Ce matin-là, j'ai du mal à me lever. J'ai dû m'endormir à, quoi… Quatre heures du matin ? Oui, dans ces eaux-là. Alors forcément, se réveiller à sept heures pour me préparer et être prêt pour les cours à huit heures, c'est dur.
Mon réveil sonne, je l'entends très bien et pourtant, je ne veux pas me lever. Vraiment, je n'ai pas envie. Tout ce que je désire, c'est rester dans ce lit et ne pas en sortir. Ni mon corps ni mon esprit n'ont oublié ce qui s'est passé hier soir. M'en rappeler me donne mal au ventre. Je me recroqueville sur moi-même, sous les draps que je ne veux pas quitter. Je ne veux pas non plus sortir de cette chambre, encore moins de chez moi, mais je sais que si je ne le fais pas, c'est mon père qui va venir me botter les fesses. Alors, je prends sur moi et je me redresse. Mes mains tremblent un peu et je me mentalise pour essayer de me contrôler. Je dois y aller. Mais j'ai peur.
Peter ne m'a pas fait grand-chose, quand on y pense, mais… Je crois que ça a suffi. J'ai un petit quelque chose en moi qui est endommagé, peut-être cassé. Ça se réparera, sans doute, mais en attendant… J'y pense, encore et encore. Je repense à ses lèvres qui se sont emparées de miennes, qui les ont torturées, malmenées, à cette langue qui a forcé le passage pour s'amuser avec la mienne… A ces mains qui m'ont tripoté les fesses, le torse, qui ont caressé ma peau, ces mains qui ont emprisonné les miennes au-dessus de ma tête, qui m'ont bâillonné pour m'empêcher de crier, d'appeler mon père à l'aide même si je ne suis pas sûr qu'il aurait pu m'entendre. Je repense à cette bouche, encore, qui a embrassé la ligne de ma mâchoire avant de maltraiter mon lobe d'oreille, puis de descendre s'occuper de mon cou, mes clavicules.
Il n'est pas allé plus loin. Il a préféré me laisser là, pantelant, dans un état étrange. Tétanisé, mais pas vraiment. Parce que… Je pouvais bouger, j'en étais capable, mais… Je n'ai pas réussi. Je l'ai laissé… Faire ce qu'il voulait et pourtant, je n'étais pas d'accord. Non, je n'étais pas d'accord ! Je n'ai pas aimé, je le sais, parce que quand je repense à ce qu'il s'est passé hier soir, je… Ma peau me brûle, les lèvres aussi et j'ai envie de frotter ces zones, comme si je pouvais effacer les actes de Peter de cette manière. C'est nul comme idée, mais je commence déjà à me gratter furieusement le cou, alors qu'il ne me démange même pas. C'est plus nerveux. Je suis nerveux. J'ai envie de vomir… Il faut que j'arrête d'y penser.
J'entends des coups retentir contre ma porte, ainsi que la voix de mon père, qui me presse de me lever. Je lui réponds mollement que j'arrive et je suis tout de même heureux qu'il n'ait pas ouvert. Je ne veux pas qu'il voie comment je suis actuellement. C'est… J'ai honte, je crois. Je veux dire… Il avait le dessus, c'est clair, mais je reste persuadé que j'aurais pu l'empêcher de me faire ça. Je ne sais pas comment, mais j'aurais pu. Et puis de toute manière, je devrais arrêter d'y penser. Il faut que j'arrête de dramatiser. Ce que Peter m'a fait… Ce n'était rien, juste… Il m'a juste embrassé et tripoté de manière superficielle. Il n'a pas franchi la barrière de mes vêtements, a juste tiré sur mon t-shirt pour accéder à mes clavicules… Rien de bien méchant. Je n'étais pas d'accord, mais ce n'est pas grave, il n'est pas allé très loin. « Calme-toi, Stiles, arrête d'y penser. Il ne t'a pas violé, alors arrête d'en faire tout un plat. » Voilà ce que je me répète pour me calmer et ça commencé à marcher, au bout d'un moment. Il faut que je relativise, que je dédramatise. Je n'aurai qu'à lui envoyer un message, lui dire le fond de ma pensée et cette fois, il ne fera rien, n'est-ce pas ?
