En dehors de Taressm et Jaluk, qui allaient et venaient le long de la colonne, toutes leurs possessions rangées dans leurs simples besaces de cuir, chaque membre de la tribu capable de marcher s'était vu confier un chargement, allant d'une simple natte d'herbe pour les plus jeunes, aux énormes travois portant les structures des tentes pour les grands mâles. Ilinka, pour sa part, portait un ballot de cuir sur le dos tout en tirant le travois accueillant une partie de la vaisselle de bois et de terre de la famille, et les structures démontables des sommiers. Bien qu'elle avançât dans la trace nette de ces prédécesseurs, la tâche était épuisante, et la marche longue.
Ils étaient partis en fin d'après-midi et avaient marché jusque tard dans la nuit, s'arrêtant à seulement quelques décevants kilomètres de leur point de départ pour dormir une poignée d'heures à la belle étoile, toute la famille roulée en boule sous des fourrures. Serrée entre Jitik et Kassinn, Ilinka frissonnait un peu, ses vêtements n'empêchant pas un vent coulis de se glisser contre sa peau. Malgré tout, elle s'endormit vite, épuisée par sa journée.
Le lendemain, le réveil fut rude, alors qu'elle se découvrait violemment courbaturée et pas vraiment reposée.
Noodh'al lui offrit un pauvre sourire encourageant en même temps qu'un bol de soupe chaude. Lui aussi avait mal.
« Courage. C'est juste quelques jours de marche pour aller au camp d'hiver. »
Elle ne répondit pas, se contentant de serrer le bol chaud dans ses mains.
La journée fut encore plus harassante que la précédente, et le soir, lorsque enfin ils s'arrêtèrent, elle se laissa tomber entre les bras de son travois. On eut la délicatesse de ne pas lui demander de participer au montage du bivouac, et c'est sans tarder qu'elle rejoignit sa place sous les fourrures après le repas du soir, où elle se retrouva à grelotter malgré sa fatigue et la chaleur toute relative de ses « sœurs ».
Le lendemain, l'aube apparut cachées par d'épais nuages, et avant midi, il pleuvait à verse. Les anciens décidèrent d'écourter la marche afin de faire passer au clan la nuit à l'abri d'une série de grottes peu profondes et, trempée comme une soupe, Ilinka se retrouva donc entassée avec d'autres dans une cavité, à regarder la pluie tomber sans même pouvoir espérer se réchauffer – faute de bois sec pour faire du feu.
« Ne reste pas là. Tu vas t'affaiblir à trembler comme ça. » nota Galor, venant s'accroupir à côté d'elle sous l'avancée rocheuse.
Ses longues mèches artistiquement torsadée plaquées sur son crâne, le jeune chasseur n'était pas plus sec qu'elle.
Ilinka soupira, tâchant de réprimer les frissons qui la secouaient.
« C'est Zalinn et Jitik qui ont les fourrures et les vêtements. Pas moi. Je sais pas où elles sont... et les anciens ont dit qu'il fallait que chacun reste dans sa grotte. »
« C'est pas une raison pour mourir de froid. Allez, viens. Faut que tu te réchauffes. » répliqua-t-il, l'aidant à se relever, l'emmenant vers le fond de la grotte où on avait étendu quelques fourrures sur la roche sèche. Plusieurs personnes s'étaient déjà installées là, leurs vêtements mis à sécher sur des étendages de fortune.
« Enlève tes habits, et mets-les à sécher sur une perche. » lança-t-il, faisant passer son manteau de peau par-dessus sa tête avant de l'accrocher à un bout de bois, le laissant dégoutter au sol.
Après une hésitation, Ilinka l'imita, ne gardant que sa longue chemise de toile, moite mais pas détrempée.
Avec un geste encourageant, le jeune chasseur, torse nu, l'encouragea à venir s'asseoir à côté de lui, lui tendant une peau pour qu'elle s'enroule dedans et lui frottant vigoureusement le dos pour la réchauffer.
« Ça va mieux ? » demanda-t-il, lorsqu'elle eut cessé de claquer des dents.
