immense, robuste et magnifique. Il possédait toujours cette aura magnétique et irrésistible qui dépassait la simple beauté physique.

Et, impuissamment, Naruto ne pouvait s'empêcher de le regarder.

Ses cheveux noirs étaient bousculés par le vent à cause du toit baissé. La cigarette qu'il avait allumée (il ne fumait que très rarement. Il disait que ça le détendait) brulait presque jusqu'à ses lèvres, la braise incandescente du bout correspondant à la lueur qui brillait dans ses yeux sombres. La lumière déclinante du coucher de soleil le faisait ressembler à une sorte de peinture d'une beauté maniaque. Il dû détourner le regard de ce tableau enchanteresse après avoir quitté la route des yeux pendant un trop long moment.

Il souhaita soudain que Sasuke soit au volant. De cette façon il aurait pu le regarder, l'admirer, écrire des sonnets niais dans sa tête sur sa beauté et sa prestance, sans risquer de les tuer tous les deux. Sauf que Sasuke n'avait conduit que des voitures automatiques depuis qu'il avait eu son permis. Ce bâtard riche et mégalomane, de surcroit beaucoup trop attirant pour son propre bien, ne saurait probablement même pas quoi faire de sa Dodge.

Après plus heures de route, ils arrêtèrent dans un hôtel en bord de mer pour se reposer, passer la nuit repartir demain de bonne heure et arrivé vers midi le lendemain à destination.

Ce n'était pas encore la saison et les vacances étaient encore loin, donc l'hôtel était relativement vide, mais ils prirent quand même une chambre pour eux deux, avec un lit King. Naruto roula des épaules et s'étira pour effacer la raideur de ses muscles après avoir conduit pendant près de dix heures d'affiler. Il se débarbouilla dans la salle de bain de leur chambre avant de rejoindre Sasuke pour aller prendre une table au restaurant de l'établissement.

Après le diner, au lieu de retourner directement à leur chambre, ils décidèrent de se rendre sur la plage. Main dans la main, ils descendirent de la terrasse pour gagner le front de mer. Une fois sur le lieu, ils quittèrent leurs chaussures et se délectèrent d'enfoncer leurs orteils dans la tiédeur soyeuse du sable.

Ils bavardèrent de choses et d'autres et partagèrent même quelques éclats de rire. Ils avaient presque atteint les gros rochers quand une vague d'écume fraiche lécha les mollets de Naruto.

« Regarde ! », s'écria-t-il en se tournant vers son compagnon pour constater que ses yeux étaient déjà sur lui, peut-être depuis un moment. Le blond sourit, lui faisant savoir d'une voix douce : « Nous sommes allés trop loin. »

« La marée commence à monter. Viens. »

Avant qu'il ne puisse répondre, Sasuke reprit sa main et l'entraina avec lui pour remonter vers la plage. Il se lassa mener, s'enfonçant subitement dans le sable jusqu'aux chevilles, et ricana nerveusement lorsqu'il trébucha sur lui.

La proximité soudaine de son corps conjuguée à sa poigne éveillèrent en lui un nouveau frisson de désir. Il distingua son regard noir et pénétrant dans la pénombre et eut brusquement du mal à respirer, comme à chaque fois que Sasuke posait de tels yeux sur lui.

Comme s'il voulait le dévorer.

Il ressentait son désir de façon presque aussi palpable que le sable sous ses pieds.

Il fut d'un seul coup encore plus conscient qu'ils étaient seuls, bercé par le bruit des vagues et le sifflement épisodique des trains. Naruto se laissa envahir par la douceur de cette nuit de velours. Elle semblait conférer à cette plage une magie primitive qui infusait en lui fièvre des sens.

Les nuits à venir lui sembleraient bien vides, désormais, pensa-t-il avec un serrement de cœur. C'était la rançon à payer pour avoir connu une personne aussi peu ordinaire que l'était Sasuke Uchiha.

Les rayons de la lune conféraient au visage de ce dernier une beauté presque hautaine.

« Tu sais… », commença-t-il en étendant ses bras vers l'astre nocturne. « J'ai toujours voulu faire l'amour sur une plage. »

« Nous n'avons pas de lubrifiant », fit remarquer Sasuke d'une manière très tue-l'amour.

Naruto roula des yeux et le frappa au bras pour son exaspérant flegme à toute épreuve.

« Et si je te disais que je me suis préparé sous la douche avant de te rejoindre ? »

Sasuke se rapprocha et posa ses mains sur ses hanches, un sourire mi-décontenancé mi-ravi au coin des lèvres.

« Tu es vraiment quelque chose, Naruto Uzumaki. »

Naruto laissa un gloussement lui échappé et s'empara de sa bouche, savourant la douceur et la spontanéité avec laquelle le brun lui livra ses lèvres entrouvertes. Des plaintes étouffées ne tardèrent pas à s'élever, le baiser s'approfondit, et ils retrouvèrent bientôt les transports passionnés qui n'avaient jamais cessé de les unir au-delà de leurs divergences.

Ils avaient un mille de plage déserte rien qu'à eux. L'air était glacé, mais le feu dans leur corps paraissait créé autour d'eux un cercle de chaleur et d'intimité. Lentement, Sasuke entreprit de défaire sa chemise et de s'en débarrasser. Dénudant sa poitrine, ses tétons caillouteux qui parurent plus magnifique encore à la manière de l'incendie qui enflamma son regard encre de Chine. Lorsqu'il courba la tête pour déposer un baiser dans le creux de son cou, un désir si puissant embrasa le blond qu'il crut perdre la tête sur le champ. Plus rien n'existait que cette bulle de beauté et de sensualité, cette magie qui forçait leur corps à s'étreindre et à se rechercher.

Naruto avait l'impression se littéralement sentir son sang bouillonner au creux de ses veines, embrassant chaque particule de son corps. Un feu sauvage se déclara aux creux de sa bouche, savamment attisé par les mouvements incroyablement érotiques de la langue de Sasuke. Emporté par la volupté de son corps robuste qui se pressait contre lui, il se laissa aller dans ses bras et s'agrippa à ses épaules, avant de plonger les doigts dans sa chevelure épaisse et soyeuse.

Sous ses mains ardentes, il n'était plus que brasier. Jamais il n'avait éprouvé une excitation aussi intense.

Le goût de la peau de Sasuke rendait Naruto complètement fou. Il se laissa allonger sur une couverture sans quitter l'autre homme des yeux un seul instant, sachant que tant qu'ils se touchaient, Sasuke ne lui échapperait pas. Il le caressait et le réchauffait de ses mains, de sa bouche, tandis que lui-même lui rendaient ses caresses avec une audace qui les transportait. Et quand, enfin, ils ne purent supporter davantage les délicieux tourments qu'ils s'infligeaient, Sasuke repoussa hâtivement les derniers vêtements qui les gênaient pour s'enfouir dans ce ventre si doux, comme fait pour le recevoir.

« Ah, Sasuke… », murmura-t-il contre ses lèvres.

Elles avaient le goût sucré du plaisir et de l'affection.

Cette étreinte fut la plus intense de toutes celles qu'ils avaient connus jusque-là. Quand Naruto se sentit perdre le contrôle de lui-même, il souhaita brièvement se donner tout entier à Sasuke – en regrettant de ne pas avoir davantage à lui offrir.

Longtemps, ils restèrent unis dans un silence merveilleux. La paix qui envahissait Naruto lorsqu'il tenait Sasuke contre lui, après l'amour ne cessait de l'étonner. Et pour une fois, sans crainte de paraitre ridicule ou sottement sentimentale, il décida de le lui dire:

« Quand je te serre ainsi contre moi », chuchota-t-il. « J'ai l'impression que la terre arrête de tourner. »

« Je sais», répondit Sasuke, la joue pressée contre ses abdominaux. « Je ressens la même chose. »

.

.

.

La maison d'enfance de Sasuke n'était pas un manoir.

Non, en fait, c'était une petite maison de briquettes à deux niveaux avec un petit jardin bien entretenu entouré d'une haute haie. Naruto coupa le moteur de la voiture devant un petit portail en fer forgé et se tourna vers son passager.

Sasuke avait été silencieux durant toute la deuxième moitié du voyage, à ruminer dieu savait quoi. Son visage était si raide et contrôlé que Naruto se demanda quelles émotions il dissimulait vraiment derrière ce masque.

Le jeune homme se garda bien de lui poser la moindre question, même si cela le tenaillait. Évidemment, Sasuke avait son jardin secret. Ce n'était pas parce qu'il était devenu son amant qu'il avait des droits sur lui.

De toute manière, il avait des choses bien plus urgentes dont il devait se préoccuper. Fugaku Uchiha représentait en effet une épreuve de taille. Naruto n'était pas venu pour entamer un bras de fer contre le vieil homme, mais il n'allait certainement pas hocher la tête en souriant hypocritement s'il était désagréable envers lui ou son fils.

Quoi qu'il en soit, il sortit de la voiture pour aller récupérer leurs bagages dans le coffre. Sasuke quitta à son tour le siège passager pour venir l'aider avec leurs affaires, ce qui permit au blond de récupérer la bouteille du bon saké qu'il avait planqué sous le siège de la banquette arrière. Il l'avait choisi avecl'aide de Kakashi, car son beau-père s'y connaissait bien mieux que lui sur ces choses-là. Sasuke lui avait dit que ce n'était pas nécessaire, mais il avait paru scandaleux au jeune homme d'arriver les mains vides comme le pire des profiteurs.

Ils entrèrent dans la maison et une délicieuse odeur de cuisine les accueillit, suggérait que le repas était en préparation.

Itachi, ayant sans doute entendu leur remue-ménage, débarqua dans le salon, un tablier autour de ses hanches, flanqué à ses côté d'un homme du soixantaine d'année, qui avait un air si sombre sur le visage que Naruto jurerait qu'il découpait des gens dans sa cave pendant son temps libre.

Il n'eut pas le temps d'approfondir cette pensée qu'Itachi s'avancer vers lui, un sourire aimable aux lèvres. Ils se serrèrent chaleureusement la main.

« Naruto, ravi de vous revoir. »

« De même, j'espère que je ne dérange pas… »

« Bien sûr que non! Je suis heureux que vous soyez parmi nous. N'est-ce pas papa ? »

Il dit cela, et s'écarta pour laisser Fugaku Uchiha s'avancer vers eux et le dévisager de haut en bas d'un air critique. Naruto allait ouvrir la bouche pour se présenter, comme l'exigeait la politesse, mais la main de Sasuke fut soudain dans le bas de son dos.

Naruto tourna son regard vers lui, et ils échangèrent un regard entendu.

« Papa, je t'avais prévenu que j'allais emmener quelqu'un », déclara Sasuke. « Voici Naruto Uzumaki. »

« Enchanté de vous rencontrer », ajouta le blond en s'inclinant légèrement. « Merci de m'accueillir. »

Le regard de Fugaku s'attarda un dernier instant sur lui avant qu'il n'émette un fredonnement qui n'engageai à rien.

« Bienvenu », dit-il en fin, d'un air bourru. « Installez-vous. Le diner est en préparation. »

Sur ce, il tourna le dos et retourna en cuisine. Itachi lui adressa un dernier sourire avant d'aller à la suite de son père. Et à côté de lui, Sasuke poussa un soupir discret, mais pas assez pour qu'il ne l'entende pas, comme s'il était soulagé.

Naruto s'assit sur un canapé aux lignes un peu démodées et parcourut la pièce du regard. La décoration avait l'air d'être inspirée par des couleurs automnales, voire un peu fanées, tant dans l'ameublement que dans les scènes de chasse accrochées au mur, visiblement de banale reproduction. Sur une console était posée une petite lampe entourée de deux photos encadrées, l'une représentait Fugaku Uchiha alors qu'il était beaucoup plus jeune, l'autre son mariage. Le faste quasi royal de la seconde contrastait étrangement avec la banalité de ce salon pavillonnaire.