Je suis quelqu'un qui a l'habitude de prendre sa douche le soir mais, pour cette fois, je vais faire une exception. J'ai besoin de me laver avant d'aller en cours.
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Je ne suis pas à l'aise quand je passe les portes du lycée. Je ne sais pas, je… Même si j'essaie de relativiser, je ne peux pas m'empêcher de repenser à hier soir et on ne peut pas dire que la fatigue de ma courte nuit m'aide à penser mieux et plus clairement. Juste avant de partir de chez moi, j'ai envoyé un message à Peter, lui répétant que ce qu'il avait fait était mal et que, vraiment, je tenais à arrêter. J'ai ajouté que je n'ai vraiment pas aimé sa manière d'imposer les choses, ni ce qu'il a fait. J'ai été assez clair, je pense et je me dis qu'il n'est pas bête, que cette fois, il comprendra.
Lorsque je vois Scott, je ne peux pas m'empêcher de sourire et quand il tourne la tête vers moi, il semble rayonnant. Moi, je ne le suis pas, mais sa bonne humeur est contagieuse alors je fais un effort, je prends sur moi et je presse le pas. Il me fait une accolade et me salue, avant de légèrement froncer les sourcils et de s'approcher de mon cou. En plus d'un simple sentiment de déjà vu, je ne peux empêcher mon corps de réagir par réflexe : j'ai un brusque mouvement de recul. Je ne sais pas pourquoi je me crispe autant, je… Je n'ai pas pu me contrôler.
- Stiles, ça va ? Me demande mon meilleur ami, les sourcils un peu plus froncés qu'auparavant, après s'être reculé.
- Ouais, je… Tu m'as juste fait peur. J'aime pas quand tu t'approches comme ça, d'un coup, c'est bizarre ! Pour renifler mon cou en plus… Je ne te connaîtrais pas aussi bien, j'aurais dit que tu étais attiré par mes phéromones, ce qui serait franchement bizarre quand on y pense… Tu imagines ? On est comme des frères ! Alors un mec attiré par les phéromones de son presque frère, c'est… Beurk.
Tout en parlant, j'esquisse une grimace de dégoût, parce que l'air de rien, je commence presque à croire à ce que je dis. Quand je dis que la parole est ma seule et unique arme contre le monde, eh bien… Elle l'est contre moi aussi puisque j'arrive parfois moi-même à m'auto-persuader de ce que je dis, du moins partiellement.
- Stiles, tu pars dans des délires trop bizarres quand tu t'y mets, grimace Scott, avant de reprendre son sérieux. Si ça peut te rassurer, je suis pas… « Attiré » par tes phéromones, comme tu dis, juste… Tu as toujours cette odeur en plus sur toi, elle est… Je ne sais pas, j'ai l'impression de la connaître.
Je me fige. Je pourrais lui dire, je le sais. Il ne me jugerait pas. Juger, ce n'est pas le genre de Scott. Non, ce qui me fait peur, ce sont les conséquences possibles d'un aveu de ce type. Parce que même s'il ne s'est rien passé de grave, je sais que Scott réagirait. Mais comme je suis persuadé que Peter lira et acceptera mon avis sur la situation et me laissera tranquille, je choisis de me taire.
- On ne dirait pas l'odeur de Derek…
Cette fois, je suis honnêtement surpris. Je ne peux d'ailleurs pas empêcher de légères rougeurs de colorer mes joues.
- Pourquoi tu parles de Derek ? Je lui demande sincèrement.
- Peut-être parce que tu l'aimes ? Me dit-il en souriant.
Je m'affole et regarde autour de nous puis soupire, soulagé, quand je constate qu'aucun de nos amis n'est dans le coin.
- Pas si fort et pas ici ! T'es dingue ? Je m'exclame.