« Oui. Merci. » bafouilla-t-elle, essayant de ne pas trop fixer le tatouage sombre qui se détachait sur ses côtes.
« C'est un jun'ian. Là, y a sa tête, et là, ses sabots. Je l'ai tué d'un seul coup de lance en plein cœur. Il y a trois étés. » se vanta-t-il, exhibant fièrement l'animal – stylisé à l'extrême.
« Oooh... impressionnant. » nota-t-elle, soudain un peu trop consciente de la chaleur qu'elle sentait émaner de lui comme d'un petit poêle vivant.
« Et toi, tu as des tatouages ? » s'enquit-il avec un sourire.
« Heu... non. » murmura-t-elle, se demandant si elle devait en avoir honte.
Il fronça soudain les arcades sourcilières.
« Est-ce que la tribu d'où tu viens, ils ont des tatouages ? » demanda-t-il avec une curiosité peu coutumière au sein du clan.
« Oui. Mes parents en ont plusieurs... » souffla-t-elle, luttant contre une soudaine vague de nostalgie.
Sa famille lui manquait tellement.
« Oh ! Lesquels ? »
« Heu... Mon père... mon père a un tatouage sur l'œil. C'est les symboles de sa ruche... heu, de son clan, et celui de son métier. Il est traqueur. Ma mère a presque le même, mais sur le bras. Et elle a...(Elle se tut un instant, consternée de n'avoir pas fait le rapprochement plus tôt.) Elle a un tatouage qui représente la Grande Mère sur le bas du dos. »
« Tes deux parents sont traqueurs ? »
« Heu... oui... »
« C'est pour ça que tu chasses si bien ! »
« Me... merci. » verdit-elle.
Il sourit, poursuivant comme si de rien n'était.
« Le tatouage de la Grande Mère, c'est une offrande ? »
« Je... je ne sais pas. Je crois que ça veut dire qu'elle a été... choisie ? »
« Ah. Ta mère est chamane. Beaucoup de traqueurs sont chamanes aussi. Ils entendent mieux Sa voix, quand ils sont loin de l'Esprit du clan. » approuva Galor.
Le silence revint un temps, qu'il occupa à la réchauffer davantage en lui frottant à nouveau le dos.
« C'est indiscret, mais je croyais que tu étais orpheline... » nota-t-il finalement.
«C'est vrai. Mes parents m'ont adoptée. »
« Mais ils ne sont pas morts ? »
« Non. »
Le jeune mâle fronça les arcades sourcilières.
« Alors pourquoi tu es ici ? »
Elle ne pouvait pas répondre à la question. Pas directement. Pas sans contrevenir à l'ordre de la Reine-sans-nom.
« Ils sont très loin, et je ne sais pas comment les rejoindre. »
Une vérité à la Gady.
« Oh. Tu t'es perdue. Heureusement, la grande prêtresse t'a trouvée et t'a amenée à nous ! (Il eut un large sourire heureux.) Comme ça, j'ai pu te rencontrer. »
Faisant mine de s'intéresser à un nourrisson qui couinait un peu plus loin, Ilinka tâcha de dissimuler ses joues en feu. Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi simplement direct dans son honnêteté ?
Heureusement, Galor ne sembla pas remarquer sa gêne, et quelques minutes plus tard, il lui offrait de partager les noix et la viande séchée qu'il avait en guise de repas.
« Tu manges encore ? » s'enquit-elle surprise.
Il sourit.
« Mes schiima't (1) sont ouverts, mais je digère encore un peu. Je ne mange plus tout le temps, mais quand il faut faire beaucoup d'effort, ça aide... »
Elle opina. Manger était de moins en moins un barrage à la faim, mais celle-ci était devenue une compagne familière, et elle ne peinait plus vraiment à l'ignorer.
« Je veux bien. Mais je suis désolée. Je n'ai rien à échanger à part de l'eau. »
« C'est pas grave. J'en ai bien assez pour deux. »
« Merci, je te revaudrai ça. »
« Pas la peine. Tiens. » répliqua-t-il, lui fourrant quelques noix et deux lanières de viande dans la main.
