Mes doigts tapent sur le clavier avec une lenteur folle. Je suis fatigué. Deux jours que je planche sur ces recherches, deux jours que je dors peu, que je sacrifie de longues heures de sommeil pour essayer de me renseigner sur cette meute nomade. J'ai bien trouvé quelques petites choses, mais rien de bien probant. Je patauge, je stagne et je déteste ça. Je me mords la lèvre inférieure en regardant l'écran de mes yeux fatigués. Je regarde l'heure : trois heures du matin. Il faudrait que je dorme, je le sais, mais… J'ai un peu peur. Le peu de temps que je passe à dormir, je rêve de choses que je préfèrerais oublier. Sur le papier, ça paraît simple. Il s'agit juste de ne plus penser à ces mains et ces lèvres dont le contact m'ont horripilé. Sans pouvoir me contrôler, j'ai le ventre noué et la gorge qui s'assèche un peu. Je me lève, étire mon corps endolori d'avoir gardé la même position durant des heures et descends me chercher un verre d'eau. Une fois ceci fait, je me rassois sur ma chaise et me désaltère. Je fais une petite pause et je me saisis de mon téléphone pour surfer un peu sur internet. Je remarque des notifications en haut de mon écran. Je hausse un sourcil lorsque je vois un message de Derek qui remonte à une bonne heure. Mon portable a dû vibrer, mais je ne l'ai pas senti.

« Tes recherches avancent bien ? » - 1h57.

Je soupire de lassitude quand je repense à mon travail infructueux. Je décide de lui répondre, même s'il doit dans doute dormir à cette heure-ci. Au moins, ce sera fait.

« Pas trop. Je rame. » - 3h05.

Je n'ai pas l'habitude de faire de messages courts. Généralement, j'écris comme je pense et comme je parle : beaucoup. Je suis un hyperactif pur et dur. Mais là, je ne sais pas, je crois que… Je suis plus calme. Pourtant, à l'intérieur, ça bouillonne parce que ces deux derniers jours… Je ne saurais pas trop interpréter ce qu'il s'y est passé.

Peter m'a laissé tranquille. Plus ou moins. Il a, disons, diminué ses gestes incorrects, sans arrêter pour autant. Et puis, je ne sais pas s'il est sérieux, je crois qu'il a peut-être abandonné l'idée de rendre jaloux Derek pour m'aider. Hier par exemple, il m'a mis la main aux fesses, mais rien de plus. Lorsque je me suis retourné pour lui dire le fond de mes pensées, il a ri et a souri, en me disant de me détendre, qu'il n'allait pas me bouffer. Comme il avait l'air sincère, j'ai ri un peu avec lui, nerveusement. Et je me suis éloigné, je suis allé rejoindre Scott qui discutait, plus loin, avec Isaac et Lydia. Personne n'a rien vu, je crois. J'espère. Je ne sais pas si j'ai envie qu'on me pose des questions à ce sujet, parce que je crois que je ne saurais pas quoi répondre. Et, comme toujours, je ne veux pas faire de vagues, alors je ne laisse rien paraître. Je peux tout de même m'estimer heureux qu'il ne m'ait pas sauté dessus comme l'autre fois. Néanmoins, je ne peux pas m'empêcher de passer mes journées un peu crispé. J'ai l'impression qu'il peut surgir de nulle part, n'importe quand, peu importe l'endroit. Cette idée ne veut pas me quitter, je ne sais pas pourquoi.

Pour ma plus grande surprise, mon téléphone vibre et ce qui s'affiche à l'écran ne manque pas de l'accentuer.

« Va dormir. Tu continueras demain. » - 3h07.

« Non, pas tout de suite, je suis incapable de dormir maintenant. Et toi, qu'est-ce que tu fais encore debout ? » - 3h07.