Il rit et m'explique qu'il sait que les autres ne sont pas ici, qu'ils arriveront plus tard. Il se moque de mes joues rouges et de mon emportement soudain, mais ça reste bon enfant. On change tous deux de sujet et en compagnie de Scott, j'oublie peu à peu Peter et ce qu'il m'a fait. Ma peau me démange moins. Par moments, je me gratte un peu le cou, mais de manière assez légère et ma peau rougit à peine. Un peu mieux qu'à mon arrivée, je suis Scott en direction de la salle de notre premier cours de la journée.
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Il est midi et je suis… Mitigé. Les cours de la matinée se sont bien passés mais j'ai appris par Scott que la meute organise un repas autour du lac. Puisqu'on ne reprend les cours qu'à quatorze heures, Lydia – parce que c'est bien évidemment elle qui a eu l'idée – s'est dit que c'était une bonne chose et elle a envoyé Derek et Peter faire les courses pour un petit pique-nique et tout amener à l'endroit qu'elle a repéré. En pensant à Peter, j'ai mon ventre qui se tord. Il n'a pas répondu à mon message, mais j'espère qu'il l'a lu et qu'il ne m'en voudra pas. Je sais bien que depuis tant de temps passé seul, il a besoin d'affection et d'attention, mais… Mes sentiments pour Derek ne sont pas un prétexte pour jouer avec moi de cette façon. Je sais que je ne veux rien de lui et je ne veux pas qu'il profite de ma faiblesse pour… Pour quoi, en fait ? Pour gratter quelques bisous ? Une étreinte ? Une… Partie de jambe en l'air ? Je secoue intérieurement la tête. Bien sûr que non. Peter n'est sans doute pas allé à penser ça. Parfois, j'ai un peu trop d'imagination… C'est parfois pesant.
Une fois arrivé à l'endroit voulu, je descends de ma Jeep. Scott, derrière moi, cale sa moto et me rejoint.
- Ok, Lydia m'a donné d'autres indications, dit-il en regardant son téléphone. Normalement, c'est pas là !
Il pointe du doigt une direction et on s'enfonce entre les arbres. Deux petites minutes plus tard, on déboule dans une clairière avec un lac à côté. J'ai beau habiter à Beacon Hills depuis des années et connaître l'existence de ce lac, je n'y étais encore jamais allé. J'aime bien cet endroit et entendre le bruit de l'eau m'apaise un peu. Je rejoins les autres, on discute et j'évite sciemment de regarder Peter. En fait, j'essaie de ne pas penser à lui, de ne pas lui accorder d'importance. Mes lèvres, mon cou, toutes les zones qu'il a touchées me brûlent un peu, mais ça va, je me débrouille pour oublier comme je peux. Encore une fois, je fais ce que je peux pour dédramatiser la chose. Tout le monde s'installe et je suis assez surpris lorsque Derek s'installe à ma gauche. En revanche, je suis heureux de constater qu'à ma droite, Lydia s'est déjà assise. Je soupire discrètement de soulagement en constatant que Peter est à l'autre bout de la grande nappe. Je me détends un peu et je commence à manger ce qui est proposé. Je pioche un peu de tout, je me fais plaisir, je profite de ne plus vraiment ressentir cette espèce de nœud au ventre pour manger et me rassasier. Pour être honnête, je suis toujours fatigué, mais c'est tenable. Des nuits blanches, j'en ai déjà fait, ce ne sont donc pas trois heures de sommeil qui vont me tuer. Et pourtant, alors que j'ai fini de manger avant les autres, je commence à piquer du nez. Mes yeux se ferment tous seuls et je sens que je penche un peu sur le côté. Ma tête heurte doucement quelque chose.
- Stiles ?
Sa voix de rêve me sort brutalement de ma torpeur. Je rouvre les yeux et me redresse brusquement. Mon cœur bat vite, parce que je suis vraiment fatigué et qu'il n'a pas apprécié que je coupe si violemment le repos que mon corps a essayé de m'imposer. Je tourne la tête vers Derek, qui me regarde, perplexe.
- Oh pardon mec, je suis désolé, j'ai pas fait exprès ! Je m'écrie en esquissant un sourire crispé.