« Tu me montres ton ancienne chambre ? », lança-t-il à un Sasuke qui était posté les mains dans les postes au milieu du salon plutôt que de s'asseoir avec lui.

Il lui adressa un regard avant de hocher la tête.

« Suis-moi. »

Naruto ne se fit à prier. Il se leva du canapé et suivit Sasuke jusque dans les escaliers bois, puis dans la pièce qui s'ouvrait à la deuxième porte à gauche dans le couloir.

Sa chambre d'adolescent ressemblait à n'importe quel chambre d'adolescent, en plus soignée et mieux rangé peut-être. Encore que, son père devait faire le ménage dans la pièce régulièrement.

« Alors », dit-il en arpentant la pièce de long en large. « C'est ici que la magie opérait ? »

« On peut dire », répondit son vis-à-vis dans un hochement d'épaule. J'ai à peine vécu ici. Quand ma mère est morte, je suis allée vivre à Tokyo avec Itachi pour me rapprocher du lycée. Je ne revenais que pendant les vacances. »

Il traversa la pièce pour aller saisir un cadre sur une étagère et le lui montrer.

« C'est ma mère. »

« Oh. », souffla le blond en saisissant la photographie à deux mains, observant la femme éblouissante aux longs cheveux noirs qui souriait à la caméra. « Elle était très belle. Tu lui ressembles. »

Un sourire éphémère cibla la commissure des lèvres de Sasuke.

« Hm. », bourdonna-t-il, une sorte de remerciement en langage sasukien.

« Je n'ai pas beaucoup de photo de mes parents. », se surprit à confier Naruto. « Mes derniers souvenirs d'eux sont tellement flous et inexacts que parfois j'ai l'impression qu'ils ne sont pas forcément vrais. Je ne me souviens même pas à quoi ressemble la voix de ma mère je… »

Il s'interrompît, et se mordit l'intérieur de joues.

« Ils pourraient te le dire. Ils pourraient te parler d'eux, si jamais tu décides de reprendre contact. », proposa Sasuke, parlant évidemment de sa famille éloignée qui avait contacté Iruka.

« Ouais, je sais. », dit-il en allant reposant le cadre sur l'étagère. « C'est compliqué. Les choses ne sont jamais simples, hein ? »

Il eut un petit rire humide et s'essuya mollement les yeux.

« Pourquoi est-ce si tendu entre ton père et toi ? »

Sasuke poussa un gros soupir.

« Il y a une multitude de raison. Je pourrais trouver une multitude de raison. Quoi que je fasse, je ne suis pas à la hauteur à ses yeux. Itachi lui…non il est celui qui répond 'jusqu'où?' quand mon père dit 'saute'. Il n'est pas très emballé par le départ d'Itachi, d'ailleurs. Ça a toujours été lui et Itachi contre moi. Pas Itachi et moi contre lui. »

« Mais tu le soutiens, ton frère, n'est-ce pas ? »

« Evidemment. », répondit le brun d'un ton qui ne laissait place à aucune ambiguïté, ce qui le fit sourire. « La vie est trop courte pour courir après ce qui ne nous rend pas heureux. »

Autrefois, Naruto en aurait été interloqué.

Jamais il n'aurait cru que Sasuke serait le genre de personne à se préoccuper de choses aussi triviale que le bonheur.

Quelqu'un de froid et de cynique. Une cause perdue. C'est ce qu'il était à ses yeux, il n'y avait pas si longtemps.

Mais il savait mieux à présent. Sasuke était bien plus que ce qu'il faisait voir aux gens.

« Redescendons. », dit-il en lui prenant la main pour sortir de la pièce.

Fugaku leur avait préparé deux chambres séparées. Sasuke avait expliqué que son père était un peu vieux-jeu dans ce genre. Naruto avait haussé une épaule, sans chercher à protester. Il réfléchissait déjà à comment il allait se faufiler dans la chambre de Sasuke quand tout le monde serait au lit, alors bon. Une œillade entendue avec ce dernier lui fit comprendre qu'il ne détenait pas le monopole des bonnes idées foireuses.

Contre toute attente, le diner ne fût pas si horrible. Fugaku était courtois avec lui, mais sans plus. Il lui posa les questions d'usages, s'enquit de ses passions de manière assez formelle pour faire montre de la politesse d'usage mais pas assez personnelle pour témoigner un réel intérêt pour sa personne. Itachi lui, était aussi charmant que dans son souvenir. Souriant, poli et prenant un malin plaisir à taquiner son cadet. Leur père s'était retiré de l'espace publique depuis la mort de sa femme. Et les années à vivre en ermite n'avait rien arrangé à son caractère rigide. Alors c'était une bénédiction qu'Itachi soit là pour rendre les choses moins raides.

« Depuis quand êtes-vous ensemble ? », demanda soudainement Fugaku.

Naruto s'immobilisa.

« Tu n'as jamais ramené quelqu'un avant », poursuivit le père de Sasuke, s'adressant clairement à ce dernier.

Naruto s'était douté après que Sasuke avait affirmé que son père était du genre 'campé sur ses positions', qu'il n'avait pas ramener beaucoup de gars à la maison, mais il ne pensait pas être le premier. D'autant plus qu'ils n'étaient même pas vraiment un couple !

« Tu n'as jamais montré que tu y serais ouvert. », rétorqua son amant.

Fugaku leva un sourcil.

« Tu n'as jamais essayé. »

Voyant que Sasuke allait répliquer, et prolonger ce gênant va et vient, Naruto le devança :

« Ça ne fait pas longtemps », dit-il avec un sourire un forcé. « Que nous sommes ensemble. »

Il jeta un regard inquiet à Sasuke mais ce dernier ne parut pas scandalisé par cette terminologie. Naruto imagina qu'il n'avait pas envie d'expliquer à son père que lui et l'homme qu'il avait ramené chez eux étaient dans une sorte de relation 'sex-ennemis'.

Fugaku se racla la gorge :

« Je sais que nous sommes souvent en désaccord… mais je suis heureux que tu sois là, mon fils. »

Un ange passa dans un silence très pesant.

Sasuke était figé comme une statue de marbre, cherchant visiblement quoi répondre à cette déclaration hors du commun de la part de son si rigide paternel. Son air de merlan frit aurait presque été drôle, si Fugaku n'attendait pas une réaction avec un air bizarrement incertain.

Décidant d'intervenir, Naruto donna un coup de pied à Sasuke sous la table suivi d'un regard appuyé qui signifiait ditquelque chose, imbécile !

Fortuitement cela sembla être suffisant pour que Sasuke réagisse :

« Je suis heureux d'être là aussi. »

« Hm, oui je…je vais aller me coucher », déclara Fugaku en se levant. « Bonne nuit à tous. »

Itachi intervint à son tour :

« Je crois que je vais aller me reposer aussi, la journée a été longue. Bonne nuit, les jeunes. »

Seigneur, ça faisait vraiment peine à voir, tous ces Uchiha constipés des émotions.

Peu de temps à près, après que Sasuke et lui aient débarrassé la table et fait la vaisselle, ils allèrent également se coucher. Ou au moins firent semblant.

Allongé sur son lit à fixer le plafond, Naruto attendit que la maison soit totalement calme pour se glisser hors de ses couvertures et attraper la bouteille de lubrifiant que Sasuke et lui avaient acheté à une dernière station-service avant d'arriver ici. Il sortit son téléphone et envoya un texto à ce dernier pour l'avertir de laisser sa porte entrouverte. Il n'obtint pas de réponse, mais ne s'inquiéta pas. Avec tous les regards équivoques qu'ils avaient échangés pendant le diner et avant de faire mine d'aller se coucher, Naruto allait castrer cet imbécile s'il avait osé s'endormir.

Le cœur battant jusque dans ses pieds, il se faufila dans le couloir. Heureusement, la chambre de Sasuke était juste en face de la sienne. L'intéressé, loin d'être happé dans les affres du sommeil, l'attendait, assit au bord du lit. Il se leva pour venir à sa rencontre.

« Naruto… »

« Chutttttt », lui rappela-t-il, en gloussant comme une oie.

Ce n'était vraiment pas le moment le plus adéquat pour rire. Mais la situation était si surréaliste, c'était plus fort que lui.

Sasuke grogna en se pressant contre lui. Il était déjà dur. Lui-même n'était pas en reste. L'interdit avait ajouté un nouveau frisson.

Mais alors qu'il se penchait pour capturer ses lèvres, les pensées noires qui le poursuivaient depuis cet après-midi refirent brusquement surface.

Peut-être que si Sasuke avait été silencieux à la fin, c'était parce qu'il ne voulait pas vraiment qu'il soit là avec lui. Peut-être aurait-il aimé profiter des derniers instants avec son frère sans que Naruto ne s'incruste comme un foutu cafard. Peut-être qu'il en avait marre de leur arrangement, qu'il voulait y mettre un terme et ne savait pas comment s'y prendre. Peut-être qu'il voulait recoucher avec d'autres gars.

Peut-être, peut-être, peut-être. Tant de possibilités aussi atroces qu'horribles.

De fait, Naruto ne tenait pas à l'entendre émettre des désirs qu'il savait ne pouvoir réaliser.

Pourtant il voulait demander. Il avait besoin de savoir. Il avait besoin d'être mit au fait si oui ou non, Sasuke voyait d'autres personnes. Est-ce qu'il n'avait jamais arrêté du tout ? Ou alors, s'y était-il remis très récemment parce qu'il commençait à se lasser de ce qu'ils faisaient tous les deux et qu'il souhaitait vérifier si le pâturage était plus vert ailleurs ?

Lui n'avait vu personne. Il avait même cessé de discuter avec Susanno, nom de Dieu ! Il n'était pas sûr qu'il avait même ne serait-ce que penser à quelqu'un d'autre. Sa vie s'était divisée en deux parties distinctes mais pas discordantes: le temps qu'il passait avec Sasuke, et celui qu'il passait à penser être avec Sasuke. Planifier chaque détail de leur voyage l'avait distrait de cette récente obsession, mais pendant toute la journée, il avait eu assez de temps pour ruminer dessus. Il avait voulu aborder le sujet des centaines de fois, seulement le brun s'était montré si évasif que sur le moment, il n'en avait plus ressenti l'utilité.

Ou alors, c'était tout simplement parce qu'il avait peur de la réponse qu'il n'avait pas insisté. Il savait ce qu'il voudrait que Sasuke lui dise : je ne vois personne. Il n'y a que toi. En revanche, il ne savait pas ce que la réalité lui réservait. Pas une seule fois, l'Uchiha n'avait laissé entendre qu'il voulait ou souhaitait plus. Pas même un petit indice. D'ailleurs, comment lui, était-il arrivé à en vouloir plus ?

« Qui y a-t-il ? »

Sasuke le dévisageait avec une gravité attentive, cherchant au fond de ses yeux bleus ce qu'il essayait de lui cacher. Naruto s'avisa qu'il l'ignorait lui-même.

Aussi préféra-t-il éluder :

« Rien », assura-t-il. « Embrasse-moi. »

Sasuke ne se fit pas prier et accepta sa directive de bonne grâce. Ses grandes et belles mains pâles se posèrent à nouveau sur lui et toute capacité à penser à autre chose que sa bite extraordinaire le quitta. Quand Sasuke l'embrassait – le ciel lui pardonne, sa chair était si faible -, il se sentait transporter au paradis. Quand il lui souriait, Naruto ne savait plus qui il était. Et quand il le prenait dans ses bras, il oubliait instantanément toute frayeur.