Je m'installe un peu plus confortablement dans ma chaise et mon étonnement ne diminue pas. Que Derek m'envoie un message, c'est une chose. Qu'il me réponde rapidement à une heure aussi tardive, c'en est une autre. Un peu plus détendu, j'attrape mon casque et le branche à mon téléphone avant de le mettre sur mes oreilles. Lorsque je fais des recherches, j'évite toute distraction pour me concentrer à fond. Mais là, je mets un peu de musique, parce que je me dis que c'est toujours agréable que ça peut m'aider à me détendre. J'ouvre les yeux en grand après que mon téléphone ait vibré, encore.

« J'avais des trucs à vérifier. Pourquoi tu serais incapable de dormir maintenant ? Quelque chose te tracasse ? »

La joie étouffée de voir que le loup, pour qui mon cœur bat, s'intéresse à moi me force à répondre. J'ai peur de dormir et de rêver de Peter. J'ai la trouille de me réveiller, encore, en sueur, parce que je l'aurais imaginé en train de dépasser les bornes. Je ne sais pas pourquoi ça me marque autant… Ca ne devrait pas. Poussé par son intérêt rare et précieux mais également par ce mal-être en moi qui ne disparaît pas, je décide d'être un peu honnête avec lui, sans trop lui en dire non plus. Je tiens à ne pas foutre la merde. Néanmoins, je me dis que me soulager un peu ne me fera pas de mal. Peut-être, qu'au contraire, ça pourrait m'aider.

« Quelques pensées qui ne veulent pas quitter ma cervelle d'hyperactif. Rien d'important. »

La musique se change, elle passe sur un artiste que j'aime beaucoup, Adam Jensen. Il a cette voix si particulière, ce genre de voix qui marque, qui reste en mémoire. J'aime bien son style et les mélodies de ses chansons, avec ce côté un peu « rock » ou je ne sais quoi, couplé à cette voix rocailleuse. En général, ça me donne du peps, et j'en profite d'écouter Bad Luck pour ne pas m'endormir tout de suite, ici, assis à ce bureau.

« Tu veux en parler ? »

Je ne sais pas ce qui devrait me surprendre le plus actuellement : que Derek continue de me répondre en plein milieu de la nuit ou qu'il… S'intéresse à moi, tout simplement ? Je ne crois pas me souvenir d'une fois où l'on s'est autant parlé par SMS, et pourtant, cet échange-là n'est pas énorme. Enfin pour moi, ça l'est. Un très léger sourire étire mes lèvres. Je ne devrais peut-être pas, mais je suis content qu'il m'accorde cette attention, même si elle doit sans doute le retarder dans son coucher. Et son intérêt actuel m'aide à oublier ce qui me perturbe depuis quelques jours.

Alors que j'allais lui répondre, je sens une main s'écraser sur ma bouche et je panique d'un coup. J'essaie de crier, je lâche mon téléphone, je sens qu'on me retire mon casque, qui finit par terre dans un bruit atténué par la moquette. Je me débats, j'essaie de me libérer alors qu'un bras m'entoure, mais il est plus fort que moi et au bout de longues minutes de lutte, je me fige, tétanisé, lorsque je sens quelque chose de dur contre le bas de mon dos.

xxx

Neuf heures. Je suis dans mon lit, j'ai froid, je suis fatigué ou plutôt, épuisé. Je n'ai pas dormi de la nuit, même après son départ. Je me sens mort.

Mon père est venu essayer de me lever à sept heures, comme d'habitude, mais il n'a pas réussi. J'ai fait comme si j'étais malade. Il a vu ma tête épuisée, mes joues et mon nez rouges. Il m'a cru et est parti au travail sans chercher à me forcer à aller en cours. Je n'ai aucune force dans les jambes et pourtant j'ai réussi à me lever pour fermer ma porte et ma fenêtre à clé juste après son départ. J'ai peur. Même maintenant, je suis tétanisé.

Parce que je n'arrive pas à croire à ce qu'il s'est passé. Les images tournent en boucle dans ma tête, elles ne veulent pas me lâcher, ni me laisser tranquille.

Plus jamais je n'oublierai de verrouiller ma fenêtre.