« Merci. »
Le repas fut frugal et coriace, mais elle l'accueillit avec reconnaissance, ravalant péniblement quelques bâillements. Repoussant poliment mais fermement leurs voisins, Galor libéra un espace un peu plus large sur les fourrures.
« Tu es épuisées. Il faut dormir. » déclara-t-il, l'invitant à s'allonger à côté de lui.
Elle eut envie de refuser, mais se retint. Après tout, elle dormait chaque nuit à côté de Noodh'al et ça n'avait rien de bizarre, et les deux mâles avaient à peu près le même âge.
Pourtant, une fois qu'elle fut installée, ce ne fut pas le dos de Galor qu'elle sentit contre son flanc, mais son souffle chaud dans son cou.
« Est-ce que je peux te prendre dans mes bras ? On aura plus chaud. » murmura-t-il.
Les joues en feu, elle opina. C'était très gênant, mais très rationnel aussi.
« Merci. » souffla-t-il, s'installant dans son dos, passant son bras sous sa tête. « Ça va comme ça ? »
« Oui. »
Elle le sentit frisonner dans son dos.
« Ça va ? »
« Oui. Je me réchauffe... »
« Tu aurais dû me dire ! Je t'aurais passé la couverture. » s'offusqua-t-elle.
« Trop tard. » nota-t-il, son sourire audible.
Impossible maintenant de lui dire de se retourner. En même temps, elle n'en avait pas vraiment envie. C'était agréable de sentir la chaleur si vivante d'un autre corps si près du sien.
Bientôt, il arrêta de grelotter.
« Bonne nuit, Ilinka. » souffla-t-il, la serrant un peu contre lui, son esprit effleurant à peine le sien, comme un soupir de contentement.
« Bonne nuit, Galor. »
.
D'un pas martial, Kizu'kan leur passa devant, faisant la revue d'un œil inquisiteur.
« Bon, les jeunes, ouvrez bien vos oreilles, parce que je ne le répéterai pas. Notre rôle est de veiller à la sécurité du commandant Bibkal'mar. C'est notre seule et unique mission. Un ennemi vous passe sous le nez ? S'il n'est pas en train d'essayer de s'en prendre au commandant, vous l'ignorez ! Votre seul et unique objectif est de PROTEGER le commandant ! C'est clair ? » siffla-t-il.
Ils acquiescèrent d'un seul geste.
Kizu'kan les fixa quelques instants, l'air suspicieux, puis il se remit à faire les cents pas, s'adressant cette fois à l'ensemble de la garde.
« Ce n'est pas la première fois – et certainement pas la dernière – que ces tarés de Takalo s'en prennent à nos alliés sur Euralie. Ces saletés ont capturé une trentaine de larves humaines et les ont emmenées avec eux. Le commandant va tenter de négocier leur libération, mais nous savons tous que ce genre de singes ne comprennent qu'un seul langage. Cependant, ce ne sera pas nous qui porterons le premier le coup. Donc, tenez-vous prêts, et fermez vos gueules ! Compris ? Rompez ! » gronda-t-il, leur faisant signe d'embarquer à bord du transport lourd qui devait les emmener sur Euralie.
Zen'kan rejoignit le reste de la garde, proprement rangée le long du premier sas. Bientôt, le commandant arriva, et à peine eut-il posé un pied à bord que le vaisseau décollait.
Clairement, Bibkal'mar ne descendait pas pour boire le thé. Trente membres de sa garde personnelle, plus le double de guerriers. Il venait pour négocier, mais était prêt à user de la force.
Le vol ne fut pas bien long, et ils se posèrent bientôt dans un vaste pré salé, non loin de hautes falaises battues par les vents. D'une pensée, Kizu'kan les fit se déployer en formation autour du commandant, qu'il accompagnait, trois pas en arrière.
Zen'kan était avec les autres apprentis sur l'arrière-garde. Il laissa donc ses aînés descendre en premier avant de suivre en silence.