« Je croyais que la règle 'pas de baise au bureau', venait après celle de 'pas de baise chez les parents' ? », le taquina-t-il alors que Sasuke traçait une ligne dure de suçon dans son cou.

Il ne resta pas passif bien longtemps, et le poussa sur le matelas avant de s'installer à califourchon sur ses genoux. Sous eux, le lit émit un léger grincement qui les fit se stopper brièvement. Le jeune homme tendit l'oreille, à l'affut d'un mouvement suspect, le cœur battant la chamade.

C'était une chose de s'embrasser et de se peloter en cachette dans les recoins de la maison, mais s'en était une autre de baiser comme des lapins alors que le père et le frère de Sasuke dormaient dans des chambres au même étage.

Le pauvre Fugaku aurait certainement un anévrisme s'il les surprenait en plein acte.

Evidemment, ses pensées trop bruyantes parvinrent au brun, qui lui pinça la hanche.

« Tu n'auras qu'à être silencieux. »

Naruto gloussa à nouveau, mi-nerveux, mi-excité.

Il se pencha pour l'embrasser encore, mordillant délicieusement ses lèvres. Les mains de Sasuke allaient partout: sa poitrine, ses cuisses, ses hanches, sa queue, cartographiant ses membres un par un. Naruto ne s'était jamais senti aussi proche de quelqu'un, jamais si proche de défaillir sans se soucier de ce à quoi il ressemblerait. Cela se révélait n'avoir aucune importance, en ce moment. Il s'effondra, peu soucieux de savoir si c'était étrange, ou s'il exagérait, tant que ces bras l'enlaçaient.

Tout d'un coup, il était aussi nécessaire de le regarder qu'il était nécessaire d'être regardé. Tous leurs instants partager paraissaient converger et se fondre. Le temps leur était arraché à la façon dont ils enlevèrent leurs vêtements pour faire l'amour. La puissance du corps de Sasuke. Sa présence totale et irrésistible. Il se sentait ridicule en essayant de le saisir avec des mots. Ça avait l'air mesquin, presque insultant, réduit à une simple description.

Mais que pouvait-il faire d'autre ? Le silence était un refus. Ça n'avait jamais été son fort. Il était littéralement incapable de rester calme plus de quelques secondes.

Alors il ne se hasarda pas à taire ses émotions, les laissant librement couler, gémit en rejetant la tête en arrière quand une main experte caressa sa bite, savourant l'exquise sensation de sentir Sasuke aller et venir en lui. Lentement, langoureusement. Naruto aimait leur dynamique au lit, leur bestialité, le fait qu'ils soient si désespérés l'un pour l'autre que ni le lieu, ni la façon n'avait d'importance, tant qu'ils pouvaient s'immerger l'un dans l'autre. Il aimait tellement ça. Mais il aimait aussi cette douceur, celle où le besoin de jouir n'était pas ce qui prédominait.

Brusquement, ses yeux cristal saphir s'ouvrirent. Sasuke se tenait au-dessus lui, plus irréel qu'un ithyphalle. Et la tendresse qu'il lut dans les prunelles d'obsidiennes força Naruto à réaliser pour la première fois ce qui lui arrivait : il était en train de tomber amoureux.

Il avait des sentiments pour Sasuke Uchiha qui dépassait de loin le sexe.

Ce qu'il éprouvait ne ressemblait à rien de ce qu'il avait éprouvé auparavant. C'était un sentiment étrange, une sorte de maladie dont il n'avait pas le pouvoir de se débarrasser.

Sasuke avait-il compris à la manière dont il l'embrassait maintenant ce qu'il savait ? Ou sentait-il simplement son goût dans sa bouche sans comprendre que son monde tout entier venait de sortir de son orbite habituelle ?

Il voulait profiter de ce moment. Le conserver pour toujours. Le cristalliser. Le mettre en bouteille pour le garder et le chérir. Le presser entre les pages d'un livre et l'enfermer dans son cœur. Le transformer en une perle qu'il pourra tenir dans sa bouche. La cacher en sécurité sous la langue aussi longtemps qu'il vivra. Il voulait…

Il le voulait.

Était-ce une si mauvaise chose ?

Sa peur de gâcher le moment l'ôta toute capacité à s'exprimer. Il rejeta la tête en arrière et continua à onduler du bassin.

Sasuke se redressa en s'appuyant sur sa main libre. Il attrapa ses poignets et se laissa aller en lui. Naruto ne pensa plus à rien, il se concentra sur la chaleur, le rythme de leurs corps l'un contre l'autre, trempés de sueur. Le brun l'embrassa, mordit sa poitrine, juste à l'endroit où son cœur battait furieusement, en gardant ses poignets dans sa main.

Il sentait l'orgasme monter en lui, entre ses hanches, dans sa colonne vertébrale. Sasuke le pénétra plus vite et plus fort, les yeux brûlant d'excitation.

Son propre corps aussi était brûlant : ses jambes, sa colonne vertébrale. Il se cambra brusquement. L'image de cet homme, sa queue lourde et toujours dressée entre ses cuisses ouvertes, transpirant, étonné de prendre tant de plaisir au sexe, l'obsédait.

Son regard, sa propre excitation…son attitude le bouleversaient.

Il s'abandonna.

Ses hanches tremblèrent, son corps se contracta.

Et il jouit très fort, un long cri s'échappa de sa bouche, aussitôt étouffé par des lèvres conquérantes.

Sasuke se retira afin de lui éviter tout inconfort ou sursimulation et (il faisait toujours ça quand c'était Naruto qui arrivait le premier), attrapa sa queue pour se branler.

Naruto se redressa sur ses coudes, captivé par le mouvement de sa grande main sur sa queue tout aussi grosse, ses sourcils froncés, ses lèvres mordues qu'il finit par relâcher au moment où il jouit, déversant son foutre sur le ventre du blond.

L'urgence de son désir passé, Naruto éprouvait une nouvelle sérénité. Appuyé sur un coude, il regardait Sasuke, le caressait, le touchait, doucement, incapable de dormir. Il aurait été présomptueux de penser au sommeil alors qu'il était là, se prélassant dans la douceur qu'ils avaient partagée, alors qu'il pouvait le garder là, près de lui, et oublier quelques minutes, quelques secondes, ses insécurités. Expérimenter chaque possibilité de cette brève affection pendant qu'elle était encore si incroyablement et si précairement leur.

Il savait qu'il l'aimait, à présent. Aimer comme dans 'Amour', avec un grand A. Pas l'amour des romans à l'eau rose, des coups de foudres sous les couchées de soleil ou des romances à deux sous. Non, l'Amour qui rimait avec découverte, partage et dévotion, qui se construisait étape par étape. Et par l'amour de leur corps, ils avaient été entrainés dans l'histoire. Ils n'étaient plus en dehors, mais impliqués, dans tout ce qui était définissable, calculable en termes de mois, ou d'années, manœuvrable, destructible. Et dans cette tristesse-là, plus profonde qu'il ne l'avait jamais ressenti.

Il savait qu'il l'aimait, mais tout était encore plus compliqué. Sasuke ne lui appartenait que pour de courts instants. Il avait le droit de voir, parler et coucher avec qui il voulait sans avoir à rendre des comptes à qui que ce soit et encore moins à lui. Parce qu'ils n'étaient pas en couple. Ils n'étaient même pas vraiment 'ami' et qu'il pouvait mettre fin à leur 'arrangement commode' sans que Naruto n'ait quoi que ce soit à réfuter. Mais comme l'être égoïste, nécessiteux et avare qu'il était, il en voulait tellement plus.

Ce fut l'une des nuits les plus tristes de sa vie. Une tristesse sans âge qui s'insinuait au cœur même de ce monde nouveau et devenait, angoisse et douleur. Sasuke était là, exposé, plus proche de lui que quiconque ne l'avait jamais été, à sa disposition, pour être regardé, apprécié et aimé. Et pourtant, dans ce sommeil paisible et profond, il semblait plus éloigné que n'importe quelle étoile inaccessible. Il était si éloigné de lui que s'ils ne s'étaient jamais rencontrés. À des milliards d'années lumières de lui.

Naruto voulut pleurer, mais se retint tant bien que mal afin de ne pas le réveiller. Il ne savait pas quelle excuse il pourrait lui sortir qui justifierait la détresse qui le submergeait en ce moment. Et de toute façon, la douleur était trop forte pour être calmée par les larmes.

.

.

.

Lorsque Naruto ouvrit les yeux, il faisait jour et les oiseaux chantaient dans les arbres.

Doucement, il s'écarta des bras de Sasuke et retourna à pas de loups dans sa chambre pour faire comme s'il y avait dormi la nuit dernière. Il entra dans sa salle de bain attenante, emprunta un savon pour une toilette rapide et se brossa les dents. Il fit sa toilette, profitant de l'eau chaude pour détendre ses muscles et laver ses cheveux. Puis il retourna dans la chambre et descendit au réez de chaussée.

La table du petit déjeuner était déjà pleine de croissants chauds, de crème fraiche, de confiture d'orange et de pêches aux rondelles rosées. Sasuke était déjà là, assit devant une tasse de thé fumante, en pantalon de jogging et tee-shirt, les cheveux ébouriffés, et pourtant, toujours l'homme le plus beau qu'il ait jamais vue.

Quand Naruto s'installa à côté de lui, Itachi les regarda d'une drôle de manière, un petit sourire entendu au coin des lèvres, comme s'il n'était pas dupe et savait très bien ce qu'ils avaient fait. Le jeune homme devint rouge de la tête au pied, même s'il ne pouvait pas se résoudre à regretter. Il avait passé une merveilleuse nuit, dans l'ensemble.

« Euh…où est monsieur Uchiha ? », demanda-t-il, remarquant l'absence de Fugaku.

« Dans le jardin », répondit Itachi qui se servait du café. « Il se réveille toujours très tôt pour s'occuper de son potager. Il dit que les courgettes et les radis adorent l'aurore. »

Naruto se sentit sourire. Quand il entendait ce genre d'histoires, l'image de vieillard acariâtre du paternel Uchiha se désagrégeait lentement. Il était juste un retraité un peu bourru à qui ses enfants manquaient beaucoup.

« Outouto, as-tu finalisé le chèque pour Naruto ? », reprit Itachi en s'installant face à eux.

Naruto fronça les sourcils.

« Quel chèque ? », s'étonna-t-il en se tournant vers Sasuke, qui regardait obstinément son assiette.

« Celui versé à l'école primaire. », élabora l'ainé Uchiha. « Il ne vous l'a pas dit ? »

La surprise le figea pendant un instant. Itachi parlait-il de l'école primaire où Iruka était directeur ? Ils étaient en difficulté depuis un moment, avec les subventions qui trainaient. Naturo en avait parlé une fois avec Sasuke après qu'ils aient fait l'amour, logé dans ses bras. Tous comme ils parlaient de n'importe quoi d'autre. Il n'était même sûr que Sasuke l'écoutait à chaque fois.

Il avait tort, visiblement.

« Il ne l'a pas fait. », déclara-t-il, un sentiment d'inconfort le saisissant.

« Tu n'étais pas vraiment censé savoir. »

Sasuke dit cela, et il ne le regardait toujours pas.

« Je ne t'ai pas demandé de faire ça. »

« Je ne l'ai pas fait pour toi. », rétorqua le brun. « Il me semble que tu n'es pas élève de primaire. »

« C'est ça. Et le jour où je voudrais un jet privé, je devrais aussi te le souffler, c'est ça ? »

Il savait qu'il était injuste. En effet, c'était à tous ces enfants démunis dont Iruka s'occupait à qui bénéficierait l'argent, pas à lui. Mais c'était bien trop à gérer pour lui. S'il y a bien une chose qu'il avait apprise, c'est qu'on ne pouvait pas acheter l'amitié ou l'affection des autres.