« Alors, je t'ai manqué ? »

« Lâ-lâche-moi ! Je t'ai dit non ! Je ne veux pas ! »

« Tu crois être en position de force ? »

« Laisse-moi… S'il te plaît… »

Les larmes montent, j'ai envie de les lâcher. Je n'ai pas pleuré quand il m'a fait ça, ni après et en fait, j'ai l'impression que je commence à peine à réaliser ce qu'il s'est passé. Il ne m'a pas violé, mais… Il est allé bien plus loin que je n'aurais pu l'imaginer. Cette fois, j'en suis sûr : je lui ai dit non. De mes doigts fins, je serre les draps avec force.

Il m'a plaqué contre le mur. J'avais le ventre et la moitié du visage écrasé contre la tapisserie, sa main droite sur ma bouche, la gauche maintenant mes mains croisées dans mon dos. Il a profité de ma tétanie pour me lâcher un instant les poignets. J'ai entendu un bruit de tissu, puis j'ai senti mon pantalon de pyjama ainsi que mon boxer tomber. Mon ventre se tord à ce souvenir, je ne peux empêcher un sanglot douloureux de me secouer. A cet instant, je suis heureux que mon père soit parti. Je suis… Pitoyable.

Je me souviens parfaitement de la sensation de son membre sur mes fesses, lorsqu'il me tenait à nouveau en joue. Même s'il m'avait lâché à nouveau, je n'aurais rien fait, parce que… J'étais complètement paralysé, sous le choc. Et il s'est frotté, longuement. Ses râles appréciateurs sont gravés dans ma mémoire, tout comme ses mots.

« Un cul pareil… Ce serait du gâchis de le laisser à Derek. Il ne mérite pas un délice tel que toi. »

Il a pris du plaisir, cet enfoiré. Il a pris du plaisir à me terroriser, à me… A se frotter à moi. Je tremble et je ne peux pas m'empêcher de repenser à tout ça. Je n'arrive pas à diriger mes pensées vers autre chose. Mon corps entier me démange et je suis presque heureux d'avoir trouvé l'énergie et la force de prendre une douche directement après son départ, tout en étant discret pour ne pas réveiller mon père profondément endormi. Peter m'a sali. Ma chute de rein, mes fesses, mon ventre… Il a joui où il voulait, m'a touché à sa guise et je me demande si je dois m'estimer heureux qu'il ne m'ait pas pénétré. Ce qu'il m'a fait, c'était tout comme. Et pourtant, je ne suis même plus sûr de rien. Je l'ai laissé faire, c'est tout ce que je sais.

Je m'en veux. J'ai honte. Je… Je crois que je ne me suis jamais senti aussi mal de ma vie.

Mes yeux rougis par les larmes tombent sur mon avant-bras droit. Ah oui, il m'a griffé, j'avais presque oublié. Les plaies ne sont pas profondes, du moins pas assez pour me transformer en loup-garou. Je crois qu'il m'a fait ça au seul moment où j'ai tenté de me débattre. J'ai grossièrement désinfecté et bandé mon avant-bras avant de me coucher mais honnêtement, je ne sais pas si ça sert à grand-chose. Je ne souffre même pas de ces griffures. A vrai dire, j'ai tellement mal à l'intérieur que la douleur physique est invisible à mes yeux.

Mais ce que je sais, c'est que je suis en danger. Cette fois je le sais, je m'en rends compte. Il ne m'a pas violé, mais je sais maintenant qu'il en est capable. Qu'il le fera si ça continue comme ça.

Epuisés, mes yeux se ferment tous seuls malgré les larmes qui continuent de couler, mais je les rouvre aussitôt. Parce qu'à chaque fois que je les referme, je revois le membre érigé de Peter, ses mains sur mon corps et son sourire carnassier.

xxx

- Stiles, je suis heureuse de te voir ! S'exclame Lydia. Tu vas mieux ?

Je hoche la tête, paré de mon faux-sourire de compétition. C'est la première fois en trois jours que je reviens au lycée. J'avais besoin de temps, alors j'ai prétexté être malade pour justifier mon absence à Isaac, Scott, Lydia et les autres. Par chance, j'ai eu la présence d'esprit de leur envoyer un message groupé pour éviter qu'ils ne passent me voir à la maison. Scott a bien essayé, mais je l'en ai dissuadé en arguant que j'avais besoin de repos et c'était en partie vrai.