J'essaie de ne pas faire attention aux regards des autres sur moi. Ni à celui de Peter, qui brûle ma peau. La honte revient doucement et je suis incapable de soutenir plus longtemps le regard de Derek, qui me dit que tout va bien mais que simplement, je serais bien gentil d'éviter de le confondre avec un coussin. Je ne me braque pas face à sa remarque, à vrai dire, je le comprends. Je m'excuse une nouvelle fois, sans le regarder et j'entends progressivement les conversations reprendre autour de nous et je me détends un peu. Mon téléphone vibre et, pour m'occuper, je décide de regarder tout de suite la raison de cette vibration. Je me crispe un tantinet lorsque je vois qu'il s'agit d'un message de Peter.
« Ça, c'est ce qu'on appelle un recalage en bonne et due forme. »
Je fronce les sourcils. Je ne comprends pas cet homme. Il prétend vouloir m'aider et après il se moque de moi. Un autre message arrive et cette fois, un frisson court sur ma colonne vertébrale.
« Mais on n'a pas dit notre dernier mot. »
Je lui réponds aussitôt, car je vois qu'il n'a pas compris :
« Il me semble t'avoir déjà dit stop. En quelle langue je dois te le dire ? Je ne veux pas continuer. »
Je soupire, agacé et ne fais même pas attention à Derek. Je sais qu'il a tourné la tête vers moi, je le vois du coin de l'œil, mais je passe outre. Peter me répond déjà :
« Pauvre Stiles. Ne fais pas comme si ça ne t'avait pas plu. Tu t'es laissé faire. »
Cette dernière phrase est un constat. Mon ventre se tord, mes émotions commencent à émerger, je me sens mal. Parce qu'il a raison. J'ai cherché à le repousser un temps, puis… J'ai arrêté. Je lui ai laissé le contrôle de la situation. Je sais que j'avais peur et que j'étais tétanisé, au fond, mais quand j'y pense, peut-être que j'aurais pu… Je n'ai pas le temps de réfléchir plus qu'un nouveau message apparaît et me glace le sang.
« Qui ne dit mot consent. »
Je n'ai plus rien dit, je n'ai plus rien fait, parce que j'avais peur. J'ai accepté insidieusement ce qu'il m'a fait. Ce constat fait monter un dégoût énorme en moi. Pourtant, je sais que je dois arrêter de dramatiser la chose, mais je n'y arrive pas, pas alors que je sais qu'il me regarde et qu'il doit jubiler. Dans quoi je me suis embarqué ? Je lui écris presque en tremblant :
« Laisse-moi tranquille. »
Et je lâche mon téléphone, je le range dans ma poche et décide de ne plus y toucher pendant le repas. Le dégoût et le stress me font oublier momentanément la fatigue. Je regarde autour de moi et je constate que personne ne fait attention à mon odeur et tant mieux. J'essaie de me réintégrer dans certaines discussions et j'y parviens. Je fais tout, tout pour ne pas penser à cette angoisse qui m'a pris et s'accroche toujours à moi. Je veux croire que malgré tout, Peter sait que cette fois, je lui dis clairement les choses. Quoique, il me semble que c'est la troisième fois que je fais ça, mais je n'y fais pas vraiment attention. Je reste bloqué sur cette phrase, cette espèce de proverbe : « qui ne dit mot consent ». Alors je parle, je parle, je tente comme je peux de la mettre de côté.
Au bout d'un moment, tout le monde se lève et se met à ranger, je les aide tout en continuant de discuter avec eux. Mais, alors que j'allais rassembler certains déchets pour les mettre dans un sac poubelle, je sens une main toucher mon épaule et je me retourne un peu brusquement. Je relâche ma respiration, que je n'étais même pas conscient d'avoir retenue, quand je constate que cette main appartient à Derek. Je crois que c'est la première fois que je suis littéralement soulagé de le voir.
- On peut parler ? Me demande-t-il.