« L'entreprise fait régulièrement des dons », insista Sasuke, lui jetant enfin un regard. « Je ne l'ai pas fait en espérant quelque chose de toi. »

Naruto voulut protester, mais Itachi le désamorça en intervenant :

« Vous aimez les enfants, Naruto ? »

« Oui, je les adore », dit-il, après un soupir. « Ils sont merveilleux. »

Et surtout, il les enviait. C'était si facile d'être un enfant. Un enfant, ça n'avait pas besoin de faux semblants, ou d'inhibitions. Ça pouvait pleurer, gémir, crier et geindre à tout moment sans que personne n'en fasse un problème. Parce que c'était naturel pour eux d'exprimer des émotions par le rire, les larmes, ou les grimaces.

Si lui se mettait à pleurer sans raisons, on tenterait sûrement de comprendre dans quelle dépression nerveuse il venait de tomber.

« Et vous en voudriez pour vous-même dans le futur ? », ajouta Itachi.

« Je ne sais pas…ça dépendra de certaines circonstances. »

Il avait toujours su qu'il voudrait adopter, un jour. Comme lui-même avait eu la chance d'être adopté par Iruka. Même s'il ne portait pas son nom et qu'il ne l'avait jamais appelé « papa ». Ainsi, de la même façon, Naruto ne recherchait pas nécessairement le titre de « père », car sa vision de la famille ne se limitait pas qu'à de simples termes. Et il s'était toujours dit que le nombre d'enfant qu'il prendrait sous sa tutelle devrait correspondre aux moyens financiers dont il disposait.

« Heureusement que les solutions se sont diversifiées pour les couples gays dans ce domaine. »

À cela, Naruto s'étrangla avec sa gorgée de café tandis que Sasuke claquait la langue contre son palais, les oreilles rouges :

« On n'en est pas encore là, Itachi. », réprimanda-t-il.

« Oui, oui, bien sûr », gloussa l'ainé.

Le reste du petit déjeuner se passe avec plus de calme. Même si Naruto boudait encore un peu que Sasuke ne lui ait pas parlé du don qu'il comptait faire. Fugaku les rejoignit, l'atmosphère bien plus détendue que la veille.

Il y avait cependant une espèce de mélancolie dans l'air. Après tout, Itachi partait bientôt pour l'autre bout du monde, Naruto et Sasuke retournaient à Tokyo le lendemain, ce serait donc la dernière fois avant longtemps qu'ils pourraient se réunir de cette façon. C'était triste quand on y pensait, mais c'était aussi ainsi qu'était la vie. Profiter des petits instants que l'on passait avec les gens que l'on aimait.

Naruto observait Sasuke interagir avec son père et son frère, heureux d'être là, avec eux. C'était tout ce qui comptait pour le moment.

.

.

.

« Il faut vraiment être sans cœur pour enfermer des animaux comme ça, hein ? », marmonna Naruto pour lui-même.

Il se tourna vers Sasuke, mais celui-ci n'avait pas l'air de l'écouter. Les yeux dans le vague, il semblait perdu dans ses pensées et nullement impressionné par le léopard.

Assaillit par une sourde angoisse, le blond se demanda pour la énième fois ce qui pouvait le tracasser à ce point.

« Hé, tu m'écoutes ? », demanda-t-il, même s'il ne s'attendait pas à une véritable réponse.

Sa réalisation d'hier avait rendu les choses tendues, bien malgré lui. Naruto n'avait juste jamais été doué pour faire semblant. Il était amoureux de Sasuke Uchiha, nom de Dieu ! Il doutait que Sasuke recherche de lui plus que du sexe. Et il respectait cela, vraiment. C'était un peu pour ça qu'ils s'étaient mis à coucher ensemble au départ, hein ? C'était pratique et sans prise de tête.

Jusqu'à ce que ça ne le soit plus.

Depuis leur arrivée dans le domaine Uchiha, Sasuke avait changé. Il était plus tendu, plus sur ses gardes, plus…comme avant. À cause des tensions entre son père et lui ? Le départ imminent d'Itachi ? Autre chose ?Naruto n'en avait aucune idée. Il se sentait coupable, pour une obscure raison. Comme s'il avait commis l'irréparable en développant ce genre de sentiments là pour ce qui n'était censé qu'être qu'une sorte de 'sex-ennemis'. Ce contre quoi ses précédentes relations ratées l'avaient mis en garde : exposer ses sentiments au grand jour. Certes, il n'avait rien dit de compromettant. Mais ses actes parlaient d'eux-mêmes.

À présent, une distance avait été instaurée entre Sasuke et lui, et il se sentait bien incapable de faire marche arrière. Bien sûr, il pouvait toujours prétendre ne pas éprouver de réels sentiments pour lui, mais il serait difficile de le duper. Il avait l'impression que l'Uchiha lisait dans son regard à quel point il était conscient de son point faible.

Et peut-être que cette distance qui se creusait d'ores et déjà était sa manière de lui répondre. De lui dire qu'il n'y aurait rien de plus. Ni aujourd'hui, ni jamais. Naruto ne voulait pas supposer, mais il voulait encore moins nourrir d'espoir chimérique.

Chaque fois qu'il ouvrait la bouche, il pouvait sentir Sasuke se contracter, comme s'il s'attendait à ce qu'il avoue un secret compromettant. Du coup, il était devenu incapable de la moindre spontanéité devant lui. D'ailleurs, lui-même ne se faisait pas confiance à ce sujet. Il brûlait de prononcer ces mots fatidiques, de se soulager du lourd fardeau qu'il portait désormais. De hurler les émotions qui déchiraient son cœur pour lui.

Or, il ne se doutait que trop des conséquences que de tels aveux auraient sur leur relation.

« Tu disais ? », bredouilla Sasuke, sortant brusquement de sa torpeur. « Tiens, allons plutôt voir de ce côté-là. »

Ils s'éloignèrent des félins pour se diriger vers une large allée très fréquentée. Naruto enfonça son chapeau sur sa tête, se félicitant que l'ombre des rebords soit assez large pour dissimuler son trouble.

Il éprouva de la compassion pour un malheureux éléphant qui trainait une lourde chaine à ses pieds et piétinait sur place tel un enfant mal aimé. Sasuke, lui, semblait plus intéressé par le groupe de visiteur essentiellement constitué par des enfants en sortie scolaire qui arrivaient face à eux.

À voir Sasuke se pencher vers les enfants, écouter attentivement ce qu'ils avaient à dire, leur tenir la main alors qu'ils flânaient devant les pachydermes, ou encore en prendre un sur ses épaules afin qu'il puisse mieux y voir parmi la foule, Naruto fut bouleversé par un sentiment de regret étouffant et comprit à cet instant que son cœur était sur le point de se briser à tout jamais.

Quand il avait appris qu'il y avait un zoo à proximité, il avait insisté pour qu'ils y aille pour s'occuper pendant l'après-midi, puisque Fugaku préférait jardiner ou s'enfermer dans son bureau que de papoter et qu'Itachi finalisait ses bagages. Il commençait à se dire que c'était une mauvaise idée. Cette sortie n'avait pas apaisé les tensions entre eux, elle n'avait fait que les mettre un peu plus en évidence.

Lorsqu'ils rentrèrent à la maison, Sasuke disparut immédiatement dans sa chambre.

Avec un soupir résigné, Naruto se dirigea vers la sienne et s'installa sur le lit. Il était torturé par toute cette situation. Il fallait qu'ils parlent, ils ne pouvaient pas laisser trainer les choses comme ça.

Naruto ne voulait plus faire ça. Il ne voulait plus coucher avec Sasuke et faire comme si de rien était, faire comme s'il ne l'aimait pas. Il allait lui avouer ses sentiments et en finir avec toute cette situation. Même si Sasuke ne l'aimait pas, ce qui était fort probable, il allait sans doute douiller et pleurer comme une grosse merde, mais il allait s'en remettre, comme toujours.

Il préférait avoir le cœur brisé et pouvoir se reconstruire dignement que de continuer ce jeu malsain.

Il se leva du lit et si dirigea vers la chambre de Sasuke. Sauf que, au bruit de l'eau qui coulait de la salle de bain, Naruto comprit qu'il devait sûrement prendre une douche et il avait abandonné son téléphone sur sa table de chevet.

Une poussée d'adrénaline s'empara brutalement de lui alors qu'il récupéra l'appareil.

Allait-il oser aller si loin ? Il hésita un instant, mais le temps lui était compté.

C'était violé la vie privée de Sasuke, c'était mal. Bon sang, il le savait. Mais Sasuke avait vu sa bite, nom de Dieu ! Et il avait vu la sienne. D'ailleurs tout était parti de là, s'il s'en rappelait bien. Donc ils s'étaient tous les deux vu nus, mais regarder son téléphone était trop intime ? Quelle blague. Ce ne serait que pour quelques secondes, ou bon quelques minutes, le temps de voir s'il parlait à d'autres types.

Comme ça, Naruto serait totalement fixé. Il se conduisait comme un foutu petit ami jaloux, mais à ce stade, il n'avait plus honte de rien.

Il essaya de déverrouiller le téléphone, mais il y avait un code. Évidemment qu'il avait un code. Naruto avait lui-même un code sur son propre téléphone, même si c'était une série de quatre zéros qu'il utilisait pour presque tous ses codes pins parce qu'il avait peur de l'oublier, sinon. Mais Sasuke n'était pas aussi peu méticuleux que lui, bien au contraire, il était même complètement maniaque.

Soufflant de frustration, il tapa l'anniversaire de Sasuke. Échec. Bien sûr ça aurait été trop facile sinon.

Il tapa le sien. Échec. Ça aurait été trop beau pour être vrai.

Il ne lui manquait plus qu'une tentative. Naruto se mordit la lèvre inférieure, son cerveau tournant à plein régime. Il n'avait plus droit à l'erreur, alors il écarta des possibilités peu probables comme la date d'anniversaire d'Itachi ou de son père, qu'il ne connaissait ni l'un ni l'autre, de toute manière.

Il entendit l'eau se couper dans la salle de bain et dans un sursaut, tapa la date où Sasuke et lui avait commencé à se voir de…cette manière-là. Et miracle, c'était ! L'écran d'accueil remplis d'application du téléphone apparut. Naruto scrolla entre les écrans jusque tomber sur un dossier d'application qui s'appelait 'divers'.

Il pu constater que Sasuke n'avait que Grindr, comme seul application de rencontre. Un sursaut de conscience fit hésité son doigt à la dernière minute avant d'appuyer sur l'icône de l'application, mais il avait besoin de savoir.

Sasuke parlait avec un utilisateur nommé Kitsune0314.

C'était la seule personne avec qui il avait discuté ces derniers mois.

Et son nom d'utilisateur était…Susanno.

Un vertige s'empara de Naruto alors qu'il s'efforçait, incrédule, d'assembler les pièces du puzzle.

À ce moment précis, Sasuke sortit de la douche, une serviette attachée autour de ses hanches, et une autre plus petite, avec laquelle il frictionnait ses cheveux. Il leva les yeux sur lui, rencontrant son regard sans doute furieux et trahis.

« Quand est-ce que tu comptais me dire que tu étais Susanno ? », l'attaqua-t-il d'emblée.

Il s'approcha de lui d'un pas enragé et lui agita le téléphone sous le nez, où leurs conversations étaient toujours clairement en évidence.

Sasuke lui jeta un regard impassible.

« Tu fouilles dans mon téléphone maintenant ? »

« Ne change pas de sujet ! », explosa le blond. « On s'en fou que je fouille dans ton tel. Tu me baises et tu refuses que je fouine ? La bonne blague ! Mais je comprends bien pourquoi, à présent. »

Il secoua la tête balançant le portable sur le lit avant de croiser les bras. Il était en colère, il était blessé et surtout, il voulait des réponses.