Je dors peu, si peu. Trop peu. Durant ces trois derniers soirs, Peter est passé une fois, il a réussi à rentrer je ne sais comment. Il a recommencé. S'est frotté à moi, m'a touché, sans pourtant aller jusqu'à mes parties intimes. Et moi, comme toujours, je suis resté là, simple spectateur de mon agression, transi de peur. Je ne sais même pas si je peux encore dire que j'étais tétanisé. Je n'en sais rien. Je n'arrive plus à réagir. J'ai l'impression que quelque chose ne va pas avec moi. Je suis cassé, je n'arrive plus à vraiment essayer de le repousser.

- Je suis encore un peu malade, mais ça va, ai-je prétexté, pour justifier mes cernes et ma pâleur, que je sais importants.

Je retiens un bâillement. Je suis si fatigué… Mais il faut que j'assure, que j'arrive à suivre les cours, aujourd'hui.

J'ai beaucoup réfléchi, ces trois derniers jours. Je ne suis pas idiot, cette fois, je sais très bien ce qu'il se passe. Je sais très bien que je n'ai pas à subir ça. Mais qu'est-ce que je peux faire ? En parler fracassera la meute. Tout le monde se fait confiance et croit en Peter, maintenant qu'il a… Changé. Si je fais ça, j'étiolerai cette confiance et je me dis que la plupart des membres commenceront à se méfier les uns des autres. Je ne veux pas briser la meute et pourtant je sais que c'est ce que je risque si ma langue se délie. Mais en même temps… Je ne veux pas continuer de vivre ça. Je n'en suis pas capable. Alors, j'ai pris une décision un peu nulle, mais j'espère qu'elle m'aidera à savoir quoi faire.

Je laisse Lydia, lui dis que je vais aux toilettes et je m'éclipse. Je sors mon téléphone de ma poche une fois que je me suis éloigné du point de rassemblement habituel de la meute et je balaie mon répertoire. J'essaie de ne pas penser au fait que je n'ai jamais répondu au dernier message de Derek. Je ne m'en sens pas le courage tout de suite. Mon doigt appuie sur le nom d'un contact auquel je n'ai pas l'habitude de parler régulièrement.

Jackson.

Avant de perdre le peu de courage que j'ai encore, je tape un message rapide et clair.

« Si tu avais un problème et qu'il suffisait de parler pour t'en libérer, mais que parler aurait de grosses conséquences autour de toi, tu ferais quoi ? »

Pas de bonjour, pas de « désolé de te déranger », je tremble déjà, j'ai eu besoin d'aller droit au but. Lui et moi, on se parle rarement, mais je sais que je peux lui faire confiance. Pour être honnête, du moins. Parce que c'est effectivement d'honnêteté et d'objectivité dont j'ai besoin. Et puis, c'est Jackson : l'avantage, c'est que, me concernant, il ne cherchera pas plus loin. Comme Derek, il ne me porte pas dans son cœur. Il me tolère, parce qu'on fait partie de la même meute et on se serre les coudes quand il y en a besoin. On se sauve la vie, parfois. Mais jamais, ô grand jamais, nous n'avons eu une parole amicale l'un envers l'autre. C'est pour ça que je me dis qu'il passera directement à autre chose, s'il me répond. Il n'aurait aucun intérêt à informer qui que ce soit de mon message.

Et c'est justement ça, le point positif.

J'ai songé à poser cette question à Scott, mais je me suis tout de suite ravisé. C'est mon meilleur ami. Si je lui laisse entendre que ça ne va pas, il va tout de suite chercher à savoir ce qu'il passe, il va creuser et lui en parler risquerait de ne pas me laisser le temps de prendre une décision par rapport à ce qu'il m'arrive. Et j'ai besoin de temps, parce que je n'ai toujours pas digéré.