Le lieu de la rencontre n'avait pas été choisi au hasard. Les Takalo avaient des armes à feu. Rudimentaires, mais dangereuses. Or, la vaste étendue herbeuse n'offrait aucun couvert à un tireur embusqué. Cela ne l'empêcha pas de scruter les alentours. En dehors des silhouettes de ce qu'il devina être les envoyés des Takalo, quelques centaines de mètres plus loin, rien à signaler. Il sourit. La quinzaine d'humains devaient se sentir bien seuls et faibles face au déploiement de force du commandant.
Les négociations ne durèrent pas bien longtemps. Moins de deux minutes après être arrivés à portée de voix, le premier coup de feu claquait.
Sur un ordre de Kizu'kan, Zen'kan se jeta en avant, venant avec le reste de la garde former un mur vivant autour du commandant, pendant que les autres guerriers chargeaient en rugissant leurs attaquants humains.
Soudain, ce n'était plus une pauvre quinzaine d'ennemis qui leur faisaient face, mais plusieurs dizaines, alors que des pelotons entiers émergeaient de leurs caches ensablées, habilement dissimulées derrière d'épaisses touffes d'herbes sèches.
De quelques grands gestes et pensées incisives, Kizu'kan lança une partie de ses troupes à l'assaut du groupe le plus proche qui, ayant vidé leurs armes sur eux – abattant dans la foulée Hutraj'kan et Liralym d'une volée –, s'empressaient de recharger.
Couvert par le feu nourri des blasters de leurs frères, Zen'kan fonça, en compagnie de six autres guerriers.
Il n'y avait eu aucun ordre de capture ou d'exécution. Seule comptait la neutralisation de la menace, et le plus rapidement possible.
D'un tir de blaster presque à bout portant, il assomma un premier ennemi, fracassant la mâchoire de son ami qui tentait de lui venir en aide d'un revers de la crosse, avant de poursuivre sans se soucier d'eux. Du coin de l'œil, il vit l'homme à la mâchoire brisée s'effondrer, touché par un tir assommant.
Se concentrant sur ce qui se trouvait devant lui, il esquiva une maladroite attaque à la baïonnette, seulement pour être stoppé net dans son avancée par une balle qui le faucha en pleine épaule, déchirant os et tendons et le jetant douloureusement à terre.
S'étant soudain retrouvé à regarder le ciel sans avoir vraiment compris ce qui lui arrivait, il se secoua. Il devait se relever. Le combat venait juste de commencer !
Rouler sur son bras blessé était impensable. Il allait donc se tourner dans l'autre sens lorsqu'une lame se planta dans son autre épaule, le clouant efficacement au sol.
La douleur lui coupa le souffle, alors que sa vision virait brièvement au noir, puis au rouge, la silhouette appuyée de tout son poids sur l'arme plantée dans son épaule, à peine plus qu'une vague ombre pulsatile.
Il fallait qu'il se dégage !
Son bras gauche refusait de faire plus que tressauter mollement, et le droit était cloué au sol. Arquant le dos, grondant alors que la lame déchirait davantage ses chairs, il ramena ses jambes en avant et repoussa l'homme de toutes ses forces. Ce dernier décolla, emmenant l'arme qui l'emprisonnait avec lui.
Zen'kan se redressa, écumant et incapable de voir autre chose que la silhouette rampante de son ennemi jeté à terre, qui essayait frénétiquement de recharger son arme.
Il se rua sur lui sans hésiter, l'écrasant de tout son poids et broyant sa trachée sous ses mains. L'homme devint tout rouge, ses yeux semblant vouloir sortir de leurs orbites alors qu'il tentait vainement de lui fait lâcher prise, puis il vira au violet. Zen'kan maintint sa prise, jusqu'à ce qu'il ne sente plus sous ses mains l'énergie vitale qui l'appelait comme un chant de sirène.
Avec un ultime battement de cœur, la vie quitta le corps de l'humain, et le temps sembla ralentir, comme si tout était soudain calme et silencieux.
Lentement, péniblement, il desserra son étau, lâchant la chose inerte qui avait été un humain, constatant avec une surprise détachée qu'il avait perdu son blaster dans la lutte.