« Quels étaient tes desseins secrets ? Te moquer de moi ? Répond Sasuke ! »

Mais l'Uchiha demeurait silencieux. Il avait cessé de s'essuyer les cheveux, ses lèvres d'habitudes si pulpeuses étaient une fine ligne, sa mâchoire si serrée que Naruto vit un muscle y tressaillir.

Son mutisme, loin de le satisfaire ne fit qu'alimenter le feu de sa colère.

« Tout est partie de ce pari stupide », dit-il dans un souffle, appliquant toute sa retenue pour ne pas exploser davantage. « Je le sais, je l'ai admis devant toi, en dépit de tous les efforts que cela a pu me couter. Je me suis excusé ! J'ai reconnu mon erreur! J'ai essayé de faire franc jeu avec toi ! J'ai essayé d'oublier que tu pouvais être aussi... »

Frustré au possible, il agita la main pour englober toute sa personne.

« Toi… »

Sasuke baissa les yeux et inspira une grande bouffée d'air. Il déglutit, mais sa voix sortie quand même rauque quand il se décida enfin à dire quelque chose :

« Je peux tout t'expliquer. »

Naruto ne parvint pas à s'empêcher de rire froidement.

« Je n'ai pas besoin que tu m'expliques quoi que ce soit. »

Il avait été stupide de croire qu'il l'avait compris. Qu'il l'avait cerné. Il avait l'impression de voir à nouveau cet être qu'il méprisait tant autrefois. Quelqu'un de froid et de cruel, qui prenait plaisir à faire souffrir les autres.

« Je savais que tu me détestais, mais pas au point de me prendre pour un idiot jusqu'à la dernière seconde. À quoi est-ce que tu jouais en faisant ça ? Ça te faisait rire de te foutre de moi ? Tu cherchais un moyen de te venger pour ce que j'ai fait dans les toilettes de l'hôtel c'est ça ?! »

« Non Naruto, non. Je te jure que ce n'est pas ça. »

« Alors pourquoi ?! » parvint-il à articuler, d'une voix brisée.

Les yeux noirs de Sasuke semblèrent vaciller un instant, puis il soutint son regard avec franchise.

« Je ne t'ai jamais détesté. »

« Quoi ? »

« Je ne t'ai jamais détesté », répéta-t-il, plus fermement. « Quand nous étions plus jeunes, tu m'exaspérais, me faisais tourner en bourrique, je ne te comprenais pas. Mais je ne te détestais pas. J'en serais incapable. »

Estomaqué, Naruto le dévisagea alors que l'indigeste vérité faisait de moins en moins sens.

« Qu'est-ce que tu racontes, Sasuke ? Tu passais ton temps à te foutre de moi ! Tu avais ton petit groupe dédié au foutage de gueule de Naruto Uzumaki !»

« Je ne savais juste pas comment…attiré ton attention. », avoua-t-il en bredouillant d'une manière qui ne lui ressemblait guère. « Et d'une certaine façon, je me disais qu'en te faisant me haïr, ça simplifierait la situation et que j'arrêterais peut-être de ressentir…ces choses, pour toi. »

« Qu'est-ce que…qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Je dis que je t'aime Naruto. », déclara-t-il en le regardant d'une façon trop intense, le faisant tressaillir. « Je t'aime. »

Naruto ouvrit la bouche, puis la referma. Ce n'était pas tous les jours que quelqu'un parvenait à le laisser bouche bée, mais Sasuke venait de réussir cet exploit.

Il recula, comme frapper par cette déclaration d'amour, et voulut tourner les talons pour…il ne savait pas trop quoi, s'enfuir ? Aller crier dans un oreiller ? Mais Sasuke lui saisit le bras, lui jetant un regard extrêmement blessé.

« Je t'avoue que j'ai des sentiments pour toi et toi tu décides de te casser ? »

Naruto se tourna brusquement vers lui.

« Je panique, d'accord ?! »

S'il y avait bien quelque chose de plus terrifiant que Sasuke ne retournant pas ses sentiments. C'était Sasuke retournant ses sentiments.

Sans prévenir, toutes les crasses qu'il lui avait fait subir au lycée parurent lui exploser au visage.

«Tu me parles de sentiments ? D'amour ? Mais est-ce que tu sais même ce que cela signifie ? »

Ce fut au tour de Sasuke reculer, toucher par le fiel qui jaillissait de sa bouche. Cependant, il sembla vite se ressaisir.

« Quand tu es arrivé dans l'entreprise, j'ai essayé de faire un pas vers toi, mais tu ne voulais même pas entendre parler de moi. Tu ne m'as jamais laissé l'occasion de reconnaitre que… j'ai eu tort d'agir comme je l'ai fait, autrefois. »

« Parce que tu croyais que dix ans après, c'était le bon moment pour éclaircir les choses ? Hein, Uchiha ? J'ai été stupide de t'accorder le moindre crédit. Cette histoire avec Susanno me montre encore plus à quel point tu peux être mesquin. »

Il se passa une main furieuse dans sa chevelure désordonnée avant d'assener :

« Tu es le connard qui a passé tout le lycée à me pourrir l'existence ! »

« Je n'ai jamais été doué pour ça ! », explosa à son tour Sasuke. « Je ne suis pas doué pour ça et tu le sais. J'ai mal agi, et au moment où je m'en suis rendu compte, c'était trop tard. »

Il baissa les yeux, et termina dans un murmure :

« Je ne voulais pas me moquer de toi. Je voulais juste…je voulais… »

Son front été plissé d'un air contrit, mais Naruto était trop remonté pour se laisser attendrir par le moindre sentiment de compassion.

« Je t'ai toujours envié. », poursuivait Sasuke, sans se départir de cet air de chiot battu. « J'enviais ta force, la manière dont tu avais de régler les problèmes comme si ce n'était rien…comme si peu importe ce qui se dresserait devant toi, tu l'affronterais. À côté de toi, je n'étais un gamin qui n'avait que la colère comme seul moyen d'expression. Je n'ai jamais voulu m'en prendre à toi en particulier…je venais de perdre ma mère j'étais perdu et… »

« Moi aussi j'étais perdu ! On était tous paumé, Sasuke. Je n'avais pas de parents non plus ! Mais ce n'est pas pour autant que je me suis transformé en monstre. Ce n'est pas pour autant que je martyrisais des gens autour de moi en leur faisant croire qu'ils étaient moins formidables que ce qu'ils sont vraiment. »

Il dut prendre sa respiration profondément pour retrouver son sang-froid.

« Je me rends compte à quel point j'ai été stupide toutes ces années d'attendre un geste de ta part… »

« J'ai essayé de m'excuser ! », objecta Sasuke. « J'ai essayé de t'approcher. À maintes reprises. »

« Vraiment ? », ricana-t-il, en haussant les épaules. « Tu vois, ça ne changerait rien. Ça ne changera rien du tout à ce qui s'est passé. »

Il avait longtemps cru que le jour où Sasuke reconnaitrait avoir eu tort d'agir comme il l'avait fait au lycée, ce serait une victoire.

Il ne savait même pas pourquoi il lui vomissait tout ça. À l'instant où les mots s'échappèrent de sa bouche, il sut qu'il était allé trop loin.

« Naruto, je… »

« Ne dit rien ! », le coupa-t-il plus sèchement que voulu. « J'ai juste besoin…d'un peu d'air. »

Il savait depuis le début que cet instant finirait par arriver. Que leur histoire branlante devait avoir une fin. Mais il avait beau l'avoir senti venir, la douleur d'y faire face ne s'en retrouva guère amoindrie.

« Passe mes remerciements à ta famille pour leur accueil. »

Il aurait aimé rester. Comme les autres fois, il aurait aimé s'asseoir avec lui, jusqu'à ce que l'obscurité descende, jusqu'à ce qu'ils puissent tous les deux se confier plus librement, jusqu'à ce que la situation devienne moins embarrassante.

Mais il fallait qu'il parte.

« Au revoir, Sasuke. »

.

.

.

Quand après avoir passé les derniers jours à se réveiller dans les bras chauds de Sasuke, Naruto ouvrit les yeux sur le plafond terne de sa chambre à Tokyo, il sentit une solitude sans nom s'infiltrer dans chaque fibre de son corps. Au silence, et à l'impression de vide qui flottait dans la pièce. Comme si toute énergie avait brusquement disparu de l'air qu'il respirait.

Il resta blotti sous ses draps, immobile, les paupières closes. Il refusait de bouger, de réveiller par un seul geste les souvenirs encore frais de leurs nuits d'amour, même si toute son âme en portait encore les traces.

Et pourtant, en dépit du fait que Sasuke lui manquait atrocement, malgré tout son abattement, il ne pouvait pas rester éternellement à se languir dans ses couvertures, telle une stupide héroïne de comédie romantique. Putain non, il avait une existence à mener, un avenir à mettre en place. Des décisions à prendre.

Il avait besoin de remettre de l'ordre dans sa vie. Se décider si oui ou non, il aurait assez de force pour entrer en contact avec sa famille éloignée. Préparer son départ de l'entreprise et son entrée en école de formation. Ajuster son budget pour les deux prochaines années, planifier ses stages dans les écoles primaires aux alentours. Bref, il n'avait tout simplement pas le temps de pleurer sur ce qui était probablement sa vraie première déception amoureuse.

De plus, Sasuke de son côté, ne devait certainement pas se morfondre. Naruto n'imaginait pas une situation dans laquelle 'Sasuke Uchiha' et 'morfondre' seraient employés en même temps. Et quand bien même, lui aussi avait des choses à mettre au clairdans sa vie : le départ de son frère, la reprise de l'entreprise…

Rassemblant sa volonté, Naruto rejeta les couvertures et se leva.

Il se prépara pour aller travailler, ce qui s'avéra plus pénible encore que d'habitude mais il réussit à arriver à l'heure. Tout comme il réussit à ternir sa barque tout au long de la semaine, boucler ses dossiers, éviter Sasuke du mieux possible ainsi que toutes les personnes qui seraient susceptible de lui parler de lui. Puis, alléluia, le week-end arriva et il se rendit chez ses parents. Ce n'était pas la date de leur rassemblement mensuel, mais rester cloitrer chez lui tout le week-end à broyer du noir tout en mangeant des nouilles froides, il passait son tour.

De plus il y avait beaucoup de choses dont il voulait parler avec ses pères. Au plutôt avec Iruka, puisque quand il arriva à la maison, il découvrit que Kakashi était en déplacement pour quelques jours. Donc. Il souhaitait se confier à Iruka. Lui de sa…il ne dirait pas relation avec Sasuke, mais plutôt la situation actuelle entre eux deux, en premier lieu. Il y aurait tant de chose à dire là-dessus.

Toutefois il pensa à s'abstenir pour le moment. Tant que tout était encore si incertain. Mais il y avait quand même un chose qui mijotait en lui depuis un pas mal de temps qui ne pouvait pas attendre:

« Je vais démissionner de GEUC », annonça-t-il de but en blanc.

Iruka cessa son remue-ménage et se tourna vers lui. Il tira la chaise à côté de la sienne, s'y installa et le dévisagea avec appréhension.

« Il s'est passé quelque chose ? »

Naruto se mordit l'intérieur des joues, les mains si tremblantes de nervosité qu'il dut fermement les entrelacer. Dire les choses à voix hautes allait les rendre plus réelles, plus tangibles.

« Non, enfin oui. J'ai juste réalisé que je n'y suis pas vraiment à ma place. »

C'était si laborieux à expliquer avec des mots. Quelque chose qui allait trop de soi pour être énoncer avec des phrases toutes faites.