J'oublie Lydia que j'ai laissé en plan et je vais devant ma salle de cours. Dès qu'elle est ouverte, j'entre et je m'installe. Je me gratte, le cou, parfois les poignets. Ça me démange sans arrêt. Partout. Mais je me retiens ou bien la quasi intégralité de mon corps finira rouge en moins de vingt minutes.

Dix minutes plus tard, tout le monde est là, le cours commence. Mon téléphone vibre et je regarde discrètement l'écran sous mon bureau. J'essaie de ravaler ma bouffée d'appréhension lorsque je vois un message de Jackson apparaître.

« J'aurais parlé. Si tu as un problème, quel qu'il soit, tu dois en parler. »

Suivi d'un deuxième.

« Qu'est-ce qui t'arrive ? »

Je suis étonné par la soudaine bienveillance de Jackson, je m'attendais soit à une absence de réponse de sa part, soit un message court et sec. Je réponds fébrilement lorsque je vois que le professeur écrit au tableau.

« Rien, c'était juste pour savoir. Ne parle de ma question à personne, c'est un peu la honte de se demander des trucs comme ça mais je me suis souvent demandé ce qui serait le mieux si ça arrivait. Question d'éthique, tout ça. J'ai parfois l'esprit un peu torturé et je pense à tout et à n'importe quoi, tu me connais. »

J'envoie en me mordant la lèvre inférieure. J'espère avoir réussi à noyer le poisson et je lâche mon téléphone pour me concentrer sur le cours. La froide logique des mathématiques devrait réussir à camoufler encore mieux mon odeur. Réfléchir à des choses sans âme, ça aide.

xxx

Quelques heures plus tard, je grimace. J'avais oublié. Scott m'avait effectivement dit qu'on aurait une réunion de meute aujourd'hui après les cours. J'avais oublié et j'avoue que ça ne m'arrange pas. Mon plan, c'était de rentrer chez moi, me calfeutrer dans ma chambre et de ne pas en sortir jusqu'au lendemain. Faire semblant et camoufler mon odeur, c'est franchement difficile, surtout que je suis vraiment fatigué… Ces derniers jours, je dors à peine. C'est dur pour moi de dormir sans me réveiller en sursaut, après avoir imaginé Peter au-dessus de moi. Ses gestes et son sourire me hantent, j'ai vraiment du mal à penser à autre chose. Ça me bouffe, ça me ronge. Lorsque je me retrouve seul, je me permets de trembler. Mais quand un des membres de la meute entre dans mon champ de vision, je redeviens une pâle copie de moi-même. Officiellement, je suis toujours légèrement malade et l'avantage, c'est qu'ils n'ont pas l'air de faire attention à mon rythme cardiaque. Ils me font confiance, à tel point qu'ils ne voient rien.

J'ai une boule au ventre en sortant de ma Jeep. Je ne sais pas ce qui est le mieux. En fait, je ne sais pas ce que j'aimerais le plus. Que tout continue et que la meute reste intacte ? Ou bien qu'ils découvrent la vérité et me protègent de Peter mais qu'une partie de la meute vole en éclat ? Parce qu'on est une meute à part. On laisse toujours une chance aux gens, même à ceux qui ont été contre nous par le passé. Et le problème, c'est que la culpabilité de Peter pourrait mener à la méfiance et au rejet de cette catégorie-là. Je n'aime toujours pas Théo, mais j'apprends à le supporter et je sais de source sûre qu'il est complètement repenti. On a pardonné à Jackson la catastrophe avec son kanima, et bien d'autres… Je ne veux pas qu'ils deviennent des dégâts collatéraux à cause de moi.

Je monte, peu serein. J'ai envie de rentrer chez moi et de dormir, même si je sais que mes souvenirs risquent de me poursuivre dans mon sommeil. Devant la porte, je suis à deux doigts de tourner les talons et de partir, mais on m'ouvre car on m'a entendu arriver. Je salue Isaac, je rentre, puis je fais de même avec les autres. Par chance, Peter n'a pas l'air d'être encore arrivé alors je me détends un peu. Le loft se remplit petit à petit et finalement, il arrive. De mon côté, je fais comme si tout allait bien et je reste avec Scott, Lydia et Liam. Je refuse d'être seul, de peur de finir par me retrouver coincé avec lui je ne sais où.