L'expression de son visage est indéchiffrable, par conséquent, je ne peux absolument pas prévoir le sujet qu'il va aborder. Je n'arrive même pas à voir s'il est en colère, normal, ou juste blasé. Je hoche la tête et le suis quand je comprends qu'il veut qu'on aille à l'écart. Je n'appréhende pas trop, parce que je n'ai pas peur de lui. Mes sentiments jouent peut-être aussi pour beaucoup là-dedans. Je ne le crains pas le moins du monde, même en repensant au passé où il ne cessait de me plaquer partout parce qu'il gérait mal son tempérament brusque et colérique. Lorsqu'il juge qu'on s'est assez éloignés de la meute – on a quand même marché deux bonnes minutes – Derek se retourne vers moi et me regarde, de bas en haut. Pourquoi j'ai l'impression qu'il me détaille ? J'enlève tout de suite cette pensée de ma tête. C'est idiot. Et je ne sais pas pourquoi, mais ma peau choisit ce moment-là pour me démanger. Ma joue, mes lèvres, mon lobe d'oreille, mon cou, mes clavicules… Peter m'a bien tripoté à d'autres endroits, mais sans toucher la peau directement. Encore une fois, je dois prendre sur moi pour ne pas y penser et m'empêcher de me toucher. Et pourtant, presque inconsciemment, je porte ma main à mon cou et je commence à gratter doucement ma peau.
- De quoi tu voulais parler ? Je lui demande en voyant qu'il ne semblait pas se décider à ouvrir la bouche.
Il me regarde, encore. Je remarque que ses sourcils sont froncés et qu'il a l'air, en même temps, perplexe. Je commence à être un peu mal à l'aise, mais ça va. C'est Derek qui est face à moi, pas Peter. Et intérieurement, je soupire. Il faut que j'arrête de penser à lui. J'essaie, encore une fois, de me dire que, cette fois, il va m'écouter.
- Tu t'es fait piquer ? Me demande plutôt Derek.
Je hausse un sourcil avant de me rendre compte que je me gratte toujours. Et même si ça me démange encore, je me force à arrêter, à éloigner ma main de mon cou. Je lui réponds, un peu gêné :
- Non, je… Ca me gratte, juste. Et si tu me disais plutôt de quoi tu voulais parler ?
- De toi.
S'il y a bien une chose qui ne change pas chez Derek, c'est bien cette franchise, cette honnêteté. Il a toujours été quelqu'un de direct, qu'il soit en colère ou non, et je crois que c'est l'une des choses que j'apprécie le plus chez lui. Toutefois, sa réponse me surprend, si bien que je ne peux cacher ma surprise.
- De moi ? Je répète.
Il acquiesce.
- De toi, confirme-t-il.
- J'ai fait quelque chose de mal ?
Il secoue la tête de droite à gauche et se rapproche légèrement de moi. Il n'est pas aussi brusque que Scott, alors j'arrive à empêcher mon corps de réagir. De reculer. D'avoir un mouvement de peur.
- C'est à cause de tout à l'heure ? Je demande, un peu préoccupé. Tu sais, je suis vraiment désolé. Je sais pas j'ai laissé la fatigue prendre le dessus, haha… Je n'ai pas vraiment dormi cette nuit alors j'ai un peu lâché la bride, j'aurais pas dû. Je ne comptais vraiment pas me servir de toi comme coussin, je te le jure !
Je le vois soupirer et s'approcher un peu plus.
- C'est pas ça, me dit-il. C'est ton odeur.
Je me crispe et fais ce que j'ai l'habitude de faire : noyer le poisson.
- Ah, toi aussi tu trouves qu'elle a quelque chose de différent ? Scott n'arrête pas de me dire ça, mais toi au moins, tu as la décence de ne pas te jeter sur moi… Sérieux, il me fait peur quand il fait ça ! J'ai l'impression d'être un morceau de viande, dis-je en grimaçant.
- Elle n'est pas simplement différente. Quelqu'un essaie d'ancrer son odeur sur toi, mais ce n'est pas encore assez pour qu'elle soit reconnaissable, et en même temps… Tu sens la peur.