On pouvait passer toute une vie à attendre un grand déclic, une seconde chance, une pause qui arrangerait tout. Mais la vie était trop courte, trop éphémère pour perdre du temps à courir après des choses qui ne nous rendaient pas vraiment heureux.

C'était risqué. C'était niais. C'était peut-être même stupide, mais c'était ce qu'il voulait de tout son cœur.

« Et là, c'est le moment où tu me passes un savon en me traitant d'idiot et menace de me renier si jamais je quitte un poste aussi important que celui que j'occupe à GEUC. »

« Naruto », commença Iruka de cette voix calme et emplie d'affection qui lui donnait l'impression d'être encore cet enfant qui courrait se cacher dans ses bras lorsque le monde devenait trop sombre. « Depuis combien de temps rumines-tu dessus ? »

« Un moment », répondit-il, évasivement.

Iruka lui lança un regard peu impressionné, ce qui le mit un peu sur la défensive.

« Tu ne penses pas que j'agis sur un coup de tête ? Que je le regretterais ? Tu ne crois pas que je suis en train de gâcher ma vie ? »

Naruto avait trente-deux ans. Il était adulte. Il n'avait techniquement pas besoin de la permission de qui que ce soit pour entamer des changements radicaux dans sa vie. Il pourrait bien décider de s'inventer nudiste que cela n'en tiendrait qu'à sa pomme. Cependant, Iruka était son tuteur, son père de substitution. Son père tout court, en fait. L'homme qui l'avait élevé, qui avait pansé ses blessures : celles aux genoux et celles au cœur. L'homme pour qui il représentait le monde. Et s'il y avait bien un avis qui était susceptible de faire basculer ses choix dans un sens ou dans un autre, c'était bien celui d'Iruka.

« Ce que je crois », commença calmement ce dernier. « C'est qu'une fois, juste une fois dans sa vie, on devrait avoir suffisamment confiance en quelque chose pour tout risquer pour ce quelque chose. Alors ce n'est pas à moi que tu dois poser toutes ces questions. Mais à toi-même. »

Son regard se fit plus incisif :

« Es-tu sûr, Naruto ? »

Les lèvres du jeune homme s'étirèrent dans un petit sourire.

« Oui. Plus sûr que je ne l'ai été depuis bien longtemps. »

.

.

.

Le week-end suivant, alors que Naruto était toujours dans sa phase d'évitement, Sakura débarqua chez lui. Heureusement, elle ne lui proposa pas de sortir comme elle l'aurait fait habituellement, comprenant qu'il n'était pas dans son assiette ces derniers temps.

Même si 'pas dans son assiette', était un doux euphémisme. Ce qui rendait son travail plus supportable dernièrement, c'était la perspective de le quitter très prochainement. Et en ce qui concernait Sasuke, il ne voulait toujours pas y penser…

Sakura fut solidaire quand il lui expliqua globalement la situation. Le voyage chez le père du brun, le départ prochain d'Itachi, et l'impasse dans laquelle ils se trouvaient tous les deux par la faute de ce mensonge sordide de faux compte sur Grindr.

Son amie écouta son laïus, hochant la tête à certains moments pour montrer qu'elle écoutait, ce qu'il appréciait, même si elle régissait un peu trop calmement à la situation à son goût. Il lui annonçait quand même qu'il s'envoyait en l'air avec Sasuke Uchiha depuis plusieurs mois et que maintenant ils avaient en quelque sorte rompu parce qu'il lui avait odieusement menti comme un sale troleur, même si de base, ils n'étaient pas vraiment ensemble, et tout ce qu'elle faisait c'était hoché la tête comme un coucou.

C'était bizarre, mais peut-être qu'elle aussi était fatiguée par le travail. Ou qu'il avait été trop habitué à sa brutalité tant physique qu'en terme d'élocution, et que maintenant que la vieillesse attrapait leur os, elle s'adoucissait.

Quoi qu'il en soit, le sujet Sasuke Uchiha fut bouclé pour la soirée tandis que le nouvel épisode de leur télé-réalité préférée passait. Tout du moins, c'était ce qu'il avait cru, car au beau milieu d'une conversation sur les pronostics de cette saison, lorsque la jeune femme lâcha brusquement :

« Il faut que je t'avoue quelque chose. »

Elle lui jeta un regard angoissé, et se mit à se tordre les doigts dans tous les sens, un geste de nervosité dont elle n'était jamais parvenue à se débarrasser depuis qu'il la connaissait.

Naruto se figea, imaginant instantanément le pire. Ces derniers temps, il avait une relation compliquée avec les cachoteries et les grandes révélations. Pour qu'elle soit si agitée, il fallait vraiment que ça soit quelque chose de grave.

« Qu'est-ce que tu dois m'avouer ? », demanda-t-il en la fixant à son tour avec inquiétude, attrapant la télécommande pour mettre leur programme en sourdine. « Tu as le sida ? Tu as gagné au loto et t'as perdu le tiquet ? »

Sakura leva les yeux au ciel.

« Non, idiot ! »

« Quoi alors ? », insista-t-il plus curieux qu'inquiet à présent.

Quoi qu'elle ait à lui dire, Sakura était sa meilleure amie depuis des années, ce devait donc probablement être quelque chose de gérable. Probablement.

« Tu te souviens du mardi où nous sommes sortis avec la bande et que Sasuke a soudainement débarqué ? », commença-t-elle alors que la mention de l'Uchiha raviva à la fois sa douleur et les doutes qui l'avait assailli au changement brusque de conversation. « C'est moi qui lui aie donné l'adresse du bar. »

Naruto s'immobilisa.

« Quoi ?! », grinça-t-il.

« Je suis désolée ! », s'exclama la jeune femme les mains en l'air comme s'il la menaçait avec une arme de poing et pas avec des yeux assombris de colère. « Il m'a écrit, et apparemment tu lui avais dit, enfin tu avais dit à Susanno que tu sortais. Alors il est venu me demander l'adresse et je la lui ai fournie. »

« Quoi ?! », répéta-t-il, très éloquemment.

Sakura eut un petit soupir mais ajouta tout de même :

« Je savais qu'il avait des sentiments pour toi depuis tout ce temps. Il m'avait fait promettre de ne rien te dire, et tu sais à quel point il peut être convaincant quand il le veut…mon dieu, c'était une torture de le voir se languir de toi pendant toutes ces années, je voulais juste vous donner un coup de pouce. »

« J'arrive pas à y croire… », souffla-t-il en laissant son dos cogner le dossier de son siège, fixant le vide. « Ma vie entière est donc un mensonge ? »

Sakura lui administra un coup de pied bien senti dans le tibia.

« Cesse d'être aussi mélodramatique ! », le réprimanda-t-elle alors qu'il grimaçait.

Même avec ses pantoufles d'invités roses vif à motifs de lapin, elle avait toujours beaucoup trop de force pour une femme d'un mètre soixante-deux.

« Naruto. Écoute-moi. », reprit-elle avec un sérieux qui le força réellement à se taire et à écouter. « Je sais que c'est compliqué, c'est généralement comme ça que se passent les relations entre adultes. Les choses devraient être simples et pourtant, c'est tout le contraire. Pendant des années je t'ai vu souffrir de ne pas réussir à faire durer tes relations amoureuses, à chaque fois, tu en ressortais un peu plus détruit. Et du côté de Sasuke, je le voyais souffrir d'être incapable de se rapprocher de toi à cause de ce qui s'est passé au lycée entre vous. »

Naruto ne savait pas quoi dire. Il se sentait bouleverser par toutes ces révélations. Jamais dans ses rêves les plus fous il n'aurait pu imaginer un tel scénario.

Il resta silencieux un long moment, à fixer ses pieds emprisonnés dans ses propres pantoufles bleu-ciel, pensif. Incertain, aussi.

« Vous êtes mes amis tous les deux », déclara Sakura au moment où il put se concentrer sur son visage. « Ce n'était pas une position agréable et en même temps, je me disais que ce n'était pas non plus à moi d'intervenir. Aujourd'hui, je me dis que j'aurais dû ! Ça a duré bien trop longtemps ! Je te connais Naruto, je sais que tu as des sentiments pour lui… »

« Non ! », protesta-t-il aussitôt, par pur esprit de contradiction.

Sakura, le regard plat, le dévisagea si longtemps qu'il dut s'obliger à cesser d'agir comme un enfant capricieux.

« Bon enfin oui, mais je… », il s'interrompît un instant, frustré au possible. Il se passa gravement la main sur le visage. « Il m'a menti, Sakura ! Il n'a pas cessé de me mentir, avec cette histoire de Susanno ! Franchement…que veux-tu que je puisse construire avec quelqu'un qui passe son temps à se payer ma tête ! Et autrefois, quand nous étions plus jeunes je…il m'a fait du mal, il passait son temps à se moquer de moi. Ce n'est pas facile à oublier, je sais qu'il a changé, je sais qu'il n'est plus le bâtard qu'il était avant mais je… il ne s'est même jamais excusé, Sakura. »

« Cela te soulagerait tant que ça qu'il s'excuse ? Tu sais comment il est ! Les mots, ce n'est pas sa tasse de thé. Mais je l'ai vu faire des efforts pour toi. Ne t'a-t-il pas montré par certains de ses actes qu'il t'appréciait ? Qu'il t'aimait ? Je n'essaye pas de dire qu'il n'est pas en tort, mais je te parle en connaissance de cause, je l'ai vu se morfondre pendant des années d'être incapable de se rapprocher de toi. Et ce profil de Susanoo était juste un moyen comme un autre de le faire ! »

Naruto avait de moins en moins envie de l'écouter. Parce que sa logique affaiblissait sa colère. Il savait qu'elle avait raison, ou du moins, n'avait-elle pas complètement tort. Et s'il était honnête avec lui-même, il admettrait qu'il n'était plus vraiment en colère lui-même. Il était perdu, confus, et surtout il avait peur, tellement peur de souffrir encore une fois. Mais il savait aussi que Sakura ne le laisserait plus se défiler.

Mon Dieu, dire que tout ça, était parti d'un stupide pari! Il aurait dû s'abstenir de vouloir découvrir la taille de la bite de la personne qu'il affirmait détester, ça c'est sûr !

Et voilà qu'aujourd'hui, il aimait Sasuke Uchiha. Il l'aimait peut-être, comme il n'avait jamais aimé aucun autre. Mais il était toujours aussi incroyablement déçu par ses faux semblants.

« Je sais que c'est difficile. », poursuivit Sakura, une main douce sur son bras, semblant percevoir son tumulte intérieur. « Je sais que pardonner et tout oublier n'est pas une chose simple. Mais le bonheur mérite des compromis, tu ne crois pas ? Ce n'est pas à moi de vous dire ce que vous devez faire, mais j'espère que pour une fois, juste pour une fois, vous allez vous asseoir comme deux adultes et vous PARLEZ ! J'en ai marre, je veux juste que vous soyez heureux ! »

En dépit de la situation complétement risible, Naruto se surprit à rire un peu.

« Je… merci, je suppose ? Même si je me sens toujours trahis que tu m'aies caché tout ça. »

« Naruto… », souffla la jeune femme, en lui jetant un regard coupable.

Le jeune homme ne se laissa pas si facilement amadoué par ses grands yeux verts remplis d'innocence. Il n'en connaissait que trop bien leur perfidie.

« Je ne savais même pas que tu étais si proche de Sasuke. Je suis un peu perturbé, d'accord ? C'est vrai, je l'aime. », dit-il les joues brulantes de l'admettre ainsi sans détours. « Mais tu l'as dit toi-même. Rien n'est simple dans le monde des adultes. »

Sakura hocha la tête avec complaisance. Puis décidant de passer une fois de plus du coq à l'âne elle déclara :

« On devrait se refaire une soirée dora l'exploratrice un de ces soirs, ça nous rappellera les joies de l'enfance. »

« Sakura, ne m'amadoue pas », ricana-t-il, ses doigts martyrisant les côtes maigres de la jeune femme. « Je suis toujours fâché contre toi. »

Sakura poussa un gros soupir, puis chercha la télécommande, qui s'était perdue entre les coussins, pour relancer leur émission.