Lorsque tout le monde est là, on s'installe et cette fois, je me mets dans un coin d'un des deux canapés et espère de tout cœur que quelqu'un prendra la place libre à côté de moi. Tout le monde m'irait comme compagnon de canapé. Tant que ce n'est pas Peter… Je sursaute presque lorsque je vois Derek s'installer à côté de moi. Je ne sais pas si c'est mieux… Il tourne la tête vers moi et me regarde étrangement. Je fais mine de m'intéresser à autre chose pour cacher ma gêne et mon mal-être et la malchance doit être contre moi puisque je vois Jackson, un peu plus loin, qui me fixe, l'air indéchiffrable. Pour le coup, je n'y fais pas plus attention que ça et je me mets à surfer sur mon téléphone pour ne pas tourner de l'œil. Je suis vraiment fatigué et chaque mouvement, chaque respiration, chaque pensée me donne envie de me laisser aller et de dormir. Mais je vais rêver et ça ne sera pas de tout repos. Bordel, je veux rentrer chez moi… J'ai la gorge qui se noue, mon ventre qui se tord et je suis incapable de contrôler le stress qui monte en moi. Toutefois, j'essaie de rester calme en apparence et je réponds présent lorsque Scott m'appelle pour me faire exposer le résultat de mes recherches. Je me lève, je branche mon ordinateur et penser à mes maigres résultats me dépite, mais au moins je songe moins à ce qui me ronge. Ce qui me fait toutefois frémir, et j'espère que personne ne l'a remarqué, c'est de sentir le regard brûlant de Peter sur moi, même si je me retourne.

J'expose le peu que j'ai trouvé, les identités de quelques membres de cette meute nomades, des éléments un peu nuls mais durement trouvés et à la fin de mon piètre exposé, je m'excuse auprès de Scott pour le peu d'information que j'ai. C'est Isaac qui me répond que ce n'est pas grave et qui me conseille d'abandonner les recherches pour le moment et de me reposer parce que j'ai des cernes de panda. Je ris pour cacher ma gêne et je pars me rassoir à ma place, tout en continuant d'ignorer autant que possible le regard insistant de Peter. C'est au tour de Liam de parler, de faire part de certaines choses qu'il a pu observer en ville et je sens soudain un souffle contre mon oreille. Je me raidis brusquement, par habitude, mais je me calme aussitôt lorsque j'entends la voix de Derek me chuchoter à l'oreille :

- Tu ne m'as jamais répondu.

Je tourne la tête vers lui et mets quelques secondes à comprendre de quoi il parle à cause de la fatigue qui ralentit mon esprit. Sa voix si basse est douce, elle me berce. Il a raison, je n'ai jamais répondu à son dernier message. Mon visage est près du sien, mais j'essaie de faire abstraction. Si j'allais mieux, j'aurais sans doute rougi de cette proximité, ou bien bégayé quelque chose pour cacher ma gêne. Pas cette fois.

- J'ai oublié, je murmure.

En soi, ce n'est pas faux et j'espère réellement que mon cœur ne m'a pas trahi. Par habitude et parce que ça me démange, je gratte mon avant-bras à travers la manche de ma chemise sans faire attention. Je vois son regard dévier puis descendre et je le suis. Je me rends compte avec horreur que ma manche est remontée et laisse entrapercevoir mon bandage. Je déglutis et la baisse vite, jusqu'à mon poignet. Mais c'est trop tard, je sais qu'il a vu. Je deviens vite nerveux quand je vois son regard empli d'incompréhension. Il semble me renifler puis je le vois froncer les sourcils. Quelque chose de nouveau semble éclairer son regard, mais pas de manière positive. Il se penche à nouveau vers moi et je l'entends me chuchoter :

- Il va falloir qu'on parle.