Je ne dis rien, mais je suis clairement mal à l'aise. Est-ce qu'il est sincère ? Est-ce qu'il ne la reconnaît vraiment pas ? Et Peter… Je sais qu'il voulait vite fait que je sens un peu différemment, mais pour ça… Pas besoin de chercher à l'ancrer, il suffit de me toucher un peu, à la limite me prêter un pull pour déposer un peu de son odeur sur moi mais dans tous les cas… C'est nul. Je veux dire, je lui avais dit que c'était inutile. Et il a continué. Alors que les souvenirs reviennent me hanter encore et encore, je me force à les repousser et à me concentrer sur Derek. Il dit que je sens la peur… Est-ce que c'est si flagrant ?
- Tu as aussi senti la honte, la colère et l'anxiété, me dit le loup, l'air indéchiffrable.
- Comment tu as pu la sentir ? Personne n'a eu l'air de se soucier de mon odeur.
- C'était ténu, reconnaît-il, mais j'ai pu la sentir quand tu as commencé à t'endormir sur moi. Et après, j'ai simplement un peu plus ouvert mes sens.
Je ne sais pas vraiment comment réagir. En temps normal, je sais que j'aurais été heureux de savoir que Derek a potentiellement pu faire attention à moi. J'aurais trépigné sur place et je me serais empressé de raconter ça à Scott, un air de fierté collé au visage. Mais pas là, je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut-être que je ne vais pas si bien, que les réminiscences d'hier soir me perturbent plus qu'elles ne le devraient. Je sens la honte m'envahir à nouveau.
- Et… Quel rapport entre tout ça ? Je demande, espérant soudainement mettre fin à la conversation. Enfin, je veux dire… Tu ne m'as pas amené à l'écart pour me faire part de simples constats. Tout le monde aurait pu les entendre, je veux dire… C'est pas un secret.
- Le rapport ? Me dit-il en haussant un sourcil. Allons, ne fais pas l'idiot. Je pense que tu sauras aussi bien que moi faire le lien entre une personne qui essaie d'ancrer son odeur dans la tienne et ta peur, ta colère, ta… Honte.
Je ne suis effectivement pas bête, mais j'avoue ne pas y avoir pensé sur le coup. Je crois que je ne veux pas imaginer… Qu'il puisse avoir compris quelque chose. Je manque de sursauter lorsqu'il pose sa main sur mon épaule. Je ne relève pas la tête, je n'ose pas le regarder.
- Si tu as un problème, Stiles, tu peux m'en parler.
Son ton est presque doux et sa voix, chaude. Elle court sur ma peau et semble réduire à néant mes démangeaisons l'espace d'un instant.
- Si quelqu'un t'emmerde, tu ne dois pas hésiter.
La douceur dans sa voix… Il me prend tout à coup l'envie de lui dire. Vraiment, j'ai envie, mais… Qui ne dit mot consent. Je ne peux pas. J'ai accepté. Sans le vouloir, mais j'ai accepté. Je ne peux pas me plaindre. Mais surtout, il ne s'agit pas de n'importe qui. Je me mords la lèvre. Je ne peux pas lui avouer que Peter ne se montre pas très correct avec moi. Et puis, pourquoi je continue d'accorder de l'importance à ce qu'il a fait ? Ce n'est rien. Il n'est pas allé loin.
- Merci de ta sollicitude, lui dis-je sincèrement. Mais ça va, je gère.
- Tu es sûr ? Me demande-t-il.
Si je ne le connaissais pas, j'aurais presque pu dire qu'il est inquiet. Mais c'est Derek et je sais fort bien qu'il ne me porte pas dans son cœur. Ce qui me surprend, c'est l'intérêt qu'il semble me porter. J'ai laissé échapper tant de peur que ça ? Pour qu'il vienne m'en parler, il faut le faire. Cependant, je tiens à le rassurer. Il s'agit de son oncle et je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas détruire cette image de Peter qui a tant trimé pour se racheter auprès de Derek et de la meute. Si je parle de ses travers, je vais tout gâcher. Je me dis également que je peux garder ça pour moi, ce n'est pas grave, je finirai par oublier car tout va bien. Après tout…
- Je pense que oui, dis-je d'un ton un peu plus assuré.
… Je ne suis pas en danger.