Elle lui lança un regard entendu :

« Très bien, pas de problème. Soit fâché autant que tu veux mais réfléchit à ce que tu vas faire de la situation avec Sasuke. La vie est trop courte, ne gâche pas plus de temps. »

Ça c'était vrai.

La vie était courte.

.

.

.

.

.

Après que Sakura lui ait remonté les bretelles dans les règles de l'art, il devint pressant au jeune homme de contacter Sasuke, pour espérer surmonter la rancœur qu'il avait nourri contre lui pendant des années, et tirer une bonne fois pour toute un trait sur leur désastreux passé commun, quand bien même n'auraient-ils pas d'avenir ensemble.

Il était fatigué de le détester, de haïr cette personne cruelle que Sasuke n'était plus du tout.

Mais hélas, tout cela était plus facile à dire qu'à faire.

À chaque fois qu'il tentait de l'appeler, il se défilait avant même d'avoir fini de composer son numéro. À chaque fois qu'il voulait lui envoyer un texto, son regard déviait immanquablement vers leurs anciens échanges, lorsque la vie était encore belle et simple, et il se retrouvait incapable de taper un message cohérent.

C'était tellement frustrant.

Cela n'empêcha guère, toutefois, la vie suivre son cours. Naruto déposa sa lettre de démission aux RH de l'entreprise. La nouvelle de son départ se répandit plus rapidement qu'une trainée de poudre. Tout son service, et peut-être même toute l'entreprise, fut en effervescence lorsqu'il confirma l'information, après des jours et des jours de rumeurs. Il fut à la fois étonné et ému, lorsque ses collègues insistèrent pour lui préparer une fête de départ. Rien de trop grandiose, juste des boissons dans des gobelets rouges en plastique, des apéritifs et de la musique diffusée par le biais d'une enceinte Bluetooth.

Après avoir passé cinq ans ici, ce serait mentir que de dire qu'il n'était pas un peu triste de partir. Il avait eu un super bureau, une pièce assez petite, mais avec une vue spectaculaire. Un endroit où il avait été libre de flâner, rêver, créer, innover, ajouter sa pierre à l'édifice. Où la magie avait opéré. Et en bonus, il avait eu la chance de diriger une chouette équipe de travailleurs acharnés.

Ils lui manqueront eux aussi. Tellement.

Toutefois, Naruto n'avait pas le temps de se plonger dans la mélancolie. Il était tellement excité par ce qui l'attendait. Alors il profita de sa fête de départ, rigola avec tout le monde, bu du champagne pour célébrer à la fois sa nouvelle et son ancienne vie. Haku et Shikamaru étaient descendus à son étage pour se joindre aux petites festivités, ce qui ne rendit le moment que plus agréable.

Ils étaient en train d'échanger des blagues quand, soudain, Naruto tourna la tête et se figea.

Sasuke était là.

Il venait d'entrer dans l'open-space, alors que le blond avait honnêtement cessé de guetter son arrivé, certain qu'il ne leur ferait pas la grâce de sa présence. Car Naruto savait que non seulement les rassemblements sociaux dans ce genre le faisait sortir de sa peau, mais aussi, après ce qui s'était passé chez son père, après qu'il soit parti – certes pour des raisons légitimes -, alors que l'Uchiha lui avait avoué son amour, Naruto ne lui en aurait pas tenu rigueur, s'il avait préféré s'abstenir.

De plus, ce n'était pas cette opportunité qu'il avait attendu pour avoir l'occasion de lui parler.

Mais il était là.

Et oh, il était parfait. Comme d'habitude. Il était si beau et si sexy dans son jean et son polo noir que c'était véritablement un crime. Naruto avait presque failli lui sauter dessus avant de se souvenir à la dernière minute que 1) ils étaient en froid, 2) en public. Dans cet ordre-là.

Le timing était vraiment mauvais. Il espérait que Sasuke n'allait pas croire que c'était à cause de lui quittait l'entreprise. Mégalomane et persuadé que le monde tournait autour de lui comme il l'était, il pourrait vraiment le penser!

Cependant, ils en avaient parlé, tous les deux. Bien que très brièvement. Sasuke savait qu'il avait toujours voulu être enseignant. Diantre, il l'avait même encouragé à faire ce qui le rendait le plus heureux !

Il tergiversait toujours sur la question, jusqu'à ce que, à son plus grand bonheur et en même temps sa plus grande panique, il vit intéressé se diriger droit vers lui avec un air étrangement déterminer sur le visage.

Naruto retint son souffle.

Sasuke ouvrit la bouche :

« Je te souhaite tout le meilleur, dans tes futurs projets », se contenta-t-il de dire, laconiquement, presque comme un discours préenregistré.

Et c'était tout.

Aussitôt qu'il tourna le dos, une grimace haineuse tordit les lèvres contractées du blond. Ah, c'est qu'il voulait la jouer comme ça, cet abruti. Lâcher la carte de l'amnésie. Faire comme si de rien n'était. Noyer le poisson. Pas que ce fût étonnant, loin de là. Franchement, à quoi s'attendait-il ? Il serait plus simple de convaincre un mort de se lever que d'entrainer Sasuke Uchiha dans une discussion à cœur ouverte.

Naruto sentit la moutarde lui monter au nez.

Sasuke était si…argh et si…pourquoi fallait-il toujours que tout soit compliqué entre eux ? Pourquoi ne parvenait-il pas à lui parler de manière totalement dépassionnée et désintéressée, comme avec à peu près la moitié des gens avec qui il lui arrivait de converser ? Uchiha ne rimait donc qu'avec adversité ?

Il était sur le point d'aller l'empoigner par la peau du cou comme un vulgaire chat d'égouts, le trainer dans une pièce vide et lui jeter ses quatre vérités à la figure, mais Shikamaru et Haku lui barrèrent brusquement la route.

« Bon, maintenant, tu vas nous dire ce qui se passe avec Uchiha. », exigea le Nara, les mains sur les hanches.

Il lui rappelait Iruka lui faisant la leçon pour une énième bêtise quand il était gamin. Il n'eut toutefois pas le loisir de lui en faire la remarque que son acolyte renchérit:

« Fû m'a dit qu'un jour elle vous a vu sortir d'un placard avec les cheveux en pétard et les vêtements débraillés, ce qui laisse supposer que vous vous envoyez en l'air. » Il interrompit son analyse, le temps de jeter un regard par-dessus l'épaule du blond pour apercevoir Sasuke en train attraper un gobelet de champagne sur la table des boissons. « Ou plutôt, envoyiez en l'air, vu comment vous vous êtes à peine calculer, depuis son arrivée. »

Merde. Il savait bien qu'y aller comme des lapins au boulot c'était une super mauvaise idée.

« Wow, c'est une intervention, ou quoi ? », essaya-t-il de plaisanter.

Haku lui décocha une œillade sévère.

« Cesse de faire l'andouille, Uzumaki. »

« Ecoutez les gars je… j'allais vous le dire ! »

Ce n'était pas une justification boiteuse. Il aurait réellement fini par en parler à Shikamaru, comme il l'avait fait avec Sakura. Quant à Haku, il l'aurait l'appris d'une manière ou d'une autre.

« Franchement Naruto », reprit celui-ci avec un sourire narquois. « Il n'y a que toi pour être aussi aveugle. J'ai toujours su qu'un jour ta relation avec Sasuke évoluerait dans ce sens-là. »

Naruto faillit grincer des dents. Qu'est-ce qu'il racontait ? À quels moments, au cours de ces dix dernières années avait-il laissé entendre que Sasuke était autre chose que son ignoble pire ennemi ?

« Dis pas n'importe quoi Haku, moi et Sasuke ? J't'en prie nous sommes si différents. Si on m'avait dit il y a trois mois que je…ressentirais ça pour lui, je me serais roulé par terre de rire. »

S'il n'y avait pas eu ce stupide paris le jour de la soirée de gala, il aurait continué à éviter Sasuke jusqu'à la fin des temps, n'aurait pas passé autant à apprendre à le connaitre, et ne serait peut-être pas tombé amoureux de lui.

La situation dans laquelle il se trouvait n'était due qu'à un incroyable concours de circonstances. Dont il ne s'en plaignait plus, certes.

« Moi je crois au contraire, que vous avez plus de chose en commun que tu ne le penses. »

Naruto voulut de nouveau protester par pure principe, mais les regards entendus de ses deux amis les plus proches le forcèrent à faire preuve d'honnêteté.

Il ne trompait personne.

Sasuke était devenu important pour lui. Plus important qu'il ne serait prêt à le reconnaitre.

En le perdant, il ne perdrait pas seulement un amant extraordinaire, mais aussi un ami irremplaçable – celui qui avait su lui révéler sur lui-même des choses qu'il ignorait.

Il se rendait compte qu'il n'y avait pas de 'fautif' dans l'histoire. Que ce soit lui, ou Sasuke, ils n'étaient pas tout blanc ou tout noir. Il avait merdé et mal agit quand il avait 'forcé' Sasuke à lui montrer sa bite dans les toilettes de cet hôtel. Sasuke, à son tour, n'avait pas joué franc jeu avec cette histoire de Susanno.

Alors s'était-il cherché des excuses ? Avait-il agi comme un lâche en partant ? Il avait assuré qu'il avait eu besoin d'air, c'était la vérité à ce moment-là, mais peut-être y avait-il autre chose derrière et qu'il avait préféré fuir le premier.

Sasuke avait ses défauts. Il était loin d'être parfait. Mais il n'était pas sans cœur non plus. Seigneur, c'était même tout le contraire. Comment avait-il pu envisager une hypothèse pareille alors qu'il avait si bien pris soin de lui ? Autant sur le plan physique qu'émotionnel. Il avait cuisiné pour lui, avait écouté toutes ses divagations, s'était assis avec lui et l'avait serré dans ses bras lorsque l'univers semblait se déchainer autour. Il avait été une ancre, assez forte et solide pour les maintenir debout tous les deux, en dépit de ses propres problèmes, de cette idée stupide que personne ne pouvait l'aimer. Qu'il n'était même pas digne d'être aimé.

Naruto s'était tellement accroché à cette connerie de 'pire ennemi', qu'il avait refusé d'envisager qu'il puisse avoir du bon en Sasuke. Et il avait eu amèrement tort de penser de cette manière.

Oui, Sasuke lui avait fait du mal par le passé. Oui, il avait commis des erreurs. Mais c'était justement ça: du passé. Le seul jour qui comptait, c'était aujourd'hui.

Naruto gardait de leurs soirées des souvenirs invisibles gravés à jamais dans son cœur et dans son âme. Une myriade d'images merveilleuses que rien ne lui ferait oublier. Mais il s'efforçait de ne pas penser que la plus belle partie de sa vie était derrière lui, comme il s'efforçait de comparer les petites joies du quotidien – faire du sport, manger plus équilibrer, etc. -, au bonheur extraordinaire qu'il avait connu avec Sasuke.

Parce qu'il voulait arranger les choses entre eux. Il allait arranger les choses. Il ne savait tout simplement pas encore comment. Bon sang, il aimait Sasuke Uchiha. Et Sasuke Uchiha, à priori, l'aimait aussi. Naruto savait faire deux plus deux. Pourquoi mettre des mots sur les choses était si difficile alors que les faits étaient là ?