Il lui restait sa dague.
Dans une explosion de sable, une balle vint se planter juste à côté de sa cuisse, relançant la course du temps. Avec un grondement mauvais, il se retourna, serrant dans sa seule main valide son arme, prêt à en découdre avec son nouvel adversaire.
L'humain, massif et couturé de cicatrices le défia d'un crachat glaireux, lâchant son arme déchargée pour dégainer un long couteau cranté au tranchant rouillé.
« Viens là, saloperie verte, que je t'éventre ! » lança-t-il.
Zen'kan résista à la tentation de lui bondir dessus immédiatement et, en garde, attendit qu'il porte le premier coup. Chaque seconde qui passait le rapprochait de la guérison de ses blessures et de l'instant où il récupérerait l'usage de son second bras.
L'humain ricana.
« Je vais te dépecer comme un tula, et je pendrai ta tête au-dessus de mon lit, comme ça, ce soir, quand je déflorerai une de ces petites salopes qui vous servent, elle saura qui est son véritable maître ! »
De quoi parlait-il ? Kizu'kan avait parlé de négocier la libération d'enfants. Pas de femmes ! Il se redressa un peu.
« De qui tu parles, connard? »
« Des petites putes de même pas dix ans que vous baisez, puisque vous êtes pas capables de satisfaire vos femelles, maudites punaises ! »
Les enfants. Ce sac à merde parlait des enfants !
Sa décision fut prise en un instant. Il n'y aurait qu'un seul survivant à ce duel !
Faisant jouer son épaule, il réalisa qu'il en avait en partie recouvré l'usage. Raffermissant sa poigne sur sa lame, il plongea.
L'homme était puissant et rapide, pour un humain. Et sa dextérité aurait sans doute pris en défaut plus d'un wraith. Mais Zen avait passé le plus clair de sa vie à affronter d'autres wraiths. Il s'était préparé à la force et à la vitesse d'un de ses congénères. La lame du géant ripa donc contre la sienne alors qu'il la déviait, entrant dans sa garde.
Sa meilleure chance était de désarmer son adversaire, et ensuite de profiter de ses avantages naturels pour le vaincre à l'usure.
Sacrifiant sa dague, il la planta et lui disloqua l'avant-bras, faisant levier pour séparer le radius et le cubitus, et le forçant à lâcher sa propre lame. L'homme hurla de douleur, son instinct primaire de survie prenant le dessus. Il se mit à se débattre, cherchant à se débarrasser de son assaillant par tous les moyens, frappant et ruant indistinctement. Sa terreur empuantit l'air d'un fumet délicieux, qui poussa juste le jeune wraith à s'accrocher encore plus à sa proie hurlante.
L'homme tomba à la renverse, se cassant quelques côtes sous le choc. Sa douleur fit plaisir à Zen'kan, comme lui avait ressenti du plaisir à l'idée de ce qu'il comptait infliger à une innocente gamine. L'apprenti guerrier n'hésita pas longtemps. Il avait mal, il avait faim, et il voulait ressentir jusqu'à la dernière goutte la terreur de cette raclure.
Sa main trouva facilement un chemin dans le col de l'homme, et les crocs emplis d'enzyme, encore plus facilement dans sa chair. Un peu de sang s'accumula sous sa paume, chaud, vivant et tellement plein de promesses.
Le reste fut étonnamment facile. C'était comme boire à une source fraîche et claire. Délicieux et naturel.
La dernière pensée de l'homme fut une vaine pique de haine. Une ultime insulte. Zen'kan laissa la momie desséchée retomber. Quelle importance pouvait bien avoir l'avis d'un cadavre ?
Il se redressa lentement. Il se sentait bien, alors que les dernières traces de ses blessures s'estompaient. Autour de lui, le calme était revenu alors que ses frères neutralisaient les derniers survivants du peloton.
D'une pensée, le maître de la garde les rappela. Docile, Zen'kan récupéra ses armes perdues au combat et revint à sa place, en protecteur du commandant.
(1) Les schiitars, en langue Im'amî.