À la fin de sa discussion avec Shikamaru et Haku, eux aussi l'encouragèrent à parler à Sasuke. Naruto s'y sentait presque prêt, mais malheureusement, lorsqu'il fouilla du regard l'open-space, il ne vit plus aucune trace d'une chevelure noire en bataille.

Sasuke était déjà parti.

Ravalant tant bien que mal sa déception, il se dit qu'il aura d'autres occasions de l'entretenir au sujet de leur passé et avenir commun. Avec un peu de courage, leur prochaine rencontre ne sera pas fortuite.

Il l'espérait. Il l'espérait vraiment.

Il avait tellement peur qu'en dépit de ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, ça ne marche vraiment pas entre eux. Que ce qui les séparait soit plus grands que ce qui les unissait.

Effaçant ces pensées pénibles pour le moment, il se força à continuer de profiter de sa fête de départ, jusqu'à ce que la fin se fasse sentir et qu'il dise au revoir à tout le monde.

Des câlins, des souhaits de bonne chance, des rires et un peu de larme.

C'était bon. Il était prêt à tourner cette page de sa vie pour passer à la suivante.

Il avait vidé son bureau au fil de la semaine, mais il avait encore quelques babioles à entasser dans sa voiture.

Donc, lorsqu'il entra dans la pièce qui ne serait désormais plus son espace de travail pour récupérer un dernier carton et découvrit un grand bouquet de gardénia posé sur son bureau, le jeune homme se figea de surprise.

La carte rose pâle nichée entre les pétales délicates et odorantes n'était pas signée, mais il reconnaitrait cette façon d'écrire entre mille. Elle disait simplement : « Bon envol. »

Un sourire fragile aux lèvres, il pensa que tout était peut-être plus simple qu'il ne l'avait cru.

.

.

.

Un mois plus tard, Naruto avait le sentiment que sa vie était quelque peu de retour sur des rails solides. Il avait entamé sa réorientation, avait fait le grand ménage dans son appartement, acheté de nouveaux meubles , était allé chez le coiffeur (enfin !). Il avait même adopté un petit chaton !

Le seul bémol…c'était avec Sasuke, évidemment.

Mais un soir, alors qu'il rentrait d'une course, il eut la surprise de trouver dans sa boite aux lettres quelque chose de différentes des courriels habituels : démarchages, factures, publicités, etc. C'était une simple enveloppe kraft, rien de fantaisiste. L'objet, inscrit bien visiblement sur la fenêtre, s'intitulait en à peine deux mots: Reprend-moi.

Les sourcils froncés, il enleva son manteau et se traina jusqu'à son canapé. Aussitôt, Minou (manque d'inspiration pour le nom de son chaton, il ne s'excusera pas pour ça), qui grandissait déjà si bien, sortit d'une de ses cachettes de l'appartement pour venir se frotter contre ses chevilles. Naruto lui gratouilla discrètement son menton poilu en examinant l'enveloppe sous toutes les coutures. Il ne se sentait pas vraiment d'humeur à se lancer dans une enquête ni à tenter de déchiffrer des messages complexes. Sasuke était parfois si amphigourique dans sa manière d'aborder les choses.

Le cœur battant, il sortit son téléphone de la poche de son jean et ouvrit son application de messagerie instantanée. Il hésita un court instant, prenant d'abord un certain temps à relire leurs anciennes conversations, puis se décida à taper quelque chose. À faire, après près de quatre semaines, le premier pas, vers, peut-être – il l'espérait, leur reconversion.

Une lettre ? Sérieusement Uchiha ? Dans quelle époque vis-tu ?

La réponse de Sasuke vint presque immédiatement:

L'as-tu déjà lu ?

Non, pas encore. J'espérais que tu puisses m'en faire la lecture au diner que j'avais prévu préparer pour nous deux. Oups, j'ai gâché la surprise.

D'accord, c'était un peu nulle comme approche. Mais bon, la journée avait été longue, ok ?

Lis là, Naruto. Et je ne veux pas voir de ramen à ce diner.

Naruto éclata de rire et dégrafa l'enveloppe.

L'écriture nette et cornée de Sasuke se dévoila à ses yeux. Prenant une grande inspiration, il commença à lire :

« À toi, bienaimé.

Tout a commencé il y a bien longtemps.

Tu venais de déménager, et plongeais dans un monde que tu voyais pour la toute première fois. Quand je t'ai rencontré, couvert de réserve, tu étais un enfant particulier.

Toi venant de nulle part, moi ancré depuis toujours, notre rencontre était prédestinée par un avenir que nous ne contrôlions pas.

Je me rappelle de nos uniformes scolaires, de nos pantalons évasés et de nos chaussures de petits garçons. Des disputes sur le chemin du retour. Des cris. Des pleurs. Et des larmes.

Chaque souvenir est comme un film que je me repasse. Pourtant, rien n'a vraiment changé.

Tu es toujours Naruto, une étincelle que je ne comprends pas encore, mais sans laquelle mes journées manquent de lumière, le message dénué de sens du matin, le sourire chaleureux de l'après-midi.

Tu as creusé dans mon égo pour y planter des fleurs étranges, douces presque imperceptibles, et aux pétales pleins de lumière. Tu as réparé les courants de mon âme. Ouverts les rideaux de mon cœur, et maintenant j'y vois mieux en moi-même. Tu as illuminé mes ombres intérieures.

Et tu m'as fait t'aimer librement. Avec une force qui s'enroule autour de mes os, à travers les rivières qui traversent ma peau, entre les tendons qui tissent les fibres de mon être, ébranlent les fondements de mon âme.

Quand tu es parti, ce jour-là, tout s'en est allé avec toi. Injustement. Tu étais donc comme ce morceau de papier calé sous le pied d'une table mal fichue. Tout reposait sur toi. Tout ce que j'étais. Tu m'avais réparé. Et maintenant ma vie est bancale, j'ai l'âme de travers. Le cœur boiteux, le sourire renversé. Je ne vis que sur le point de m'effondrer. Seules les larmes coulent dans le bon sens. Elles portent encore ton reflet. Elles coulent, assoiffées de ta direction, je crois qu'elles tentent de me vider de tes souvenirs. Mais rien n'y fait, on n'oublie pas ce qui fait partie de nous. On n'oublie pas ce qu'on ne veut pas oublier.

Quand je te regarde, toi qui semble porter l'immensité du ciel dans ton regard…j'aimerai, désespérément, être digne de ta lumière.

Je sais que j'ai souvent mal agi. Je sais que j'ai brisé ton cœur. Mais je ne peux pas m'empêcher, comme toutes les autres fois, de te vouloir.

Parce que, de quoi que soit fait tes doutes, et même si tu es comme le soleil que je n'atteindrai jamais, mes instincts te désireront toujours.

Naruto, je veux croire en quelque chose que nous pourrions construire tous les deux. Nous connaissant, ça ne sera pas simple, mais je te l'ai dit, je veux y croire.

Alors, une fois de plus, je t'en prie, reprend moi.

Sasuke. »

À la fin de sa lecture, l'unique chose que le jeune homme regretta, c'est que Sasuke ne soit pas là, devant lui, afin qu'il puisse lui sauter dessus, l'étreindre à l'en étouffer, l'embrasser à en perdre l'haleine. Il voulut sortir de son appartement, et courir. Courir jusqu'à chez lui, lui dire toutes ces choses qu'il ressentait pour lui, et mêmes celles qu'il ne connaissait pas encore.

Cependant, il se força à se calmer. Ils avaient attendu près d'un mois. Non, près de dix ans. Ils pourraient attendre quelques heures. Demain soir, Naruto leur préparerait le diner, mais comme il était une catastrophe ambulante en cuisine, il essayerait de commander à manger. Puis Sasuke le réprimanderait d'un regard appuyé et leur sortirait en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire un repas digne d'un trois étoiles. Ensuite, ils feraient l'amour et auraient tout le temps de discuter des détails techniques de leur relation, comme annoncer à leurs proches qu'ils étaient ensemble. Et toutes les autres choses moins excitantes dans ce genre-là.

Demain. Oui, demain.

Alors Naruto alla se coucher le sourire aux lèvres et rêva d'une salle de classe fourmillante d'enfants aux grands yeux avides d'apprendre. Aux journées fatigantes mais emplie de sourire. Aux rires éparpillés et aux bras – des bras qu'il ne connaissait que trop bien -, qui l'attendaient à la maison pour le maintenir au chaud. À l'amour qui lui parlait. À l'espoir qui le cherchait. À l'avenir qui l'appelait.

Et le reste appartenait à l'histoire.

Fin.


Quelques 'bonus', du point de vue de Sasuke.

Partie 1 :

Moi : J'ai aucune envie d'aller à cette soirée de gala, mais Naruto sera là. C'est un moyen comme un autre de pouvoir le voir.

· Il me déteste, Sakura.

Sakura : Mais non, il t'aime bien.

Moi : Non, tu dis ça juste pour me remonter le moral…

Sakura : Putain, y a du chemin à faire. Barman, je suis pas assez ivre, un autre tour !

Partie 2 :

Moi : Je vais créer un faux profil pour discuter avec Naruto !

· Sakura, j'ai besoin de l'adresse du bar où tu comptes amener Naruto.

· Il va peut-être se douter que je suis Susanno, mais pas grave, je dois y aller.

· Qui est ce connard qui vient de poser les mains sur lui? Je vais les tuer tous les deux.

· Il est absolument exquis, en colère.

· Naruto Uzumaki sera ma mort.

Partie 3 :

Moi : Je vais inviter un ami.

Papa : Un ami ?

Moi : C'est ce que je viens dire.

Itachi : Je suis tellement heureux que tu sois enfin heureux petit frère. Après tout ce temps à me parler de Naruto.

Moi : Je te n'ai jamais parlé de lui! C'est toi qui te mêle sans arrêt de ma vie !

Itachi : Des détails ça, outouto.

Moi : Tu as intérêt à ne rien lui dire !

Itachi (hochant la tête) : Bien sûr, outouto, tu peux me faire confiance.

Moi (les yeux plissés) : Mouais…

Le lendemain après le départ de Naruto.

Papa : Ton ami est parti ?

Moi : Je ne suis pas d'humeur, papa.

Itachi : Il s'est fait jeter.

Moi : Itachi, ferme-là!

Papa : Et donc ? Tu vas rester là à te morfondre ? Fait quelque chose.

Moi : Oui mais…

Papa : Et que ça saute !

Moi (en écrivant la lettre) : je suis une merde lorsqu'il s'agit de dire ce que je ressens, alors j'espère qu'il comprendra si je lui écris, plutôt.

Le jour du diner.

Naruto : Qui eut cru que tu étais si poétique, Uchiha ? J'ai presque faillit verser une larme en lisant ce que tu as écrit.

Moi (poussant un soupir) : Je suis coincé avec toi maintenant, hein ?

Naruto : Hé ! Qu'est-ce que s'est censé vouloir dire !

.

Blabla de fin de l'auteure :

Merci à toi qui a pris la peine de lire et de commenter. J'ai eu beaucoup de plaisir à partager ceci. C'est une histoire assez simple, rien d'extra, mais je me suis un peu attachée au contexte.

Merci à ceux qui commenteront et à qui je ne pourrais peut-être pas répondre. Je lis tous, sachez-le!

Néanmoins, je suis heureuse d'avoir pu conclure ce projet. Ça m'a pris plus d'un an, puisque j'ai commencé à écrire À toi bienaimé, en milieu d'année 2022 et l'histoire complète ne fait même pas 50k de mots, moins que ça, je crois. Et j'ai des tas et des tas de manuscrits que je finirais dans cent ans avec mon allure d'escargot. Mais bon, j'y suis parvenu c'est l'essentiel. Je n'abandonne rien, et j'espère que certains ne se décourageront pas de me suivre.

Merci encore d'avoir lu !

À la prochaine !